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BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERN
/\/w%nM%/%/\n'wwv%i\/%/%/Wkj%\/\j9is/\f%/v%f%/\/v%
VAU — VILLA,
DE L'IMPRIMERIE D'ÉVERAT,
RUE DU CADRAN, N". l6.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE,
ANCIENNE ET MODERNE,
ou
HISTOIRE, PAR ORDRE ALPHABETIQUE, DE LA VIE PUBLIQUE ET PRIVEE DE
TOUS LES HOMMES QUI SE SONT FAIT REMARQUER PAR LEURS ECRITS ,
LEURS ACTIONS, LEURS TALENTS, LEURS VERTUS ET LEURS CRIMES.
OUVRAGE ENTIÈREMENT NEUF,
RÉDIGÉ PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES ET DE SAVANTS.
On doit des égards aux vivauts ; un ae doit aux luorts
que la vérité. (VoLT. , première Lettre sur OEdipe.)
TOME QUARANTE-HUITIÈME.
A PARIS,
CHEZ L. G. MICHAUD, LIBRAIRE - ÉD ITEUR ,
PLACE DES VICTOIRES , N". 3.
BfîLfOTHfCA
b^v^.'^^/*'^' %^*^^^
SIGNATURES DES AUTEURS
DU QUARAISTE-HUITIÈME VOLUME.
MM.
MM.
A.
Barante.
M— Dj.
MiCHAUD jeune.
A. B— T.
Beuchot.
M— É.
MONMERQUÉ.
A-D— R.
Amar Dorivier.
M — G — R.
MiGER.
A. R— T.
Abel-Remdsat.
M LE.
Mentelle.
A T.
H. Audiffret.
M— n — D.
MONNOD.
B-r.
De Beatjchamp.
M ON.
Marron.
Bu— N.
BtJCHON.
M— s— N.
De Maussion.
C. T— T
Coquebert de Taizt.
P— c— T,
Picot.
C V R.
CCVIER.
P— OT.
Pari SOT.
D— G— S.
Desgenettes.
P — RT.
Philbert.
D — M — T.
Demusset-Pathay.
P— s.
Pjériès.
D— N— U.
Daunou.
Q.Q
QCATREMÈRE DE QuiNCT.
D-P.
Depping.
R— c— D.
Richerand.
D— R— R.
DcRozoïn.
R— D— N.
Renauldin.
D-s.
Desportes-Boschehon.
R M — D.
Raymond.
D— z— s.
DezOS de la PiOQUETTE.
R-T.
Roquefort.
E— s.
Eyriès.
s. D. S-T.
Sn VESTRE DE SaCY.
F— A.
Fortia-d'Urbait.
s RD.
SiCARD.
F. P— T.
Fabien Pillet.
S. S-i.
SiMONDE-SiSMONDI.
G CE.
Gence.
St T.
Stassart.
G — RD.
Gdérard.
s — V — s.
De Sevelinges.
G-Y.
Gley.
T— D.
Tabaraud.
H— Q-N.
Hennequin.
T. D. B.
Thiébaut de Berneaud.
J. M— T.
MiCHELET.
Ug— I.
Ugoni.
L.
Lefebvre-Catjchy.
U— I.
Ustéri.
L B E.
Labouderie.
V-G-R.
ViGUIER.
L — c — J.
Lacatte-Joltrois.
V. s. L.
Vincens-Saint-Ladrent.
L — DE.
Lestrade.
V— VE.
VlLLENAVE.
L p E.
HlPPOLITE de Laporte.
W— S.
Weiss.
L — s E.
Lasalle.
Z.
Anonyme .
L-Y.
LÉCCY.
BIOGRAPHIE
UNIVERSELLE.
V
VaU (Louis). V. LavAu et Le-
VAU.
VAUBAN ( Sebastien Le Pres-
TKE de) , maréchal deFraucc, naquit
en i6j3, à Saint-Léger de Fouche-
z'et, près de Saulieu en Bourgogne,
d'Urbain Le Prestre et d'Aime'e de
Garmagnol. Son père mourut au ser-
Tice, laissant une fortune dérangée,
une veuve qui le suivit de près j et
des enfants sans ressource. La terre
de Vauban fut mise en séquestre , et
celui qui devait en illustrer le nom
se vit orplielin dès l'enfance , sans
protecteur et sans appui. M. De
Fontaines, prieur de Saint -Jean à
Semur , le recueillit ■ lui apprit à
lire, à écrire, à calculer, et lui
donna les premiers éléments de géo-
métrie. Vauban vécut ainsi jus-
qu'à sa dix-septième année , avec
des compagnons rustiques , dont
il partageait les jeux et souvent les
travaux. Des courses dans les mon-
tagnes , de violents exercices , le ren-
dirent agile et robuste. C'est au milieu
d'une population livrée à une vie la-
borieuse et pénible, qu'il reçut ces
premières impressions qui se renouve-
lèrent plus tard , et le déterminèrent
à s'occuper du projet de soulager le
XLVIU.
peuple , dont il avait connu la misè-
re. L'indépendance où le laissait
vivre le prieur de Saint - Jean fi-
nit par l'ennuyer. Il se sentait ap-
pelé à d'autres destinées. Le sou-
venir de son père , l'exemple de
ses oncles , de ses frères , de tous ses
parents , qui , au nombre de onze ,
étaient sous les armes, lui faisaient
honte de son oisiveté. Seul , ne pre-
nant conseil que de lui-même, il s'é-
chappe , à peine âgé de dix-sept ans,
et se rend à pied à l'armée espagno-
le , dans le régiment du grand Cou-
dé , qui le reçut comme cadet. Il dut
bientôt à sa bravoure, autant qu'à
sa naissance , le grade d'officier.
Faisant marcher de front l'étude et
le service , il acquit rapidement de
l'instruction , réfléchit sur les diver-
ses parties de l'art militaire, et se
décida pour celle qui exigeait le plus
de connaissances , et dans laquelle
l'art funeste de détruire les hommes
peut être soumis en quelque sorte à
l'art de les conserver. Il devint in-
génieur, et comme le dit, avec autant
d'élégance que de justesse, un auteur
digne de l'apprécier : « Les travaux
» des fortifications souriaient à son
» génie, et les dangers des sièges plai-
1 VAU
» saicntà son courage » (O- Ce fut
à Clermont qu'eurent lien ses pre-
miers travaux eu celte qualité. Com-
me il s'occupait des fortilications de
cette place , il fut appelé au siège de
Sainte -Menehould. Au moraent de
l'assaut, il se jette dans la rivière,
et la traverse à la nage sous le feu
de l'ennemi, étonne' de sou audace.
Cette action hardie le fit connaître;
son nom retentit dans le public , et
ce fut ainsi que ses parents appri-
rent pour la première fois de ses nou-
velles. Ayant été arrêté par un parti
de royalistes, il fut conduit à Ma-
zarin , déjà instruit de ses exploits.
Ce ministre l'accueillit d'autant
mieux , qu'il ne voulait pas laisser
dans les rangs des ennemis de l'état
un of&cier de ce mérite. Vauban ,
d'ailleurs , séduit par l'éclat des lau-
riers de Gondé , n'avait eu d'autre
motif que d'en cueillir sous ses
drapeaux. Mazarin obtint pour lui
une lieutenance dans le régiment
de Bourgogne. Bientôt Yauban va
rejoindre le chevalier de Clerville,
l'ingénieur le plus renommé de ce
temps. Il assiège et reprend avec
lui Saiute-Menehould , puis Stenay,
où il reçoit ime blessure , et trois
mois après , reparaît sous les murs
de Clermont. C'est dans cette ville
qu'il obtint (i655 ) le brevet d'ingé-
nieur, objet de tous ses vœux. Plein
d'ardeur, il dirige, dans la même
année, sous les yeux de Clerville, les
attaques de Landrecies, de Coudé ,de
SaintGuislain. Etonné de ses succès,
le maréchal de La Ferté lui en fait
voir de plus grands dans l'avenir,
et lui donne une compagnie dans son
régiment. Mazarin lui accorde une
gratification , et lui adresse des
(i) M. Allent, Hisl. du Corps du génie, u , 45.
VAU
éloges qui ne sont pour lui que
l'obligation d'en mériter de nou-
veaux. Il s'expose à Valenciennes,à
Montmédy, est blessé plusieurs fois ,
et continue de s'exposer encore. C'est
à vingt - cinq ans ( i658 ) qu'il
trouve l'occasion d'essayer les inspi-
rations d'un génie qui commençait
à se développer ; et il peut les
écouter et les suivre dans la direc-
tion des si('gcs de Gravelines , d'Y-
prcs et d'Oudenarde , qui lui furent
confiés. Il ne s'y livre toutefois qu'a-
A'cc cette méfiance de soi-même qui
accompagne toujours le vrai mé-
rite , mais qui nuit quelquefois
aux élans du génie. Six années de
paix ne sont point pour Vauban
six années de repos : les Anglais
venaient de céder à la France l3un-
kerque , Fort - Louis et Mardick
(1662). Louis XIV sentant l'impor-
tance de ces places, et voulant en
faire le boulevard de l'état contre les
Espagnols, qui possédaient l'Artois ,
jugea Vauban propre à seconder ses
vues. Il lui confia !e projet des ou-
vrages et la direction des travaux
nécessaires pour l'exécuter. Vauban
justifia ce choix, et sut concilier les
intérêts du commerce avec la défen-
se des places , au moyen d'un canal
de communication qui pouvait au
besoin remplir ce double objet. La
guerre ayant recommencé en lôô-j ,
Vauban réduisit à capituler la plu-
part des places de la Flandie.
Après avoir disposé les travaux de
Cherbourg, qu'il était chargé de
fortifier , il passe à Douai. Une
balle le frappe à la joue et lui laisse
une cicatrice honorable , que Le
Brun et Coisevoy ont su reprodui-
re, le premier dans le portrait, et le
second dans le buste de ce grand
homme. Cette blessure ne l'empêche
point de conduire le siège de Lille.
VAU
Louis, témoin de ses succès, le nomma
lieutenant de ses gardes, ajoutant à
cette faveur une pension , et , ce que
Vaubau estimait davantage, un éloge
public. Quelque gloiieuses que fus-
sent ces conquêtes, le roi n'y mettait
de prix qu'autant qu'elles seraient
durables : l'art de les conserver, en
améliorant les places fortes enlevées
à l'ennemi , et en lui opposant de
nouvelles barrières , fut confié à
Vauban. Ses talents et leur heureux
emploi lui avaient déjà donné une
telle célébrité, que rien en ce genre
ne se faisait , ne se projetait même ,
sans qu'il fût consulté. Juge de ses
maîtres , il est appelé, par Louvois,
à donner son avis sur les projets de
Clerville et de Mesgrigny, pour pren-
dre les places de la Francbe-Com-
té^ conquête aussi rapide que glo-
rieuse. Chargé de tous les travaux
de la Flandre, Vauban fut nom-
mé gouverneur de Lille. C'est alors
qu'il fit consti-uire le plan en re-
lief de cette place et de la citadelle^
chef-d'œuvre de l'art , qui fut en-
voyé au roi (2) , et placé dans la ga-
lerie du Louvre. Autour de ce relief,
le premier de tous , se groupèrent _,
dans un court espace de temps , les
plans des autres places. Telle est l'o-
rigine de cette belle galerie des plans
en relief qu'on voit aux Invalides. Le
mérite et les talents de Vauban
étaient devenus si précieux , que sa
présence eût été nécessaire à-la-fois
sur tous les points. Pendant qu'il
créait la frontière du Nord , Louvois
lui donnait l'ordre de visiter les pla-
ces du Midi. Ce ministre étant char-
gé d'une négociation auprès du duc
(a) Ce premier plan fut fait par un nommé
Sauvage. En i8i5, les Prussiens, au mépris des
conyentions , enlevèrent vingt - un reliefs c[ui
étaient ceux des places de la frontière, depuis
Dunkerque , juscpi'au Fort-LouiB sur le Rhiu.
VAU 3
de Savoie , l'emmena avec lui •
et il étudia les places de Verrue
Vcrceil , Turin , Pignerol , et fit
des plans pour les fortifier. Il retour-
na bientôt en Flandre , et poursui-
vit les travaux de Dunkerque avec
une infatigable activité. Trente mille
hommes y furent employés : Louis
XïV fut témoin de l'ordre merveil-
leux qu'il établit. Les troupes pas-
saient successivement du camp aux
travaux , des travaux au camp 5 on
se relevait de quatre en quatre heu-
res , sans qu'il y eût le moindre trou-
ble. Vauban ne se contentait pas de
pratiquer son art ; sans cesse il
lui faisait faire de nouveaux pro-
grès , enfin il le porta bientôt à
sa plus grande perfection. Le sys-
tème des inondations , ce grand
moyen de défense était incomplet,
et nuisait même souvent à ceux
qu'il devait garantir- Vauban eu
fit disparaître tous les inconve'-
nients , et il en augmenta l'utilité.
Attentif aux moyens de conserver
les hommes, il ménagea entre l'inon-
dation et la placedcA'astes terrains, où
l'on pouvait , pendant le siège , cul-
tiver des légumes et faire paître des
bestiaux. Il parvint en outre à tenir
à volonté les fossés secs ou pleins
d'eau. Au milieu de ces travaux ,
Louvois l'invita à rédiger son sys-
tème sur l'attaque des places j et
ce fut ce qui lui donna occasion de
composer le Mémoire pour servir
d'instruction dans la condidte des
sièges , titre de son premier ou-
vrage. Il y signale les fautes com-
mises jusqu'à lui, indique les moyens
de les éviter , et propose d'iieureu-
ses innovations , telles que le dé-
veloppement des tranchées , les feux
croisés , l'usage du canon pour
commencer la brèche, et celui des
boulets creux, pour disperser les ter-
I..
4 Vau
res. Il termine en établissant la né-
cessite de consacrer une troupe
spéciale , pour le service du génie
et pour les travaux des sièges.
Lorsque les Hollandais formèrent
en i6'j3 une ligue contre Lcuis XIV,
ce monarque transporta chez eus
le théâtre de la guerre^ et suivit
sou armée , accompagné de Vau-
bau , qui dirigea les principaux,
sièges ; et fit raser ou fortifier les
places conquises. L'année suivante ,
Maëstriclit étant menacé , le prince
d'Orange accouiiit pour garantir cette
ville ; mais elle venait d'être investie
quand il arriva : ou fit plusieurs pro-
jets d'attaque; celui de Vauban fut pré-
féré. Contre l'usage , qui mettait les
travaux sous les ordres de l'officier-
général de tranchée , il fut exclusive-
ment chargé de leur direction , ne
recevant d'ordres que du roi. C'est
devant cette ville qu'il inventa le
système des parallèles et qu'il fit
subir à la théorie des attaques d'u-
tiles modifications. Le treizième jour
la place capitula. Son importance
attira toute l'attention du créateur
de la défense des places : pour con-
server celle-là , il fit un projet vaste,
admiré du grand Condé. Mais pen-
dant qu'il mûrissait ce plan , on
avait besoin de l\ii pour prendre
Trêves. Faisant marcher de front
les méditations lentes du génie ,
et l'activité de l'exécution, il court
sous les murs de cette ville , re-
connaît les fortifications , trace le
plan d'attaque , et sans attendre la
reddition dont il avait déterminé
l'époque , va rejoindre le roi, qui le
demandait pour visiter les places de
la Lorraine et de l'Alsace. Les alliés
de Louis XIV sentirent alors qu'en
l'aidant à accroître sa puissance , ils
finiraient par se donner un maître :
ils l'abandonnèrent , et le monarque
VAU
se vit forcé de renoncer à une
partie de ses conquêtes. Mcnarcé de
toutes parts , il se liàta de fortifier
les ports de la côte, et de les mettre
en état de repousser l'attaque de la
flotte hollandaise , redoutable à cette
époque. Après avoir indiqué les ou-
vrages défensifs , particulièrement de
l'île de Ré , qui était le point le plus
exposé , Vauban en confie l'exécution
à d'habiles iugénieurs , parcourt les
places de Flandre, se rend auprès du
roi , qui envahissait la Franche-Com-
té, et dirige le siège des principales vil-
les. Apprenant (pie les ennemis, bat-
tus à Senef par Condé , investissaient
Oudenarde , il court se jeter dans
cette place , et repousse- les as.sié-
geanls, qui sont obligés de se retirer.
Le roi , pour le récompenser de tels
services , le nomma brigadier de ses
armées ( 1674)- L'année suivante ,
les chances de la guerre réduisirent
à la défensive Luxembourg et Condé,
jusqu'aloi'S agresseurs et victorieux.
Vauban parcourt la ligne des places
fortes , prêt à se jeter dans la plus
importante. Pour défendre les autres,
il donne à des ingénieurs habiles des
instructions écrites , et semble ainsi
se multiplier lui-même. Il dépose^
dans ces instructions , le fruit de son
expérience , prévoit les dilTc'rentes
combinaisons , et par des maximes
générales , met tout le monde à mê-
me de les déjouer. Toujours animé
de l'amour de l'humanité , dans
un métier où l'on ménage peu la
vie des hommes , il prescrit tout
ce qui tend à la conservation du sol-
dat. Ce fut surtout dans cette cam-
pagne (1675) , qu'il montra tou-
te la noblesse de ses sentiments ,
et combien il était exempt de jalou-
sie. Cohorn , son rival dans l'art des
sièges , mécontent du prince d'O-
range, offre ses services à la France,
VAU
et fait connaître une de ses inven-
tions dont on pourrait tirer le plus
grand parti. Vauban, consulte , l'ap-
prouve et conseille d'accueillir Go-
liorn ( V. CouoRN ). Pendant que les
troupes preuaient des quartiers d'hi-
ver , et se reposaient des fatigues
de la campagne, Yauban surveillait
les travaux. Loiivois voulut qu'il for-
tifiât Alost; mais il détourna le mi-
nistre de ce projet , en démontrant
les inconvénients des places isolées ^
qui n'empêchent jamais une invasion^
et forcent à y jeter des troujies qu'on
laisse ainsi dans l'inaction. 11 Ht e'ga-
lement sentir au ministre l'avantage
de la possession d'Aire , de Condc, de
Valenciennes , et prépara le siège de
ces places. Afin d'empêcher leurs
garnisons de profiter de l'inonda-
tion pour se secourir, il s'en empare
au moyen de galiotes et de halleries
llottautes. Le succès repondit à ses
vues. Au siëgc de Valenciennes , il
voulut attaquer en plein jour , et lut-
ta contre les maréchaux de Schom-
berg , de LuxemlDourg , de Lorges ,
de La Feuillade. Louvois , Mon-
sieur , et Louis XIV, partageaient
l'avis de ces gêne'raux , qui px-e'fë-
raient l'obscurité pour protéger les
assiégeants. Vauban insiste (3) , le
roi se rend , et Valenciennes est pris.
Cambrai demande plus d'ellorts :
un officier veut brusquer l'attaque
d'un ouvrage avancé : Vauban s'y
oppose • « Vous perdrez , dit- il
» à Louis XIV, qui était de l'a-
» vis de l'officier , tel homme qui
» vaut mieux que le fort. » On
passe outre; et les assaillants sont
taillés en pièces : « Une autre fois je
» vous croirai, dit le monarque. »
(3) SoQ motif était H'emprclier qu'une partie
des assiégeants ne tirât sur l'autre, que la nuit
u(! favurisât la pnsillimiraitc des làrlies , et surtout
que les méprises et le défont d'accord ue lisbcnt
lu.inquer le plan d'altaquu.
VAU 5
Cependant , impatienté de la ré-
sistance des assiégés , ce prince
veut donner l'assaut , et propose de
ne point faire grâce aux trois mille
assiégés. Les généraux gardaient le
silence; Vauban seul représente au
roi que son projet est contraire aux
lois de la guerre , que la place serait
prise plus promptement à la vérité :
« Mais, Sire, ajouta-t-il , j'aimerais
» mieux avoir conservé cent soldats
» à VotreMajesté, que d'en avoir oté
» trois mill-e aux alliés. » Louis aban-
donne son projet , et la cour ad-
mire la noble franchise de Vauban.
Pendant cette campagne , il avait
reçu un brevet de maréehal-de-camp,
avec nne pen.^ion et une gratification
de vingt-cinq raille écus. Aucun siège
important ne se fit désormais sans
son intervention. Le maréchal d'Hu-
mières et Créqui le demandèrent à-
la-fois : le premier , pour le siège de
Saint-Guislain ; le second, pour celui
de Fribourg. En l'accordant au ma-
réchal , le ministre lui recomman-
da , au nom du roi , de ne point
permettre que Vauban s'exposât ,
parce que sa conservation était
une affaire d'état. Il alla jusqu'à
prier d'Humières d'employer son au-
torité pour l'empêcher de con-
duire la tranchée. « Vous savez ,
» dit Louvois dans sa lettre, quel
» déplaisir aurait le roi, s'il lui
» arrivait accident. » Témoignage
flatteur pour Vauban, honorable
pour le prince et pour son ministre.
La prise de Gand ( iG'j'j ) suivit
celle de Saint-Guislain ; et bientôt le
roi fit investir Ypres. On voulut,
pour seconder l'impatience de Louis,
exposer l'armée : « Vous gagnerez
» un jour , lui dit Vauban , mais
» vous perdrez mille hommes. »
Le chevalier de Clerville, commis-
saire-général des fortifications , étain
6 VAU
mort (i6'j^),le roi donna sa charge
à Vauban. Celui-ci la refusa par un
motif , dit Fontenelle , qui l'eût fait
accepter à tout autre : c'étaient la
fréquence et l'intimité des rapports
que donnait cette place avec les mi-
nistres. Louis XIV lui ordonna de
remplir, comme un devoir, les fonc-
tions qu'il lui avait confiées pour ré-
compense de ses talents et de ses ser-
vices. Déjà Vauban était inspecteur,
sous les deux ministres Louvois et
Colbert, des places que chacun avait
dans son département. Comme com-
missaire-général , il eut la direction
de toutes. Ces ministres étaient ja-
loux l'un de l'autre ; plaire à tous les
deux était une entreprise difficile.
Sans se le proposer , Vauban y par-
vint par sa franchise et l'amour de
ses devoirs. Il conquit leur estime , et
fit même servir leur rivalité aux in-
térêts de l'état. Après la prise d'Y-
pres , il se rend à Dunkerque , fait
couper le banc de sable qui barrait
l'entrée du port , assure les manœu-
vres d'eau, et termine le bassin. Col-
bert et Seignelay le félicitent de ce
que la France aura , grâce à son zè-
le , un port de plus, a Vous allez ,
» lui écrivent-ils , augmenter la puis-
» sance du roi sur mer , autant que
» vous l'avez fait sur terre ^ en diri-
» géant tant de sièges , et construi-
» sant tant de forteresses. » Bientôt
l'on vit sortir en même temps de
ce port, jusqu'alors abandonné aux
pêcheurs , l'escadre de Jean Barth j
des vaisseaux armés par les cor-
saires , fléaux du commerce anglais,
et les premières galiotes à bom-
bes , qui furent préparées pour la
ruine d'Alger. Ayant mis ainsi les
travaux de toutes les places de la
frontière du nord en pleine activité ,
Vauban passe au midi , reprend les
projets de Toulon , l'agrandit, y don-
VAU
ne les plans d'un arsenal , parcourt
la côte, établit à Perpignan le centre
de la défense et de l'offensive de cette
frontière • lie entre eux tous les pos-
tes de la chaîne des Pyrénées Orien-
tales, choisit une position d'où l'on
puisse dominer à - la - fois toutes les
vallées, et y construit Mont - Louis.
Cette forteresse achevée , il retourne
au nord , y complète le système de
défense par le fort de Neulay , près
de Calais , par des écluses pour for-
mer les inondations, par le fort La-
kenoque, assez heureusement situé
pour protéger la communication
d'Ypres avec Menin , et couvrir Cas-
sel. Cette première ligne était in-
terrompue entre l'Escaut et la Meu-
se ; Charlemont remis en état , et
Maubeuge construit, achèvent ce sys-
tème , et sont liés à Philippeville ,
place insuffisante pour défendre cet
intervalle. Enfin les places neuves de
Longwi, Sarrelouis,ïhionville, Bit-
che, Phalsbourg, Béfort, Lichtem-
berg, Haguenau, Schelestadt, fer-
ment les Vosges, attachent l'Alsace
à la France , et assurent la conquête
de cette province. Huningue , favo-
rable à l'offensive, s'élève près de
Bâle, et protège , avec Landskroon,
la frontière du Rhin et celle du Jura.
Fribourg, l'une des portes de l'Alle-
magne et la clef des montagnes Noi-
res , est rendue inexpugnable par de
nouveaux forts. Après avoir mis en
activité tant de travaux, Vauban re-
tourne au midi, ajoute de nouveaux
ouvrages à Besançon, à Pignerol ;
parcourt les Pyrénées Occidentales ,
et rédige un plan de défense confor-
me à celui qu'il avait créé à l'orient
de la chaîne. Baïonne est sa place de
dépôt, Saint- Jean-Pied-de-Port son
point d'appui dans les montagnes j le
fort d'Andaye est construit pour bat-
tre l'embouchure de la Bidassoa.
VAU
Dans tous ces projets , il lâche de
concilier avec l'inte'rêt de l'état celui
du commerce et des citoyens , en
améliorant les ports de Baïonne et
de Saint-Jean de Luz. L'année sui-
vante (1681), il s'occupe des côtes ,
et donne ses soins à Saint- Martin de
Ré , à Brouage , à Rochefort , à Brest,
et protège leurs rades par de nou-
veaux forts. A peine ces immenses
travaux étaient tracés , que Louvois
demande Vauban à Colbert. Il s'a-
gissait de Strasbourg, ville libre, qui,
d'après les traités, devait rester neu-
tre : mais les magistrats favorisaient
les Autrichiens , leur livraient pas-
sage j et sur ce point , la ligue de défen-
se était interrompue. Le seul remède
était de s'emparer de cette ville , et
de la fortifier. La violation des trai-
tés en donnait le droit. Louvois en
devient le maître par ruse; et Vauban,
qui devait l'assiéger , en augmente la
forcej et , par une citadelle, par le fort
de Kehl , par les redoutes du Rhin , il
assure à cette place la possession des
deux rives du fleuve et de ses îles.
Pour hâter ces travaux et diminuer
la dépense , il creuse le canal de la
Bruche, et les matériaux arrivent des
Vosges aux portes de la ville. Cassel
éprouve bientôt le même sort. La
place était en mauvais état : pour la
réparer Catinat fît un projet qu'il
soumit à Vauban, son ami, son com-
pagnon d'armes , et qu'il appelait
son maître : «S'il entre, écrivait-
» il, en lui envoyant ce projet , s'il
» entre du sens réprouvé dans mes
» plans , faites - moi une correction
» en maître , et , par charité pour
» votre disciple , supprimez tout ce
» papier barbouillé. » Le maître
était aussi modeste que le disciple.
Quel exemple et quels noms que ceux
deCatinatetdeVaubanI Rien n'arrête
celui-ci j il semble que tous les jours de
VAU 7
sa vie doivent être marqués par quel-
que service. Le port d'Antibes , la ci-
tadelle de Belle-Ile, les jetées de Ron-
fleur , les ports d'Ambleteuse et de
Saint- Valéry, enfin un grand nombre
de forts sur les frontières continen-
tales sont, en moins de deux années
( iG8'2 - i683 ) , construits ou répa-
rés par ses soins. Mais la paix, que le
traité de INimègue avait rendue à l'Eu-
rope, finit en i683, et ce fut alors
qu'on dut apprécier toute l'activité
de Vauban , qui n'avait pas perdu
un seul instant. Au premier bruit
de guerre, tout est prêt sur tous les
points ; il n'est pas une issue pour
l'ennemi , étonné de voir une encein-
te fortifiée de toutes parts , et dont
il ne lui est plus permis de s'appro-
cher. L'armée française entre en Bel-
gique : après quatre jours de tran-
chée, Vauban prend Courtray • et
bientôt ses efforts se dirigent contre
Luxembourg , contre cette redou-
table place , l'egardée comme im-
prenable par sa situation sur une
masse de rochers, par les nombreux
ouvrages qui la défendent. Ce siège
important est précédé de tous les pré-
paratifs nécessaires : soixante ingé-
nieurs sont mis sous les ordres de
Vauban , qui les divise en quatre bri-
gades. Une reconnaissance exacte de
la place était indispensable , mais
difficile et dangereuse. Aucun péril
ne peut arrêter Vauban. Toutes les
nuits il s'avance lui-même jusqu'à la
palissade , soutenu par des grena-
diers couchés ventre à terre. A l'une
de ces reconnaissances, il s'aperçoit
qu'il est découvert. Au lieu de se re-
tirer , il fait signe de ne pas tirer aux
ennemis qui le prennent pour un des
leurs, et ils n'en doutent plus quand
ils le voient s'avancer vers eux. Vau-
ban sonde le glacis j cette opération
faite, il revient à pas lents, et doit
8
VAU
la rie à ce mélange de présence d'es-
prit et de témérité. Le résultat fut
pour lui de counaître le point ac-
cessible j et il feignit de croire
qu'il y en avait d'autres , afin de di-
Tiser et de lasser la garnison. Mal-
gré cette ruse , il lui fallut, pour
prendre la place , épuiser toutes les
ressources de son art. C'est à ce
siège qu'il inventa les cavaliers des
tranchées; qu'il ctai.gea la marcbe
des sapes , et la rendit plus sure et
moins coûteuse ,• car il pensait tou-
jours aménager le sang du soldat.
Luxembourg pris , ^ auban fit des
travaux pour en augmenter la dé-
fense , et en assurer la consersa-
tion. Il fallait ensuite déterminer
le site d'une nouvelle forteresse
qui rendît maître du cours de la Mo-
selle , dominât plusieurs défilés , et
commandât au pays; en un mot une
forteresse offensive. Vauban visite
les lieux, cboisit un site qui réunit
toutes les conditions désirées , et
Mont-Royal est construit. Il manque
cependant encore une place , pour
couvrir l'ançle de l'Alsace et de la
Sarre , et fermer !es défilés des ^ os-
ges ; Landau est créé pour remplir
ce double objet. Vauban constnut en
même temps le Fort-Louis dans xme
île du Rhin. Concurremment à ces
travaux, il faisait élever le magnifi-
que aqueduc de Maintcnon, pourre-
ceyoir l'Eure, qui devait être divisée
afin d'arroser Yersailles, monument
d'une rnlj-eprise qu'on n'acheva pas.
Toujours occupé des intérêts du
royaume , de sa gloire et du bien de
l'humanité , il s'élève à de hau-
tes considérations , embrasse d'un
coup-d'œil les côtes , les ports , les
rades, leurs besoins , leurs ressources,
et rédige un projet général de défen-
se et d'amélioration , projet vaste
et qui ne pouvait être exécuté qu'a-
VAU
vec le temps , mais qui , traçant
la marche à tenir . signalant les
points sur lesquels l'attention devait
être toujours éveillée, était utile
même avant l'exécution , parce que ,
suivant les occasions et les besoins,
on pourrait toujours le consulter
avec fruit. En parcourant ainsi la
France, il conférait avec les gouver-
neurs et les intendants , provoquait
leur zèle . laissait des tableaux à rem-
plir , pour connaître le dénombre-
ment des provinces, et semait ain-
si les éléments d'une statistique du
royaume. Le ministre accuei'lit cette
idée, et prescrivit des mesures ana-
logues pour les colonies. Un des plus
beaux monuments du siècle de Louis
XIV, venait d'être construit dans le
midi : c'était le canal de la jonction
des deux mers : projet hardi et su-
blime conçu par Riquet 'T^ RiQrEx}.
Vauban alla visiter ce magnifique ca-
nal ,' 1686;. A sa vue, il s'écria que
c'était le plus grand et le plus bel
ouvrage de ce genre , qu'on eût en-
trepris. Langage noble, qui fait voir
combien ce grand homme était
au - dessus de l'envie. Étant con-
sulté, il proposa des perfectionne-
ments que le roi fit exécuter. La
simple éuumération des travaux de
Vauban dépasserait les bornes qui
nous sont prescrites. L'indication des
progrès qu'il a fait faire à l'art dont
il peut être regardé comme le créa-
teur , demande le concours d'une
plume exercée, et d'im homme con-
sommé dans la connaissrnce de
cet art. C'est à ce double titre que
nous allons laisser parler M. Al-
lent. « Louis XIV fait construire
» trente-trois places neuves , et bâtir
» de nouveaux ou^Tages dans trois
» cents forteresses ( lôGi-i^oS ) :
» Vauban dirige ces immenses Ira-
« vaux. Un meilleur relief, un tracé
VAU
» plus simple , des dehors plus vas-
» tes et mieux dispose's; telles sont
» les seules modilicatious qu'il ait
« faites d'abord , dans le système en
» usaj;e. Deux grandes idées brillent
» toutefois parmi ces améliorations,
» celles de placer des lunettes et des
» ouvrages à corne au-delà du gla-
» cis , et de construire des camps re-
n tranchés souples places. Mais c'est
» dans les applications qu'il révèle
w une science peu connue jusqu'à lui ,
» celle de tirer du sol même et
» des eaux une défense simple et
w peu coûteuse . et cet art plus grand
5) de coordonner les places à la nature
» du terrain, à celle du pavs. aux
» routes de terre et d'eau , aux opé-
» rations offensives et défensives
» des armées: en im mot, de don-
» ner aux états des frontières.
» Vauban tâcha de ramener la dé-
» fense et l'attaque à cet équilibre,
» détruit dans le quinzième siècle
M par l'invention des bouches à feu ,
» rétabli dans le seizième par la for-
» tliication moderne , et que ve-
>' naieut de rompre une seconde fois
« le nouvel art des sièges , le rico-
'' chet , les progrès de l'artillerie et
» cet usage introduit par Cohorn. au
'' second siège de ?< amur ( i ôqd ] ,
>' de traîner devant une place jusqu'à
« trois cents bouches à feu. Aux ra-
" vages de la bombe et du ricochet^
» il oppose des souterrains, et, com-
'> me à Béfort , des traverses voûtées.
" Dans ses forts sur les côtes , dans
'>'' les redoutes de Luxembourg et
» dans les tours bastionnées de ces
« dernières places, il abrite, sous des
» casemates, quelques feux de canon
" ou de mousqueterje. Au lit de la
" mort (en 1707^, il dicte son Trai-
* té de la Défeiïse ^ et montre tout
» ce que la prévoyance dans les ap-
» provisionnements des travaux ad-
VAU 9
» ditionnels , et surtout un sage em-
» ploi de l'artilîcrie , des mines, des
» eaux et des troupes, peuvent ajou-
» ter de force et de valeur aux forti-
)) fications.» La guerre ayant recom-
mencé, on voulut préluder à la cam-
pagne par l'attaque de Philisbourg,
dorrt Vauban avait augmenté les
fortifications, en 1676. Il allait,
pour ainsi dire, combattre contre
lui-même. Secondé de quarante in-
génieurs, il dirige les attaques. La
place ne se rendit qu'après vingt-
deux jours de tranchée ouverte. Dix
ingénieurs furent tués et quatorze
blessés : c'étaient les plus instruite.
Vauban resta chargé presque seul de
cette périlleuse enti'eprise. « Dieu
» nous le conserve , écrivait un des
» généraux à Louvois- car il n'y a
» que lui capable d'approcher une
» place comme celle-ci. » LouisXIV_,
sachant qu'im mot de sa main serait
la récompense la plus flatteuse pour
Vauban , lui témoigna par écrit sa
satisfaction, <l^ ous savez, il y along-
1) temps, lui dit -il, ce que je pense
11 de vous et la confiance que j'ai eu
» votre savoir et en votre affection ;
» si vous êtes aussi content de mou
i> fils le dauphin^ qu'il l'est de vous,.
» je vous crois fort bien ensemble :
» car il me paraît qu'il vous connaît
» et vous estime autant que moi . Je ne
» saurais finir sans vous recommander
)) absolument de vous conserver pour
5) le bien de mou service. » Ce fut à
ce siège que Vauban imagina le tir à
ricochet, dans lequel le boulet, lan-
cé avec une charge plus faible , fait
une suite de bonds, et va frapper
plusieurs fois, le long d'une branche
d'ouvrage, l'artillerie et les troi'pes.
Ce fjt eucore dans cette occasion
qu'il reproduisit, avec plus d'instan-
ces que jamais, le projet d'organiser
un corps de sapeurs. « Je suis las ,
10 VAU
» disait - il à Louvois , de tout faire
» au hasard, et d'avoir à chaque
» nouveau sie'ge de nouveaux sapeurs
» à former. » Louvois refusa d'a-
bord : Vauban ayant insisté , le
ministre se rendit; mais les e've'ne-
ments forcèrent d'ajourner. Au siège
de Frankenthal , le dauphin , en-
chanté de Vauban, le pria de choi-
sir quatre canons, parmi les mille
bouches à feu que son art avait con-
quises. On y mit les armes du roi et
celles de Vauban avec une inscription
indiquant que ce don était la récom-
pense de ses services. Louis XIV se
trouvait dans une position diliicile
(i6S9).On commençait à se fatiguer
de la guerre. Le désordre des fnian-
ces ôtait les moyens de recruter l'ar-
mée. Vauban , Catinat , Fénélon, rap-
prochés par une estime réciproque ,
gémissaient des malheurs de l'état,
et ils étaient persuadés que le réta-
blissement de l'édit de Nantes était
la mesure la plus propre à les fai-
re cesser. Aussi modeste , mais
moins timide que ses deux amis,
Vauban se chargea d'en faire la
proposition ; et il l'accompagna
du tableau touchant des maux qu'il
avait vus dans ses courses ; mais
il n'obtint que quelques adoucis-
sements , que le système des con-
versions annula bientôt. Au siège
de Mons (1691), à celui de Namur
( 169'^ ) , il dirigea les attaques
sous les yeux du roi. A celle du
Fort-Guillaume, on vit un spectacle
intéressant. Ce fort était l'ouvi'age de
Cohorn , seul rival qu'eût Vauban ,
et ce rival y commandait en personne
avec son propre régiment. La défense
et l'attaque furent dignes de l'un et
de l'autre ; mais le génie de Vauban
l'emporta, et le fort se rendit (4)#
(4) Vauban i^ola le fort du clinteau par une
liaccliee in'e^médiairc ; profitamt de la faute qu'a-
VAU
Quoique l'attaque de Namur en de-
vînt moins diliicile , il fallut sept
jours de tranchée ouverte devant
la ville , et vingt-deux devant le châ-
teau. Après avoir perdu quatre mille
hommes, Namur capitula. Les cour-
tisans , qui avaient accompagné le
roi , s'ennuyaient de la longueur du
siège : Vauban brava leurs murmu-
res , et préférant à leurs suffrages la
vie du soldat , modéra même l'ar-
deur des assiégeants. Louis XIV
le dédommagea en l'admettant à
sa table , honneur exclusivement ac-
cordé à la haute naissance. A la
bataille de Steinkerque (1G92) , les
Français jetèrent spontanément leurs
mousquets , pour se servir des fusils
pris aux ennemis; Vauban contribua
à cet échange, et, voulant le rendre
plus avantageux, il imagina son fusil-
mousquet, dans lequel la mèche ser-
vait au défaut de batterie; bientôt
srprès il l'arma de la baïonnette. Le
duc de Savoie menaçant le Dauphi-
né, Vauban y fut envoyé , et il fit les
plans de tous les ouvrages nécessaires
à la sûreté de cette frontière ;, ainsi
qu'à celle du comté de Nice et du
Piémont. Briançonfut amélioré, Fe-
nestrelles fortifiée , et la forteresse de
Mont -Dauphin construite. Vauban
connaissait l'esprit du Français , et
savait qu'alors il préférait un signe
d'honneur à la fortune. C'est d'a-
près ses avis que Louis XIV fonda
l'Ordre de Saint - Louis ( 1693 ).
La première idée de cette institution
lui appartient ; et il fut au nombre
des sept grand-croix, à la création.
Vainqueur du prince d'Orange à Ner-
winde , le maréchal de Luxembourg
revint à Fleurus couvrir le siège de
Gharleroy. Toutes les fortifications
Tuit faite CoVioru d'avoir trop e'ioigné et mal sou-
tenu cet ouvrage.
VAU
de celte place étaient l'ouvrage de
Vauban , et les ennemis les avaient
entretenues avec soin. La reprise lui
coûta vingt-sept joui-s de tranchée
ouverte : il y mit en œuvre toutes
les ressources de son génie. Les An-
glais , qui commençaient à domi-
ner sur la mer, menaçaient nos ports
de leurs flottes redoutables (1694);
et dans tous les dangers , on avait re-
cours à Vauban. Il visita les côtes, et
prévoyant que cette situation pour-
rait être d'une longue durée , il dres-
sa des insti'uctions sur les moyens de
diminuer dans les ports les ravages
des boulets rouges etdesbombes. Pen-
dant que les rigueurs de l'hiver te-
naient les deux partis dans l'jnac-
tion , il s'occupa de l'ensemble de
la situation de la France. Afflige de
voir les ennemis conserver leur su-
pe'riorite% et dans l'impuissance de
la leur enlever , il rédigea des
Mémoires sur les moyens d'en at-
ténuer les effets , sur les places qui
paraissaient le plus exposées , et les
mesures à prendre pour les garan-
tir^ sur les camps retra'nchés, dont il
conseille l'usage après en avoir dé-
montré l'utilité. C'est à la même
époque qu'indigné des exactions en
usage pour lever les impositions , il
rédigea la Dixme royale. La paix
de Riswick suspendit le cours de
nos malheurs ( 169-7 )• Comme elle
changea les limites de la France ,
Vauban eut de nouveaux travaux
à prescrire. Il fit sur les frontiè-
res un voyage de plusieurs années ',
détermina partout le système de la
défensive et de l'offensive , atta-
chant à ses vues militaires des pro-
jets utiles au commerce , à l'agricul-
ture et au développement des riches-
ses de l'état. Le perfectionnement des
ouvrages hydrauliques ; les moyens
de construire des bassins, des jetées ,
VAU 1,
des écluses de chasse et de déniche-
ment; les relations desporls avec l'in-
térieurj la possibilité de rendre navi-
gables i usqu'aux moindres rivières ,de
constater tous les canaux qu'on pou-
vait ouvrir, etc.- tels sont les objets
dont s'occupa cette ame active, qui
semblait ne pouvoir trouver de repos
que dans la sécurité et le bonheur
de la patrie. Le roi , pour récom-
penser tant et de si grands services ,
donna à Vauban le bâton de maré-
chal de France (i']o3). Sachant d'a-
vance l'intention du monarque , il
tâche de l'en détourner ; expose
que c'est nuire au bien du service j
qu'il ne pourra plus diriger de siè-
ges , parce que le grade auquel le roi
veut l'élever ne lui permettra pas
de servir sous un général^ enfin y
il plaide contre lui-même âvec cette
chaleur que met un homme jaloux à
desservir son ennemi. Louis s'éton-
ne d'être, en quelque sorte, forcé
d'exiger l'obéissance pour une faveur
objet de tant d'ambition ! Après l'a-
voir reçue avec tant de modestie y
Vauban montra bientôt combien son
refus avait été sincère. Louis XIV,
voulant que l'élève de Fénélon le fût
aussi de Vauban dans l'art des siè-
ges y envoya le maréchal diriger le
siège de Brissach , sous le comman-
dement du duc de Bourgogne. C'était
encore une des places que lui-même
avait construites. «M. le maréchal . lui
» ditle jeune prince, vous allez perdre
» votre honneur devant cette ville :
» ou nous la prendrons , et l'on
» dira que vous l'avez mal fortifiée j
» ou nous échouerons , et l'on dira
» que vous m'avez mal secondé,
» — Monseigneur, répondit Vauban,
» on sait comment j'ai fortifié Bris-
» sach ; mais l'on ignore et l'on sanra
» bientôt comment vous prenez les
» places que j'ai fortifiées. » Les as-
la VAU
sièges capitulèrent le treizième jour.
Ce fut le dernier siège que fit Va u-
ban. Sa gloire causait de l'ombrage.
Il offrit au jeune prince son Traité
de rattaque des places , comme s'il
eût voulu donner l'exemple avant le
précepte. Le duc de La Feuillade , se
trouvant chargé du siège de Turin ,
ne voulait écouter personne , et re-
poussait avec hauteur les meilleure
avis. Louis XIV, qui comptait plus
sur son dévouement que sur son habi-
leté , fait venir Va uban , et ne lui dis-
simule pomt ses inquiétudes. Celui-ci
voit au premier coup-d'œil les vices
du projet d'attaque^ et s'offre comme
simple volontaire , pour aller diri-
ger le siège sous les ordres de La
Feuillade. « Mais vous ne pensez
» pas , lui dit le roi , combien vos
» fonctions seraient au-dessous de
» votre dignité ? Sire , ma dignité
» est de servir l'état j je laisserai le
» bâton de maréchal à la porte , et
» j'aiderai peut-être La Feuillade à
» prendre Turin, m Ce dernier, à qui
les offres du maréchal furent soiunises,
les rejeta avec dédain, et répondit
désobligeainment qu'il comptait bien
prendre Turin à la Cohorn, Après
soixante-quinze nuits de tranchée et
plusieurs assauts , il fut obligé de
lever le siège , et ne sut ni prendre
la ville^ ni se joindre à l'armée, dont
son ignorante obstination avait ame-
né la défaite. Vauban, désespéré des
revers de la France et de l'inaction
à laquelle le condamnait la dignité
dont il venait d'être revêtu , déplo-
rait des honneurs qui enchaînaient
son courage , et s'aflligeait d'une ré-
compense qui l'empêchait de servir.
Toujours dévoré de l'amour du bien
public, il met en ordre l'immense
collection de matériaux , de projets ,
de plans , qu'il avait recueillis ou
conçus dans le cours d'une vie si
VAU
laborieuse. La levée des troupes , la
stratégie, les fortifications, tout ce
qui compose l'administration mili-
taire , la marine , les finances , le
régime intérieur, la religion même^
avaient été l'objet de ses médita-
tions. Il forme de ces matériaux
douze vol. in-folio , qu'il intitule :
Mes oisivetés, titre modeste donne
par le génie aux productions d'un
talent qui s'appliquait à tout (5).
C'est au milieu de ces travaux
que la mort vint le frapper , le
i3 mars 170'^. Il la reçut avec
cette résignation que donne une lon-
gue habitude du courage, la certitu-
de d'avoir rempli ses devoirs , et le
témoignage d'une conscience exempte
de tout reproche. Rien n'égalait son
dévouement au roi, si ce n'est la
franchise avec laquelle il lui disait
la vérité. Louvois trouva souvent
cette franchise importune _, et fut
obligé de l'endurer. Tel était Vau-
ban : « le premier des ingénieurs et
» le meilleur des citoyens (6) ; un
» Romain, qu'il semblait que le siècle
» de Louis XIV eût dérobé aux plus
» heureux temps de la république (7).»
Terminons par l'opinion d'un hom-
me tellement avare de louanges ,
qu'il voudrait recourir après celles
que la vérité lui arrache. « Vauban,
M le plus honnête homme de son siè-
» cle , dit le duc de Saint-Simon , le
» plus simple , le plus vrai , le plus
» modeste, avait fort l'air de gucr-
» re , mais en même temps un exté-
» rieur rustre et grossier, pour ne
i> pas dire brutal et féroce ; il n'était
» rien moins : jamais homme plus
(5) D'après le cnlcul qu'on a fait, Vauban au-
rait travaillé à tri)is ceuts places ou forteresses
anciennes; construit trenle-li ois nouvelles , con-
duit ciuquanle-trois sièges , et se serait trouvé à
cent quarante actions de vigueur.
(tii Voltaire , Sicrlc de Laiii< XIV.
(7) l'onlencllc, £/oye de yauhari.
VAU
>; doux , [)liis compatissant , plus
M obligeant; mais respectueux sans
» mille politesse, et le plus ménager
» de la vie des hommes ^ avec une
» valeur qui prenait tout sur lui , et
» donnait tout aux autres. Il est in-
» concevaLle qu'avec tant de droitu-
» re et de franchise, incapable de se
n porter à rien de faux , ni de mau-
w vais, il ait pu gagner, au point
«qu'il fit, l'amitié et la confiance
» de Louvois et du roi. » Le maré-
chal de Vauban ne laissa que deux
filles; ainsi la famille de ce nom qui
existe est d'une branche collatérale.
Le 26 mai 1808, les ministres de la
guerre et de la marine^ accompagnés
de plusieurs maréchaux de France,
et de M. Le Pelletier d'Auluay , an-
cien olticier général , petit-fils de
Yauban , se rendirent à l'église des
Invalides, pour déposer le cœur du
maréchal qui y reste placé sous son
buste, en face du tombeau de Turenne.
Carnot , le général Dcmbarrère , et
M. Noël , ont fait l'éloge de Vau-
ban (8). M. Allent a fait un récit fort
exact etfort étendu des actions de ce
grand homme dans VHistoire du
corps du génie , et nous ne pouvions
puiser h une meilleure source. La no-
(S) L'aeadéiuie de Dijon ayant , en 1783 , pro-
fiosé puur sujet de prix l'éloge de Vauban , le prix
fut décerne' à Carnot (f''or. ce nom au Supplé-
ment ). L'Académie iirançaise proposa , en 1785 ,
VEluge lie f aubnn pour sujet de prix. Ce lut a
cette occasion que Laclos , détracteur de Vauban ,
publia sa Lellie à V Ararlémiefruvcaise, 178'-) , iu-
8°. {V. Laclos, XXIII, 56). Vers le même
temps parurent des Mémoires pour servir à l'éloge
du maréchal de Vauban , par le chevalier de Cu-
rel , 1786 , in-8°. Le prix n'était pas encore dé-
cerné en 1788 , lorsmi'à la séance publique du
mois d'août , Gaillard lut des réilexious sur Vau-
ban. Le prix fut remporté en 1790 par M. Nocl ;
son ouvrage a été imprimé, ainsi que celui de J.-
A.-L. Sauviac , qui avait aussi concouru. Un
£/oge de Vauban par A.-L. d'.lniilly , qui avait
concouru puur le prix de l'Académie française, eu
1 787 , a été imprimé eu 1788 , iuaS"'. MM. Vial et
Reverony St -Cyr ont fait jouer le io juin 1826,
sur le tbeâlre de l'Odéuii , un drame iulilulé Vau-
ban h Charleroy , qui n'.i eu que quelques repré-
sentations et n'est point imprimé, A. B — T.
VAU ,3
ticc dese'crits de Vauban serait aussi
étendue que celle de ses tra va ux -et tou-
tesdeuxne pourraient qu'èlre incom-
plètes. On les divise en trois sections.
La première comprend les Mémoires
sur les sièges 7 les places et les fron-
tières^ les canaux et les rivières na-
tigables. Rappelons l'objet des prin-
cipaux : I". De l'importance dont
Paris est à la France et soin que
l'on doit prendre de su conserva-
tion. La désastreuse campagne de
1706, faisait conseiller au roi d'a-
bandonner sa capitale , et de se re-
tirer derrière la Loire. Vauban prou-
ve qu'on doit garder Paris , et qu'on
peut s'y défendre : il appuie son
projet d'un plan des fortifications
que cette ville est susceptible de
recevoir. (9) 1°. Fragments d'un
Mémoire sur la navigation géné-
rale de la France. Vauban mourut
en le faisant. On a de lui un travail
du même genre sur toutes les cotes
de France, 3°. Projets ou Mémoi-
res sur la navigation à établir dans
les provinces du Nord; sur les ca-
naux de Bourgogne , du Nivernais ,
du Charolais ; sur le moyen de
joindre par un canal la Moselle à
la Meuse; sur le perfectionnement
du canal des deux mers , et son
prolongement. La seconde section
renferme les traités généraux ou œu-
vres militaires. Ce sont : 1°. Une
Instruction pour la conduite des
sièges. 2°. Le Traité de l'attaque
des places. 3°. Un autre pour leur
Défense. l\''. Un Traité des Mines.
50. Un Traité des Fortifications de
campagne. 6". Le Directeur géné-
ral des fortifications. 7°. Une Ins-
truction pour servir au règlement
(0) Ce Mémoire , tiré de l'ouvrage inédit , inti-
tulè Oisivetés , a été imprime , pour la première
fois , à Paris , en jSzi , avec l'Uo^e de Y.wbaa
par Fontenelle.
i4
VAU
du transport et du remuement des
terres. 8°. I-e Livre de guerre
ou des cinq principales actions mi-
litaires, g'». Des Mémoires militai-
res sur les défauts de notre infante-
rie , les moyens de la rétablir, etc.
I o°. Moyens d'améliorer nos trou-
pes. 11°. Mémoire concernant la
levée des gens de guerre. 1 2°. Mé-
thode infaillible de procurer pour
la défense de l'état tel nombre
d'hommes dont on aurabesoin. i3<».
Moyen d'empêcher les abus dans
la manière de faire subsister les ar-
mées. 1^'^. Mémoires sur les mi-
neurs et sapeurs. Enfin, dans la troi-
sième section, sont comprises les
œuvres diverses. Nous devons signa-
ler : 1». La Dixme royale. Ce pro-
jet fut imprimé en 1707 et 1709J
mais on n'osa point y joindre le me'-
moire qui le termine et qui est inti-
tulé : Raisons secrètes et qui ne doi-
vent être exposées qu'au roi seul ,
qui s' opposeraient à V établissement
du système de la dixme royale.
Ces raisons sont le long chapitre des
abus et des gens intéressés à les main-
tenir ( Foy. Saint-Pierre , XL ,
48 ). 2^. Mémoires sur le rétablis-
sement de l'édit de Nantes. Il y eu
a trois. Vauban y démontre la né-
cessité de rétablir l'édit de Nantes et
de maintenir la tolérance religieuse.
3». Mémoire sur les limites de la
puissance ecclésiastique, dans les
choses temporelles. 4"- Mémoires
de statistique. 5°. Mémoires sur le
commerce des Provinces - Unies.
6°. Mémoire concernant la course,
les privilèges dont elle a besoin , les
moyens de la faire avec succès
sans hasarder d'affaires générales.
7<*. État des affaires extraordinai-
res, faites depuis 1689 jusques et y
4;ompris 1706. M. Noël, dans son
éloge de Yauban, rappelle beaucoup
VAU
d'autres Mémoires sur les sciences
économiques, la culture des forêts,
les finances ( Foy. Renau d'Éli-
ÇAGARAV ) , la marine militaire et
marchande, la population, la géo-
graphie, diverses branches de l'his-
toire et les mathématiques. Il paraît
que ces Mémoires sont ou dissémi-
nés ou perdus. Sept volumes des Oi-
sivetés sont égarés. Les i^r. , 3*^. et
7«. existent dans la bibliothèque de
M. Le Pelletier de Rosambo, pair
de France , qui descend , par les
femmes , ainsi que M. Le Pelletier
d'Aulnay , du maréchal de Vauban.
On a imprimé_, sous le nom de celui-
ci , un Testament politique , qui
est de Bois-Guillebert (F. ce nom).
Les Italiens ont reproché à Vauban
de s'être approprié diverses métho-
des de fortifications de Marchi ( F.
Marchi et Pagan ). D —m — t.
VAUBAN (Anne Joseph Le Pres-
TRE , comte DE ) , né à Dijon le 10
mars 1754, était arrière-petit-neveu
du maréchal , et fils d'un lieutenant-
général , gouverneur de Béthune et
commandant des provinces de Flan-
dre et d'Artois. Né avec un goût très-
prononcé pour les armes, il entra,
en 17^0, comme sous-lieutenant dans
les dragons de La Rochefoucauld, et
passa bientôt dans le régiment de
Chartres , comme capitaine , puis
dans la gendarmerie de Lunéville,
où il fut sous-lieutenant. Il suivit en-
suite Rochambeau en Amérique ,
comme son aidede-camp , et fut en-
voyé en France, en 1782, avec des
dépêchesde ce général.Il devint alors
colonel en second du régiment d'A-
geuois , et peu de temps après , le
duc d'Orléans , dont il était cham-
bellan , le fit nommer colonel du ré-
giment d'infanterie de son nom. A
l'époque du départ de Louis XVI
pour Varennes , le comte de Vauban
VAU
ëraigra avec la plus grande partie
(les ofliciers de ce corps, el il se ren-
dit à Atb , puis à Coblentz , oij le
comte d'Artois le nomma son aidc-
de-camp. Ce fut en cette qualité qu'il
fit la campagne de 1792. L'année
suivante il accompagna ce prince en
Russie , où il fut témoin de la belle
réception que lui fit l'impératrice
Catherine. Il alla ensuite en Angle-
terre , et s'embarqua au printemps
de 1795, avec l'expédition destinée
pour les côtes de Bretagne. Chargé de
commander, sous M. dePuysaie, un
corps de Chouans , qui devait manœu-
vrer sur les derrières de l'armée ré-
publicaine , il fut prévenu par les
troupes de Hoche ; et trompé par de
faux signaux , il se vit obligé de ré-
trograder , au moment du désastre
de Quiberon , où il pensa périr. Il
remplit ensuite différentes missions
auprès de la Vendée, et à l'Ue-Dieu ,
auprès de Monsieur, comte d'Artois.
Revenu à Londres , il se hâta de re-
tourner en Russie ; mais , arrivé dans
cette contrée au moment de la mort
de Catherine , il y fut , comme la
plupart des Français, victime de la
versatilité de Paul I'^''. , et bientôt
obligé de s'éloigner. II revint alors
en France, et séjourna quelque temps
à Paris , avec le consentement de la
police, qui l'arrêta néanmoins en
1806 , et le retint long-temps pi'ison-
mer au Temple. Ses papiers ayant
été saisis , on y découvrit le manus-
crit de ses Mémoires historiques ,
pour servir à l'histoire de la guerre
de la Vendée, Le gouvernement de
ce temps -là ne pouvait pas faire une
découverte qui lui fût plus agréable ;
il se hâta de publier ces Mémoires
sous le nom du comte, qui y accusait,
avec beaucoup d'amertume, la plu-
part de ses compagnons d'armes à
Quiberon , et même ses anciens mai'
VAU ,5
très. On crut assez généralement alors
que cette publication n'était qu'ime
manœuvre de la police impériale pour
discréditer la cause des Bourbons.
Cependant le livi'c fut reproduit avec
beaucoup d'affectation après le re-
tour de ces princes en 18 14, et il en
parut une seconde édition pendant
les cent jours (i). Quant à l'auteur,
il fut mis en liberté peu de temps
après la publication de la première
édition, et se retira dans le Charo-
lais, où une partie de ses biens lui fut
rendue. Il habitait encore cette con-
trée à l'époque du retour des Bour-
bons. 11 crut aloz's devoir venir à
Paris, pour y présenter ses hom-
mages aux princes qu'il avait long-
temps servis j mais n'ayant pu être
admisàcet honneur, il en conçut un
tel chagrin , qu'il retourna malade
dans sou pays, et y mourut le 20
avril 1816. M — D j.
VAUBONNE ( le marquis de ) , né
dans le comtat Venaissin, en 1645,
d'une famille noble , entra au service
de France dès sa jeunesse , et s'ex-
patria bientôt , à la suite d'une affai-
re d'honneur. Il entra alors au ser-
vice de l'empereur d'Allemagne, et
y obtint un avancement rapide. En
1703, il commandait^ dans le Tren-
tin, un corps de cavalerie , à la tête
duquel il s'opposa à la marche du
duc de Vendôme. Il fut fait prison-
nier, l'année suivante , à Trano , et
envoyé à Alexandrie. S'étant ména-
gé des intelligences parmi la garni-
son de cette place , il tenta de la fai-
(i ) Malgré ces réimpressions, l'ouvrage du com-
te de Vauban est devenu fort rare depuis le réta-
hlissemeiit de la maison de Bourbon , et surtout
depuis l'avènement de Charles X, M. de Beaucbamp
en a cité et réfuté quelques passages dans la préface
de la quatrième édition de son Histoire des guer-
res delà Vendée. Les auteurs de la Bibliothèque
historitfueen ont rapporté el coaimenté, avec beau-
coup de malignité , de longs firagmentj dans leuri-
tomes IX et X , anne'e 1819.
ï6
VAU
re passer sous la domination du duc
de Savoie j mais son complot ayant
e'te' découvert , il fut enferme dans un
cachot , puis transporte' eu France.
Il obtint ensuite sou ëcliange , et re-
prit son service. Se trouvant, en 1708,
à la prise de Gaëte par le général
Thaun , il y reçut une blessure gra-
ve, et passa pour mort. Il guérit ce-
pendant , et servit encore avec beau-
coup de distinction. Eu 1 7 1 3 , il e'tait
lieutenaat-gcnéral de cavalerie; et il
commandait un corps de vingt mille
hommes devant Fribourg , lorsqu'il
fut obligé de se retirer , à l'approche
du maréchal de Villars.Deuxans plus
tard, il passait par Rome, allant
prendre le commandement du royau-
me de Naples , lorsque , dans un ac-
cès de démence , il se précipita d'un
troisième étage dans la rue, et mou-
rut un quart- d'heure après, le 12
août 17 15. M — D j.
VAUGANSON ( Jacques de ) ,
mécanicien , naquit , à Grenoble , le
24 février 1709^ d'une famille no-
ble. Sou goût pour la mécanique se
déclara dès sa plus tendre enfance.
Sa mère , femme d'une piété sévè-
re, ne lui permettait d'autre dissi-
pation que celle de venir avec elle,
le dimanche, chez des dames d'une
dévotion égale à la sienne. Pendant
leurs pieuses conversations, le jeune
Vaucanson s'amusait à examiner, à
travers les fentes d'une cloison , une
horloge placée dans la chambre voi-
sine. Il en étudiait le mouvement,
s'occupait à en dessiner la structure
et à découvrir le jeu des pièces, dont
il ne voyait qu'une partie. Cette idée
le poursuivait partout. Eufm il sai-
sit tout d'un coup le mécanisme de
l'échappement, qu'il cherchait de-
puis plusieurs mois. Dès ce moment,
toutes ses idées se tournèrent vers
la mécanique. 11 fit, en bois et avec
VAU
des instruments grossiers, une hor-
loge qui marquait les heures assez
exactement. Il composa , pour une
chapelle d'enfant, de petits anges qui
agitaient leurs ailes, des prêtres au-
tomates , qui imitaient quelques fonc-
tions ecclésiastiques. Le hasard fixa
son séjour à Lyon. On y parlait alors
de construire une machine hydrauli-
que, pour donner de l'eau à la ville.
Vaucanson en imagina une, qu'il n'o-
sa proposer par modestie ; mais, ar-
rivé à Paris, il vit avec une joie dif-
ficile à peindre que la machine de la
Samaritaine était précisément celle
qu'il avait imaginée à Lyon. S'aper-
cevant de tout ce qui lui manquait de
connaissances en auatomie , en musi'
que , en mécanique , il employa plu-
sieurs années à étudier ces sciences.
Le Auteur des Tuilerie^ lui fit naître
l'idée d'une statue qui jouerait des
airs , et imiterait les opérations d'un
joueur de flûte. Les reproches d'un
oncle, qui traitait ce projet d'extra-
vagance, en suspendirent l'exécution.
Ce ne fut que trois ans plus tard que
Vaucanson s'en occupa , pendant un a
longue maladie. Il y réussit au point
que,sanscorrection,sans tâtonnement,
la machine résulta de la combinaison
des pièces qu'il avait fait exécuter à
divers ouvriers, chargés séparément
des différentes parties de l'automate.
Aux premiers sons que le flûteur ren-
dit, le domestique de Vaucanson , qui
se tenait caché dans l'appartement,
tombe aux genoux de son maître,
qui lui paraît plus qu'un homme j et
tous deuxs'embrassent en pleurant de
joie. A cette machine succéda bientôt
un automate qui jouait à-la-fois du
tambourin et du galoubet. Enfin ou
vit deux canards qui barbotaient , al-
laient chercher le grain, le saisissaient
dans l'auge , et l'avalaient. Ce grain
éprouvait dans leur estomac uue
VAU
espèce de triluration , et passait
dans les intestins, suivant ainsi tons
les degrés delà digestion animale. En
i'^4o> Yaucansou résista aux offres
du roi de Prusse , qui cherchait à ras-
sembler dans ses états tous les hom-
mes illustres dispersés eu Europe.
Peu de temps après , le cardinal de
Fleury l'attacha à l'administration ,
enlui confiant l'inspection des manu-
factures de soie. 11 ne tarda pas à
perfectionner le moulin à organsincr
(i). Dans un voyage qu'il fit à Lyon,
il se vit poursuivi à coups de pier-
res par des ouvriers en soie, parce
qu'ils avaient ouï dire qu'il cherchait
à simplifier les métiers. Pour s'en ven-
ger , il construisit une machine avec
laquelle uu âne exécutait une étoffe à
fleurs. Il mit fin par là à une discus-
sion où l'on faisait valoir auprès du
gouverrementrintelhgence peu com-
mune que devait avoir un ouvrier en
étoffes de soie , dans la vue d'obtenir,
en faveur de ces fabriques , quelques-
uns des privilèges que l'ignorance
accorde souvent à l'intrigue, sous le
prétexte si commun et souvent si
(i) Il iiiiagiiia fies machines propres à donner à
volouté de l'apprêt aux diver-^es espèces de soie , à
rendre cet apprêt égal pour toutes les bobines ou tous
les éclieveaux d'un même tiavail, et pour toute la
longueur du fil qui formait chaque bobine ou cha-
que echeveau. 11 imagina de plus.les instruments
Jie'cegsaires pour exécuter avec régularité, et d'une
manière uniforuie, les diQérentes parties de ces
machines. Ainsi une chaîne sans fin donnait le mou-
vement à sou moulin à organsiner ; il inventa une
inachiue pour l'ormer la chaîne de mailles toujours
égales : eil>- est regardée comme un chef-d'neu-
vre. il ne tendait qu'à donner aux mouvements des
gi'andes machines cette précision et cette uniformi-
té si nécessaires pour la régularité de leurs effets.
11 voulait substituer, dans ses moulins, des
pièces en bois à celles qu'il avait été obligé de
mettre eu fer, mais de manière q\ie cette substitu-
tion ne nuisît pas à la perléctiou du travail. Il a don-
né, dans les Recueils de l'académie des sciences ,
dont il était membre, plusieurs Mémoires sur son
moulin à organsluer , et la description de quel •
ques autri s mécanismes utiles aux arts. Il possédait
à un degré très-rare le talent de décrire les machi-
nes avec clarté et précision. Il avait un coup-d'ail
5ur ,■ et il s'exprimait avec sincérité ; aussi se
plaignait-ou souvent de son jugement; obI 'actui-
sait mèiBtt de partialité et d'ei»\ ie.
XLVIII.
VAU 17
trompeur du bien public. Vaucanson
fit encore, pour la représentation de
la Cléopatre àcMarmoutel , un aspic
qui s'élançait en sifflant sur le sein
de l'actrice • ce qui fit dire à un plai-
sant, que l'on consultait sur le méri-
te de cette tragédie : Je suis de Va-
vis deV aspic. Vaucanson s'occupait
en secret d'une idée , à l'exécution
de laquelle Louis XV s'intéressait :
c'était la construction d'un automate
dans l'intérieur duquel devait s'opé-
rer tout le mécanisme de la circula-
tion du sang j mais il fut dégoûté par
les lenteurs qu'éprouva l'exécution
des ordres du roi. Voltaire fit alors
sur lui les vers suivants :
Le hardi Vaucanson . rival de Prométtée ,
Semblait, de la nature imitant les ressorts,
Prendre le feu des cieux pour animer des corps.
Attaqué , depuis plusieurs années ,
d'une longue et cruelle maladie , il
conserva toute son activité jusqu'au
dernier moment. Il s'occupait en-
core , à la fin de sa vie , à faire
exécuter la machine qu'il avait in-
ventée pour composer sa chaîne
sans fin. Ne perdez point de temps,
disait-il aux ouvriers ; je ne vivrai
peut-être pas assez pour expliquer
tonte mon idée. Enfin il termina
sa carrière le 2i nov. 1782. Il fut
retenu au lit pendant les dix-huit
derniers mois de sa vie , par une
complication de maux très-doulou-
reux jet ses parents désirèrent alors
qu'il donnât quelques marques de re-
tour à la religion: ce ne fut qu'avec
beaucoup de peine qu'on put le dé-
terminer à se confesser. On lisait cette
épitaphe sur sa tombe dans l'église
de Sainte-Marguerite ; Bonis omni-
bus pietate , caritate , vei'ecundid
jlebilis. C'était en efîet un bon père
de famille , et véritablement un
homme de bien. Une collection de
maciiines, espèce de conservatoire
2
1«
VAU
des arts et métiers qu'il avait établi
à Paris , rue de Charonne,fut mise ,
après sa mort , sous la direction de
Yaadermonde ('2). Son éloge, comme
membre de racadcmie des sciences ,
a etë compose' par Condorcet. Z.
VAUGEIj ( Paul -Louis du),
ami et agent d'Arnauld et de Ques-
ncl, né a Évrcux vers i64o, s'é-
tait d'abord destiné à la profession
d'avocat; mais l'abbé Feydeau ( F.
ce nom , XIV , 4? O l'entraîna dans
ime autre carrière. Du Vaucel suivit
cet abbé quand il alla, eu iGGS, se
fixer dans le diocèse d'Aleth. Ils de-
meurèrent quelque temps ensem])le.
Pavillon , évèquc d'Alctli , s'attacha
ensuite Du Vaucel , qui le servait
dans sa correspondance et dans les
aflfaires que lui suscitait sa résistan-
ce aux ordres du roi touchant la
régale. Le secrétaire fut exilé à St.-
Pourçain, en 1677, et passa en Hol-
lande, en 1681 ; Arnauid y était dé-
jà, ainsi que plusieurs autres ecclé-
siastiques et séculiers attachés à sa
cause. Du Vaucel demeura quelques
mois à Dclft avec le docteur, ([ui le
4;rut propre à remplir une mission
importante. Ou voulait avoir à Ro-
me un agent actif, intelligent, dis-
cret, qui, par sa prudence et sa ré-
serve, ne donnâlpoint d'ombrage et
qui sers'ît néanmoins avec zèle les
intérêts du parti. Du Vaucel avait
toutes ces qualités j il partit pour
Eome, en 1682, et y demeura sous
le nom dcValloni. 11 entretenait avec
Aruauld une correspondance assidue ,
comme on le voit par le grand nom-
(a) Vauraiisou , par son testament , avait donne
son caliîiret Ue meoaniqiies ;i la reîne, qui ne pa-
rut pas faire grand cas de ce Ic^s. Ou sngséra à
cette princesse l'idée d'en gisiillcr l'académie des
sciences ; ruais les lutcudauls du commei-ce ayant
Teclainc les mai hines relatives aui manufactures ,
il en résulta des discussions , par suite destpielle»
cette précieuse collection a été dispersée et per-
due pour la France. Le (Inleur , le joueur d'é-
ebecf , chc. oui j>aMe' eii AHe nagm-. A— T.
VAU
bre de lettres de ce docteur, qui lui
sont adressécs,dans le recueil qui en a
été publié. Cette correspondance mys-
térieuse montre quels étaient le dé-
vouement et l'activité de Du Vaucel ;
on eu trouve encore une autre preu-
ve dans le recueil intitulé : Causa
Quesnelliana , 1704, in-4°. Parmi
les papiers saisis chez Quesnel lors-
qu'il fut arrêté à Bruxelles, il y avait
beaucoup de lettres de l'infatigable
agent, qui v est nommé tantôt Val-
loni , tantôt le prieur de Saint- Louis,
quelquefois le sieur de La Rue , Teo-
doro, clc. Du Vaucel ayant été obli-
gé de quitter Rome , voyagea en Ita-
lie et dans d'autres pays , pour les
intérêts de la même cause. Il se trou-
vait à Maëstricht, en 17 15, et y
mourut le 'î.i juillet. Tous ses écrits
sont anonymes; il donna une édition
des Staluls synodaux d' Alcth ,
1 (374 , in- 1 2 , et du Traité de la ré-
gale , de Caulet, i08i , in-4". Lui-
même composa un traité latin sur la
régale, 1689, 111-4"., et dressa une
Relation de ce qui s'était passé
touchant la régale à Âlelh et à
Famiers, i68i , in- 12. Il avait re-
cueilli des' Mémoires pour la Vie de
Pavillon ,etil a écrit contreMoliiios,
contre Sfondrate, contre les rites chi-
nois. 11 avait laissé en manuscrit des
Remarques sur les Actes du concile
de Constance , par Schelstrate, et
sur le Traité des libertés gallican
nés , de Charlas. Enfin, on lui attri-
bue des Remarques sur le plaidoyer
de Talon, en 1688, contre la bulle
d'Innocent XI, sur les franchises,
et une Justification de cette bulle ,
iiM'2 de 170 pag. P — c — r.
VAUCHÈR. r.VAULCHIER.
VAUCHOT. r. Prudent.
VAUCLUSE. r. Fauquk.
VAU DR EU IL (Philippe de
RiGArD , marquis de) , fils du mar-
VAU
quis de Vaudreuil qiu fut tuQ à
l^uzara sur le champ de bataille, eu
170'i, entra dès sa jeunesse dans la
carricic des armes, fut nomme, en
1G89, gouverneur de Mont-Re'al , s'y
distingua par son courage , la fer-
meté de son adnnuistration , et fut
jiomme, en 1708, gouverneur de
tout le Canada; emploi qu'il con-
serva jusqu'à sa mort, qui eut lieu
?» Québec le 10 septembre l'jlj. Il
eut pour successeur dans ce gouver-
nement le clievalicr dcBeauharnais,
et plus tard le marquis de Vaudreuil ,
son lils, lieutenant-gene'ral , qui dé-
fendit si bien cette colonie contre les
Anglais, en 175G, et succéda dans
le commandement au marquis de
Montcalm , qu'il avait très-bien se-
condé dans ses dillcrentes expédi-
tions, et particulièrement à la prise
du fort Chouegueu. Z.
VAUDRliUlL (Louis -Philippe
RiGAUD, marquis dk) , (ils du pré-
cédent , ne en 1723, avait à peine
atteint sa dix - huitième année lors-
que son père le fit entrer dans la
marine. 11 commandait , eu 17 jO,la
frégate V Arélhusc , et fut chargé
d'escorter lui convoi considérable
revenant du Canada. La guerre
était déclarée à l'Angleterre ; et
Vaudreuil, après une heureuse navi-
gation, se trouvait en vue des cotes
de France , lorsqu'il découvrit un
vaisseau et deux frégates ennemis.
Aussitôt il fait signal à la flotte de
forcer de voiles vent-arrière j et lors-
qu'il la croit hors de danger , il laisse
arriver sur les deux frégates , et va
leur présenter le combat. L'action
durait déjà depuis une heure avec
une intrépidité sans exemple, delà
part de V Ai'élhuse , lorsque l'arri-
vée du vaisseau anglais, rendant la
])artie trop inégale, força le marquis
de Vaudreuil , blessé dangerense-
VAU
19
ment , d'amener son pavillon. La
bravoure qu'il avait montrée dans
ce combat lui mérita , en Angleterre,
l'accueil > le plus honorable. On lui
laissa spn épée ; et quelque temps
après il fut renvoyé, sans échange,
dans sa patrie. La guerre de 1778
lui procura de nouvelles occasions
de se signaler. Au combat d'Ouessaut
{■!'] juillet), il commandait le Fen-
dant , de soixante-quatorze canons ,
et faisait partie du corps debataille ,
sous les ordres du comte d'Orvilliers.
Au commencement de l'année 1779,
le roi lui ayant confié le comman-
dement d'une escadre de deux vais-
seaux, deux frégates et trois corvet-
tes , le chargea d'aller s'emparer du
Sénégal. Arrivé, le 3o janv., devant
le fort Saint-Louis , Vaudreuil l'o-
bligea bientôt de se rendre. Cette ex-
pédition terminée, il croisa dans ces
parages , et lit pour huit millions de
prises sur les Anglais. Ensuite il alla
joindre l'armée navale aux ordres
du comte d'Estaing, et participa nu
combat qui fut suivi de la prise de la
Gr.'nade. A son retour en France, le
roi lui fit ollrir le commandement
de Samt-Domingue. « Je ne puis ac-
» cepter cette proposition , répon-
y> dit-il au ministre; en temps de
» guerre, le poste d'honneur , pour
» un ollicier de la marine, est sur
» un vaisseau, » En 1 780 , Vaudreuil
fut chargé d'escorter un convoi nom-
breux , destine pour les Antilles. Ren-
contre, dans sa route, par l'escadre
anglaise aux ordres de l'amiral Kem-
penfelt, il sut lui échapper par une
manœuvre habile, et entra à la Mar-
tinique sans avoir perdu un seul
bâtiment. L'armée du comte de Gui-
chen étant arrivée sur ces entre-
faites , Vaudreuil se rangea sous
son pavillon; et il participa, sur
le Fondant , au combat que cet
2..
ao VitJ
amiral lirra à RoHiiej ( 17 avril
1-80). A ia funeste journée du 12
avril l'jS'i , Vaudreuil comraaiid.iit
l'avant-garde de l'armée sous les or-
dres du comte de Grasse. Sou pavil-
lon était arboré sur le Triomphant,
dequatre-vingts canoi^-s. Trop t-loigué
pour prendre part au combat , il no
put en empêcher lés suites désas-
treuses ( Foj-. Grasse ). Ayant en-
suite rallié quinze vaisseaux sous
son commandement , il se rendit
à Saint - Domingue , sans être in-
qviiété par l'amiral Rodney. La paix.
de 1783 le ramena dans sa patrie;
et il fut nommé lieutenant- général et
grand-croix de Saint -Louis. Élu , en
17F9 , député de la noblesse du bail-
liage de Castelnaudari aux états -gé-
néraux, il siégea au côté droit, et
prit souvent la parole sur les affaires
relatives à la marine. Dans la nuit
du 5 au 6 octobre 1789, où le roi
et sa famille coururent de si grar-ds
dangers _, Vaudreuil donna les preu-
ves du plus généreux dévouement.
En 1791 , il passa en Angleterre.
Rentré en France, après le 18 bru-
maire ( 1 800 ) , il vécut à Paris ,
dans la retraite la plus profonde,
et y mourut , le 1 4 déc. 1802. — Jo-
seph-Francois-de- Paule , comte de
Vaî:dreuil, de la même famille, né
à St.-Domingue le 2 mars 1740 ■, fit
ia guerre de Sept-Ans comme aide-
de-camp du prince de Soubise, et
comme officier supérieur de la gen-
darmerie. Il parvint ensuite au grade
de lieutenant- général , fut nommé
grand fauconnier de France , et eut
beaucoup de succès à la cour. En
1782, il accompagna le comte d'Ar-
tois au siège de Gibraltar. Après le
i4 juillet 1789, ii quitta la France
avec ce prince , se rendit avec lui à
Turin , et l'accompagna ensuite dans
différentes contrées jusqu'à son re-
VAU
tor;-, en 181 4- Le marquis de Vau-
dieuil fut alors uommcpair de Fran-
ce et gouverneur du Louvre , et il
mourut dans cette charge en janvier
1817. H — Q — N.
VAUGE (Gilles), né à Bcric ,
au diocèse de Vannes , entra dans
l'Oratoire en 1687. Après avoir en-
seigné les belles-lettres d'une manière
très-distinguée dans plusieurs collè-
ges , il professa la théologie au sé-
minaire de Grenoble , oîi il s'acquit
la confiance du cardinal Le Camus
et de M. de Montmartin , son succes-
seur. Après la mort de ce dernier
prélat , il se retira à l'institution de
Lyon^ continua de mener une vie très-
péuitente , et y mourut le 28 octobre
1739, avec la réputation d'un ex-
cellent théologien et d'un directeur
des âmes îrès-éclairé. On a de lui :
1. Le Catéchisme de Grenoble ,
souvent réimprimé. IL Le Directeur
des âmes pénitentes y 2 vol. in- 12 j
le second volume, qui est du P. Mo-
linier, est moins estimé que le pre-
mier.III. Traite de V espérance chré-
tienne , contre l'esprit de pusilla-
nimité , Paris, in-12 et in-i6. Ou-
vrage solide , dont la troisième édi-
tion est de 1732. Il a été traduit en
italien par Louis Riccoboni, Venise,
1736 , in-i2. Le traducteur le dédia
au duc d'Orléans par une Épître en
français, qui ne se trouve qu'à la
tête de l'exemplaire présenté à ce
prince. IV. Deux Dialogues sur la
constitution Unigenitus , à laquelle
l'auteur n'était pas favorable. T — d.
VAUGELàS (Claude Favre
de ) j l'un de nos plus célèbres gram-
mairiens , était le second fils d'An-
toine Favre ( Foj-. ce nom , XIV,
225 ) , habile jurisconsulte ;, et naquit
à rhambéri vers t585 (i). Étant
^ij A iîourj^-eii-Bresso , en i5^5 , suiviuit Pa-
lissut : mais c'est une duable erreur, La seconde
VAU
venu dans sa joincssc à Pars, il oh-
tiut une ])Iace de gonlilhownie ordi-
naire de Gaston, duc d'Orle'aus, qui
le fit ensuite son cliambellan. L'atta-
cliemcnt qu'il portait à ce prince ne
lui permit pas de l'abandonner dans
ses disgrâces ; mais étant mal payé
de ses gages, il tut obligé de contrac-
ter des dettes, dont il ne put jamais
se libérer. Outre la baronniede Pero-
ges en Savoie, il jouissait, sur la cas-
sette du roi , d'une pension de deux
mille livres, que son père lui avait
fait accorder en 1 629 , et qui formait
le plus clair de son revenu. Le car-
dinal de Richelieu ayant fait suppri-
mer cette pension , sans doute pour le
punir de son zèle pour les intérêts
de Gaston, Vaugclas se trouva dans
une situation fort embarrassante. L'é-
tude , qui jusque-là n'avait guère été
pour lui qu'un délassement , vint le
consoler des caprices de la fortune.
Habitué de bonne beiire à réfléchir sur
ses lectures, il avait acquis une con-
naissance approfondie de la langue, et
s'était fait la réputation de la parler
très-correctement , genre de mérite
fort rare à cette époque. C'est à ce ti-
tre seul qu'il fut admis à l'académie
française , lors de sa fondation (2).
Assistant assidûment aux séances ,
toutes consacrées alors à des discus-
sions grammaticales , il notait avec
exactitude les points sur lesquels on
ne pouvait s'accorder , et achevait
de les éclaircir. Telle fut l'origine de
ses Remarques sur la langue fran-
çaise, ouvrage qu'il s'empressa d'of-
frir à ses confrères, lorsqu'ds eurent
arrêté de s'occuper du Dictionnai-
re. L'académie, ayant reconnu que
tous ses membres ne pouvaient pren-
jieut être attribuée à une incorrection tvpogra-
^iiique.
[■^^ Vaiijrlas fui refu It \ ingt-Hcnixièmc
VAU '11
dro uiic part active à ce travail ,
jiréscnta Yaugelas au ministre ,
pour le mettre à la tête de celte
grande entreprise, et en même temps
demanda qi'.e sa pension fût réta-
blie. Ti alla remercier Piichelicti ,
qui lui dit, en l'apercevant: «Hé
bien , vous n'oublierez pas dans le
dictionnaire le mot de Pension. —
I^ on, monseigneur, répondit- il , et en-
core moins celui de Reconnaissance .»
Vaugelas était un des oracles de l'hô -
tel Rambouillet , où il n'était pas
moins assidu qu'à l'académie. S'élaut
formé , dans sa jeunesse , principale-
ment par la lecture des ouvrages de
Coefleteau ( For. ce nom , IX, 197 ) ?
il conserva long-temps pour cet écri-
vain une admiration excessive. Il
faisait tant de cas de son Histoire ro-
maine , qu'il ne pouvait presque
concevoir de phrase qui n'y fût em-
ployée (3). Dans la suite , il reconnut
cependant qu'il pouvait choisir un
meilleur modèle ; et il refit entière-
ment sa traduction de Quinte-Curce,
après avoir lu celle à'Arrien , par
Perrot d'Ablancourt. H avait com-
posé quelques vers italiens , qu'on
estimait beaucoup; mais il ne put
jamais réussir à en faire de français,
dumoinsde supportables (4). La dou-
ceur de ses mœurs , sa probité scru-
puleuse et ses talents lui méritèrent
de nombreux amis, parmi lesquels
on cite Faret , Voiture, Chapelain ,
Conrart, etc. I! mourut presque su-
bitement d'un abcès à l'e-iiomac , au
mois de février l65o (5), à l'âge de
(3) Bal-/.ac disait j^laisamment qu'an jugement
de Vaugelas, il n'y avait poiat de salut hors de
l'Histoire ronjuine.
(4' On en a la preuve par les impromptus rip-
porlés dans l'Hiitohe de l'Aoïdémic ; le premiwr
commence par ce vers singulier :
Empêché d'un eniperheinenl.
(5) D'Olivet , «ur r.Tifovi'c de Gnichcnou , \'ré-
r?re celte date h celle 't'^'ifi'in , ';i? ^i—ne P.l-
lissnn.
a2 VAU
soixante- cioq ans. Ses manuscrits
ayant été saisis par ses créanciers ,
l'académie fut obligée de plaider pour
avoir le travail qu'd laissait sur le
Dictionnaire. On lui donna pour suc-
cesseur le fécond Scudéry ( Foy. ce
nom ). Yaiigelas , dit Pellisson, était
fort dévot, civil et respectueux jus-
qu'à l'excès > particulièrement envers
les dames , pour lesquelles il avait
une extrême vénération. Il craignait
toujours d'offenser quelqu'un , et le
plus souvent il n'osait , pour cette
jaison, prendre parti dans les ques-
tions que l'on mettait en dispute [Hist.
de l'acad. franc. ). La gloire de
Vaugelas est d'avoir épuré notre lan-
gue , que Malherbe avait renouvelée.
Éoileau le nomme le plus sage de
nos écrivains {Réjl, critiq. sur Lon-
gin , I ). Quoiqu'on lise peu ses ouvra-
ges aujourd'hui , son nom passera
jusqu'à la dernière postérité. On a de
lui : I. Remarques sur la langue
française, Paris, 164 7,in-4°. ; il y en
a quelques-unes de puériles: a Mais,
» ditPelhssoH , la matière en est très-
» bonne pour la plus grande partie,
» et le style excellent et merveilleux;
» mais encore il y a dans tout ie corps
» de l'ouvrage je ne sais quoi d'hou-
» nête homme , tant d'ingénuité et
» tant de franchise , qu'on ne sau-
» rait presque s'empêcher d'en ai-
» mer l'auteur. » La Préface pas-
se pour un chef - d'œuvre en ce
genre. Les Remarques de Yauge-
ias furent critiquées par Dupleix et
l)ar La Mothe-le-Vayer (6) ; mais
(G) Scip. lUijiieix publia : Liheric de lu Ifins^ue
française dans sa pureté^ ou Discussion des Remar-
ques de Vaugelas, Paris, i6>i , iiï-4**. T^a critique
ne Le Yayer est intitulée : Lettres tourhant les
?iom>eltes hemarques sur la langue Jiançaise, Paris,
i()47, iu-8". Les Olisert'atiûns de l'Académie Jran
^aisc sur les Remarques de P'aiiS;elas^ Paris , 1704 ,
in-',**, n'en sont point une critique; mais une
Teimpre.'-sion avec quelques notes , dans lesquelles
on indique les mots svuannës et les changements
a^^^^cs dans la ïm^ue depuis» les cinquante der-
nières années.
VAU
elles trouvèrent un grand nombre de
partisans et de défenseurs parmi nos
meilleurs grammairiens, tels quePa-
tru, le P. Bouhours , etc. On les a
souvent réimprimées. La meilleure
édition est celle de Paris, 1738, 3
vol. in-i2 , avec les notes de Patru
et de Th. Corneille {F. ce nom , IX ,
628 ). Pellisson annonçait que Vau-
gelas avait laissé des matériaux tout
prêts pour un second volume. Ce fut
ce qui décida sans doute Aleman ,
avocat de Grenoble, à publier les
Nouvelles Remarques de F au gela s y
Paris, i6go , in- 12 : mais ce recueil,
à peu de chose près , ne roule que
sur des phrases absolument suran-
nées, même du temps de Vaugelas;
en sorte qu'on peut raisonnablement
croire que c'est le rebut de ses pre-
mières Remarques {Hist. de l'acad.
franc, par d'Olivet ). On en a tiré
quelques articles , les plus intéres-
sants, pour les joindre à l'édit. de
1788. II. Quinte- Curce , de la Fie
d' Alexandre -le- Grand. Vaugelas
avait travaillé trente ans à cette tra-
duction, la changeant et la corri-
geant sans cesse. Elle fut publiée ,
])Our la première fois, par les soins
de Chapelain et de Conrart, Paris,
i653, in 4°., et il s'en fit presque
sur-le-champ une seconde édition.
Patru ayant retrouvé ensuite une
copie de cette traduction , beaucoup
meilleure, la fit imprimer en iGSg,
in-4°. , et cette édition a servi de ba-
se à toutes celles qui ont paru depuis.
Balzac a dit, dans son style empha-
tique : « Si l'Alexandre de Quinte-
Curce est invincible , celui de Vauge-
las est inimitable, v Malgré cet ar-
rêt , on a de meilleures traductions
de Quinte - Curce ( Foj. ce nom ) ;
mais on ne doit point oublier que
celle de Vaugelas, publiée dix ans
avant les Lettres provinciales, est
VAU
le premier ouvrage écrit dans no-
tre langue avec une pureté' continue
( Voy. Palissot , Mémoires sur no-
tre littérature). On peut consulter,
pour plus de détails, l'Histoire de
l'académie française , par Pellisson
et d'Olivct • et les Mémoires de Ni-
ceron, tom. xix, lij^-So'à. Le por-
trait de Vaugelas a e'te' grave' ; mais
on ignore le nom de l'artiste qui nous
a conserve' ses traits. W — s.
VAUGIRAUD ( Le comte , Pier-
re-Eene'-Marie de ) , vice-amiral ,
naquit aux Sables-d'Olonne , en 1741?
de l'une des plus anciennes familles
de l'Anjou. Il était le second de trois
frères, dont l'aîné, le marquis de
Vaugiraud , officier aux gardes-fran-
çaises, fut arrêté après le 10 août
1792, et massacré à l'Abbaye, le 3
septembre. Le dernier des trois avait
péri en revenant de l'Inde , lors du
naufrage du vaisseau le David. Le
comte , alors chevalier de Vaugi-
raud, entra dans la marine royale,
en 1755. Il s'embarqua l'année sui-
vante sur V Eveillé , et se trouva à
la prise du vaisseau anglais le Green-
ivtcA. Nommé enseigne, en i;6'i, il
se fit remarquer par son activité et
son courage ; même pendant la paix,
il sut encore se rendre utile à bord
de l'escadre d'évolution commandée
par d'Orvilliers(^. ce nom), qui ap-
pela sur lui la bienveillance du roi.
La guerre lui fournit des occasions de
se distinguer d'une manière plus bril-
lante. En 1779, il sei'vait sous les
ordres du même amiral , sur le vais-
seau commandé par M. Dnchaffault,
qui dirigeait l'arrière-garde au com-
bat d'Ouessant. Ce brave marin tom-
ba dans les bras du chevalier de
^ augiraud, et, forcé par sa blessure
de quitter le pont , le chargea de
commander ses manœuvres de ma-
nière à ce qu'on ne s'aperçût pas de
VAU
33
son absraice. Vaugiraud justifia sa
confiance, et reçut les éloges de toute
l'armée. Rentré à Brest , l'incendie
du Roland, arrivé dans le port, le
mit à même de montrer la plus rare
intrépidité. Le roi lui lit écrire une
lettre fort honorable. Deux fois
dans sa vie le même événement de-
vait faire éclater en lui le même cou-
rage et le même dévouement. Peu de
temps après l'incendie du Roland,
il fut nommé au commandement
d'une frégate: il se préparait à met-
tre à la voile, lorsque le projet d'une
descente en Angleterre fit réunir ,
sous les ordres du comte d'Orvilliers,
les flottes combinées de France et
d'Espagne ; et cet amiral le lit choi-
sir pour major en second. On con-
naît les causes patentes et secrètes
du peu de succès de cet armement.
Lorsque Dnchaffault en prit le com-
mandement,, après ]M. d'Orvilliers,
Vaugiraud fut nommé major-géné-
ral, avec le rang de capitaine de
vaisseau. Bientôt on le choisit pour
remplir encore les fonctions de ma-
jor-généi-al sur la flotte du comte
de Grasse. Cette armée navale de-
vait relever, aux Antilles, celle du
comte de Guichen , ravitailler les îles
françaises et escorter un convoi de
deux cents voiles. Toutes ces opéra-
tions réussirent, et le chevalier de
Vaugiraud concourut à leur succès.
Ce fut alors qu'une circonstance ter-
rible attira sur lui les regards de
toute l'armée. Tout-à-coup, au mi-
lieu de la flotte , qui se trouvait à
l'ancre devant la ville du Cap à Saint-
Domingue, le feu prit à bord de
r/7z<r<?)?f^e. L'équipage eii'rayé, sourd
à la voix du brave officier qui le
commandait, se mutinait, quittait
déjà le vaisseau ; aucune manœuvre
ne semblait possible. L'armée, la ville
entière , dans la stupeur , attendaient
2 4 VAU
le moraeNt d« leur destruction. PJa-
jor lie l'armée, compagnon d'armes
fi ami du commandant de VJntrépi-
ih , Vaugiraud demanda au comte
de Grasse la permission d'aller périr
avec lui, ou de l'aider à sauver la
flotte. Il vole au bâtiment qui vomis-
sait des torrents de flamme , force les
fuyards à y rentrer avec lui , unit sa
voix à celle du capitaine , prescrit
lui-même les manœuvres : le feu s'ap-
prochait de la soute aux. poudres j
enfin , V Intrépide s'el)ranle , s'éloi-
gne , il échoue à la cote ; les deux
braves officiers font embarquer l'é-
quipage, et sortent les derniers. Cinq
minutes après , Vlntrépide sauta
avec une explosion qui éljranla toute
la ville 5 mais d'assez loin pour fcxire
juger seulement du péril affreux, au-
quel elle venait d'échapper. Dans
cette même campagne, le comte de
Grasse ayant fait voile pour la baie
deCliesapeak,et revenant aux Antil-
les , soutint, le 12 avril 17 S'a, contre
l'amiral anglais Roduey, ce combat
sanglant et malheureux, où la flotte
française perdit plusieurs vaisseaux,
et vit prendre la Ville de Paris,
que montait l'amiral. Le carnage y
fut afîreuî^ le sang inondait les en-
tre ponts • Vaugiraud, blessé deux
jours avant ,ne cessa de remplir son
devoir ovec une bravoure et un dé-
vouement qui furent reconnus unani-
mement par le conseil de guerre
chargé de juger la conduite des prin-
cipaux officiers dans cette malheu-
reuse affaire. Le roi lui adressa de
nouveau une lettre très-honorable,
accompagnée du brevet d'une pen-
sion de douze cents livres. Après
la paix de 1783 , Vaugiraud com-
manda en second une escadre d'é-
volution. En 1780, il montait , de-
puis un an , un bâtiment en station à
ia Martinique, lorsque des mouve-
VAU
ments iusurrectiomjels se manifestè-
rent dans cette colonie. Il seconda
de tous ses ellorts le gouverneur, i\[.
de Vioménil ; et tous deux parvin-
rent à arrêter quelque temps les dé-
sordres de la révolution. Il revint
en France bientôt après , et se re-
tira dans ses foyers, en Poitou, où
la fureur révolutionnaire l'environ-
na de menaces et de dangers. Au mo-
ment du départ de Louis XVI pour
Varennes , la liberté et la fortune du
comte de Vaugiraud, comme celles
de tous les gentilshommes ses pa-
rents et ses voisins , furent tellement
compromises, qu'ils entreprirent de
se défendre les armes à la main : réu-
nis au château de la Proutière, ap-
partenant à M^r. de Lézardière , ils
y furent attaqués , et résistèrent cou-
rageusement pendant toute une nuit.
Mais le feu ayant été mis au château ,
ils se virent forcés à la retraite , au
moment où les paysans allaient
s'armer pour les défendre. Cet évé-
nement, alors de peu d'importance,
fit connaître les généreuses disposi-
tions qui produisirent depuis tant
d'actes d'héroïsme dans cette con-
trée , et fut la première donnée sur
laquelle le chcA^alier de la Piouarie
conçut le projet de l'insurrection de
la Bretagne et de l'Anjou. Le comte
de Vaugiraud , plein de confiance
dans la justice de sa cause, vint por-
ter ses plaintes à l'assemblée natio-
nale^ qui , loin de l'écouter, rendit
contre lui un décret de prise de corps.
Il en évita les suites en émigrant avec
son fils et 'sa famille. Arrivé à Co-
blentz , il seconda le comte d'Hector
dans l'organisation du corps de la
marine en conipaguies; et dès qr.e \3.
campagne s'ouvrit , il prit le com-
mandement de celle qui fut chargée
d'accompagner les princes français ,
dont il partagea les fatigues et les
/
VAU
dangers. An licenciement de l'armce
de Condc, le comte de ^augiraud
fut envoyé en Angleterre pour se
rendre ensuite dans la Vendée , et y
porter les ordres du roij mais cette
mission fut différée , et il resta à
Londres jusqu'au départ de l'expé-
dition de Quiberon. Sa réputation
comme marin le fît choisir pour di-
riger, sous les rapports nautiques,
les mouvements de l'escadre de sir
John Warren^ et pour indiquer les
points les plus propres à opérer la
descente. Les opérations qu'il con-
seilla pour le pilotage de la flotte
furent regardées par les Anglais eux-
mêmes comme les preuves d'une
grande habileté. Lorsque les désas-
tres de cette expédition, et le refou-
lement de l'armée royale sur la pres-
qu'île de Quiberon , ne laissèrent plus
d'autre parti à prendre que d'essayer
de sauver les braves qui se dé-
fendaient encore , Vaugiraud courut
vers l'amiral anglais , obtint de
lui la direction de huit chaloupes
canonnières , avec lesquelles il vint
s'embosser vis-à-vis du travers de
la presqu'île, et commença un feu
si terrible , qu'il arrêta les lépu-
blicains assez de temps pour sau-
ver fartillerie et plusieurs compa-
gnies. C'est ce fait honorable que
les journaux du temps, répétés aveu-
glément par plusieurs écrivains ,
ont dénaturé, en supposant que ces
chaloupes anglaises tiraient sur les
émigrés. Le comte d'Artois s'é-
tant rendu à V Isle - Dieu , Vaugi-
raud y fit les fonctions de capitaine
de port, et retourna avec le prince
en Angleterre. Son fils unique resta
dans la Vendée , et mourut de fati-
gue , peu de temps après. En i8i4 ,
Vaugiraud revint en France. Il avait
à peine eu le temps d'y revoir sa fa-
iriille , une fille qui lui restait et les
VAU a'-i
enfants de .sou malheureux frère ,
lorsque le roi le nomma vice-amiral
et gouverneur de la Martinique. Son
nom y était déjà chéri. Son arri-
vée y causa la joie la plus vive ;
mais le retour de Buonaparte , en
1 8 1 5 , le mit dans la position la plus
critique. Déjà quelques observations
que la justesse de son esprit et tant
d'années d'expérience lui rendaient
faciles lui avaient fait entrevoir
qu'il n'aurait guère à compter sur la
loyauté et l'appui de la plupart de
ceux qui l'entouraient. La Guadelou-
pe venait de s'insurger ; et des vais-
seaux de la station avaient mis à la
voile avec le pavillon révolutionnai-
re. Les troupes se montraient incer-
taines. Des émissaires arrivaient à la
Martinique, où l'intrigue ell'ambition
leur préparaient un accès facile. Ce-
pendant une main auguste soutenait
le comte de Vaugiraud. Oubliant ses
propres dangers , Madame avait
songé à ceux des colonies , et fait
instruire le comte de Vaugiraud des
événements qui se passaient en Eu-
rope. Bientôt il reçut le titre de gou-
vei'neur-géuéral des Antilles, avec des
pleins -pouvoirs donnés par le roi.
Sans perdre un moment, il déclara
sa ferme résolution de conserver le
drapeau blanc jusqu'à la mort. 11
donna le choix aux troupes de re-
nouveler leur serment ou de s'em-
barquer pour la France. Celles qui
chancelèrent furent mises à bord d'un
vaisseau , qui leva l'ancre sur - le-
champ. Les agitateurs furent arrêtés
et déportés , les hommes incertains
forcés de faire leur devoir. Le comte
de Vaugii'aud s'était assuré le secours
des Anglais, s'il en était besoin, et
avec la convention expresse qu'ils
seraient sous ses ordres. EnCn la
Martinique sauvée prouva ce que la
loyauté et h dévouement peuvent
26
VAU
donner de forces à un seul homme
dans une circonstance si difficile. La
cbambre des députés de i8i5 ap-
plaudit à la conduite du comte de
Vaugiraud : un de ses membres pro-
posa qu'une récompense publique ,
proportionnée à la grandeur du ser-
Tice qu'il venait de rendre, lui fût
décernée. Cependant la Martinique
avait encore besoin de la ferme-
lé de celui qui venait de l'arracher
à la honte de la révolte et aux
malheurs de la guerre civile. Des
dépenses excessives, une adminis-
tration en désordre, des abus en-
racinés altéraient sa prospérité. Vau-
giraud, sans redouter les ruses et
les clameurs de l'intrigue , ne crai-
gnit pas d'attaquer ouvertement
toutes ces déprédations , et de met-
tre un terme à tant d'abus. Il
poursuivit ses plans avec ferme-
té , et rétabbt l'état financier de
la colonie : mais ia voix de ses enne-
mis s'était fait plus facilement en-
tendre en Europe, près d'un minis-
tère dont l'inconcevable imprudence
avait adopté le plan, que l'histoire
jugera sans doute sévèrement, de
poursuivre, de décourager, de ren-
verser tous les hommes dont la mar-
che franche et dévouée rendait à la
monarchie sa force , et faisait taire
les derniers accents de la révolution.
En vertu d'un usage tombé en dé-
suétude et qu'on n'a pas observé de-
puis, mais qu'on fit revivre pour ce-
lui qu'il eût fallu en excepter , le
comte de Vaugiraud fut rappelé ,
comme ne pouvant rester plus de
trois années à la colonie. Il venait
d'y perdre la compagne de sa vie :
mie long^ie et pénible traversée avait
«battu ses forces. Un coup non moins
douloureux l'attendait en France.
Sans égard pom- ses émiuents servi-
ces , le ministère ne rougit pas d'or-
VAU
donner une enquête sur la conduite
de l'homme qui venait de donner
un si rare exemple de fidélité. Cette
enquête ne présenta rien que d'hono-
rable : mais on la fit traîner en lon-
gueur; et par un raffinement de per-
sécution, on défendit au comte de
Vaugiraud de paraître devant le roi,
qu'il avait si bien servi, jusqu'à ce
que la commission eût prononcé. Le
vieux guerrier , qui avait bravé pen-
dant une longue vie la mort et tous
les genres d'infortune, ne put sup-
porter un pareil malheur. Tous les
soins de sa famille, tous les secours
de l'art furent inutiles ; il succom-
ba à sa douleur et s'éteignit, le i4
mars 1 8 1 9 , dans les bras d'une reli-
gion consolatrice, enbénissant le nom
du roi. On a publié, eu 1822, jRap-
port au roi sur le gouvernement de
la Martinique et de la Guadeloupe,
par le comte de Vaugiraud , précédé
de la Biographie de cet amiral, in-
8°. Sa famille a désavoué cette pu-
blication faite à son insu , et dans
laquelle plusieurs inconvenances se
remarquent aisément. Le comte de
Vaugiraud n'a laissé qu'une fille. Ses
neveux , fils et petits-fils de son
frère , massacré le 3 septembre ^
servent tous le roi dans divers pos-
tes. Le seul d'eutre eux destiné au
service de mer, Léon de Vaugiraud,
y annonçait déjà un officier très-dis-
tingué. Après de longues courses, il
a succombé, à la fleur de l'âge , sur
les côtes d'Espagne. Sa mort a éteint,
dans la marine française, un nom
dont SG?, annales conserveront du
moins l'honorable souvenir. L-s-e.
VAUGONDY. For. Robert.
VAUGUYON (i) (Antoine-
(i) Ce nom est écrit en Jeux mots dans presque
toutes les lii&toires où il est question des membres
de celle famille. Sa vtritahle orthograpbe est Xa-
Paul-Jacques de Qxjelen, duc de
La ) , issu , par la ligne des femmes ,
et unique rcpi'ësentant de la bran-
che royale des princes de Bourbon-
Careucy , et en cette qualité prin-
ce de Careucy (st), honore' du ti-
tre de cousin du roi , naquit à Ton-
neins le 17 janvier 1706. Il ajou-
ta , par ses services et ses vertus
personnelles , à l'illustration de ses
aïeux , et fut gouverneur de trois rois
de France. Il épousa, en 1735, la
lilie aînée du duc de Béthnue-Cha-
rost, dont le père avait été quelque
temps gouverneur de Louis XV .Voué
au service militaire , il fit, en qualité
de colonel du régiment d'infanterie
de Beauvoisis, les campa gnesde 1733,
1734 et 1735^ et se distingua aux
sièges de Kelil et de Philipsbourg ,
à l'altaque des lignes d'Eslingen , et
au combat de Clauzeu. En 174^ -, il
fut chargé de la retraite de \ aiiden-
liausen en Bohême ;, et, à la tête de
quatorze compagnies de grenadiers,
il soutint, pendant huit heures , l'at-
taque des ennemis , sans se laisser
entamer. La même année, il se rendit
maître de Landau sur l'Iser^oii il se
maintint pendant huit jours, ce qui
lui donna le temps de faire des ponts
pour le passage de l'armée française
et des subsistances. Il fut , en 1743 ,
promu au grade de brigadier , et
servit sous les yeux du roi , aux siè-
ges de Menin , Ypres , Touruay , Ou-
dcnarde , Anvers et Maëstricht. Il
contribua beaucoup au gain de la
bataille de Foutenoy ( 1745 ). On
sait qu'elle paraissait perdue jus-
qu'au moment où l'artillerie com-
mença à foudroyer la redoutable
colonne anglaise, dont la défaite as-
sura le succt-s de cette mémorable
journée. Les boulets vinrent à man-
{•>.) Voy. le Dictinnnaiic àe Mo7éii,
VAU
27
guer au poste du village de Foute-
noy , dont le comte de Lavauguyon
avait le commandement ; au lieu
d'arrêter le feu de sa batterie, ce qui
aurait donné aux Anglais le temps
de se reconnaître, il continua de faire
tirer à poudre , et l'efTet moral fut le
même sur celte colonne qui se voyait
accablée dans toutes les directions par
l'artillerie française. Celte présence
d'esprit fut une des principales causes
dubrillant résultat de cettejournée. Le
roi lui en témoigna publiquement sa
satisfaction , et l'éleva au grade de
maréchal-de-camp sur le champ de
bataille. A Rocoux il commandait
une des divisions qui emportèrent
ce village. Il ne se distingua pas
moins à Laufeld. Créé lieutenant-
général le i^'^. janvier 1 748, et che-
valier commandeur des ordres du
roi, le i'^^. janvier 1753, il ajouta
à tous ses titres par de nouveaux ser-
vices. Après la campagne de 1767 ,
il fut chargé du commandement du
duché de Grubeuhagen , oii une par-
tie des troupes françaises était en
quartiers d'hiver : il sut maintenir
la discipline , ménager l'habitant et se
concilier le respect et la confiazicedes
magistrats ; ceux-ci , dans leur re-
connaissance , lui lircut des ollres
qu'il repoussa avec un rare désinté-
ressement. Mais c'est surtout comme
ayant été pendant vingt ans l'ami
intime du dauphin, et le gouverneur
des quatre fils de ce prince, qu'il mé-
rite une place dans l'histoire. Dès le
i4 février 1745^ il avait été nommé
l'un des menins du dauphin , et de-
vait ce choix honorable à la connais-
sance particulière qu'avait le roi de
sa piété et de ses lumières. Au mois
de mai 1758, le comte de Lavau-
guyon fut nommé gouverneur du 11 Is
aîné du dauphin , le duc de Bourgo-
gne, sur lequel reposaient de si grau-
18
VAU
des espérances. Ce clioix avait été
désiré par le danpliin : il fut applau-
di par toute la France j et la dignité
de duc et pair, à laquelle fut élevé
le comte de Lavauguyon , ne parut
que la suite nécessaire et juste de la
haute confiance du monarque (3).
Secondé par le vénérable Coetlos-
quet( V. ce nom ) , l'un des prélats
les plus vertueux de sou siècle , par
le mai-quis de Sincty, sous - gouver-
neur , et par l'abbé de Radonvil-
liers {V. ce nom) , sous-précepteur ,
le duc de Lavauguyon accomplit di-
gnement la tâche qui lui était confiée.
Dire que son premier élève mourut en
héros , à l'âge de dix ans , c'est faire
le plus bel éloge de l'éducation de
ce précieux enfant , qui fut enlevé si-
tôt à la France ( x'-fii). Le duc de
Lavauguyon , qui sans doute sentit
cette perte plus vivement que tout
autre, fut obligé de faire taire sa
douleur , pour consoler celle du dau-
phin. Le succès de l'éducation de ce
prince engagea le roi à confier à ce
seigneur ses ti'ois autres petits-fils ,
à mesure qu'ils passèrent enti'e les
mains des hommes. Le dauphin et sa
digne compagne se plaisaient à par-
tager les soins dent ce vertueux gou-
verneur s'acquittait avec tant de zèle
et de lumières ; mais le duc de La-
vauguyon eut trop tôt à déplorer
une perte irréparable. Ce fut eutre
ses bras que, le 20 décembre 1765,
le dauphin l'cndit le dernier soupir
en lui recommandant de continuer à
former ses enfants à la sagesse et à
la vertu. Tous trois devaient régner
successivement , sous le nom de Louis
(3) Voici comment Vabbe Proyart s'exprime à ce
sujet dans son livre intitulé Loiiit Xf^I et ses ver
tn^ aux prises avec la perversifé de son siècle : « Le
>i Dauphin, que Louis 'XV avait laissé maître abso-
» lu de l'éducation de ses fils, leur avait donné
» pour gouverneur le duc de La Vauguyon , sci-
» gneur d'une vii'eur oprouve'e, et qui faisait pro-
)i ress'on d'allier le service dp son Dieu à l'altai îje.
i> ment pour son roi. »
VAU
XVI , de Louis XVUl et de Charles
X; et ils ont prouvé que la confian-
ce et l'amitié de leur auguste père ne
pouvaient être mieux placées. On
trouve des détails sur l'éducation
des fils du dauphin dans ÏEloge
de Mgr. le duc de Bourgogne , par
Lefrauc de Pompignan • dans la Fie
du dauphin , par l'abbé Proyart j et
dans la Fie privée des Bourbons
( Paris , mai 1 8 1 5 ) , par l'auteur de
cet article. Le duc de Lavauguyon
avait coinposélui-même des travaux
fort étendus pour la direction reli-
gieuse et politique de ses élèves (4).
Il mourut, le 4 février 1 7 72, à Ver-
sailles , ne laissant qu'un fils, M. le
duc de Lavauguyon , actuellement
pair de France. D — r — a.
VAULCHIER (Matthieu), et
non pas Vauchier ou Vaucher, tra-
ducteur, était né , dans le seizième
siècle, à Arlay près de Lons le-Sau-
nier. Il joiguaità des connaissances as-
sez étendues pour le temps beaucoup
d'esprit, de prudence , et le courage
d'un soldat. 11 sut mériter la bien-
veillance de l'empereur Charles-Quint
et reçut de ce prince, avec la charge
d'un de ses rois d'armes , le surnom
de FrancJte- Comté. Il se signala
(4'l L'auteur de celaoticle a sous les yeux un mo-
nument de la sagesse des leçons que le duc de La-
vauguyon donnait à ses élèves. C'est ta coj)ie d'un
manuscrit du roi Louis XVI , intitulé : Bejlexions
sur mes entreliens avec M. le duc de Lavuiiguyon.
Ces entretiens, au nombre de Ireule- trois ren-
ferment un cours complet d'éducation pour un
prince. Il suOit de les lire pour être persuadé que
f'instiluteur des fils du dauphin était par ses lu-
mières à la hauteur de la tâche qui lui était im-
posée. On y trouve une connaissance profonde
des hommes et des devoirs de la royauté. Par-
tout la vertu y parle le langage de la raison la
plus éclairée. L'auguste élève y professe l'amour de
ses peuples , en se promettaut de maintenir avec
fermeté son autorité sur eux. Ce manuscrit de
LouisXVlavait été copié de la main de MONSIEUR,
comte de Provence , depuis Louis XVIII ; et cette
copie fut à l'époque de la révolution enveloppée
dans la dispersion de la bibliothèque de ce prince.
liUc a été retrouvée et acheter, en iSifi, par uu
amnirur écl.iiré ( M. L. S ) , qui .s'est empresse
d'en f.iirc h jinrange au roi Louis XVIII.
VAU
dans les guerres contre les protestants
d' Allemagne , et ne quitta Charles-
Quint qu'après son abdication. On
ignore l'époque de sa mort. Il a
traduit de l'espagnol en français le
Commentaire de don Louis d'Avila
{F. ce nom, III , 120 ) , de la Guerre
d'Allemagne, Anvers, i55o, in-
8°. C'est de la même famille que
descend le marqius de Vaulchier^
directeur-ge'néral des postes. W — s.
VAULX-GERNAY (Pierre,
moine de) embrassa jeune la vie re-
ligieuse dans l'abbaye de ce nom, au
diocèse de Paris. Il était neveu de
l'abbé Gui , l'un des plus ardents
promoteurs de la guerre contre les
Albigeois , mort évêque de Carcas-
soime , l'an 1228. 11 accompagna
son oncle dans la croisade des La-
tins contre les Grecs , dont le ré-
sultat fut l'élévation de Baudouin ,
comte de Flandres , sur le trône de
Constantinople {F. Baudouin , III,
544 ) ; et il le suivit également
dans l'expédition contre les Albi-
geois. Il prit une part active à cette
entreprise par ses démarches et ses
prédications. Ayant vécu dans l'inti-
mité de tous les chefs de cette guerre
mémorable , personne n'était plus en
état que lui d'en écrire l'histoire. Il
offrit au pape Innocent III la dédica-
ce de son ouvrage, qui commence en
1 20G , et finit en 1 2 1 8 , à la mort
de Simon de Montfort, tué devant
Toulouse. Ou reproche à Fauteur sa
partialité pour $imon de Montfort ^
son zcleardeiît contre les Albigeois,
et son dévouement aveugle à la
cour de Rome : c'est lui reprocher
d'avoir eu les opinions de son siè-
cle. Ses récits sont pleins de cha-
leur et d'intérêt; on sent qu'il écrit
avec conviction , et son livre est un
de ceux qui font le mieux connaître
les temps déplorables où il a vécu.
VAU 29
1/ Histoire de Pierre de Vaulx-
Cernay fut publiée, poui^ la première
fois, à Paris, en i6i5 , in-8'>. , par
les soins de Nicolas Camusat ( F. ce
nom , XI , 663 ) ; Duchesne l'inséra
depuis dans sa Collection des his-
toriens de France, v, 554, avec
quelques corrections tirées d'un ma-
nuscrit de l'abbaye de Saint-Martin-
des-Chainps ; et enfin D. Tissier la
réimprima dans le tome vn de la
Bihliotheca cisterciensis , d'après
un manuscrit de l'abbaye de Long-
Pout. Cette édition passe, pour la
plus exacte ; mais M. de Cambis en
possédait un manuscrit qui diffère eu
beaucoup d'endroits des imprimés,
et dont les leçons lui paraissent meil-
leures , parce qu'il le regarde comme
une copie faite sur le manuscrit au-
tographe ( F. le Catalogue des Ma-
miscrits de Cambis), L'histoire de
Pierre de Vaulx-Cernay a été tra-
duite en français par Arnaud de Ser-
bin , Paris , i565 , in-S». (i) , et ré-
cemment par M. Guizot, sur l'édition
deTissier. Cette traduction, précédée
d'une Notice sur l'auteur , et suivie
de plusieurs documents historiques,
forme le tome xiii de la collection
des Mémoires relatifs à l'Histoire
de France , depuis la fondation de
la monarchie jusqu'au treizième siè-
cle , Paris , Brière , 1828 et années
suivantes. W — s.
VAUMORIÈRE (Pierre d'Orti-
GUE DE ) , littérateur médiocre , né
vers 1610 à Apt en Provence, était
fils d'Annibal d'Ortigue ( Foj. ce
nom , XXXII , 182 ) et d'une de-
moiselle de Barras (i). Ayant héri-
(i) Il en existe deux traductions antérieures à
celle de Serbin , restées manuscrites; la plus
ancienne est anonyme; la seconde , de Guill. Pel-
licicr ( ('■'. ce nom ^, est conservée à la biblioth.
du Roi , sous le nO. 6()'|.i.
[\^ Voyez la Bibliolh. française Ao. Goujet, XV.
2-5-80.
3o
VAU
te du fief dont il prit le nom , il
vint à Paris , où ses manières ai-
mables le firent accueillir. 11 avait
la passion du jeu , ainsi que sa fem-
me (2); et comme il était rarement
favorise de la fortune, il se trouva
ruine en peu de temps. C'est alors
qu'il se vit oblige de chcrcber une res-
source dans l'exercice de ses talents
naturels. S'etant mis aux gages d'un
libraire , il tenta d'imiter les longs
romans que La Calprenède avait mis
à la mode , et fut assez beureux pour
ne point paraître trop inférieur à
son modèle. Vaumoricrc était mem-
bre de l'académie qui s'assemblait
cbez d'Aubignac ( V. ce nom ). Ce-
pendant « sa moindre qualité , dit
« M^i*^. de Scudéry , était son bel-es-
» prit : il brillait partout ; mais il
» était encore plus honnête homme
» qu'il n'était homme de letties. . . .
» Il n'avait rien à lui ; tous ceux qui
» le connaissaient étaient plus maî-
» très de son bien que lui - même. 11
» disait toujours que l'argent et le
» cœur ne sont bons que quand on
» les donne : à quoi il ajoutait que
» c'était \\\\ moindre mal d'èti'e dupe
» que de craindre toujours d'être
1) dupé. Dans un âge fort avancé , il
» conservait tout le feu et les agré-
» racnts de la jeunesse. Il avait le
» secret de ranimer la conversation ;
» il parlait bien , il écrivait encore
» mieux. » Vaumorière n'eut point
d'autre ennemi que Ricbelet , qui l'a
fort maltraité dans son Dictionnaire,
notamment au mot Elargir, où il
lui reproche d'avoir été mis en pri-
C») Elle a dans le Grand iliclionnairehiitoritjue des
Précieuse'., parSomaize, un article (11,177 ) , '""^
le nom de F'arsam'ine. ("/est, y est-il dit, une il-
lustre précieuse de la ville de Lescalle (Digne) ; elle
passe six mois de l'anuée à Athènes (Paris) ; c'est
la femme de Grèce (France) qui a le plus de pas-
siiin pour le jeu , aussi bien que funariiiiic , sou
mari.
VAU
son. C'est sans doute pour dettes
qu'il avait été arrêté. Il mourut fort
pauvre, au mois de septembre i6g3.
Outre la continuation du Faramond
de La Calprenède , dont il donna les
cinq derniers volumes ( V. Calpre-
nède , VI , 569 ), on a de Vaumo-
rière : I. Le Grand Scipion, Paris ,
i658, 4 vol. in 8». II. Histoire de
la galanterie des anciens , ibid. ,
16-; I , 2 vol. in-i2. Cet ouvrage est
devenu très-rare. IM. de Paulmy nous
apprend qu'il l'avait inutilement cher-
ché pour en donner l'analyse dans
la Bibliothèque des Romans ( Voy.
Mélanges tirés d'une grande biblio-
thèque , II, p. 63). 111. Diane de
France, ibid., 1674, in- 12, IV.
M"*, de Tournon, ibid., 1679,
in- 12. V. 3/"'. d' Alencon. Cette
nouvelle et la précédente ont été
réimprimées , par erreur , dans le
Recueil des OEuvres de M^^'^. de
Villedieu. VI. Adélaïde de Cham-
pag7ze,ibid. , 1G80 ou 1690, 4 "^'^L
in- 12. VU. A glatis , reine de Spar-
te ,'\hïà. , i685, 2 vol. in- 12. VllI.
UArt déplaire dans la conversa-
tion , ibid. , 1688 , in- 12 j troisième
édition, 1698, même format. Sui-
vant W^''. de Scudéry , jamais per-
sonne n'avait porté cet art au mê-
me degré que Vaumorière. On peut
donc présumer que son livre coutient
quelques préceptes utiles. IX. Ha-
rangues sur toutes sortes de sujets,
avec l'art de les composer , ibid. ,
1688, in-4". ; 1693 et 1713, mê-
me format. La troisième édition est
augmentéedeTEZog-ede Vaumorière,
par Mi^'=. de Scudéry , d'une Disser-
tation sur les oraisons funèbres , par
l'abbé du Jarry , et d'un grand nom-
bre de nouvelles harangues tirées de
différents auteurs. Suivant l'abbé
Goujet , le Discours préliminaire de
Vauraorièi'e mérite encore d'être lu j
VAU
à l'égard des Harangues , il en est
peu où l'on ne trouve de l'esprit, du
goût et un style assez pur ( Bihlioth.
française , ii , 44^ )• Gibert a fait
de cet ouvrage , aujourd'hui pres-
que entièrement oublié , le sujet
d'une longue analyse critique, dans
les Jugements des savants qui ont
traité de la rhétorique^ iii , 111.
X. Lettres sur toutes sortes de su-
jets , avec des avis sur la ma-
nière de les écrire, ibid. , 1689,
2 vol. in-i2j cinquième édition,
1714 ; compilation utile , mais sur-
passée depuis long-temps. On trouve
une Notice sur Vaumorière dans les
Mémoires de Niceron , tome xxxv.
W— s.
VAUOUËLlN,néen 1726, n'eut
pour maîtres que le ciel, la mer et
son père qui, dès l'âge de dix. ans,
le fit entrer dans la marine et l'em-
barqua sur le bâtiment qu'il com-
mandait. Son premier fait d'armes
fut de soutenir un combat très-vif ,
en 1745, contre une frégate an-
glaise, qui les attaqua dans les para-
ges delà Martinique, et qu'il contrai-
gnit de s'éloigner. Le courage et le
sang froid dontil fîtpreuvedans cette
action, son patriotisme, et la con-
naissance qu'il avait acquise des
côtes d'Angleterre déterminèrent,
dix ans plus tard, le ministère , à le
charger de reconnaître les ports de
la Grande-Bi'etague. Il s'acquitta de
celte mission, avec tant de zèle et
d'habileté qu'on le jugea capable
de porter des renforts et des muni-
tions à Louisbourg , et qu'on lui con-
fia le commandement de la frégate
VArélhuse. « Je sais , mon fils, lui
» écrivit son pèreà ce sujet ( i ^So ) ,
» je sais ce que vous pouvez et ce
» que j'ai droit d'attendre; la car-
» rière s'ouvre pour vous : allez com-
» m3ii\à.Q.xV Aréthuse. Songez, quand
VAU
3f
» vous monterez votre frégate
» qu'elle doitvous servir de tomljeau,
» ou être le berceau de votre gloire.»
( Voy. Merc. de Fr. , avril , 1 764 ).
Non content d'avoir rempli sa mis-
sion avec succès , Vauquelin voulut
s'associer à la gloire de défendre la
colonie; et voyant le parti qu'on pou-
vait tirer d'une baie devant laquelle
devait passer l'ennemi , il s'y em-
bossa dans une excellente position.
Les Anglais ayant réuni tous leurs
efforts pour le contraindre à l'aban-
donner , trois fois il vit son équi-
page se renouveler sous le feu de
l'ennemi, et son bâtiment fut rasé
comme un ponton avant qu'il son-
geât à chercher un abri sous le canon
de la place. Ne voulant point atten-
dre que sa reddition le mît à la discré-
tion du vainqueur, il fit promptement
réparer sa frégate , et otfnt ensuite
au gouverneur de traverser la flotte
anglaise pour aller solliciter des se-
cours dans la mère patrie. Cette en-
treprise hardie , consentie avec pei-
ne^ fut couronnée du plus heureux
succès : Vauquelin mit en défaut les
plus fins voiliers envoyés à sa pour-
suite , et eut la gloire de leur échap-
per. L'amiral anglais Boscaven se
plut dans la suite à lui rendre justi-
ce en présence des ofiicicrs de la ma-
rine française dont les vaisseaux
tombèrent eu son pouvoir par suite
de la capitulation de Louisbourg ,
du 26 juillet 1758: « Je ne sais, leur
» dit-il, quel est l'habile homme qui
» commande VAréthuse, et qui m'a
» échappé; mais je gagerais que c'est
» un routier marchand, car il sait
» bien son métier. Si un de mes ca-
» pitaines de frégate en eût fait au-
» tant, mon premier soin , en arri-
» vant en Angleterre, serait de sol-
» liciter pour lui un brevet de capi-
» taine de vaisseau. » Vauquelin , à
32
VAU
son retour dans sa patrie, méritait
sans doute une semblable re'compcn-
se; mais la noblesse avait seule alors
le droit de prétendre au commande-
ment dans la marine royale. Le gou-
vernement lui donna cependant des
marques d'estime en lui confiant
encore la conduite de trois fré-
gates. Dans cette nouvelle expé-
dition , en dépit de la vigilance de la
station anglaise , il remonta le fleu-
ve Saint- f.aurent, et après y avoir
mis ses frégates à l'abri de tout
danger, il vola, avec une partie
de ses équipages , au secours de la
place de Québec , en 1759. Ce
renfort, très-utile pour le service de
rarliHerie , prolongea quelque temps
la résistance des assiégés, qui, après
soixante-quatre jours de bombarde-
ment , se trouvant réduits à leurs
propres forces , et n'ayant plus l'es-
poir d'être secourus, furent obligés
de capituler le 18 septembre. Dès la
malheureuse journée du i3, Vau-
quelin, prévoyant que la place ne tar-
derait pas à succomber, prit la ré-
solution de sauver ses frégates. Il réus-
sit d'abord à s'échapper de la pla-
ce avec quelques braves qui le sui-
virent j et dès que le moment lui pa-
rut propice, il mit à la voile. Déjà il
était parvenu jusqu'à l'embouchure
d;i Rciive Saint-Laurent , lorsqu'il
se vit enveloppé par des forces trois
fois supérieures. Il n'hésita pas néan-
moins à engager l'action , et se battit
avec intrépidité; mais bientôt ses
avaries furent telles , que son vais-
seau se trouva hors d'état de manœu-
vrer. Déterminé à s'engloutir dans
les flots plutôt que de se rendre,
il permit à son équipage de se sauver
dans les chaloupes , et resta seal sur
son bâtiment auquel il avait fait
mettre le feu. Uavi d'admiration , à
cette vue, le commandant anglais
VAU
envoya à bord du vaisseau de Vau-
quelin , et l'on parvint à le sauver ,
malgré lui , de la mort à laquelle il
s'était dévoué. Ce trait d'intrépi-
dité fit pas.^er enfin par dessus les
considérations de naissance , et Vau-
quelin fut promu, en 1768, au
grade de lieutenant de vaisseau. Mais
des ennemis secrets, jaloux de son
élévation , mirent en jeu les plus
basses intrigues pour le noircir au-
près du gouvernement. Il venait de
remplir une mission importante dans
les Grandes-Indes , et il s'en était
acquitté loyalement et avec succès ;
au lieu des témoignages de satis-
faction auxquels il s'attendait à son
retour, il se vit condamné à garder
les arrêts dans son domicile. Ren-
du à la liberté au bout de quatie
mois , il se pi'oposait d'aller se justi-
fier devant le roi et rendre compte
de sa conduite , lorsqu'il perdit la
vie sous un fer assassin , et fut trouvé
percé de coups , sans qu'on ait ja-
mais pu découvrir les auteurs de ce
crime. Ainsi périt, à l'càge de trente-
sept ans , un marin dont la valeur
promettait à la France un digne hé-
ritier des Jean Barth et des Duguây-
Trouin. M — g — r.
VAUQUELIN. F. Desyvetaux
et Fresnaye.
VAUT 1ER (François), né à
Montpellier , en \ Sgci , y fit ses étu-
des , et y reçut le bonnet doctoral.
Il devint, peu de temps après, pre-
mier médecin de la reine Marie de
Médicis. Ses connaissances , l'agré-
ment de sa personne et son éloquence
vraiment entraînante, lui donnèrent
un si grand ascendant sur cette prin-
cesse, qu'on l'accusa de la gouver-
ner , et qu'il ne tarda pas à devenir
odieux au cardinal de Richelieu. Ce
ministre , abusant de son pouvoir , fit
enfermer Vautier dans les prisons de
VAU
Senlis , puis à la Bastille , où toutes
communications lui furent interdites
depuis i63i jusqu'en i643, année
de la mort de Richelieu. Une capti-
vité' de douze ans , aussi pénible et
aussi arbitraire , n'altéra pas les fa-
cultés de V-autier ; et il reparut à la
cour dès que ses fers furent brisés. 11
s'y vit entouré d'amis , et jouit d'une
haute considération. Élevé au titre
de premier médecin de Louis XIV ,
il réclama, en cette qualité, la surin-
tendance du jardin des Plantes , qui
y était attachée primitivement, mais
qui, depuis la mort de Gui de La
Brosse, était passée entre les mains
de Bouvard de Fourqueux , parent
de ce fondateur du jardin. La deman-
de^ poursuivie au parlement, fut ac-
cordée par arrêts du conseil , en date
des i4 juillet 1646 et 28 mars 1647.
Cependant Bouvard de Fourqueux
fils conserva sa place jusqu'à l'é-
poque oîi Vallot se la fit rendre
( V. Vallot ). Pour se venger de
cette injustice, Vautier retint tout le
pouvoir administratif et ne laissa à
son rival qu'un vain titre sans fonc-
tions. On conçoit que l'administration
dut être mauvaise ; et elle le fut réelle-
ment. Les fonds destinés à l'entretien
du jardin, à l'achat des plantes,
furent détournés. Toutes les fautes
étaient du fait de Vautier: elles furent
cependant imputées à l'intendant , et
décidèrent , plus tard , à révoquer les
lettres - patentes du 3o juillet iG43 ,
qui donnaient cette charge à Bou-
vard de Fourqueux. On doit à Vau-
tier plusieurs améliorations. La plus
remarquable fut celle de substituer
un cours d'anatomie aux leçons insi-
gnifiantes que l'on donnait alors dans
le jardin, sous le nom de l'intérieur
des plantes. Il était aussi habile mé-
decin qu'homme d'esprit; mais il
avait beaucoup d'opiniâtreté dans
VAU
33
ses opinions et dans ses entreprises.
Il fut le premier à employer les
préparations chimiques , les émé-
tiques antimoniaux , le quinqui-
na , etc. ; ce qui irrita contre lui
une foule de praticiens, et surtout
Gui Patin ,qui poursuivit à outrance
et même calomnia ouvertement ceux
qui recouraient à ces remèdes. Vau-
tier vécut dans le célibat, et fut ton-
suré. Il mourut , en i652 , victime ,
s'il faut en croire Gui Patin, son an-
tagoniste , de l'antimoine, qu'il faisait
entrer dans toutes ses prescriptions ,
et qu'il recommandait avec une sor-
te d'enthousiasme, T. d. B.
VAUVENARGUES ( Luc de
Clapiers , marquis be ) , moraliste
célèbre , né à Aix en Provence , le
6 août 1715, d'une famille no-
ble , entra à dix-sept ans , en qua-
lité de sous-lieutenant, dans le ré-
giment du roi , et fît ses premières
armes en Italie, dans la campagne
de 1734. Il n'avait rapporté du col-
lège qu'une connaissance superfi-
cielle de la langue latine; et ce n'est
pas dans le tumulte des camps , au
milieu des distractions orageuses
de la guerre , qu'il pouvait songer à
réparer des études imparfaites , en
remontant laborieusement aux sour-
ces premières de l'instruction. La
nature , qui l'avait si richement par-
tagé sous le rapport des qualités de
l'ame et des dons de l'esprit , ne lui
avait donné qu'une constitution ex-
cessivement faible. Il avait coura-
geusement supporté la campagne
d'Ita lie : celle d'Allemagne , en 174^5
acheva de ruiner sa santé. Ren-
tré en France , après la mémorable
retraite de Prague , où les maladies ,
la faim et les fatigues de tous les
genres se réunirent pour accabler
l'armée française , Vauvenargues , à
peine âgé de vingt-six ans , et promu
3
34
VAU
au grade de capitaine, fut oblige de
se retirer du service. Alors il tourna
ses idées et ses projets du côté de la
diplomatie, et demanda à servir de
sa plume , dans les négociations , le
monarque qu'il ne pouvait plus ser-
vir de son épe'e dans les combats.
Sans fortune et sans autre protection
que son mérite personnel , il écrivit
directement au roi et au ministre des
aflaires étrangères, pour leur expo-
ser ses désirs et sa situation. Les
deux lettres restèrent sans réponse.
Vauveuargues en adiessa une secon-
de au ministre; et ses biographes
l'ont conservée, comme un modèle
de la franchise noble et courageuse
avec laquelle peuvent et doivent s'ex-
primer quelquefois le sentiment de
ce que l'on est et la conviction de
ce que l'on vaut. On y ht , entre au-
tres choses remarquables : ft J'ai pas-
» se, Monseigneur, toute ma jeunesse
» loin des distractions du monde ,
» pour tâcher de me rendre capable
y> des emplois où j'ai cru que mon
«caractère m'appelait; et j'osais
» penser qu'une volonté si laborieuse
» me mettrait du moins au niveau
» de ceux qui attendent toute leur
" fortune de leurs intrigues et de leurs
» plaisirs. » Cette lettre obtint de
M. Amelot une réponse favorable, et
de ces promesses vagues qui ne com-
promettent jamais l'autorité, parce
qu'elles ne l'engagent à rien , mais
qui flattent et amusent pour un temps
l'espoir du solliciteur. Vauveuargues
était retourné dans le sein de sa
famille, pour y attendre paisible-
ment l'effet plus ou moins éloigné des
promesses du ministre , lorsqu'il fut
frappé d'une petite vérole de l'espèce
la plus maligne, qui le déligura en-
tièrement; et, ce qu'il y eut de plus
fâcheux , le laissa dans un état d'in-
firmité et de souffrances sans rcmè-
VAtJ
de , et presque sans relâche. C'est
alors, qu'éloigné pour toujours des
emplois publics, et séquestré d'une
société frivole et légère qui ne voit
que l'écorce et s'avise rarement
d'aller au-delà , notre jeune philoso-
phe rentra tout entier dans cette
belle ame où son heureux naturel
lui avait ménagé tant de ressources
contre l'injustice des hommes et la
bizarrerie des événements. C'est dans
la solitude la plus absolue, dans le
silence du plus profond recueillement,
que son esprit s'éleva à cette hau-
teur de conceptions morales qui
Ta si honorablement placé à côté des
Pascal , des La Bruyère et des La Ro-
chefoucauld. Comme le premier de
ces hommes à jamais célèbres, ce
fut dans les courts intervalles des plus
vives douleurs , qu'il donna à sa pen-
sée le plus brillant essor, qu'il écrivit
ses plus belles pages ; et , comme lui ,
il expira à la fleur de l'âge I Que ne
nous est-il permis d'ajouter un trait
de plus , et de compléter le parallèle,
en disant que Vauveuargues mourut
aussi comme Pascal I Mais ce philo-
sophe , si intimement convaincu de
l'existence de Dieu ; cet écrivain si
sage, à qui la religion paraissait
être un sujet trop grave pour que
l'on se permît d'en parler légère-
ment; qui désapprouvait hauteincnt
les écrits où l'on attaquait la reli-
gion établie, et qui par conséquent
ne l'a jamais attaquée lui-même di-
rectement ou indirectement; Vauve-
uargues n'avait pas le bonheur d'être
persuadé des dogmes chrétiens. Sa re-
ligion était le pur déisme, si toutefois
l'on peut donner le nom de religion
à cette raj-sticité philosophique qui
semble n'admettre un dieu que sous
l'expresse condition qu'il fera tout
pour l'homme, sans on exiger rieu
qu'une froide et stéiile contempla-
VAU
tion. On attribue cependant à Vau-
venargues , et l'on a recueilli dans
ses OEuvres , une Méditation sur
la foi , suivie d'une Prière , et
quelques autres fra{];ments du mê-
me genre , où respirent les senti-
ments les plus religieux. Mais ce ne
sont, ont prétendu ses amis , que de
simples essais , des imitations , où
lui-même se jouait du sujet qu'il
traitait. Nous ne le pensons pas , et
nous croirions outrager , en le suppo-
sant, la mémoire deVauvenargues. Di-
sons plutôt, et nous sei'ons probable-
ment plus près de la vérité : c'est de
bonne foi qu'il rendait un hommage
volontaire aux vérités de la religion ,
et sa plume suivait alors l'inspira-
tion de son cœur : si la pente de son
siècle j si les hommes qui l'en-
touraient , égarèrent sa candeur
dans de fausses routes , du moins
n'eut - il pas à se reprocher d'a-
voir cherché jamais à ébranler ,
dans les antres , des croyances qu'il
regardait comme la base de l'har-
monie sociale , du repos et du bon-
heur des états. C'est un trait qui le
distingue honorablement des philo-
sophes ses contemporains. Il obtint
cependant, et conserva leur estime
et leur amitié. Voltaire, surtout, ne
parlait de Vauvenargues qu'avec la
plus tendre vénération ; et l'on sait
qu'il rendit à la mémoire de ce res-
pectable ami l'hommage le plus tou-
chant, dans Y Eloge funèbre des of-
ficiers morts pendant la guerre de
i74i. Le premier fruit des loisirs
philosophiques de Vauvenargues ,
quand il eut forcément renoncé à
la carrière des armes , fut {'In-
troduction à la connaissance de
l'esprit humain, publiée en 174^:
sujet vaste , cadre immense, qui de-
mandait le génie d'tm autre Pascal ,
mais qui excédait de beaucoup les
VAU 35
forces d'un aussi jeime écrivain. Eu
reconnaissant toutefois l'insuffisance
des moyens , la critique ne put s'em-
pêcher d'admirer un ouvrage où l'é-
nergie d'une belle ame et la pénétra-
tion d'un esprit supérieur sont si pro-
fondément empreintes. II y a de
grandes lacunes , sans doute, et quel-
ques erreurs même , dans cette trop
rapide esquisse de l'esprit humain :
mais quel autre ne se fût pas égaré ,
comme Vauvenargues , et plus que
lui peut-être , dans cet effrayant abî-
me de l'homme , en essayant d'y pé-
nétrer , privé du seul flambeau ca-
pable d'en éclairer les profondes té-
nèbres ? Les Réflexions sur divers
auteurs annoncent , en général , un
esprit juste, un critique désintéressé,
qui cherche la vérité de bonne foi ,
et l'énonce franchement, quand il
pense l'avoir trouvée. Quelques pa-
radoxes s'y mêlent à des vérités uti-
les, à des observations fines et judi-
cieuses ; Corneille , par exemple ,
et Molière ne sont pas jugés par Vau-
venargues comme ils l'avaient été
avant lui; comme il est probable
qu'ils le seront dans tous les temps :
mais on ne peut qu'applaudir à ses
opinions sur Bossuet , Fénélon , Pas-
cal , La Fontaine , etc. Notre écri-
vain philosophe a risqué aussi quel-
ques Caractères yàT^vh, Théophraste
et La Bruyère : mais son pinceau n'a
ni la fermeté du premier , ni l'agré-
ment du second. Les Maximes sont
la partie de ses écrits qui a obtenu, et
qui méritait le plus de succès; et la
raison en est bien simple : plus va-
riées, plus fécondes que celles de La
Rochefoucauld , elles embrassent vm
cercle beaucoup plus étendu, présen-
tent partout l'homme sous un jour
moins défavorable ; et si elles le mon-
trent quelquefois tel qu'il est , c'est-
à - dire vicieux par faiblesse ou
3.,
36
VAU
par intéi'êt , elles lui laissent du
moins l'espoir , et lui offreut les
moyens de devenir meilleur , ou de
supporter plus patiemment les incon-
vénients inséparables de sa nature et
de sa position sociale. Voltaire fai-
sait un cas particulier des Maximes
de son jeune ami. 11 en cite quelques-
unesdansl'Élogedontnousavonspar-
lé; et il ne connaît guère de livre, dit-il,
qui soit plus capable déformer une
ame bien née et digne d'être ins-
truite. 11 n'est pas un honnête hom-
me qui n'en doive porter le même
jugement ; et l'e'crivain qui avait dit
avec tant de vérité que les grandes
pensées viennent du cœur aurait
pu ajouter qu'elles y retournent né-
cessairement , quand elles sont pré-
sentées avec !e ton qui les persuade
et l'énergique concision qui les grave
d'une manière ineffaçable. Ce n'est
pas que le style de Vauvenargiies soit
exempt de défauts, et ne pèche quel-
quefois par l'impropriété du terme ou
la tournure de la phrase : mais il se
distingue en général par la fermeté
et la vigueur- ce qui ne l'empêche
pas d'emprunter quelquefois les plus
riantes couleurs de la poésie. Ici , la
vertu naissante s'offre à lui avec la
grâce des premiers jours du prin-
temps. Plus loin , les feux de l'au-
rore ne sont pas si doux que les pre-
miers regards de la gloire. Ailleurs,
les regards affables ornent le visa-
ge des rojV.Cepeu d'exemples, qu'il
nous eût été facile de multiplier, suf-
fisent pour prouver que la sérénité
d'une belle ame se peint naturelle-
ment dans tout ce qu'elle exprime.
La conquête d'un homme et d'un
écrivain tel que Vauvenargues était
bien capable de flatter l'ambitieux
prosélytisme des philosophes du dci'-
nier siècle j aussi n'ont-ils rien négli-
gé pour la faire de son vivant : mais
VAU
Laharpe a victorieusement vengé sa
mémoire d'un honneur qu'elle ne ré-
clamait point , il a réfuté sans répli-
que les titres injurieux sur lesquels
on s'efforçait de l'appilyer; et ce
service , ou plutôt cet hommage, La-
harpe l'a également rendu à la vraie
philosophie , dans la personne de
Fontenelle, de Montesquieu , de Buf-
fon et de Condillac , dont les noms
figuraient sans preuve, mais non pas
sans intention , à la tête des nova-
teurs du dix-huitième siècle. La pre-
mière édition des ouvrages de Vau-
venargues parut à Paris , en 1746 ,
in- 1 a , sous ce titre : Introduction à
la connaissance de l'esprit humain ,
suivie de réflexions et de maximes.
L'auteur en avait préparé une se-
conde édition , qui parut l'année
même de sa mort ( 1747 ) , publiée
par les abbés Trublet et Séguy.
Vauvenargues annonce , dans sa pré-
face, les additions et les corrections
nombreuses dont elle a été l'objet.
Mais ne l'ayant pas terminée lui-
même , il ne put y insérer , par
exemple , l'éloge du jeune de Sey-
tres-Caumont , son ami , ouvrage
qu'il chérissait et qu'il regardait
comme ce qu'il avait fait de mieux.
Une troisième édition parut, en 1797,
2 vol. in-i2, à Paris, par les soins
de M. de Fortia d'Urban , à qui les
manuscrits de l'auteur avaient été
remis par M. Fauris de Saint- Vin-
cens , qui les tenait du frère de Vau-
venargues. On y retrouve la seconde
édition avec des variantes et des
notes. 11 y a la-i pages d'opuscules
entièrement nouveaux , parmi les-
quels l'Éloge de Gaumont n'a point
été oublié. Une notice sur l'auteur se
trouve au commencement du pre-
mier volume, et une autre plus éten-
due à la fin du second , avec une
lettre de Marmontel destinée au nou-
VAU
vel éditeur. La table des matières,
faite sur le modèle de celle que l'édi-
teur avait composée pour son e'dition
de La Rochefoucauld', est dressée
avec beaucoup de soin. M. de Fortia ,
ayant été obligé de partir de Paris
lorsque l'on imprimait les dernières
pages , en conlia la direction à son
ami M. le baron de Sainte-Croix ,
qui supprima une partie de son tra-
vail , et composa une préface qu'il
signa du nom de Fortia , quoiqu'elle
fût entièrement de lui. Cette préface
était principalement destinée à dé-
précier une quatrième édition que
publiait en ce moment M. Couret de
Villeneuve. Une cinquième fut pulDliée
à Paris en 1806 , 1 vol. in-S*^. , par
Suard, qui donna une notice sur la
vie et les ouvrages de Vauvenargues ,
et reproduisit les notes de Voltaire y
en y ajoutant celles de l'abbé Mo-
rellet. Il n'a guère fait que copier
l'édition de M. de Fortia et sa table
des matières, oii il n'a pas même cor-
rigé de légèi'es fautes d'impression.
Il a cependant fait quelques addi-
tions fournies par M. de Villevielle,
et qui furent vivement critiquées dans
le Journal des Débats, comme in-
dignes de Vauvenargues. Ces addi-
tions se retrouvent dans l'édition
publiée par Belin , en 1821 , in-
8°. des OEuvres de La Rochefou-
cauld et de Vauvenargues , qui re-
produit celles de M. de Fortia. Les
éditeurs de la Collection des Pro-
sateiirsfrancais ont publié, en 1 8 1 8^
sous le titre de Supplément, tout
ce qui restait d'inédit des écrits
de Vauvenargues. Ce vSupplément se
compose de dix.-huit Dialogues , de
plus de cent Pensées diverses, d'en-
viron trois cents Paradoxes , Ré-
flexions et Maximes; d'un grand
nombre de Caractères , d'un Eloge
de Louis XV, etc. Toutes ces addi-
VAU
^7
tiens ont été reproduites dans la
belle édition de Brière , Paris , 3 vol.
in-80., 1821 (i). A— D-— RctF— A.
VAUVILLIERS(Jean) naquit à
Noyers en Bourgogne , vers 1698.
Après avoir commencé ses études au
collège de cette petite ville(i) , il vint
les achever à Paris, par les conseils
de son oncle Bénigne Grena , profes-
seur de rhétorique au collège d'Har-
court , et dut à ses succès sa nomina-
tion à la chaire de troisième au col-
lège de Dormans-Beauvais. Il passa
ensuite à celle de seconde, et succéda,
en I ']46 , au célèbre Crévier , dans la
chaire de rhétorique, qu'il occupa dix
années. Les infirmités de l'abbé Va-
try , lecteur de grec au collège royal ,
l'ayant forcé de renoncer à l'ensei-
gnement, Vauvilliers lui fut donné
pour coadjuteur- survivancicr , et
prit possession, le 9,7 juin 175^ ,
par un discours très -éloquent sur
ce sujet : Litteras grcecas , à qui-
tus nostrarum litterarum progres-
sio exorta est , esse retinendas.
On avait déjà de ce professeur un
discours fait, par ordre de l'uni-
versité , en octobre 1745 , sur la ba-
taille de Fontenoy, et qui pour la
pureté du style , la fécondité et l'élé-
A^ation des pensées, pourrait aller
de pair avec les meilleures oraisons
latines. Il a été imprimé iu-4°. ,
1746 , sous ce titre : Ludonco Fic-
(i) Il n'existe point de portrait de Vauvenargues;
il est même de notoriété publique, k Aix, que ja-
mais il ne s'est laissé peindre. L'académie d'Aix
proposa, il y a quelques années , l'Eloge de f iiiwe-
nargnes , pour sujet d'un prix , qui tut remporté
par M. Charles de Saint-Maurice. Son ouvrage a
été imprimé à la tète des Œuvres poithiimes de
Fatifenargitcs , i8îi , in-8°. A. B — T.
(ij Ce collège, tenu par les doctrinaires, avait
été fonde par la comtesse de Soissons, et a été dé-
truit par la révolution. Il se gloritiait d'avoir fait
eu tout ou en partie l'éducation de l'abbé Treuvé,
théologal de Meaux , sous Bossuet , des frères Gro-
nan, de Jean Vauvilliers . et de beaucoup d'au-
tres hommes qui se sont distingues dans las lettres
ou dans l'administration publique.
38
VAU
tori moderato , Oratio in coUegio
Dormano Bellovaco habita à
Joanne Faiivilliers , Nuceriensi lit-
îcrarum professore. Onluidoit aussi
l'édition grand in-8'\, 1-52, du
Schrei^eUi Lexicon grœco-latimim ,
.Tuquel son fils eut quelque part.
Vauvilliers mourut le 20 juillet
1766, G — RD.
VAUVILLIERS ( Jean - Fran-
çois ) , célèbre helléniste , fils du
précédent, naquit à Paris, le 24
sept. 1737. Sous les auspices et la
tlireotion de son père , il se livra , dès
ses premières années, à l'étiide du
grec et du latin , et avec un tel suc-
cès que bientôt il se mit en état de
suppléer son père. Il eut , pendant
quelque temps, une place à la biblio-
thèque du Roi , et fut nommé, en
176(1, lecteur et professeur de grec
au collège royal de France. Son Es-
sai sur Pindare (i), et son Exa-
men du gouvernement de Sparte
(2), marquèrent son rang parmi les
savants , et lui ouvrirent les por-
tes de l'académie des inscriptions et
helles-lettres, en 1782. L'Essai sur
Pindare ofîrit, pour la première fois,
une traduction poétique de cet au-
teur ( Foy. Massiku , XXVII ,
4io ); les notes grammaticales et
les dissertations qui l'accompagnent
prouvèrent , ainsi que V Examen du
ç^om'erncment de Sparte , combien
cet helléniste avait de sagacité dans
la discussion , de profondeur et de
finesse dans le jugement , de facilité
et d'élégance dans l'expression. Hey-
ne , dont les connaissances furent
si vastes, a loue, surtout dans l'^'^-
sai sur Pindare, le goût et l'élé-
gance (3). — Le tome xlvi des Mém.
(>) Parîs, 1--J j iu-11.
(») Paris, 1-69, in-ij;
\3, •^liulium , jw/irii elegantiam, grammaliciim.
aeumai { Voj. Ueyu« , V, cl, Pindarum, p. 109 ).
VAU
de l'académie des inscript, contient
quatre Dissertations de Vauvilbers
sur Pindare : la première traite de la
quatrième Isthmique; la seconde, de
la huitième Néméenne; la troisième,
de la quatrième Némécnnej la qua-
trième , de la septième Olympique.
Ces services rendus à la littérature
grecque le firent désigner par l'aca-
démie pour travailler aux Notices
des manuscrits de la bibliothèque.
Les Notices des manuscrits des tra-
gédies d'Eschyle, insérées dans les
tomes !<='. et in«., sont de luij mais
l'ouvrage qui a le mieux établi sa
réputation d'helléniste est l'édi-
tion de Sophocle , qu'il continua
après la mort de J. Cappcron-
nier {/^). Cette édition , dont le tex-
te , soigné par Capperonuîcr, n'est
que la répétition de celui de John-
son , mérite d'être reciicrchéc à cau-
se des Notes qui sont toutes de Vau-
villiers, et cpii annoncent une gran-
de connaissance de la langue et du
rhylhme. Quoiqu'un savant célèbre
( Brunck ), dans un Commentaire
hérissé d'injures latines , ait trai-
té Vauvilliers d'ignorant, et lui ait
prodigué les épitliètes les plus outra-
geantes, les lecteurs sans passion n'en
ont pas moins rendu justice à l'édi-
teur de Sophocle; et ils ont regretté
que les lettres appelées humaniores
n'eussent pas mis plus de douceur
dans le cœur d'un homme qui avait
passé dans leur commerce une grande
partie de sa vie. Le savant éditeur
de la Bibliothèque de Fabricius (Har-
Ics ) a défendu Vauvilliers et expli-
qué les motifs d'une animosité que
Brunck poussa jusqu'au scandale(5).
{^^ Sophiiclis Iragcvdia seplem , etc. Erlilinnem
curavUj. Capperon n ter, elc. Eo ilefunclo , eJulit ,
nntnf ^ prirjaliorein el liiilicem. adjecU J.-l''. A'uii-
villicrs, ttc. , 1784, I vol. iu-4".
(5) Tume M, y. 224«
VAU
Vaiivillicrs a encore donne' des Ex-
traits des divers auteurs grecs , à
l'usage de V école militaire ( (i vol.
iii-i'i, 1768 ); une Lettre sur Ho-
race, adressée aux auteurs du Jour-
nal des savants, 17(57, in-i'i; le
texte de V Abrégé de V histoire uni-
verselle (Dullos) , 1787-90 , in S". ,
avec (jgures ; des Vies pour le recueil
des portraits des hommes et des
femmes illustres de toutes les na-
tions ( Dudos ) , 1 787 , in-fol. ; des
notes pour l'édition du Plutarrjue
d'Amvot, publiée par Cussac ; et
plusieurs Oraisons funèl)res , Pané-
gyriques et Discours, tant en fran-
çais qu'en latin (6). Ou a cherche'
inutilement dans ses papiers un tra-
vail fort étendu sur Thucydide ,
dont il s'occupait depuis un grand
nombre d'années , et qui est annoncé
dans la préface de Sophocle, pag.
iij , et dans les Notes sur Electre, v,
83o, p. 30, 1. 1. Il avait aussi pro-
mis une Dissertation sur l'écriture
liomérique, dans ses Notes sur la
tragédie d'OEdipe à Colonne, V, 137,
t. u , p. 2. Mais la révolution vint ar-
i-êter le cours de ses travaux. Nom-
mé président du district de Sainte-
Geneviève, puis électeur, et premier
député suppléant de Paris aux états-
généraux (7) , il ne tarda pas à être
appelé à la présidence de la Commu-
ne , et enfin à la place de lieutenant
de maire ; et comme , des le mois de
juillet 1 789 , l'assemblée desélectcurs
s'était emparée des fonctions du pré-
(6) Degrœcantm liilerarumprœstantiâ et utilita'^
t» oriitio inaiigiirntis , 1^66, à la 6n de l'Essai sur
Pindare. — I.ndovici X/^, régis Oalliaruni tiilec-
tissinii laudaliofunebrif,jnssuel notnine collegii
re^ii dicta à J.~f. VauvilîierSy etc., Paris, \'/^\,
jii-4°. — Idylle sur la naissance de Monseigneur le
Diiuphin , Paris , 1781 , iu-4° , etc.
(7) Il refusa d'user de sou droit pour siéger ;«
l'assenible'e consiluaule , à la pn^mltTe vacance qui
eut lieu daus la dcputalion de Paris, et ce fui l'a-
vocat F.avi^! c , rx-oratoricu ', qui y eutra comme
second suppléant.
VAU 3^
vôt des marchands , Vauvilliers se
trouva tout-à-coup , au milieu de la
disette réelle ou factice, chargé des
subsistances. Ce fut un spectacle
assezextraordinaire que celui de l'ap-
provisionnement de cette capitale re-
mis en des mains accoutumées à feuil-
leter des manuscrits grecs: mais cet
homme était doué d'un jugement sain,
d'une grande activité et de beaucoup
deforoedecaraclere.il se servit, pour
les achats , d'habiles intermédiaires ,
et il eutbient«)t assuré la provisionde
Paris pour plusieurs jours : il fit gar-
uii', à l'aide de ce superQu , les mar-
chés des provinces voisines , et par
ces ingénieux expédients, ramena la
conbance, rétablit la circulation des
subsistances et en fit baisser le prix.
Ce ne fut pas sans périls qu'il réussit
dans ses projets. Il lui fallut plusieurs
fois haranguer la multitude. Un jour
sa voix éloquente arracha des mains
des assassins un malheurc;ix boulan-
ger de la rue Notre-Dame : un autre
jour, seul, sans défense, il se pré-
sente au milieu des habitants du fau-
bourg Saint-Antoine , armés de sa-
bres et de piques , et leur fait aban-
donner un convoi de farines qu'ils se
disposaient à piller , bien qu'elles
fussent destinées k la cousommation
du lendemain. Dans une autre occa-
sion , il tint tète à un nombreux ras-
semblement qui voulait arrêter le
départ pour Rouen d'un bateau de
farines avariées, que l'administra-
tion des subsistances avait échangées
avec des amidonniers contre d'autres
farines de meilleure qualité. Le faible
Bailly venait de promettre au bon
peuple de faire rapporter la décision
qui avait été prise. Vauvilliers arri-
ve , se fait écouter, et sa fermeté,
non moins que ses explications , cal-
me la populace qui ne met plus d'op-
position au départ du bateau. 11 ne-
4o
VAU
montrait pas moins d'énergie hors de
la sphère de ses fonctions. A l'assem-
ble'e de la Commune, il s'élevait avec
force contre les propositions révolu-
tionnaires. Ainsi , il combattit de tout
son pouvoir l'organisation primitive
de la garde nationale , à la composi-
tion de laquelle étaient appelés les
prolétaires. Lorsque Brissot fit , à
î'hôtel-de-ville , sa première propo-
sition pour l'abolition de l'esclavage
des noirs , Vauvilliers , se montrant
à-la-fois homme d'état et érudit , in-
voqua les témoignages de l'histoire ,
et s'éleva aux plus hautes considéra-
tions sur le droit public intérieur des
peuples tant anciens que modernes.
Enfin, lorsque Danton et Legendre
voulurent faire établir à la Commu-
ne un comité des recherches, il lutta
corps à corps avec eux, et d'une voix
prophétique il dit : « Vous voulez
» de nouveaux éphores , des censeurs
» d'oflice , des inquisiteurs à gages ,
» qui bientôt seront vos tyrans et les
» nôtres I vous aimez les Danton ,
» les Legendre , les comités des re-
» cherches î eh bien , vous en aurez
» à satiété , de toutes les couleurs ,
» dans tous les coins de la France I
» à qui vous en prendrez -vous , lors-
» que vous en serez les premières
» victimes ? » Quoiqu'on eût intro-
duit dans la salle des personnes étran-
gères qui n'avaient pas droit de vo-
ter , il y eut autant de suffrages pour
le rejet de la motion de Danton qu'il
y en avait eu pour l'adoption ; mais
Bailly , qui présidait et qui voyait
avec un dépit secret l'ascendant que
prenait Vauvilliers, annonça qu'il dé-
partageait les voix et donnait la sien-
ne pour l'établissement du comité
des recherches. Lorsqu'il s'agit de
faire prêter le serment de fidélité à
la constitution civile du clergé . Vau-
villiers fut prévemi qu'il était désigné
VAU
pour aller, en qualité de commissaire^
exiger ce serment dans ime des pa-
roisses de Paris : il s'affranchit de
cette tâche en envoyant sa démis-
sion de membre de la municipalité
de Paris , et rentra au collège royal.
Il se crut toutefois obligé de prendre
la défense de l'antique foi de l'Eglise
cathohque sur la hiérarchie , et pu-
blia un ouvrage plein de science et de
piété, sous le titre de Témoignage
de la raison et de la foi contre la
constitution civile du clergé , 1791 ,
in-8°. Il y rassembla les décrets des
conciles , les passages des saints pè-
res , les décisions des plus habiles
théologiens ', et l'on peut dire qu'il
y sapa par les fondements cet édi-
fice monstrueux des constituants, qui
avtiient traité la religion et sa disci-
pline comme un objet purement po-
litique. Cetouvrage eut deux éditions.
Mais bientôt on étendit aux person-
nes chargées de l'enseignement la
mesure qui exigeait le serment du
clergé j et le collège royal fut nom-
mément désigné dans le décret. Vau-
villiers n'hésita pas à donner sa dé-
mission , bien qu'il fût sans fortune ;
et sur la proposition d'un de ses
confrères , prêtre, qui depuis épousa
sa servante , il reçut l'ordre de quit-
ter le collège avant le coucher du
soleil (8). Un de ses amis, l'avocat
Blonde , qui habitait le cloître Saint-
Benoît, lui donna l'hospitalité ; il y
demeura jusqu'après le i o août. Dans
cette journée , Vauvilliers avait en-
dossé l'habit de garde national , et
avait couru au château des Tuile-
ries, pour s'y joindre aux défenseurs
du roi; mais la retraite de Louis XVI
au sein de l'Assemblée rendit ua
le! zèle inutile , et ne fit que corn-
as) Il est juste de dire que M. Gail , son snp-
pléaiit , qui Jui succéda dans sa chaire, fat étran-
ger à ces vexations.
VAU
promettre ceux qui l'avaient mani-
feste. Forcé de chercher un asile ,
Vauvilliers se sauva à Corbeil , où
son frère dirigeait les magasins de
subsistances. Cet asile ne le protégea
pas long-temps : arrêté par ordre du
comité révolutionnaire , il dut sa li-
berté aux courageuses sollicitations
de sa belle-sœur , et à la pitié recon-
naissante du secrétaire du conven-
tionnel Musset , qui retrouva dans le
royaliste détenu son ancien pro-
fesseur. Rentré dans sa famille , il
reprit ses travaux littéraires , et s'oc-
cupa spécialement d'un grand ou-
vrage politique qu'il avait commencé
depuis plusieurs années. Mais on vint
encore l'arracher à ses études favo-
rites , et cette fois il ne s'en plaignit
point ; il s'agissait du bien public :
une nouvelle disette menaçait Paris
et les départements^ on jeta les yeux
sur l'homme qui avait si bien admi-
nistré les subsistances en 1789 et
i-yQO. Vauvilliers répondit à l'appel
qui lui fut fait par le ministre Be-
nezech , et il accepta la direction de
ce service en qualité d'agent supé-
rieur du ministre de l'intérieur pour
les subsistances. Les fournisseurs
dont il s'était servi vinrent lui offrir
leur coopération. Son activité et l'em-
ploi des moyens qui déjà lui avaient
réussi ramenèrent en quelques se-
maines la confiance et la sécurité. Le
danger passé, on voulut exiger de lui
le serment de haine à la royauté.
C'était lui demander sa démission ,
il la donna et retourna à Corbeil. Il
publia alors une petite brochure in-
titulée : Questions sur les serments ,
en particulier sur celui de haine à la
royauté, 1796. Cependant, il ac-
cepta , peu de temps après , un loge-
ment à Paris chez M^^^. de Lamoi-
gnon : voulant y faii-e imprimer son
Traité de politique , il lui devenait
VAU
4i
indispensable d'habiter cette ville.
Ce fut vers la même époque, que
sur une simple note trouvée chez
M. de La Villeheurnois , il fut
impliqué dans la conspiration dont
ce dernier et l'abbé Brottier fu-
rent accusés d'être les chefs. Cette
note était ainsi conçue : « Nommer
Vauvilliers directeur - général des
subsistances , que personne ne peut
mieux administrer que lui. » Sur ce
chef, le Directoire le traduisit devant
le conseil de guerre , d'abord comme
embaucheur, puis le garda comme
témoin nécessaire au procès. Le con-
seil se déclara incompétent. Enfin
le directeur du jury , auquel il avait
été envoyé , le déchargea de tou-
te accusation. Déses])érant de le
faire condamner , le Directoire , en
le traduisant , à divers titres , devant
des tribunaux différents, voulait pro-
longer son arrestation et l'empêcher
d'être élu à l'un des Conseils légis-
latifs. Mais , malgré sou absence, la
ville de Corbeil l'avait choisi pour
un de ses électeurs ; s'étant pré-
senté en cette qualité à l'assemblée
électorale de Versailles, il y fut nom-
mé, à une grande majorité, membre
du conseil des Cinq-Cents. Dans ce
poste aussi honorable que dangereux,
Vauvilliers ne démentit point l'opi-
nion qu'on avait de lui. 11 eut sou-
vent occasion d'y faire remarquer
son éloquence , sa sagesse et ses
vertus politiques et religieuses. Ce fut
sur son rapport que la famille Anis-
son-Duperron obtint la restitution
des presses, caractères et autres meu-
bles de l'imprimerie royale , dont la:
république s'était emparée. Ou peut
citer particulièrement ses Discours
sur les finances , sur le serment ^
sur la liberté indéfinie des cultes ,.
sur les armées , sur les entreprises
et les usurpations du Directoire^
4» VAU
sur la nécessité de classer et de
fixer tous les pouvoirs ( dans le sys-
tème du gouvernement adopte à cette
époque), et son opinion sur le divorce.
Dans toutes les discussions, il se mon-
tra fidèle aux vrais principes : tou-
tefois , il ne se fit point illusion sur
l'inefficace résistance de la saine ma-
jorité' des deux Conseils; l'inde'cision
et les lenteurs de la réunion de Cli-
chy ne pouvaient, suivant lui , lutter
contre l'activité et l'ensemble des
combinaisons du Directoire secon-
de d'ailleurs par le chef victorieux
de l'armée d'Italie. Il n'en demeura
jias moins attache à ses amis , et fut
compris dans la liste de déportation
du 1 8 fructidor. Ce ne fut qu'à la fa-
veur d'un déguisement qu'il put y
échapper et gagner la Suisse. Peu de
temps après , le Directoire menaça
d'envahir cette contrée, etVauvilliers
dut chercher un autre refuge. Se rap-
pelant l'accueil que lui avait fait Paul
!*='■. , lorsque, voyageant sous le nom
de comte du Nord, ce prince avait
visité l'académie des inscriptions, et
entendu la lecture de quelques tra-
ductions de Pindare , il lui écrivit
pour avoir la permission de se reti-
rer dans ses étals ; et reçut bien-
tôt par un courrier l'invitation de
se rendre en Russie', sa nomina-
tion à l'académie impériale des
sciences de Pétersbourg , et les
moyens de subvenir aux dépenses
de la route. 11 s'arrêta à Mittau ,
pour rendre ses devoirs à Louis
XVIII , qui venait de s'y établir. A
Pétersbourg, l'empereur lui fit comp-
ter ia première année de son traite-
ment ; et si l'on joint à cette munifi-
cence les témoignages de considéra-
tion qu'il reçut de ses confrères , à
son uulallatiou qui eut lieu immédia-
tement , on doit concevoir qu'après
une «empclc aussi orageuse , il dut
VAU
se croire rendu au port. Il apprit ]^
langue russe , et se mit en mesure de
faire imprimer son manuscrit sur les
sociétés politiques; mais la rigueur
du climat ne tarda pas à agir sur
sa santé , aflaiblic par tant de cha-
grins. Ni les témoignages d'inté-
rêt que lui donna l'empereur
Alexandre , ni les soins touchants
que lui jirodigua un compatriote ,
M. l'abbé Nicole , ne purent le sau-
ver. 11 termina, le 23 juillet i8gi ,
une vie dont les seize dernières an-
nées avaient été un modèle d'édifica-
tion. Ju.s([u'en 178^; la conduite
dissipée de Vauvilliers et ses liaisons
intimes avec plusieurs philosophes
avaient pu faire croire qu'il parta-
geait leurs sentiments et leurs prin-
cipes ; mais en cette même année, il
eut un songe dans lequel il se crut
transporté au jugement de Dieu. Sa
conduite lui fut reprochée avec tant
de véhémence , qu'il en ressentit une
impression profonde. Il se réveilla
tout en sueur : ses cheveux blanchi-
rent entièrement durant cette nuit.
A partir de ce moment , il se fit uh
changement absolu en lui sous le
rapport moral , et il devint aussi
exemplaire qu'il l'avait été peu jus-
que-là. Vauvilliers a racontéplusieurs
fois ce songe à sa famille et à ses
amis , et il y rapportait , sans le
moindre doute , sa conversion. Ses.
mœurs étaient simples et douces , sa
piété indulgente et éclairée, sa con-
versation agréable et instructive. Il
possédait à un degré éminent les ta-
lents oratoires , et surtout le don de
l'improvisation. Sou désintéresse-
ment était tel, qu'après avoir été
chargé d'une grande administration,
dont il avait rendu un compte ri-
goureux, il fallut, à sa mort, pour
])ayer ses dettes, vendre sou mobi-
lici- cl sa bibliothèque. — 11 est fart
VAU
à désirer que sa famille fasse jouir le
public du fri'.lt de ses veilles de quin-
ze aus , de cet ouvrage auquel il at-
tachait lui-même tant d'intérêt : ses
Idées sommaires sur les socié-
tés politiques. Le savant qui avait
tant médité Platon , Aristote , Xé-
nophon, Thucydide et Plutarque,
imbu peut-être long-temps , mais dé-
sabusé des paradoxes et des systè-
mes des publicistes et des philoso-
phes modernes , a dû, en voyant les
théories de ces derniers appliquées
par leurs disciples à la science du
-gouvernement, en porter un juge-
ment approfondi. Vauvilliers n'était
pas marié : il a laissé cinq neveux ,
dont quatre de son nom. G — rd.
VAUX ( Noël Jourda , comte
DE ) , maréchal de France, naquit en
1 7 o5 , au château de Vaux , diocèse
du Puy, d'une branche très-pauvre
de l'anciezine et noble famille de
Jourda, originaire du Gévaudan, qui
s'était établie en Velay. Entré au
service en 177.4 -, comme lieutenant
au régiment d'Auvergne , il servit
aux sièges de Pizzighitone et du châ-
teau de Milan; capitaine en 1734,
il se trouva à l'attaque du château
de Colorno , et fut blessé aux ba-
tailles de Parme et de Guastalla. En
1 788 , il passa en Coi'se , et com-
manda^ en 1739, à Corté, avec un
détachement de deux cents hommes
de son régiment. Attaqué au couvent
de Guersamani par deux mille Cor-
ses , il fut blessé de deux coups de
feu; mais il réussit à garder le poste.
Le régiment d'Auvergne ayant été
envoyé en Bohême, en 1743, le
comte de Vaux se distingua à la
défense de Prague : détaché avec huit
cents hommes au chemin couvert de
la place , il y repoussa plusieurs fois
l'ennemi, et ne la quitta qu'à la fin
du siège. Les preuves de com'age et
VAU 43
de talent qu'il y donna lui valurent
le commandement du régiment d'An-
goumois. Employé, en 1744 et 174^,
dans l'état-major de l'armée , il se
trouva aux sièges deMeniujd'Ypres,
de Furnes y au combat de Rielz-
vaux , au siège de Fribourg , à la
bataille de Foutenoy; se signala aux
sièges deTournay etde Deudermonde,
et couvrit , avec quinze cents hom-
mes , celui d'Oudenarde , place dont
le roi lui donna le commandement
en récompense de ses services. Lors-
que le maréchal de Saxe entreprit le
siège de Bruxelles , le comte de
Vaux , à la tête de cinq mille hom-
mes , fut chargé du passage du canal
de Vilvorfle. II fit deux cents prison-
niers dans les redoutes , établit un
pont sur le canal , et lors de l'inves-
tissement de la place, il fut détaché
à l'un de ses faubourgs , à deux cents
pas des fossés , qu'il couvrit de re-
doutes. Après la prise de la ville ,
le maréchal de Saxe le chargea d'eu
porter la nouvelle au roi, qui le
nomma brigadier , et il servit en
cette qualité aux sièges d'Anvers ,
de Namur , et à la bataille de Ro-
coux. On lui confia, en 1747 y l'in-
vestissement du Sas-de-Gand : il fit ,
avec six mille hommes , toutes les
dispositions pour commencer ce siè-
ge , s'empara d'un fort et fit deux
cents prisonniers. Un éclat de bombe
l'atteignit au siège de Berg-op-Zoom.
Détaché au village de Vouet, avec les
voloutaiies de Bretagne , il y fut at-
taqué par dix mille hommes, qu'il
força à la letraite; ce qui le fit nom-
mer au commandement en second de
la Franche-Comté. Envoyé en Corse,
pour s'y mettre à la tête des troupes ,
il fut fait lieutenant-général , et em-
ployé à l'armée du maréchal de
Broglic. Il assista à la bataille de
Corbach , fut chargé de la défense
44
VAU
de Fricdberg et commanda une co-
lonne qui attaqua les redoutes de
Cassel , et en chassa les ennemis. Au
mois d'août suivant, il eut ordre d'at-
taquer l'arrière -garde d'un corps de
dix mille hommes , et la mit en dé-
route. A la fin de cette campagne , le
commandement de Gottingen lui
fut confie. Investi dans celte place
par l'armc'e du prince Ferdinand de
Prusse , il fondit, à dilTcrentes repri-
ses , sur les troupes qui s'étaient pos- '
tees dans les villages voisins , en
tailla en pièces ime partie, fit l'autre
])risonni(rc, et obligea enfin le prince
Ferduiand de lever ce siège, après
lui avoir enlevé près de trois mille
hommes en dillèrentes sorties. En
i-^ôi , il eut un cheval blesse sous
lui , à Filangshausen , et ses ha-
bits furent cribles. L'armée eut à
peine passé le Weser, qu'il fut déta-
che avec six mille hommes pour pous-
ser l'ennemi au-delà de l'iùns; et lors-
qu'on résolut d'assiéger Wolfenbut-
tcl , il fiit chargé de reconnaître la
place. Au commencement de i-jfii ,
il servit au corps de réserve du comte
de Liisace: mais ce corps ayant re-
joint le gros de l'armée, le comte de
Vaux retourna à Gottingen. Bientôt
après , il fit éclater de nouveau sa
valeur au combat de Johannisberg ,
et à celui qu'il li\ ra , avec le marquis
de Poyanno , aux troupes légères des
eniiemis. Employé, en i^'iS, dans
les Trois-Evèchés, il fut nomraécom-
mandant en second de cette province,
et commandeur de l'ordre de Saint-
Louis, en 176». Le comte de Vaux
fut envoyé eu Corse , en 17^)9, pour
y commander en chef; et trois mois
suivirent pour soumettre cette île, qui
jusque-là avait opposé une résistance
invincible. On trouve, dans les Mé-
jnnuesde Dumouriez, des détails sur
cette campagne ou plutôt sur cette con-
VAU
quête delà Corse; et ce général, auquel
on ne peut refuser une grande science
militaire , donne de justes éloges au
comte de Vaux. Après la réduction de
la Corse, il fut employé successive-
ment dans la généralité de Paris, dans
les divisions de Provence et d'Alsace,
et au camp de Vossieux. En 1770 et
1780, il commanda l'armée des cô-
tes de Bretagne et de Normandie,
et passa ensuite au commandement
du comté de Bourgogne. Enfin les
preuves de talent et de courage
qu'il avait données pendant près
de soixante ans , dans dix-neuf siè-
ges , dix combats et quatre batail-
les , lui méritèrent la di"iiité de
maréchal de France, que Louis XVI
lui conféra le i4 juin i783.lùivoyé
en Dduphiné pour y apaiser les pre-
miers ferments de la révolution , le
maréchal de Vaux mourut à (jreno-
ble, le i4 septembre 1788. Son corps
fut déposé dans l'église de l'Etournac,
pour être ensuite transféré au châ-
teau de Vaux ; mais , en l'exhumant,
les vandales révolulionnaiies empê-
chèrent que ses cendres fussent con-
fiées au mausolée que devait exécuter
son compatriote Julien , l'un de nos
mei leurs sculpteurs. Observateur zélé
de la discipline, sévère, mais juste
et humain , désintéressé , ennemi de
ce faste qui corromj)t une armée au-
tant qu'il l'embarrasse, le maréchal
de Vaux donna, toute sa vie, l'exem-
ple des vertus militaireset surtout d'u-
ne scrupuleuse probité. Après avoir
commandé l'expédition destinée pour
l'Angleterre, il demeurait encore, en
1781 , à la tête des troupes rassem-
blées en Bretagne. A la fin du pre-
mier mois de service , le trésorier de
l'armée lui apporta la même somme
qu'il lui avait comptée l'année précé-
dente pour le mois correspondant :
« Il ne m'en faut que la moitié , dit
VAU
» le comlc de Vaux , n'ayant plus
» les mêmes clc'peiisos à faire , je n'ai
» plus besoin du même traitement; »
cl il écrivit. sur-le-cliamp dans ce sens
au ministre de la guerre. Celui-ci lui
repondit qu'il avait mis sa lettre sous
les yeux du roi , et que Sa Majesté'
voulait qu'il reçîit la somme entière
comme teinoipinage de la satisfaction
qu'elle avait de ses services, a Je ne
» puis accepter, écrivit le comte,
» cette marque de bonté du roi ; et
» ce sera le seul ordre de Sa Majesté
') auquel , dans tout le cours de ma
» vie, je me serai cru dispense d'o-
» beir. » Le mare'clial de Vaux mou-
rut sans laisser de postérité mascu-
line : il n'avait que deux filles , les
marquises de Vauborel et deFouj^iè-
res. Il ne reste de sa maison que deux
branches cadettes , les Jourda de
Vaux du Rliuillier, et les Jourda
de Vaux-Foletier. — Alexis de Vaux
du Rliuillier, jcle' sur la plap;e de
Quiberou , en 179^, parcelle fa-
talité dont tant de Français furent
victimes , voyant à ses côtes son
frère a lue blesse à mort , quoique
perdant lui-même son sang par suite
d'une blessure, le porta à la nage
jusqu'au vaisseau , et revint combat-
tre dans les rangs de ses camarades.
— La V^ie de Robespierre, publiée à
Augsbourg en 1795, nous fournit
un autre trait, « Dans le carnage
1) qui eut lieu à Lyon , après le siège ,
» un enfant avait paru toucher les
» agents de Robespierre : Jeune ci-
» tojen , lui dirent -ils , cest sure-
» ment tonpère quitta séduit; abju-
» re ses principes , et tu auras lavie.
» - Mon père ne m'a pas séduit ,
» répond le jeimeVaux-Folelier,// va
« mourir pour son dieu et pour son
» roi. Je sers la même cause, et je
» m'estime plus heureux de mourir
V ai^ec mon père que de vivre par-
VAU 45
)> mi vous. » Les bourreaux atta-
chèrent cet enfant par le bras au
bras de son père , et ils furent con-
duits au supplice. G — rd.
VAUXCKLLES ( Simon - Jac-
ques ( 1 ) BouRLET , abbe dl) , littéra-
teur, ne, en 1734,3 Versailles , de
parents attachés au château , se
distingua dans ses études , et sui-
vit les leçons de Coflin et de Le-
beau , au collège de Beauvais , où il
eut pour condisciples Dclille et Tho-
mas , avec lesquels il se lia d'une
amitié dont le temps resserra en-
core les nœuds. Ayant embrasse'
l'état ecclésiastique, il ne tarda pas
à se distinguer par son talent pour
la chaire. L'Oraison fiuièbre du com-
te d'Eu, prince de Dombes , qu'il
prononça , en 17 jG, devant la cour,
lui valut le titrede prédicateurdu roi j
et peu de temps après, il fut pour-
vude plusieurs bénéfices. II entreprit,
en 1770, un voyage eu Italie, où il
réussit fort bien [-i]. Riche des con-
naissances qu'il avait puisées dans la
fréquentation des savants et dans
l'examen des chefs-d'œuvre des arts,
il revint à Paris, où il partagea son
temps entre les devoirs de son état,
la culture des lettres et la société des
hommes les plus aimables et les plus
spirituels. Il voyait souvent Saint-
Lambert et Diderot , quoiqu'il fût
bien éloigné d'approuver leurs opi-
nions. « C'était bien, dit -il en par-
lant de Diderot, le bon homme le
plus immoral en propos , le rai-
sonneur le plus débridé , le plus
à la houzarde que Dieu eût créé ,
quand il voulut donner un ridicule à
la philosophie humaine (3). d L'abbé
(1) D'autres biopraplic"! le nommeot Simpn-Jcr6-
rnc , ou Siftio/i-Jèreiiiif.
(a) C'(>6t rex|iressioD de l'abbi- Oaliani , dans
une Leilre ù M™«. d'E[>inay, du 7 avril 1770-
(\) AveiiiMemenl sur l,- Siippléincnl au voyage «/«
Hoit^ainvUlc.
46
VAU
de Vauxcelles, trop paresseux ou
trop sage pour ambitionner la gloire
que procurent les lettres , se con-
tenta de déposer dans les journaux
le fruit de ses réflexions. C'est ainsi
qu'il a publie , dans le Mercure et
dans le Journal de Paris , une foule
de morceaux non moins remarqua-
bles par l'élégance et la pureté du
style que par la justesse des vues et
la profondeur des pensées. Lorsque
M. le comte d'Artois eut acquis la
bibliothèque de l'Arsenal ( V. Paul-
my), il en nomma l'abbé de Yaux-
celles l'un des conservateurs. La ré-
volution interrompit, bientôt après ,
le cours de ses études. Il concourut ,
après le g thermidor, à la rédaction
de la Quotidienne , puis , avec La-
barpe et Fontanes , à celle du Mé-
morial, et partagea leur proscrip-
tion, au 18 fructidor (4 septembre
1797 ). Ayant échappé à la déporta-
tion , et obtenu , après le 1 8 brumai-
re , l'autorisation de rester à Paris ,
il reprit ses travaux littéraires , avec
d'autant plus d'activité qu'il se trou-
vait obligé de chercher une ressource
dans ses talents. Il mourut, le 18
mars 1802, à l'âge de soixante-huit
ans , laissant la réputation d'un litté-
rateur aimable, doué d'un goût sûr
et d'un esprit juste et délicat. La-
harpe l'avait surnommé le Chaulieu
de la prose. Outre les articles qu'il a
publiés dans les journaux, on cite de
lui : I. Eloge de d'Aguesseau, Paris,
1760, in -8". Ce discours, présenté
au concours de l'académie française,
n'eut pas le prix {Foy. Tuomas);
mais Duclos et Mairau invitèrent
l'auteur à le faire imprimer. II. Pa-
négyrique de saint Louis , ibid. ,
1761 , in-40. et in-8''. III. Oraison
funèbre de Louis, dauphin de 7^r«7i-
ce, prononcée à la cathédrale de Sens,
en 1766 : elle est restée manuscrite.
VAU
IV. Oraison funèbre de Louis XV,
1774, in-4°. V. Discours prononcé
à la fête des bonnes gens , i77(J,
in-8'^. VI. Discours aux enfants du
duc d' Orléans , sur la mort de leur
aïeul ( Louis - Philippe - Xavier ) ,
1786, in -8°. Ce morceau est écrit
avec une sensibilité douce et un aban-
don plein de grâce. VII. Opuscules
philosophiques et littéraires , la plu-
part posthumes ou inédits , Paris ,
1796, in- 12. Il y a des exemplaires
format in- 8"., papier vélin. L'abbé
de Vauxcelles est l'éditeur de ce re-
cueil (4), dont les différentes pièces
sont précédées de courtes notices
très -piquantes. VIII. Neckeriana ,
ou Lettres sur les Mélanges de M™*'.
Necker, ibid., 1798, in-80. (5).IX.
Une édition des Lettres de il/"'^ de
Sévigné , ibid. , 1801 , 10 vol. in-12,
avec une Vie de cette dame et des
réflexions sur ses Lettres , morceau
charmant, qui a passé dans les édi-
tions plus récentes ( Voy. Sevtgné).
X. Une édition de l'ouvrage de Fé-
nélon : De l'Education des filles ,
in-i2 , avec un Discours préliminai-
re. XI. Un Commentaire sur les
Oraisons funèbres de Bossuet, i8o5,
in - 8". L'abbé de Vauxcelles avait
fait, pendant quinze ans, sa lecture
habituelle des chefs-d'œuvre de Bos-
suet, qu'il trouvait toujours égal
et souvent supérieur aux plus célè-
bres orateurs de l'antiquité. XI. Des
Notes sur le premier volume des
Mémoires secrets de Duclos _, insé-
(4) Ce volume , asser. rare , contient : Réflexions
sur le bonheur, par 1M"*«, Ducliâtelel; Anecdote
sur le roi de Pn.i5se , par Tliomas ; Entretien d'un
philosophe avec la maréchale de...,, par Diderot;
Du bonheur des sots, par Necker; le Bonhomme ,
conte moral ou histoire scaudiileuse; le 7' rai phi-
losophe, par Oumarsais ; les femmes, par l'abhé
Galiaui , et enfin le Suppl. au voyage de Bougain-
ville , par Diderot. La notice qui précède l'opus-
cule de Necker est de Suard.
{a) Il a paru, en 1808 , un recueil in-S". , sous
ce titre : Esprit de Madame Necler, par B. D. V.
VAV
•rccs dans le tome vi des OEuvres
complètes, cdit. de M. Aiiger. Il a
eu part à V Esprit de V Encyclopé-
die, iii vol. iu-8^. ; et avec M. Gen-
ce , à l'édition du Dict. de Vacad.
française, 1798, a vol. in - 4''- On
trouve , dans la Correspondance de
Grimm , 3°. part. , iv , 494? "" fi'^g-
jneut d'un Dialogue en vers de Vaux-
cclJes , Sur les dangers de la satire,
dédie à Rivarol ( J^. ce nom ). Quel-
ques biograplies lui attribuent la tra-
duction , que d'autr«s donnent à Jan-
sen , du Dialogue sur les médail-
les, par Addison {Voy. ce nom, !_,
309). W — s.
VAVASSEUR ( le P. François ■) ,
pr '^te latin et littérateur, né en i6o5
à taraydans le Charolais, embrassa
la règle de Saint Ignace, enseigna les
humanités et la rhétorique dans dif-
férents collèges ,et fut ensuite chargé
d'expliquer l'Écriture-Sainte à Bour-
ges. Ses supéi'ieurs l'appelèrent à
Paris pour remplacer au collège de
Clermoiit le P. Pétau ( V. ce nom ,
XXXIIl, 458), et il s'acquitta de
ces nouvelles fonctions de manière à
diminuer les regrets que faisait éprou-
ver la retraite de son prédécesseur.
Il possédait le grec et l'hébrai (1);
mais il s'était attaché surtout à l'é-
tude de la langue latine, qu'il écrivait
et parlait avec une rare élégance
(2). Dès lôS-y , il avait donné des
preuves de son talent pour la poésie
latine dans une Paraphrase du livre
de Job , dont il se lit une seconde
édition l'année suivante. Des Ha-
rangues y quelques pièces de vers ,
(i) Il a fait ntifi plaisante bévue dans la préface
de son Comtncnltiire sur le livre de Joh , pour
n'avoir pas compris le litre liélireu d'un livre du
rabbin Moise Maiinonide, Voytz Niceron ^ tome
XIV , p. 137.
(?.) Lorsqu'il enlendit parler du projet de Du-
cange de recueillir les mots de ia basse latinité ,
11 y a plus de soi:<aute ans , dit-11 , que je m'étudie
à n'employer aucun des mots qu'il a rechercliés.
VAV 47
mais principalement son poème in-
titulé zTheurgicon seu de miracuUs
Christi , achevèrent de le faire con-
naître d'une manière avantageuse.
La vivacité de son caractère l'entraî-
na dans de fréquentes disputes litté-
raires , et il ne put rester étranger
aux tristes querelles du jansénisme.
En répondant au docteur Arnauld ,
qui lui avait attribué par erreur deux
pamphlets anonymes (3), il fit re-
jaillir sa mauvaise humeur sur tous
les écrivains de Port-Royal , aux-
quels il reproche un ton tranchant et
la forme exagérée de leurs éloges
et de leurs critiques. Il attaqua Go-
deau y évêque de Grasse, parce qu'il
avait été favorable AwPetrus Aure-
lius de Saiut-Cyran (/^. ce nom); mais
tout l'esprit qu'il montra dans cette
occasion ne peut l'excuser d'avoir
jeté des doutes sur la conduite d'un
prélat aussi respectable. Vavasseur
se piquait d'exceller dans l'épigram-
me : aussi ne pardonna -t -il point
au P. Rapin , son élève , d'avoir dit,
dans ses Réjlexions sur la poétique
d'Aristotc , qu'aucun poète moderne
ne lui semblait avoir réussi dans ce
genre. Feignant de n'avoir pas re-
connu l'auteur des Réflexions , il re-
leva très-vivement ses erreurs ; et la
dispute se serait prolongée entre les
deux confrères, si le président de
Lamoignon ne se fiit interposé pour
les réconcilierez^. Rapin , XXXVII,
94 )• Le P. Vavasseur mourut à
Paris, le 16 décembre 1681 , à l'âge
de soixante-seize ans. L'abbé d'Oli-
vet dit qu'il a été le meilleur huma-
niste de son temps (4). C'était un
(3) Triumphus catholirœ veritatis , sive Jaiiseniu^
clamnalus ; et Calat^hanus , nalione hiherims , an
saljriis ille, qui nuper in tucem piodiit. Xe pre-
mier est du P, Pbil. Labbe; mais on n'a pas en-
core découvert l'auteui- du seioud.
(4) Hist. de VAcad. française , t. I , p. 3i2. ,
édit. ia-12.
48
VAV
fort bon critique, homme d'esprit et
de goût , écrivain pur et éloquent ,
mais comme poète, il manque d'ima-
gination. Ses Poésies furent publiées
par le P. Lucas , son confrère , Paris ,
i683, in-8". , précédées d'une courte
Notice sur l'auteur , tirée en partie
de la Bihl. du P. Southwel , et de
quelques vers à sa louange ; mais ses
OEuvres ont été recueillies en un
vol. in-fol., Amsterdam, 1709, sous
ce titre : Fr. Fai^assoris opéra om-
nia , antehàc édita , theolo^ica et
philologica ; ad qiiœ accesserunt
inedita et suh ficto nomine emissa.
Ce vol. contient : I. De ludicrd die-
tione liber. C'est un traité contre le
style burlesque , que les ouvrages de
d'Assoucy et de Scarron avaient mis
à la mode. Le P. Vavasseur l'entre-
prit à la prière de Balzac , son ami
(5) , auquel il le dédia. La première
édition est de Paris, i658, in-4''.
Celle de Leipzig , 1722 , iu-B". , est
augmentée par J.-Chr. Kapp. Coupé
a publié une trad. abrégée de cet ou-
vrage dans les Soirées littéraires ,
XVIII , 1 60-2 10. Le but de Vavas-
seur est de prouver que les anciens
n'ont jamais employé le style burles-
que ; et suivant lui , c'est une raison
suffisante pour le proscrire (6), IL De
Epigrammate liber , Paris, 1669,
1672 , in-i2. Il paraît n'avoir com-
posé ce traité de l'épigramme que
pour avoir l'occasion de critiquer la
[5) Balzac a publié une Dissertation sur le style
burlesque, adressée au P. Vavasseur; c'est la 2r)« de
ses disserlalions critiques. Parmi ses lettres, on
en trouve plusieurs à Yavas^eur , qui téuioignent
la baute estime qu'il avait de ses talents.
(6) Ainsi Vavasseur oublie ou il excuse le Mar~
giles , la Batracomjomachie ,]es turlupinades d',-/-
ristophane , les rusticités de Théoctite , le sel gros-
sier de Plante , les quolibets de Cicéron , les mau-
vaises plaisanteries de Pétrone , les facéties trop
peu délicates àeVApocoloquintliose, etc. 11 va
jusqu'à louer un morceau de l'antiquité , intitulé :
Marcus Crunnius corocotta poyrellus , qui n'est
autre cbose que le testament d'im pourceau dicté
par Ini-mème , pièce du comique le plus bas.
VAV
dissertation de Nicole sur le même
sujet ( f^. Nicole , XXXI , 253 ).
III. Observationes de viet usu quo-
rumdani verbonim càm simplicium,
tùm conjunctoriim , publié par le
P. Lucas , à la suite du Recueil de
poésies cité plus haut. Ces remar-
ques, qui annoncent un grammairien
consommé, ont été réimprimées par
JeanKetel, dans]esScriptores selecti
de elegantiori latinitate coinpa-
randd , Amsterdam, i7i3, in-4**.
IV. Orationes .; ces Harangues ou
discours sont au nombre de douze ,
dix sur des sujets profanes ,et deux
sur des sujets sacrés. V. De formd
Christi dissertatio , Paris, 1649,
in-8°., contre Nicol. Rigault ( V.ce
nom ). Il établit par des testes sa-
crés que si Jésus n'était pas d'une
beauté remarquable , il n'était pas
non plus d'une laideur repoussante.
VI. Corn. Jansenius suspectas,
ibid. , i65o, in-80. VII. Anton.
Godellus , episcopus Grassensis, an
elogii Aureliani scriptor idoneus ;
idemqite utriim poëta ? Constance
(Paris), i65o,in-8o. (7); ce petit vol.
très-rare contient une Lettre de PaU'
lus Romanus à Candid. Hesjchius,
et la réponse à! HesfcJdus à Paulus
Romanus. « J'appellerais , dit d'O-
» livet , ce petit écrit, une satire très-
» ingénieuse , et même assez solide ,
» si la censure ne portait que sur les
» vers de M. Godeau ; mais comme
» sa personne y est attaquée , je l'ai
» traité de libelle j et par cette rai-
» son je supprime le nom du critique,
» qui a été le meilleur humaniste de
» son temps » ( Hist. de l'acad.
yrrt«ç._, art. Godeau). VIII. ^rf An-
ton. Arnaldiim dissertatio de libello
suppositio , ibid., i653 , in -8".
IX. Jobus hrevi commentario et
(7) C'est une réimpression; l'édit. originale est
de 1647.
VAY
metaphfasi poèticd illustràii:S , \b. ,
tUJ-j , in-b'. , Soaivent rciiii prime
dans divers formats. X. In Osecvsi
prophelum Comintntarius. C't'st le
seul oii\r;ige de "Vayasscur quif'ûtrcs-
tc' iuëilil. j>e V. Le'oiip; ue le cite \>As
dans la Bibliolh. sacra. XI Theitr-
gicon sive de vùraciiUs Chris ti li-
bri IV , Paris , \('i[\\ , in-4". , ibid.
( Hollande, Eizevirsj, i()45 , in- 12,
jolie c'dit. ir es- rare. XII. EL'gia-
riimet Heroicorum liber) Epigrani-
matuni libri quatuor. XI 11. Re-
marques sur les nouvelles Réflexions
du P. Rapin , touchant la poétique,
Paris, 1G75, iii-ii de lèi })ag. ,
très-rare. Le P. Vavassenr a publié
qiielqiies Lettres du P. Perpinian ,
savant jésuite espagnol ( F. ce nom
âU Supplément), li avait le projet
de donner une édition du Promp-
tuaire d'Harjiirnopule ( F. ce nom,
XIX, \'i{)), et l'on trouve quelques-
unes des remarques qu'il avait lais-
se'es sur cet auteur dans le Supplé-
ment au Thesaur. juris de IMcer-
mann. Outre les auteurs cités, ou
peut consulter les Mémoires^de Ki-
ceron, xxvii , \3i-5^;]e Parnasse
français de Titon du Tilîct, p. 36o,
et Ja Bibliothèque des auteurs de
Bourgogne. "W s.
VaYLR (La Motte Le), Foj.
MoTHE. XXX, 27-2.
VaYRR (Roland Le). F. Bou-
TIGNY , V, 4 06.
V AYHAC ( L'abbé Jean de ) , né
dans le village de ce nom, en Qnercy,
fitun séjour de vingt ans en Espagne,
eise rendit à Paris,vers 17 10. llavait
l'esprit caustique , si l'on en juge
par une anecdote qui se trouve dans
quelques recueils. Un jour qu'il s'é-
tait mis à couvert de la pluie sous
une porte-cochère , la voiture d'un
petit- maître s'arrêta devant lui pour
quelque réparation • le petit-maîtrè
XLVIIl,
VAt
49
envoya son îarptais lui demaûdti^ k
quelle bataille son cliapeau a\ait été
percé 1 — A celle de Cannes , lui
dit l'abbé, en lui appliquant de bons
coups de sa canne sur les épaules. Le
peiit-maîîre. voyant maltraiter son
laquais, se fàclia et dit à l'abbé:
Sauez-vous à qui vous avez à faire ?
— Oh! très -bien, dit l'abbé. —
Quisuis-je ? — Un sot. Nous avons
de l'abbe de Vayrac un grand nom-
bre d'ouvrages historiques , qui ne
sont pas sans mérite, quoiqu'ds aient
été écrits avec trop de précipitation.
Voici les principaux : 1. L'état pré-
sent de l'empire , Paris , 1 7 1 i , un
vol. in-1'2. L'auteiu- prend l'engage-
ment , dans son Discours prélimi-
naire , de ne rien avancer qu'il ne
prouve par de solides raisons, ou
par des autorités authentiques , sans
qu'aucun motif de politique ni d'in-
tércî soit capable de lui faire trahir
la vérité; mais il était trop léger et
trop peu appliqué, suivant le juge-
ment d'un contemporain , pour tenir
son eugagement. IL Lettres et Mé-
moires du cardinal Bentivuglio , Pa-
ris , 1713,2 vol. in- 12. IlL Maxi-
mes de droit et d'état, Pàrïs. J n 16.
Elles sont dirigées contre les princeà
légitimés. IV. Histoire des révolu-
tions d'Espagne , Paris, niQ,
4 vol. in-1'2, et depuis 5 vol. m 8^.
V. Etat présent de V Espagne , Pa-
ris , 1718, 4 vol. in-ii. L'a.Miéde
Vayrac était très - capal. le d'écrire
sur l'Epagne, parce qu'il connais-
sait bien ce pays, et qu'il avait 1 eau-
coiqi d'esprit et d'érudition ; cepen-
dant il n'a pas fait tout ce qu'jl pou-
vait faire. Au sujet de ce dernier
ouvr.ige , ou lui a adressé cinq re-
proches, dont il croyait s'être biétt
lavé dans sa préface , mais qui sub-
sistent en entier. VL Lettre au sujet
de Guillaume , Jils d' ÈtiMM , Coiii-
5o
VAY
te de Blois , 1 722 , dans le Mercure.
Vil. Journal du voyage du roi
( Louis XV ) à Reims... avec la des-
ii'ijjtion des fêtes données à S. M.
à f^illers- Cotterets , etc., Paris,
i-iQi'i, dans le Mercure du mois
de novembre, el séparément. Vlll.
Dissertation historique , topogra-
phique et critique sur la véritable
situation d'UxeWoàunum, dont il est
parlé dans les Commentaires de
César , avec un plan dressé sur les
lieux , Paris, i-jsS. Après avoir
détruit les systèmes de ses adver-
saires, l'abbé de Vayrac soutient
qu' Uxellodunum n'est autre que le
Pech d'Ussolun , près de Vayrac ,
en Qucicy. L — b — k.
VAYRASSE d'ALAIS ( Denis )
( I ), d'une famille noble , né à Alais en
"Languedoc, fit d'aliord une campa-
gne eu Piémont , prit ensuite des gra-
des en droit , et passa en Angleterre ,
où il s'occupa de pénétrer les intri-
gues politiques , et de' découvrir les
maximes du gouvernement. Eu i665j
il se trouvait sur im vaisseau amiral^
commandé par le duc d'York. Quel-
ques années après , ayant été regardé
comme complice d'un ministre , il se
retira avec lui à Paris. Il rentra au
service , et fit la guerre de Hollande ,
en iG-^^; mais la cluite du parti ré-
formé en France lui ôtaut tout es-
poir de s'avancer , il se réduisit à en-
seigner l'anglais et le français aux
étrangers qui venaient à Paris , et se
fit aussi une certaine réputation par
des conférences sur l'histoire et la
géographie. La facilité qu'il avait de
parler agréablement détournait l'at-
teiition de la singularité de sa figure.
On a de lui , outre les ouvrages indi-
qués au tome 1*=''. : L Projet pour
') (""est par eiicur qu'un article lui a '.'te en
sacré an tome !<:"•. , pag. 58."> , sous le nom d' Alla
ijui l'Uil celui de sa ville ualale.
VAY
arroser les plaines de Villadague ,
de la Calmetle , de Bomoiran et de
Le::tan , et pour rendre navigables
les rivières de Vistre et du Gar-
don ; lu dans l'assemblée des états
à Montpellier , le 22 novembre
1G96 , et présenté aux états par
Denis Fayrasse, d' Alais , résidant
à Paris et alors à Nimes , Mont-
pellier, 1697 , in - 4". Cet écrit est
l'œuvre d'un homme qui s'occupe de
la prospérité de son pays , et qui en
connaît parfaitement la situation et
les ressources. Au reste, sa Gram-
maire méthodique , quoique oubliée
maintenant, n'est pas sans mérite.
L'alphabet simplifié qu'il propose,
avec quelques nouveaux caractères
pour peindre exactement la pronon-
ciation , est supérieur à la plupart de
ceux qui ont été imaginés après lui.
En parlant de l'article défini qu'on
donne quelquefois aux personnes fa-
meuses , il avait cité pour exemple
la Maniveau , la Montespan , la
Mancini. On l'obhgea de mettre un
carton; et il substitua la Brinvilliers,
la Foisin et la Neveu. La réparation
paraît plus oflénsante que l'injure,
quand on en vient à la comparaison.
11 publia , en iG83 , un abrégé de
celte Grammaire , en anglais , in- 1 2.
ï— u et V. S. L.
VAYRINGE (Philippe) (i),
habile mécanicien , né le 20 sept.
1684 à Nouiiloiipont , village de
Lorraine , de parents pauvres et
obscurs , s'enfuit , à l'àgc de dix
ans , pour se soustraire aux mauvais
traitements de sa belle-mère. Son
dessein était d'aller en pèlerinage à
Piomej mais il en fut détourné par
ses camarades , et il entra chez un
(i) Il est mal ihiiiuhc F'iiisiii^c, dans les >/é-
moitr^ de VAcatl. des Sciences, aiin. 17^6; <*l
faiitige ^ dans le 'limite d'fJorlo^eiie , par T^e-
pautc.
VAY
serrurier de Metz, qui lui promit
vingt sols par mois. Il demanda la
permission de faire une serrure j et il
réussit assez bien dans ce premier
essai pour que son maître crût de-
voir augmenter ses gages. Après une
année d'absence , il revint dans son
village, et fut placé clicz ua de ses
beaux-frères, à-la-fois, armurier et
taillandier , afin d'apprendre cette
double profession. Il vit alors, pour
la première fois, une horloge, et
l'ayant examinée attentivement , il
conçut si bien l'assemblage et le rap-
port des différentes pièces , qu'il en
lit une pareille dans l'espace de
quelques semaines. Désirant se per-
fectionner par les voyages, il se ren-
dit à Nanci , où il travailla à la grille
de l'église des Bénédictins. L'en-
trepreneur , charmé de ses disposi-
tions , le prit en amitié, et lui enseigna
les éléments du dessin. Un jour qu'il
regardait à sa montre , Vayringe le
pria de la lui confier, et l'ayant dé-
montée , il en dessina chaque partie
avec beaucoup d'exactitude , se ré-
servant d'en construire une sembla-
ble, quand il en aurait le loisir. Sou
assiduité au travail et sa bonne con-
duite lui procurèrent un mariage
plus avantageux qu'il ne pouvait
l'espérer. Avec la dot de sa femme,
qui était de treize mille francs bat-
rois, il établit une boutique d'horlo-
gerie, bientôt la plus achalandée de
î^anci. Dans im voyage qu'il fit à
Paris , pour tjuelques emplettes , il
eut l'occasion de voir chez un de ses
confrères la machine à fendre et à
diviser les roues; et dès qu'il fut de
retour, il eu exécuta une, plus par-
faite sous tous les rapports. Nommé
horloger de ia ville, ses appointe-
ments, joints aux béncTices de son
commerce, lui jiermirent enfin de se
livrer à son génie inventif. « Mou
VAY
5î
» penchant pour la mécanique , dit-
» il naïvement, m'engagea à compo-
» scr divers modèles qui me firent
» naître la chimérique idée du moii-
» vement perpétuel. Je fis plusieurs
» tentatÎA^es vaines à cet égard; mais
» en y travaillant^ je réussis à faire
» quantité de mouvements fort sim-
» pies, et entre autres celui d'une
» horloge, qui allait huit jours avec
» trois roues , et qui cependant son-
)) nait les heures , les demies et la ré-
» pétition , et de plus marquait la
» révolution et les phases de la lune.
» Je fis aussi une montre qui répé-
» tait les heures et les quarts avec les
» seules roues du mouvement , etc. »
En 1 720 , ayant été admis à présenter
ses ouvrages au duc de Lorraine Léo-
pold , ce prince en fut si satisfait ,
qu'il le retint à Lunéville, avec le ti-
tre de son mécanicien et un traite-
ment honorable. L'année suivante ,
il fut envoyé à Londres , pour v faire
exécuter , sous ses yeux , divers ius -
truments de physique , dont le duc
de Lorraine voulait enrichir son ca-
binet. Vayringe profita d'une circons-
tance si favorable poura])prendre de
Desaguliers(/^. cenom,Xï , i'2,'])\sl
géométrie, l'algèbre et l'usage de
toutes les machines de physique. De
retour à Lunéville , il exécuta sur
le champ une pendule à équation ,
et un planisphère d'après le système
de Copernic , deux chefs-d'œuvre su-
périeurs à tout ce qu'on avait vu
jusqu'alors en ce genre. Il reçut de
Léopold la commission flatteuse de
porter le planisphère à Vienne , oii
il fut accueilli avec la plus grande
distinction. L'empereur lui donna,
à sf)n départ , une chaîne d'or
et une bourse de ducats. Il serait
trop long de détailler toutes les
machines utiles et ingénieuses que
Vayringe exécuta dejiuis pour les
:')#
VAY
cours de Lunëvillc et de Vienne, où
ji fit plusieurs voyaj^es. Nommé, en
iy3i , professeur de physique espé-
rimenîaîe à l'acade'iuie de Lorraine ,
il eut le plaisir de voir toute la jeu-
ne noblesse s'empresser d'assister à
se-. leçons. Combe de Icmoignages
d'i stime, et l'on peut drre mnne d'à-
Hiitié par son simvcrain , rien ne
manquait au bonlicur de Vayruioe.
La cession de la Lorraine à la Fran-
ce devait en être le terme. Le roi
Stanislas, si justement surnommé le
BienJ'aisavt , ne négligea rien pour
retenir dans ses nouveaux états un ar-
tiste dont il appréciait lerareméritej
mais celui-ci avait résolu de suivre
ses anciens maîtres en Toscane, et il
fut impossible d'ébranler sa détermi-
nation. Il se rendit cependant à Pa-
ris . sur la demande du lieutenant de
po'icc Hérau't ; et il lui remit le des-
sin avec le devis d'une machine aussi
simple qu'mgénieuse pour élever
deux cents pouces d'eau sur la butte
de ."^aiute Geneviève. Ayant visité la
niacliine de Marly [F. Rannequin ,
XXXVIl , H'j ), il proposa de dou-
b'er le volume d'eau qu'elle fournis-
sait, en remp'açant les rouages, dont
îe bruit était si désagréable , par trois
mouvements parei'sàceux qu'il avait
établis dans les bosquets de Luné-
ville. Ou voulut en vain !e fixer à
Paris par les promesses les plus
brillantes. Il refusa les offres plus
wagïiiliques encore des aclioiuiaues
des mines de Pompéan , auxquels il
avait indiqué le moyen de se débar-
rasser des eaux qui menaçaieiit à
chaque instant de noyer leurs ou-
vriers; et il rejoignit le duc Léopold
a Bruxelles ,d'oii il ne tarda pas à se
rendre par mer en Italie. A son ar-
rivée à Florence, il s'empressa de
rouvrir sou cours de physique ; mais
« pciae daigna-t-on lire le program-
VEA
me dans lequel il rendait compte dé
ses principales expériences , et il se
vit forcé d'interrompre ses leçons ^
faute d'élèves. Dans ses loisirs , il fît
un petit voyage à Gravina , ville si-
tuée au milieu des marais , et où ré-
gne presque constamment une fièvre
cpidemique. 11 y tomba malade, et
revint à Florence , où , après avoir
langui dix-huit mois , il moju'ut le
•2.\ mars 17)6 , à l'âge de soixante-
deux ans. Les restes de l'Archimède
lorrain furent ensevelis avec pom-
pe dans l'église des l]arnab:tes. Ja-
meray Duval ( /^o>'. ce nom, XII,
4i3 ), son compatriote et son ami^
et comme lui un exemple de ce qiie
peut le génie quand il est joint à la
patience et à la vertu, a consacré sa
mémoire par un monument en mar-
bre décoré d'une épilaphe. On peut
consulter pour pins de détails la Bi~
hlioth. da Lorraine^ parD. C^imet,
où l'on trouve, p. 9*^709, îa Vie de
Yayj-inge , écrite [sar lui - même, ou
composée sous son nom par Duval.
L'abbé Desfont;iines parle de ce cé-
lèbre méca.iicien dans ses Ohsen>a-
tions . tome x, page 280 , à l'occa-
sion de la machuie de M. Dupuy
pour élever les eaux. W — s.
VEAUX ( Antoine-Joseph), gé-
néral français, né à Seurre le 18
septembre 17(14, entra au service,
liés sa première jeunesse , comme
simp'e soldat, et devint officier au
commencement de îa révolition. 11
fil alors avec distinction plusieurs
campagnes , et fut nommé général de
brigade, le 10 mars 1797. Créé
baron et coramindant de la Légion
d'Honneur , en iSoj , il obtint, peu
de temps après, le commandement du
département de la Côted'Or , et fut
présenté !e 10 février 181 1 à l'em-
j^ereur , comme membre du collège
électoral. Se trouvant à Auxonne
iorsderinvasiondes allies , en i8i4,
et voyant celte place compromise, il
en prit le commandement de son
chef , prépara tous les moyens de
défense, et réussit à la sauver. Mis
à la demi-solde après le rétablisse-
ment des Bourbims , il continua
d'habiter cette contrée j il alla au-
devant de Buonaparte lors de son
retour , en mars i8i5 , eut avec lui
une longue conférence à Chàions , et
fut nomme lieutenant - gênerai et
commaudaut de la dix-huitième di-
vision militaire. Ce fut en cette qua-
lité qu'il publia des proclamations ,
et signa dillè'rents actes publics. Il
fut ensuite nommé membre de la
chambre des représentants par le
département de la Côte-d'Oi-, et se
montra dans cette a'-semi)lée , no-
tamment !e4 juin , un dcsplus chauds
partisans de Napoléon. II demanda
ensuite un congé pour aller à Di-
jon , et se trouvait dans cette ville ,
au mois de juillet, quand les Autri-
chiens s'en approchèrent. Il se ren-
dit alors avec son état-major à l'ar-
mée de la Loire , et il envoya de
Moulins sa soumission au roi. Sa
nomination futnéanmoiusannulée, et
le i8 août 1816 , il fut traduit à la
Cour d'assises de Dijon , avec plu-
sieurs autres habitants de cette ville ,
comme ayant contribué au renver-
sement du gouvernement royal. Ac-
quitté par le jury , ainsi que les au-
tres accusés, le général Veaux se re-
tira à Aloxe , près de Beaune. Il
était à Dijon dans le mois de sep-
tembre iSi-^ , en qualité d'élec-
teur , pour y concourir aux opéra-
tions de l'assemblée électorale de la
C6te-d'0r , lorsqu'il se donna hii-
mèrae la mort d'un coup de pistolet,
par suite d'une aliénation mentale ,
qui s'était déjà manifestée en plu-
.sieurs occasions. Z.
\EC 55
VECCHIETTA ( Lorenzo di Pie-
RO ) , sculpteur et fondeur , no à
Sienne en 1482, exerça d'abord îc
métier d'orfèvre, et enfin s'adonna
à la sculpture et à l'art de fondre le
bronze. La supériorité de ses talcnt>
lui (it bientôt confier l'exécution du
Tabenîaclc en bronze du maître-au-
tel de la cathédrale de Sienne , ainsi
que les ornements en mai bre qui sub-
sistent encore aujoird'hiù. Cet ou-
vrage excita raclniiraîiondc ses con-
temporains , et lui acquit une grande
et juste réputation, par les beautés
dont il brille dans toutes ses parties.
Il exécuta en outre un Christ nud,
en bronze, de grandeur naturelle,
tenant en main la croix, pour la cha-
pelle des peintres sienncis, dans l'hô-
pital de la Srala. Le baptistère de
Saint Jean n'étant point encore ter-
miné, il y travail'a à quelques figu-
rines en bronze , et finit quelques
ouvrages du même mêla! , que leDo-
natello y avait jadis commencés.
Ce fut lui enfin qui conduisit à terme
ce baptistère, où il p'aça quelques
figures en bronze fondues autrefois
par Donalo , mais qu'il termina avec
une rare perfection. Il exécuta éga-
lement , dans la loge des otlleiers de
la banque, deux statues en marbre ,
de grandeur naturelle, des Apô-
tres saint Pierre et saint Paul ,
travail plein de délicatesse , et d'un
grand guiitde dessin. 11 cultiva aus-
si la peinture avec succès ; on voit
encore un de ses tableaux à riuiile,^
dans l'hôpital de la Scala de Sienne,
et une fresque sur la porte de l'égli-
se de Saint- Jean. Comme peintre, sa
réputation n'a point égale celle qu'il
mérita comme sculpteur. Il pèche
par la dureté du styic, défaut com-
mun à la plupart des artistes de son
temps. Vecchietta mourut eu i54g.
P— s.
H
VEC
VECCHIETTI (Jean-Baptiste).
âavant orientaliste , ne à Gosenza, en
1 552 , embi'assa l'e'tat ecclésiastique,
et fut charge' par le pape Clément
VIII de plusieurs voyages apostoli-
ques en Perse et en Egypte , dont il
a écrit la relation , qui est restée ma-
nuscrite à la bibliothèque de Nanni ,
à Venise, sous le titre de Relation
de la Perse. Ce sayant mourut en dé-
cembre i6ig, — Vecchietti f Jérô-
me) , son frère , entra également dans
les ordres, et se livra avec beaucoup
d'ardeur à i'éliide de la théologie et
de l'histoire sacrée. Il composa un
ouvrage considérable de chronolo-
gie , intitulé : De anno primitivo
ah exordio mundi ad annum julia-
num accommodato et de sacrorum
tcmporum ratione , partagé eu huit
livres^ Augsbourg , 1621 ou xôi'à ,
in-fol: Cet ouvrage dans lequel on crut
trouver des opinions erronées sur la
chronologie sacrée et sur l'institution
fie l'eucharistie _, fut réfuté par Cap-
pelli ( Fqy- ce nom ) , et brûlé d'a-
près une sentence de l'inquisition.
Vecchietti , condamné à une déten-
tion perpctuciie , se rendit volontai-
rement en prison, et y mourut, à
l'âge de quatre-vingts ans. Il avait
composé une Vie de son frère Jean -
Baptiste , dont le manuscrit est resté
dans la bibliothèque de Nanni. Mo-
relli l'a publiée à la suite du Cata-
logue des manuscrits de cette biblio-
thèque , ini]»rimé à Venise , en
1760. Z.
VECCHIO DI SAN RERNARDO
( Fbançois Menzoccui , dit Le),
peintre, né à Forli vers i5io, fut
la tige d'une famille de peintres qui
se distingua dans cette ville et le
disputa en réputation à celle des
Longhi , qui à la même époque illus-
trait la ville de Ravenuc. II com-
mença à se former dans sa patrie ,
VEC
sur les ouvrages du Parmegiani , et
il reste encore de son premier temps
plusieurs peintures d'un dessin très-
maigre , tel est , par exemple , le
Crucifix qui se voit aux ObseiTan-
tins. Suivant Vasari, il se mit en-
suite sous la direction du Genga;
on ajoute même qu'il prit des leçons
du Pordenone : alors il changea en-
tièrement de manière , et adopta par
la suite un style correct, gracieux,
animé, et d'une telle expression, que
la nature elle-même semble respirer
sur sa toile. Parmi les ouvrages qu'il
a exécutés avec le plus de soin sont
deux tableaux latéraux qui ornent la
chapelle de Saint-François-de-Paule,
dans la basilique de Notre-Dame de
Lorette. L'un est le Sacrifice de
Melchisédech, l'autre le Miracle de
la manne dans le désert. Les pro-
phètes et les principaux persoun.iges
ont toute la majesté, toute la pom-
pe des vêtements qu'on retrouve dans
l'école du Pordenone j mais la foule
y est représentée sous les formes et
dans les actes les plus vulgaires ;
Téniers lui-même et les autres fla-
mands ne poussent pas plus loin le
naturel. On admire dans ces ta-
bleaux le talent et la vérité avec
lesquels sont peints diverses espè-
ces d'animaux, ainsi que l'exacti-
tude des accessoires. On regrette
seulement qxie l'artiste ait introduit
des bouffonneries dans des sujets aus-
si graves. On vante beaucoup une
grande machine qu'il a peinte à fres-
que dans l'église de Sainte- Marie
délia Grata , a. Forli , et qui repré-
sente Dieu le père environné des
chœurs des Anges. Les figures en
sont grandioses, d'mi beau mouve-
ment , pleines de variété et peintes
avec une force et une intelligence des
raccourcis qui devraient donner à cet
ouvrage une célébrité plus grande
VEC
que celU: dont il jouit. La même ville
possède beaucoup d'autres tableaux
de Veccliio , dans l'église de Saint-
Dominique , dans celle du Dorae,
dans quelques ç;aleries particulières.
Ce peintre inourul en i5'j4' Sa
patrie a conserve pour lui tant d'es-
time, que lorsqu'on a été obii^^é
de démolir quelques chapelles qu'il
avait peintes a fresque, on a coupé les
pans de murs sur lesquels se trou-
vaient ces peintures, afin deles repla-
cer ailleurs. — Pierre-Paul, et Sébas-
tien MenzoccLi , ses fils et ses élèves,
sont cités par Vasari comme des
artistes d'un ^oiil naturel et sans re-
cherche, mais sans relief, et dont
les inventions sont extrêmement or-
dinaires. Pierie-Paul, le ])lus faible
des deux, a laissé (jueîques ligures que
l'on voit encore chez les Francis-
cains de Forli. 11 existe de Sébastien
un tableau qu'il peignit dans le cou-
vent de Saint-Augustin, en iSgS ;
ce tableau est composé sur le goût
antique, et dans un style qui, comme
ions ses autres ouvrages , est eu ar-
rière de sou siècle. P — s.
VECCLTS, patriarche de Cons-
tantiuople , fameux par son zèle pour
la réunion des églises grecque et la-
tine, s'était, de bonne heure, fait
connaître par son érudition et sou
éloquence. Sa vertu égalait ses ta-
lents , et sa modestie n'avait d'égale
que sa vertu. Sa haute stature , sa
noble physionomie ajoutaient encore
au respect et à l'admiration. Aussi
la voix publique le désignait -elle
comme digne des fonctions les plus
élevées. Il était revêtu de celle de
Chartoplijlax , c'est-à-dire gardien
des archives de Sainte-Sophie. Mi-
chel Paléologue , qui le connaissait
et l'estimait personnellement, le nom-
ma chancelier et chef de la justice^
dans toute l'étendue de l'empire.
VEC
55
Rhis tard ( en i -i^g ) ^ il fut envové,
comme ambassadeur, à saint Louis,
au sujet de la réiuiion des deux Égli-
ses, et il se rendit à Tunis en Afri-
que , où était alors ce prince. Mais la
mort allait frapper ce pieux monar-
que ; et Vcccus n'eut que le temps de
lui remettre les lettres et les dons de
rempereiu-. Au reste , il paraît qu'a
cette époque il ne croyait pas a la
légitimité de la réunion j car, trois
ans après , l'empereur , à la sollici-
tation du pape Clément IV, ayant
engagé le patriarche Joseph , et quel-
ques évêques , à reconnaître la supé-
riorité de l'Église romaine, Veccus
répondit au nom du premier, que les
dogmes des T^atins dilïéraient essen-
tiellement de ceux des Grecs, et pie
chez eux le schisme était en mcrae
temps hérésie. Paléologue , irrité de
se voir contrarié publiquement par
un homme dont le nom était d'un si
grand jioids , le fit enfermer dans la
tour d'Anemas,, sous prétexte qu'il
s'était acquitté avec lenteur et né-
gligence de son ambassade auprès
de saint Louis. Des murmures écla-
tèrent partout ; et Paléologue, obli-
gé de lui rendre la liberté, adopta
une marche plus raisonnable et plus
juste à son égard. 11 lui envoya des
livres choisis sur le schisme et la
réunion. Veccus les médita , et il fut
tellement frapj)é des preuves qu'il y
trouva de l'orthodoxie des Latins,
principalement dans les écrits de Ni-
céphore Blommidas , qu'il voua sa
vie à la défense du système qu'il
avait repoussé auparavant, et de-
vint le partisan le plus ardent de la
réconciliation des deux Églises. Cette
réconciliation s'opéra en effet au
deuxième concile général de Lyon ,
en 1 9.74 ; et Veccus y fut député par
l'empereur. Cependant l'immense
majorité des Grecs persistait à voir
m
vKc;
clej btretiqii^ dapj les Latiiis, et le
palriarclie Joseph fomeiiLiit tu se-
cret celte opposition patente au yœu
tie l'empereur. 11 fut dépose; et,
quatre ra'.;i.s après, rficiplace p.ir
Veccus ( l'i^) ). Dans ce poste erai-
nent,]e uoiivean patiiarche k^.iii ad-
mirer de tous les hommes .sages' par
ses vertus, sa douceur et sa simpilcitr;
et il publia un faraud nombre d'écrits
lumineux contre les schismatiqucs.
Mais des ennemis puissants, à. la
lête desquels était la princesse Eulo-
gie , intriguaient en secret contre lui ,
et le calomniaient auprès de l'empe-
reur. Trop crédule , ou peut-être ja-
loux en secret d'un homme qui Té-
clipsait et qui lui ra[)pelait trop sé-
vèrement ses devoirs, il se déclara
haulement contre lui. Veccus , pré-
voyant sa disp;race prochaine, rédi-
gea .««a démission, et la lui fit pré-
senter. L'empeieurfVignitd'abord de
la refuser, et ensuite donna son con-
jcntement. Mais l'absence dujiatriar-
che fut courte : des nonces du pape
vinrent à la cour de Coristantinoj)le
.scplauidre dece que la réunion était
illusoire. Paléologue , pour se justi-
fier , leur montra dans les fers les
premiers personnages de l'étal, op-
posés à l'iuiion , et rétablit Vercus
giir son sic'ge ( i v>.8o';. Il en resta pai-
sible possesseur jusqu'à l'avéueincnt
d'Androuic au trône. Ce prince, tout
différent de son prédécesseur , était
gouverné par rimpérieuse Eulogie ,
ennemie acharnée des Latins et de
Veccus. Le savant patriarche fut
donc déposé de nouveau , et Joseph
sortit du cloître de Périblepte, pour
renionter sur son siège, \eccus. trai-
te d'abord avec égard par le jeune
empereur, s'en vit ensuite nég'igé ,
et fut relégué avec une modique pen-
siiui dans un monastère au tond de
la Bithyuis. il j pjuisa plusieurs 4»-
\EC
liées dans l'obscurité, avec Constan-
tin Vlciiténiotès , et mourut en 1 2i)8 ,
de misère suivant les uns , de vieil-
lesse ou de maladie selon les autres.
— Veccus avait compose un grand
nombre d'ouvrages erclésias)i([iifs.
Tous roulent sur le même sujet, sur
celu.i qui occujja toutes ses pensées,
la réunion et le schisme. Quel()ues-
uns de ces Traités nous ont été ravis
p.ir l'injure des temps ; mais il est
facile de croire que la substance de
chaci.'n d'eux se trouve dans ceu^.
qui noii.s restent. Voici la notice coiji-
plite de ceux qui ont survécu au
naufrage : l. iJe l'union et de la,
concorde des Eglises de l'ancienne
et de la nouveUe Rome, en grec,
avec une traduction latine de Léon
Allatiiis, dans sa Grèce orthodoxe
( Giœcia orlhodoxa ) , Rome .
iGji , in 4"- ' tom. I, p. C*i-'i.i-'^. II
y attaque violemment Photii'S, pre-
mier auteur do la scission des deux
Églises. II. Tr.ité de la paix ec-
cléiiasticjue , par Feccits : il y de--
montre par l'iiistoire seule l'absur-
dité du scanda'e. On peut lire d'am-
ples extraits de cet ouvrage dans k\-
latius. De Mtalihus ordir.itm , pag.
i()5-i69 et De Purgatorio ,p. Sçj/-
O'iO , ainsi que dans Bcvereguis,
Magn, sjnodic, p. '2.~3-2[yz. 111.
D(juze chapitres sur la prccession
du Saint-Esprit , imprimés dans ia
(irèoe orthodoxe , tom. 1 , p. a i5-
3)9. IV. Epilre sur la profession
de foi à Jean xxi. Ou la trouve en
latin , chez ATatiiis, de l'Union ( De
Consensu ) , livre 11 , chap. j 5 , § 5,
pag. 'j^''j-'-5i. On ignore si ce mor-
ceau fut originairement c'crit eu
grec , ou si Veccus , s'adressa nt au
chef de l'église latine, dicla en latin.
V. La Sentence synodale , en grec ,
dans la Grèce orthodoxe, tom. i,
pag. 366-374. VL Testament. Cet
VEC
ouvrage, compose dans l'exil, con-
tient nue célèbre deVlaratiou de fui,
rclativcinenf au S.ïii)t-Ksjirit et à la
maiiii're àc Liqnci e il procède. Il
existe imprimé, dans les Notes du
P. PuussMirs , sur Paciiymère , et
grer-latin , dnns Alîalius, Grèce or-
thodoxe, lom. i, p. 'à-J^'6']^) De
r Union, liv. n , c. if). VII. Ejdtre
à Alexis A^allwn , sur la proces-
sicn du Saint - Esprit. Cet Alexis
Aj;il!ieii était un diacre de la grande
église de Coustanlinopîe. La lellre se
distingue par beaucoup de modéra-
tion et de sagesse. On la trouve d.'ins
ia Grèce orlliodoxe, tom. i , p. 36o-
^6'i .y \\\. Eclairci'isement sur l'ac-
cord de tous les livres et écrits de
Veccus. Cet ouvrage , cù il essaie
de montrer que depuis qu'il a com-
mencé à écrire sur la réunion des
deux Eglises il n'a jias varié un
seul instant, est adressé à un certain
Tliéodrre , qui n'est pas, ainsi qu'on
le croit ordinairement .IhéodoroXi-
pliiiius, économe (le la grande Eg'i-
se, mais Ihéudore. évcque de Sug-
da. Veccus avait promis au premier
de ne jamais écrire sur le dogme; et
il est visible qu'il n'avait pas tenu sa
promesse. D'ai'Ieurs il a adressé un
antre ouvrage ( Voy. plus bas XII )
à rfvèqne de Sugda ; cl i! semb'e [dus
probab'e que, sur un sujet de contro-
verse, il at eVritdeux IV-is a:i même
individu UEclai cissement^eiyon-
ve dans la (îrèce oitliodnxe, tom. ii ,
pag. i-io (de l'édition de Rotne ,
i()^)() ). IX. De V injustice soufferte
par Feccus , quand on l'a chassé
de son siéie. Ce morceau, inséré
dan'^ la Crèce ortliodoxe, à la sute
de V Eclaircissement i tnm ii. jiag.
1 1-36 j, est nu exposé fidèle, i°. de
la conduite qu'il a leiuie pendant
son patriarcat ; 2 '. des points de
croyance sur lesquels les Latins s'é-
VEC 57
loigncnt des Grecs. 11 y démontre
de nouveau que ces points sont
loin d'être fondamentaux , et ne
doivent pas nuire à l'unité. I/ou-
vrage fut compose' jiendant sa se-
conde disgrâce , et dan^ sa re-
tiaite de Bithynie. X. Apolof^ie et
Réjutalion, etc., ATalius , Grèce
ortliodoxe. p. 3 -83. XI. Jpcdog^é-
tiques, où l'on prouve qu'aucun des
usages des Grecs n'est détruit
par l'acceptation de l'union avec
les Latins^ ibid. , p. !^4-rM' XII.
Trois livres sur ce point de doctri-
ne : Que le Saint -E.' prit procède
du rère et du Fils. A Théodore
de Sugda. Ils se trouvent : i**. dans
la Grèce orthodoxe, pag. qViiC),
I 17-132, i33 148 ; '.o. dans le li-
vre du Purgatoire ( de Purgalorio )
d'Aîlrilins, à la fin, pag. 827 8 6
( édit. Rome. i65'2, in-80. "); 3».
dan'.la Lettred'Allatius àBoin<b'irg,
sui' rimi(jn des den.x Églises, pnb'icc
par Bartlioid INihusius, en latin,
Maïence , ifiS"), in-8^. Xlïl. Qua-
tre livres à Constantin MéJiténic-
tès , sur le m 'me snjet, Grèce or-
thodoxe, p. i4')-i^i<^- i()9 186 ,
1^^7-201 , •»,o2-'ii4- XIV. Deux li-
vres sur l'ouvrage de l'évèque de
Chypre , et sur ses nouvelles héré-
sies r.el évoqi;e niait que le Saint-
Esprit procédât du P re par !e Fils.
L'ouvrage e.->t adressé à Théodore
deSngda. Il se troive dans la Grèce
orthodoxe, p. i\~i-)S>l , '2')'2-'i86.
Nicolas Comnène, dans ses Piéno'a-
lioiis iny'^ti(pies , p. S.OO, f.iit men-
tion d'un troisième !ivre sur le même
su'et; et Veccus lui même en par'e,
Gièce oitl.od. , tom. Il , p. 7. XV.
Béfutation des Remarques d'An-
dronic Camalès , sur les témoigna-
ges écrits touchant le Saint Esprit
( Grèce orthod. , p. 287-51 1 ). An-
dromc Caniaiès avait été drangar-vi-
58 VEG
gla ( préfet des vigiles ) , sous Ma-
nuel Gomnène. XVI. Treize pres-
criptions sur les paroles et les pen-
sées des SS. Pères î'elalives à la
procession du Saint-Esprit , Grèce
orthod., p. 5 12-641. Ou les trouve
en latin , dans les Opuscula aurea
de Pierre Arcadius de Corcyre , Ro-
me, i63o et 1G91 , in-4°. — Outre
ces ouvrages principaux, Allatius
parle encore de quelques cliapitres
sur le Saint-Esprit et sur les hérésies
nouvelles ; et Nie. Gomnène et quel-
ques autres ( Prénot. mj'stiq, , pag.
i4 ) mentionnent , comme étant de
lui , quatre Discours synodiques , un
autre discours sur son inauguiation ,
un autre encore sur l'union de l'É-
glise , une Épître encyclique, une
Épître pare'nétique sur l'union , et
un morceau sur la tête de saint
Menés. P — OT.
VECELLI (TiziANo). F. Titien.
VEGELLI ou VECELLIO
( François ) , .peintre , ne à
Gadore , en t483, e'tait frère et
e'iève du Titien y dont son sty-
le se rap])roclie beaucoup. Desti-
né d'abord au métier des armes, les
premières aimJes de sa jeunesse fu-
rent perdues pour les arts, et ce n'est
qu'à force d'assiduité et d'études
qu'il put réparer en partie cette per-
te. Il existe un assez grand nombre
de ses peintures dans l'église de Saint-
Sauveur de Venise ; une très-belle
Madeleine aux genoux de Jésus-
Christ ressuscité , a Oriago , sur les
-bords de la Brcnta ; et uue admira-
ble Nativité de Notre-Seigneur , à
Saint-Joscpb de Bellune, qui avait
toujours passe pour im des beaux
ouvrages du Titien, jusqu'à ce que
Sun véritable auteur ait été décou-
vert, d'après des documents authenti-
ques, ])ar le savant prélat Dogiioni.
Mais le tableau qui excita la jalousie
VEG
même du Titien est celui dans le-
quel François a représenté, dans l'é-
glise de Saint-\'it de Gadore, le
Saint titulaire , en habit militaire ,
au milieu d'autres saints. G'est alors
que son frère, craig:iant de trouver
en lui un rival dangereux , lui con-
seilla d'abandonner la peinture pour
se livrer au commerce. Ses nouvelles
occupations ne l'empêchèrent pas
cependant de peindre encore quel-
quefois pour ses amis ; et plusieurs
de ses ouvrages ont été attribués au
Giorgion. 11 s'amusait aussi à faire
des cabinets d'ébène , qu'il ornait de
figures d'architecture. Il mourut
dans un âge fort avancé , mais avant
son frère. — Horace Vecellio, ne-
veu du précédent , fils et élève du
Titien , naquit à Venise , et se mon-
tra , comme peintre de portraits , di-
gne de marcher sur les traces de son
père. Il avait fait aussi , pour le pa-
lais du sénat , un très-beau tableau
d'histoire ;, qui a péri lors de l'in-
cendie de ce palais. Il est vrai que
ce tableau qui représentait une Ba-
taille avait été retouché par le Ti-
tien; Vecellio le peignit en con-
currence avec Paul Véronèse et le
Tiutoret. Il accompagna sou pè-
re d'ans ses voyages à Rome et en
Allemagne. Mais la passion de l'al-
chimie le détoui'na tout-à-fait de son
art , et il perdit . à la poursuite de la
pierre philosophale, son temps et
sa réputation. Atteint de la peste ,
qui éclata à Venise en iS-jô, et à
laquelle son père avait succombé , il
en fut lui-même la victime, dans un
âge très-peu avancé. — Marco \ ecel-
LTo, né à Gadore en iS/jS, est après
le Titien, dont il était le neveu et
l'élève , celui qui a fait le plus d'hon-
neur à sa famille. Il accompagna
son oncle dans tous ses voyages,
et il reçut de ses contemporains le
VEC
surnom de Marco di Tiziano. Dans
la composition pm'e et simple, dans
le mécanisme de la peinture , il fut
l'habile imitateur de son raaîtrej
mais il ne sut pas, comme lui, ani-
mer ses figures et exciter l'intérêt du
spectateur. Toutefois on le char-
gea d'orner plusieurs des salles
du palais du sénat à Venise , de ta-
bleaux et de portraits de différents
sénateurs qui s'y voient encore au-
jourd'hui. Il existe aussi plusieurs
de ses tableaux d'aulel , à Veni-
se , à Trévise et dans le Frioul ; le
plus remarquable est une vaste com-
position qui décoi'e l'une des parois-
ses de Cadore , Ij.nrceau de sa famille,
et qui représente, dans le milieu, un
Crucifix ; de chaque cote sont deux
sujets tirés de la vie de Sainte Ca-
therine, vierge et inartjre:V un est
sa dispute ; l'autre , son martyre.
Marco mourut en 1611. — Tiziano
Vecellîo , fils du précédent, sur-
nommé Tizianello , pour le distin-
guer de son grand-oncle , florissait
dans les premières ^unées du dix-
septième siècle , lorsque la maniè-
re commença à s'introduire dans
l'école vénitienne. Les ouvrages qui
existent encore de lui à Venise dans
l'église patriarcale , aux Servîtes et
ailleurs , dénotent un goût tout-à-
fait différent de celui de ses pères.
Ses formes sont plus grandes et
moins grandioses ; son pinceau est
franc et plein , mais il manque de
suavité ; nouvelle preuve de ce
que peuvent l'exemple et la mode
sur l'éducation même. Cependant les
artistes estiment de lui ses portraits
et ses tètes de caprice coiffées d'u-
ne manière bizarre. Il peignait enco-
re en 164B. — Fabrizio Vecellîo,
d'une autre branche que les précé-
dents , s'est fait connaître par un ex-
cellent tableau qui orne It salle du
VED
59
conseil de Piève, et oui fut payé seize
ducats d'or^ prix considérable pour
cette époque. Il mourut en 1 58o. —
César Vecellîo , son frère , long-
temps oublié dans l'histoire des
peintres , quoique Lintiai , Vigo ,
Candido et Padola conservent plu-
sieurs de ses tableaux , est plus connu
comme graveur. On croit que c'est
lui qui a exécuté en bois les gravu-
res qu'on attribue communément au
Titien. Il a publié à Venise , où il
faisait sa résidence , deux ouvrages"
de gravures , dont l'un est extrême-
ment rare aujourd'hui, sous ce ti-
tre : Ogni sort a di mostre di piin-
ti tagliati, punti in aria , etc. L'au-
tre est une suite de feuilles in-8". ,
gravées d'une pointe spirituelle et
savante , publiée à Venise , en 1 Sgo ,
sous ce titre : Degli ahiti anlichi e
vioderni di diverse parti del mon-
do , lihrifatti da Cesare Fecellio.
Dans une réimpression qu'on en fit
en 16(34, pour donner plus de prix
à l'ouvrage , on attribua le dessin
des figures an Titien , et l'on qua-
lifia César frère de ce graud pein-
tre. Mais cette double assertion n'est
qu'une ruse de libraire. César mou-
rut vers 1600. — Thomas Vecel-
lîo , autre peintre de la même fa-
mille, est connu par une Nativité et
une CènedeNotre-Seigneur, que l'on
conserve dans l'église paroissiale de
Lozzo , et dont les historiens font
l'éloge. Il mourut en 1620. P — s.
VEDRIANI ( Louis ) , historien ,
né à Modène en 1601 ;, dans une
classe obscure, fit, dans sa jeunesse^
le métier de forgeron , suivant une
tradition populaire , d'autant plus
probable, que ce ne fut qu'à l'âge
de plus de quarante ans qu'il entra
dans la congrégation de Saint-Char-
les, à Modène _, où il se consacra tout
entier à des recherches historiques ,
€o
VEE
jusqu'à sa mort, arrivée en iG'jo. Il
avait publie les résultats de ses tra-
yaux dans divers ouvrages , estimes
et vérilab'ement utiles pour l'his-
toire ; mais écrits saii-; correction et
souvent inesacts , si l'on en croit
Tiraboschi , qui s'en est cepend.mt
beaucoup servi pour sa Bihliulhèijue
modenoise. Nous ne citerons qne 'es
principaux, savoir : 1. Recueil des
peintres , sculpteurs et architectes
de Modène, Modcne, iG62,in-4".II-
Soui>enirs des martyrs, confesseurs
et saints, natifs de Modène, ib.
l603 , in-40. 1 1! . ries et Éloges des
cardinaux de Modène, ib. , i663,
in-4". IV. Histoire de Modène ,
ibid. , «667, in-4'^- V. Piecueil de
cent aventures plaisantes ' piibljé
sous le nom de Philadclphe Denys) ,
iGGj, in-B". Z.
VEEN ^Otto Va>\ en latin Ot-
to Venius , ])einlre , naquit à Levrie,
eu 1.556, d'une des premières famil-
les d'Amsterdam. Son éducation ré-
{)on(Ht au rang qu'il occupait dans
a société; et l'on se plut à cultiver
les dispositioni qu'il manifestait ponr
le dessin. A l'âge de quinze ans, ou
le mena à Liège, auprès du car-
dinal de Groosbeeck, alors prince-
évêque de cette ville. Il fut reçu avec
amitié, et bientôt après envoyé à
Rome , avec des lettres de recom-
mandation pour le cardinal iMaHuc-
cio , qui le p!.iça dans l'école de Fré-
déric Zuccliero , lequel tenait. àcette
époque, le premier rang en Italie.
JjC maître s'attacha bientôt à son élè-
ve; et en peu de temps le jeune ar-
tiste se Ht remarquer par des ouvra-
ges qui étahiiicnt sa réputation.
Après sept années d'une étude assi-
due, il se rendit eu Aremague , où
l'empereur le prit à son service. Les
électeurs de Bavi're et de Cologne
lui firent aussi les offres les plus brii-
VEE
lanles pour se l'attaGUer. L'amour
de la [jatrie l'emporta sur tous ie^
avantages qu'on lui présent-àt. I! re-
vint dans les Pays-Bas, où il se fixa.
La proviiicc était alors gouven;cs
par le j)rince de Parme , qui l'ho-
nora d'une estime particuliÎTe ,
et lui accorda le titre d'ingénieur
en chef et de peintre de la cour
d'Espagne, deux places qu'il remplit
avec distinction. A la mort de son
protecteur , il choisit Anvers pour
son séjour, et embel'it les églises et
les édifices de cette ville d'une fou-
le de tableaux qui sont encore un
de ses principaux ornements. La
ville d'Anvers le chargea, à cette
époque , des dessins et de la cons-
truction des arcs de triomphe qui fu-
rent élevés pour l'entrée de l'archi-
duc Albert. Ce prince fut tellement
frappé de la beauté de ces travaux,
qu'ilappela Van\ecn à Bruxelles et le
nomma intendant de la monnaie, em-
ploi qui ne l'empêcha pas de se livrer
à ses travaux ordinaires. I! fit alors
le ])ortrait de l'archiduc et celui de
l'infante d'F.spagne , fille de Philip-
pe II. Ces deux portraits furent don
nés à Jacques 1*=^., roi d'Ang'eterre,
qui V attachait le plus grand prix,
Louis XI 11 voulut en vain l'appeler
à sa cour : il résista aux offres de ce
monaïque. Parmi les tableaux les
jilus remarquables qu'on doit à son
pinceau , la cathédrale d'xluvers en
possédait deux : la Cène et Jésus-
Christ au milieu des pécheurs con-
vertis. Il s'en trouvait un au Musée
du Louvre , repn^seutant la Résur-
rection de Lazare , qui a été rendu,
en iHi5, aux commissaires des Pays-
Bas Van Veen cultivait avec un égal
succès l'histoire et le portrait. Gra-
cieux dans ses airs de tète , dessinant
exactement , surtout les extrémités ,
il se fait encore remarquer par le jeu
VEE
de ses JianerieS. Son génie est fa-
cile et abondant, quoi jue sage : on
peut même dire qu'il a le pre-
mier entendu et réduit en prin-
cipe le p;rand art des lumières et
des ombres; mais maigre son sé-
jour en Italie et l'etnde des plus
beaux modèles, il n'a jamais pu se
de'faire de ce guût du pays dont les
ouvrages des p'us fameux pcinfies
flamands, tels q e Van Dyck ei Uu-
bens lui même, odïent l'cxenip'e.
Historien et poète, il ne se distin-
gua pas moins comme auteur que
comme peintre. Ses ouvrages les
plus remarquables sont : I. Bel-
lum Bata\>orum cum Bomajiis ex
Cornelio Tacito , lib. ir et r ,
Anvers, \^^\1 in- 4°. obi. ( For.
Saint-Simon , XL, ici ) avec 4»
estampes gravées d'après ses dessins.
II. Q. Horatii Flacci cmblemata ,
cum notis latine , italicè , gallicè et
flnvdricè , Anvers, ia-4°. ( Voy.
Gomberville). Cet ouvrage ren-
ferme io3 planclies , qui ont été
gravées par C. Boel et son pro-
pre frère Gilbert Van Veen. III. /7-
ta S. Thomœ Aquinatis, 3-2 imaai-
Tiibus illustrata. Les planches sont
gravées par le même artiste. IV.
Conchisiones physicce et theolngicce,
notis et figuris dtspositœ , etc. Les
gravures qui ornent cet ouvrage sont
encore dues aux mêmes artistes. V.
Histoj-ia hispana septeni infantiiiin
Larae , cum iconihus. Les 4o plan-
clies qui font l'ornement de cet ou-
■\'rage ont éxé gravées par Antoine
Terapesta. VI. Diiïérents livres d'em-
blèmes , tels que : Amorum emble-
mata , iGoB, in- 4°. j Amorisdivini
emblemata , iGi5, in-4°. Mais le
plus beau titre d'Otto Van Veen à
la reconnaissance de la postérité,
c'est d'avoir été le maître de Rubens.
Ce peintre mourut à Bruxelles , en
VEG
6f
iG34, laissant deux filles, dont
l'aînce _, nommée Gertrude , eSt
comme par plusieurs beaux ta-
lileaux, et par le portrait de son
père, qui a été gravé avec une ins-
cription en vers latins, du savant
Erycius Ptiteanus (Henri Dupiiy). —
Gilbert V.an Veen , frère d'Otto ,
naipiit à Levde vel's i5G6 , et
s'adonna à la gravure au burin.
Son style a beaucoup de rapport
avec celui de Corneille Cort. A en
jng'^r par quelques-unes de ses es-
tampes, il est probab'e qu'il accom-
pagna Sun frère en Italie. En ttU-i ,
il s'établit à Anvers, o;i il piiLlia plu-
sieurs ouvrages d'après son lièie Ot-
to. Les têtes de ses figures ont de
rex|)ression,et les extrémités en sont
rendues avec précision et dans un
style qui fait honneur à son talent.
Parmi ses portraits, on estime parti-
culièreineut ceux d'Ernest , duc de
Ba\>ière ; du sculpteur Jeun de Bo-
logne , et iM Alexandre Farnèse.
Son chef-d'œuvre est !a gravure d'u-
ne frise, en cinq feuilles, d'après
Balt. Peruzzi . représe-ilant la Pro-
messe de mariage d'Isaac et de
Bebecca. Sur l'une de ces cinq feuil-
les , qui sont destinées à être collées
à la suite l'une de l'autre, se trouve
le portrait du peintre, dans un mé-
daillon. Celte estampe est un ouvra-
ge capital cl rare. L'auteur mourut
à Anvers , en 1628. P — s.
VEGA ( GARCiLiiso de LA ). ca-
pitaine espagnol , gouverneurde Cuz-
co, ué à Badajoz, de la maison de
Vargas, accompagna au Pérou, en
i53;"), don Pedro d'Alvarado, e»
qualité de cajiitaine d'infanterie , se
jeta dans le parti des Pizarre , fut
fait prisonnier par Almagro , et
ayant recouvré sa liberté, suivit Gon-
zale Pizarre dans son expédition des
Amazones^ oùil sedistingua par son
62
VEG
courages II eut en re'compense le
premier département d'Indiens à
Cluiquisaca , nommé Tapaccois , le-
quel valait cpiarante-tuit mille du-
cats de rente. Lorsqu'Almagro le
jeune se révolta , Garcilaso passa
du côté des royalistes , fut nommé
capitaine de cavalerie, et reçut une
blessure dangereuse à la bataille de
Chupas, où les rebelles furent dé-
faits. Il flotta ensuite entre le parti
royaliste et celui de Gonzale Pizarre,
qu'il abandoima tout-à-fait, en i546,
pcuv passer sous les drapeaux du
président La Gasca. Fidèle depuis
au parti royaliste , Garcilaso fut
nommé par l'audience de Lima gou-
verneur de Guzco et intendant de la
justice. Il se fit aimer par une ad-
ministration paternelle , fonda des
établissements utiles, notamment un
hôpital pour les Indiens j épousa une
Lofa ou princesse du sang des In-
cas , et mourut à Guzco , en iSSg ,
avec la réputation d'un des conqué-
rants du Pérou les moins cruels et
les plus habiles. B — p.
VÉGA ( George, baron de ), of-
ficier d'artillerie autricliien, naquit,
en 1754, à Sagoritz, dans le duclié
de Carniole. Ses parents , sans for-
tune et Slaves d'origine^ portaient le
nom de Velia, qui, dans leur lan-
gue, signifie &o?iao7z de tonneau,
et qu'il changea en celui de Véga. Il
étudia au collège de Laybacb , et fit
des progrès rapides dans les mathé-
matiques. Nor"'mé ièigénieuren Car-
niole , puis en Hongrie, ce fut dans ce
dernier emploi que Josepli II eut oc-
casion de le connaître et d'apprécier
ses talents. Ce prince le plaça d'a-
bord . comme lieuteuant , au secoi d
régiment d'artillerie , où il fut assez
ioug-teraps professeur de mathéma-
tiques. Il fit, avec ce corps , les pre-
mières catcpagnes coutre les Fran-
VEG
çais , et se distingua dans plusieurs
occasions , notamment en 1 796 , où
il fut nommé major, puis lieutenant-
colonel , chevalier de l'ordre de
Marie-Thérèse et baron de l'empire.
Il était ainsi dans la plus brillante
position et destiné à parvenir aux.
premiers rangs def'armée, lorsqu'il
péritde la manière la plus funeste. Le
27 sept. 1802, on trouva son corps
sur les bords du Danube. Il avait
quitté son logement le 1 7 du même
mois , sans que l'on sût où il diri-
geait ses pas. Neuf années se passè-
rent avant que l'on pût connaître la
cause de sa mort. Ses envieux cher-
chèrent à accréditer le bruit que .
dans un moment de mélancolie , il
s'était jeté lui-même dans le fleuve ;
et les auteurs du Dictionnaire histo-
rique ont adopté fort légèrement cet-
te assertion. Ce n'est qu'en 181 1
que la vérité a été découverte. A
cette époque, un soldat de l'artille-
rie , qui , pendant la campagne de
1 809 , avait logé chez un meunier ,
près de Rusdorf , devant les lignes do
Vienne, se retrouvait de nouveau
dans le même logement au commen-
cement de 181 1. Comme il s'occu-
pait de mathématiques, il dit qu'il
avait besoin d'un rapporteur. Ayant
expliqué au meunier ce que c'était ,
celui-ci lui dit qu'il en avait un, et
il se hdta d'aller le chercher. Le
soldat loua beaucoup cet instru-
menJ , et le meunier lui en fit présent.
Un oflicier à qui le soldat le montra,
avant vu que le nom de \' éga y était
gravé, essaya de rapprocher les cir-
constances de la mort du malheureux
colonel avec !a demeure du meunier.
Ceiui-ci fut arrêté ; il se contredit dans
ses premiers interrogatoires , et finit
parfaire l'aveu suivant: « J'avais
un clieval que le colonel Véga nje
proposa de lui vendre . parce qu'il eu
VEG
avait un parfailemeut pareil. Il re-
vint plusieurs fois à la charge, ajou-
tant chaque fols à ses premières of-
fres. Je refusais toujours, parce que
mon cheval me convenait, et que je
ne voulais pas m'en défaire. Le i-^
septembre 1802, le colonel revint
me presser de nouveau , en ra'oifrant
une somme considérable; et il tira
devant moi sa bourse, que je vis
pleine de ducals. Cet or excita ma
cupidité. Je feignis de consentir au
marche'. En allant à l'écurie, il fal-
lait passer sur un petit pont. Ayant
cédé le pas au colonel , comme par
politesse, je le frappai par derrière
avec un morceau de bois , sur la tête,
avec tant de violence, qu'il tomba
sur ses mains. L'ayant achevé, je
pris son argent , sa montre , son étui
de mathématiques, et je jetai le corps
dans le Dauube. » Après un tel aveu,
le meurtrier fut condamné à mort et
exécuté. Véga était un mathémati-
cien du premier rang. Il était mem-
bre de plusieurs académies, entre au-
tres de celles de Gottingue , d'Er-
furt et de Berlin. Il a publié : L
Cours de mathématiques à Vusage
du corps d'artillerie de l'armée »«-
;;ermZe (ail.). Vienne, 1^86 à iBoo,
4 vol. in-4''. ; 3»^. édit., 1802 , iu-fol.
II. Manuel logarithmo-trigonomé-
trique (ail.) , Leipzig, 1793, in-4".;
2". éd., 1800. III. Collection com-
plète des grandes tables logaritU-
mo-trigo?iométriijues{al\.) , Leipzig,
1 794 ^ in-fol. IV. Manuale logarith-
mico-trigonometricum , matheseos
studiosorum commodo in Tiiinorum
Vlaccii, TVolfii aliarumque hujus
generis tabularum logarithmico-
trigonomelricarum , mendis passim
quàm plurimis scatentiuin , locum
substitutum. Editio secunda , auc-
ta etemendata, Leipzig, 1800, in-
4". Cette seconde édition , qui a été
VEG
63
suivie d'une troisième, en ï 8 1 4, est dé-
diée à Jos. deMafféi, évèquedeBuntz-
lau en Bohème. Dans sa préface, Vé-
ga témoigne à ce prélat une vive re-
connaissance pour les leçons de ma-
thématiques qu'il avait reçues de
cet excellent maître , au collège de
Laybach. L'ouvrage est divisé en
quatre parties. Dans l'introduction ,
l'auteur explique les propriétés des
logarithmes. La seconde et la troisiè-
me partie contiennent les logarith-
mes ordinaires et les logarithmes
trigonométriques. Dans la quatriè-
me , il donne la résolution des trian-
gles rectilignes et sphériques , la
table des longitudes des arcs cir-
culaires , des tables pour comparer
les poids et mesures des dillérentes
contrées j le système métrique de
France; celui des poids et mesures
de l'Autriche. V. Introduction à la
chronologie (ail.). Vienne, 1801 ,
iu-8'5. VI. Système naturel des me-
sures , des poids et des monnaies ,
Vienne, i8o3, in-4''. G — y.
VEGA (Garcilaso de la ), poè-
te et historien. V. Garcias-Laso.
VE:GA CARPIO (Féi.ix-Lope
DE ). Voy. LoPE.
VÉGÈCE {FLArius-VEGETius'
Renjtus) , ie plus célèbre des au-
teurs qui ont écrit en latin sur l'art
militaire , florissait vers la lin du
quatrième siècle , sous le règne de
Valentinien II, auquel il a dédié son
ouvrage. La qualité d'homme illus-
tre, jointe à son nom dans les ma-
nuscrits , prouve qu'il appartenait à
une famille d'un rang distingué. Quel-
ques auteurs lui donnent le titre de
comte. On coujeclure qu'il habitait
Constautinople. L'ouvrage que nous
avons de lui est intitulé : De re mi-
litari libri quinquc. C'est, comme
il nous l'apprend lai - i.iêmc ( liv. i ,
ch. i ), un extrait de ce qu'il avait
64
VEG
trouve de plus intéressant sur la dis-
cipline des Romaius , dans les écrits
de Caton le Censeur, de Corn. CeLse,
de Frontin et de Paterne, ainsi que
dans les Ordonnances d'Augusie, de
Traj.in et d'Adrien. I! en furrna une
espèee d'iiistoire militaire, dans le
desii- de rendre un nouvel éclat aux
vertus guerrières. II traite, dans le
premier livre, des levées et des exer-
cices de> nouveaux soldats; dans le
second, de la légion, de son ordon-
nance , des chefs et de leurs fonc-
tions, ainsi que des armes. Le troi-
sif-nie livre rou'.e sur les grandes opé-
rations de la guerre, principalement
sur la tactique. Le quatrième concer-
ne l'attaque et la défense des p'aces ;
et le cinquième la marine. Il existe
deux éditions sans date de V'^gè-
ce: l'une, in-fol. , est mprime'e .'lAec.
les car.ictèrcs dont Ketelter et (îe-
rarddcLcmpI se servaient à L'irerlit,
en 1473 ; et l'autre, que M. D b lin
croit plus ancienne , est imprimée
avec les caractères de Crsaris et
Stoll, à Paris [Y. le Man. du liOr. ,
de M.Brunet }. Parmi les auJre- édi-
tions de Vf'gèce, on distingue celle
de Valart, Paris, i^Ô'i, in- li. et
deSchwebel, Nunmbî'rg. i7^>7, in-
4°- , et Strasbourg , i bo6 , in - 8".
Outre la Traduction française ou
J'iniilatiou de Végèce , par J. de
Meung {F. ce nom', XXVlll, 483),
il y en a une de ^icul. VVoikyr , Pa-
ris , I 536 , in - fui. , lig. en bois ; et
une troisième par J.- J. de Walhau-
sen , Amslerd , 1616, in -fol., (ig.
Eîles sont toutes deux très- rares (i).
Cel'e de Bourdon de S grais , Paris ,
1743, i'i- 1 "^ 1 est enricbie d'une pré-
face excellente , et suivie de notes
(il Bourdon di Sigrais les avait clicrchces muli-
Teinriil dans It-s biUiolli<" qiips de Pai-is ( Yov. ta
VEG
philologiques (2). Elle a e'ié réim-
primée a Amsteidam, eu t'j^^-Va-
ris, 1759, iu- 12 , et en 1767 , avec
l'édition deSclnvebe' c tceplus haut.
Enlin Ijongars a donné une traduc-
tion de Yégèce, Paris, 1772, in-12,
avec des noies; Tnipin de Cris-
sé (/^. ce nom), des Cuiiunentaires
très - étendus et fort esiiuié-. siu- cet
auteurj et Galilzin A', ce nom, XVI,
34'^ ) y un Ess.ii sur sou q .atrièmé
livre. Végèce est le premier des au-
teurs du rîecueil : F^icrcs de re mi-
litari Scriptorcs , publié, pour la
première lo s, a Romi-, en 1487, iu-
4". Celle édition fut suivie de celle
de Bolugne, i49^^' in-fol., rare et
rerlirrcliéc. Ou lait encore cas de cel-
le de Levde, i()07,iu 1^°.. publiée par
P. Scriverius , avec les notes de bie-
Aveih us'^^3,et de Modius; (tdccc.le
de Wesel , 1O70 . in-8°. , qu'on joint à
la Col'ect. f'arioru'it. Ce Hec leil a
(•té traduit en fiMiiçais par Nicol.
W olkvr. c;té p us liaut. — ViioÈcE
( Pu'dUus ) , que l'un a souvent con-
fondu avec le tacticien , malgré la
diilérence de leurs prénoms, est au-
teur d'un Traité de i'ai t vétérmaire,
iniitu é : A rtis veterinariœ , sii'cmu-
lomedicinœ libri quatuor. La pre-
m ère édition est celle de Bàle , i t'^S^
in-4"., avec une préface d Herman
INcuenar ( F. ce nom, XXXI , 94 )•
J. Sambuc en a donné nue meilleu-
re , Bàle , 1 S" 4 1 in-4''' j '^ pus cor-
recte et la plus esUmée est celle qu'on
doit à J. - jM. Gesncr , INIanheim ,
1781, in -8°. Les deux premiers
'7."\ 11 devait y joindre aussi des notes militaires ;
mais di-s obstacles imprévus remjjëchiTent de les
douniT. Il les a lefoudues d.ms ses ditféients ouvra-
ges ^y. BoUhDON ].
{V, J'ai trouvé , dit Bourdon, dans Stewecbius .
une e'rudiliou immense que je n'y cherrliais poiul,
et une grande adresse à éluder toutes les dirriruKe»
qui m'euil<an-assaieul : il avait la ti'te plus graraf-
naticaie que mililaire. FiiJ'ace.
VEI
livres traitent des symptômes des
maladies du cheval et des moyens
ciiratifs que l'on doit employer ; le
iroisième de la médecine des hœufs_,
et le quatrième de la composition des
remèdes. Cet ouvrage fait partie du
Recueil intitule' : Rei rusticœ scrip-
tores; et il a etë traduit par Sabou-
reux de La Bonneterie , dont la tra-
duction forme le sixième volume des
anciens ouvrages relatifs à l'a-
griculture ( F. Saboureux ). Il en
existe une autre plus ancienne , par
Bernard de Poymonclar , Paris ,
i563, in -4"., et une version ita-
lienne , Venise , i543 ou i544>
in-8«. W— s.
VEGTO. Voy. Maffeo.
YEIGA (EusÈbe de) , astronome,
était ne', le i^r. juin 1718, à Revel-
les , dans le diocèse de Coimbrc. A
l'âge de quinze ans , il prit l'habit
de saint Ignace, et après avoir
achevé' ses études , il fut nommé
professeur de mathématiques au col-
lège de Lisbonne. Lorsque les Jé-
suites furent bannis du Portugal , le
P. Veiga se rendit à Rome, où ses
talents le firent bientôt connaître. Le
duc de Sulmone l'ayant nommé di-
recteur de l'observatoire qu'il avait
fait construire dans son palais ;, le P.
Veiga put se livrer à son goût pour
l'astronomie , et pendant plusieurs
années il concourut à la rédaction
des EJfemeride astronomiche , ou-
vrage fait sur le plan de la Connais-
sance des temps. On ignore les mo-
tifs qui le déterminèrent à interrom-
pre ce travail utile. Nommé recteur
de l'hôpital royal des Portugais à Ro-
me , il se retira dans cette maison ,
et il y mourut^ le 9 avril i-jgS , à
l'âge de quatre-vingts ans. On a de
lui : I. Planetario lusitano expli-
cado com problemas. . . . para uso
de nautica e astronomia eni Por-
XLvm.
VEI 65
iugal, esuas conquis tas, Lisbonne,
1758 , in-80. On y trouve l'observa-
tion d'une éclipse de soleil faite à
Lisbonne par le P. Veiga , le 28 oc-
tobre 1753. Cet ouvrage a été réim-
primé avec des additions. II. Pla-
netario romano , cioe EJfemeride
astronomiche jB.ome , 1786-94 , 8
vol.in-8°. m. Trigonometriasphœ-
rica, ïhià., 1745. IV. Des Cartes
de VOrénoque et du fleuve de Sain-
te-Madeleine ; la première, dans
V Histoire de V Amérique du P.
Gilli, et la seconde dans la Persa
ameiicana du P. Ant. Giuliani ; et
enfin une Carte des quatre parties
du monde ^ dressée par l'ordre du
roi de Sardaigne , et offerte par ce
prince à l'académie de Sassari. Ou
trouve une courte Notice sur le P.
Veiga dansCabalIero,5i7;Z. scriptor.
soc. Jesu supplementum, pag. 274.
W— s.
VEITH ( Laurent - François-
Xavier) , né à Augsbourg , le 3 dé-
cembre 1725, fit SCS études dans
cette ville, et entra chez les Jésuites
à Diilingen. Il prononça ses derniers
vœux en 1760, fut reçu docteur en
théologie , et après avoir enseigné
la rhétorique et la philosophie , oc-
cupa une chaire d'Ecriture-Sainte et
de controverse à Ingolstadt. Le bref
de suppression delà société, en 1778,
l'ayant forcé de renoncer à cet em-
ploi, il devint professeur de théolo-
gie au lycée catholique d'Augsbourg.
Veith était aussi simple dans ses
mœurs que laborieux et savant • au
milieu de ses travaux , il mena cons-
tamment une vie pauvre, et ne vou-
lut jamais rien relâcher de ses aus-
térités. Sa dévotion tendre fut expo-
sée à des scrupules qu'il n'eut point
la force de surmonter. Ce théolo-
gien mourut à Augsbourg le 9 oc-
tobre 1796. Ses ouvrages, tous eu
5
66
VEL
latin , sont : L Une dissertation sur
la primauté etrinlaillibilite du pape,
i-bi , in-S**., rciinprimeeà iVIalincs,
1824. II. Le Sfslèmc de Bichcr ré-
futé, '7^3) in-8°. j rcimpiiraé à
Malincs , eu 1823. Pie \1 félicita
l'auteur par im bref du ij février
1784. lil. Dissertation sur la dou-
ble délectation , 1785, in-S". IV.
Des avis et des règles , Monita et
regulœ , pour ceux qui veulent étiî-
dier rÉcrilure. V. Scriplura sacra
contra incredulos prjfupiata ,
Augsbourg , de 1789 a 1795, luiit
parties, réirapriraées à Malines, 1 824,
5 vol. in-i2. Cet ouvrage valut à
l'auteur un bref de satisfaction du
pape , sous la date du i er. juin 1 790.
Veith passe successivement en revue
tous les livres de rÉcrilure, et ré-
pond aux difficultés des incrédules •
la fin paraît moins travaillée, et sur
l'Apocalvpse, par exemple, l'auteur
traite quelques questions qui sont ou
superflues ou même déplacées. Feller
annonça plusieurs fois avec éloge
dans son journal les ouvrages de
Veitb. On trouve une notice sur ce
théologien dans le /owr/ja/ allemand
de Religion , de Politique et de
Littérature , et il en a paru un ex-
trait à la tcte de l'édition du Scrip-
tnra sacra , donnée à IMaliues en
1824. Nous avons aussi consulté
l'article Veith dans le Supplément
à la bibliothèque des écrivains jé-
suites, Rome, 1814, in-4". P-c-x.
VELA ( Blaso Nunez ) , de la
vil e d'Aviia , inspecteur des ports
de Castille , sous Charles-Quint, fut
le premier auquel ce monarque con-
féra le litre de vice-roi du Pérou.
Nunez Veia fut chargé d'y faire des
réformes et de réprimer les conqué-
rants espagnols, qui tendaient sans
cesse à l'indépendance. Il s'embar-
qua, en 1543, décidé à employer
VEL
la rigueur et l'atitorité pour faire
plier sous le joug de l'empereur des
hommes d'une avidité insatiable, et
qui avaient toujours vécu dans une
espèce d'anarchie. Arrivé à Lima , il
proclama les ordonnances de Charles-
Qumt, et en prescrivit impérieuse-
ment l'exécution. Le mécontentement
fut général parmi les Esjiagnols : ils
se révoltèrent, et se donnèrent pour
chefle frère de Pizarrc ( F. Gonzale
PizAF.RE ). Le A'ice-roi , aljandonné
]iar ses propres gardes , fut livié aux
rebelles, qui le firent embarquer pour
l'Espagne j mais délivré en mer par
le caji! laine du vaisseau qui le por-
tait, Vêla qui , dans son infortune,
avait conseivé toute sa fierté, prit
le commandement du v^aisseau , dé-
barqua à Tumbez, y arbora l'éten-
dard royal , et se vit bientôt à la tête
d'un corps d'armée. Forcé cepen-
dant de faire une marche rétrograde
de huit cents lieues , pour éviter les
forces supérieures de Gonzale Pi-
zarrc , il rassembla de nouvelles
troupes dans le Popayan , et vint de
là présenter la bataille à son ennemi,
sous les murs de Quito, où il fut
vaincu et tué le 18 janvier i546.
B— P.
VELASCO ( Grégoire Hernan-
dÈs de), poète espagnol, naquit à
Tolède vers le milieu du seizième
siècle. Tout ce qu'on sait de lui, c'est
qu'il fut prêtre et docteur en théolo-
gie. On ignore même en quelle ville
il florissait, ainsi que l'année de sa
mort. iSon nom lait conjecturer qu'il
appartenait <à une des plus nobles
maisons d'E-pagne. Il a laissé des
traductions en vers, que les critiques
de sa nation placent au premier rai g.
Le poème latin de Sannazar : De
partu Virginis , alors très -répandu
et très-adrairé, fut le premier ouvra-
ge dont Veiasco puljlia mic traduc-
VEL
tioo libre ou imitation eu octaTCs ,
Tolède, i554. Elparlo de la Fir-
gen reparut, en 1069, à Madrid,
in - 8\ ; et on l'a depuis réimprimé
souvent. En plusieurs endroits, le ti-a-
ducteiir s'e'ioigue hardiment de sou
texte, sans qu'on lui sache mauvais
gré de tout ce qu'il ajoute de sonpro-
pre fonds. En général , la franchise
et le co'oris de son style donnent à
son imitation l'air d'un ouvrage ori-
ginal, mérite qu'on ne retrouverait
pas au mènae point dans la latinité
élégante , mais timide de Sannazar.
Quelques scrupules de convenance
ont aussi déterminé plusieurs des
changements ado])tés par Yelasco
( F. Sannazar , XL , 34o ), Il s'es-
saya ensuite sur \ irgile , dont il tra-
duisit la première et la quatrième
Églogucs. Scdauo les a insérées , avec
de grands éloges, dans son Pamaso
espafiol , ainsi que le Parlo de la
Firgen, tomes 1 et v. Enfin il don-
na, en i585,i'>8'\, à Alcala,une
traduction de l'Enéide , qui obtint le
plus grand succès, et dont on a di-
vei'ses éditions publiées successive-
ment à Tolède, à Madrid, à x\nvers
et à Saragosse. On peut dire de cette
traduction , comme de celle du même
poème, par AnnibalCaro,qu'el'etcnt
plus du génie de la poésie moderne
qu'elle ne reproduit celui du modèle
antique, et qu'elle oflre un meilleur
ouvrage, considérée en elle - même ,
que dans son rapport avec l'auteur
original. La versification de Velasco
est pleine et harmonieuse. Son ex-
pression, sauf les défauts habituels
du style espagnol , est pure et classi-
que. Lope de Véga, qui introduit
Velasco le premier dans sa Re\nie des
poètes contemporains, intitulée Lau-
rel de jipolo , célèbre par des élo-
ges vivement sentis l'élégance et la
pureté de ses traductions. V — g — r.
VEL 67
VELASCO (le P. Nicolas de),
cordelier espagnol , n'est connu que
par le rôle qu'il a joué dans la cons-
piration du marquis d'Ayamonte
{Foj. ce nom, III , i35), au dix-
septième siècle. Il était dévoué ,
depuis long-temps , aux. intérêts de
cette noble maison , et il avait su
captiver la bienveillance de son pro-
tecteur par son esprit d'intrigue et
surtout par sa docilité. D'accord
avec le duc de Medina-Sidouia
( Foy. ce nom, XXVIII, loi ) ,
pour faire déclarer l'Andalousie in-
dépendante , Avamonte cherchait
l'occasion d'instruire de ses plans
le roi de Portugal , qiù devait l'aider
à les exécuter. Trop surveillé pour
oser faire lui-même une démarche
qui pouvait le compromettre aux
yeux du ministère espagnol , il choi-
sit le P. ^ elasco pour remplir cette
mission délicate. Le cordelier , ayant
reçu les instructions nécessaires , se
rendit à Castro -Marino , première
ville de Portugal, sous le prétexte
d'y traiter de la rançon d'un Castil-
lan prisonnier. I! y fut arrêté comme
espion, ainsi qu'on en était convenu,
conduit chargé de chaînes à Lis-
bonne , et jeté dans une prison , où
il fut traité fort sévèrement en ap-
parence. Au bout de quelques jours ,
on feignit d'avoir acquis la preuve
de son innocence , et il lui fut permis
de rester à Lisbonne pour terminer
l'affaire qui l'avait amené en Portu-
gal. Profitant de la liberté qu'il avait
d'entrer tous les jours au palais, il
s'acquitta de la commission dont il
était chargé, sans exciter le moindre
soupçon parmi les émissaires espa-
gnols; Le roi lui promit un évêché
pour le récompenser de ses soins.
Dès lors le P. Velasco^ se regardant
comme un personnage , ne quitta plus
le palais. Les courtisans , jaloux de
5..
68
VEL
son crédit qui s'accroissait chaque
jour , observèrent de plus près ses
démarches , recueillirent les paroles
échappées à sa vanité', et finirent par
se convaincre que sa captivité n'avait
été qu'un prétexte pour l'introduire
à la cour. Il y avait alors dans les pri-
sons de Lisbonne un Castillannommé
Sanche, créature du duc de Medina-
Sidonia , et ancien payeur de son ar-
mée. Instruit de la faveur du P. Ve-
lasco , il lui écrivit pour demander
sa protection. Le cordelier , flatté
de montrer son crédit, sollicita la
libei'té du Castillan, et l'obtint. Il al-
la lui-même le tirer de prison, et lui
proposa de le faire comprendre dans
im passe-port que le roi venait d'ac-
corder à quelques domestiques de la
duchesse de Mantoue , qui retour-
naient à Madrid. Le rusé Castillan
feignit un grand éloigncment pour
retourner dans une ville où il serait
exposé sans cesse aux tracasseries ,
et peut-être même aux rigueurs du
premier ministre, ne pouvant rendre
ses comptes à raison de la perte de
ses papiers; il ajouta que son projet
était de se fixer dans l'Andalousie ,
près du duc de INIedina , son patron ,
assez puissant pour faire sa fortune.
Le P. Velasco crut avoir trouvé
l'homme qui lui convenait le mieux ^
pour infoi'mer le marquis d'Aya-
monte du résultat de sa négociation ,
et lui rapporter ses nouveaux ordres.
Cependant il voulut s'assurer de sa
fidélité avant de lui confier des se-
crets dont il sentait toute l'impor-
tance. Mais Sanche , en flattant sa
vanité, gagna si bien sa confian-
ce , que Velasco finit par lui
avouer le motif de son séjour à Lis-
bonne , et par lui remettre des let-
tres pour le marquis d'Ayamoutc ,
qui ne laissaient aucun doute sur ses
projets. Sanche courut alors à Ma-
VEL
drid porter les lettres au duc d'OIi-
varez ; et c'est ainsi que la conspira-
tion fut découverte. Le roi fit grâce
au duc de Médina ; mais le marquis
d'Ayamonte porta sa têtesur un écha-
faud. Quant au cordelier Velaspo , il
quitta la cour de Lisbonne pour ren-
trer dans un couve;it où il mourut
peu de temps après ( i64' )• W — s.
VELASCO ( Francisco de ) ,
général espagnol , né vers le milieu
du dix - septième siècle d'une an-
cienne famille castillane , entra dès
sa jeunesse dans la carrière des ar-
mes, et fut nommé vice-roi de Cata-
logne , sous le règne de Charles II.
En 1695 , il fut chargé du comman-
dement de l'armée que la cour de
IVIadrid envoya contre le duc de Ven-
dôme pour faire lever le siège de
Barcelone, et il échoua dans cette
entreprise {V. Vendôme , Louis de).
A l'avéncmeot de Philippe V au
trône d'Espagne, Velasco "se déclara
franchement pour ce prince ; et il
défendit sa cause avec beaucoup de
courage, en 1704 , lorsqu'il fut som-
mé de rendre Barcelone à l'archi-
duc Charles. Il soutint un long sié<je
devant les flottes et les armées réu-
nies des Anglais et des Impériaux
que commandaient le prince d'Arm-
stadt et lordPeterborough . Obligé en-
fin de se soumettre , il ne rendit la
place qu'en janvier 1706, lorsqu'elle
manquait de tout , et que les habi-
tants étaient près de se soulever en
faveur de l'Autriche. François de
Velasco fut ensuite gouverneur de
Ceuta en Afrique , et de Cadix. Il
mourut à Séville, en 1716, dans un
âge avancé. M — d j.
VÉLASQUEZ ( DiiGo ) , fonda-
teur des plus anciennes villes de l'île
de Cuba dont il fut le premier gou-
verneur, naquit de 1460 à \^']0, à
Cuellar, ville de la province de Se'-
VEL
govie, en Espagne, et accompagna
Christophe Colomb dans son second
voyage. Il partit avec lui de Scville,
le 25 septembre 149^ , et après avoir
A'isite' une partie des îles Antilles , il
s'arrêta à Saint-Domingue, qui por-
taitalors le nom âJIle espagnole [Is-
laespa/lola ) , et s'y établit. Barthé-
lemi Colomb, frère de l'illustre na-
vigateur génois , ayant e'të nomme'
par celui-ci capitaine-général des In-
des ( 1 496 ) , pendant son absence ,
Vélasquez fut attaché à sa maison,
et obtint son estime et sa con.Gan-
ce. Il jouit de la même faveur au-
près de Nicolas de Ovando, qui,
en i5oi, avait succédé à Bobadil-
la, dans le gouvernement de Saint-
Domingue , et il était alors considère
comme l'un des principaux capitai-
nes de la colonie. Plusieurs caciques
s'étant révoltés en i5o3 , Ovando le
chargea de pacifier la province de
Haniguayaga. Véiasquez eut bientôt
réduit les Indiens, dont il lit le caci-
que prisonnier. On commença ensui-
te par ses ordres , et pour les tenir
en bride , la construction d'une ville
ou forteresse, qu'il appela ^a/f^af /er-
ra de Zabana ( i ) ; et ce dernier nom
devint plus tard celui de toutela pro-
vince. Il fonda dans le même temps
les villes de Yaquimo, de San- Juan
de la Maguana , à^ Azua ; et Ovan-
do , pour lui témoigner sa satisfac-
tion , le nomma son lieutenant dans
ces quatre villes et dans celle de Ve~
Ta Paz , que Rodrigo Mexia de Tril-
lo avait fondée dans la province de
Guahaba. En i5o8, D. Diego Co-
lomb , fds de l'amiral , fut rétabli
dans une partie des privilèges de son
père , avec le titre d'amiral des In-
(i) Zabana, dans la langue des naturels, signi-
fie pays rie plaine, et en eflel , tout le pays est plat
et Qiagnifique. du moins dans la pailie ([ui avoi-
siue Id mer.
VEL
69
des , et il arriva à Saint-Domingue en
iSog pour en exercer les fonctions.
Vélasquez , à cette époque le plus ri-
che et le plus estimé des anciens habi-
tants de l'île, renommé par son ex-
périence, et adoré de tous les Cas-
tillans qui avaient servi sous lui ,
fut choisi par Diego Colomb pour
commander l'expédition qu'il se pro-
posait d'envoyer à la conquête de Cu-
ba , qu'on supposait encore un conti-
nent, et pour y fonder une colonie.
Phisieurs personnes de distinction de
Saint-Domingue voulurent prendre
part à l'entreprise , et l'on donna
seulement à Vélasquez trois cents
hommes pour faire la conquête d'une
île qui a plus de trois cents lieues
de long , et qui était extrêmement
peuplée. Il est vrai que ses habi-
tants n'étaient pas plus aguex'ris que
ceux de Saint-Domingue, et qu'ils
n'avaient fait aucun préparalif pour
résister à leurs nouveaux ennemis ,
quoiqu'ils dussent s'attendre depuis
long-temps à leur invasion. Les Es-
pagnols n'éprouvèrent de résistance
que de la part du cacique Hatuey,
qui s'était enfui de Saint-Domingue
et avait formé un établissement à
l'extrémité de la côte orientale de
Cuba. Il les attaqua à leur débar-
quement ; mais ses soldats furent
bientôt mis en déroute, et lui-mê-
me fut fait prisonnier. Suivant la
coutume barbare du temps , Vé-
lasquez le considéra comme un es-
clave qui avait pris les armes contre
son maître, et le condamna à être
brûlé. Lorsqu'il était près de monter
sur le bûcher, un moine franciscain,
qui cherchait à le convertir, lui van-
tait les douceurs ineffables du Para-
dis , où il serait certainement admis
s'il voulait embrasser la foi chrétien-
ne. « Y a-t-il des Espagnols dans ce
paradis dont vous me parlez , lui de
70 VEL
manda le cacique? » Après un moment
de silence, le moine lui répondit « oui,
mais seulement ceux qui ont ete' ver-
tueux et bons. — Les meilleurs d'en-
tre eux, répliqua avec indignation le
cacique , ne peuvent avoir ni vertu ,
ri bonté, je ne veux point être place
dans un lieu oîi je pourrais me trou-
ver avec un individu de cette race
maudite , » et il se pre'cipita dans les
liamracs. Cet exemple terrible frappa
d'une telle épouvante les habitants
de la province de Mayci, oîi résidait
le cacique Hatuey, qu'ils se soumi-
rent sans résistance. Pamphilc Nar-
vaez , né , comme Vclasquez <, dans
le district de Cuellar , apprenant qu'il
était pressé par les Indiens , lui ame-
na un corps d'arcbers , en i5ia. Il
en 1 ut bien reçu , et eut la mission de
faire des découvertes. Vélasquez ve-
nait de fonder Baracoa, la premihc
ville de Cuba, lorsque quelques Es-
paj^nols, qui résidaient dans cette
île, et qui étaient mécontents de lui,
ayant appris que des juges chargés
de recevoir les appels venaient d'ar-
river a rîle espagnole, résolurent de
leur porter des j)!aintes contre son
administration. FeruandCortez, que
Vclasquez avait amené de l'Ile es-
pagnole, comme son secrétaire , osa
se cliargcr de cette mission déli-
cate. Le gouverneur de Cuba, qui en
eut avis, irrité de son ingratitude,
dom.a ordre de l'arrêter en manifes-
tant l'intention de le faire pendre si
on parvenait à le saisir. Cortez se ré-
fugia dans une église, d'où on l'arra-
cha (a). Traduit devant les alcades, il
fut condamné à des peines très -ri-
goureuses , dont Vélasquez lui fit gra-
vi) Gotnara el après lui Orellana prc'tendent
que Vtlasquei élail irrilé coulre Corlez , parce
que re derniei* avait rclusé d'cpouser Catalina
Suarc7. , qu'il paraîtrait avoir séduite , et avec
Jainidli- il 'i: ;u;ir.';i ticarimuiiis i>eu de leoips aprè:i.
VEL
ce , à la sollicitation d'Andrès de
Duero, qui avait partagé avec lui les
fonctions de secrétaire du gouver-
neur , et qui les exerçait encore. Il
poussa plus loin la m.Tgnanimité; car
il tint sur les fonls baptismaux un fils
de Cortez, qu'il appela toujours de-
puis son compère ; et il lui assura
une part considérable dans la répar-
tition des Indiens de la ville de San-
tiago, dont il le créa alcade ordinaire.
La même année, Vélasquez se maria
avec la fille du Contador don Chris-
tobal , né, comme lui, à Cuellar.
Les noces furent célébrées avec
pompe ; mais six jours après
son épouse avait cessé d'exisicr.
Quoiqu'il éprouvât un vif chagrin
de cette perte , il n'en continua
pas moins de s'occuper avec ac-
tivité du gouvernement confié à ses
soins. Aidé de Narvaez , de Grijalva
et de Barthélemi de Las Casas, il
avança la découverte , la conquête
et la pacification de l'île , qu'il
gouA^erna avec sagesse comme lieu-
tenant de don Diego Colomb, quoi-
qu'il reconnût peu l'autorité de
son supérieur , et qu'il cherchât
à se rendre indépendant. Sous son
administration, Cuba devint l'un des
établissements espagnols les plus flo-
rissants ; et beaucoup d'habitants
des autres colonies y furent atti-
rés par la réputation du gouverneur.
Vélasquez fonda les villes de laTrinité,
du Saint-Esprit , de Puerto del Prin-
cipe, de San-Salvador , et Carénas,
qui a depuis acquis tant d'impor-
tance sous le nom de la Havane. En
1 5 1 4 , il envoya Narvaez à la cour ,
pour obtenir de nouveaux privilèges;
et l'année suivante , il confia une
semblable mission au trésorier Mi-
chel Pasamoute. Il chargea en même
temps celui-ci de remettre au roi une
carte de l'île de Cuba , qu'il avait
VEL
fait dresser , et dans laquelle on avait
indiqué avec assez d'exactitude les
nioulagnes , les rivières , les vallées ,
les ports , etc. (3) ; et demanda
d'être autorise' à acLever de réduire
Cuba , et à conserver le gouverne-
ment sans être oblige' de rendre
compte à D. Diego Colomb. Com-
me Cu])a est située à l'ouest des
autres îles qui étaient occupées
par les Espagnols , et que la mer
qui baigne ses cotes dans cette direc-
tion n'avait pas encore cte explo-
re'e, plusieurs olliciers et soldats qui
avaient servi sous Pedrarias, dans
leDarieu, aimant mieux tenter une
entreprise qui pouvait leur faire ac-
quérir promptemcnt d'immenses ri-
chesses que de se livrer à la culture
et à la fabrication du sucre , dont
les résultats devaient être beaucoup
plus longs , s'associèrent pour entre-
prendre un voyage de découvertes.
Ils persuadèrent à François Her-
nandez de Cordova, riche plan-
leur de Cuba , distingué par son
courage, de se joindre à eux , et ils
le choisirent pour leur commandant.
Vélasquez non-seulement approuva
leur projet , mais se réunit à eux pour
le mettre à exécution. Les vétérans
du Darien se trouvant dans mie
cx'.rême indigence , Vélasquez et Cor-
dova avancèrent l'argent nécessaire
pour acheter trois petits biUiiuents ,
pour les approvisionner de toutes
les munitions de guerre et débouche,
de tous les objets d'échange , et
cent dix hommes furent embarqués
abord. L'expédiiion fit voile de San-
tiago de Cuba le 8 février iSi-j , et
se dirigea vers l'ouest, d'après le cou-
YEL
7'
(3) Anloiilo de Léon Pinolo consacre un article
à CPtIe pieinière carte ije l'ilc de Cuba , dans sou
EplloiiiK de la Bihliollieca onenlai , etc. , t. Il,
Hislorlas générales de las hlai del mur occanit ,
pag. 583.
seil du pilote Antoine Alaminos, v,\\i
avait servi sous Christophe Colomb,
et qui avait souvent enîr^udu dire à ce
grand navigateur , qu'en allant dans
cette direction on ferait des décou-
vertes importantes. Vingt jours après
leiir départ ils aperçurent le cap
Catoche , pointe orientale de cette
vaste péninsule , qui conserve en-
core le nom deYucaîan que lui don-
naient les naturels. Les Espagnols
débarquèrent ; mais ils reconnurent
bientôt que les habitants de cette
presqu'île étaient plus aguerris et
plus rusés que les autres tribus avec
lesquelles ils avaient eu des relations.
Après avoir perdu une grande partie
de son monde , Cordova fut obligé de
retomner à Cuba , oii il expira en
arrivant. Quoique le résultat de
cette expédition n'eût pas été favo-
rable , cependant comme elle avait
fait découvrir^ à peu de distance de
Cuba j un vaste pays , qui paraissait
fertile et habité par un ])euple inliui-
ment plus avancé dans la civilisation
que les autres Américains, et qu'on
y avait trouvé quelques ornements eu
or , un grand nombre d'Esp.iguols
résolurent d'entreprendre une nouvel-
le expédition; et Vélasquez , qui dési-
rait se distinguer par quelque ser-
vice important , encoiu'agea leur
jardeur, et même e'quipa à ses frais
quatre vaisseaux pour leur voya-
ge. Deux cent quarante volontaires,
parmi lesquels il s'en trouvait plu-
sieurs aussi distingués par leur rang
que par leur fortune, s'embarquè-
rent sous le commandement de Jean
de Grij al va (4), jeune homme plein de
mérite et de courage. 1 1 partit de San-
tiago de CubaleS avril i5i8,etsui-
vit d'abord la même route que Cor-
(4) Orellana prt'lend qu'il était neveu de Vé-
Idsquez : Herrera ue jiaile pas de cette pareuté.
72
VEL
(lova. Jeté au midi par la force des
courants, il aborda à l'île de Cozii-
mel ; de là à Potonchan , sur la côte
opposée de la péninsule ; et enfin, en
se dirigeant à l'ouest, dans un pays
très-peuple , riche et fertile, auquel
il donna le nom de Nouvelle Espa-
gne, et que les naturels appelaient
Mexique. François de Monte] o ,
l'un de ses oliiciers , deTjarqua le
premier sur cette côte, oià il eut
une entrevue avec les envoyés de
Wonte'zuma, qui gouvernait cet em-
fiire , et qui , sur la nouvelle de
'apparition de soldats étrangers (5)^
avait ordonne qu'on prît des infor-
mations sur leur compte. Loisque
Grijalva fut arrivé à une petite île,
à laquelle il donna le nom de Saint-
Jean de Ulloa , il dépêcha Pedro
de Alvarado , l'un de ses ofliciers ,
à Vélasquez , pour lui rendre comp-
te des importantes découvertes qu'il
venait de l'aire; et après quelques au-
tres excursions , il se détermina à re-
tourner à Santiago de Cuba , où il
arriva le a6 octobre, après une ab-
sence de six mois. A peine Alvarado
eut-il rendu compte à Vélasquez
de ce qui était arrivé , que celui-ci ,
transporté de joie d'un succès qui
surpassait si fort son attente, en-
voya en Espagne Martin Beuito ,
son chapelain , avec des échantil-
lons de ce que produisaient les
pays découverts par ses soins ,
pour demander une augmentation
d'autorité, afin d'être en état d'en
faire la conquête. Sans attendre le
retour de son messager ni même
l'arrivée de Grijalva , qu'il blâ-
mait pour n'avoir pas exécuté ses
ordres , en fondant une colonie , il
commença à préparer un nouvel ar-
mement, assez puissant pour l'entre-
[5) Il avait été instruit du voyage de Cordova.
VEL
prise qu'il se proposait, et à la tête de
laquelle il voulait placer un autre offi-
cier. A cette époque, le caractère des
Espagnols était si audacieux, et ils
étaient siavides de projets hasardeux
lorsqu'ils offraient quelque espoir
de bénéfice, que Vélasquez eut en
peu de temps à sa disposition un nom-
bre considérable de soldats. Mais il
n'était pas si facile de trouver ua
commandant convenable pour une
expédition d'une si haute importan-
ce, et le caractère de Vélasquez, qui
avait le droit de nomination, aug-
mentait encore la dilliculté. Quoi-
qu'il eût une ambition démesurée,
et qu'il ne fût pas dépourvu de
talents pour gouverner , il n'avait
ni le courage, ni la vigueur et l'ac-
tivité d'esprit indispensables pour
conduire l'armement qu'il prépa-
rait. Dans cette situation embar-
rassante , il formait le plan chiméri-
rique non-seulement de terminer les
plus grands exploits par un lieute-
nant , mais de s'assurer à lui-même
la gloire des conquêtes qui seraient
faites par un autre. Il voulait pour
l'exécution de ce projet un comman-
dant doué d'une rare intrépidité et
de talents supérieurs, parce qu'il sa-
vait que ces qualités étaient néces-
saires pour assurer le succès; mais
en même temps, par suite de cette
jalousie si naturelle aux petits es-
prits , il desirait que cette personne
fût si docile et si obséquieuse qu'elle
se soumît sans réflexion à ses moin-
dres volontés. Mais lorsqu'il en vint
à l'exécution , il s'aperçut que les
qualités qu'il voulait trouver réu-
nies dans le même individu étaient
incompatibles ; car ceux qui étaient
distingués par leurcourageet leurs ta-
lents avaient des sentiments trop
élevés pour être dans sa main des
instruments passifs , et ceux qui pa-
VEL
raissaient plus maniables n'avaient
pas la capacité requise pour un tel
commandement. Cette circonstance
augmenta ses craintes et sa perplexi-
té. Il délibérait depuis long-temps
sur le parti qu'il avait à prendre
lorsqu'Amador de Lares , trésorier
royal de Cuba , et Andrès de Duero,
son propre secrétaire , les deux per-
sonnes en qui il avait le plus de con-
fiance, lui proposèrent le jeune Fer-
nand Cortez, qn'il connaissait déjà;
et ce choix ne fut pas moins fa-
tal à Vélasquez , qu'heureux pour
l'Espagne. On peut voir à l'article
de Fernand ( Cortez X , l4 )
que Vélasquez ne tarda pas à s'en
repentir , et à révoquer son lieu-
tenant j qu'il voulut même le faire
arrêter , et que lorsque ce grand
homme eut pénétré dans l'intérieur
du Mexique , il envoya contre lui
( I Sac) Pamphile de Narvaez à la tête
d'un corps de troupes (6). Mais Cortez
sut attirer à son parti les soldats qui
devaient opérer sa ruine , et il suivit
le cours de ses succès(7). ^^ jalousie
que Vélasquez avait conçue contre
son rival qu'il considérait toujours
comme un subordonné rebelle , et le
chagrin qu'il éprouva en apprenant
que le roi l'avait nommé capitai-
ne-général et gouverneur de la Nou-
(6) Vélasqnez Toulait même marcher en per-
sonne contre Ini , si l'on en croit Herrera ; mais
l'audience de l'île espagnole avant eu avis de sa
résolution, le détermina bientôt â y renoncer, en lui
laisant observer que sa présence était absolument
nécessaire à Cu])a , où par sa prudence et sa vi-
gueur il était parvenu a établir la bonne barmo-
nie entre les Espagnols et les Indiens, et à faire
fleurir la colonie. 11 avait été nommé gouverneur
à vie de toutes les terres qu'il découvrirait ,
avec de très-grands privilèges, le i3 novembre
i5i8, c'est-à-dire, cinq jours avant que Cortez
mit à la voile.
(7) Herrera reproche à François Lopez de Go-
mara sa partialité pour Cortez, dont il était le
chapelain , et il paraîtrait d'après le premier de
ces écrivains que Vélasquez avait beaucoup de
reproches i faire à son rival , qui lui devait sa
fortune, et qui le paja d'ingratitude.
VEL 73
velle Espagne , malgré les efforts
des amis nombreux qu'il avait à la
cour , et particulièrement de l'é-
vêque Fonseca , président du conseil
des Indes , dont il devait épouser une
parente , lui occasionnèrent une ma-
ladie , dont il mourut en i .523 , sui-
vant Fernand Pizarre Orellana (8)
( Varones ilustres del Nuevo Miin-
do, cap. V, pag. 102), et en i524,
suivant Herrera ( Decada m , cap.
X , pag. 192 ). Il laissa, par sou
testament , pour des œuvres pies ,
deux mille ducats , que le roi
d'Espagne ( Charles - Quint ) fit
donner , avec l'autorisation du pa-
pe, à la fabrique de l'église ca-
thédrale de Cuba. Ce souverain té-
moigna un vif chagrin en apprenant
la mort de Vélasquez, et déclara
qu'il perdait un excellent serviteur ,
qui avait obtenu son estime. Une
élégie fut composée sur sa mort ; elle
se termine par cette épitaphe desti-
née à être placée sur son tombeau :
Qui nunc aiigusto compoiiil memhra sepidchro.
Prospéra sors 'vivo tnunera ina^na dédit.
Sedqtiando filerai raplurus maxiina duna
( (JuasJ'ecit )Jorles eiipueie miinus.
D— z— s.
VELASQUEZ ( Jacques-Rodri-
GUEz DE SiLVA Y ) , peintre , chef de
l'école de Madrid galio- espagnole,
naquit à Séville en i Sgg , et ma-
nifesta de bonne heure ses rares dis-
positions. Il fut d'abord élève d'Her-
rera-le-Vieux ; mais la dureté de son
maître le dégoûta de ses leçons , et il
l'abandonna pour François Pacheco ,
qui sentit bientôt tout le mérite d'un
pareil élève , et se plut à l'initier dans
tous les secrets de la peinture. A ses
excellents préceptes , Vélasquez joi-
gnit ceux d'un maître plus puissant
encore , la nature , qu'il étudia avec
(8) Cet écrivain l'appelle le bon VélasquM , t|
dit qw'il fut vivement regretté de ses amis.
74
VEL
ardeur ef qit'il ne cessa jamais de
consulter. II s'était attache, pour
cela, un jeune paysan qui le suivait
sans cesse , auquel il faisait prendre
mille attitudes diverses, qu'il faisait
rire et pleurer , et qui était pour lui
un modèle toujours subsistant. C'est
par cette métiiode qu'il acquit, pour
la ressemblance et pour la facilite à
peindre les tttes , un talent que nul
artiste peut-être n'a pousse aussi
loin que lui. Il ne bornait point là
ses études : les fleurs , les fruits , les
poissons, les objets de nature morte,
exercèreut aussi ses piuceaus , et il
peignit avec succès des intérieurs,
des bambocLades dans le genre des
Flamands. Parmi ses productions les
plus remarquables en ce genre, on
cite le Marchand d'eau de Séville ,
une Adoration des bergers , et des
Buveurs. Ses talents engagèrent Pa-
cbeco à lui donner sa bile en ma-
riage, îl s'entliousiasma alors des
ouvrages de Louis Tristan , et s'ef-
força de s'approprier sa couleur
brillante et la vivacité de ses concep-
tions. II se rendit^ eu 1622, à Ma-
drid, où il mita prolit son court sé-
jour pour étudier les belles collec-
tions de cette capitale , du Pardo et
de l'Escuria!. Il y revint l'année sui-
vante; et le portrait qu'il fit du cha-
noine Fonseca eut un tel succès à la
cour , que le roi l'admit à son service
et le chargea de faire aussi son por-
trait. Il représenta le prince couvert
de son armure et monté sur un cheval
magnifique. Le roi , un jour de fête ,
ayant permis que l'on exposât ce
portrait devant l'église de Saint-
Philippe -le-Royal , il excita un si
grand enthousiasme que le peuple le
reporta en triomphe au palais. Lors
du concours qui eut lieu pour l'érec-
tion du monument destiné à consa-
crer l'expulsion des Maures , Velas-
VEL
quez obtint la palme. En 1628 , Ru-
bens , avec lequel il était en corres-
pondance, vint à Madrid, et lui ins-
pira le désir de visiter l'Italie. Le
roi , qui , dans la crauite de le per-
dre, avait plusieurs fois refusé de
le laisser partir, lui donna enfin son
assentiment; et, en lôiQjYelas-
quez s'embarqua pour Venise , oîi
il se mit à étudier et à copier les
cbefs-d'œuvre du Titien , du Tin-
toret et de Paul Veronèse. Parmi
les nombreuses copies qu'il fit à Ve-
nise, il ne faut point passer sous si-
lence celles du Calvaire et de la Cè-
ne , d'après le Tintoret, dont il fit
hommage au roi à son retour en Es-
pagne. Arrivé à Rome, ses études
d'après Michel -Ange, Raphaël et
l'antique furent peut-être plus acti-
ves encore, et employèrent si entiè-
rement son temps , qu'il ne fitdeplus
que son Porfra/7, pour son beau-père,
les Forges de Vulcain, et son ad-
mirable tableau de la Tunique de
Joseph. Rappelé à Madrid, par l'or-
dre du roi, il ne voulut pas quitter
l'Italie sans avoir vu , à ISaples , Jo-
seph Riljcra , qui soutenait alors di-
gnement, dans cette ville, la gloire de
l'école espagnole. Le roi, pendant
son absence, ne s'était laissé pein-
dre par aucun autre , et pour lui
témoigner son estime, il lui fit éta-
blir un atelier dans le palais , et s'en
réserva uue seconde clef pour aller
visiter l'artiste quand il !e voudrait.
Ve'asquezfit alors le jiortraitdel'/n-
fant dojiBahhazar Charles, auquel
le comte - duc de San- Lucar , son
grand écuyer , enseigne à monter
à cheval, et le Modèle du cheval
de la slateie équestre du roi , dont
l'exécution fut confiée à Pierre Tac-
ca , et qui est une des plus belles pro-
ductions de l'art. Comblé des bontés
du comte-duc d'Olivarez^ il voulut
VEL
lui témoigner sa reconnaissance en
faisant son portrait. Ce ministre y
est représenté couvert d'une riche
aimure damasquinée en or , la tète
couverte d'un chapeau orné de longs
panaclies, et tenant en main le bâton
de commandement : monté sur un
cheval que l'artiste avait choisi par-
mi les plus belles races d'Andalou-
sie , il semble se précipiter au com-
bat. Dans le fond, on voit le choc
des deuTi. armées , et l'on ne saurait
trop admirer la lieauté^ le feu, le
mouvement des chevaux , l'ardeur
des combattants et la vérité de l'ac-
tion. Cet ouvrage est regardé, en ce
j;enre , comme un des plus admira-
bles que la peinture ait jamais pro-
duits. C'est alors qu'il fit également
le Portrait de l'amiral Paréja,qin
venait de recevoir l'ordre de partir
pour une mission importante. Lors-
que ce portrait lut terminé, le pein-
tre le plaça dans un des coins de son
atelier. Le roi étant venu , selon sa
coutume , adressa la parole au por-
trait, feignant de le prendre pour l'a-
miral lui-même , et se tournant vers le
peintre, il lui dit avec bonté : « Velas-
quez, tu m'astrompé. »En 16^1, le
roi étant allé en Aragon pour apaiser
les troubles de cette province, Ve-
lasquez reçut l'ordre de l'y accom-
pagner. L'année suivante eut Heu la
disgrâce du duc d'Olivarez : l'artiste
qu'il avait protégé ne manqua point
à la reconnaissance , et les témoi-
gnages qu'il en donna prouvèrent
que la noblesse de son caractère ré-
pondait à l'éminence de sou talent;
le roi , loin d'en être offensé, le nom-
ma encore pour le second voyage
qu'il lit en Aragon. De retour à Ma-
drid , il exécuta le Portrait du roi ,
faisautson entrée à Lérida, environné
de sa suite, et au milieu des accla-
mations de tous les habitants; celui
VEL 7S
du Cardinal irifant don Fernando,
et un autre Portrait du roi, destiné
à servir de pendant au précédent ,
oi!i ce prince est représenté en habit
de chasse, armé d'un fusil, et suivi
de chiens courants. Ces deux por-
traits sont des chefs-d'œuvre de na-
turel et d'expression. Il fit aussi ce-
lui de la reine Elisabeth de Bour-
bon, sur un joli cheval nain blanc
et à tous crins , et de V Infant don
Balthazar Charles ^courant au ga-
lop ; il termina , à la même époque ,
pour leRetiro, la Prise d'une ville,
par don Amhroise de Spinola ; et
pour l'oratoire de la reine, un Cou-
ronnement de la Vierge. En i648_,
le roi l'envoya une seconde fois en
Italie, pour y choisir les modèles
nécessaires aux études de l'acsdémie
des beaux-arts qu'il avait l'intention
defonderà Madrid. Levoyagede Ve-
lasquezeultalie fut comme une espèce
de triomphe: les artistes, lessavauts,
les princes lui firent l'accueil le phis
honorable. Arrivé à Rome, le pape
Innocent X s'empressa de lui donner
audience, et lui commanda son por-
trait. Ce portrait renouvela ces pro-
diges de l'art que l'on raconte de ce-
lui de Léon X , par Raphaël , et de
Paul m, par le Titien, c'est-à-dire,
qu'il trompa l'œil des spectateurs,
qui crurent que c'était le pape lui-
même. Il en fut récompensé magni-
fiquement par le souverain pontife,
et il exécuta en outre les Portraits
du cardinal neveu , Panfili , de
deux caniériers et du marjodom e du
palais. 11 fut admis alors , en grande
pompe , parmi les membres de l'a-
cadémie de Saint-Luc. Lors de son
premier voyage en Italie , il avait
commandé un tableau à chacun des
douze peintres les plus célèbres de
cette contrée, à cette époque , parmi
lesquels se trouvaient le Guide , le
76 VEL
Dominiquin , le GuercBin , le Pous-
sin, André Sacchi, Piètre de Corlo-
ue, Sandrart, etc. Pendant sou second
se'j Dur il trouva ces tableaux terminés,
et les remporta à Madrid , où ils fu-
rent placés dans les différents palais
du roi. Rappelé en Espagne, il se
hâta de s'y rendre avec toutes les ri-
chesses qu'il avait recueillies en bus-
tes, en statues , en tableaux, en des-
sins, achetés à grand prix. Le roi,
pour le récompenser , lui accorda la
charge de premier maréchal-des-lo-
gis du palais. Cet emploi ne l'empê-
cha pas de continuer à se livrer à la
peinture; et c'est en i656 qu'il mit
le comble à sa réputation en exécu-
tant son fameux tableau de famille ,
représentant Yimpératrice Marie-
JUarguerite d'Autriche, infante
d'Espagne, à la Jleur de son âge.
Parmi les nombreux personnages que
renferme cette composition , Velas-
qucz s'y est représenté lui-même oc-
cupé à peindre: un miroir, placé
devant l'artiste , reproduit le sujet
qu'il peint. Rien n'approche de la
perfection , de la grâce , de l'éclat et
de la beauté de ce tableau. Lucas
Giordano étant venu, pendant sou
séjour à Madrid, voir ce tableau, et
le roi Charles II lui ayant demandé
ce qu'il en pensait , il répondit : « Si-
» re , c'est la théologie de la peintu-
» re; » voulant dire par là que com-
me la théologie est la première des
sciences, ce tableau était le plus beau
qui existât. Le roi, pour récompenser
tant démérite , ayant donné à Velas-
quez le choix d'imdes trois ordres de
chevalerie d'Espagne, il choisit ce-
lui de Saint- Jacques, et en reçut le
titre et l'habit, le aSnovemb. i658.
C'est pendant cette même année qu'il
fit pour l'empereur d'Allemagne les
portraits du prince des Asturies , de
don Philippe Prosper, et de l'infante
VEL
Marguerite. En i66o, les fonction»
de sa charge de premier maréchal-
des-logis du palais l'obligèrent de
se rendre à Irvm , afin d'y préparer
les logements du roi , qui se rendait
dans cette ville pour y remettre l'in-
fante Marie-Thérèse destinée à épou-
ser Louis XIV. C'est lui qui arran-
gea , dans l'île des Faisans, la maison
dans laquelle les deux monarques eu-
rent leur entrevue. Mais les fatigues
qu'il éprouva pendant ce voyage
altérèrent tellement sa santé , qu'à
son arrivée à Madrid il tomba ma-
lade, et mourut le 7 août 1660. Ses
funérailles furent magnifiques. Les
grands , les chevaliers de tous les
ordres , et un nombreux concours
d'artistes y assistèrent. La douleur
que ressentit sa veuve fut si vive
qu'elle succomba au bout de sept
jours : elle fut inhumée auprès de
lui dans l'église de Saint-Jean. Voici
le jugement que Raphaël Mengs por-
te de ce grand artiste, dans sa Lettre
à don Antonio Ponz : « Quelle vé-
» rite dans les ouvrages de Velas-
» quez ! Qu'il a supérieurement
» bien entendu l'effet de l'air am-
» biant interposé entre les objets
» pour en faire connaître les distan-
» ces I Quelle école pour tout artiste
» qui vient étudier dans les tableaux
» des trois époques de ce maître la
» méthode qu'il a suivie pour arri-
)) ver à lUie aussi excellente imitation
» de la nature I On y voit combien
» ce peintre , dans sa première ma-
» nière , s'est restreint à la scrupu-
» leuse imitation des objets, en finis-
» sant toutes les parties et en leur
» donnant toute la vigueur qu'il
)) croyait voir dans ces objets mê-
» mes ; mais cette sévère exactitude
» l'a fait tomber dans un style qui
» n'est pas exempt de dureté et de
» sécheresse. Dans sa seconde ma-
VEL
» nière, on remarque une touche plus
» facile et plus spirituelle, et l'on sent
» qu'il a imite' la nature non telle
» qu'elle est en effet, mais telle qu'elle
» paraît être. Enfin, dans sa dernière
» manière, il semble que sa main
» n'a eu aucune part à l'exécution
» de ses ouvrages , et que tout y a
» été' crée par un pur acte de sa vo-
V lonte'. Son tableau de^ Fileuses ,
y> ainsi que ses beaux portraits ,
» en sont un exemple admirable :
» c'est, sans contredit, le plus beau
» temps du talent de ce maître. >>
Sans suivre les traces d'aucune école
en particulier, il s'éleva par son gé-
nie à un style qui lui tut propre. C'est
une imitation scrupuleuse de la na-
ture , c'est une entente de la magie
du clair- obscur _, c'est une touche
mâle et fière qui le mettent dans une
classe à part. Ce n'est point la beauté
des Grecs, ni celle de l'école romai-
ne, mais du moins c'est toujours la
nature elle-même. Si l'étude qu'il fit,
pendant son séjour eu Italie, des chefs-
d'œuvre de l'antiquité, de Michel-
Ange et de Raphaël , n'éleva point
sou style jusqu'à l'idéal , c'est qu'il
était déjà dans un âge trop avancé
pour pouvoir se dépouiller des habi-
tudes qu'il avait contractées; mais
s'il manqua de grandiose, son dessin
fut toujours exact, et personne ne l'a
surpassé dans la peinture des che-
vaux et des autres animaux. Dans le
portrait, on ne peut lui comparer que
le Titien et Van Dyck. Le Musée du
Louvre renferme un tableau et deux
dessins de Velasquez. Le tableau est
le portrait de Vinfante Marguerite-
Thérèse , fille de Philippe IV, roi
d'Espagne, et de Marie- Anne d:" Au-
triche^ son épouse. Les dessins sont :
I °. Le Portrait d'un cardinal. La fi-
gure est dessinée au crayon noir j le
fond à la plume et lave'. 2». La Mort
VEL
77
de saint Joseph; il est assisté par
la Fierge et le Sauveur. Dessin de
forme cintrée à la plume et lavé. Le
même établissement a possédé cinq
autres tableaux de ce maître : L Le
célèbre tableau de la Robe de Jo-
seph. IL Le Portrait du roi Phi-
lippe IV à cheval. III. La Famille
de Velasquez. IV. Le Portrait d'un
Espagnol avec un chien de chasse.
V. Le Portrait de l'archiduchesse
Marie -Anne, fille de Ferdinand
III , et épouse de l'empereur Fer-
dinand IV. Les deux premiers ta-
bleaux ont été repris , en i8i5, par
l'Espagne , et hs trois derniers par
l'Autriche. P g.
VELASQUEZ (Alexandre-
Gonzalez ) , peintre et architecte ,
né à Madrid en 17 19, fut un des
élèves les plus renommés de l'acadé-
mie de cette ville. A l'âge de dix-neuf
ans , il fut chargé de peindre les dé-
corations du théâtre du Retiro, et
s'y distingua par ses talents, comme
peintre, comme architecte et comme
versé dans la perspective. En i744>
on lui confia la direction des travaux
de peinture et de sculpture qui s'exé-
cutaient à Saint-Ildefonse. Il fut en-
suite occupé, pendant trois années,
à faire les plans et les élévations du
palais d'Aranjuez. En 1752, il fut
élu , par l'académie, sous-directeur de
la classe d'architecture; et en 1762,
il obtint le même grade dans celle de
peinture. Enfin , en 1 766 , le roi , sur
la proposition de l'académie, créa
pour lui une classe de perspective.
Lorsque le comte d'Aranda Ht réfor-
mer les théâtres , il y eut une exposi-
tion générale des décorations; et cel-
les qu'avait exécutées Alexandre ex-
citèrent une admiration universelle.
11 avait deux frères , Louis et An-
toine, qui l'aidèrent dans la plu-
part de ses ouvrages, Louis surtout
78
VEL
lui fut d'un grand secours ; il se
chargeait des figures, et Alexandre
des ornements. C'est ainsi qu'ils dé-
corèrent toute l'église des Carmélites
décliaussées de Madrid , la voûte de
l'église des religieuses du Saint - Sa-
crement, etc. Alexandre peignit seul,
dans l'église de Saint- Just et chez les
Bernardines de Madrid , nommées
las Ballecas , et termina , dans le
palais royal dcIMadrid, de concert
avec Guillaume Langlois, quelques
ouvrages d'après les dessins de Ra-
phaël Mengs. iMadrid renferme de
lui , comme architecte, plusieurs mo-
numents qui font honneur à son ta-
lent. Il a formé un grand nombre
d'élèves habiles, et il est mort le 21
janvier 1 77'2. — Antoine - Gonzalez
Yelasquez , frère du précédent, né
à Madrid , en 1729 , reçut en Italie
son éducation pittoresque. Arrivé à
Rome avec une pension du roi , il en-
tra dans l'école de Corratlo Giacuin-
to, oii il Ht de rapides et de solides
progrès. Il fut chargé de pein-
dre les fresques qui ornent l'église
des Trinitaires de Castelli, à Rome.
Cet ouvrage lui mérita des éloges uni-
versels , que confirma son tableau de
David recevant l'onction sacréa ,
dont il fit hommage à l'académie. Il
revint en Espagne en 1753, et pei-
gnit alors la coupole de la chapelle
de Notre-Dame del Pilar, dans la
cathédrale de Tarragone , dont il
avait fait l'esquisse à Rome. Cet im-
portant travail consolida sa réputa-
tion. De letour à Madrid, il parta-
gea plusieurs des travaux de ses frè-
res Louis et Alexandre j et peignit ,
conj oinlement avec eux, les voûles du
monastère de las Salesas , couvent
royal de jeunes demoiselles; celles
de l'Incarnation , l'église paroissiale
de Saint-Just et du Pasteur , et enfin
le couvent des religieuses de Saintc-
VEL
Anne et de las Descalzas , autre
monastère royal. Il a aussi exé-
cuté une Assomption pour Cuen-
ca. En récompense de ses talents,
Charles 111 lui accorda, en 1757,
le titre de son peintre, et en 1765,
la place de directeur de l'aca-
mie de peinture , qu'il ne rem-
plit activement qu'en 1785. Ces
fondions ne l'emptchèrent pas de se
livrer à de nombreux ouvrages à
fresque et à l'huile, qui justilièrent
constamment les faveurs dont il était
comblé. C'est surtout par ses peintu-
res à fresque qu'il a mérité sa répu-
tation. Peu de peintres de son pays
ont possédé à un aussi haut d,gré
que lui la grâce et la facilité. Il avait
une imagination féconde ; et il a lais-
sé un nombre prodigieux d'ébau-
ches , d'esquisses , de croquis et de
dessins de tous genres, parmi les-
quels on vante la belle esquisse pour
la Fondation de l'ordre de la Toi-
son-d' Or, qui a été gravée par Sal-
vador Caïunona , célèbre graveur ,
son contemporain. Il mourut le 18
janvier 1793, laissant trois fils: don
Zacarias- Gonzalez, don Castor et
don Isidore, qui cultivent, tous, les
arts avec succès , et soutiennent l'hon-
neur de leur famille. — Louis- Gon-
zalez ViÎLASQUEz, frère d'Alexandre
et d'Antoine , naquit à Madrid ea
17 i5,et reçutde son père, sculpteur,
qui n'était pas dépourvu de talent ,
les premiers principes du dessin. Il se
fit remarquer par ses progrès à l'a-
cadémie, etfut cliargé , avec son frè-
re Alexandre, des décorations des
rues et de celles du théâtre du Retiro,
lors du couronnement de Ferdinand
VI. En I75'2 , il peignit à fresque la
coupole de l'église de Saint-M arc ; et
le roi , en récompense de ce grand et
bel ouvrage , qu'il mit plusieurs an-
nées à terminer , le nomma sous - di'
VEL
recteur Je l'acadcmic , et lui accor-
da , trois ou quatre ans après , le
litre de peintre de son ca"binet. Cet
habile artiste mourut le 'il^ mai
,704. P-s.
VÉLASQUEZ DE VÉLASCO
( Louis- Joseph ) , marquis de Valde-
florcs^ littérateur et antiquaire espa-
gnol, naquit, à Malaga , le 5 nov.
i-j'iU, le même jour et à la mcme
lieure que son père était ne, dis.-neuf
ansauparavant.il apprit Iclatin dans
l'espace de vingt mois, et fut piace',
au collège de Saint-Miclicl , à Grena-
de, oii il e'tudia la logique sous les
Jésuites^ puis , pendant trois ans, la
jurisprudence. De retour à Malaga ,
eu 1789, il apprit, dans le collège
des clercs mineurs, la philosophie
d'Aristole et la tlièologie ecclésiasti-
que , jusqu'à ce que, fatigue de ces
études, il se livra cà celles qui flat-
taient daA'antagc son imagination.
En 1743 , d fut admis, sous le titre
de clievah'er damoiseau de la mer,
dans l'académie poétique du Trépied,
qui se tenait chez le comte de Torre-
Pa'ma, à Grenade, f^n 1745, il re-
çut de Rome le grade de docteur en
théologie. Il vint, pour la première
fois , à Madrid , et fut moins empres-
sé de se présenter à la cour que d'y
fréquenter les gens de lettres. 11 re-
vint dans cette capitale en i 7 5o , et
fit partie de l'académie poétique qui
se rassemblait cncz la marquise de
Sarria , oi!i se rendaient , comme poè-
tes , la duchesse douairière d'Arcos ,
le duc de Bejar , le comte de Salda-
na, etc. En avril 17.JI , il fut reçu
membre de l'académie de l'iiisloirej
et au commencement de l'année sui-
vante, le marquis de la Ensenada ,
qui s'était déclaré son protecteur, lui
lit obtenir la décoration de l'ordre
de Saint-Jacques , et le chargea de la
direction d'im voyage ordonné par
VEL
79
le roi Ferdinand YI pour recueillir
tous les anciens monuments de l'Es-
pagne. \'elasquez venait de publier :
L Essai sur les alphabets des carac-
tères inconnus , que l'on voit sur les
plus anciennes médailles et autres
monuments de l'Espa^ne,'^\Aàr\Aj.
1752, grand in -4". Cet ouvrage,
plein d'une judicieuse érudition, fut
écrit et imprimé par ordre de l'aca-
démie de l'histoire, et valut à l'au-
teur le titre de corresjiondcint de
celle des inscriptions et belles -let-
tres de Paris. Il y donne l'explica-
tion et la représentation en une suite
de planches gravées de vingt-cinq
alphabets antiques, particulièrement
de ceux des peuples qui ont succes-
sivement habité l'Espagne avant les
Arabes j il donne ensuite un grand
nombre de médailles conservées dans
les cabinets les plus précieux du
royaume. Ses autres ouvrages im-
primés sont : II. Oi'igine de la
poésie castillane, Malaga, 17. '54?
in-4°. Après avoir donné une idée
de la poésie latine, arabe, pro-
vençale , portugaise , galicienne et
basque, l'auteur divise la poésie cas-
tillane en quatre âges : le premier
ju<;qu'au règne de Jean II, le second
jusqu'au seizième siècle; le troisiè-
me ^ qui comprend ce siècle , l'âge
d'or de la littérature espagnole; et
le quatrième, depuis le commence-
ment du dix-septième siècle , époque
si fatale en Espagne et si brillante
en France et en Angleterre , pour les
lettres , les sciences et les arts. Il cite
les poètes qui ont contribué aux pro-
grès ou à la décadence de la poésie
castillane, et n'eu compte que deux
dignes d'être distiiigiiés, h l'époque
où il écrit. Feutry a donné un extrait
de cetouvragedans le Journal étran-
ger, février i755_, et l'a réimprime'
dans les Noui'eaux Opuscules , 99-
8o
VEL
192,(1}. III. annales àe la na-
tion espagnole depuis les temps les
plus anciens jusqu'à l'entrée des
RomainSy Malaga, 1759, in-40. Cet
ouvraj^e est puise uniquement dans
les sources originales et dans les mo-
numents contemporains. I\ . Conjec-
tures sur les médailles des rois
goths et suèves d'Espagne , Mala-
ga , 1709, 'va-!\°. On y trouve l'ex-
plication de cent trente-six médailles
des Gûths et de trois des Suèves. qui
servent à éclaircir plusieurs points
de l'bistoire d'Espagne. V. Notice
du voyage d'Espagne , entrepris
par ordre du roi , et d'une nouvelle
Histoire générale de la nation de-
puis les temps les plus anciens jus-
qu'en 1 5 1 6 , Madrid , 1 763 , in - 4°.
C'est le résultat de la commission
dont Vélasqiiez avait été chargé, et
qui aurait eu plus de succès si le
plan du marquis et de ses collabora-
teurs eût été entièrement adopté. Le
Prospectus en fut publié, la même
année , sous le titre de Collection des
monuments contemporains de l'his-
toire d'Espagne , etc. ; et Vclasquez
en écrivit plusieurs volumes in -fol.,
qui sont conservés à l'académie de
l'histoire. Le marquis Vélasquez de
Valdeflores ne s'était pas tellement
occupé de matières d'érudition qu'il
(i) PlttfiniT» CTÎtiqoej, entre antres M. Bouler-
wek, oot btàmé )a diTÎtion aJo|«té« par Vebsquez ,
comme l'ajant obligé 1 ioterrertir l'ordre cbrooo-
In|;iqxie de» écrÎTaiiii espapioU. On regrette aiun
^e l'auteur, trop préoccupe de* maiimes de la
criti<]t>e fratiraise . donne trop |.ea d'alteotioD et
accorde peu de iottice à des poètes tels que le*
I»p« , les CalJeron , qui , mal^é leurs défauts,
n'ea sont pat moins la gloire de la nation espagnole.
I>e profestenrDiète, de Goettiugne, donna une Tra-
duction allemande de cet ouvrage , en T ioignant
an p^nd nombre de notes très- utiles pour lîii.toire
de celte liUeratnre , Goettingne, 1779 , in-fi». Ce
trarail et le soin que le savant Dîèze prit d'enri-
cbir d'an grand nombre de livres espagnols la
bibliothèque de Goetlin):ue.dont il était adminis-
tralenr , ont sans doute <te d'une grande uliiile an
professeur Boaterwek pour la composition de son
eatimable BaUiùe de la UuinUure erpi^^noU.
V— G— E.
VEL
n'eût trouvé le temps de plier son es-
prit et son style à des sujets plus lé-
gers et plus gais. Dès l'année 1763 ,
il avait publié un ouvrage dont la
sixième édition parut sous ce titre :
VI. Collection de différents écrits
relatifs à la galanterie , avec des
notes, par Liberio Veranio, recueil-
lies par D. Louis de Valdeûores ,
contenant plus de vérités inédi-
tes que la première édition, plus
d'allégories sans but que la secon-
de , plus de riens agréables que la
troisième , plus d'impertinences que
la quatrième , plus de choses origi-
nales que la cinquième , Cortejopo-
lis, l'an 64 de l'ère vulgaire de la
galanterie à la française , avec la per-
mission que l'auteur s'est donnée de
dire les vérités du jour avec une élé-
gante indiscrétion. Cet ouvrage con-
tient les Eléments de la galante-
rie ; l'Exercice des nuditos (2) et
l'apologie des Eléments de la ga-
lanterie. C'est une satire très - fine ,
non - seulement des ridicules de ce
qu'on nomme galanterie , mais de
plusieurs usages à la mode, des abus
de pouvoir, etc. Elle fut probable-
ment la source des persécutions que
le marquis éprouva bientôt. On lui
attribua des écrits séditieux qui fu-
rent publiés à l'occasion de la fa-
meuse émeute de 17G6. Arrêté par
ordre du roi, la même année, il fut
conduit d'abord au château d'Ali-
cante, puis renfermé dans celui d'Al-
hucemas, en Afrique. Il ne recouvra
sa liberté qu'en janvier 177^ , et se
retira, avec sa mère et ses frères, dans
une maison de campagne près de
Malaga, où il mourut d'apoplexie,
peu de mois après. Ses livres et
'») Ce nom siguiGe en espagnol peWj niruJf , et
par abréviation />«(<<< nudi. Mais il est difTicilede
tradoire prccisement l'allégorie de l'auteur.
VEL
papiers, qui avaient été saisis lors de
son arrestation , lui furent rendus en
f)artie , le reste ayant été perdu. Il a
aissé manuscrits: y^pologie de la re-
ligion chrétienne contre les impies
de ce temps; Histoire critique des
calomnies fulminées par les Païens
contre les premiers Chrétiens; Le-
çons gongoriennes : c'est une criti-
que du style obscur et romantique
de l'école fondée par le poète Gon-
gora {Fo}-. ce nom); Critique des
écrits d'Amobe ( f^. ce nom ^ ; Dis-
sertation sur une médaille de Tar-
ragone , représentant Tibère et
Drusus ; Histoire de la ville de Ma-
laxa ; Essai sur l'histoire univer-
selle ; Géographie de l'Espagne ;
Théorie des médailles d'Espagne ;
Mémoires historiques sur la Bar-
barie ; Description du royaume de
Tunis ; Description du royaume de
Maroc ; Connaissance et usage de
monuments antiques originaux et
contemporains de l'histoire d'Es-
pagne ; Histoire naturelle d'Espa-
gne, incomplète; Discours sur les
découvertes faites en divers lieux du
royaume de Grenade ; Connaissan-
ces humaines ; Poésies diverses , la
plupart satiriques , avec des notes
marc;inales. A — t.
YELASQUEZ CaRDENaS Y
LEO> ( JoACQCiN ) , savant géo-
mètre et astronome du Mexique , né
le 21 juillet l'jSa , dans cette con-
trée, à la métairie de Santiago Aube-
docla près du village indien de Tizi-
capan, ne se forma , pour ainsi dire,
que par lui-même, et deviut, dans le
dernier siècle , le géomètre le plus
distingué que la Nouvelle-Espagne
ait eu depuis l'époque de Siguenza.
A l'âge de quatre ans , il communi-
qua la petite - vérole à son père ,
qui en mourut. Un oncle , cure de
Xaltocan , se chargea de sou éduca-
XI,VIIl.
VEL
ik
tion et le fit instruire par un Indien ,
tomme de beaucoup d'esprit naturel,
et très-versé dans la connaissance de
l'histoire et de la mythologie mexi-
caines. Velasquez apprit à Xaltocan
plusieurs langues indiennes , et l'u-
sage de récriture hiéroglyphique des
Aztèques. Il est à regretter qu'il n'ait
rien publié sur cette branche inté-
ressante de l'antiquité. Placé à Mexi-
co, au collège Tridentin. il n'v trouva
presque ni professeurs , ni livres , ni
instruments ; avec le peu de secours
qu'il put obtenir il se fortifia dans
l'étude des mathématiques et des lan-
gues anciennes. Un heureux hasard
lit tomber entre ses mains les ouvra-
ges de Newton et de Bacon. Il puisa
dans les uns le goût pour l'astronomie,
dans les antres la connaissance des
méthodes philosophiques. Pauvre, ne
trouvant aucun instrument à Mexico
même, il se mit a construire des
lunettes et des quarts de cercle. II
fit en même temps le métier d'a-
vocat, occupation qui, au Mexi-
que comme ailleurs , est plus lu-
crative que celle d'observer les astres.
Ce qu'il gagna par son travail fut
employé à acheter des instruments en
Angleteri'e. Nommé professeur à l'u-
niversité, il accompagna le visitador
don José de Galvez dans son vovaîie
a Lasonora. Envoyé en mission à la
Californie, il prolita de la beauté du
ciel de cette péninsule , pour y faire
im grand nombre d'observations as-
tronomiques. Il y observa , le premier,
que dans toutes les cartes , depuis
des siècles , par une énorme erreur
de longitude, cette partie du nouveau
continent avait été marquée de plu-
sieurs degrés plus à l'ouest qu'elle ne
l'est elTectivcment. Lorsque l'abbé
Chappe arriva en Californie, il v
trouva déjà établi l'astronome mexi-
cain. Velasquez s'était fait construire,
6
«2 VEL
à Sainte- Anne , un observatoire en
planches de mimosa. Ayant déjà
de'ierminé la position de ce village
indien , il apprit à l'abbé Chappe
que l'éclipsé de lune du i8 juin
l'jGc) serait visible en Californie, Le
géomètre finançais douta de cette as-
sertion jusqu'à ce que l'éclipsé an-
noncée eût lieu. Velasquez lui seul lit
une très-bonne observation du ]Tas-
sage de Vénus sur le disque du soleil ,
le 5 juin i7(Jf). 11 en communiqua le
résultat, le lendemain même du pas-
sage, à l'abbé Cliappe et aux astrono-
mes espagnols don Vicente Doz et
don Salvador de Medicea. Le voya-
geur français fu t surpris de l'harmonie
que présenta l'observation de Velas-
quez avec la sienne. Il s'étonna , sans
doute, de rencontrer en Californie
un Mexicain qui, sans appartenir à
aucune académie, et sans être jamais
sorti de la Nouvel'e-Espague , fai-
sait autant que les académiciens. En
1774) Velasquez exécuta le grand
travail géodésique sur la Cordillère
de la jNouvelle-Espagnc. Le service le
plus essentiel que cet homme infatiga-
ble ait rendu à sa patrie est l'établis-
sement du tribunal de l'école des
mines , dont il présenta le projet à la
cour. Il finit sa carrière laborieuse le
6 mars 1786 , étant le premier di-
recteur-général du tribunal de mi-
neria , et jouissant du titied'^'/ZcaZ-
de del corte honorario. B — p.
VELBRUCK (François- Char-
les , comte DE ) , ne, le 11 juin
1719, d'une ancienne famille,
dans une terre près de Dussel-
dorlF, n'a point été placé par la
providence sur un théâtre qui l'ait
mis à même d'exercer une grande
influence s'jr son siècle j mais élu
priuce-évèquc de Liège , le i(i jan-
vier 1772, il lit le bonheur d'un
demi-million d'hommes confiés à ses
VEL
soins , et son administration mérite
d'être citée comme modèle. C'est à
ce titre que nous croyons devoir lui
consacrer quelques lignes. De nom-
breux établissements de bienfaisance,
des hospices, des dépôts de mendi-
cité, des écoles , des académies pour
l'encouragement des lettres, des scien-
ces et des arts, signalèrent son règne,
qui ne dura guère que douze années.
Ce prélat mourut à Liège le 3o avril
1784. Velbr.ick aimait à s'entourer
d'artistes, de gens de lettres, et il
avait lui-même l'esprit très-cultivé.
La plupart de ses mandements, entre
autres le premier qu'il lit, et dans
lequel il développa ses pensées et ses
projets , en fournissent des preuves
incontestables. II fut en quelque sorte
le créateur de Spa , qui devint bien-
tôt le rendez-vous de toute l'Europe.
La société d'émulation, fondée par
lui , plaça son buste dans la salle de
ses séances, et son Éloge funèbre y
fut prononcé par le poète Reynier ,
secrétaire perpétuel : c'est une bro-
chure in-4'^. de dix pages, Liège,
1785. St — T.
VELDE (IsaïeVan den), peintre,
naquit à Leyde vers l'an 1597 , et
fut élève de Pierre Deneyn. li se lit
une réputation très-distinguée par
ses tableaux de batailles. Il habi-
ta successivement Harlem et Leyde ,
et ses ouvrages furent toujours re-
cherchés et payés fort cher. Les su-
jets qu'il aimait à l'eprésenter étaient
des rencontres de cavaliers ou des
attaques de voleurs. Il dessinait ses
figures avec esprit , et plusieurs pein-
tres ont eu recours à lui pour pein-
dre celles qu'ils introduisaient dans
leurs tableaux. Il cultiva aussi la
gravure à l'eau - forte , et l'on a
de sa main quatre pièces exécutées
avec beaucoup d'intelligence et de
fermeté. Ce sont : I. Un Paysa-
VEL
ge qui représente l'entrée d'un vll-
Jage avec beaucoup de figures^ et
sur le devant un2 foule de paysans
occupés à boire et à manger , in-fol.
II. Paysage où l'on voit une route
et un pont; sur le premier plan^
sont une tour ronde et un vacher qui
garde ses vaches avec sa femme ,
in-4°- III- Paysage orné de ruines
et de maisons rustiques, petit in-fol.
IV. Paysage avec des chaumières et
une bergerie. — Jean Van den Velde,
frère du précédent, naquit à Leyde
vers 1 598. Il excellait à peindre des
paysages, des kermesses , des scènes
rustiques ; mais c'est comme gra-
veur qu'il est plus spécialement con-
nu. Il employait tour-à-lour, dans
son travail , la pointe, le burin , et
produisait les effets les plus piquants
de clair-obscur. Il opérait de deux
manières tout-à-fait opposées. Dans
la première, qu'il réservait pour le
paysage ,il se servait de l'eau-forte ,
et exécutait d'une manière libre et
peu terminée. Dans la seconde, qui
était pour les sujets finis, il se ser-
vait presque exclusivement du burin,
ne s'aidant de la pointe sèche que
dans quelques parties. Ses gravures
sont remarquables par une grande
netteté. Il sut tirer parti avec in-
telligence des lumières naturelles et
artificielles. Parmi ses portraits^ au
nombre de douze , on distingue celui
d'Olivier Cromwell, dont la planche
préparée par la manière noire, est
gravée avec la pointe sèche : ce por-
trait, grand in-fol. , est très-rare j
ainsi que celui de Jean Torren-
tius. Ses sujets divers et ses pay-
sages sont très-nombreux , Huber
et Kost , dans le Manuel des ama-
teurs de l'Art , se bornent à indiquer
les plus remarquables, au nombre de
98. Jean vivait encore en lô'^-y.
— Velde (Guillaume Van den), sur-
VEL
8^
nommé le vieux, dessinateur^ naquit
à Leyde en itiio. Fort jeune encore,
il embrassa le métier de marin, et
fit, en cette qualité, plusieurs voyages
sur mer. Il étudia en détail la cons-
truction et la manœuvre des vais-
seaux; quoiqu'iln'eûtpour maître que
son génie , on vit tout-à-coup sor-
tir de sa main de beaux dessins sur
papier, représentant toutes sortes de
navires. Entendait-il dire qu'on allait
livrer un combat naval , il s'em-
barquait sans autre but que d'être té-
moin de l'action et d'en rendre toutes
les circonstances avec plus d'exacti-
tude. Les Etats de Hollande firent
équiper pour lui une petite frégate,
avec ordre au capitaine de se trans-
porter dans toutes les positions que
Van den Velde lui prescrirait. On le
vit alors s'engager dans le fort d'un
combat naval, et aller jusqu'au mi-
lieu de la flotte ennemie pour exami-
ner ses manœuvres. L'amiral Opdam
ne put s'empêcher d'admirer le cou-
rage de l'artiste ; il l'invita à dîner
sur son bord , pendant le combat ,
et il n'y avait qu'un instant que
Van den Velde l'avait quitté quand
le vaisseau amiral sauta en l'air. En
1666, il fut chargé par les États
de dessiner le combat qui eut lieu
en vue d'Ostende , entre les flot-
tes anglaise et hollandaise , sous les
ordres de Monck et de Ruyter. Cha-
que mouvement de cette action , qui
dura depuis le 1 1 jusqu'au i4 jnin,
fut reproduit avec une CKactitude si
grande, qne les Etats purent se servir
de ses dessins pour connaître les ma-
nœuvres et la conduite des officiers
de la flotte. Sa réputation se répandit
bientôt dans toute l'Europe. Le roi
Charles II l'appela à sa cour , et le
prit à son service; et il jouit de la
même faveur sous le règne de Jacques
II, successeur de ce prince. Il fit,
G..
84
VEL
pour ces deux monarques , un grand
nombre de dessins , où l'on ne sau-
rait trop admirer l'exactitude avec
laquelle il a su rendre tout ce que
la mer a de majestueux et de terrible.
Il dessinait ordinairement sur du pa-
pier blanc ^ sur des toiles imprimées
en blanc ou sur des papiers colles sur
toile. Jamais personne n'a manié la
plume avec autant de facilite, d'art
et d'intelligence. Sur la fin de ses
jours, il essaya de peindre; mais il
fut oblige d'y renoncer. 11 mourut à
Londres le 16 de'c. i^gS , et fut
enterré dans l'église de Saint-Jac-
ques.— Guillaume Van den Velde
le jeune , fils du précèdent , naquit à
Amsterdam en i633. Son père lui
apj)rit à dessiner les marines j mais
ayant été appelé à la cour d'Angle-
terre, il confia , pendant son absence,
le jeune Guillaume aux soins de
Vlieger , peintre estimé. Van den
Velde fut bientôt en état de se passer
de maître. Quelques marines qu'il
envoya à sou père frappèrent ce
dernier d'étonneraent : il les montra
au roi Jacques II , qui s'empressa de
faire venir le jeune ai'tiste à sa cour,
avec une pension considérable. Les
travaux qu'on lui ordonna occupèrent
dès-lors tous ses loisirs. Il fut char-
gé de peindre les actions les plus
mémorables des Hottes anglaises ,
pour être placées dans les maisons
royales. Malgré ces travaux multi-
pliés, il trouva encore le temps de
peindre quelques tableaux pour de
riches amateurs, qui les lui payèrent
fort cher. Sa vogue devint si grande
en Angleterre, que , non contents de
posséder l'artiste, les amateurs firent
recherchera grand prix, sur le con-
tinent, tous les tableaux que Van den
Velde y avait exécutés ; ce qui leur
donna une valeur extraordinaire ,
et les a rendus très -rares. Il est
VEL
vrai que cette vogue est bien justi-
fiée par le mérite de ses ouvrages.
Sa couleur est d'une transparence ,
d'une ûuesse et d'une légèreté qui
u'ôtent rien à sa vigueur ; les tons
en sont chauds et dorés. Il dessinait
les vaisseaux et les frégates avec une
précision , une exactitude et une élé-
gance peu communes. Il excellait sur-
tout à représenter l'agitation des va-
gues et leur brisement contre les ro-
chers. Ses ciels sont clairs, et ses
nuages touchés avec une si grande
légèreté , qu'on croit les voir passer
dans l'air. Ces diverses qualités le fi-
rent regarder , de son temps , comme
le plus habile peintre de marine que
l'on eût vu jusqu'alors, et il a con-
servé sa réputation. Le musée du
Louvre a jiossédé quelques tableaux
de ce maître. I. Une mer calme
couverle de vaisseaux. Des pêchcHrs
proiitent da la descente de la marée
pour prendre les poissons qu'elle
abandonne. TI. Bâtiments en pleine
mer. L'un d'eux lâche une bordée
de stribord et de bâbord. III. Mari-
ne en temps calme , couverte d'un
grand nombre de bâtiments. Quel-
ques-uns portent le pavillon hollan-
dais. IV. Temps calme sur mer,
barques et vaisseaux à trois mdts.
Ces tableaux ont été repris en i8i5
par le royaume des Pays-Bas. Guil-
laume Van den Velde mourut fort
riche, à Londres, le 6 avril 1707.
— Adrien Van den Velde , l'un des
plus grands paysagistes qu'ait pro-
duits la Hollande , naquit à Amster-
dam en iôSq. Wéme avant d'avoir
eu des maîtres, il composait déjà
des tableaux. Ces rares dispositions
décidèrent son père à céder à un
penchant auquel il s'était jusqu'alors
vainement opposé. Il le plaça chez
Wynanls , qui fut frappé du goût et
de l'exactitude avec lesquels il avait
VEL
appris de lui-même à dessiner des
chèvres , des moutons et des vaches.
Sous un aussi habile maître, le jeune
Adrien ne tarda pas à faire les pro-
grès les plus rapides. Wynants se
plut à lui donner tous les secrets de
son art, et lui apprit surtout , ce qui
est le point le plus essentiel pour un
artiste , à bien étudier la nature.
Enfin , par les sages conseils de
son maître , il ne passait pas un
jour sans aller dans la campagne ,
son crayon en main , dessiner d'après
nature des vues , des animaux , des
arbres , les différents effets de la lu-
mière , les nuages; et tant qu'il vécut
il n'abandonna point cette méthode.
11 n'avait pas ÎDorné ses études au
seul paysage : il en fit une toute par-
ticulière de la figure, ce qui ajouta
lin grand prix à ses propres ouvra-
ges , et lui permit encore d'en or-
ner les paysages de plusieurs artis-
tes du premier mérite , tels que Ruys-
dael , Holbema , Moucheron , Van-
der-Heyden , et même de son pro-
pre maître , qui, jusqu'à ce qu'il eût
reconnu qu'il pouvait sans crainte
profiter du talent de son élève , avait
employé le pinceau de Wouwer-
nians. Dansie choix de ses sujets, dans
l'agrément de ses scènes, aussi bien
que dans l'excellence de sa couleur ,
il est dij'iicile de trouver un artiste
qui lui soit supérieur • et comme
la nature était constamment sou
modèle , ses compositions tirent un
nouveau prix de leur vérité. Sa touche
est libre et sûre. Ses arbres sont
pleins de nature et bien dessinés ; son
feuille est exprimé avec soin et avec
esprit. Ses ciels surtout sont par-
ticulièrement remarquables par leur
éclat ; il avait observé avec une
étude approfondie les effets de la lu-
mière sur chaque objet différent , et
il a su en reproduire les divers acci-
VEL
85
dents avec un talent rare , soitqu'clle
se joue à travers les branches des
arbres , ou sur la surface des eaux ,
soit qu'elle se promène sur les trou-
peaux ou sur les différents plans de
la scène. Mais quoique Adrien soit
surtout connu comme paysagiste et
peintre d'animaux , il n'a pas craint
de traiter en grand quelques sujets
d'histoire ; et le succès avec lequel il
l'a fait prouve qu'il n'eût pas moins
bien réussi dans ce genre. On voit
dans l'église catholique d'Amster-
dam ime Desceîite de croix dont
les personnages sont grands comme
nature , et qui renferme une foule de
beautés. Il a peint, avecun succès non
moins réel , une suite de sujets his-
toriques tirés de la Passion de Jésus-
Christ. Quoique toutes les com])Osi-
tions de ce maître soient terminées
avec un soin qui n'en exclut pas la
chaleur , que ses ligures soient par-
faitement dessinées , que ses animaux
soient remarquables par leur carac-
tère , par la vie qui les anime , par
la vérité de leurs allures cl de leurs
habitudes ; lorsque l'on songe eu
outre qu'il a enrichi de ligures une
quantité considérable de paysages
d'autres artistes, il est évident qu'il
a dû être infatigable au travail , et
qu'il peignait avec une facilité ex-
traordinaire , puisque n'ayant vécu
que jusqu'à trente-trois ans , il a pu
exécuter tous les ouvrages que l'on
connaît de lui. Ses tableaux sont ex-
trêmement recherchés, et l'on paie
des prix exorbitants ceux que l'on
peut trouver. On en ûiit surtout une
grande estime d;t;!S les Pays-Bas, où
il est regardé comme un des peintres
flamands les plus émiuents. Le musée
du Louvre [)ossède huit de ses ta-
bleaux. ï. i/^ra troupeau de bœufs ou
de moutons au bord d'une rivière.
Sur le second plan , sont deux bcr-
86
VFX
gers , dont l'iin pêche à la ligue.
Effet du soleil levant. U. Un pâtre et
sa femme jouant avec leur enfant
enfaisant paître leur troupeau. III.
Pâturage couvert de troupeaux.
Sur la gauciie , une chaujaière près
de laquelle sont deux hommes et une
femme assis. IV. Promenade d'un
prince de la maison d' Orange sur
la plage de Schevelingeji. V. Pas-
sage et animaux. Dans le lointain
on voit une liôtelicrie. VI. Les amu-
sements de l'hiver. Y\I et VIII.
Deux Marines. Le même établisse-
ment a renferme' cinq autres tableaux
de ce maître, qui ont été rendus , en
i8i5 , au roi des Pays-Bas. Adrien
forma plusieurs élèves , parmi les-
quels le plus distingué fulThiériVan
Éerghcn. Van den Velde mourut à
Amsterdam le 20 janvier i6'j2. On
a de ce maître un certain nombre
d'estampes gravées d'une pointe fer-
me et spirituelle , et dans lesquelles
on retrouve les qualités qui distin-
guent ses tableaux. Il marquait ses
pièces des lettres initialesde son nom
A. V. V. Ce sont vingt-une estampes
représentant :I. Des vaches qui pais-
sent et d'autres animaux , au nom-
bre de quinze. II, Le berger dor-
mant , morceau très-rare. III. La
place d'un bourg. IV. La halte de
deux chasseurs. Ces deux pièces
sont extrêmement rares. V. Lepaj-
san st la paysanne. \'I. Le paysan
à cheval , extrêmement rare. VII.
Paysage , en partie borde' par une
rivière. Jusqu'à présent on ne con-
naît que deux épreuves de ce mor-
ceau : l'une était dans le cabinet
Rigal, vendu à Paris en 181 7, l'au-
tre appartient au roi des Pays-Bas.
Bartscli n'eu a pis parlé. P — s.
VELDE (Cqables-Fbançois Van
DER)?"é à Brcslau le 17 septem-
bre 1779, remplit en Silésie diflé-
VEL
reutes fonctions de magistrature ,
et se distingua dans les lettres , parti-
culièrement dans le genre du roman,
demanière à mériterle nom honorable
de TValter-Scott allemand. Il com-
mença sa carrière littéraire en 1809,
par de petites pièces , qu'il faisait
inséier dans les journaux. 11 travail-
lait eu même temps pour les théâtres
de Breslau , de Vienne, de Prague et
de Magflebourg , et lit jouer, entre
autres pièces : V Armée qui porte le
ravage , et le Théâtre des ama-
teurs. Mais n'obtenant que peu de
succès au théâtre, il se livra tout en-
tier à la composition de ses romans,
et s'il est loin d'égaler dans ce genre
l'homme célèbre auquel ou lui a fait
l'honneur de le comparer, on jieut
dire qu'il lui est quelquefois supérieur
par des tableaux de mœurs fort
exacts et fort touchants , et surtout
par un style simple et correct. De-
jniis i8i7,il travaillaitpourle Jour-
nal du soir , et cette feuille lui dut
la vogue qu'elle eut dès ce mo-
ment. Cet écrivain estimable fut en-
levé aux lettres dans le mois de mars
1824, par une mort prématurée.
Les OEuvres de Vau der Velde ont
paru à Dresde , en i4 vol. in-8°. ,
1828 ; seconde édition , 18 vol.
On a traduit en français : I. Nad-
doclc le noir, ou le Brigand des
Pyrénées., 1825, 3 vol. in-12. II.
JVlasJca., ou les Amazones de Bohê-
me, 1826, 3 vol. iu-i2. III. Les
Anabaptistes, 1826, iu-12. IV.
Les Patriciens , 1826, in-12. V.
Arwed- Gyllenstiema , 1826, 2
vol. in-12. Ces trois derniers ouvra-
ges , traduits par M. A. Loève-Vei-
mars, forment la première livraison
des Bomans historiques de Van der
Velde, traduits en français , col-
lection qui doit avoir environ vingt
volumes. G — y.
VEL
VELDECK ou VELDIG (Henri
UE ), l'un des plus anciens minnésin-
gers ou poètes allemands , était ori-
ginaire de la Basse- Allemagne , et vé-
cut , au commencement du treizième
siècle , à la cour des princes de Thu-
ringe et de la Basse-Saxe. Il assista ,
en 1 206 , au fameux combat litté-
raire de Wartbourg. Les poésies
par lesquelles il a illustré l'Époque
des pi'inces souabes sont : I. h'Enéi-
de , qui est moins une traduction
du poète latin qu'une imitation de
l'ouvrage publié en langue françai-
se ou provençale, par Glirestiens de
Troyes , sous le titre de Roman de
VEris et l'Enéide mis en rimes. Le
manuscrit se trouve dans les biblio-
thèques de Gotha, de Vienne et de
Dresde. Il a été publié dans le Re-
cueil àe Muller, Berlin, 1784. On
y compte i3,33i vers. Dans la
préface est une Dissertation cu-
rieuse : De antiquissimd yEncidos
versione germanicd Henrici de
Veldeck anlè sexcentos ferè an-
nos concinnatd , cujiis codex ma-
nuscriptus asservatur in bibliothecd
ducis Saxo - Gothani. D'après ce
qu'on y lit, Veldeck avait terminé
son travail lorsque Louis, landgrave
de Thuringe, épousa une fille du land-
grave de Clèves. La ])rincesse , à qui
l'auteur avait présenté son ouvrage,
le garda avec si peu de soin , qu'il
fut égaré pendant neuf ans. Veldeck,
ayant eu le bonheur de le retrouver,
le revit et le mit au jour , vers l'an
1180. Si nous l'avions tel qu'il
est sorti des mains de Veldeck ,
cet ouvrage serait la plus ancienne
production des troubadours alle-
mands ; et nous y trouverions leur
langue et leur manière d'écrire tel-
les qu'elles étaient à la fiu du
douzième siècle j mais le plus an-
cien manuscrit , celui de Gotha ,
VEL
87
n'a été transcrit que vers la fin
du quatorzième siècle. Celui de
la bibliothèque de Vienne n'est que
de l'an i474; ^t il n'est point fa-
cile de discerner ce que les copistes
peuvent avoir changé ou ajouté , afin
de le rendre plus intelligible à leur
siècle. II. Ernest , duc de Bavière,
poème épique , qui se trouve en ma-
nuscrit, à la bibliothèque de Gotha.
Veldeck assure qu'il en prit le texte
dans un ouvrage latin , qui est pro-
bablement Carmen de varia Ernes-
ti, B avarice ducis , fortund , publié
par Martene , dans sou Thesaur.
anecd. , m, pag. 335 j et par Ec-
kard, dans son Comment, de reb.
Franc. Orient., pag. 5 10. Ce poème,
dans lequel Veldeck a chanté les en-
treprises guerrières et les infortunes
d'Ernest , fut accueilli avec grande
faveur. Ces infortunes sont de-
venues si populaires en Allemagne
que les enfants même apprennent à
les chanter. III. Légende du bien-
heureux S. Gervais , évêque de
Maëstrich, 4 chants, qui se trouvent
dans la Collection de Manassen et à
la bibliothèque du Vatican. Veldeck
est un des minnésingers qui ont le
plus contribué à l'illustration de l'é-
poque que l'on appelle période des
empereurs souabes. C'est l'âge d'or
de la poésie allemande : elle fleurit et
disparut avec ces princes. La gloire
des minnésingers est un phénomène
étonnant dans l'histoire. On en cher-
che la cause dans les difrércntes cir-
constances du temps, et surtout dans
les croisades. L'Occident s'était jeté
sur la Terre-Sainte: les cruiscs, re-
venus de l'Orient, en racontaient des
choses merveilleuses ; et leurs récits
enflammaient tous les esprits roma-
nesques. De la Provence , les chants
des troubadours passèrent en Alle-
magne , et les minnésingers y tioit-
m.
VEL
rèrent des modèles à imiter. C'est à
\ eldeck que commence celle suite de
])oètes souabes , qui , pendant plus de
deux cents ans, ont compte' parmi
eux des princes , des rois , des empe-
reurs. En 1 206 , Hermann , landgra-
ve de Thuringe, rassembla , dans
son château de Wartbourg , les
mimîësiugers les plus renommés. Il
les engagea dans un combat litté-
raire, où brilla Veldeck, et que l'un
d'eux a décrit sous le litre de la
Guerre de Wartbourg. G — y.
VELEZ. Foy. Guevara, XIX ,
41.
VELLA (Joseph ), né à Malle ,
chapelain de l'ordre, et faussaire lit-
téraire , est connu à ce dernier titre.
Se trouvant à Palerme , en 1782 , il
accompagna Mohammed ben Oth-
man dans la visite que cet ambassa-
deur marocain fit à l'abbaye Saint-
Martin. Ayant appris de Louis Mon-
cada , gentilhomme sicilien , que
depuis long-temps on croyait pos-
séder un manuscrit arabe, qui rem-
plissait une lacune de près de deux
siècles dans l'histoire de la Sicile ,
pendant le moyeu âge , il imagina ,
après le départ de Mohammed , de
dire que cet Africain avait trouvé
dans la bibliothèque de Saint-Martin
«a manuscrit contenant la corres-
pondance entre les gouverneurs ara-
bes de la Sicile et leurs maîtres les
souverains de l'Afrique. A l'appui de
cette première imposture, Vella sup-
posa avoir établi une correspoudance
avec Mohammed , et bientôt après ,
il annonça la découverte à Fez d'un
second" exemplaire du manuscrit de
l'abbaye de Saint-Martin , mais plus
étendu ; puis la découverte d'un au-
tre ouvrage qui servait de continua-
tion à celui-ci , et qui était relatif à
la domination des Normands en Si-
cile j enfin une suite de médailles
VEL
confirraativcs du contenu des ma-
nuscrits. Alphonse Airoldi , arche-
vêque d'Héraclée, juge de la légation-
apostolique et de la monarchie de la
Sicile, se déclara le protecteur de
Vella , et pourvut à toutes les dé-
penses que la publication de l'ou-
vrage exigeait. Sous les auspices du
prélat, parut , en 1789, le premier
volume du Codice diplomatico di
Sicilia sotto il governodegli Arabi^
publicato per opéra e studio di Al-
fonso Airoldi , etc. C'était une tra-
duction italienne faite par Vella du
manuscrit arabe; Airoldi y avait
ajouté des notes, et une longue pré-
face ou introduction. Cinq autres
volumes virent le jour j le sixième ,
qui est de 1792 , devait être encore
suivi de deux autres. A l'apparition
du premier , des doutes furent élevés
par beaucoup de savants sur l'au-
tbenticité du texte original. Airoldi
résolut de le faire imprimer, et pour
cela il acquit de Bodoni une fonte de
caractères arabes. Vella , loin d'èlre
eifrayé par les doutes manifestés sur
le Codice diplomatico , fit paraître
à Païenne, en 1798 , aux frais du
roi de Naples, le premier volume de
deux éditions , dont la principale ,
dans le format in-folio , contenait le
texte arabe avec la traduction ita-
lienne du prétendu manuscrit décou-
vert à Fez , et intitulé : Kitab di-
van Mesr , ou Libro del consiglio
d'Egitto. On imprimait le second
volume, lorsqu'après plusieurs exa-
mens , l'imposture devint évidente
aux yeux les plus fascinés. Vella finit
par avouer lui-même ce qu'il avait
fait; il fut, en 1796, condamné à
quinze ans de prison; le bénéfice de
Saint- Pancrace , une pension qui
avait été accordée à Vella, et ses
autres biens furent , sauf une rente
alimentaire de trente-six onces d'or ,
VEL
adjuges au fisc jusqu'à rembourse-
ment des dépenses faites par le tré-
sor royal pour le kitah , etc. Ce
qui était imprime du second vo-
lume fut détruit j et ce qu'il y a
de singulier , c'est que le jugement
fut porté par ce même Al]>lionse
Airoldi qui avait été si longtemps
sa dupe. Vella est mort il y a quel-
ques années. M. J. Hager a donné
sur ses deux publications désignées
aussi , l'une sous le titre de Code
martinien , l'autre , sous celui de
Càde normand , une brochure alie-
mande , dont la traduction française
est intitulée : Relation d'une insigne
imposture littéraire , découverte
dans un voyage fait en Sicile , en
1 794 , par M. le docteur Hager ,
Erlang , 1799 , in-S**. M. Silvestre
de Sacy , qui a rendu compte de la
Relation , etc. , dans le Magasin
encyclopédique , v*^. année , tome
VI , pages 33o-356 , a fourni de
Nouveaux renseignements sur l'af-
faire de Vella dans le même jour-
nal , vi*^. année , tome v , pag. 3j;8-
339. Z.
VELLÉDA ou VELÉDA , la plus
célèbre des propbétesses de la Ger-
manie, appartenait à la nation des
Bructcres , mais exerçait une influen-
ce en quelque sorte magique sur tou-
tes les peuplades barbares dissémi-
nées le longdesdeuxrivcsduRhin. On
sait par Tacite et par quelques autres
écrivains que les Germains s'accor-
daient à trouver dans les femmes
quelque chose de céleste , et que , dans
les affaires les plus importantes , ils
se soumettaient à leurs décisions com-
me à des oracles. Aussi leurs villa-
ges et leurs huttes roulantes étaient
remplis de prêtresses qui, les unes
par intervalles, les autres continuel-
lement , prétendaient dévoiler les
mystères de l'avenir. Yelléda vivait
VEL 89
à-peu-près au milieu du premier siè-
cle de l'ère chrétienne, en 70, lors-
que la Gaule presque tout entière se
souleva à la voix de Civilis. Elle
n'avait pas attendu les progrès de la
rébellion pour se déclarer ; et dès !a
première levée de boucliers, animée
d'un enthousiasme patriotique et sau-
vage, elle annonça la défaite totale
et l'anéantissement des Romains ,
qui, déchirés déjà par les guerres ci-
viles qui suivirent la mort de Né-
ron , ne pouvaient opposer que de
faibles dicfues à la fureur des Gaulois
et des Belges. Les premiers succès
des troupes révoltées , la défection
de Classicus et de Tutor, l'entrée
triomphale de Civilis à Vetera Cas-
tra , justifièrent dans les coraraeuce-
menls son audacieuse prophétie^ et
lui concilièrent la conliance des al-
liés. Par elle les Caninéfates et même
les Ubiens , anciens et fidèles alliés
des Romains, se laissèrent entraîner
dans la coalition formée contre les
Romains. Civilis, après la prise de
Vetera , lui avait livré , avec des
dépouilles magniliques, plusieurs offi-
ciers ennemis de la plus haute dis-
tinction; et dans la suite, les Ger-
mains s'étant emparés par sur])rise
de la plupart des vaisseaux de Peti-
lius Cerealis, ils envoyèrent parla
Lippe la tvirème prétorienne à Yel-
léda. Enfin , dans toutes les circons-
tances , on voit le nom de Velléda
uni à celui de Civilis _, même dans le
langage des ennemis, comme si l'au-
torité suprême eût été partagée entre
eux , et que le guerrier ne pût rien
sans la prophétesse , ou la prophé-
tesse rien sans le guerrier. Cepen-
dant les efforts des Gaulois pour
reconquérir leur indépendance ne fu-
rent pas long-teinps couronnés par
la victoire ; et les armées romaines,
qui naguère étaient occupées à s'en-
90 VEL
trc-dëtruire , ayant enfin reconnu
Vespasien , et se re'unissant contre
les ennemis e'trangers , les eui'eut
bientôt battus et forcés à la paix.
Velléda joua encore un grand rôle
en cette occasion : c'est à elle que
Cerealis s'adressa principalement
pour réussir à pacifier les Gaules; et
celle qui, ou faisant parler les dieux,
avait décidé à prendre les armes tant
de peuples à peine connus les uns
des autres, les leur fit poser de même
au nom de la divinité. Il paraît
néanmoins qu'à ime époque posté-
rieure Velléda appela de nouveau
ses concitoyens à la liberté, car elle
fut prise par Rutilius Gallicus, et
menée en triomphe à Rome. Depuis
cet événement, l'histoire ne fait plus
mention d'elle. Velléda vivait seule
et célibataire : elle ne se laissait ja-
mais apercevoir au peuple , ni même
aux généraux avec lesquels elle n'avait
de communications qu'au moyeu de
ministres chargés de cette seule fonc-
tion. Une tour élevée lui servait de
sanctuaire ; et c'est dans cet asile
qu'elle rendait ses oracles. M. Hora-
ce Vernet a fait un beau tableau qui
représente Velléda dans l'attitude de
l'inspiration. Le caractère prêté par
Tacite à cette prophétesse , a fourni
à l'auteur des Martyrs un des épi-
sodes les plus brillants de son poème,
livres viii et ix. — Voir Tacite,
Hist. , liv. iv et v ; Esprit militaire
des anciens Germains , p. \5'x.
P OT.
VELLEIUS. F. Pateuculus.
VELLEJUS ( AnubÉ-Severin ) ,
historiographe et conseiller de Fré-
déric II , roi de Danemark , né dans
le bourg de Vedèle en Jutland , fut d'a-
bord prédicateur de la cour. Ayant
manifesté du goût pour l'étude de
l'histoire , il fut pourvu d'un ca-
uonicat à Ripcn , et put se livrer tout
VEL
entier à des recherches historiques.
C'était un des hommes les plus sa-
vants de son temps. Il mourut le 1 3
février 1616 à l'âge de soixante-
quatorze ans. Il estle premier qui ait
tiré des manuscrits et publié Ada-
mi Bremensis Historia ecclesiasti-
ca, avec des notes , Copenhague,
1679 , in - 8°. Il a encoi'e pu-
blié : I. Fie des souverains pon-
tifes romains , en vers danois , Co-
penhague, iS-ji , in- 8". II. Saxon
le grammairien , traduit en langue
danoise, Copenhague, 157.5, in-fol.;
réimprimé en lOio. lll. Descriptio
Islandiœ, per Gudbrandum episco-
puni Islandiœ communicata , ibid.
IV. Oratio funehris in obitum Fre-
derici II , cum chronologid rerum,
imperante hoc rege , ab i533
ad i588;, gestarum, Copenhague,
i588 , in-4°. V. Septem sapientium
Grœciœ Aphorismi , Sora , 1 590 ,
in-S^". VI. Fita Sunonis TiuJJves-
hœg , Sora, 1642, in-8°. Vil. Cen-
turia cantilenarum, danicarum , de
priscis Danorum regibus et rébus
geslis , Copenhague , i643 , in-8<*.
Ce recueil de chants populaires est
très-précieux pour l'histoire de Da-
nemark , et pour la connaissance des
mœurs et des idiomes de chaque siè-
cle. G — Y.
VELLERON. F. Cambis.
VELLUTELLO (Alexandre) ,
littérateur lucquois , était né dans
les premières années du seizième siè-
cle (i). Dans sa jeunesse, s'éîanî pas-
sionné pour Pétrarque , il forma le
projet d'écrire la vie de ce grand
poète ; mais , avant de l'exécuter ,
il voulut visiter Avignon , se flat-
tant d'y recueillir, sur le séjour
(i) \^e Dicliotni. iiniVerscZ place sa naissance à
l'annce iSii); mais il n'aurail eu ijiic sept ans en
>57.5 , cIMc de la prcmirrc éditiou de son Exfioii-
tion sur les souncls de Pétrarque.
VEL
de Pétrarque en cette ville , des reu-
seignements inconnus à ses devan-
ciers , et de parvenir enfin à con-
naître l'origine de la belle Laure.
D'Avicnon il se rendit à Vaucluse,
et par-tout il visita les archives pu-
bliques , et consulta les personnes
qu'il jugea le plus capables de lui
donner les éclaircissements dont il
avait besoin. Des recherclics faites
avec tant de zèle n'aboutirent qu'à
lui procurer des notions vagues et
fausses sur l'objet de son voyage. De
retour en Italie , il publia les Son-
nets de Pétrarque , Venise , i525 ,
in-4''. , avec des notes et la vie de
l'auteur. Cette édition fut reçue avec
empressement par les nombreux ad-
mirateurs de Pétrarque • et la presse
la reproduisit dix ou douze fois dans
im petit nombre d'années ( F. la Bi~
blioteca d' Eloquenza de Fontanini ,
11 , -24 )• La Fie de Pétrarque , par
Vellulello , devint la source unique
où puisèrent tous ceux qui faisaient
de ce poète , et de ses ouvrages , l'ob-
jet de leurs travaux ; et probable-
ment elle jouirait encore de cet avan-
tage, si l'abbé de Sade n'en eût pas
relevé les erreurs dans ses Mémoires
sur Pétrarque ( F. Sade, XXXIX,
47 I ). Vellutello est l'éditeur d'une
comédie d'Aug. Puchi : / tre Tiran-
ni, Venise, i533 , in-4°. Il nous
apprend dans la préface que cette
pièce , composée à l'imitation des
meilleurs poètes grecs et latins , fut
représentée en présence de Charles-
Quint et de sa cour, aux fêtes de son
couronnement. On lui doit encore un
Commentaire sur la divine Comé-
die de Dante , Venise, i544, in-4". ;
réimprimé plusieurs fois , notamment
avec celui de Landino ( F. ce nom ),
ibid. , 1064, in -fol. On a cité _>
à l'art. Dante (T. X, 522), les
meilleures éditions de ce commen-
VEL gt
taire, dont les Italiens font beau-
coup de cas , et qui réellement est
fort utile pour pénétrer le sens de
plusieurs passages obscurs de ce fa-
meux poème. W — s.
V E L L U T I ( DoNATO ) , auteur
d'une célèbre Chronique de Florence,
naquit en cette ville le 16 juillet
i3i3.Ilétait d'une ancienne famille,
originaire d'un Gastello di Semifonte
dans le Valdelsa , détruit en 1202
par les Florentins , après une longue
guerre. Cette famille, qui, ainsi que
le reste de l'aristocratie , soutenait
sa noblesse par de grandes affaires
de commerce , fut une des premières
à construire un palais remarquable
sur la Via Maggio de Florence ; les
noms de la Fia dei Felluti et de la
Fia de' Fellutini attestent encore
en cette ville leur antique illustra-
tion. Le père de Donato , nomma
Lamberto , obligé de s'absenter sou-
vent pour ses aliaires ou pour celles
de l'état , confia la première éduca-
tion de son fils à quelques-unes de
ses parentes. L'enfant , âgé de dis
ans, fut un jour détourné et enlevé
par des voleurs , et conduit à Luc-
ques. Cette ville était alors en guerre
avec Florence , et gouvernée par Cas-
truccio Castracani auquel les ravis-
seurs remirent le jeune Donato. Mal-
gré les haines nationales , il subsis-
tait quelque amitié entre Castruccio
et les Velluti; le seigneur de Luc-
ques interrogea le jeune Donato , fut
charméde ses réponses, et lefitpromp-
tement ramener dans sa famille. En
1329, Donato, âgé de seize ans,
alla étudier à Bologne^ et après un
long séjour dans cette ville, étant
sur le point d'v recevoir le doctorat
en jurisprudence , il en partit sans
pouvoir se présenter pour ce grade ,
par suite de l'interdiction que le
Saint-Siège lança conti'c les Bolo-
9-2 VEL
nais. II alla continuer ses éludes du
Digeste à Careggi , 2)rès Florence ,
où il profita des leçons de Ugo Alto-
viti. De retour à Florence , il vécut
quelque temps très-retire' ; ensuite un
seigneur de ses parents le fit juge à
Colle, quoiqu'il n'eût point la quali-
té' de docteur. Donato se distingua
honorablement dans ces fonctions ,
et il y joignit l'enseignement des Ins-
titutes sur lesquelles il se chargea
d'ouvrir un cours public. Plus tard ,
il s'établit à Florence et y acquit une
grande considération comme juris-
consulte. Le duc d'Athènes , ayant
usurpé le pouvoir suprême , le plaça
le premier au nombre des Priori di
lïbertà , magistrature importante et
difficile à exercer en de pareils temps;
il le nomma également avocat des
pauvres. Mais Donato ne fréquentait
pas le palais du maître , et n'usait
de son crédit que pour d'utiles récla-
mations. Le duc fut chassé ; la cité
adopta de nouveaux, règlements , en-
tre autres sa division par quartiers,
conservée encore aujourd'hui , et qui
fut souvent d'une grande utilité poli-
tique ; le collège des Priori subit de
sages réformes ; et tous ces change-
ments furent eu grande partie l'ou-
vrage de Donato Velluti. Le reste de
sa vie fut partagé entre l'exercice
de sa profession de jurisconsulte ,
conseil ( savio ) d'une foule de gran-
des maisons , et la gestion de beau-
coup d'emplois. II fut gonfalouier
ou officier supérieur dans une partie
de la garde urbaine , et en i35o , il
devint gonfalouier de justice, dignité
du premier ordre. Son expérience et
son savoir le firent charger très-fré-
quemment de missions délicates, soit
pour traiter des intérêts de la répu-
blique avec les états voisins , soit
pour intervenir comme arbitre au
nom de la seigneurie de Florence
VEL
dans une uuiltitudc de querelles en-
tre dilïércntes villes ou entre des fa-
milles puissantes. Ces démêlés , tou-
jours renaissants, ne laissaient pas
manquer d'occupation les juristes
conciliateurs , mais ils les exposaient
souvent à d'assez grands dangers per-
sonnels; ils les détournaient d'ailleurs
des soins de leur clientèle ordinaire,
et leur coût aient de grandes dépenses.
Velluti , après avoir maintes fois
éprouvé ces inconvénients , éluda les
missions lointaines dont ou voulait
le charger , entre autres une ambas-
sade à Avignon auprès du pape ; des
douleurs de goutte le retenant chez
lui , il entreprit sa Chronique à l'âge
de cinquante-quatre aus , à l'aide
de ses papiers de famille et de
ses souvenirs. Trois ans après , il
mourut le !<=•■. juillet iS-jo, comme
il entrait de nouveau dans les fonc-
tions de gonfalouier de justice. Il
avait été marié deux fois et avait eu
quatre enfants de chaque union, dont
six fils. Ses descendants tinrent long-
temps un rang honorable à Florence,
et ont passé depuis à Naples. Les
IMémoires de Velluti restèrent iné-
dits jusqu'au dix-huitième siècle, et
les diverses copies qui s'en firent
furent prises sur un manuscrit en-
dommagé , altéré même à dessein
dans quelques passages par les scru-
pules de l'un des descendants de l'au-
teur, qui crut devoir effacer, entre au-
tres choses, une anecdote curieuse sur
la transmission héréditaire des ven-
geances personnelles dans les familles,
dont ces temps offraient beaucoup
d'exemples. Pendant le dix-septième
siècle ces Mémoires furent lus et men-
tionnés avec éloge par plusieurs des
savants qui rendirent tant de services
à la langue toscane , et ils furent dé-
clarés texte de ZangffeparlaCrusca.
Enfin Domin. Marie Manni , impri-
VEL
meut et critique célèbre, en publia une
édition très-soignée^ et adoptée com-
me faisant autorité , sous ce titre :
Cronica di Firenze di Donato Veilu-
ti , dair anno 1 3oo , in circa ,fino
al 1370, Florence, 173 1 , in -4°.
Manni donne , en tête de l'ouvrage ,
une Préface étendue et intéressante ,
et le fait suivre par un fragment
d'une autre Chronique de François di
Durante , dont il convient de dire ici
quelques mots. L'auteur, né en i323,
est resté peu connu ; mais ce frag-
ment est remarquable par un témoi-
gnage sur un usage singulier du cler-
gé à cette époque ; c'est une descrip-
tion du mariage spirituel contracté
par l'évêquede Florence à son avène-
ment, avec l'abbessede Saint-Pietro
Maggiore : il lui donnait un anneau ,
et couchait la nuit dans un lit somp-
tueux que les religieuses lui ollraient
dans leur monastère. De son côté , il
faisait présent à i'abbesse d'un che-
val avec son harnois. Pour revenir à
la Chronique de Vellnti^ il nous reste
à observer qu'elle offre surtout l'his-
toire des aieux de l'auteur et la
sienne propre ; mais que les princi-
paux événements historiques s'y
mêlent d'une manière très-intéres-
sante , relevés par le mérite et la
naïveté de ce style tant admiré des
Toscans dans leurs plus anciens mo-
numents littéraires. V — g — r.
VELLY ( Paul-François ) , his-
torien français , naquit à Crugny ,
près de Reims, le g avril 17 095 quel-
ques-uns disent 1711^ mais cette
seconde date est moins probable. Son
père avait exercé plusieurs profes-
sions ; on l'avait vu tour -à-tour ou à-
la-fois médecin , chirurgien , apothi-
caire , notaire , huissier et bailli. Le
jeune Velly fît ses études au collège de
Reims , que tenaient les Jésuites , et
entra dans leur société, en octobre
VEL
93
1726. On ignore en quelles villes ils
l'envoyèrent remplir les fonctions de
professeur , mais on sait qu'en déc.
1740 il quitta leur compagnie ,
non sans conserver cependant des re-
lations avec plusieurs d'entre eux.
Il fut même , quand il revint à Pa-
ris en 1741? employé dans leur
collège de Louis-le-Grand , en qua-
lité de précepteur. Pour se délasser
de ce service , et se mettre en état de
s'en affranchir un jour, il se livrait
à des études sérieuses , et se prépa-
rait à prendre place parmi les écri-
vains. H ne débuta pourtant dans
cette carrière qu'en 1703, par la
traduction ( i ) d'un opuscule satiri-
que de Swift ( F. XLV, 286 ) , sur
la guerre terminée en 17 13 parle
traité d'Utrecht. Les Jésuites s'em-
pressèrent d'annoncer cette version
dans leurs Mémoires de Trévoux
(déc. 1753 ) , en louèrent excessive-
ment le style, et déclarèrent que le
traducteur était capable de quelque
chose de mieux. En effet, l'abbé Velly
avait entrepris un bien plus grand ou-
vrage. On ne lisait presque plus les
histoires générales de la France rédi-
gées avant le milieu du xyii"**^. siè-
cle (2). On s'apercevait même que Mé-
zcrai(^. XXVIII , 5o8-5i i) s'était
souvent dispensé de remonter aux
sources de nos anciennes annales , et
on pouvait le regretter d'autant plus,
qu'il eût été fort capable d'y puiser
avec clairvoyance et discernement.
Daniel, tant prôné en 1713^ n'avait
déjà plus qu'un petit nombre de lec-
teurs: Longuerue et Voltaire avaient
signalé ses erreurs , accusé sa par-
iy) Le procès saTi< /in^ ou l'histoire de John BulL^
jiar le Hocteur Swift. A Londres, chez Nonrse ,
ijûî , 7.4^ psg^s in-i2.
(9.) Voyez, claus cette Biogr. iiriiv. les articles
Gaguin , Nicole Gilles, Paul-Lmile de Vérone,
Belleforest, J. de Seires, Du Haillun, Scip. Du-
pleiT.
94
VEL
tialitë : ou se plaignait encore plus
de !a négligence de sa diction, de la
monotonie de son style • et ces de'-
fauts choquaient ou rebutaient à tel
point, qu'on ne lui tenait point assez
comptedes recherches laborieuses par
lesquelles il avait, l'un des premiers,
porté quelque lumière dans l'histoire
si ténébreuse de la dynastie Méro-
vingienne. Les matériaux d'un corps
d'Annales, plus complet et plus exact,
vennientd'ètre fournis par dom Bou-
quet dans huit volumes du Recueil
de relations et de pièces originales ,
imprimés de i-ySSà i'j5'2. : on dut
croire que Velly avait exploité
une mine si féconde , lorsqu'on
le vit mettre au jour les deux
premiers tomes d'une nouvelle His-
toire de France , en 1755, l'année
même où une seconde édition de cel-
le de Daniel , augmentée par GrilFet,
commençait à paraître. Cependant
tous les règnes mérovingiens tenaient,
avec ceux de Pépin et de Charlemagne,
dans le i'^''. tome (in- 12) de Velly ,
et le second finissait à l'an îio8,
époque de la mort de Philippe I,
quatrième roi capétien. C'était beau-
coup de rapidité : ces deux volumes
essuyèrent des critiques, auxquelles
l'auteur répondit dans la préface du
troisième , où l'histoire est continuée
jusqu'à la mort de Philippe II ou
Auguste , en i^^S. Les trois suivants
ont pour matière les règnes de Louis
VIH , Saint-Louis, Philippe III et
Philippe- le-Bel. L'auteur travaillait
au huitième , il en avait rédigé les
'2i6 premières pages quand il mourut
d'un coup de sang , le 4 sept. 175g,
âgé, dit-on, de quarante-huit ans j
mais il faut dire cinquante , s'il était
né , comme on l'assure , le 9 avril
1 709. Il avait négligé le régime et les
précautions que lui conseillaient ses
amis , avertis par rextrêrae rougeur
VEL
de son visage des périls dont son
tempérament le menaçait. Sa gaîté
naturelle les lui dissimulait ; et son
ardeur pour le travail l'entraînait à
les affronter. Ceux qui le connais-
saient le regrettèrent vivement ; car
il était sensible à l'amitié , et ses
mœurs, aussi pures qu'aimables,
commandaient l'estime, en inspirant
l'affection. On ne sait pas de quelle
fortune il jouissait : on dit seulement
que les libraires Desaint et Saillant
lui payaient quinze cents francs par
volume de son histoire. Les huit
premiers tomes de cet ouvrage ont
eu, chez les mêmes libraires, une
seconde édition in- 12, eu 1761 et
1762. La troisième est en 1 5 volumes
in- 4°. , qui ont été publiés de 1770
à 1789, et qui comprennent les con-
tinuations, par Villaret, depuis la se-
conde année du règne de Phili])pe de
Valois , eu 1 3 29 , j usqu'à l'an 1 469 ,
sous Louis XI j et par Garnier(/^. ce
nom, XVI, 490), jusqu'en i554, sous
Charles IX. Ou y joint l'Avant-Clo-
visde Laureau , la Table de M. Ron-
donneau, une Collection de portraits,
en 8 vol. in-4°. , et un Atlas géogra-
phique, en 2 vol. in-fol. Les éditions
in-i 2 n'ont pas ces deux derniers ap-
pendices; mais lorsqu'elles compren-
nent tous les autres articles , le nom-
bre des volumes s'élève à trente-
cinq. Fantin des Odoards en a fait
vingt-six autres, destines à continuer
Garnier. Un plus estimable travail a
été entrepris, en 181 9, par M. Du-
fau , qui, reprenant l'histoire géné-
rale delà France à l'an i564, )'a
conduite jusqu'à la mort de Henri
IV, en 1610 (6 vol. in -12, outre
un tome d'Avant-Clovis ). Mais nous
revenons aux livres de Velly lui-mê-
me et aux jugements qui en ont été
portés. L'abbé Lebeuf ( Journ. de
Verdun^ 1755 et 1759) releva ri-
VEL
goureusement, et néanmoins sans mal-
veillance, quelques détails inexacts;
des noms de lieux, de personnes, de
dignités, mal écrits ou mal explique's.
Lebeuf était peu satisfaitdu plaidoyer,
assez étrange en efï'et , que l'auteur
avait composé en faveur de la reine
Bruncliant,et refusait de reconnaître
le nom de cette princesse dans celui
des anciennes chaussées qui traver-
sent des parties du royaume. Une
critique plusamère et bien moins jus-
te parut sous le titre de Lettre im-
portante ; elleroulait sur de jîréten-
dues fautes de chronologie, et sur la
qualification de patrice , attribuée à
Cliarlemagne. Les journalistes de
Trévoux (déc. i^SS ), tout en trai-
tant avec de grands égards leur an-
cien confrère , lui reprochèrent de
n'en avoir point assez montré pour
le clergé et pour les moines. Sa ré-
ponse à ces observations diverses ,
imprimée à la tète de son tome troi-
sième , est écrite avec humeur ; elle
n'est pas d'un très-bon goût. 11 eût été
plus honorable d'avouer naïvement
quelques erreurs aussi réelles que lé-
gères, et de se défendre avec modé-
ration sur d'autres articles très -sou-
tenables. Les expressions dont il s'e'-
tait servi en parlant de sainte Gene-
viève et de saint Germain, etl'uiage
qu'il avait fait, àplusieurs reprises, du
mot de destinée, provoquèrent (/oz/r-
n«Z de Verdun , i'y63)des réflexions
fort sévères, dont l'auteur était l'abbé
Jean-André Mignot, grand-chantre
d'Auxerre {Foj. ce nom, XXIX,
24 )• On se récria ensuite contre ce
qu'il disait , dans ses tomes m et iv ,
sur l'autorité des étals - généraux et
des parlements (3 ). D'une autre part,
(3) Lettre à Vahhê Velly sur les tnmes III et IV
de son Histoire de France , an sujet de l'autorité
des Etats et du droit du Parlement de vérifier les
édits, etc. (par le président KoUand, K, ce nom,
X.XXVIII , 474 ) , 23 pag. in-iï.
VEL 95
Nonnotte prétendit qu'il copiait l'^^-
sai sur les mœurs des nations , de
Voltaire, et qu'ayant un jour écrit à
ce poète, pour savoir à quelle source
était puisée certaine anecdote , il en
avait reçu cette réponse ; a Qu'im-
« porte qu'elle soit vraie ou faus-
» se ? Quand on écrit pour amu-
» série public, faut-il être si scru-
» puleux? » La vérité est que Vol-
taire n'a eu aucune correspon-
dance avec Velly. Celui-ci , d'ail-
leurs , s'il a quelquefois consulté l'Es-
sai sur les mœurs , était loin d'en
adopter aveuglément tous les récits :
il contredit, par exemple, celui qui
concei-ne les vêpres Siciliennes j et à
ce propos, il appelle Voltaire un
peintre inimitable en tout , mais
principalement dans les portraits
d'imagination , paroles qui ne sem-
blent pas destinées à louer ce grand
écrivain comme historien. De son
côté, Voltaire , en avouant qu'il y a
des morceaux bien faits dans Velly,
trouve qu'en général son style est au-
dessous de son sujet, et qu'il n'a
point assez profité de l'avantage d'ê-
tre venu le dernier, et d'avoir à sa
disposition plus de matériaux qu'au-
cun de ses prédécesseurs : il blâme
particulièrement un discours prêté
à Bondocdar ( Foj. Bibars ) , et
dans lequel ce Soudan parle des
nobles champs du dieu Mars.
De tous les juges de Velly , le
plus intraitable a été Mably, qui n'a
pas craint de s'exprimer en ces ter-
mes : « Il a voulu prendre une autre
» roule , rendre compte de nos lois
» et peindre nos mœurs j mais il a
» tout confondu par ignorance. Il
» attribue à la première race des
» usages qui n'appartiennent visible-
» ment qu'à la troisième : son his-
» toire est un chaos, où tout est jeté,
» mêlé , confondu sans règle et sans
96
VEL
» critique; en uii mot, je vois un
» historien qui s'est rais aux gages
» d'un libraire, et dont la stérile
» abondance fait la licbesse. » Palis-
sot le trouve au contraire fort éclai-
re'; mais il renouvelle contre lui les
plaintes des rédacteurs du Journal
de Trévoux. Un plus savant critique
l'a, dans cette Biographie même
( XVI , 490 ) 7 déclaré superficiel,
en lui accordant toutefois de l'esprit
et du goût. Nous croyons devoir aus-
si des éloges à son talent, à la clar-
té, à la douceur et même à l'élégance
de sa diction. Il a rendu notre his-
toire plus lisible , quoique sou style
manque ordinairement d'énergie , et
que les couleurs n'en soient jamais
bien vives. Il règne quelque monoto-
nie dans les tours; et l'on pourrait
reprendre çàetlà des expressions ou-
trées ou fausses. Le fond de l'ouvra-
ge n'est pas sans mérite , et suppose
au moins quelque travail : l'auteur re-
dresse Baiilet, critique Rapiu Thoy-
ras , et le contredit im peu trop ,
selon Voltaire ; il corrige Daniel^ et
donne des conseils à son éditeur
Griifet; il prolite des ouvrages mo-
dernes , de {'Esprit des lois, de l'^^-
sai sur les mœurs des nations, et
surtout des Mémoires de l'académie
des inscriptions et belles-lettres: mais
on est forcé d'avouer que son érudi-
tion et sa critique sont presque tou-
jours d'emprunt : ce n'est pas sans
raison que Meusel et d'autres étran-
gers lui reprochent d'avoir trop né-
gligé les sources. Il y avait plus de
parti à tirer de la collection de dom
Bouquet : nous en avons aujourd'hui
des preuves bien sensibles dans les
trois premiers volumes de l'Histoire
des Français, par M. de Sismondi,
et dans les annales dii moyen âge
( jusqu'en 8 1 4 ) , publiée en 1 8^5 , ;i
Dijon (8 vol. in-80. , parM.Frantin).
VEL
Velly n'avait point fait assez de re-
cherches pour éviter les omissions et
les erreurs : faute d'études, il est res-
té quelquefois plus crédule qu'il n'a-
vait envie de l'être. On devrait lui sa-
voir beaucoup de gré du soin qu'il a
pris de retracer les origines, les ins-
titutions , les mœurs, s'il régnait un
peu plus d'exactitude , de précision
et de méthode dans ces importantes
parties de son ouvrage. I>iais nous
n'aurons aucune sorte de restriction
à mettre aux éloges que méritent la
droiture de ses intentions , sa véraci-
té , sa franchise; il dit toujours ce
qu'il croit vrai; il n'omet que ce
qu'il ignore , et n'altère que ce qu'il
sait mal. Ses récits ne sont dominés,
déterminés d'avance par aucun sys-
tème; et s'il n'a point les avantages
de la véritable et profonde science ,
il n'a pas les travers de la fausse.
Peut-être ne possédons-nous rien en-
core qui puisse remplacer , pour le
plus grand nombre des lecteurs , ceux
de ses volumes qui concernent les
premiers rois capétiens jusqu'à Char-
les IV inclusivement. Foj. des No-
tices sur Velly dans V Année litté-
raire, 1760, t. m, p. aSg ; à la
fin du S"^"^. tome de la Bibliothèque
historique delà France, p. cv ;
les Observations de Gaillard sur
l'Hist, de France de Velly , Villaret
et Garnier, etc. D — n — u.
VELSER. roy. V^ELSER.
VELTHEIM ( Auguste - Ferdi-
nand, comte de), membre de la so-
ciété royale de Londres et de
celle de Helmstadt , naquit, le 18
septembre 1741 -, an château de
Harbk dans le duché de Magde-
bourg. Comme il avait de bonne
heure annoncé des dispositions pour
l'étude de la minéralogie, ses parents
lui firent faire, pendant deux ans, un
cours de cette science , à l'université
VEL
de Helmstadt; et en 1 762 , ayant été
placé à la chambre des finances du
duc de Briaiswick , il lit , avec son
père, un voyage en Allemagne, pour
visiter les mines et les salines. A son
retour , en 1 766 , il fut nommé sous-
inspecteur des mines, dans le Hartz
(i). C'est en remplissant avec zc!e
les fonctions de cette place qu'il écri-
vit : I. Son Traité de Minéralogie ,
publié depuis à Brunswick, 1781 ,
in -fol. En 177C), alfligé par la mort
de son épouse , il quitta sa place pour
se retirer dans ses terres. Depuis il
racontait souvent avec attendrisse-
ment, qu'une collection très.-précicuse
de minéraux lui ayant été offerte
pour soiî cabinet, mais que ses moyens
ne lui ayant pas permis alors d'enfai-
re l'acquisition , son épouse lui avait
donné ses bijoux, et ne lui avait
point laisse de repos qu'il ne les eût
vendus , pour pouvoir payer cette
collection. Le duc de Brunswick lui
proposa une place de ministre à son
conseil ; et en 1 790 , l'impératrice
Catherine le nomma inspecteur-géné-
ral des mines et salines de la Russie,
en Europe et en Asie. A ces oiïics
séduisantes , il ])référa la vie Iran-
quillequ'ilmcnaitàHarbkeetfit,pour
ses domaines : II. Des Règlements
contre les incendies , publiés à Helm-
stadt , 1794 1 iii-4"> 0" ïcs cite com-
me des modèles de sagesse sur cet
objet. Son père avait commencé à
établir le grand parc de Harbke, qu'il
planta d'arbres étrangers. Le fils
l'augmenta ; et ce parc devint la
pépinière de l'Allemagne. Il en pu-
blia la description , sous ce ti-
tre : III. Pépinière d'arbres fo~
(i) Ce territoire muiita^iieiix, couvert d'iiniucn-
ses forcis, contient des mines d'argent , delVr, df
«uivrc, de plomb, de- zinc, de suiil're et de vi-
triol. Ses liahitanls, au nombre de cinquante mil-
le, sont tous cinj)loyes ù leur eX|)loitaliou.
XLVIII.
VEL
97
restiers , tirés en grande partie de
l'Amérique Septentrionale et d'au-
tres contrées , plantés dans le
parc de Harhke, Brunswick, 1795,
i"^'-. vol. de la •i<^. édit. , in 8"., avec
planches. Les deux derniers volumes
jiarurent en 1800, Chaque espère
d'arbres avait son carré, qui portait
le nom d'une province d'Amérique.
Ou y trouvait le Canada, la t lori-
de , la Virginie, etc. La montagne
appelée le iiè«« possédait des cèdres
de la plus grande beauté, lis ont été
détruits pendant un hiver rigou-
reux. Ce beau parc, ouvert au pu-
blic , est la promenade des habitants
de Helmstadt. En 1798 , Veltheim
fut arraché à ses paisibles occupa-
tions, ayant été nommé député du
duché de Magdebourg , pour aller
prêter foi et hommage eutre les mains
de Frédéric -Guillaume III, qui i'é-
leva au rang de comte. Dans ses der-
nières années, il recherchait surtout
la conversation d'un ami, qui par-
tageait avec lui ses études archcu-
logiqucs. Il lui permit de traduire
en français : IV. Son petit Traité sur
le vase de Barberini ou de Pvrt-
land, qu'il avait publié, en allemand,
Helmstadt, 1791, in - 8". La tra-
duction française parut, avec des no-
tes savantes , aussi à Helmstadt ,
180 r. Le château de Harbke était
un point de réimion pour les étran-
gers , et surtout pour les professeurs
de l'université de Helmstadt, qui y
trouvaient une bibliothèque nombreu-
se et choisie , un cabinet de minéraux,
et de fossiles , des collections de ta-
bleaux , de gravures , etc. Ennemi
des spéculations métaphysiques ,
Veltheim parlait avec dédain de la
philosophie de Kant, qui, selon lui ,
n'est autre c'iosc (|u'un recueil de so-
phismes maladroitement enchaînés.
11 avait applaudi avec enthousiasme
7
9H VEL
aux commeuceiuents de la rcvoiu-
tiou française 5 mais les violences des
5 et 6 octobre 1789 le ietèreiit dans
une autre extrejiiité • et dej)iiis ce mo-
meut il montra la plus forte répu-
gnance , non - seulement pour ce qui
se passait en France, mais encore
pour tous les Français en gênerai. 11
ne trouvait point contre eux d'ex-
pi-essions de haine et de dédain assez
véliémejites. Dans cette disposition ,
il publia : V. Lettres sur les manu-
factures où l'on écrit les livres à la
mode , sur les orateurs de la j évo-
lution et sur les néologues , Helm-
stadt, 1 793. VeUheim sepermit,daus
ces Lettres , les personnalités les
plus inconvenantes contre ses anciens
amis , Mauvillon et Campe. Elles re-
parurent depuis, dans le Recueil de
ses OEuvres. Campe, un peu plus
ménage' , n'y était représenté que
comme un puriste plus ridicule que
dangereux. La géologie était l'étude
favorite de Veltheim. Il avait conçu
le plan d'un grand ouvrage sur la
Formation de la superjîcie de la
terre dans ses temps primitifs. Il
n'en a publié qu'un morceau, sous ce
titre : VI. Formation du basalte et
ancien état des montagnes en Al-
lemagne. Ce petit traité a eu un grand
nombre d'éditions , ainsi que les deux
suivants. VIT. Défauts que Von
pourrait éviter dans les forges de fer
en Allemagne. VIII. Réform es dans
la mme'raZi'g/e , Helmstadt , 1793.
IX. Sur la méthode des anciens
pour liquéfier les minéraux et sur
celle qu^ employa A nnib al pour fon-
dre les roches des Alpes. %. Sur les
Pases murrhins ou f^asa murrhina,
1791 , ia-8". Il croit que ces vases
sont faits avec une pierre particuliè-
re à la Chine. XI. Des montagnes
de Ctésias qui produisent l'onjx, et
du commerce des anciens dans les
VEL
Indes Orientales, Helmstadt , 1 79 f ,
in-8". Il pi'étend qu'on doit chercher
ces montagnes au - delà de l'Iuile.
XII. Sur la statue de Memnon, l'é-
meraude de Néron, et sur la métho-
de des anciens pour tailler la pierre
et /e -yerre, Helmstadt, 1793, in-S".
mu. Sur r Uf drophane des moder-
nes et sur le Pantarhas des anciens.
L'étude de l'histoire était un délasse-
ment pour Veltheim. Il a publié, sur
l'histoire moderne : XIV. Anecdo-
tes sur la cour de France , en par-
ticulier dans les temps de Louis
XIV et du régent, tirées des Let-
tres de la princesse Charlotte - Eli-
sabeth, veuve de Philippe I"'., duc
d' Orléans, Strasbourg etBrunswick,
3*^. édit. , 1795, in-80. Le petit traité
suivant eut une grande vogue : XV.
Sur la défense d' exporteries grains
hors du duché de Magdebourg. Les
OEuvres réunies de Veltheim paru-
rent sous le titre de Recueil de
Traités historiques , archéologi-
ques et minéralogiques , Helmstadt ,
2 vol. gr. in -8". L'auteur vécut
encore assez pour jouir de la fa-
veur avec laquelle le public accueil-
lit cette Collection , faite avec autant
de soin que de jugement. Quoique
Veltheim sût parfaitement les lan-
gues savantes , il n'a écrit qu'en alle-
mand. Il mourut à Bl•uns^vick , le •*.
octobre 1801. L'oi'dre qu'il avait in-
troduit dans l'administration de ses
biens, et sa manière de vivre, !e
mettaient en état do sou'ager .".es
amis , qui n'invoquaient jamais on
vain son secours , et de fonder des
établissements de charité dans ses
domaines. Il bLàmait vivement les
excès auxquels la démocratie s'aban-
donnait en France contre la reli-
gion et les objets extéi'ieurs de son
culte. Cependant on ne le voyait ja-
mais dans les assemblées du culte ré-
VEL
VEL
Bd'
formé, auquel il appartenait; et l'on partibns , Roterod. , Leers , 1680,
croit que .sa religion persoiinellc n'e'- in - 4°. ï)e ces deux parties, la prê-
tait qu'uu scepticisme absolu. lient mièrecontient neuf ouvrages, savoir:
d'une seconde épouse quatre fils, à 1°. un Traité de. la justice clicine et
l'aîne desquels il donna le nom de liumaine; 2°. une Dissertation sur
Roger, en mémoire de Roger de Velt- Vusage de la raison dans les con-
îieim , qui, au commencement du troi^erses et questions théologiques,
douzième siècle, fut archevêque de et principalement dans l'interpré-
Magdebourg. G — y. tation de la sainte Ecriture j 3''.
VELTHUYSEN (Lambert)^ en un Traité moral sur la pudeur na-
îatin Felthusius , théologien protes- turelle et la dignité humaine ; 4°-
tant, ué à Ulrecht en i()oi, y étu- Doctrine sur la grâce et la prédes-
Ai3L , avec un succès éclatant, la phi- tination, d'après une nouvelle mé-
losophic, la théologie et la médecine, thode j S^». Devoirs du pasteur,
et pratiqua quelque temps cette der- etc. j Q'-'. Traité de l'idolâtrie et de
nièi'e scieccc; mais il paraît qu'il y la superstition (ces deux ouvrages,
renonça de bonne heure pourse livrer originairement écrits en hollandais ,
exclusivement aux spéculations de la y sont traduits *:n latin) ; -y». Exa-
théologie et de la métaphysique. Il de- men de cette question : Est-il per-
vint le plus savant coniroversistccar- 7nis à un prince chrétien de tolérer
tésien de la Hollande. Ses concitoyens le moindre mal dans ses états (trad.
relevèrent à plusieurs dignités im- àv\\\o\\. tïil^i.);^^. Traité des ar-
portantes de la magistrature j et en ticles fondamentaux de la foi chré'
1 658 , il fut député par les chefs de tienne; 9'\ Essai de rétorsion de
la ville aux assemblées ecclésiasti- l'accusation calomnieuse intentée à
ques. Le zèle avec lequel il défendit V auteur contre l'accusateur, j^a sc-
ieurs droits et la ténacité qu'il mit à conde ne comprend que les six ou
empêcher que rien n'eût lieu, dans sept écrits suivants : \°. De l'origine
l'assemblée, contre la police cxtérieu- de la philosophie , diaprés les bases
re et les intérêts de l'état , lui firent de Descartes ^ avec un appendice
beaucoup d'ennemis. Ne pouvant ac- sur Dieu et Vame; i''^. Dissertation^
cuser sa conduite , ils attaquèrent ses en forme de lettre^ sur les principes
écrits, et déférèrent, comme im- du juste et du beau; 3". Disserta-
pies , hétérodoxes et subversifs de tion sur le Jini et l infini , etc.; 4°'
toute discipline ecclésiastique, plu- Démonstration du repos du soleil
sieurspassages d'un livre sur le devoir et du mouvement de la terre , pour
des pasteurs. Ces tracasseries, dans Descartes contre Jean Dubois ; 5°.
lesquelles i! eatpoiirantagonistelecé- deux Traités medico - physiques ,
lèbre V(jët,n'amcuèrentd'autre résul- l'un sur le Foie , l'autre sur la Gé-
tatque la destitution de Velthuysen, nération; G". Traité du culte natU"
en i(i74. 11 mourut àXJlrecht, en rel et de V origine de la mortalité ^
i685 , âgé de soixante - trois ans. Tl etc. La plupart de ces ouvrages
avait publié, cinq ans auparavant, avaient été publiés auparavant, par
à Rotterdam, une édition complète exemple, les Traités me ddco-vhysi-
de >cs OEuvres , dédiée à son frère ques à Ulrecht, iGS-j, ivt-i2j I3,
VVenier Velthuysen, et intitulée: Dissertation sur l'usage de, la
Lamb.Vclthusii Opéra omnia duab. raison, ibid. , 1668, in-i^ ; le
f BIBLiOTl JfCA j
100 VEL
Traité de la pudeur , etc., ibid.
lô'^ô, in- 4°. t)ans tous ces écrits,
l'auteur déploie une e'ruditiou im-
mcuse , un grand sens , une modéra-
tion rare et un amour de la vérité
aussi admirable que peu commun.
Il est fâcheux que sa méthode ne soit
pas plus nette cl plus constante- son
style, trop souvent prolixe et lourd ,
rebute pi us qu'il n'intéresse. Yclthuy-
sen prend la défense de Descartes , et
laisse voir partout des opinions cal-
quées sur celles de ce grand homme.
Cette similitude est visible dans les
livres sur le Beau et le Juste,
imitation du Citoyen de Hobbes ,
mais dans laquelle il s'éloigne des
corollaires sombres et désolants
du politique anglais, et substitue
à sou pessimisme égoïste des prin-
cipes plus conformes au vrai et au
bon. Il faut convenir néanmoins que
la lecture de celte imitation ne laisse
pas dans l'esprit des idées lumineuses
et précises. Les Traités sur l'usage de
la raison, sur la grâce et sur l'i-
dolâtrie, méritent d'être consultés.
L'examen de cette question : « Un
prince peut -il légitimement, etc.
( /^oyez ci-dessus ) «est un para-
doxe audacieux , traité avec talent.
LeTraité de la pudeur contient d'ex-
cellentes choses; c'est le plus détaillé
et le plus méthodiquede tous . 11 y pas-
se en revue toutes les infractions qu'il
est possible de faire à cette loi natu-
relle : la séduction , la fornication ,
l'adultère, la polygamie, le divorce;
parle du mariage avec grandeur et
autorité , et discute le problème des
vœux du célibat. Toutes ces par-
ties se lisent avec plaisir : c'est
. une grande idée que d'avoir uni
dans le titre, comme elles le sont
dans la réalité, la pudeur et la di-
gnité humaine, dont celle venu est
le plus bel apanage. Aucun des ou-
VEL
vrages de Yelthuysen n'a été traduit
en français. Ou trouve un Éloge de
cet auteur dans Gaspard Burmann,
Trajeclum eruditum. P — ot.
YELTWYCK ( Gérard ) , orien-
tabste et homme d'état, était né,
vers la lin du quinzième siècle, à Ra-
vestein, ou, selon d'autres, à Utrecht,
d'une famille d'origine juive. Ayant
terminé ses études d'une manière
brillante, il se consacra d'abord à
l'enseignement, et devint, en iS'jS,
recteur des écoles de Louvain. L'em-
pereiir Charles - Quint , instruit du
mérite et de la capacité de Yeltw yck
pour les affaires , le fit l'un de ses
conseillers , et lui confia diverses né-
gociations , dont il s'acquitta très-
bien. ISonimé, en i545, ambassa-
deur près de Soliman , il conduisit à
Constanlinople Hugues Favoli, qui
se trouvait alors à Ycuise, et qui dé-
crivit ce voyage en vers latins ( F.
Favolt , XlY, li 1 9 ). On a la Haran-
gue de Yeltwyck à Soliman , et la re-
lation de son ambassade, dans une
Lettre qu'il adressa de Constantinopls
au chancelier Nicol. de Grauvelle(/'^.
ce nom ). Ces deux pièces sont impri-
mées dans les recueils du temps. Eu
i549, il fut nommé trésorier de l'or-
dre delà Toison-d'Or, et il mourut à
Yienneen 1 555. L'étude approfondie
qu'il avait faite de l'hébreu et du chal-
daïque a contribué beaucoup à étendre
sa l'cputation en Europe. On a de lui
lui poème eu vers hébreux : Schéfilé
tohii , c'est-à-dire, les Sentiers du
désert, Yenise , BomLerg , iSSg,
in-4°. C'est une critique des rites ju-
daïques , dont l'auteur fait voir la
futilité. Le Catalogue de la biblio-
thèque de Leyde lui attribue encoie
un autre ouvrage intitulé : Derech
emnua , c'est-à-dire, le Chemin
de la foi, Padoue, i5(J3, in-4'^.
W- s
.VEN
VENANCE (Jean -François
DOUGADOS, plus connu sous le
uomde ), capucin, est le seul peut-
êlre des enfants de saint François
qui se soit adonne' avec succès à la
poésie. Il naquit à Carcassonne, le ï'.i.
août 1763, de parents obscurs, et
vivant de leur travail : mais rintelli-
gence et la vivacité d'esprit qu'il
manifesta dès son enfance lui atti-
rèrent la bienveillance d'un militaire
distingue , qui prit soin de son édu-
cation. Il lui en te'moigna depuis sa
reconnaissance en adressant la plus
considérable de ses compositions à
la fille de cet homme généreux. M.
de Puységur , alors évêque de Car-
cassonne, et depuis archevêque de
Bourges , lui permit d'embrasser l'é-
tat ecclésiastique 5 mais le goût dé-
cidé qu'il avait pour la poésie le
porta à se jeter dans un cloître , oij
il espérait trouver plus de loisir pour
s'y livrer sans distraction. Il se pré-
senta chez les capucins , et fut envoyé
d'abord à Bcziers, où il composa
quelques Cantiques, et ensuite à Tou-
louse , où il se trouva sous la direc-
tion du fameux Chabot, avec lequel il
se ])rouilla bientôt, et dont la haiiie
jalouse a été regardée comme une
des principales causes de sa mort. De
là , il passa à Rhodcz, portant alors
le titre de capucin clerc étudiant y
et en 1 785 , i! résidait au couvent de
Notre-Dame d Orient, dans le diocèse
de Vabrcs. C'est là qu'il composa son
Voyage poétique , qui , publié sous le
titre de la Quête du blc , commença
à le faire connaître. Son Élégie sur
l'ennui, envoyée, en i'jHB , au
concours des jeux floraux , lui valut
l'honneur d'être agrégé au musée de
Toulouse, et à plusieurs autres aca-
démies. Cette dernière pièce fut insé-
rée dans le Journal géne'ral de
France. La réputation naissante de
VEN lor
l'auteur fixa l'attention de M. de Bal-
lamvilliers, intendant de Languedoc^
qui l'appela à Montpellier. Là , il
adressa à l'épouse de ce magistrat
une pièce de vers très-agréables , in-
titulée : la Feillée. M. de Cambis ,
commandant de la province, s'in-
téressa pour lui aujirès du cardi-
nal de Bernis , son parent , et obtint
la sécularisation du jeune poète, qui
n'était pas encore engagé dans les
ordres sacrés. Devenu libre , il alla
à Nice _, auprès de M'"e. de Lubo-
mlrska , qui lui donna une pension
de mille écus , avec le titre de son
secrétaire. Mais il la quitta bientôt
pour rentrer en France, où la révo-
lution venait d'éclater; il en embrassa
les principes avec chaleur , et vint
d'abord à Snrèze , puis à Perpi-
gnan , où il fut nommé professeur
d'éloquence. Il prononça, en cette
qualité, l'éîoge funèbre de Mirabeau.
Peu après , la guerre s'étant déclarée
entre la France et i'E; pagne, il prit
les armes, et parvint au grade d'ad-
judant-général. Envoyé à Paris, pour
exposer le dénuement de l'armée^ il
s'y trouvait lors du 3[ mai 1793. Il
favorisa l'évasion de plusieurs Gi-
rondins , entre autres , de Birotcan ,
député des Pvréiiées-Orientales à la
Convention , qui depuis périt à Bor-
deaux. Celte action généreuse ne pou-
vait être pard'^nuée par les hunnnes
qui dominaient alors. 11 fut arrêté,
par orJre du Comité de salut public,
à Perpignan, où il était retourîié,
conduit à Paris , et livré au trdjunal
révolutionnaire, qui le condamna à
mort. Il fut exécuté le \i janvier
i794i n'ayant pas encore accompli
sa trentième année. Malheureux jeime
homme, qui, comme tant d'autres ,
abandonna la carrière paisible des
lettres, où l'attendait la gloire, pour
aller chercher une mort cruelle ait.
I02 YEN
milieu des orages I Ses OEiwres out
c'ic recueillies et publiées au pro-
fit, de sa mère , par M. Aug. de
La Bouisse , 1810, i vol. in-iS.
'L'Ennui et la Quête du blé sont les
pièces les plus distinguées de ce Re-
cueil. Cette dernière avait été' impri-
mée en 1786. En 1808^ un M. de
F. . • , eu réclama la propriété com-
me auteur , et alla même jusqu'à sou-
tenir que Venance était un être ima-
ginaire. L'éditeur a établi , sans ré-
plique, et l'existence et les droits de
celm-ci. Aux preuves qu'il a données,
l'auteur de cet article peut joindre
son témoignage particulier. Il at-
teste qu'il a connu Veuauce à Mont-
pellier, en i'j88 ; que, dès cette
époque, il a eu en son pouvoir
une copie manuscrite de la Quête ,
et que Venance en était rèconim
comme l'auteur , sans réclamation.
« Ces poésies , dit un critique dislin-
» gué (M. Auger , Journ. de l'Emp.
» du 16 sept. 18 1 9.) , ont peu de va-
'» riété dans les idées et de poésie
» dans l'expression , mais inie mé-
» lancobe douce et une négliçrence
» qui n est pas sans charme. » A la
suite des poésies , on trouve des ré-
flexions écrites y)ar l'auteur, pendant
qu'on le transférait à Paris. On y le-
marquc de la clialeur et une piquante
ironie. S — FxD.
VENANCE. F. Fortunat. .
VENCE ( Henri-François de ) ,
l'un des meilleurs commentateurs de
la Bible , était né vers iG'^G , à
Pareid en Voivre , dans le Barrois.
Après avoir fait d'excellentes élu-
des, il embrassa l'état ecclésiastique
et prit ses degrés en Sorbonne.
Nommé précepteur des jeunes prin-
" ces de Lorraine , il remplit ce pos •
te important de manière à se con-
cilier l'eslime de ses augustes élèves ;
et en récompense de ses soins , il ob-
VEN
tjnt la prévôté de l'église primatiafc
de Nanci. S'étant chargé de surveil-
ler l'édition de la Bible du P. de
Carrières ( V. ce noUt ) , qui fut im-
primée à Nanci , de i']38 à 1743,
en 2:i vol. in- 12 , l'abbé de Vence
y ajouta six volumes à' Analyses et
de Dissertations sur les livres de
l'Ancien-Testament , et deux volu-
mes à'Analjsss ou explications des
Psaumes. Il s'occupait de revoir et
de perfectionner ce travail , quand il
mourut à Nanci , le i'^'". novembre
1749'. ■'' l'âge de soixante- treize ans.
Dom Calmct , dont il a souvent
combattu les opinions, dit qu'il joi-
gnait à une vaste érudition une criti-
que sage et lumineuse. Les éditions
de la Bible publiées par Rondet {V.
ce nom , XXXVIII , 55o ) , renfer-
ment quelques-unes des Dissertations
de l'abbé de Vence. Dans l'édition
d'Avignon, 17G7-73, 17 vol. in-4°. ^
connue aussi sous le nom de Bille
de Fence , on trouve de lui , tome
I".: Dissertations sur la révélation
et l'inspiration des livres sacrés; sur
la canouicité des livres saints ; —
tome VIII : Analyse du Cantique dès
Cantiques selon ie sens spirituel ; —
tome XVII : Dissertation où l'on exa-
mine ce que l'on doit entendre par
le canon des anciennes écritures j
Dissertation où l'on examine si
Esdras est l'inventeur des points qui
servent de voyelles dans l'hébreu ;
et si l'on doit lui attribuer la Massore,
et ce qu'on appelle la Cabale. Dom
Calmet nous apprend que l'abbé de
Vence a publié des Remarques sur
quelques endroits du Dictionnaire
de Trévoux , brochure de sept pa-
ges : mais il n'en indique ni la date,
la !e format; et malgré toutes les
i-echei'cLes que nous avons faites, nous
ii'avous pu découvrir cet opuscule.
W— s.
YEN
YENCESIiAS P'-. ( Saint ) , duc
de Boliême , naquit , en gcy , du duc
\rati.sîas et de la princesse Dralio-
niire. Sa inè»e étant païenne , sainte
Ludmille, son aïeule, pria le père
ne lui confier son petit-fils, afin de
l'elevor dans la religion chrétienne.
Elle mit le jeune prince au collège de
Budecz , où il se rendit habile dans
les sciences et dans les exercices qui
convenaient à son illustre naissance.
Fidèle aux iustructions qu'il recevait
de son aïeule , il chercha surtout à
acque'rir les connaissances qui font
le véritable chrétien. 11 e'vitait soi-
gneusement tout ce qui aurait pu
ternir la plus belle des vertus. Il n'a-
vait que treize ans lorsque la mort
lui enleva son père , en 9^0. Draho-
mire, s'ètant emparée de la régence,
commença par redemander Vences-
las à Ludmille; elle craignait que sa
belle mère, en gardant près d'elle
l'héritier du duché , ne cherchât à
prendre de l'autorité, et qu'elle ne mît
obstacle aux desseins qu'elle-même
avait formés, Ludmille rendit ce pré-
cieux dépôt , et se retira àTétin , que
Borzivoy, son époux, lui avait assigné
pour douaire. Là elle se préparait à
la mort , prévoyant que sa belle-
filie ne tarderait pas à la sacrifier.
En effet, doux assassins, envoyés par
Drahomire , pénétrèrent de nuit dans
la chambre de la sainte veuve. Lud-
mille leur lit de douces , mais inutiles
représentations : l'ayant arrachée de
son ht , ils lui accordèrent , sur ses
instances , quelques moments pour
offiir sa mort à Dieu ; mais ils lui
refusèrent la grâce qu'elle deman-
dait de ])érir par le glaive , à
l'exemple des anciens martyrs ; ils
pendirent la princesse dans sa cham-
bre (t). Drahomire, n'étant plus re-
VEN
io3
(0 Oode^i-ard [.la
:U SliulP l.wl-
tenue par aucun frein, fil e'clatei-
une fureur barbare contre les Chré-
tiens. D'après ses ordres , los églises
furent abattues , et l'exercice public
de la religion chrétienne jirohibé.
Cette princesse révoqua les lois que
Borzivoy et Vratislas avaient pointées
en faveur du christianisme ; les ma-
gistrats qui le professaient furent des-
titués, et leursfonctions confiées à des
païens. Plusieurs Chrétiens , connus
parleur attachement cà la religion do
Jésus-Christ, furent massacrés. Mais
Venceslas ayant atteint , en 9^5^ sa
dix-huitième année , fit assembler
les principaux seigneurs de la Bo-
hême, auxquels il déclara qu'il vou-
lait gouverner par lui-même et por-
ter remède aux maux qui affligeaient
ses états. Drahomire avait ses par-
tisans- ils se soulevèrent. Venceslas,
les ayant soumis, invita sa mère à se
retirer à Luczko, aujourd'hui Saatz,
qui appartenait à la princesse , et
l'assura qu'après avoir l'établi l'or-
dre et la tranquillité, il la ferait
revenir avec les honneurs dus à son
rang. Venceslas ayant ainsi obtenu
la paix dans son intérieur , donna
tous ses soins aux affaires du gouver-
nement. Aussitôt les prêtres exile's
furent l'endus à leurs fonctions, le
christianisme cessa d'être persécuté,
les gibets furent détruits ; enfin toute
la vie de ce prince ne fut qu'un en-
chaînement de vertus , et personne
ne fut puni de mort pendant toute la
durée de son règne. Il envoyait sou-
vent au marché pour faire acheter à
ses frais les enfants et les jeunes
païens que l'on y exposait en vente
selon les mœurs barbares de ce
temps , et il les faisait baptiser et
mille plus tarr] et dans d'.mfrps ciroonstauces. Le
récit que uoiis donnons s'accorde niioux avec îrs
Tiils lilsloriqiirs de cette e'pnqne, /'. onirc aiilrrs
VHnInirr (/:,„nnlr^,ji,r H, liolu-mr , en .il!rm;.n.i ,
r^r i'nbitxlika.
îo4 VEN
élever cîire'ticnnemcnî. Il cultivait
lui-nu'me à Mielnick une vif:^p qui
.Tv.iit apparteun à sainte Ludmille, et
il en faisait !c vin pour la messe que
]'on célébrait dans sa chapelle. Il
préparait aussi de ses maius le pain
pour la consécration. Le corps de
.sainte Ludmille avait cte enseveli à
Te'tin, cil les fidèles se rendaient de
toutes parts pour honorer son tom-
beau. \ Cnceslas l'envovacherclicr^et
il alla lui-mcmcau devant de cette re-
lique , qui fut portée en procession à
Prague , et dc'pose'e dans l'église de
vSarnt-tàcorf^es .près du duc A'ratislas ,
fils de la sainte. L'e'vèque de Ratis-
bonne, dans la juridiction duquel se
trouvait alors la ville de Prague, y
rnvoyn son evêque siilfragant , qui
consacra l'église, et fit la déposition
du corps. Depuis cinq ans , Ven-
ces!as était orcupc à rétablir l'ordre
en liohcme, lorsqn'en pjo il s'éleva
des nu.igr-s entre Henri I*^'"..cmpe-
rcurd'Aiiemagne, etiui.ll paraît que
ces dine'rends tenaient au tribut que
les empereurs d'Allemagne avaient
impose aux Bohémiens et que dans
ces temps de trouble on avait négli-
ge d'aeqiiitter. Les chroniques di-
.sent que Henri porta la guerre en
Bohême; mais elles ne donnent au-
cun détail. 11 paraît que Vcnces-
las , depuis cette époque , aida
l'empereur Henri dans les guerres
qu'il eut.i soutenir contre les Saxons,
ies Hongrois et les peuples Slaves,
et qu'en plusieurs rencontres , en-
tre autres à Mersehourg, il soutint
la gloire de ses armes. C'est proba-
blement en 935 qu'il assista à la
diète que l'empereur avait convoquée
à hrfurt , et c'est là , selon quelques
chroniques , que l'empereur lui con-
féra le titre de roi , avec permission
de mettre une aigle dans ses armes.
Ce fut peu de temps après son re-
VEN
totir d'Erfurt, que Venceslas pe'rit
delà manière la plus funeste. Il avait
eu la faiblesse de rappeler Draho-
mire, et de concert ajec cette mé-
chante femme, son frère Boleslas
avait invité le prince à venir à Buntz-
laUj pour célébrer avec lui la fête
de samt Côme et de saint Damien,
dans l'église consacrée en leur hon-
neur. \enceslas y alla malgré tous
les avertissements qui lui furent don-
nés. Après la messe, Podevin, un des
seigneurs qui l'accompagnaient, le
pressa encore de monter à cheval et
de s'échapper. Veiueslas refusa obs-
tinément; et le lendemain, de grand
matin , il se rendit à l'église pour y
faire sa prière. Boleslas, qui le sui-
vait, fit fermer les portes, se je-
ta sur son frère , et lui porta deux
coups d'épée. Venceslas le désarma ,
et l'ayant terrasse , il lui rendit
généreusement son épéc , disant
qu'il lui donnait la vie. Boleslas
appela aussitôt ses compilées j et
tous fondirent sur le malheureux
Venceslas, qui fut traîne hors de
l'église , et assassiné devant îa porte.
C'était le a8 septembre gSj. Quel-
ques auteurs assurent que Boles-
las avait invité son frère au bap-
tême d'un fils qui venait de lui
naître; que le duc fut assassiné à la
table du festin, et que depuis, l'en-
fant porta le nom de Strachjqiias ,
ce qui , dans la langue de ces temps,
signifiait horrible repas. En fj3() ,
Boleslas, dit le Cruel ^ permit de
transférer le corps de son fri're de
Buntziau à Prague , où il fut déposé
dans l'église de Saint-Vit, que Ven-
epslas avait fait bâtir. Ce prinre a
été mis an laug des saints martyrs.
L'empcreurOlhonl'^''. , voulant ven-
ger sa mort , s'avança contre la Bo-
hême, et lui fit une guerre fort lon-
gue, mais dont les détails sont peu
VEN
connus. Ce ne fut qu'en qSo que Bo-
leslas se icconcilia avec le clicf de
rcin]Mre. G — y.
VENCESLAS II , duc de Bo-
liêrac , fils du duc Sobiesias, neveu
du roi Vladislas II , succe'da , en
I i()i , à Frcdoric et à Conrad , ses
oncles. Ce prince, depuis dix-lniit ans,
vivait dans l'exil, passant de la Mo-
ravie en Hoiif^rie , ou en Poioîjne.
Comme le duc Frédéric son oncle
était odieux, à la naiion bolieniienne ,
il forma contre lui un parti puissant,
et en ii83, il s'avançn jusque sous
les murs de Prague, dont il se se-
rait emparé s'il avait eu plus d'au-
'dace. Par ses irrésolutions . il don-
na à Frédéric le temps d'appeler
à son secours Lcopold , margrave
d'Autriclie, et Albert, archevêque de
Saltzbourg. Yrnceslas eiirayé se re-
tira en Moravie , près du duc Con-
rad , qui , en 1 1 8ç) , succéda à Fré-
déric dans le duché de Bohème.
Ce prince étant mort , en itqi ,
Przémislas et Venccslas se mirent
sur les rangs pour lui succéder. Ce-
lui-ci, appuyé par Henri, évoque
do Prague, fut reçu dans la capitale
du duché , et proclamé souverain.
II avait à peine gouverné pendant
Iroismois, lorsque, chassé par Przé-
mislas , il s'enfuit à Bambcrg pour
implorer la protection de l'empereur
Henri, dont les lettres edravirent tel-
lement Przémislas qu'il abandonna
Prague et se retira en Moravie.
Venccslas, s'étant mis en chemin
pour rentrer en Bolième , fut arrêté
cl jeté eu prison par le margrave
de liUsace. Succombant aux peines
de la captivité, et vovant appro-
cher ses derniers moments , il éta-
blit tuteur de son fils Zbignéc- le
prince Henri , évoque de Prague. Ce
j)ré!at convoqua les états du royau-
me, qui, malgré ses instances, rejeté-
VEN ia5
rent le jeune prince Zbignée, et le
choisirent lui-même pour leur sou-
verain. Après la mort de Henri ,
Zbignée , trompé par de faux, amis ,
tomba dans le piège qu'on lui ten-
dait ; Vladislas et Przémislas , ses
parents , lui firent crf ver les veux ,
et en lui s'éteignit la descendance de
Venccslas II. G — y.
VENCESLAS III, roi de Bohê-
me . le second des Oltocares , (ils dn
roi Przémislas II , naquit, en i2o5 ,
de la reine Constance , sœur de Bêla,
roi de Hongrie. Dans les démêlés
survenus entre Othon et Philippe,
qui prétendaient tous les deux à l'em-
pire d'Allemagne, Przémislas, apics
jilu.sieurs changements , avait eudn
emi)rassé le parti du dernier, et
Plii!i]ipe, reconnaissant de l'appui
que la Boîiême lui fournis.«ait , ac-
corda sa fille Cunégondc au jeune
Venccslas. qui n'avait alors que cinq
ans. La princesse, qui était du mê-
me fige , fut envovée à Prague , pour
y être élevée ju.'^qu'à ce que le maria-
ge pût être célébré. En 122G, Przé-
mislas , du consentement des grands
du rovaume , déclara Venccslas ,
son .successeur , ce qui fut confir-
mé par l'empereur Frédéric II. Il
est dit dans l'acte de confirmation :
« Henri , margrave de Moravie, les
magnats et les nobles de la Bohême
nous ont exposé que, d'après la vo-
lonté et le consentement de notre
bien aimé Przémislas Ottocare, roi
de Bohême, ils ont élu pour leur roi
Venccslas, iils aîné du roi de Bohê-
me , nous suppliant de vouloir bien
agréer et conlirmer cette élection ,
ce que nous faisons par les présen-
tes, en confirmant les privilèges que
nous avons déjà accordés à la Bohê-
me. » En i.>.28. l'archevêque de
Maïencc vint à Prague, pour donner
l'onction royale à Venccslas et à la
io6
VEN
reine Cimëgonde. Dès l'année sui-
vante , Venceslas parcoui'ut à la
tête d'une armée tout le duché' d'Au-
triche jusqu'aux frontières de la
Hongrie, et revint à Prague, char-
ge' de dépouilles. Przémisias , qui ,
pendant cette espédilion , était tom-
bé dangereusement malade , mou-
rut dans les premiers jours de jan-
vier i'23o , et Venceslas régna seul
en Bohême. Frédéric, duc d'Autri-
che, voulant venger l'insulte qui lui
avait été faite , vint mettre le siège
de'/ant Wéthau, sur les frontières de
la lîoliêrae et de la Moravie. Vences-
las accourut à la tèle de ses troupes,
€t par ses ordres , les habitants son-
nèrent le tocsin pendant la nuit,
dans toutes les églises. Frédéric ef-
frayé prit la fuite ; Venceslas le
poursuivit; arrêté par une place for-
te , il reç'it de Frédéric un déil à un
combat singulier. Le roi se trouva au
lieu donné; et comme Fi'édéric ne
parut point , il poussa ses ravages
jusque dans le cœur de l'Autriche.
La Moravie n'ayant point de prince,
Venceslas donna cette province à
son fils Przémisias , qui fut mis sous
la tutelle de la reine Constance.
Le marquis de Brandebourg s'étant
rendu a Prague pour demander
des secours contre l'archevêque
de Magdebourg, Venceslas lui ac-
corda un corps de troupes assez
considérable. On en vint aux mains ;
l'archeA'êque, que les autres prélats de
Saxe accompagnaient, fut complète-
ment défait, et ne se sauva qu'avec
peine ; !'(,S êque de Halberstadt resta
.sur la place ( i2/|0). Les évêques
d'Allemagne , indignés , accusèrent
près de l'empereur Frédéric II Ven-
ceslas , qui s'était rendu à la diète de
Ramberg. Ils le représentèrent com-
me un prince inquiet, qui cherchait
j)ar des entreprises téméraires à trou-
VEN
hier la paix publique en Allemagne;
ils engagèrent l'empereur à annuler
les privilèges qu'il avait accordés à
Przémisias II , père de Venceslas ; à
reprendre les domaines qui lui avaient
été cédés , et à soumettre de nouveau
la Bohème au tribut qu'elle acquit-
tait autrefois. « Les plaintes , disent
les annalistes bohémiens , furent ré-
pétées avec force, à la suite d'un de
ces repas de diète où l'on buvait
sans mesure, en vidant les calices
destinés à ces dîners de cérémonie. »
L'empereur, échauffé ])ar le vin et
par ces rapports pressants , prit
Venceslas à part, et lui fit de vifs
reproches. Le roi répondant avec
fermeté, Frédéric le repoussa de la
main. Venceslas, indigné, saisit Tcm-
pcreur de la main gauche , et de
l'autre lira l'épée, en jurant qu'il
allait venger cette insulte dans son
sang s'il n'obteuaitsatisfaction. L'em-
pereur efl'rayé fit ce que le roi de-
mandait. Comme Venceslas se ren-
dait à son logement, l'abbé de Ful-
de , qu'il i-encontra, le frappa rude-
ment sur l'épaule , en lui disant :
« Si j'étais empereur, je saurais bien
» comment vous traiter. « \ ogirius,
capitaine des gardes du l'oi , répon-
dit pour son prince en appliquant
à l'abbé un soufflet de toutes ses
forces , et en lui disant : « Puis-
» que tu es si mal élevé , apprends
» de moi le respect que tu dois à un
» roi. » Venceslas partit aussitôt
sans prendre congé de l'empereur.
Des amis communs intervinrent ; et
la paix se fit entre les deux princes.
Peu de temps après, FreJéric invita
même Venceslas à son mariage avec
la sœur du roi d'Angleterre ; et en cette
occasion il ne négligea rien pour lui
montrer que tout était oublié. Le duc
d'Autriche ayant méprisé l'autorité
impériale, Venceslas fut chargé par
VEN
Frédéric de venger celte insullr , et
il s'empara de Vienne, qu'il garda
jusqu'à ce qiieleducd'AiilricJie se fU
soumis. Cette expédition fui aussi ho-
norable qu'utile pour Venccslas , par
les impositions qu'il lui fut permis
de lever sur le pays conquis. Mal-
heureusement il donnait plus qu'il
ne recevait. Ne sachant garder au-
cune mesure dans ses libéi'a'ite's , il
était toujours force' d'emprunter et
de lever impôts sur impôts. Quand
il se voyait dans l'impossibilité' de
remplir ses obligations , il faisait
prendre chez les Juifs, ou il com-
mandait d'autres exactions. Des ma-
gnats ayant voulu lui faire des repré-
seiiiations, il les avait fait jeter eu
■prison. Les me'conteuts e'migraient
en Moravie; et le jeiuic Prze'mislas ,
fpii n'était plus retenu par les avMS de
la reine Constance, sou aïeule, mor-
te en" 1 24"5 , se laissait entraîner par
des con'-eils perfides. On le procla-
mait roi : la Bohême mécontente l'at-
tendait; et il n'avait qu'à se monîi'cr
]iour prendre la jilace de son père.
Henri, margrave de Meissen, olïrait
ses troupes au jeune prince , qui osa
hautement se soule\ er contre son pè-
re. Udaîrick, dr.c de Carinthie, se
hâta d'amener des secours à Vences-
las, son beau-rfrcre, qui eut bientôt
mis en fuite les révoltés. Le jeune
Prze'mislas vint se jeter aux pieds
de son père, qui, sans se laisser tou-
cLer par ses larmes, le fit garder
en lieu sûr. Venceslas eut à peine
rétabli l'ordre et la soumission dans
sa famille , qu'il reçut du dehors
Jesnouvclîcs les plus effrayantes. Les
' Tartarcs, s'ctant emparés de la Rus-
sie , avaient dirigé une armée sur la
'Pologne, une auîre sur la tîongrie. La
première avait ravagé les palatiuats
de Sendomir , de Cracovie et une par-
lie de la Silcsic , et s'était arrêtée à
YEN
107
Licgnitz, devant un corps de braves,
commandé par le duc Henri , beau-
frère de Venceslas. Le roi s'avançait
à la têle des Bohémiens : mais on
n'attendit point son arrivée ; et le 1 5
avril 1241 fut livrée la bataille de
Licgnitz, une des plus brillantes,
mais aussi une des plus malheureuses
que la valeur chrétienne ait eues à
soirtenir contre les barbares. Les Tar-
tarcs, quoique vainqueurs, au heu
d'aller en avant, se jetèrent sur là
Moravie. Veuceslas envoya , pour
défendre Oiinr.tz , un général qui,
dans une sortie , surprit les Tartaves^
et les défit complètement. Béta , leur
chef, resta sur !a place; et les restes
de l'armée allèrent se joindre à l'aile
gauche , qui ravageait la Hongrie.
Venceslas , craignant de nouveaux
événements, faisait rétablir et garnir
les places fortes en Bohème et eu
Ploravie. Il mit en liberté Przé-
mislas, son (ils, et lui rendit son apa-
nage , en lui disant que dans des cir-
constances si difficiles il saurait
sans doute mériter son pardon. Mais
"loienîôt de nouvelles inquiétudes vin-
rent encore troubler la paix intérieu-
re du royaume. Un seigneur bohé-
mien , après avoir fait violence à
une jeune juive, l'étrangla. Le mal-
heureux père se vengea eu tisant de
repiésailles, et le roi ne crut point
devoir punir ce dernier meurtre : la
noblesse se souleva , en l'acnisant de
favoriser les Juifs et la jicpulace. Les
conjurés firent de nouvelles ouvertu-
res à Prze'mislas , qui , sans les tra-
hir , ne leur donna point d'espoir.
Ayant été découverts , ils furent punis
du dernier supplice. L'évcque de Pra-
gue, que le roi soupçonnait, reçut la
défense de sortir du palais cpiscopaL
Le clergé s'étant soulevé,Venceslas cé-
da, îl lit con'^truire des églises et des
hô|^itaux , et la tranquillité se rétablit.
io8 VEN
FrcJcric, diic d'Autriche, paraissait
ne point ressentir les malheurs com-
mun-;. A peine les TarlaiTss'c'taicnt-
ils retires, qu'il entra dans la Moravie
pour la ravager. Avant c'te repousse',
il jirovoqua Venccslas à un combat
sin|:;ulior, qui devait avoir lieu le 27
novembre iJ.'^^ , à Scliecz, sur les
frontières de l'Autriche et de la Mo-
ravie. Dans sa lettre de de'li , ce
prince donnait à Vence^las le choix
de se présenter au lieu du combat et
nu jour duuiic, ou de si;;ncr un acte
qui commençait par ces paroles :
V Moi , Venceslas , roi de iJohêrae ,
» je ne suis j)oint né légitimement ;
» je suis lils d'une créature pnbli-
» que , ce que j'atleste et attesterai
» à jamais pour moi et pour mes
» successeurs. » Le roi réjiondit à ce
cartel grossier, comme il le devait ,
en se mettant en marche a la trie do
son armée ; il se trouvait .1 Schccz au
jour indiqué, et après avoir attendu
j)cn<iant deux jours, il s'avança jus-
qu'au Danube , et ravagea une par-
tie de l'Autriche. Le duc Frédéric
ayant péii en iSjO, dans un com-
])at contre les Hongrois , sans lais-
ser d'héritiers , sa succession devait
échoir à la prinrcssc Marguerite, sa
nièrc , fdle de Léopold , frère aîné
de Frédéric. Udalrick. j)rince deCa-
nnlhie, neveu de Venceslas, tenta de
s'emparer diidurhé vacant; mais il fut
])riNCtrai5 en prison. Les états d'Au-
triclic, se vovant de tous côtés me-
nacés par des voisins inquiets et puis-
sants, déclarèrent qu'ds s'en rap-
portaient à la décision du roi Ven-
ceslas. Ce prince leur proposa son
lils Przémislas . qui , ayant épousé
Il pnncessr Margueritf^ , fut procla-
mé souverain du duché d'Autriche
( ii^i-x). Jiéla , roi de Hongrie , jiré-
lenditque l'Autriche lui appartenait,
le dernier duc Frcdc'ric ctanl raort
VEN
en combattant contre lui. Sous ce
jirétexte , il se jeta sur la INIora-
vie , la dévasta , et se retira avec
un riche butin. Dans les premiers
jours d'octobre i9-53 , le roi Ven-
ceslas se rofioidit dans une partie de
chasse ; on le ramena à Prague , où
il mourut au bout de trois jours. On
cacha soigneusement sa mort , jus-
qu'à ce que l'on eût fait venir les
seigneurs qui lui avaient prêté , et
qui ioîenaier«l en gage des places
fortes du rovaume. Ce prince , qui
aimait passuMinémcnt la chasse, y
avait perdu un ttil dès le commen-
cement de son règne. Przémislas ,
apprenant la mort de son j)(tc, se
hîta de prendre des mesures pour
s'assurer la possession de l'Autriche,
et surtout celle de la Carinthie, qui
avait refusé de le reconnaître. H n'ar-
riva à Prague ([u'un mois a|>rès ( /^.
Ottocark II ). G — V.
VENCI'ISLVS IV, vulgairement
surnommé U: f'ieux, roi de Bohème
et de Hongrie, naquit, vers l'an lu^o^
d'Ottocare Pr/émisias, dit le f'icto-
rieui . et de l'impérieuse Cunégonde,
sa femme. Docile aux conseils de
cette derni.TC , Oltocare avait levé'
l 'étendard de la guene contre l'eni-
j)ereur Hodolphc de Habsbourg ( /'.
OTTOCAnE llj, et il avait perdu à
Laa . près de Vienne, la victoire et la
vie ( viGaoût la-jH). Ce fut au milieu
de ces circonstances orageuses que
Venceslas, alors âgé de huit ans,
monta sur le trône , si c'est être sur
le trône que de vivre, avec le litre
de roi , tantôt en tutelle, tantôt dans
les fers. Rodolphe vaintpieur mar-
chait à la tête de troupes nombreuses
sur la nolième, incapable de faire la
moindre résistance , lorsqu'Ollion ,
marquis de Brandebourg et cousin
du jeune prince , accourt , occupe
Prague , met en sûreté les Ircsors-
YEN
amoncelés par Oltocarc , puis s'a-
vance au-devaut de l'année autri-
eliienne. Iludulplie alors leint la ma-
gna nimile, renonce à tonte prclcntioii
biw la Ijoliênic , et dans une confe'-
reiice tenue à Coulonges sur {'Klbe ,
icconnaît Venceslas roi . et Otlion
re};ent , à eondilion ([u'ils abandou-
nercnt delinitiv* mnit la C.arintiiie ,
la Slyrie et l'Ibtiie. de'j.i ravies à Ot-
tocare; l'alliance sli[)ulee precedcm-
meiit entre \ enccslas et (îutlia , au-
trement Judith , lille de Uodolphe ,
est conlirinee. Cependant le marquis
de Ihandebourg, enarracliant à l^o-
dol[)lie la riche proie qu'il convoi-
tait , avaitbien moins travaille pour
sou parent que pour hn-mêiue. A
peine la rei^ence lut - elle remise
entre ses mains , qu'il all'ecta les
manières les plus tyranniques. Il
accabla le peuple d'imj)ols , traita
les grands du pays avec dédain
et hauteur ^ viola les privilégies
de toutes les villes , et lit peser le
joug sur le roi même et sur sa mère.
Les clioses en vinrent au point que
des plaintes furent adressées à l'em-
j'creur. Kodolphcpcudisposeà don-
ner raison au rc^ijent, lui envova l'ur-
dj'edo'j^ouverner d'une manière moins
vexatoire. Irrite de la réprimande,
celui-ci quitte la Bolu'me, mais eu y
laissant pour la gouverner des olliciers
allemands , lidèlcs imitateurs de sa
sévérité , et après avoir enfermé
Venceslas et sa mère dans la cita-
delle de Prague ( i 281 ) : les ordres
donnes à leur égard étaient tellement
rigoureux , que l'èvêque de Prague
s'ciant présenté pour rendre vi:itc
aux deux augustes captifs, on refusa
de l'admettre. Cette détention ar-
bitraire indigna tellement plusieurs
seigneurs, (pi'ils résolurent de la faire
cesser, et formèrent une ligue pour la
délivrance de la mère et du fils. Mais
VEN
lag
la conspiration fut connue avant d'é-
clater ; et Otlion , arrivant eu toute
hâte du Brandebourg avec des trou-
pes, disperse les conjurés, met gar-
nison dans la citadelle, et coniie le
prince à l'évèque de Brandebourg ,
qui le garde avec non moins de sévé-
rité. La reine seule obtint la jiermis-
sion de sortir quehp.iefois du cliàteau
de Prague, et de se promener avec
les princesses ses filles ; mais jamais
ses prières ne purent procurer le
même avantage à son (ils : au con-
traire, le marquis , importuné de ses
sollicitations, emmena le jeune prince
à sa cour, sous prétexte de l'élever.
Cependant il consentit à laisser le
gouvernement aux seigneurs, qui for-
mèrent un conseil de régence. L'evèquc
de Prague, Tobic, et le préteur Thi-
baut en furent les chefs. Enlin Ven-
ceslas atteignit sa majorité ( 1-288 )•
et Otlion n'ayant plus de jnétexte
pour le retenir , le renvoya dans ses
états après l'avoir armé chevalier.
Il lui fallut d'abord ratifier !a cessiou
de r.\utriclic, de la Sfvrie , delà
Caiintliie et autres liefs île la suc-
cession de Frédéric - le -belliqueux.
11 épousa ensuiie (jutlia , à laquelle
il avait été fiancé du vivant de son
père , et obtint, comme électeur , la
charge de grand éclianson ( la-jo ) ,
octroyée jadis et pii.srctirée( 1274)
à Ottocare. Ouelqiies années se pas-
sent, et tout-à-coup un liasard inat-
tendu lui ollic deux sceptres presque
au même instant. Depuis i28<), la
Pologne était en proie à l'anarchie.
lleuri-le-Bon, de Breslaii,et Boleslas,
dei\Iazovie, s'etaientdisputélc trône.
A peine vainqueur, le premier était
mort; et deux autres rivaux , \la-
dislas Lokeitek, ducdeCujavieet de
Syravie , et Przémislas , duc de
la Grande -Pologne , combattaient
pour son héritage. Sur ces entrefaites
MO YEN
GrypLine , veuve de Leszko-!e-Noir,
un des derniers souverains de cette
malheureuse coctre'e, appelle Vences-
las , et lui annonce qu'il a été élu
dans une diète de Posnanie. Le roi de
Bohême assemble d'abord ses sei-
gneurs à Prague , demande s'd doit
accepter la couronne que les Polo-
nais lui défèrent; et sur l'affirma live,
il marche contre ses rivaux. Vain-
queur de Przémiôlas , il est vaincu par
Lokeitek. Mais un autre Przémislas,
duc de Pomcranic , triomphe , et se
fait couroimer. Un coup de poi-
gnard , dirigé, dit on, par un en-
voyé d'Othou de Brandebourg , le
renvei'se. Lokeitek reparaît , se
fait réélire, se fait chasser de nou-
veau. Venceslas est couronné dans
Guesne , après avoir promis solen-
nellement de n'établir nul impôt
sans le consentement des états, et d'é-
pouser Richscha, lillede Pizémislas.
Peu de jours après, en effet, il re-
çoit la main de cette princesse. Il
achève ensuite à l'aide du comte de
la Lippe, le meilleur de ses géné-
raux , de ruiner le parti de Vla-
dislas , le chasse de la Grande-
Pologne , et s'empare même de son
duché de Cujavie, L'intérieur du
royaume n'occupe pas moins ses
soins. Il rétablit l'ordre, fait fleurir
la justice, institue un sénat , et enfin
rcloiirne en Bohême , comblé des
bénédictions tic ses nouveaux sujets.
Mallieiireiisernentiiavait, enp.irlant,
confié l'administration civile à trois
gouverneurs, dont l'un était son frère
naturel jNicolas , duc de Troppau , et
qui devaient recevoir des ordres du
comte de la Lippe. Le caractère noble
et généreux de celui-ci ne put empê-
cher que les autres n'irritassent les
seignetirs et le peuple par leur arro-
f;ance et des exactions continuelles.
Cependant Venceslas, en arrivant
VEN
dans ses états, y trouve le nonce du
pape qui l'attendait, afin de l'engager
dans la querelle de Boniface VIII
contre Philippe-le-Bel , roi de Fran-
ce : il s'y refusa nettement. L'irasciljle
pontife en fut piqué au vif, et pour se
venger . il enjoignit au roi de Bohême
de quitter le sceptre de Pologne. Il
eut bientôt une nouvelle occasion de
manifester son ressentiment. Charlcs-
IMartel et André le Vénitien , tous
deux compétiteurs du trône de Hon-
grie, étant morts, l'un eu ici95,rau-
Ireen i3oi, plusieurs seigneurs hon-
grois offrirent le sceptre à Venceslas,
comme descendant de leur ancien roi
Bêla IV. Venceslas refusa pour lui-
même ; mais il proposa à sa place
son fils et son héritier présomptif.
Les députés hongrois acceptèrent
l'échange, et emraenèi'cnt le jeune
Venceslas , auxquels ils donnèrent le
nom de Ladislas. A cette nouvelle,
Boniface fulmine contre l'irrégu'a-
rité d'une élection faite sans son con-
sentement , proclame qu'à lui seul et
au Saint-Siège appartient le droit
de designer un souverain à la Hon-
grie, réprimande Venceslas , et lui
ordonne d'envoyer dans six mois ,
à Rome , des ambassadeurs munis
de toutes les instructions nécessai-
res , se réservant de juger ensuite
si l'élection est valide. Venceslas se
refuse à cette démarche humiliante,
etnieles droits du pontife sur la Hon-
grie. Alors celui-ci armulle tout ce
qui s'est fait , déclare la couronne
de Hongrie héréditaire et non élec-
tive , et l'adjuge à Alarie, reine de
Naples. Celle-ci la destinait à Cha-
robert , son petit-fils , issu du ma lia-
ge de Charles-Martel avec Clémence
de Ha lisbourg, e t pa r conséquen I neveu
de Rodolphe, et cousin d'Albert, alors
empereur. Il était naturel (|uc ce
prince prît parti d.ins la querelle :
VEN
aussi vint-il, suivi de Hongrois, d'Au-
trichiens, de Germains et de Bul-
gares , ravager la Eohéme , et s'a-
chemina vers Budweis , du côte' des
mines d'argent. Mais les ouvriers
qui travaillaient aux mines empoi-
sonnèrent les eaux du voisinage , et
Albert vit périr ses soldats victimes
d'allrcuses douleurs d'entrailles. Il
reprit le chemin de ses états , lais-
sant la Bohème en paix. Néanmoins
Venceslas ne put encore jouir d'un
repos acheté par tant de fatigues. Le
mécontentement était au plus haut
degré eu Pologne, et des députés
vinrent se plaindre solennellement à
Prague des crimes de leurs trium-
vii's. Les faits étaient si graves, que
le roi eu destitua deux. Il fut ensuite
obligé de reprend'-e les armes. La
conduite de sou fils en Hongrie avait
tellement aigri le peuple et les grands,
que quelques-uns se révoltèrent sans
que personne songeât à prendre son
parti et à le défendre, çt qu'il fut
obligé de se renfermer dans le châ-
teau de Bude, et d'y soutenir un
siège. Son père vint l'en dégager
( i3o5). Il survécut peu à ce der-
nier exploit, et mourut la même an-
née , emporté par une fièvre lente ,
et priant l'empereur d'être le protec-
teur de son fils. ï! avait alors trente-
cinq ans. C'est Venceslas îe Vieux
({ui est le héros de la tragédie de
Rotrou, intitulée Venceslas. Le su-
jet de la pièce est tout entier d'ima-
gination ; et il n'y a de vrai dans
tout l'ouvrage que le caractère de ce
prince. P — or.
VENCESLAS V ( ou selon quel-
ques-uns, ViiNCESLAS III , surnoiamé
le Jeune , liis de Venceslas IV et de
Gutha ou Judith de Habsbourg ( F.
l'article précédent ) , naquit en l 'iSg
ou lugo. Il était âge de douze ans ,
lorsque des députes hongrois , en-
VEN , I ,
voycs pareeux des seigneurs qui ne
voulaient point un roi de la mam du
pape , offrirent le sceptre à son père.
On sait que celui-ci, déjà chargé des
couronnes de Pologne et de Bohême,
refusa pour lui-même ( i3o2 ), mais
proposa de transférer à son fils la di-
gnité dont on voulait le revêtir. Les
députés accédèrent à cette proposi-
tion; et le jeune Venceslas parti avec
eux, fut, au bout de quelques jours,
couronné à Albe Royale , sous le nom
de Ladislas , qu'il substitua à celui
de son père. Mais bientôt sa légèreté
et sou amour excessif pour les plai-
sirs firent chanceler son trône encore
mal affermi , et diminuèrent le nom-
bre de ses partisans , tandis que
Charobert , son compétiteur, fils de
Charles-Martel et de Clémence de
Habsbourg , voyait augmenter les
siens de jour en jour. Il faut dire
aussi que le cardmal d'Ostie, légat
du pape, intriguait continuellement
en Pologne, et près de l'empereur
Albert; que l'inconstance naturelle
aux Hongrois favorisait merveilleu-
sement les tentatives de corruption
qu'il étendait même en ce pays. Bien-
tôt il fut décrié dans l'opinion; bien-
tôt on prit les armes contre lui , per-
sonne ne les prit eu sa faA'eur. Quel-
ques-uns seulement agissaient; mais
presque tous applaudissaient, et tous
laissaient faire. Abandonné univer-
sellement, le jeune imprudent n'eut
d'autres ressources que de se jeter
dans la citadelle de Bude , et d'ini-
piorer le secours de son père. Ce-
lui-ci entra en Hongrie à la tête
d'une armée, le dégagea et l'rniraena
en Bohême , portant avec lui le dia-
dème dont il avait été décoré t'ois ans
auparavant. La mauvaise foiîmie n'a-
vait point changé le caractère faible
et irrélléchi du prince. Son père
étant mort, peu de temps après , i\
tl2
VEN
monta sur le trône ( i3o5) ; mais il
y apporta la même insouciance, le
même faste , la même soif des plai-
sirs. La Hongrie semblait lui tendre
les bras, et il pouvait aisément res-
saisir la coyronue : l'absence avait dé-
jà eirace'oufaitoubher ses fautes, Cha-
robert, d'ailleurs, n'avait de parti-
sans détermines que parmi les cham-
pions de la suprématie papale , fort
peu nombreux en Hongrie.Venceslas,
au lieu de suivre des chances si fa-
vorables, vendit, moyennant de gros-
ses sommes , le diadème qu'il avait
rapporté de Bude à l'ambitieux.
Olhon de Brandebourg , qui avait
acheté les suli'rages des électeurs
hongrois. Eu même temps il préten-
dit conquérir la Pologne, qui lui était
dévolue , disait-il , à titre d'héritage.
Dès le commencement de son règne ,
en effet , il s'était fait appeler roi de
Pologne ; mais cela n'empêchait pas
que Ladislas Lokeitek, qui, sous le
règne de son père , avait erré misé-
rablement de province en province ,
n'eût réuni des forces nombreuses ,
pris plusieurs cliàteaux du palatinat
de Sandomir, parcouru la province de
Cracovie, et enfin remis la couronne
sur sa tête. Excité par quelques conseil-
lers généreux, à la têtedesquelsbrillait
le comte de la Lippe , le jeune prince
se mit à la tête de ses troupes pour se
faire reconnaître, et prit le chemin de
la Grande-Pologne, pensant qu'à sa
vue tout rentrerait dans le devoir.
Walheureusemeut il s'arrêta quelque
temps à Olmatz pour attendre des
renforts ; et là , tandis qu'il don-
ïsait des festins et des fêtes , ne son-
geant qu'aux plaisirs , et semblant
avoir perdu de vue son entreprise , il
fut assassiné par un gentilhomme
îhuringien , nommé Conrad Poten-
stein , eu i3o6. Le meurtrier, arrê-
te sur un escalier , fut aussitôt dccbi-
VEN
ré en pièces par les officiers qui
entouraient le roi, et ne put in-
diquer ses complices ou ses insti-
gateurs.On dit, dans le temps, qu'un
époux déshonoré par ce prince vo-
luptueux avait conduit le coup ; mais
il semble plus naturel de chercher
les auteurs du crime dans la maison
de Habsbourg. Venceslas mourait à
peine âgé de seize ans , et sans pos-
térité; en lui s'éteignait la race anti-
que des Przémislas Ottocare : deux
biles seulement et la veuve de Ven-
ceslas le Vieux vivaient encore. Ro-
dolphe d'Autriclie , second époux
de celle-ci, fut un de ceux qui préten-
dirent à la couronne de Bohême ; et
le grand- chambellan Bécbin ayant
osé parler en sa faveur, Crussina ^
riche bohémien, lui répondit publi-
quement : « Comment osez - vous
nommer ici l'assassin de nos rois ? »
P OT.
VENCESLAS VI , empereur
d'Allemagne et roi de Bohême , sur-
nommé tantôt Vli>rogne et tantôt
le Fainéant^ naquit en i35r), de
ce Charles I*^''^ q^ Charles IV ( de
Luxembourg ) dont on a répété
souvent qu'il avait rumé sa mai-
son pour arriver à l'empire , et
l'empire pour relever sa maison.
Fils aîné de ce potentat ambitieux,
il porta , dès son enfance , le titre de
marquis de Brandebourg, que dans
la suite il céda à son puîné Sigis-
mond; et à l'âge de dix-sept ans
( 1 376) , il fut présenté par son père
à la candidature de l'empire. Un
manifeste fut publié , dans lequel
l'empereur s'élendait sur la nécessité
de conserver l'empire dans une mai-
son puissante et riche, telle que la
sienne, et sur la sagesse dont Dieu
avait doué de jeunes princes de l'â-
ge de son fils , par exemple , Salo-
mon , Joas , et plus récemment
YEN
Othon III et Henri IV. Tomes ces
faisons , appuyées de la promesse
formelle de cent mille florins à cha-
cun des étecleurs , déterminèrent
ceux-ci à faire le choix désiré par le
souverain; et Venceslas fut procla-
mé , dans une dicte tenue d'abord à
Renfz et ensuite transportée à Franc-
fort, roi des Romains, ce qui était
synonyme d'héritier présomptif de
l'empire. Mais comme quelques dif-
ficultés pouvaient encore survenir,
du moins de la part du Saint-Siège ,
le jeune monarque, par ordre de son
père , fit hommage de sa couronne
au souverain pontife, et lui envoya
des ambassadeurs chargés de plems
pouvoirs pour offrir , discuter, pro-
mettre et faire tout ce qui serait né-
cessaire pour sa promotion à l'em-
pire. Cette conduite indisposa vio-
lemment les grands, géncralemcnt
eunemis de la cour de Rome. D'au-
tre part, le pape se pressa peu de se
concerter avec l'ambassade du jeune
roi. Rien ne s'opposa cependant à
racconaplissement de ses vues • et
qtielque temps après ( iB-^S ), Char-
les IV étant mort au retour d'un
voyage en Brabant et en France ,
voyage dans lequel son fils l'avait
suivi , celui-ci hérita non-seulement
du diadème légalement héréditaire
de Bohême , mais encore du trône
électif de l'empire. Conformément
aux dernières intentions de son père ,
il donna aussitôt le marquisat de
Brandebourg à Sigismond, son frère
puîné; et au cadet Jean la Lusace
avec les duchés de Swicnitz et de
Gorlitz. Le nouvel empereur apporta
d'abord aux affaires publiques beau-
coup d'attention ^et manifesta les
desseins et les vues les plus sages. Il
diminua les impôts , défendit d'en
ajouter de nouveaux sans le consen-
tement des états ^ promit d'obéir aux
XLVIII.
YEN
ii3
constitutions de l'empire , ôta au com-
merce une partie de ses entraves et
convoqua à Nuremberg uue diète
qu'ensuite il transféra à Francfort.
On espéra ui instant voir renaître les
beaux jours de Henri VII. Mais
bientôt l'illusion s'évanouit à Tas-
pect de raille actes de faiblesse, de
versatilité , d'avarice , de barbarie
et de débauche. Il avait créé vicaire
du royaume d'Italie Josse, marquis
de Moravie, avec injonction formel-
le d'examiner l'élection des deux
papes qui , nommés en même temps ,
se disputaient le siège de Saint-Pier-
re. Bertrand de Théflis, qui fit cet
examen à la place de Josse, n'osa
décider, et les renseignements qu'il
avait recueillis furent soumis à la
diète. Là . une grande contestation
s'éleva ; et tel fut le peu de force et
d'ascendant de Venceslas _, que la
question ,de plus en plus indécise, ne
fut pas même tranchée par son ju-
gement , et que, tandis qu'il embras-
sait l'obédience d'Urbain Vl , les
évêques de Bavière , d'Autriche et
de Ijorraine se rangèrent du côté de
Clément VII. Bien plus , les deux
papes soutinrent leur querelle par !a
voie des armes ,• et Clément repoussé
alla siéger dans Avignon, tandis que
5on rival régnait en Italie. Ainsi
commença le schisme d'Occident ,
qui dura quarante ans , et qui ne fut
terminé que par l'autorité du concile
de Constance. Peu après, Venceslas
donna une autre preuve d'impérilie
et de légèreté en confirmant une
des extorsions les plus condamna-
bles des grands feudataires sur
l'empire. Charles IV , son père ,
après avoir acheté la voix des élec-
teurs pour le faire élire roi des Ro-
mains , s'était trouvé hors d'état de
payer les cent mille florins promis à
chacun d'eux ; et pour se soustraire
ii4 . VEN
à leurs imporUmitës ^ il leur avait
cède plusieurs des revenus de l'em-
pire, tels que des droits sur divers
objets ^ des forts , des villes , des
châteaux , etc. • ce qui , du vivant
même de l'empereur , avait fait dire
qu'il ari-achait bien des plumes à
l'aij^le germanique. Venceslas, par
lettres confirmativesde 1879, consen-
tit à ce que désormais ces domaines,
ces droits et ces revenus ne pussent
être revendiques par l'empire, et sanc-
lionna à perpétuité des usurpations
scandaleuses fondées sur le tralic des
consciences , et tendant à rendre les
vassaux indépendants du suzerain.
Cependant la peste ravap;eait la Eo-
liême. Venceslas s'eloiç;na de l'Alle-
magne centrale, et se retira à Aix-
la-Chapelle. C'est là qu'il acheva de
se corrompre, et qu'il donna ])our
la première fois nn |)Iein essor à son
goût pour la niogniiiceiice, les longs
festins et la volupté. Il enrichit de
vils favoris, allecta le mépris et l'in-
gratitude à l'égard des ministres qui
voulaient le rapj)elcr à lui-même, et
abandonna complètement les affaires.
])ès-lors le desordre et la confu-
sion régnèrent partout. Des hor-
des de brigands infestèrent les pro-
vinces et les mirent à contribution.
De leur côté, les seigneurs se rendi-
rent indépendants dans leurs terres ,
ou se coalisèrent, sans attendre et
sans même demander l'autorisation
impériale, contre les dévastateurs
universels; les villes de Souabe for-
mèrent une confédération pour ga-
rantir leur territoire du pillage. Ces
désastres et ces mesures humiliantes
pour le chef de l'empire n'ouvrirent
point les yeux du monarque. Revenu
dans son royaume ( i383), il y af-
ficha Je même luxe et la même mol-
lesse. L'archevêque de Prague ayant
osé hasarder un avis au nom de
YEN
toute la Bohême, il lui défendit de
sortir de son palais; et peu s'en
fallut qu'il ne se portât à des me-
sures encore plus rigoureuses con-
tre un prélat universellement res-
pecté. La clameur publique ne fit que
l'aigrir davantage; et bientôt son
humeur devint tellement atrabilai-
re et sombre , qu'un grand nom-
bre de seigneurs désertèrent sa
cour et se renfermèrent dans leurs
châteaux. Irrité de cet abandon,
il eut recours à la force pour fai-
re cesser ces hostilités passives ,
et appela des espèces de compagnies
franches, nommées les Tard-venus
et les Lieufards. Ceux-ci , brigands
sans foi et sans honneur , accouru-
rent plutôt pour piller le pays que
pour y rétablir l'ordre ; et en eflét,
quand ils eurent dévasté la Bohême,
ils passèrent en Hongrie. La seule
alFaire pour laquelle il renonçât un
peu à son apathie ordinaire était
la soumission de tous ses peuples au
pouvoir spirituel d'Urbain VI ; mais
ses efforts étaient souvent accompa-
gnés de violences et de cruauté. Les
chanoines de Toul ayant reconnu
pourévèque un partisan de Clément,
il fit piller et raser le palais épisco-
pal ; et le chapitre fut obligé d'aller
chercher un asile à Vaucouleurs.
Bientôt il cessa de s'occuper même des
contestations religieuses, et s'enseve- ..^
lit , plus profondément que jamais , l
dans un abîme de débauches honten- ''
ses. San.s cesse ivre ou exténué de vo-
luptés , il ne songeait ni aux allian-
ces matrimoniales ou au;c ligues of-
fensives et défensives formées par les
princes, ni aux murmures sourds des
peuples accablés d'impôts et de char-
ges nouvelles nécessitées par la pro-
digalité de la cour. Un coup de ton-
nerre le tira de cette létliargie. Ro-
bert , comte palatin , qui sous le rè-
YEN
gne prcccdont avait cte force de don-
ner pour sa rauçou presque tout le
Haut-Palalinat, s'était allie aux ducs
Étieime, Frédéric et Jean de Baviè-
re ; et leur ayant persuadé de rede-
mander le marquisat de Brandebourg,
qu'Othon leur oncle avait cédé à
Charles IV, moyennant la somme de
cent mille florins, mais qui n'avait
jamais été payée, il entra avec eux
en Boliême, et arriva aux portes de
Prague , sans presque trouver de ré-
sistance. L'empereur, dépourvu de
forces et près de tomber entre les
mains des feudataires rebelles, sous-
crivit à toutes leurs demandes , et
donna au comte Robert le Haut-Pa-
latinat, aux ducs Etienne, Frédéric
et Jean, plusieurs places fortes de
ses états en nantissement et en at-
tendant qu'il eût acquitté les cent
mille florins promis par son père
( i384 ). Les quatre années sui-
vantes se passèrent en petites guer-
res dans l'intérieur de l'Allema-
gne. Les Autrichiens et les Suisses
recommencèrent les hostilités. Stras-
bourg vit son territoire ravagé par
le marquis de Bade , et lui rendit ces
dégâts avec usure. La diète d'Égra
( 1 3b8 ) ne put apaiser ces troubles.
Les villes de Souabe reçurent dans
leur alliance celles du Rhin et de la
Franconie , qui formèrent ainsi la
grande ligue. Pendant ce temps , les
Polonais faisaient de fréquentes in-
cursions en Silésie et jusqu'en Bohè-
me ; mais le prince , tranquille au
fond du palais, disait qu'il ne voyait
point reluire leurs armes. Devenu
cruel après avoir été voluptueux , il
faisait de l'exécuteur des hautes-œu-
vres son ami et son confident , l'ap-
pelait son compère , tenait son
iils sur les fonts de baptême, in-
ventait de nouvelles agonies , faisait
construire à Visigrad des bains ca-
VEN
ii5
chés sous des trappes , envoyait à
la mort le confesseur de la reine
parce qu'il refusait de lui révéler le
secret de la confession . et faisait mas-
sacrer par une populace fanatiquedes
milliers d'Israélites. C'était en i Sgo.
Le peuple, qui , depuis deux ans, ne
cessait de persécuter en détail la ra-
ce, selon lui , maudite de Dieu , brû-
la, le jour de Pàque, la synagogue
de Prague. Venceslas , renchérissant
sur la multitude, et croyant se ren-
dre agréable par une injustice qui ne
])orlait que sur une nation proscrite ,
déchargea la noblesse et les villes
impériales de ce qu'elles devaient
aux Juifs. Aussitôt les habitants de
Spire passèrent au fil de l'épée tous
ceux qui étaient alors dans leurs vil-
les , et ne réservèrent que quelques
enfants qu'ils baptisèrent. Puis , tous
les Allemands, comme de concert,
ressuscitèrent contre ces infortunés
l'ancicnneet absurdeaccusation qu'ils
avaient empoisonné les fontaines.
Mais ici la scène change. Venceslas,
qui a reçu des sommes considérables,
des promesses immenses pour sauver
les jours de ces Parias européens ,
entreprend leur apologie, et les con-
damne seulement à sortir de l'em-
pire. En vain la masse fanatisée crie
que cette peine est trop douce, et
demande du sang; il favorise leur
retraite eu Lithuanie et eu Portugal.
Cet acte , sans contredit le plus beau
de sa vie, excita cependant l'indi-
gnation et mit le comble à la haine
publique. Quatre ans après (i394) ,
une conspiration redoutable se for-
ma, et les magistrats de Prague, à
la tête de tout le peuple , le saisirent
et le jetèrent dans un cachot , où il
subit pendant quatre mois la plus
horrible captivité. Au bout de ce
temps , on lui permit l'usage des
bains , et grâce à une femme qui lui
8..
u<> VEN
lit traverser l'eau dans un baleict, il
se sauva dans un fort voisin , et de
là au cbàtcau de Ziebrok, où il resta
quelques mois. Enlin , il revint à
Prague , accompagne d'uue garde
nombreuse, et remonta publique-
ment sur le trône. Mais ses fureurs ,
encore plus insupportables qu'aupa-
ravant, devinrent telles que les grauds
du royaume appelèrent à leur se-
cours Sigismond , son frère , roi de
Hongrie. A peine ce jSrince eut-il mis
le pied en Bolu-rae, que toute la po-
pulation se rangea sous sesdrapeaux;
Prague lucrae ouvrit ses portes; et
Venceslas , retire dans Bcru , olVrit à
son frère d'abcli(|ner et le trône de
Bohême et celui de l'empire, pour-
vu qu'il eût la vie sauve et une pen-
sion. Sigismond lit parade de géné-
rosité, et dit qu'il n'était venu que
pour l'engager à mieux gouverner ,et
qu'il le reconnaissait pour son empe-
reur et son roi; mais il eut soin de
se faire contraindre par le peuple à
accepter la régence et à enfermer
son frère ; puis, pour assurer ses
jours, il l'entoura d'une garde nom-
breuse, et le fit transférer à Krum-
low, et de là à Vienne, dans une
forteresse située sur le Danube , sans
que personne sût en quel endroit il
était prisonnier (iSg^). Cependant
\ence>!as a encore l'adresse de s'é-
chapper; et traversant le fleuve sur
la barque d'un pauvre ))êcheur
qui avait facilite son évasion , il
parvient , à la faveur d'un dégui-
sement , à la forteresse de Visigrad ,
où vingt soldats embrassent son
parti , s'empare du gouverneur , et ,
attirant les magistrats de Prague
dans la forteresse , sous un prétexte
spécieux . les met aux fers , et rentre
sans obstacle dans sa capitale. Les
autres villes de la Bohême suivirent
l'exemple de celle-ci; et le prince,
VEN
deux fois dépossédé, prit, pour la
îroisièmefois,les rênes de son royau-
me , sans rien craindre de Sigismond,
qui défendait alors ses états con-
tre les Turcs. Pendantla seconde réclu-
sion de Venceslas ^ on s'était univer-
sellement ocaipé,dans l'Allemagne ,
démettre fin au schisme qui désolait
l'Eglise. Venceslas , à peine libre ,
conçoit l'idée d'aller à Reims , et d'y
avoir une conférence avec le roi de
France. En vain les grands de l'Al-
lemagne, en vain Bouiface lui même,
Boniface, le successeur d'Urbain, et
le seul papequ'il reconnaît, cherchent
à le dissuader. 11 accomplit ce voya-
ge; et entamant la discussion à la suite
d'un repas magniliqne que le roi de
France lui a donné, au milieu des
fumées de l'ivresse , il en passe par
tout ce qu'il veut , et approuve qu'on
exige la cession de Boniface (i3g8).
Mais les événements ultérieurs arrê-
tèrent la suite de cette affaire , et le
schisme se prolongea encore vingt
ans. L'année suivante (i^qq), l'em-
pereur , de retour en Bohême , épousa
la princesse Sophie , fille du duc
de UÊ/fiere. Ce mariage, célébré avec
une magnificence extraordinaire, de-
vint le signal de nouvelles prodigali-
tés. A partir de cette époque, Ven-
ceslas ne mit plus de bornes au luxe
de sa maison ; et pour subvenir à ces
dépenses exorbitantes, il n'est point
de mesures iniques , ignobles ou \ exa-
toires devant lesquelles il reculât. Il
ne se borna plus à augmenter les im-
pôts : il rendit vénales les charges et
les dignités de l'empire , vendit à
Galéas Visconti la souveraineté de la
Lombardie, dissipa l'argent que Bo-
niface lui avait envoyé pour se faire
couronner à Rome; et enfin, créant
une nouvelle jurisprudence, fit por-
ter contre ceux qui l'avaient livré à
son frère des accusations auxquelles il
YEN
n'était possible d'échapper qu'au prix
de l'or. 11 en viul même au point de
faire peser ces incriminations sur des
bourgs , des cliâteaux et des villes en-
tières. Prague^ Budweis et Pilsen en
furent les victimes principales ; mais
ayaut voulu étendre ce système aux
villes de la Lusace et de la Misnie, il
y trouva la cause de sa perte. Les
deux marquis de ces provinces réso-
lurent de !c faire déposer par les élec-
teurs réunis; et ils y parvinrent. Une
première diète eut lieu à Boppart,
petite ville sur le Rhin ', et l'on y agi-
ta la question de savoir si l'empereur
serait déposé ou s'il lui. serait enjoint
de se choisir un administrateur. Dans
une seconde , qui eut lieu à Francfort-
sur-le-Mein, on se décida pour la der-
nière proposition. L'empereur, ain-
si qu'on le pense bien, refusa d'o-
béir. Les électeurs alors indiquèrent
une troisième diète à Landstein , lui
ordonnèrent d'y comparaître ; ''et
après l'avoir inutilement attendu dix
jours, ils le déclarèrent solennelle-
ment déchu du pouvoir souverain ,
et , sans connaître encore le A'œu des
états de l'empire, nommèrent, pour
lui succéder , d'abord Frédéric de
Brunswick , puis , celui-ci ayant été
assassiné avant que sa nomination
fût connue, Robert, comte palatin
du Rhin ( 22 août i^oo ). Ainsi ra-
baissé au rang de prince du saint
empire , Venceslas refusa de recon-
n.'itre le jugement de la diète, et
protesta solennellement , à la face
de l'Europe, contre l'arrêt qui le
dépouillait de l'autorité impéria-
le. Le Brandebonrg , la Souabe ,
Gênes, Milan, Ferrare et leurs ter-
ritoires , le pape et les cardinaux d'A-
vignon le reconnaissaient encore.
Aix-la-Chapelle refusa de recevoir
son rival , qui fut obUgé de se faire
couronner à Cologne. La France res-
VEN 117
ta neutre. Cependant il avait offert
de prendre son roi pour arbitre dans
toute cette affaire; mais la faiblesse
intellectuelle de Charles VI , et la
rivalité de ses oncles empêchèrent
qu'on ne parvînt à un résultat dé-
finitif. Au reste comme , toujours
fidèle à son caractère ordinaire ,
le prince dépossédé se contentait
de prendre le titre d'empereur, sans
rien faire pour en soutenir les droits,
on s'accoutuma bientôt à ne plus son-
ger à lui. Cependant il ne renonça à
ses prétentions que l'an i4iOi après
l'élection de Sigismond ; et lorsque ,
cette année, les électeurs divisés eu-
rent nommé, d'une part Sigismond
et de l'autre Josse de Brandebourg ,
l'Allemagne comptait trois empe-
reurs , comme l'Eglise trois papes ,
Benoît XIII, Grégoire XII et Jean
XXIII. Réduit à ses états héréditai-
res, Venceslas montra la même in-
dolence et la même férocité. Ses ba-
rons conspirèrent encore contre lui ;
et le peuple les favorisait do tous ses
vœux : mais à la nouvelle de ce qui
se préparait, il parut en Bohême ,
avec une armée, et surprit tellement
ses ennemis, pour qui tant de célérité
était chose nouvelle, qu'ils posèrent
les armes , et se soumirent ou 's'enfui-
rent en Hongrie , implorant le secours
de Sigismond. Celui-ci leleuraccorda,
et prit des mesures pour faire arrêter
Venceslas, qui, dans l'espoir d'échap-
per à une nouvelle captivité , allait
souscrire aux conditions les plus du-
res, et peut-être le déclarer son hé-
ritier au royaume de Bohême, quand
les Hongrois mêmes se révoltèrent,
et l'empêchèrent de suivre ses pro-
jets (i4o3). Les dernières années
de son règne furent ensanglantées
par l'hérésie de Jean Huss. Nommé
recteur de l'université de Prague et
confesseur de la reine ( 1409), ce
ii8 VEN
disciple de Wiclef trouva un puis-
saut protecteur dans Venceslas :
mais le supplice auquel il fut cou-
damné pendant la teniie du concile
de Constance ( i4i5) excita l'indi-
gnation de ses partisans , qui , vers
i4i8, se rassemblèreut en armes,
au nombre de quarante mille, sous
les ordres de Jean Ziska et Nicolas
de Hussuetz. Ils ne parlaient d'abord
de rien moins que de déposer le roi ,
et d'en choisir un à la pluralité des
voix. Ils se contentèrent ensuite de
l'amener de son château de Yisi-
grad à Prague , pour y entendre
leurs réclamations , et lui demandè-
rent des places de sûreté. Venceslas
temporisa : mais la révolte n'en écla-
ta qu'avec plus de force; et Ziska
annonça hautement l'intention de
venger la mort de Husssurses assas-
sins, L'ex-empercur mourut, l'année
suivante, au milieu des circonstances
les plus orageuses. Les Hussites, maî-
tres de presque toute la Bohême, ve-
naient d'emporter Prague, et d'en
égorger les magistrats et les prêtres.
A cette nouvelle , la cour de Vences-
las fut daus la consternation. « Je
» l'avais bien prévu, s'écria le grand-
» échauson. » A ce mot, le roi se
jeta sur lui , un poignard à la main ;
mais au même instant, une attaque
d'apoplexie, causée par la colère^ le
renversa , et il mourut au bout de dix-
huit jours, âgé de cinquante - huit
ans , après avoir porté A'ingt - deux
:xns le litre de roi des Romains et
quarante- un ans celui de roi de Bo-
Lême. 11 ne laissa point de postérité;
et après quelques mois d'interrègne,
Sigismond , son frère , déjà empe-
reur, lui succéda. Tous les historiens
s'accordent à peindre Venceslas com-
me un Sardanapale , un Néron , un
Copronyme. Voué à une mollesse in-
fâme, il passait sa vie à table et par-
YEN
mi ses femmes, roulant sans cesse
de l'ivresse à la débauche et de la
débauche à l'ivi'esse. Fier de son apa-
thie , lorsque les villes et les princes
l'engageaient à visiter les pi'ovinces,
il répondait : « Je suis empereur, et
vous sujets ; c'est à vous de vous dé-
ranger^ si vous avez besoin de moi. »
Une seule fois , cédant à des avis réi-
térés , il entreprit un voyage en Al-
lemagne : toutes ses opérations se ré-
duisirent à voir un tournoi à Colo-
gne. Insensible aux pleurs et aux
plaintes de ses sujets, il affectait de
donner des bals et des jcuK au milieu
de la famine. Sa violence allait jus-
qu'à la barbarie. On prétend qu'il
avait lui - même dressé un chien
énorme à étrangler , sur un si-
gne, ceux qui se présentaient à lui; et
que Jeanne , sa première femme ,
ayant osé lui faire quelques représen-
tations , périt de cette manière.
Une de ses concubines , la femme qui
l'avait aidé à fuir de sa premièrepri-
son , avait seule le pouvoir d'adoucir
ses fureurs. Cependant quelques éci;i-
vains, plus amis peut-être du para-
doxe que de la vérité, ont dit que ce
prince fut au moins autant à plaindre
qu'à blâmer ; qu'entraîné à de fausses
démarches par un frère perfide , qui
lui suscitait des ennemis, menacé et
deux fois emprisonné par ses sujets ,
son caractère, naturellement facile et
doux , put s'aigrir , et le porter soit
à des vengeances trop sévères, soit à
des débauches capables de l'étourdir
et de lui faire oublier ses malheurs.
C'est ainsi que Walpole a fait un li-
vre , ex professa , pour justifier
Richard III de tous les crimes que
l'histoire lui impute, et queLinguet,
préludant à ce mot connu d'un
homme trop célèbre: « Tacite? il a
calomnié Tibère I » s'attache à atté-
nuer les forfaits du fils de Livic.
YEN
Mais on sent que ces jeux d'esprit
ne peuvent qu'amuser im instant et
ue changent point la conviction des
siècles et la conscience du genre hu-
main. P OT.
VENCESLAS DU BUDOWA se
Ht chef de la secte des Ulraquistes ,
B'jhe'miens protestants qui , dans le
dix -septième siècle, recevaient la
communion sous les deux espèces ,
jn'étcndant qu'elle était de droit di-
vin. Venceslas tenait, sur les événe-
ments qui regardaient son parti , un
journal en latin , dont le manuscrit
se trouve à Prague dans les archives
du royaume. Dobner eu a extrait et
publié ( I ) le passage où l'auteur rend
compte de la rupture ([ui éclata , en
1608, entre l'empereur Rodolphe II
et son frèie l'archiduc Mathias. Les
deux frères se trouvaient chacun à
\a tête d'une armée j l'archiduc à
Czasiaw, oîi il avait convoqué une
diète , et l'empereur à Prague , où il
avait rassemblé les états de Bohême.
Venceslas , profitant des circonstan-
ces, parla, au nom des Utraquistes,
avec tant de force et d'audace , que
l'empereur leur accorda à-peu-piès
tout ce qu'ils desiraient. Ce prince
fut également forcé de reconnaître les
prétentions de son frère , qui après
cela reprit le chemin de la Hongrie
avec son armée. Le Journal de Vences-
las révèle des circonstances curieuses
sur ces événements : l'auteur y peint
vivement les troubles delà Bohême ,
l'agitation qui régnait à Prague et
dans les états du royaume , les in-
quiétudes, les allées et venues du
nonce apostolique et de l'ambassa-
deur d'Espagne, qui s'étaient donnés
pour médiateurs, et enfin la conven-
tion que Mathias arracha à la fai-
VEN I I 9
blesse de l'empereur. Le Journal est
suivi des actes qui furent échangés
et arrêtés en cette circonstance.
G -Y.
VENDELIN. r. Wendelin.
VENDOME ( CÉSAR, duc de ),
appelé César Monsieur , fils aîné
de Henri IV et de Gabrielle d'Es-
trées , naquit, dans le mois de juin
ï594,au château de Coucy en Picar-
die, et fut reconnu par des lettres de lé-
gitimation du mois dejanv. suivant
( i ). Créé duc de Vendôme, en 1 598,
et gouverneur de Bretagne, il fut fian-
cé , la même année , à la fille unique
du duc de Mercœur, la plus riche
héritièie du royaume. Par le contrat
de mariage, son beau-père lui céda
le gouvernement de Bretagne , et
Henri IV lui fit don du duché-pairie
de Vendôme, ancien apanage de la
maison de Bourbon, qu'il venait de
réunir à la couronne. Cette ces-
sion portait atteinte à l'inaliénabili-
té du domaine, et le parlement s'y
refusait; mais Henri leva toutes les
difficultés en mettant cette note au
Las des lettres de jussion : « Croyez
» que faisant ce que je vous deman-
» de pour mon fils vous me serez
» très-agréables, et d'autant que c'est
» chose que j'ai fort à cœur et que
» j'afléctionne. » Ce prince mit le
comble à ses faveurs en donnant ,
en 1610, rang à son fils , immédia-
tement après les princes du sang. La
tendresse de ce prince pour cet en-
fant était si grande, qu'il songea,
dit-on, aux moyens de lui assurer sa
couronne, s'il n'avait pas d'héritier.
Ainsi oL /le doit pas être surpris que
le duc de Vendôme ait été l'un des
chefs des mécontents qui cherchèrent
à troubler la France, sous le pré-
(1) Diarlum anonyini, ap. Dobner, Monunuiila
hiilotica BohenUat ,'Pi-ngue , 1768,1. II, p. 3oi.
(1) Ces lettres sont très-curieuses ù lire. Dreux
du Radier les a dounées dans son sixième volume
des Reines cl Uèsienles lie France.
lao YEN
lextc que le mariage de Louis XIIT
avec une iufante d'Espagne était
contraire au bien de l'état. Retenu,
par ordre de la reine-mère, dans
son appartement au Louvi-e (i6i4) ,
il parvint à s'évader , et s'enfuit dans
son gouvernement de Bretagne, qu'il
tenta de soulever. La reine , voulant
prévenir une guerre civile, souscri-
vit, par le traité de Sainte-Mene-
lîould ( i5 mai ) , à toutes les condi-
tions des mécontents : mais le duc
de Vendôme persista dans sa révol-
te, et conliiiiia d'entretenir des in-
teHigences avec le prince de Coude.
Sommé de licencier ses troupes , il
répondit qu'ayant pris les armes
pour venger la mort du roi son pè-
re, il était décidé à y sacrifier sa
vie et ses biens. L'approcbe de l'ar-
mée royale et la défection de ses
partisans l'obligèrent bientôt à cban-
ger de langage j et il s'empressa de
se rendre aux conférences de Lou-
dun, où furent discutés les moyens
d'acbever la pacification du royau-
me, La guerre ayant été résolue con-
tre les réformés, il leur prit, en
1622 , Clérac, dont il rasa les forti-
fications j contint, avec une poignée
d'hommes la garnison de Montauban,
et contribua à la réduction de Mont-
pellier. Engagé par le grand-prieur
de France, Alexandre, son frère,
dans la conspiration de Chalais con-
tre Richelieu ( F. Talleyrand ) , il
se proposait d'en attendre le résultat
en Bretagne. La crainte d'éveiller les
soupçons le força d'accepter l'invi-
tation que lui lit le roi de se rendre à
Blois, où se trouvait alors la cour.
« Sire , dit-il à Louis XTII , je suis ve-
nu au premier commandement de Vo-
tre Majesté, pour lui obéir et l'assurer
quejen'aurai jamais autre dessoin ni
volonté que de lui rendre très humble
service. — Mou frère, répondit le mo-
YEN
narque, j'étais en impatience devons
voir. » Pendant le souper, il lui pro-
posa de l'accompagner à la chasse
du côté d'Amboise : « Je ferai , dit
César, ce que Votre Majesté me com-
mandera ; mais je suis venu en poste
et je suis las. — Je vois, reprit le roi,
que vous voulez voir vos amis; je
vous laisserai faire vos visites. »
Deux jours après, dans la nuit ( i3
juin 1626 ) , le duc de Vendôme fut
arrêté avec sou frère. Ils étaient cou-
chés dans la même chambre, et pro-
fondément endormis. Après avoir
entendu la lecture de l'ordre du roi :
« Eh bien .dit le duc à son frère, ne
vous avais-je pas annoncé en Breta-
gne qu'on nous arrêterait? — Ah I
s'écria le grand-prieur , je voudrais
être mort et que vous y fussiez. «Ils
furent conduits au château d'Am-
boise , puis à celui de Vincennes ,
et traités avec beaucoup de rigueur.
Le grand - prieur y mourut le 8
février 1629 (i) , protestant de
son innocence, à moms que ce ne
fût un crime d'avoir tenté de dé-
tourner Monsieur ( Gaston d'Or-
léans ) d'épouser Miï*=. de Mont-
pensier. Le duc de Vendôme ayant
fait au contraire tous les aveux qu'on
lui demandait, et s'étant démis de
son gouvernement de Bretagne , sor-
tit de prison au bout de quatre ans.
Il ne lui fut accordé qu'une modique
pension pour aller vivre obscuré-
ment dans les pays étrangers. Il ob-
tint du service en Hollande , et com-
manda les volontaires à la bataille
deLillo(i63i). Ayantnégociésa ren-
trée en France, il vécuttanlôt dans son
château d'Auet , tantôt dans celui de
Vendôme, où il put quelque temps se
croire oublié. En 1 64i , il fut accusé
(1) U c'iait né à Nanlcs en i5o8 , ft Tut iiilmraé
dans uu caveau de l'église du colle'ge de Veudôme,
que son frère César avait fondé.
VEN
d'avoir tente de faire empoisonner
le cardinal de Richelieu. Sur le pre-
mier mot, il offrit au roi de se jus-
tifier de cette absurde imputation :
mais réfléchissant que son innocen-
ce pourrait bien ne ])as le garantir de
la prison , il s'enfuit en Angleterre.
Son procès fut instruit, et il aurait été'
condamne' , si le cardinal n'eût pas
donne au roi le conseil de se réserver
de prononcer sur cette affaire. César
de Vendèmene revint en France qu'a-
près la mort du cardinal. Regardé
comme l'un des chefs du parti des
importants, il fut enveloppe dans la
disgi-acc du duc de Beaufortson fils.
Ayant reçu l'ordre de sortir à l'ins-
tant de Paris avec sa famille , il
s'en excusa sur ce qu'il était ma'adej
mais la reine , qui desirait le voir
éloigné, lui fit offrir sa litière pour
le conduire au lieu de son e\i\{Mém.
de M"'", de Mottevilh , i, igo ). Il
ne tarda pas à rentrer en grâce , et
fit sa paix avec le cardinal Mazarin ,
dont il avait d'abord rejeté les avan-
ces. En i65o , il reçut les provisions
de gouverneur de Bourgogne , et
quelques mois api'ès, la reine se dé-
mil, en sa faveur, de la cliarge de
grand-maître, chef et surintendant
général de la navigation et du com-
merce de France , dont la survivance
fut accordée au duc de Bcaufort. Le
duc de Vendôme contribua beaucoup
à la pacification de la Guienne , et
enleva Bordeaux aux mécontents
( i653 ). Il mit en fuite la flotte
espagnole devant Barcelone , en
i65,j. Ses infirmités l'obligèrent de
passer ses dernières années dans l'i-
uaction , et il mourut à Paris le il
octobre i665,àrâge de 71 ans.
Son corps fut transporté à Vendô-
me et inhumé dans le caveau desBour-
bons de l'église Saint-Georges. Son
cœur futdonné à l'église de l'Oratoire.
VEN vi\
C'était , suivant Le Vassor {Hist. de
Louis XIII ), un mince capitaine,
qui ne sut jamais se faire craindre
ni se faire estimer. Selon M'»^. de
Motteville ( Méni., i , l'iG), il avaiç
beaucoup d'esprit^ et c'était là tout le
bien qu'on eu disait. On a de lui
quelques lettres imprimées eu 161 4 ,
relatives aux troubles de Bretagnç.
H avait eu de son mariage avec Fian-
çoise de Lorraine, duchesse de Mer-
cœur , deux fils : i . Louis , duc de
Mercœur, marié à Laurc Piîancini ,
( Fojez l'article suivant) ; 2. Fran-
çois, duc de Beaufort ( Foyez ce
nom , 111 , 625 ) ; et une fille ,
Elisabeth , mariée à Charles-Araé-
dée de Savoie , duc de Nemours ,
qui fut tué en duel à Paris , le 3o juil-
let \(\5x, à l'âge de vingt huit ans.
Le portrait de César , duc de Ven-
dôme, a été gravé dans tous les for-
mats. W^ — s.
VENDOME (Louis , duc de),
fils aîné du précédent , naquit en
161 a et fut connu sous le ]Jom de
duc de Mercœur , jusqu'à la mort
de son père. 11 fit ses premières ar-
mes en i63o, dans l'expédition que
Louis XllI dirigea lui-même en Pié-
mont , et servit ensuite en Hollande,
où il se trouva à l'affaire de Lillo,
sous les veux de son père. Depuis il
se distingua au siège d'Hesdin, à
celui d'Arras, et surtout, le a août
1640, à l'attaque des hgnes fran-
çaises, où il fut blessé d'un coup de
feu. Après la retraite de sou père
en Angleterre, il s'éloigna de la cour
et n'y reparut qu'après la mort du
cardinal de Richelieu. En iQ~^, il
leva un régiment de cavalerie de so»
nom (Mercœur), et fut nommé
vice-roi et commandant des troupes
françaises en Catalogne. 11 reprit
Castel-Léon sur les Espagnols; mais
n'ayant pas assez de forces pour se
1-22 VEN
malalenir, il demaDua des secours ,
et n'ayant pu eu obtenir , il résigna
sa vice-royaute , en 1 63 1 . Ce ne lut
qu'après avoir épousé, eu i65i ,
Laure Maucini, î'aînc'e des nièces
de Mazariu , qu'il entra tout- à -
fait en faveur et devint comman-
dant de la Provence , ou il apaisa
des troubles , et se rendit maître
de Toulon. Eu i656, Louis XIV
lui donna le commandement de
l'armce de Lombardie , conjointe-
ment avec le duc de Modcnc ; et ils
rèsistèient de concert aux attaques
réitérées du cardinal Trivulce. Le
roi le créa, en 1661 , clievalier de
ses ordres. Du reste , c'était un géné-
ral médiocre et de peu d'esprit.
Ayant perdu sa femme , en i65(i, il
embrassa l'état ecclésiastique , et fut
ciéé cardinal en 1667. Le pape Clé-
ment IX le nomma son légat à latere
en France; et ce fut au nomde ce pon-
tife qu'il tint le daupliin sur les fonts
de baptême. II mourut à Aix , en
1669. M — DJ.
VENDOME ( Louis-Joseph , duc
DE ), fds aîné du précédent , naquit en
1654, et porta, jusqu'à !a mort de son
père , le nom de duc de Penthièi>re.
Son éducation ne fut pas très-soignée
sous le rapport de l'instruction, et il
ne montra jamais beaucoup de goût
pour les sciences et les lettres. Il dé-
buta dans la carrière des armes com-
me simple garde - du - corps , mar-
chant à la suite de Louis XIV, dans
l'invasion de la Hollande, en 1679,.
Il fit ensuite les dernières campagnes
de Turenne, et fut blessé an combat
d'Akeulieim, dans la retraite qui sui-
vit la mort de ce grand homme. Nom-
mé brigadier des armées du roi , en
1677 , ^^ ^"^ ^^ ^'^'^'^^ qualité qu'il lit
la campagne de Flandre, sous le ma-
réchal de Créqui , et qu'il se distin-
gua aux sièges de Coudé et de Cam-
VEN
brai; ce qui lui valut, l'année sui-
vante, le brevet de maréchal -de-
camp. La paix de Nimègue ayant
enfin rendu le i-epos à l'Europe, le
duc de Vendôme se retira dans sou
château d'Anet, où il se livra sans
réserve à son goût pour tous les gen-
res de plaisirs. Nommé gouverneur
de la Provence , en 1 68 1 , il alla pren-
dre possession de celte charge 5 et les
états de la province lui ayant of-
fert , selon l'usage , une somme
d'argent considérable , il la refu-
sa avec un noble désintéressement.
Nommé lieutenant-général et clieva-
lier des ordres , en 1 688 , il se distin-
gua dans quatre campagnes succes-
sives, aux sièges de Wons et de Na-
mur , au combat de Leuse , et surtout
à celui de Steinkerque , où le maré-
chal de Luxembourg, ayant été sur-
pris par les Anglais, ne parvint à les
repousser qu'à la suite de trois char-
ges sanglantes , dirigées principa-
lement par le duc de Vendôme et
son frère , qui y donnèrent des preu-
ves d'intrépidité ( r. Luxembourg ,
XXV, 478 ). En 1693, le duc
de Vendôme fut envoyé en Italie ,
sous les ordres de Catinat , et il con-
tribua très - ellicacement à plusieurs
victoires de ce maréchal, surtout à
celle de !a Marsaillc, où il comman-
dait l'aile gauche de l'armée fran-
çaise. Louis XIV lui accorda alors
rang au ]iarlement, au - dessus des
pairs j et il fut créé général des galè-
res , sur la démission du duc du Mai-
ne : mais une faveur plus importante
fut le commandement en chef de l'ar-
mée de Catalogne , où \ eodôme arri-
va dans le mois de juin 169.5 , pour
remplacer le maréchal de Noailles.
Après avoir fait lever le siège de Pa-
lamos et culbuté la cavalerie espa-
gnole , que commandait le prince
de Hcsse-Darmstadt _, il investit Bar-
YEN
celone , et commença un siège au suc-
cès duquel Louis XIV mettait beau-
coup de prix. On avait en conséquence
donne' à Vendôme des moyens consi-
dérables ; et la place fut investie par
terre et par mer : mais elle était
bien approvisionnée , défendue par
une forte garnison ; et tout an-
nonçait que l'opération serait lon-
gue et diiiicile. La cour d'Espagne ,
qui tenait beaucoup à la conser-
vation de ce boulevard de ses fron-
tières, envoya une armée nombreuse
sous les ordres du vice-roi de Ca-
talogne, François de Vélasco, pour
attaquer les assiégeants. Le duc
de Vendôme , informé de ce pro-
jet , résolut de le prévenir. Ne lais-
sant dans ses lignes que le nom-
bre de troupes nécessaire pour
contenir la garnison, il marche,
pendant la nuit^ contre Vélasco , le
surprend au point du jour, et le met
dans une déroute complète. Cette vic-
toire fut bientôt suivie de la prise de
Barcelone, qui capitula le lo août
1695 ; et ces événements amenèrent
la paix de Riswick. Vendôme retour-
na triomphant dans sa délicieuse re-
traite d'Anet , et il n'en sortit qu'à
l'époque de la guerre de la succession
d'Espagne. Chargé alors d'aller ré-
parer, en Italie, les fâcheux résrul-
tats de l'impéritie de Vilieroi , il prit
lecommandement del'arméedes deux
couronnes , et se trouva, pour la pre-
mière fois , avec le nouveau roi Phi-
lippe V, auquel il inspira, dès ce
moment, une grande confiance. Ce
prince lui avait amené de Naples
de nombreux renforts ; et Vendô-
me se vit à la tête d'une armée
de beaucoup supérieure à celle des
Impériaux : mais ceux-ci étaient com-
mandés par le prince Eugène, le
plus entreprenant et le plus fécond
en ressources des généraux de ce
VEN
123
temps-là. Ces qualités n'étaient pas,
il faut le dire, celles de Vendôme:
tous les contemporains s'accordent
à le représenter comme incapable de
méditer etde préparer deîongue main
une opération , et surtout comme dé-
pourvu de la vigilance et de l'activité
qui peuvent seules en assurer le suc-
cès. Il est difficile d'expliquer com-
ment un tel homme s'est fait une
assez grande réputation dans un siè-
cle où brillèrent tant d'illustres guer-
riers ; et l'on ne conçoit pas mieux
comment il a pu réellement obte-
nir des succès importants 5 mais on
ne jieut nier qu'à son exccssiye in-
curie, à son insurmontable paresse, il
joignait un coup-d'œil excellent, une
valeur à toute épreuve, un sang-froid
imperturbable dans Icsplus grands pé-
rils, et que par des avantages si grands
dans un général, il réparait souvent
les malheurs qu'avait causés son im-
prévoyance. Dans cette campagne
de i']o2 , il débuta de la manière la
plus brillante , poussant devant lui
l'armée impériale , battant son ar-
l'ière-garde à Ustiano, à San-Vitto-
ria , et faisant lever le blocus de
Mantoue.Mais bientôt, retombé dans
son indolence , il se relâcha des pré-
cautions qu'il avait d'abord prises ;
et après avoir marché sans recon-
naître le pays , même sans être pré-
cédé d'une avant-garde , il allait éta-
blir son camp sur le canal du Zéro,
dans la plaine de Luzara , lorsque
le hasard fit découvrir , cachée der-
rière ce même canal, toute l'armée
du prince Eugène , qui avait passé le
Pô sans que l'on s'en fût aperçu , et
qui était près de fondre sur les Fran-
çais , désarmés et occupés à dresser
leurs tentes. Toute l'armée de Ven-
dôme était perdue sans ressource, si
sa sécurité eût duré un quart d'heure
de plus. Dès qi:'i! est averti, il saisit,
1^4
YEN
au premier coup-d 'œil, tous les avan-
tages et les difficiilte's du terrain ,
forme ses troupes, les mène au com-
bat^ et fait si bien qu'aprcs de longs
et sanglants efforts de part et d'au-
tre , la victoire reste indécise , dans
une journée où l'ennemi croyait xnar-
cher à un triomphe assuré ( i5
août l'yoa). Philippe retourna en
Espagne aussitôt après; et persuadé
qu'il avait assisté à une victoire , il
donna l'ordre de la Toison d'Or à
Vendôme. Reste à la tète de l'armée
confédérée, ce général pénétra dans
le Tyrol , obtint divers avantages
sur le comte de Stalirenberg , et se
rendit ensuite en Piémont , pour
y combattre le duc de Savoie , qui
venait de se séparer de la France. Il
désarma trois mille hommes des
troupes de ce prince , alors réunis
à l'armée française,, et il lui enleva
plusieurs places , entre autres celle
de Verrue, qui capitula ajirès un
long siège. Mais bientôt, obligé de
marcher à la rencontre du prince
Eugène, qui venait au secours du duc
de Savoie , il le rencontra sur l'Ad-
da , où fut livrée , le i6 août 1706 ,
la bataille de Cassano, si sanglante,
si indécise , et dans laquelle , comme
à Luzara ,1e hasard et la valeur fran-
çaise suppléèrent à l'imprévoyance
du général. Vendôme, qui d'abord s'é-
tait laissé tromper sur le point d'at-
taque , fit de si bonnes dispositions
au Paradist» , qu'il força le prince
Eugène à tenter le passage du fleuve
d'un autre côté : mais il se tioubla
ensuite tellement, il agit si peu de con-
cert avec son fière le grand-prieur {f^.
l'article suivant) , qu'il ne put oppo-
ser à l'armée impéiiale , sur le pont
de Cassano , que des corps séparés ,
combattant sans ensemble et presque
sans direction, dans un cul-de-sac où
la victoire pouvait seule les souslrai-
VEN
re à une ruine absolue. C'est ainsi
que celle bataille a été représentée
par les meilleurs juges, par Feu-
quières et par Folard lui-même,
quelque admirateur que ce dernier
fût du duc de Vendôme, qui l'avait
fait son aide-de-camp. Ce général
montra plus d'habileté , quelques
mois après en surprenant l'armée
impériale dans ses quartiers d'hiver
à Calcinato : mais dans celte circons-
tance il manqua encore d'activité , et
n'ayant pas poursuivi rapidement un
premier avantage, il laissa échapper
l'occasion d'en obtenir de plus con-
sidérables. Ce fut son dernier exploit
en Italie. Destiné à remplacer Ville-
roi après tous ses désastres , il fut
envoyé en Flandre, en 1708, pour
y commander les débris qui venaient
d'échapper à la défaite de Ramillies:
mais ne connaissant pas le pays , se
trouvant en présence de Mai'lbo- |
rough et du prince Eugène , et peu
d'accord avec le duc de Bourgogne
( Fojez Bourgogne, V, 876 ), il
essuya toutes sortes de revers, et per-
dit la bataille d'Oudenarde, si fu-
neste pour la France dans les circons-
tances fâcheuses où le royaume se trou-
vait. Sans adopter sur cet événement
toutes les assertions de Saint-Simon ,
qui a traité Vendôme avec beaucoup
de sévérité , on ne peut nier que ce
général ne fit dans cette occasion au-
cune disposition pour empêcher la
jonction du prince Eugène avec Marl-
borough, m pour opérer la sienne
avec le maréchal de Berwick , qui
lui amenait des renforts , ni enfin
pour résister à une attaque qu'il de-
vait prévoir. Il n'est pas moms vrai
que ses troupes , prises au dépourvu ^
et venant l'une après l'autre en co-
lonnes sur le terrain , n'eurent pas le
temps de se former. Le désordre do
la retraite , exécutée pendant la nuit,
YEN
fut encore pins grand j etl'arme'e fran-
çaise y fit des pertes immenses ; en-
fin Vendôme mit le comble à ses torts
en parlant à l'héritier diitrône,au mi-
lieu d'un conseil de guerre, avec la
dernière arrogance , et en rappelant
à ce prince, de la manière la plus du-
re , quil{ le prince) n^ était venu que
pour obéir. C'était se condamner lui-
même ; mais ses partisans ne persis-
tèrent pas moins à dire que les ordres
du jeune duc avaient fait tout le mal;
qu'ils avaient empêche les meilleu-
res résolutions; et ils répétèrent avec
plus de violence encore ces accusa-
tions contre !epetit-fils de Louis XI V,
lorsque les alliés entreprirent !e siège
de Lille , et qu'ils s'emparèrent de
cette place, en présence de cent mille
Français , qui ne firent rien pour les
en empêcher ( J^. Eugène et Bouf-
FLERS ). Les partisans de Vendôme
étaient surtout appuyés par le Dau-
phin , père du duc de Bourgogne,
qui avait le tort incroyable d'être
jaloux des succès de son lils ( Foy.
Louis, XXV , 241 ). Dès que celte
déplorable campagne fut terminée,
Vendôme parut à la cour de i\Ieu-
don , et il V fut accueilli avec beau-
coup d'empressement. Il jeta en
même temps dans le public une es-
pèce de Mémoire justificatif, où la
plupart des faits étaient défigurés et
rapportés d'une manière tout-à-fait
injurieuse au duc de Bourgogne. Ce
fut par tous ces moyens et par l'in-
fluence d'un parti nombreux , que ,
malgré ses défaites, Vendôme conser-
va une grande réputation d'habileté j
enfin ce fut ainsi que, im an plus tard,
lorsque la couronne d'Espagne fut
près d'échapper à Philippe V, lors-
que ce prince, obligé de quitter sa ca-
pitale , n'eut plus d'espoir que dans
les secours de la France , il ne vit
de moyen de salut que dans la va-
VEN
125
leur du vainqueur de Luzara , et
il le demanda avec beaucoup d'ins-
tances à Louis XIV. Ce monarque
se hâta de faire partir le duc , et
il envova en même temps en Espa-
gne tous les secours dont il put dis-
poser. Au nom de Vendôme, tous
les débris échappés à la défaite de
Saragûsse se réunirent ; un grand
nombre de volontaires accoururentdo
toutes les parties de l'Espagne, ])our
se ranger sous les drapeaux de Phi-
lippe V ', et bientôt l'archidnc d'Au-
triclie, son compétiteur, se vit obli-
gé de quitter Madi id devant le pe-
tit-fils de Louis XIV, qui y fit sa
rentrée à côté de Vendôme, le 3 dé-
cembre 1710, au milieu des cris de
Vii>e Philippe V , vive Vendôme l
Trois jours après, tous deux quittè-
rent cette capit.ile; ils poursuivi-
rent avec une admii-ab!e rapidité
l'armée de Slahrenberg ; et forcèrent
à capituler le général Stanhope , qui ,
après s'être tenu maladroitement
trop éloigné de l'armée dont il com-
mandait l'arrièi-e-garde, s'était, plus
maladroitementencore, enfermé dans
la mauvaise place de Brihuega , où il
mit bas les armes avec cinq mille
Anglais. Ce succès important fut bien-
tôt suivi de la victoire de Villa-Vi-
ciosa , que Vendôme l'cmporta sur
Stahrenbei'g lui-même. Cette victoi-
re , quoique long - temps disputée ,
fut tout- à-fait décisive; et cette
époque du petit -fils de Henri IV
est réellement très-brillante : c'est la
plus belle de sa vie. Cependant il
était malade , souffrant de la goutte,
et déjà d'un âge avancé : ce fut dans
cet état qu'on le vit déployer plus
d'énergie et d'activité qu'il n'en avait
montré dans toute la force de sa jeu-
nesse. Toujours à cheval, et se don-
nant à peine le temps de prendre un
léger repas, il força en quelque sorte
1^6
YEN
le jeune roi à suivre son exemple.
Dans la soirée de la victoire de Vilia-
A iciosa, tous deux n'avaient que leurs
manteaux pour couclier sur le champ
de bataille. Ce l'ut alors que Yendô-
rae dit avec tant de grâce au jeune
juonarquc : « Je vais donner à Vo-
» tre î\lajcste le meilleur lit sur le-
» quel un roi ait jamais pu cou-
» clier; « et faisant apporter tous les
drapeaux cl les étendards pris à l'en-
nemi , il les arrangea en sa présen-
ce. Revenu triomphant à Madrid ,
avec le roi , qui lui devait sa couron-
ne, il y fut comblé d'honneurs, et
admis au rang de premier prince -du
sang : mais i! refusa généreusement
toutes les sommes d'argent qui lui
furent olfertcs ; et peu de temps après,
voulant achever son ouvrage^ il par-
tit pour la Catalogne, afin de sou-
mettre quelques corps d'insurgés qui
tenaient encore pour l'Autriche. Ce
fut dans cette expédition qu'il mou-
rut subitement au milieu de ses triom-
phes , à Tignaroz , le 1 1 juin 1712.
Philippe V ordonna que toute l'Espa-
gne prît le deuil , et il le fit enterrer
à l'Escurial , dans le tombeau des
infants d'Espagne. "Vendôme avait
épousé , en 1710, IMarie-Anne de
Bourbon-Condé,qui mourut en 1718.
Peu d'hommes ont donné lieu à des
opinions plus diverses ; peu de guei'-
riers oll'rent dans leur carrière de
quoi établir des jugements aussi con-
tradictoires. Avant de commander
en chef, il avait montré quelque ha-
bileté , et surtout cette bravoure
qui le distingua toujours. Dans sa
première campagne en Catalogne , il
brilla par l'audace , l'activité, et il
obtint de beaux résultats : mais en
Italie , où il avait , par le nom-
bre , une grande supériorité sur
le prince Eugène, il profita peu
de cet avantage, ne déploya aucun
YEN
plan , aucune combinaison hardie;
et, dans les deux occasions les plus
importantes , ne dut qu'au hasard
d'échapper à une défaite absolue et
dont on n'eût pu accuser que son im-
prévoyance. A Oudcnarde, oîi il était
également supérieur par le nombre,
il se laissa prévenir malgré des avis
réitérés , et il voulut combattre lors-
qu'il n'étaitplus temps: il attribua tous
les torts à l'héritier du trône ; et quoi-
que ce prince ne fiit venu que pour
obéir, comme il le lui dit avec tant
d'insolence, il rejeta sur lui toutes les
suites de sa propre indécision , de son
impéritie ; et son parti , qui ne lais-
sait pas d'èti'c nombreux , fit retentir
ses plaintes jusqu'aux oreilles du
roi et nuisit beaucoup au duc de
Bourgogne dans l'esprit de Louis
XIV. Ou resta persuadé, à la cour
et dans le public, que Vendôme était
un grand général , et ce fut l'opinion
de toute la France autant que celle de
Philippe V, qui le conduisit presque
aussitôt eu Espagne , où l'on crut
qu'il était le seul homme capable de
replacer la couronne sur la tète du
petit-fils de Louis XIV. Ses opéra-
tions dans cette centrée sont dignes
d'éloge sous beaucoup de rapports.
Contre sa coutume , il y déploya de
l'activité. Il fut admirablement se-
condé , il est vrai, par les troupes,
etsurtout parles généraux espagnols;
et il eut le toi't de ne pas reconnaître
assez ce qu'il devait à la valeur du
comte d'Aguilar , qui lui fut indigne-
ment sacrifié par la cour. Si les
talents militaires de Vendôme ont
pu être jugés diversement , toutes les
opinions sont d'accord sur le scan-
dale de ses mœurs et de sa vie pri-
vée. D'un cynisme et d'une malpro-
preté dégoûtante, il cachait à peine
ses goûts honteux. Personne n'a con-
testé son désintéressement et sa bon-
VEN
tej mais cette ])onté et ce dësinte'res-
senient n'avaient souvent pour princi-
pe qu'une faiblesse déplorable et qui
tournait presque toujours au profit
des intrigants et des fripons dont il
e'tait sans cesse entoure. Le désordre
de sa maison e'fait tel que le secré-
taire de ses commandements , Cani-
pistrou , a dit que l'on courait tou-
jours risque d'y mourir de faim
ou d'indigestion. Ses domestiques
le volaient ouvertement. L'un d'eux
lui ayant dit un jour qu'il allait
le quitter , ne pouvant plus voir
piller aussi effrontément : « JN'est-
)) ce que cela, lui dit Vendôme?
» liébien, jp/ZZe comme les autres! »
A ses derniers moments , lorsqu'il fut
près d'expirer des suites d'une iiidi-
gcstion ( i ), ces misérables vendirent
jusqu'au matelas sur lequel il était
couché. Dans son cliâleau d'Anet,
comme dans son état-major, il pas-
sait sa vie au milieu des hommes les
plus méprisables; leur sacrifiant les
meilleurs officiers, et souvent ses de-
voirs les plus impérieux. L'un d'eux
était notoirement vendu aux enne-
mis de l'élat, et leur livrait le secret
des plus importantes opérations.
Le moyen de succès le plus assuré
auprès du duc était d'aiUcher une
grande liberté dans sa conduite et
dans ses propos. Ce fut par là que le
fameux Alberoni sut lui plaire et
s'en lit nu protecteur très-zélé. Fort
populaire et presque familier avec
ses inférieiirs et surtout avec les sol-
dats, il était fier avec ses égaux, et
il tirait surtout beaucoup de va-
nité de son origine. Philippe V
lui ayant témoigné son étonnement
de ce qu'il avait tant d'esprit et de
valeur , quoique son père en eût peu
montré , il répondit au monar-
(l) Pour avoir mangé trop île poisson.
YEN 127
que : Mon esprit vient âe plus loin.
On sait que Louis XIV n'aimait pas
Vendôme, qu'il ne l'employa jamais
que faute de pouvoir faire mieux ; et
l'on a dit que cet éloignement venait
surtout de ce que les princes n'ai-
ment pas les bâtards de leur maison :
mais aucun de nos rois n'eut plus de
l'aison que celui-là d'être indulgent
pour ce genre de scandale j il est plus
probable que le monarque détestait
dans Vendôme ses goûts infà mes et son
irréligion. C'est sans doute à cause
de cette opinion connue du souve-
rain, que les historieus contempo-
rains ont . peu parlé d'un homme
aussi remarquable. Voltaire lui a
donné de grands éloges , par les
mêmes motifs , peut - être , qui
empêchèrent Louis XIV de l'es-
timer. L'académie de Marseille pro-
posa , en. 1781 , pour sujet du prix
d'éloquence , V Eloge de Fendôme.
Le prix fut remporté, en 1^83 , ])ar
M. de Villeneuve, commis à l'hôtel
des fermes. L'ouvrage imprimé in-
8". a pour épigraphe : Optimè is
laudaverit qui ji déliter narraverit.
MM. Dieulafoy et Gersain ont fait
représenter, sur le théâtre du Vau-
deville, le 17 juin 1807 , Les Pages
du duc de Fendôme , pièce en un
acte, imprimée la même année in-80.
De cette pièce, M. Aumer a fait un
ballet joué à l'opéra le 8 octobre
1820, et imprimé la même année
in-80. MM. Mennechet et Empis ont
donné sur le même théâtre , le 5 dé-
cembre 1 8^3 , Fendôme en Espa-
gne , drame lyrique en un acte , im-
primé in-8». ( ouvrage de circons-
tance ). On a publié, pour le mê-
me motif et dans la même année : Le
duc de Fendôme en Espagne, pré-
cis historique de sa vie et de ses
dernières campagnes , par un an^
cieu militaire, in 8". M — d j.
128
VEN
VENDOME (Philippe de) , frère
du précédent , né le 23 août i655 ,
fut reçu chevalier de iMalte dans son
enfance , et fit ses premières armes ,
en i6C^, sbns le duc de Beaufort ,
son oncle , qui périt si malheureuse-
ment au siège de Candie ( V. Beat;-
tORT, III , 625 ). Le jeune chevalier
donna, à ce siège mémorable, des
preuves d'un grand courage , et il fit
ensuite la campagne de Hollande , où
Louis XIV commanda son armée en
personne. Étant resté en Allemagne,
sous les ordres de Turenne , après le
départ du moriârqiie , il eut part à
la victoire de Sintiheim. Il lit les
campagnes de Flandie aA'ec le gra-
dé de colonel , fut nommé maréchal -
de-camp, en i<jgi,et ne se distingua
pas moins que son frère aîné , à la
prise de Namur , ainsi qu'aux com-
1)3 ts de Leuse et de Steinkerque. De-
venu grand-prieur de France et lieu-
tenant - général en 169^ , il passa à
l'armée d'Italie , et concourut à pui-
sieurs victoires dans le Piémont, no-
tamment à celle de la Marsaille, sous
le maréchal de Catinàt. Il suivit enco-
re son frère en Catalogne, en ifig-j^et
contribua beaucoup , par sa valeur , à
là défaite de Vélasco et à la prise
de Barcelone. Il retourna ensuite en
Italie , oii il fut chargé du comman-
dement de la Lombardie, pendant
que le duc de Vendôme s'emparait
des places du Piémont. Il contraignit
alors les Impériaux , par différents
avantages , à repasser l'Adige et à
évacuer le Mantouan , repoussa tou-
tes leurs tentatives pour secourir la
Mirandole ( Voy. Folard ) , et leur
fit essuyer un échec considérable au-
près de Castiglione^ le 3i janvier
1705. Mais tous ces lauriers semblè-
rent bientôt effacés par la conduite
du grand-prieur à la bataille de Cas-
sano , où cependant il ne fit que sui-
VBN
vre les ordres de son frère , en s'éloi-
gnant du Ritorto, que devait attaquer
le prince Eugène, et en se tenant
éloigné du combat, parce que le duc
ne lui envoya point d'ordre d'y ve-
nir. On ne peut nier que cette excuse
ne fût militairement très bonne • ce-
pendant elle ne fut pas admise. Traité
avec beaucoup de dureté par son
frère, et disgracié par la cour , le
grand-prieur perdit tous ses bénéfices,
qui étaient considérables , et il se
rôtira à Rome , où il ne lui resta
pour vivre qu'une pension du roi,
de vingt-quatre mille francs. Après
cinq ans de séjour en Italie , il reve-
nait en France avec le consentement
de Louis XIV, lorsqu'il fut arrêté à
Coire en Suisse , par le conseiller
Mesner , qui se vengea par là de ce
que son fils était retenu' ])risonnier
en France. La cour de Versailles ré-
clama contre cette violation du dioit
des gens: le conseiller, qui s'était
sauvé en Allemagne, fut condamne'
à mort pour cet abus de pouvoir;
et le grand-prieur, rendu à la liberté ,
se hâta de revenir en France , où il
rentra dans la faveur du roi , et re-
couvra ses bénéfices. A la mort de
son frère il n'hérita point du duché
de Vendôme , en raison de ses vœux,
comme chevalier de Malte , et ce du-
ché fut réuni au domaine de la cou-
ronne. Rétabli dans son palais du
Tempîe , il s'y livra à tous les gen-
res de plaisirs; y réunit très-nom-
breuse compagnie et se fit l'emarquer
par la licence de ses mœurs , dans
le temps de la régence , où tout fut
si licencieux. Du reste ce prin-
ce aimait et protégeait les lettres et
les arts. La Fare, Chaulieu, Pala-
prat, vécurent dans son intimité, et
souvent i!s éprouvèrent sa bienfai-
sance. Ce fut à lui que J.-B. Rous-
seau adressa sa belle Ode septième, à
VEN
l'occasion de son retour de Malte,
où il s'était rendu _, en 1716, pour y
prendre le commandement des trou-
pes destinées à combattre les Turcs.
Mais l'attaqueque l'on redoutait de la
part de ces derniers n'eut pas lieu,
et le grand-piieur se liâta de revenir
dans son palais du Temple, où il
mourut le 24 janvier i']'2'j. L'es-
prit de ce prince était plus cultive'
que celui de son frère; et il avait
plus de moyens de succès dans le
monde. Le caractère de ces deux
hommes célèbres fut d'ailleurs d'u-
ne grande ressemblance : tous deux
aimèrent beaucoup la table , et tous
deux eurent l'habitude de rester long-
temps au lit , même dans leurs cam-
pagnes , où ils auraient eu besoin de
la plus grande activité. C'étaient
de vrais épicuriens , et sous quelques
rapports, au moins pour la valeur et
le goût des plaisirs, de dignes petils-
fds de Henri IV. M— d j.
VENDOME. Fof. Geoffroi et
Matthieu.
VENDRAMINO (André), doge
de Venise, successeur de Pierre Mo-
cenigo, au commencement de l'année
147Ô, m;iintint la république de Ve-
nise en paix , à l'époque où les deux
e'tats voisins , le duché de Milan et
la république de Florence, étaient bou-
leversés par les plus redoutables con-
jurations. Son règne ne présente rien
de remarquable. Il mourut le (i mai
147^, et eut pour successeur Jean
Mocenigo. S. S — i.
VEiNEGAS ( Michel ), jésuite
espagnol du dernier siècle , fut mis-
sionnaire au Mexique et en Califor-
nie ; il rendit de longs services à son
ordre dans l'administration de cette
dernière contrée, et ne cessa de re-
cueillir d'utiles documents sur la
géographie du pays et sur l'histoire
des missionnaires européens qui par-
XLVUI.
VEN 129
vinrent à le soumettre au milieu de
dangers et de souHraiices continuel-
les. Après sa mort , un religieux de
sa société, le P. André-Marc Bur-
riel, recueillit ses manuscrits, mit
en ordre et publia, sans se nommer
lui-même , l'histoire du P. Venegas ,
sous ce titre : Noticia de la Cali-
fornia y de su conquista , etc. , Ma-
drid , 1757, 3 vol. in-4". Cet ou-
vragc ne tarda pas à être traduit en
anglais, et c'est sur cette traduction
que fut publiée en français V Histoi-
re naturelle et civile de la Califor-
nie, traduite par E. ( Eidoiis ) , Pa-
ris, 1767,3 vol. in-12. On trouve
dans ce livre des détails peu connus
sur les travaux de la mission et sur
les mœurs des habitants rie la Cali-
fornie. 11 est suivi d'un supplément
donné par l'éditeur espagnol, et con-
tenant des extraits relatifs aux mê-
mes pays , empruntés aux histoires
et voyages de Goinara , Viscaino,
Jean de Torquemada , V^'^oode Rogers
et Anson. V-g-r.
VENEL (Gabriei.-Fsançois) , na-
quit en i7'-i3, à Combes , diocèse de
Béziers,où sa famille était établie de-
puis long-temjis. Sa thèse pour pren-
dre le grade de bachelier, soutenue à
l'âge de dix-huit ans , annonça par
les principes hardis, mais lumineux,
qu'il y avance , sur l'abus des pur-
gatifs et contre les vertus des corps
terreux , un homme qui ne s'en tien-
drait pas à la routine de ses maîtres.
Après son cours fait à Montpellier,
il alla à Paris , où il se livra , par
prédilection , à la chimie. Il fut
d'abord disciple de Rouelle , ensuite
son ami, puis son rival , et l'objet
de la jalousie de ce savant. Rouelle
l'appelait \e démon du midi, pour
marquer son habileté à deviner les
secrets dont il n'avait parlé qu'énig-
matiquement à ses disciples. Le duc
9
i3o VEN
d'Orléaus plaça Venel à la tète de
son laboratoire . ce qui lui procura
les plus grandes facilites poursuivre
son goût favori. 11 choisit pour objet
de ses premiers travaux l'analyse
des ve'gc^aux. Ses essais dans ce
genre, qui annonçaient décidées neu-
ves , une méthode heureuse , eurent
l'approbation de l'acadëmicdes scien-
ces. Ainsi que l'analyse des eaux de
Schz , les Mémoires sur ces objets
sont insères dans le Recueil des sa-
vants étrangers. C'est dans ces î\îe-
nioires qu'on trouve aussi la première
découverte de l'acidité de l'air
ûxc. Venel s'associa aux encyclopé-
distes : les articles qu'il leur fournit
prouvent des connaissances : à com-
mencer du troisième volume, presque
tout ce qui concerne la chimie , la
pharmacie, la piiysiologie et la mé-
decine est de lui. Eu 1^53 , il fut
chargé , par le gouvernement , de
faire l'analyse des eaux minérales
du royaume , conjointement avec
Eaym. 11 continua ses courses et
ses travaux pour cet objet jusqu'en
i-jjG , que le paiement des fonds
destinés à cette dépense fut suspen-
du à cause de la guerre. Reçu, en
i^SH, membre de la société roya-
le de Montpellier , il y lut des Dis-
sertations très -intéressantes sur la
manière de séparer l'acide nitreux de
sa base , par le moyen du soufre j
sur la couleur verte des ])Iantes , etc.
Il introduisit dansTiniivcrsité la nou-
velle manière d'enseigner, plus phi-
losophique que l'ancienne ; il répandit
le goût de la bouue chimie. Devenu
professeur de médecine à Montpellier,
a la même époque, il commença ses
cours par la matière médicale; il ré-
])andit les principes d'Hippocrate ,
il se déclara avec aigreur contre ia
fureur de médicamenîer et de saigner
souvent. Ennemi de l'esprit de sys-
VEN
tème , il attaqua vigoureusement la
méthode de Boei'haave , absolument
théorique. Borné à l'instruction, il
se livrait peu à l'exercice de la
médecine, si ce n'est lorsque l'a-
mitié ou la charité l'exigeait. On
lui avait cependant reconnu beau-
coup de talent pour la pratique ,
et on l'a vu suivre avec le plus
grand succès , dans le traitement
de diverses maladies , les idées qui
lui étaient particulières. 11 fut char-
gé , par les états de Languedoc , de
faire des expériences sur ia houille j
elles furent heui'cuses : il détruisit les
préjugés populaires contre cette sub-
stance ; et il en accrédita l'usage.
Son ouvrage parut en 1774 ? sous le
titre à.' Instruction sur Vusage de la
houille , de cette production si néces-
saire dans une jnovince où le bois est
très-rare, et où les manufactures en
consomment une très-grande quantité.
Tous les matériaux de son grand ou-
vrage sur les eaux minérales étaient
prêts : il s'occupait de les mettre en
ordre , lorsqu'il mourut à Mont-
pellier , le 29 juin 1 775 , des suites
d'un ulcère à la jambe. Il avait un
juste et vif discernement , un coup-
d'œil prompt , ra])ide et sûr. La
partie du style intéresse dans ses
écrits , la force , l'énergie y domi-
nent ; on y voit des traits saillants ,
que son imagination lui fournit à pro-
pos; mais il était trop dogmatique
et tranchant dans ses décisions. Il
était lié de correspondance avec les
savants de tous les pays, surtout de
la capitale. Son Éloge a été compo-
sé par de Ratte. On a de lui un Vré-
cis de matière médicale , Paris ,
1787 , 2 vol. iii-8''. 7 publié par M.
Carère. Z.
VENEL (Jean-André), né siu-
les bords du lac de Genève le 28
mai 1740 , eut Cabanis et ïronchin
VEN
pour premiers maîtres dans l'art
de ^iieiir. S'e'tant établi , eu I769,
à Yvcrdun, il érigea , dans les bains
de cette ville, une école de sages-
femmes, et composa pour elles un li-
vre classique. Lorsqu'il eut assuré le
succès de cet utile établissement , il
s'occupa d'un autre objet. Un enfant
né avec les jambes tout-à-fait cour-
bées en dedans fut confié à ses soins,
et il eut le bonlicur de le guérir.
Ayant observé que cette partie de la
science était encore bien imparfaite ,
il prit , en \']']g , la résolution de re-
tourner à Montpellier , et d'aller
s'asseoir de nouveau sur les bancs ,
pour entendre des leçons d'anatomie ,
dirigées uniquement vers son objet.
De retour dans le pays de Vaud ,
il s'établit à Orbe , et opéra des cu-
res si heureuses , qu'on lui amenait
des malades de tous les pays voi-
sins. Les difformités dans les jambes
disparaissaient par ses soins , et il
rendait à cette partie du corps, avec
plus ou moins de bonlieur , une di-
rection convenable. Afin d'avoir
sous les yeux tous ses malades , il
ouvrit à Orbe une maison de santé ,
où il suivait leur traitement avec
assiduité. Quand on lui amenait un
enfant malade , il faisait prendre
un modèle en plâtre de la partie
difforme , et il en faisait prendre
un autre , après la guérison. La
vue de ces modèles , réunis , don-
nait du courage aux malades. Ve-
nd profita de ses loisirs pour pu-
blier : 1. Noiweaux Secours pour
les corps arrêtés dans V oesophage ,
et Description de quatre instru-
ments propres à retirer les corjjs
par la bouche , Lausanne, 1769 ,
in- 12. IL Instruction sur l'usage
de la houille , plus connue sous le
nom de charbon de terre , Avignon
et Lyon , 1775, in-S". \\1, Essai
VEN i3i
sur la santé et sur l'éducation mé-
dicinale des filles destinées au ma-
riage , Y Verdun, 1776, in- 12. IV.
Description de plusieurs nouveaux
mojens mécaniques , propres àpré-
venir , à borner , et même à corri-
ger , dans certains cas , les cour-
bures latérales , et la torsion de
V épine du dos , Lausanne, in88,
in-8°. On trouve dans cet ouvrage
deVenel les résultats de son art , qui,
comme on voit, s'étendait à la struc-
ture de tout le corps humain. Afin
que son établissement se soutînt après
sa mort, il forma deux médecins qui
devaient marcher sur ses traces.
Parmi les instruments dont l'inven-
tion ou le perfectionnement lui ap-
partient, on ne doit point oublier
celui qu'il a fait pour arracher les
dents. Venel mourut au milieu de ses
malades le g mars 179 1. G — y-
VENERÔNl (Jean Vignepon,
connu sous le nom de ) , naquit à
Verdun dans le dix-septième siècle.
Ayant fait une élude particulière de
la langue italienne , ù 5e la rendit
tellement propre , qu'il réussit à
tromper, mtme sur son origine, les
hommes les plus instruits. Après
avoir italianisé son nom , il vint à
Paris, où il se donna pour Florcutin
et se fit annoncer comme maître d'ita-
lien. La pureté de son langage et ia
clarté de ses principes lui proeiuè-
rent bientôt un grand nombre d'élè-
ves. On le regarde, à bon droit ,
comme un des auteurs de ce temps-
là qui, par la facilité de leur r.i.yic ,
ont le plus contribué à répandjc eu
France le goût de la littérature ita-
lienne. Il fut secrétaire-interprète
du roi. Les époques précises de sa
naissance et de sa mort ne sont pas
connues; mais , d'après les dates des
diverses publications de ses ouvra-
ges, on a lieu de conjecturer qu'il a
9-
r32
VEN
fourni une assez longue carrière.
11 traduisit en tranç^is les Lettres
de J.-F. Loredano , poète et litté-
rateur vénitien, Bruxelles, 1708,
in-i2,etles Lettres du cardinal
Bentivoglio. Il publia ensuite une
traduction italienne de Fables choi-
sies tirées de di\ ers auteurs français,
acconipaç,nècs du texte, et dont il
parut en mênie temps une autre ver-
sion allemande par ]Nickiscli, Augs-
bourg, 1709 , in-4 '. ■ fiR- de Kraus.
Ces ouvrages furent très-utiles, en
ce qu'ils facilitèrent l'étude de la
langue italienne aux jeunes Français,
jaloux de se rendre familières les
productions si justement célèbres du
Dante, de l'Ariostc , de Bocrace ,
du Tasse et des autres bi-aux gé-
nies des siècles précédents. IMais les
productions les plus importantes de
Veneroni , celles qui ont consacré
son nom à la reconnaissance des
philologues , sont : I. Le Maître
italien , in- 12 , 1710, grammaire
dont on a fait successivement tant
d'éditions en dillereuts formats , et
qui , malgré sa prolixité , est encore
suivie aujourd'hui , de préférence à
ces abrégés insuilisants ou à ces mé-
thode^ systématiques, inintelligibles
pour la plupart, ((uc l'esprit d'inno-
vation a voulu introduire dans ren-
seignement de la jeunesse. On a
prétendu que ce livre était du fa-
meux Rosclli , dont on a imprimé les
aventures en forme de roman , et
qui , lors de son passage en France ,
l'aurait vendu pour une modique
somme à Veneroni : celui-ci l'aurait
publié sous son nom , en y ajoutant
seulement quelque chose à son gré.
Mais ce récit ne mérite aucune
croyance. l\. Dictionnaire italien-
français et français-italien , iu-
4"-/ 1708, dout'Placardi donna,
011769, une nouvelle édition re-
VEN .
visée , Paris , 2 vol. 111-4". Il a éle '
effacé par celui d'Alberti , qui est
à-la-fois plus clair et plus abon-
dant; mais il a eu du moins le mé-
rite d'ouvrir la route dilbcilc que
celui-ci a parcourue depuis avec tant
de succès. III. Dictionnaire-Ma-
nuel en quatre langues , français,
italien , allemand et russe, Moscou ,
ly-i , iu-80. Le privilège pour l'im-
pression du Maître italien dans
sa dernière perfection , nouvelle-
ment revu , corrigé et augmenté ,
est du i5 janvier l'jo'^ ; la quinziè-
me édition de cette Grammaire, qui
n'était d'abord qu'un petit in-ia, est
de Lvon 1778 , in-80. , revue sur les
éditions données par Minazio et Cit.
Plaça rdi. Parmi les autres qui ont pa-
ru depuis, il faut distinguer cellrdc
Gattel, augmentée des italicismes,
des svnonymes italiens, d'un traite
de la poésie italienne, d'un vocabu-
laire poétique, etc. , Lyon , i8o3,
in-8'V Le privilège pour la réimpres-
sion des OEuvres de Feneroni est
du uG juillet 1720. M — g — r.
VENETTE ( Jean de) , roman-
cier et chroniqueur, était né, vers j
i3o7 (i), dans le village ])rès de 1
Compiègnc dont il jiorle le nom (2).
Avant embrassé la vie religicusedans
l'ordre du Carmcl , il y lit ses éludes
avec succès, et sut mériter l'estime
de ses confrères. En 1 33() , il fut élu
prieur du couvent de son ordre , à
Paris , et l'année suivante , il fut dé-
signé pour y expliquer les livres des
Sentences de P. Lombard ( V. ce
nom ). Il assista depuis à la plupart
des chapitres généraux de l'ordre, à
Lyon , à iMilan, à Metz , à Toulouse,
(i) Il dil liii-i:uiiie, dans sa clironique, qu'en
i?.i5, que cormiictiç.i une grande l'ainiiie, il était
Tige de sept It liuit aus.
(?.) On le trouve aussi nommé Fillot: , qui sem-
lile plutôt un sobriquet qu'un nom dafimille. yoy.
Saiite-P.ilaye et Goujet.
YEN
à Ferrare, etc. Mais son séjour le
plus ordinaire fut Paris , où il nous
apprend qu'il demeurait dans le cou-
vent de la Place Maubert. Il jouis-
sait sans doute d'une certaine répu-
tation comme prédicateur : c'est
ainsi qu'on peut expliquer ses fré-
quents voyages en Cliampagne , à
Troyes , à Reims , à Cliàlons , etc.
Il rendit aussi plusieurs visites à
Pierre de Nantes , cvèque de Saint-
Pol de Léon , retenu dans son lit ,
à Chilly , pi es de Long-Jitmeau ,
par une maladie dont il dut la guéri-
son miraculeuse à l'intercession des
trois Maries. J. de Venette se rap-
pelait avec plaisir les repas qu'il
avait faits à la table de ce ])rclat ;
l'éloge continuel de ses vins et
une exclamation qui lui est échap-
pée au sujet du miracle des noces
de Cana font présumer à Sain-
te-Palaye que la sobriété n'était
pas sa vertu favorite. J. de Venette
mourut en iSGg. Il est auteur d'un
assez grand nombre d'ouvrages j le
plus connu de tous est le Roman des
Trois Maries , en rime française :
cependant il n'a point été imprimé
(3j, On en conserve deux copies à la
Biblioth. du roi , sous les n"s. -ylSi
et 'j5Si • il en existait une troisième
dans le cabinet du duc de La Val-
lière ( F. son Catal. ) , et il est plus
que présumable que ce ne sont pas
les seules. Dans les quarante mille
vers dont cet ouvrage se compose ,
on en trouverait à peine deux bons.
Les Maries sont la mère du Sauveur,
Marie Cléoplias et Marie Salomé, que
l'auteur, d'après une ancienne tra-
dition , croyait toutes trois filles de
sainte Anne , mais de pères diflé-
rents. Il déclare qu'il a tiré ses récits
(3) L'ëdit. de 147J , \n-'^°. , cilec par le Diction,
universel, est imnginaire.
VEN i33
de l'Évangile , et d'un autre livre
authentique qu'il ne désigne pas j
mais il a beaucoup puisé dans des
sources fabuleuses , et il a somé sa
narration d'une infinité de détails
pris dans les mœurs et dans les usa-
ges de son siècle. C'est la précisé-
ment ce qui rend aujourd'hui son
ouvrage très-curieux. Sainte-Palaye
en a donné l'extrait dans les Mé-
moires de l'acad. des inscript. ,
XIII , 5'2o-33 ; l'abbé Goujel n'a pu
que l'abréger dans la Bibl. franc. ,
IX, i46-55. Jean Droyn a mis en
prose le Roman de Venette , et cette
espèce de version a éié publiée plu-
sieurs fois dans le seizième siècle ( V.
Drovn, XII, 37 ). Mais le transla-
teur a fait subir de nombreux chan-
gements à l'ouvrage original. C'est
d'après la version de Droyn que
l'abbé d'Artigny a donné, dans les
Nouveaux Mémoires de littérature,
VI, 237- g I , le Recueil des princi-
paux endroits du Roman des Trois
Maries. Il est bien prouvé mainte-
nant que J. de Venette est l'auteur
de la Seconde Continuation de la
Chronique de Guillaume de Naugis
( F. ce nom, XIX , i53 ). Elle s'é-
tend de i34o à i3f)8, et suivant D.
Félibien , elle mérite d'être estimée
comme l'un des meilleurs monu-
ments que l'on ait de ce temps-là. Le
style se ressent, il est vrai , de la
barbarie du siècle ; mais l'auteur
montre beaucoup de jugement ( Ilist.
de V Abbaye de Saint-Denis , 284).
On lui reproche cependant sa partia-
lité pour les moines, dont l'ambition
et la conduite peu régulière excitaient
déjà les plaintes des pasteurs; mais
il lui était bien dillicile de se défen-
dre d'un sentiment de bienveillance
pour ses confrères. 1). d'Achei-y a
publié la continuation de Venette dans
le Spicilegium , tom. xi , 785-920 ;
i34 VEN
et ou la retrouve dans le tome m de
l'cditiou in-fol. de ce Recueil impor-
tant. Saiute-Palaye en a donne l'ana-
lyse dans les Mémoires de Vacadé-
inie , VIII, 569-75, Les autres ou-
vrages de Jean de Venette sont : I.
Chronicon Carmelitarum liber unus,
inipriuid dans le Spéculum Carme-
lit anum , Venise, i5o7 , in-fol. On
n'en trouve qu'un extrait dans l'édi-
tion de ce Recueil, Anvers, 1680,
tom. I 202. II. Adnotationes ad
quartum libr. Regitm. III. De Offi-
ciis divinis liber unus. IV. Concio-
num sjnodalium liber. V. Li-
ber determinationum tkeologica-
rum. Outre les auteurs déjà cités ,
ou ])eut consulter la Biblioth. Car-
melitana du P. Gosme de Villiers ;,
11, col. 1 3 1-36. W — s.
VENETTE (Nicolas), docteur
en médecine , et professeur d'anato-
mie et de chirurgie à la Rochelle, na-
quit daus cette ville vers i632 , et y
mourut en 169S. Il ne s'était fixé
daus sa ville natale qu'après avoir
voyagé en Portugal et en Italie.
Sa vie n'offrant rien de remarqua-
ble, nous allons donner une idée
de ses OEuvres : I. Traité du Scor-
but et de toutes les maladies qui
arrivent sur la mer , la Rochelle ,
167 I , in-i2. Venette, qui n'a point
mis sou nom à cet ouvrage, regarde
comme cause fréquente du scorbut
l'usage continuel des fèves et des pois
secs. Les maladies chroniques , qui
abattent les forces , disposent aussi
beaucoup à cette affection , rnii , sui-
vant l'auteur , a son siège dans le
sang , et non dans la rate , comme
on l'avait prétendu maî-à-propos :
car,d'api'ès sa propre expérience, sur
cinq cents scorbutiques à peine s'en
trouva-t-il huit dont la rate fût plus
volumineuse que de coutume. Après
avoir donné une bonne description
VEN
du scorlmt , Venette passe au traite-
ment , dans lequel il fait entrer l'u-
sage du riz , du vin , de la bière j il
conseille les acidulés , lorsque les
malades vivent au milieu d'un air
chaud 5 l'hydi'omel , la moutarde et
le cresson , quand la température
atmosphérique est froide : il admet
les scarifications des gencives tumé-
fiées et l'application des sangsues ,
mais il rejette les purgatifs drasti-
ques : il aurait dû comprendre l'é-
métique dans cette proscription. Lors
du siège de la Rochelle , le scorbut
ayant attaqué un grand nombred'in-
dividus , Venette eu triompha par
un abondant usage de moutarde. Il
combattait les ulcères de la bouche
avec la décoction de tamarin et l'a-
lun , etc. On ne peut reprocher à ce
tra ité que le défaut de l'époque _, c'est-
à-dire une polypharmacic outrée.
IL Observations sur les eaux miné'
raies de la Rouillasse en Saintonge,
avecune dissertation sur Veau com-
mune, la Rochelle, 1682, in-S».
IIL De la génération de l'homme ,
ou Tableau de l'Amour conjugal ,
Amsterdam, 1688 , in-12 , sous le
nom de Nie. Salouici , Vénitien ,
Parme, 1689, in-8°. ; ouvrage fré-
quemment réimprimé sous le propre
nom de l'auteur , à Paris , Cologne ,
Hambourg, Lyon, 2 vol. in-12 ^
traduit en allemand , Leipzig, 1698,,
Kœnigsberg , 1738, in-8°. ; en an-
glais , Londres, 1703, 17 12 ,in-8". •
en hollandais , Amsterdam, 1695,
in-8<>. , la Haye, 1737 , in-8°. Quel-
ques auteurs attribuent cette produc-
tion à Charles Patin , mais sans preu-
ves. Elle a beaucoup d'analogie
avec le Traité de Sinibaldi intitu-
lé : De hominis generatione deca-
iheucon , imprimé à Rome en 1642,
in-fol. Le Tableau de V Amour con-
jugal n'a proîiablement dû sa vogue
YEN
qu'au slyle lubrique dans lequel il
est écrit j car Fanatomie en est trcs-
superficielle , et la physiologie fort
eiTonëe. En parlant des maladies
des parties externes , l'auteur donne
des conseils auxquels la chasteté ne
pre'side pas toujours. Ses opinions
concernant la stérilité', les moyens
aphrodisiaques et anti -aphrodisia-
ques , sont loin d'être sanctionnées
par l'expérience. Après avoir exa-
miné les bons et les mauvais effets
du rapprochement des sexes , il
traite des taches de naissance y de
l'impuissance et de la ridicule et
immorale institution du congrès. Il
n'oublie ni les philti'es qui peuvent
inspirer l'amour , ni les remèdes qui
passent pour avoir la vertu contraire.
Enfin il décrit , d'après son expé-
rience même , les propriétés exhila-
rantes de l'opium. Le Tableau de
l'Amour conjugal f eut être considé-
ré comme un livre populaire, une es-
pèce de roman médical, rempli d'er-
reurs et d'histoires indécentes. IV.
Traité des pierres qui s'engendrent
dans les terres et dans les animaux,
où l'on parle des causes qui les
forment, de la méthode de les pré-
venir, et des abus qu'on commet
pour s'en garantir et les chasser
hors du corps , Amsterdam, i 701 ,
in-ia , fig. Dans cet ouvrage, qui
contient peu de faits , Venette émet
nne théorie fort ridicule sur les pé-
trifications ; il indique les aliments
et les boissons qui peuvent favoriser
la formation des pierres , ou s'y op-
poser. Ce qu'il y a de plus raisonna-
ble dans ce livre , aujourd'hui com-
plètement oublié, c'est le rejet du
petit nombre des médicaments ap-
pelés improprement lithontriptiques.
V. Traité du Rossignol , Paris ,
1697 ^^ '7"7' îi'-''-*- v^'fst le résul-
tat de ses observations sur vm rossi-
VEN s 35
gno) qui lui tenait compagnie dans
sou cabinet. VI. Traité de la taille
des arbres , Paris, in-iii.VlI. De
potu gentium , et queUjues autres
petits écrits sur divers sujets. Venette
avait aussi traduit Pétrone ', mais sa
version n'a point été publiée : seule-
ment le vocabulaire qu'il avait com-
posé pour faciliter l'intelligence de
cet auteur parut à Amsterdam en
169G. Pi D — N.
VENEZIANO (Antomo ), pein-
tre, ainsi nommé du lieu de sa nais-
sance, A'it le jour vers l'an i3io, et
fut élève d'Agnolo Gaddi. Baldinucci
le fait naître à Florence ; mais les
raisons qu'il eu donne ne paraissent
pas assez fondées pour inlirmer ce
que dit Vasari. Après avoir surpassé
son maître , il obtint des travaux dans
les principales villes d'Italie. Il s'é-
tait déjà fait connaître à Venise
par des ouvrages qui excitèrent l'ad-
miration de ses contemporains ,
mais qui ont péri dans l'incendie du
palais ducal, en 1573. Ses rivaux,
envieux de sou talent , tâchèrent
de l'atténuer , et parvinrent à l'em-
pêcher d'obtenir la récompense qui
lui était due. Irrité d'une pareille
injustice , il se rendit à Florence ,
oii il exécuta plusieurs tableaux
dans l'église du Saint-Esprit, dans
celle de Saint-Etienne, et à Saint-
Antoine du Pont-alla-Carrnja , qui
n'existent plus. Appelé à Pise , il
fut chargé de terminer, dans le Cam-
po Santo , les peintures de la Vie de
Saint Ranieri , que Simon Memmi
avait précédemment commencées. Il
représenta, dans le premier tableau, le
Départ du Saint de Joppès ; dans
le second , le Saint montrant à son
hôte le démon sous la forme d'un
chat; dans le troisième, ^i\ Réception
à table par les chanoines de la ca-
thédrale de Fisc , dans le costume
î3f5
VEN
religieux de leur temps ; eufiu
dans le quatrième , la Mort et les
funérailles du Saint. Ces peintures
sont encore un des ornements du
Campo Santo. De retour à Florence^
il peignit à Nuovoli , en dehors de
la porte al Prato , un Christ mort ,
V Adoration des Mages , et le Ju-
gement dernier , et dans la Char-
treuse, quelques peintures qui n'exis-
tent plus. Malgré ses succès dans
son art , il finit par l'abandonner
pour se livrer sans distraction à
l'étude de la chimie et de la bo-
tanique , pour lesquelles il avait un
peochant si décidé , que Dioscori-
de était sans cesse entre ses mains.
11 professa long-temps la médecine
avec une grande vogue ; mais at-
taqué de la peste qui désola Flo-
rence, en i383 , il y succomba^
victime de l'esprit de charité avec
lequel il prodiguait ses soins à ceux
qui étaient atteints de ce fléau.
Comme peintre , il est certainement
un des artistes les plus recommanda-
bles de son époque par l'exactitude
de son dessin , par la sagesse de sa
composition , la variété des têtes ,
l'heureux agencement de ses drape-
ries , l'harmonie de son coloris , et
le scrupule avec lequel il imitait la
nature. Il avait un procédé particu-
lier pour peindre à fresque, supérieur
à celui qu'employèrent ses contem-
porains et les artistes qui sont ve-
nus après lui j car ses ouvrages se
sont conserves d'une manière qui
étonne encore aujourd'hui , lors-
que l'on considère depuis quel long
espace de temps ils sont exécutés. 11
forma plusieurs élèves,parmi lesquels
les plus célèbres sont Paolo Uccello,
et Gherardo Starnina. P — s.
VENEZIANO ( DoMiMQLE ) ,
peinti-e , né à Venise en 1 4'20 , fut
élève d'Autonello de Messine , qm ,
VEN
pour lui donner une preuve éclatante
de son amitié, lui apprit le secret de
la peinture à l'huile _, que lui-même
tenait de Van Eyck , inventeur de
cet important procédé , qui devait
changer toute la face de l'art. Après
avoir exécuté un grand nombre de
travaux dans sa patrie, puis à Lo-
rette et dans d'autres endroits des
États de l'Église , notamment à
Pérouse , où, en i454? il ^tait en
grand crédit, il se rendit enfin à
Florence. L'admiration générale qu'il
excita éveilla la jalousie d'André
del Castagne. Celui-ci, cachantl'en-
vie qui le dévorait , feignit pour Do-
minique une vive amitié ; il parvint
à gagner la sienne et à en obtenir le
secret de la peinture à l'huile. Pour
en demeurer l'unique possesseur ,
une nuit que Dominique donnait une
sérénade à sa maîtresse ,en chantant
sous sa fenêtre , accompagné de son
luth , André le frappa d'un coup de
stylet , dont il expira sur-le-champ.
L'assassin sut si bien cacher son
crime , que plusieurs innocents furent
accusés et punis sans que jamais le
soupçon tombât sur lui. Ce ne fut
qu'au moment de sa mort qu'il avoua
sou forfait. Dominique est compté par-
mi les premiers artistes de son époque
pour le dessin , la perspective et l'art
des raccourcis , qu'il porta aune per-
fection inconnue jusqu'alors. Ses
meilleurs ouvrages ont péri. Il ne
reste plus de lui qu'un seul tableau à
Sainte-Lucie de' Maguuoli, et quel-
ques sujets historiques sur l'escaUer,
exécutés avec le plus grand soin,
ainsi qu'un Christ entouré de plu-
sieurs saints , peint sur le mur du
monastère degli Angeli. Il mourut
vers l'an i47^' — Augustin Vene-
ziANo , graveur, dont le nom de fa-
mille était de' Musis, naquit à Ve-
nise vers 1490? fit "^iiït se perfec-
VEN
tiouner dans la gravure sous la di-
rection de Marc- Antoine Raimondi,
dont il fut un des meilleurs élèves.
Pendant la vie de Raphaël , Augus-
tin s'associa avec Marc de Ravenne ,
élève_, comme lui, de Marc- Antoine.
Après la mort de ce grand artiste, ils
se séparèrent et travaillèrent chacun
pour son compte. Lors du sac de
Rome, arrive en i5'i'] , Augustin
alla chercher un asile à Florence,
dans l'intention de s'attacher à An-
dré del Sarto , auquel son talent ne
plut point. Cela n'empêche pas qu'il
n'occupe un rang très-distingué par-
mi les graveurs de cette époque. Il
égale souvent Marc-Antoine pour la
finesse de sou burin; mais il lui est in-
férieur pour la correction du dessin.
L'œuvre de ce maître est un des plus
dillicilesà compléter, surtout en bon-
nes épreuves, ce qui provient des
retouches que les marchands d'es-
tampes ont l'ait subir à la plupart des
planches des artistes de ces temps
reculés. A^ugustin marquait réguliè-
rement les siennes des initiales A.
V., en y ajoutant la date de l'année.
On n'en trouve pas qui remonte au-
delà de i5o9, ^^ ^"^'i ^i'I'^ au-delà
de i536. Huber et Rost , dans le
Manuel des amateurs de l'art, ci-
tent de ce graveur huit portraits ,
vingt-huit sujets sacrés , vingt-six
sujets historiques ou mythologiques,
et cent trente-huit sujets de sa com-
position. Ou peut voir, pour plus
de détails, le Dictionnaire des ar-
tistes, deHeinecke, t. i^^., p. 6o5.
Aug. Veneziauo mourut à Rome
vers i34o. P — s.
VENIERO (Antoine) fut élu do-
ge de Venise, le 21 nov. iSSs, pour
succéder à Michel Morosini. On peut
lui reprocher d'avoir hâté par sou
jmpolitique la ruine des deux mai-
sons delà Scala et de Carrare, qu'il li-
VEN
,37
vi'a, l'une après l'autre, à JeanGaleaz
Visconti , puissant seigneur de Mi-
lan, et d'avoir permis que ce prince^
en conquérant Vérone et Padoue ,
étendît ses frontières jusqu'aux. bords
de l'Adriatique , et en vue des clo-
chers de Venise ; mais un heureux
hasard mit aux conquêtes de Vis-
conti les bornes que Veniero n'a-
vait point su poser. François Car-
rare, par sa vigueur , les Florentins,
par leur héroïsme^chassèrent Visconti
du rivage des lagunes; et le successeur
de Veniero put ajouter aux domaines
de la république les états que celui-
ci avait abandonnés au plus redou-
table ennemi des Vénitiens. Ve-
niero mourut le 'i3 nov. i4oo , et fut
remplacé par Michel Tcno. S. S-i.
VENIERO ( François ) , élu doge
de Venise , le 11 juin i554, pour
succéder à Marc-Antoine Trevisani ,
fut témoin oisif" des grandes révolu-
tions de l'Europe , de l'abdication de
Charles - Quint , et de la nouvelle
guerre suscitée par Paul IV. Au mi-
lieu des intrigues les plus actives de
l'Italie, il réussit à faire oublier deux
ans sa république. Il mourut le 2
juin i556. Laurent Priuli lui suc-
céda. S. S — I.
VENIERO ( SÉBASTIEN ) com-
mandait à Corfou pour Venise , pen-
dant la guerre où cette république
perdit le royaume de Chypre. Des
secours avaient souvent été promis
aux Vénitiens par toutes les puissan-
ces chrétiennes, pour les aider à re-
pousser les forces othomancs ; en-
iin Philippe II donna ordre à D.
Juan d'Autriche _, son frère na-
turel , de se joindre à eux avec
dix-huit galères. Sébastien Venie-
ro, déjà âgé de soixante-dix ans,
fut donné par le sénat pour com-
mandant à la flotte vénitienne, forte
de cent huit galères et de huit galc'a-
i38
YEN
ces. Les Chre'tiens rencontrèrent les
Turcs j le 7 octobre 1 67 1 , devant
Le'pante • et , dans la bataille qui a
illustre cette côte , aucun général ne
montra une intrépidité' et une vigueur
égales à celles du vénérable Veniero.
Son collègue, Augustin Barbarigo,fut
tué dans le combat j quarante-trois
galères, qui tombèrent au pouvoir des
Vénitiens , furent le seul fruit de cette
insigne victoire. La jalousie des au-
tres généraux empêcha Veniero de
s'emparer de Sainte-Maure, comme
il en avait le projet. Jacques Soranzo,
son ennemi, l'accusa auprès du sé-
nat de n'avoir pas su tirer parti de
ses avantages ; mais les Vénitiens
rendirent justice à leur vieux géné-
ral : ils lui donnèrent le commande-
ment du golfe -, et le doge Louis Mo-
cenigo étant moi't, les électeurs, d'un
consentement mianime , dès le pre-
mier jour de leur assemblée , le 1 1
juin iv^77 , nommèrent Sébastien
Veniero pour lui succéder. Pendant
son règne , un incendie consuma le
palais ducal, et détruisit un grand
nombre de tableaux du Titien , de
Gian Bellino et de Pordenone , le 'io
déc. 1577. Veniero mourut au mois
de mai 1678. Nicolas de Ponte lui
succéda. S. S — i.
VENIEPiO (Dominique), litté-
rateur célèbre , était né vers 1 5 1 7 ,
à Venise, d'une famille patricienne,
moins illustre par sa noblesse que
par le grand nombre d'hommes de
mérite qu'elle a produits. Élève de
Bapt. Egnazio ( Fqy. ce nom ) , sa-
vant humaniste , son goût naturel
s'accrut et se fortifia dans les entre-
tiens de Bcmbo ( J^. ce nom ) , son
ami le plus cher. Il n'avait que vingt-
cinq .uis , lorsque Paul Mauuce lui
dédia, par une Epître pleine d'éloges
qu'il est rare de mériter à cet âge ,
jes Letlcre volgari di diversi nobi-
VEN
lissimi MowMm"(i). Dominique était
entré de bonne heure dans la car-
rière des emplois publics; mais ses
infirmités le forcèrent de l'abandon-
ner. En i549 , une maladie nerveuse
le priva de l'usage des jambes , et
quoiqu'il n'eût encore que trente-deux
ans , la médecine ne put parvenir à
lui rendre la santé. Sa maison devint
dès-lors une sorte d'académie , où les
poètes et les hommes les plus instruits
venaient lire leurs vers ou discuter
des questions littéraires. Dominique
fut, en i558 , avec Badoaro ( P'. ce
nom, III, 2o3), le fondateur de
y Académie vénitienne , si célèbre
pendant le reste du seizième siècle.
La poésie avait le pouvoir de char-
mer ses douleurs • et dans l'intervalle
de ses souffrances , il composait des
vers qui , de l'avis des meilleurs cri-
tiques , se distinguent éminemment
par la vivacité des images et le choix
des expressions. Il avait entrepris
une traduction des Métamorphoses
d'Ovide , in ottava rima , et l'on
regrette qu'il ne l'ait pas achevée.
L'auteur de la Jérusalem délivrée
avait tant d'estime pour Veniero
qu'il lui demandait des conseils ; Mu-
zio , dans son Arte poetica , loue la
délicatesse de son goût. Cependant
Tiraboschi lui reproche d'avoir le
premier, en Italie, depuis la renais-
sance des lettres, composé des ^croj-
tiches , et donné, dans quelques-uns
de ses Sonnets , le funeste exemple
de ces recherches de mots , aussi
pénibles pour le lecteur qu'elles ont
dû l'être pour le poète ( V. la Storia
délia letteratura ital., vn , 1 157).
Dominique Veniero mourut le 16 fé-
vrier 1582. Ses Poésies, éparses
dans les Raccolte de Doîce et de
Til La première édition de ce recueil est de
i64î , in-8". ; le» suivautcs «ont augmentées.
TEN
Riiscelli , ont été réunies enfin par
l'abbé Serassi, Bergame , 175 1 , in-
8". Le savant éditeur les a fait pré-
céder d'une Notice exacte et détaillée
sur l'auteur. — Veniero (François) ,
frère aîné du précédent , s'attacha
particulièrement à l'étude de la phi-
losophie . et y fit de très - grands
progrès. Ghilini dit que François est
l'un des plus sublimes génies , des
plus grands philosophes et des plus
habiles politiques que Venise ait ja-
mais produits ( Teatro d'iiomini
letterat., i , 65 ). Il remplit avec
prudence et intégrité les divers em-
plois qui lui furent confiés. Dans ses
loisirs^ il recueillit des antiquités et
en forma lui cabinet, cité par En.
Vico comme l'un des plus précieux
de Venise ( Discorsi soprà le meda-
glie ). 11 s'occupait des moyens de
rendre sa première splendeur à l'a-
cadémie de Padoue , fondée et dotée
en partie par ses ancêtres , quand il
mourut j au mois d'octobre i58i ^
dans un âge avancé. On a de lui : I.
Discorsi soprà i tre lihri del Aris-
totele , dove traita delV anima,
Venise, i555, in-8*'. II. Dialogo
délia volontà humana. III. Discorsi
soprà i libri délia generazione e
corruzione d' Aristotele , Venise ,
la-yg , in-4''- Notre De Thou parle
avec éloge de cet écrivain. — Ve-
niero ( Laurent ) , frère aîné des pré-
cédents , fut l'élève et l'ami du trop
fameux PieiTC Arétiu. Il déshonora
sa plume en composant, dans la ma-
nière de son maître , deux petits poè-
mes : la Put. . . errante , et la Zaf-
fetta ou le irentuno ; son but, dans
ces deux ouvrages, est de tourner en ri-
dicule Angioi. Zaflctta, fameuse cour-
tisane, dont il avait à se plaindre;
mais qu'il punit trop cruellement des
torts ((u'elle pouvait avoir eus à son
égard. Il n'a point rougi de s'en dé-
VEN 139
clarer lui-même l'auteur , en y met-
tant son nom (2) • cependant on les
a souvent attribués à l'Arétin , et
même à Matfeo Veniero , son fils ,
qui n'était point né lors de la publi-
cation de ces ouvrages. Ces deux
poèmes in ottava rima furent im-
primés à Venise, en i53i et i538,
in-8". ( V. le Man. du libraire de
M. Bruuet). Un éditeur protestant
les a reproduits avec quelques autres
pièces du même genre , Lucerne ,
t65i , in-80. , sous le nom de Maiï'eo
Veniero, archevêque de Corfou , et
décorés du portrait de ce prélat.
Depuis long-temps tous les bibliogra-
phes ont fait justice de cette impu-
tation calomnieuse , et qui n'a pas ,
comme on vient de le dire , la moin-
dre apparence de vérité. Laurent
était mort au mois d'octobre i55o.
— Veniero (MafiTeo et Louis )^ fils
de Laurent, héritèrent des talents de
leur père pour la poésie , mais ils
en firent un meilleur usage. Maiï'eo ,
le plus célèbre des deux, embras-
sa l'état ecclésiastique, et fut pour-
vu de l'archevêché de Corfou. Dans
sa jeunesse il cultiva la poésie lyri-
que et dramatique avec un égal suc-
cès. Tiraboschi cite l'/^iaZ&rt , tragé-
die de ce prélat , comme une des meil-
leures pièces que le théâtre italien
offre dans le seizième siècle. Im-
primée à Venise , en i SqG , in-4°. ,
elle l'a été depuis , en 1 6 1 o , in- 1 1 ,
et plus récemment dans des recueils.
Parmi les meilleures productions de
MafFco , dans le genre lyrique , on
{■>.) Voy. la ^le de l'JréUn, par Mazzuchelli,
9.4'' On y trouve aussi, p. çfi , quelques détails
sur la fameuse Za//ella , maltresse de l'Arétin.
Magné de Marolles (Manuel du libraini ) prétend
que le nom de ZiiffMa signifie en langage vénitien
lille d'un sbire, et que Veniero ne j'emploie que
comme une injure. Maizucbelli ne dit rien de seui-
Maljle, el il parait que Veniero désigna celle cour-
tisane par sim vérllahle nom ou du moins par
celui sons lequel elle c lait connue jjéiiéralemeut.
i4o VEN
distingue une Canzone à la louange
de saint François d'Assise, Florence,
i585 j in-4°. , Venise , i SSg , et in-
sérée par Salvestro de Poppai dans
sa 7?accoZf a, Florence, iôo6, lôcj
et 1609, in -4°. : la Strazzoza ,
chant, en langage vénitien, très-
fameux , est insérée dans les Capitoli
burleschi d'incerto autore. La plu-
part des Rime de IMaffeo étaient res-
tées inédites ou se trouvaient dissé-
minées dans les Recueils du temps.
ApostoloZeno témoignait le désir de
ks voir réunies par qiie'quehommede
goût [ Notes sur la Bibl. d'eloq. de
Fontanini ). L'abbé Serassi s'est char-
gé de ce soin, en joignant les Rime
de Maiïeo et de Louis à celles de leur
oncle Dominique ( Voj. ci-dessus ).
W— s.
VENINO (Ignace) , le plus grand
prédicateur de l'Italie au dix-huitième
siècle , était né , le i o février 1 7 1 1 ,
à Como , dans le Milanais. Après
avoir terminé ses études , il entra
chez les Jésuites , en 17*28 , et aj'ant
embrassélacarrièrede lachaire, ilne
tarda pas à se placerau premier laug
des orateurs sacrés. Une diction na-
turelle et élégante , un débit plein de
charme , de l'élévation dans les idées,
de l'ordre et de la clarté dans les
preuves, une dialectique A"ive et pres-
sante , toutes ces qualités réunies lui
procurèrent les succès les plus bril-
lants. Les principales villes de l'Italie
se disputèrent l'avantage de posséder
le P. Venino , et firent de vains ef-
forts pour le retenir. L'âge ayant
affaibli ses forces , il obtint de ses
supérieurs la permission de se retirer
à Milan , oîi il fut nommé recteur du
collège de Brenta. L'empereur Jo-
seph II , après la suppression de
l'institut , le confirma dans ce poste
honorable, qu'il remplit jusqu'à sa
mort , arrivée le 25 août 1778. Ses
VEN
sermons ( Prediche QuaresimaU )
furent publiés à Milan , 1780, i vol.
in-8°. , par le P. Ant. Carli , qui les
mit en ordre, elles fit précéder d'une
préface. Les Panégyriques du P.
Venino parurent dans la même ville,
en 1782. Ces deux Recueils ont été
réimprimés plusieurs fois à Venise ,
in-8°. et in-4''. On trouve une cour-
te notice sur Venino , par le P. Ca-
ballero , dans le Supplément. Bi-
blioth. Soc. Jesu, p. 276. W — s.
VENIUS ( Otto). F. Veen.
VENTENAT (Étienne-Pierre),
de l'académie des sciences de Fran-
ce, naquit à Limoges le i*^"", mars
I 7 5 7. Destiné, dès son enfance, à l'état
ecclésiastique, ileutraàl'âgedequinze
ans dans la congrégation des chanoi-
nes réguliers de Sainte -Geneviève.
Ses études eu philosophie et en théo-
logie furent très - brillantes et lui
méritèrent la place de répétiteur des
élèves les moins avancés. Comme il
annonçait les plus belles dispositions
pour la chaire , ses supérieurs le
sollicitèrent de se faire prédica-
teur : mais des succès certains eu
ce genre le flattèrent moins que les
investigations scientifiques. Il deman-
da à passer au service delà bibliothè-
que, pour s'y livrer tout entier à la
vie studieuse. En 1788, il fut envoyé
en Angleterre, pour y fairedes acquisi-
tions bibliographiques; dans le nom-
bre il remarqua plusieurs beaux ou-
vrages sur les plantes. Cette partie de
l'histoire naturelle lui sourit ; il visita
les établissements elles jardins lesplus
renommés de la Grande-Bretagne,
et à trente ans , il fut décidément bo-
taniste. De retour en France , après
un naufrage qui entraîna la perte de
toutes les richesses qu'il rapportait
en livres et en plantes, et qui faillit
lui coûter la vie, il s'attacha àLhé-
ritier , qui l'habitua à bien décrire
VEN
une plante, et lui donna le goût des
ouvrages à gravures. En i'j92_,Ven-
tenat voulut prendre place parmi les
savants, en combatlaut la théorie de
Hedvvig , dans une Dissertation sur
les parties des mousses qui ont été
regardées comme Jleurs mdles et
comme Jleur s femelles , in-8o. , qu'il
fit suivre trois ans après d'un Mé-
moire sur les meilleurs mojens de
distinguer le calice de la corolle.
Ces deux sujets étaient au-dessus de
ses forces :il ne s'était point assez oc-
cupé de physiologie végétale et d'ob-
servations suivies sur les nombreuses
espèces de mousses. Cependant , en
1 796 , il donna un coui\s de botani-
que au lycée de Paris , et l'année
suivante il en publia les leçons sor.s
le titre de Principes de botanique
développés au Ijcée républicain,
1 vol. in-8°. , ouvrage au-dessous du
médiocre , que l'auteur clierclia à
supprimer , mais qu'il ne put empê-
cher dT-tre traduit en allemand ,
Zurich, 1802. Nommé bililiothécai-
re en chef de la bibliothèque du Pan-
théon , et peu de temps après mem-
bre de l'Institut, il pubha son 2'«-
hleau du règnevégétal, Paris , i ^gg,
4 vol. in- 8^. : c'est la traduction un
peu délayée du Proemium du Gê-
nera plant arum de Jussieu , mais
auquel il a su ajouter des remarques
intéressantes sur les propriétés , l'u-
sage , l'histoire et l'étymologie du
nom des plantes. Tout ce qui a rap-
port auK fonctions des diverses par-
ties du végétal y est faiblement traité.
Le véritable cachet de Ventenat est
la botanique descriptive: il le recon-
nut bientôt après • et dès-lors , il ne
songea plus qu'à fixer l'attention de
l'homme du monde et du savant^ en
unissant à un texte fort bien fait de
belles figures gravées avec soin , et
impx'imées eu couleur. Il ne dessinait
VEN ,4,
pas ; mais il avait le coup-d'œil sûr:
aussi lui doit-on le mérite du pin-
ceau et du burin des artistes qu'il
employa. Ces livres , d'un si grand
luxe, sont peu utiles à la science pro-
prement dite ; mais ils le sont aux
arts qu'ils ramènent à la nature, qu'ils
élèvent vers le beau ; on leur doit
d'avoir perfectionné les planches de
nos livres usuels. Le premier ouvra-
ge de Ventenat , dans ce genre ma-
gnifique, est la Description des plan-
tes nouvelles ou peu connues du jar-
din de J. -M. Cels { F. Cels) , Paris ,
1800, un vol. in-fol., traduit en alle-
mand, 1802. Il fut immédiatement
suivi de trois autres : i o. le Jardin de
la Malmaison , Paris , 1 8u3 à 1 8o5 ,
2 vol. in-fol. , dont le fini laissa bien
loin derrière lui tout ce que la France
et l^étranger vantiicut de mieux en
ce genre -, 2°. le Choix de plantes ,
Paris, i8o3 à 1808, un vol. in-fol.;
3». le Decas generum novorum ,
Paris, 1808, in-fol. Les soins minu-
tieux que Ventenat mit à l'exécution
de ces quatre grands ouvrages ,
joints à l'irritab.lité de son caractère
et à la faiblesse de sa sauté depuis
son naufrage, le rendirent fort sujet
aux fluxions de poitrine. Les eaux
de Vichy ne purent le soulager , et
il revint mourir, presque subitement,
à Paris, le i3 août 1808, âgé de
cinquante-un ans. Pendant la révo-
lution et à l'exemple de plusieurs
génovéfains , Ventenat se maria. Il
obtint, en i8o5, la décoration de la
Légion-d'Honneur. Il avait la taille
imposante , de la chaleur dans les
idées , de la candeur dans les senti-
ments et une véritable passion pour
l'étude. Son imagination était ar-
dente , prompte et facile à s'exagérer
les moindres contrariétés. Sous le
rapport de la science , il occupera
toujours une place distinguée parmi
i42 VEN
les botanistes que Linné appela ico-
nographes. Ses descriptions de plan-
tes sont très - exactes et enrichies
d'observations curieuses. 11 a publie'
plusieurs Mémoires intéressants dans
les actes de l'Institut, dans les Anna-
les botaniques d'Usteri , et dans le
Magasin encyclopédique ; les plus
estimés sont la Monographie des til-
leuls , le Genre Phallus et le Genre
Strelitzia. Il a laissé inédite une Flo-
re des environs de Paris, in- ii ,
qu'il aurait accompagnée de dessins ,
et rendue plus utile et plus complète
que les ouvrages publiés jusqu'ici ,
sans pouvoir faire totalement oublier
la Flore de Thuillicr , dont Vente-
nat avait relevé les erreurs. On trou-
ve, dans le Journal de botanique ,
octobre 1808 , une Notice nécrolo-
gique sur Ventenat. T. d. B.
VENTIDIUS (PuBLTUs) Bassus,
général romain, célèbrepar ses talents
militaires et par les variations de sa
fortune, était d'Asculum (aujour-
d'hui Ascoli ) , ville capitale des Pi-
centins , et avait sans doute pour pè-
re Yentidius, un des chefs les plus il-
lustres des Latins pendant la guerre
Sociale. Pris avec beaucoup de ses
compatriotes , lors du sac d'Asculum
par Pompée (ï) , l'an de Rome 645
(av. J.-C. 89; , il fut mené en ti'iom-
phe. Cette humiliation extrême don-
na lieu de dire qu'il était de basse
extraction , quoique probablement
sa naissance fût des plus distinguées.
Orphelin et en bas âge , il végéta
long- temps, en proie à l'indigence et
aux premiers besonis. Il exerça d'a-
bord le métier de lecticaire ou por-
teur de litière. Il entra ensuite dans
la milice , en qualité de simple soldat,
et se distingua par sa bravoure. En-
(i") Cn. Pompeiiis Strab», père du grand Pom-
pée , et alurs consiil.
VEN
fin il entreprit des fournitures de
mulets pour les équipages des offi-
ciers et pour les transports, et il alla
exercer ce ministère peu brillant à la
tête de l'armée de César dans les
Gaules (vers l'an de Rome 697 , av.
J.-C. 5^ ). Ce général , habile à con-
naître les hommes , démêla les talents
de Ventidius , et le tira de cette triste
position , en lui donnant un emploi
dansl'armée , et lui confiant quelques
entreprises importantes. Le succès
avec lequel Ventidius s'acquitta de
toutes ses commissions et les services
qu'il ne cessa de rendre pendant
la guerre des Gaules augmentèrent
l'estime de César, au point que lors-
que la toute - puissance fut entre
ses mains , il le nomma sénateur
(en 46 avant J.-C.^, tribun du peuple
(45) et préteur (44 pour l'an 43).
L'assassinat de César ayant ruiné de
ce côté toutes les espérances de Ven-
tidius , il s'attacha à la fortune d'An-
toine; et pendant le cours de l'an
43, qui fut si fertile en intrigues et
en événements de toute espèce , il
profita de l'influence que lui donnait
sa charge de préteur pour sei'vir les
intérêts de celui-ci et faire réussir
toutes ses prétentions. Pendant la
guerre de Modèiie, ne pouvant opé-
rer de réconciliation entre les opti-
mates , dupes et partisans d'Oc-
tave , d'une part, et Antoine de
l'autre, il sortit de Rome avec un
tribun en charge et deux tribuns
désignés , suivi de deux légions qu'il
avait levées dans les colonies de Cé-
sar. Arrêté dans sa route par Hirtius
et Octave , il fit retraite vers Ascu-
lum, et leva une troisième légion
dans le Picénum , où il commandait
en maître absolu. Cependant il lui fut
impossible d'aller porter à propos
des secours à Antoine, pressé par
l'armée consulaire ; et la ruine de ce
VEN
gênerai était certaine, si, après la
bataille de FonnaGuïïorumiCastel-
Franco) et la levée du siège de Mo-
dène , Venlidius eût consenti à se réu-
nir au parti d'Octave, ou si le jeune
héritier de César avait voulu dé-
])loyer ses forces contre lui. Mais le
but d'Octave n'était pas d'anéantir
d'abord la puissance de son ennemi.
Satisfait de l'avoir vaincu^ et de s'ê-
tre rendu redoutable à un adversaii-e
dédaigneux , il se réconcilia avec lui j
€t le second triumvirat commença.
Antoine exigea que le consulat fût la
récompense de la fidélité et du cou-
rage de Ventidius; et Octave abdi-
qua la dignité qui lui avait été con-
féréeaprès la mortde Yibius et d'Hir-
tius , en faveur du partisan le plus
décidé de son rival. Cette nomina-
tion, contraire à toutes les règles, et
qui donnait à un préteur, l'année mê-
me de sa préture , le rang et le ti-
tre de consul , excita les murmures
des patriciens. Des vers furent répan-
dus dans le public, où l'on repro-
chait au nouveau dignitaire la bas-
sesse de son origine et de ses ancien-
nes fonctions. « Venez, disait le poète,
aruspices, augures, venez; un pro-
dige nouveau se présente : l'étrilleur
des mulets est consul I » Ventidius
resta encore quatre ans en Italie; et
pendant la guerre de Pérouse (4i av.
J.-C), il fut , avec Pollion , le prin-
cipal lieutenant d'Antoine : mais
après la conclusion du traitéde Brin-
des, il fut envoyé en Orient; et l,i il
s'acquit;, par ses exploits^ une gloire
immortelle. Les Partlies, fiers de la
victoire de Carrhes et du dcsastjc
de CraFsus, retenus un moment par
la crainte des armes toujours victo-
rieuses de César , animés de nouveau
à l'aspect des guerres civiles qui dé-
chiraient l'empii'c romain^ avaient
envahi les provinces romaines du
VEN
143
voisinage. La Syrie, la Judée, le
midi de l'Asie Mineure, étaient occu-
pés par les armes de ces barbares ,
lorsque Ventidius parut et changea
subitement la face des choses. Le cé-
lèbre transfuge Labienus , général
des Parthes , s'enfuit sur-le-champ
jusqu'au mont Taurus. Ventidius le
suivit, et campa sur une hauteur, af-
fectant les dehors de la timidité, et
refusant un combat qui , s'il se fût
donné en plaine , offrait des chances
favorables aux Parthes , forts surtout
par la cavalerie. Ceux-ci eurent alors
l'imprudence de l'attaquer sur les col-
lines où il s'était posté. Ils furent tail-
lés en pièces; et l'Asie Mineure, éva-
cuée, rentra au pouvoir des Romains.
Une seconde victoire suivit de près
la première , et rendit aux Romains
la Syrie. L'île d'Aradus seule re-
fusa de recevoir le vainqueur : mais
les forces des habitants étaient trop
inégales; et après des prodiges de va-
leur, ils succombèrent. L'année sui-
vante fut signalée par une nouvelle
bataille, plus sanglante encore que
les précédentes. Trompés par de
fausses indications , que Ventidius
lui-même avait données à un traî-
tre nommé Channéé , et que ce-
lui-ci avait transmises furtivement à
l'ennemi, les Parthes passèrent l'Eu-
phrate au-dessous de Zeugma. Pres-
que tous périi'ent. Pacorus , héritier
présomptif de l'empire , resta lui-
même sur le champ de bataille. La
Mésopotamie , ouverte et sans défen-
se , semblait une proie ollèrte au
vainqueur. Enfin l'empire des Arsa-
cides pouvait devenir une province
romaine ; mais Ventidius craignit
d'irriter la jalousie , déjà visible ,
d'Antoine ; et s'anêtant à l'instant
où une ample moisson de gloire bril-
lait devant ses yeux , il rendit l'ar-
mée à son général , et revint à Romc^
i44
VEN
où il triompha le 28 décembre; exem-
ple éclatant des caprices de la for-
tune et des singularités des destinées
humaines, qui l'ont un triomphateur
du captif conduit jadis chargé de
chaînes devant le char de triomphe.
Ventidins passa le reste de sa vie
éloigné des allaires. Il mourut uni-
versellement regretté; et les dames
romaines portèrent son deuil. Dion
Cassius et Josèphe lui imputent quel-
ques traits d'avarice. C'est l'uni-
que reproche que l'histoire laisse pe-
ser sur sa mémoire. P — ot.
VENTURI (Pompée), commen-
tateur du Dante , né à Sienne le 2 i
septembre ib'gS , entra chez les Jé-
suites en 17 i"i, enseigna la philo-
sophie à Florence , pendant deux ans,
et la rhétorique successivement à
Sienne, à Prato, à Florence et à Rome,
jusqu'en 1 74G.O!i lui laissa alors le re-
pos dont il avait besoin pour termi-
ner de grands ouvrages qui sont néan-
moins restes inédits. Sa santé étant
tout-à-fait dérangée , ses supérieurs
renvoyèrent à Ancone, pour qu'il y
respirât un air plus pur; mais c'é-
tait trop tard, et il y mourut aussitôt
après son arrivée, le 12 avril 1752.
Ses ouvrages sont : I, Dante con
una brcve e sufficiente dichiarazio-
ne del senso letlerale , dù>ersa in
più luoghi da quella degU antichi
Commentaiori , dédié à Clément
XII, Lucques, 1732,3 vol. in-8".;
Vérone, 1749, in - 8'\ ; Venise ,
1739 et 1751 , in-8°. Ce Commen-
taire n'est complet que dans l'édi-
tion de Vérone , et dans la dernière
de Venise. Apres un long oubli , le
goût pour le poème du Dante se ré-
veilla au commencement du dix-hui-
tième siècle, et ce fut alors que les
pères Veuturi , Bettinelli et Zaccaria,
jésuites, firenttous leurs efforts pour
le décrier. Le Commentaire de Ven-
VEN
turi parut anonyme dans les pre-
mières éditions. Laissant à l'écart le
sens allégorique et le sens moral , il
n'explique que le sens littéral qui est
ordinairement assez clair. Il place
toujoursun correctif ci côté dos invec-
tives du poète contre la donation de
Constantin, contre plusieurs papes,
et contre les désordres de l'Église.
Lombardi , qui a publié son travail
soixante années après celui de Ven-
turi, a réfuté plusieurs assertions
de celui-ci. IL Orazione funèbre
detta nclle solenni eseqide del M.
Rev. Mons. Lidgi Maria Strozzi
Fescovo di Fiesole , etc., 1736.
Ug— I.
V E N T U RI ( Jean-Baptiste ),
physicien, né en 1746, à Bibiano,
dans le duché de Rcggio, fut envoyé
au séminaire de cette ville , où il eut
pour maître Spallanzani. Il n'avait
que vingt-trois ans lorsqu'il fut nom-
mé professem- de métaphysique et
de géométrie dans ce même sémi-
naire. Ses collègues, voulant se l'at-
tacher de plus en plus , l'engagèrent
à entrer dans le sacerdoce , et il eut
le tort de céder à leurs sollicitations,
puisque,n'ayant aucune vocationpour
le ministère sacré, il y renonça bien-
tôt. En 1773, il fut nomn'ié à la
chaire de philosophie de Modène, et
il eut parmi ses élèves le comte Pa-
radisi , qui a paru avec éclat dans la
carrière politique et dans la littératu-
re. Le petit étatde Modène était alors
gouverné par un ministre éclairé, le
marquis Rangone, qui ajouta à la
chaire de Venturi la placed'ingénieur
du gouvernement. Une contestation
très -vive s'étant élevée, en 1788,
entre deux particuliers, au sujet d'un
partage d'eau pour l'irrigation , Ven-
turi fut entraîné à y prendre part.
L'écrit qu'il fit paraître dans cette
affaire est plein de force et de
VEN
raison. En 1 796, lorsque les Français
cnvaliirent l'Italie , Venliiri fut en-
voyé' à Paris auprès du comte de Saii-
Romano , qui négociait avec le direc-
toire pour conserver l'état de Mo-
dène à la famille d'Esté. N'ayant pu
y réussir , il resta en France , com-
me simple particulier , afin de se
livrer aux sciences qu'il chérissait.
Vivant dans la société desFourcroy,
des Lacépcde et des Haiiy , il ajouta
beaucoup à ses connaissances en
chimie et en minéralogie. C'était le
temps où la découverte de Galvani
donnait lieu à de nombreuses expé-
riences sur l'électricité animale. Ven-
turi assistait aux séances de l'Insti-
tut, où il lut divers mémoires. Il
donna aux Annales de Chimie , au
Journal des Mines , et au Magasin
Encyclopédique quelques extraits
d'ouvrages scientifiques. Comme il
passait une grande partie de son temps
dans les bibliollicques , outre le tra-
vail qu'il y fît sur les manuscrits de
Léonard de Vinci , il y copia deux
anciens manuscrits grecs fort pré-
cieux. Sa passion pour les livres ra-
res augmentait de jour en jour. Il
en acheta un grand nombre qu'il en-
voya en Italie , s'elForçant de com-
penser, selon ses moyens, les ob-
jets de sciences et d'arts que les
Français en enlevaient dans le même
temps. De retour dans sa patrie, il
fut nommé membre du corps légis-
latif de Milan ; et lorsqu'on étaBlit
une école du génie à Modcne , il en
fut nommé professeur. Mais après le
renversement du gouvernement répu-
blicain , en 1799 , le duc de Modène
le fit incarcérer , et ce fut en vain
que de sa prison il adressa à la junte
de gouvernement un mémoire justi-
ficatif. Il ne recouvra la liberté qu'a-
pi'ès la bataille de Marengo. Alors il
fut élu professeur de physique à l'n-
XLVIII.
VEN 145
niversité de Pavie , puis décoré de la
croix de la Légion d'Honneur et de
celle de la Couronne de Fer j enfin ,
il fut chargé d'afïaires du royaume
d'Italie à Berne ; place qu'il occupa
pendant douze ans. Les mœurs sim-
ples del'Helvétie convenaient parfai-
tement à sa manière de vivre , et
surtout à son excessive économie.
En 1 8 1 3 , sa santé commençant à dé-
cliner , il obtint une pension de re-
traite, et se rendit dans sa patrie^ où
il fut accusé deux ans plus tard,
lors du retour de l'ancien duc, d'a-
voir causé un incendie dans un grenier
à foin. Il composa, pour se justifier,
deux mémoires qui furent imprimés,
eli! fut absous par les tribunaux. Ven-
turi consacra ensuite tout son temps
à la révision de ses divers écrits ,
n'épargnant rien pour les rendre
de plus en plus exacts par des
recherches et des soins très-pcnibles ;
allant souvent à pied d'une ville à
l'autre , afin d'y vérifier les sources
et les monuments. Dans ses voyages,
il n'avait pour tout bagage que ses
livres et son dîner , qu'il mettait
dans sa poche (i). Il s'occupait
d'une nouvelle édition de son Opti-
que, lorsqu'il mourut le 10 septem-
bre iS'ia à Reggio. Cette ville lui
avait donné des titres de noblesse en
inscrivant son nom au Livre d'or.
Venturi était de l'institut de Bolo-
gne , et de celui du royaume Lom-
bard-Vénitien. Il laissa à ses héx'i-
tiers une ricbe bibliothèque, un re-
cueil précieux de gravures , et un
musée d'histoire naturelle. Ses prin-
cipaux ouvrages sont:I, Risposta a
quanto è stato scritto contro la
Relazione sulle irrigazioni del ter-
ritorio di Castelnovo Gherardini ,
(1) Il avait toujours pour cela , inêuie lorsqu'il
était à Milan , des poches doublées en f'er.blanc.
i46
YEN
i'j88. II. Indagine fisica su i co-
lori , Modènc , 1801. Ce mémoire
valut à l'autciir uu prix donné
par la société italicmie des sciences.
III. Commentari sopra la storia e
le leorie delV Otlica, lom. i , Bolo-
gne , i8i4, in-4°. La dédicace de
ce livre honore également le talent
et le cœur de Venturi. La vie de l'ab-
bé Bonavenlure Corsi , sou maître , y
est heureusement entremêlée à l'hom-
mage qu'il rend à sa mémoire. Les
commentaires , compris dans ce
premier volume, sont : i". Considé-
rations sur différejitcs parties de
V Optique des anciens ; 2". Du niveau
{il A^aâvào) , ouvrage de H éronle mé-
canicien, traduit du grec ^ et expli-
qué par des notes; 3°. De l'Iris , du
Halo et du Parhélie , avec un ap-
pendice sur l'Optique de Ptoléniée.
lY. Dell' origine e de' progressi délie
odierne artiglierie , Reggio, 1 8 [ 5 ,
iu-40. Ce sujet avait occupé Venturi
dès sa première jeunesse. Ses fonc-
tions d'ingénieur , ses éludes sur les
manuscrits de Léonard de Vinci , et
ses travaux comme professeur à
l'école du génie , contribuèrent en-
suite à lui faire approfondir cette
matière , et dans cet écrit , plein
d'érudition , il paraît réellement
avoir épuisé le sujet. V. Memoria
intorno alla vita del marchese
Gherardo Rangone , Modène, 1818,
in^"- C'est un éloge du gouver-
nement d'Hercule III d'Esté. VI.
Memorie e lettere inédite o disperse
di Galileo Galilei , Modène , 1818,
2 vol. in-4''. On y trouve un Traité
inédit sur les Fortif cations , dont
Viviani parle dans sa Vie de Galilée ;
des tercets {capitolo), en style badin,
tirés d'un exemplaire très-fautif. Ven-
turi les donne comme inédits , taudis
qu'ils étaient imprimés, depuis 1811^
daijs les Classiques italiens , Milan,
YEN
XIII , 374- VII. Elogio diLodovico
Castclvetro , Modène , 1778. I/au-
teur parle de celte bruyante polé-
mique , à laquelle Caro et Castcl-
vetro se laissèrent entraîner pour
une vétille grammaticale. Il se dé-
clare pour Castelvetro , et devient
éloquent lorsqu'il raconte ses mal-
heurs. N\\\. Storia diScandiano,
Modène, 1822. On y trouve des
Notices biographiques sur les hom-
mes célèbres des états de Modène.
Ce fut le dernier travail de l'auteur.
Il a publié pendant son séjour à Pa-
ris plusieurs écrits en français, entre
autres : I. Considérations sur la
connaissance de V étendue que nous
donne le sens de l'ouïe _, Paris ,
an IV ( 1 796 ) , Magas. Encjclop. ,
seconde année, tom. m, pag. -29.
II. Essai sur les Ouvrages physico-
mathématiques deLéonard de Fin-
ci , avec des fragments tirés de ses
manuscrits , Paris, an v ( 1797 ) ,
in-4". , fjg. , lu à l'Institut de
Fiance. Ug — i.
VENTURINI ( Jean-Geoug£s-
JuLKs), né à Brunswick en 1772,
entra fort jeune au service de son
prince , fit toutes les campagnes de
la révolution française comme oiii-
cier du génie , et servait comme ca-
pitaine de cette arme , eii 1799.
Nommé ensuite architecte dans le dé-
partement de la marine, il mourut ,
le 28 août 1802 , après s'être fait
remarquer , pendant une si courte
carrière , par des ouvrages très-
savants sur l'histoire de l'art mili-
taire , savoir : I. Nouveau Jeu de
Tactique militaire , agréable et
utile , destiné aux écoles militaires
(allemand), Schleswig, i798,in-8°.,
avec planches. II. Livre élémentaire
sur la tactique appliquée , ou sur la
science militaire , avec des exem-
ples pris sur le terrain (allemand),
VEN
Sclileswig, 1800 , seconde édition ,
7 vol. in-80. _, avec plans et cartes.
Cet ouviage est dédie à Fre'dëric-
Guillaume 111 , roi de Prusse. L'in-
troduction présente à grands traits
un tableau de la science militaire.
Le premier volume traite de la par-
tie matérielle : troupes de différentes
armes ; état-major; habillements j
armes; magasin; artillerie; hôpi-
taux; campements ; cantonnements.
A ce volume sont jointes cinq plan-
ches, représentant divers mouve-
ments stratégiques , et les environs
de Paderborn, donné comme centre
des mouvements qui se font sur le
Wéser , le Niémen , la Nelde , l'Em-
mer et la Lippe. Le second volume
traite des positions et des mouve-
ments théoriques. Dix-sept planches
y sont consacrées à des applications.
On y trouve toutes les hypothèses de
terram. Les opérations se font sur
le Wéser et la Wei ta ; et le centre
ou pivot esta Mindcu. Dans le troi-
sième volume , après avoir exposé la
théorie de l'attaque et de la défense,
l'auteur applique ses principes. Le
quatriime volume est consacré au
développement des mêmes principes,
et a l'emploi des différentes positions.
Dans le cinquième volume , l'auteur
expose la Dialectique , la partie la
plus élevée dans la théorie militaire.
Le Sixième volume est tout consacré
à la pratique , et divisé en deux par-
ties. Dans la première , il donne le
plan d'une campagne qui aurait pour
but la défense de la Westphalie ; dans
la seconde^ un plan d'attaque dirigée
contre la Hollande. Ce volume est
accompagné de cartes et de plans
qui forment une bonne topogra-
phie des deux contrées dont il
s'agit. Enfin, le septième présente
de nouveaux développements sur les
deux grandes opérations proposées
VEN ,4^
pour la défense de la Westphalie
et l'attaque dirigée du côté de l'Al-
lemagne , contre la Hollande. Cet
ouvrage mérite d'être traduit en
français et médite par les hommes de
l'art. IIL Système mathématique
appliqué àV Art militaire (allem.)
Schleswig , 1801 , in-80. IV. i?e-
vue critique de la dernière cam-
pagne du dix - huitième siècle
( allemand ) , Leipzig , 1 80 1 , in-S».
V. Observations critiques sur la
dernière campagne du dix -hui-
tième siècle ( allemand ) , Bruns-
wick , 1802, in-80. VLLii>re élé-
mentaire de la Géographie mili-
taire des contrées du Rhin ( alle-
mand), Copenhague , 1802 , 2 vol.
m-80. Tous ces derniers ouvrages
sont relatifs aux guerres contempo-
raines que l'auteur avait soigneuse-
ment observées. L'auteur a traduit
du français en allemand: Z« France
avant la Révolution, sous le rap-
port de son gouvernement , avec un
Tableau des Mœurs sous le Gou-
vernement de Louis XVI , Bruns-
wick , i7C)5, in-80. G Y
VÉNUSINUS(Jonas-Jacque's),
savant danois, né dans l'île de Hué-
na , était, en 1600, pasteur d'une
Eglise réformée, et professeur de
physique à Copenhague. En 1602
il obtint la chaire d'éloquence et
d histoire , et le roi Christiern IV le
choisit pour son historiographe. En
1607 il fut nommé président de
1 académie royale de Sora, où il mou-
rut le 3o janvier 1608. C'était un
des savants les pins distingués de
son temps. On a de lui : L L'Imita-
tion de J.-C, traduite en langue
rianowe, Copenhague, iSgg, in-S».-
réimprimée en 1626 et 1675. IL
Dissertatio de historid , Copenha-
gue, 1601 , in-40. m. DeBeatitate
hominis, Copenhague, 1604, inVj".
10..
u
<8
YEN
IV. In Titnœum Flatoms , Copen-
hague, iGo'2 et i6o3. V. De fabula
quœ pro historid vendilalur , Co-
pcnliaf^ue , i6o5, in -4°. VJ. De
compavandd cluquentid , Gupciilia-
gue, 1606,^-4". Vil. Disticha m
reges Daniœ latina , cum horiim
iconïbus, Copenhague , m-fol. Rud-
beck, dans son Atlantique , cite sou-
vent un manuscrit de Vénusiuus sur
l'histoire, lequel doit avoir ëte trans-
porté en Suède. Selon lui, notre au-
teur avait ac([uis une connaissance
profonde de l'histoire de Danemark.
Plusieurs de ses manuscrits qui étaient
conserves ]iréciei'.3cmcnt dans la bi-
bliothèque de Copenhague , ont péri
dans l'incendie de 1 7*28. G — y.
"VENUSTI (Marcel), surnommé
le Mantuano , de sa ville natale ;,
naquit à IMantoue, en i5i5 , et fut
e'iève de Pieriuo del Vaga , à la gloij c
duquel aucun de ses condisciples no
contribua phis que lui. Il était doué
d'un niérile si incontestable , que son
maître s'en lit aider dans tous les
grands ti-avaux. qu'on le chargea
d'exécuter tant à Rome qu'à Flo-
rence , et qu'il obtint toute l'estime
de Michel-Ange. Il peignit deux ta-
bleaux d'autel , représentant V An-
nonciation , d'après les dessins de ce
grand maître, dont il adopta le style,
mais sans jamais l'affecter. Cesdcux
tableaux, furent placés , l'un à Saint-
Jean-dc-Latran , l'autre à la Paix.
On cite encore de lui plusieurs ta-
bleaux d'appartement, qu'il a exé-
cutés également d'après les dessins
de Michel- Ange, tels que les Limbes,
dans le palais Colonna; Jésus-Christ
allant an Cah>aire , dans le palais
Borghèse , et quelques autres produc-
tions. Mais le plus célèbre de ses ou-
vrages est la copie An Jugement der-
nier de la chapelle Sixtine , qu'il fit
pour le cardinal Farnèse, et que ce-
VEN
lui-ci envoja à iS'apIes, dont clic est
un des plus beaux ornements. Quoi-
que doué du génie de l'invention,
ainsi que le prouvent de nombreux
tableaux de sa composition , ce qui
a fait particulièrement la gloire de
Venusti , c'est le talent supérieur
avec lequel il a su revêtir de tous
les charmes de la peinture les idées
de Michel- Ange , notamment dans
les sujets de petites dimensions. On
admire l'exquise élégance de sou des-
sin , le grandiose de ses composi-
tions , la vigueur de son coloris , la
])ropreté et le fini de sou pinceau.
Le Mantuano mourut en jS-jG. P-s.
VENUTl (RiDOLFiNo), Tun des
plus célèbres et des plus laborieux
antiquaires du dix - huitième siècle ,
naquit, en 1705, à Cortone, d'une
famille patricienne , moins illustre
encore par l'éclat de sou rang que
par le grand nombre d'hommes dis-
tingués qu'elle a fournis (i). Ridolfi-
no montra de bonne heure des dispo-
sitions rares pour l'étude. Après
avoir terminé ses cours, il embrassa
l'état ecclésiastique , et vint à Rome,
])erfectionner ses connaissances par
l'examen des monuments et par la
jVéquentatiou des artistes et des sa-
vants. Ses premiers ouvrages, en at-
testant ses progrès dans les différen-
tes branches de l'archéologie, éten-
dirent sa réputation jusque dans les
pays étrangers; et les plus célèbres
académies de l'Europe s'empressè-
rent de se l'associer. 11 fut nommé,
par le pape Benoît XIV , président
(1) l'iiilippc Vr.NliTl, deCortoue,6e Ctunei-e.
luilallou comme pLilologue, dès la fin du scizièiup
siècle. 11 est auteur d'un Victionnaiiv ilnlien ri
latin ,\eo\se, rj74, '» 8"-) réimprime plusieurs
fois dans divers foriuals ot avec des addilions. Ou
lui doit eu outre lu traituclion en italien d'une par-
lie de VÉnéide de Virgile , des Ilemnir/nes sur les
Oéoigiques du même poète, ainsi que sur les
Épltres familières de Cicèro», et euKn un opus-
cule intitule : Oiseivazioiii da efpriinere lutte le pa-
role lalinamenle seconda l'tiso di Oraxio.
YEN
de la commission des monuments an-
tiques et garde du cabinet du Vati-
can. Le pape Clément XII se propo-
sait de l'clever à de nouveaux hon-
neurs , quand il fut frappé par une
mort imprévue , le 3o mars i "jôS , à
un âge qui faisait espérer de le voir
jouir encore long-temps de la gloire
qu'il s'était acquise par ses travaux.
En 1800, son tnste, en marbre, fut
placé au Panthéon, par les soins du
chevalier Dominique Vcnuti, son ne-
veu et l'héritier de ses talents. Outre
une foule de Dissertations , dans les
Mémoires de l'académie de Cortone,
dont il fut l'un des fondateurs (2) ;
dans Je Giornale romano de Pagiia-
rini^ qu'il rédigea de i']42 à 1744»
et enfin les Notes dont il a enrichi le
Muséum Corlonense , i^So , in-fol.,
et la seconde édition du Muséum Ca-
pitolimtm , les principaux ouvrages
de Ridolfino sont : I. Osservazioni
sopraun anticaiscrizione, ags,iunta
al musée Corsini , Rome, i733,in-
4°. Celte inscription se trouvait sur
un autel antique , découvert la même
année. II. Dissertazione sopra un
cameodi mjl. Walpole rappresen-
tante Vostracismo dé' Greci , sans
date, in -4°. III. Collectaiiea anti-
quitatum romanarum. centum ta-
hulis incisarum et notis illustrata-
rum , Rome, 1786, gr. in-fol. obi.,
ouvrage rcchei'ché. Les gravures sont
d'Antoine Borioni, et les explications
de Ridolf. Venuti. Quelques-unes de
ses remarques ayant été critiquées
par J.-Chiys. Scarfo, le savant an-
tiquaire lui répondit par un Opuscu-
le que son frère Philippe ( V. l'art,
suiv. ) lit imprimera Paris, en 1740,
(9.) Sur des médailles puniques h'ouTces dans
ri!e (le Malte; — sur les jeux Ascoliens; — sur
liirigine d»? Cortone ; — sur fies médailles Panla-
leres ; — sur des pierres gravées du iriarquîs To-
latelli , etc.
YEN
1^9
in-4". IV. Anliijua numismata ma-
ximi moduli ex inuseo Alex. card.
Albani in Katicand bihliolh. trans-
lata^Kome , 1 789-44 > '- '^ol. in-fol.,
fig. , rare et recherché. C'est la noti-
ce détaillée des médailles acquises
par Ridolfino, pour le cabinet du
Vatican. V. Numismata romana-
rum pontijicum à Martine F ad Be-
nedictum XJV aucta et illustrata ,
ibid., \'l^'\, in-4". Y l. Bagionam en-
te sopra unframmento d'un antico
diaspro intagliato , ibid., 1747, in-
4°. , fig. VII. Ossen'azioni sopra il
fiume CUtunne ,del sue culte , etc.,
ibid., 1753 , in - 4''-, fig. j disserta-
tion pleine de recherches curieuses.
VIII. Spiegazione de" hassirilievi
elle si osservane nelV urna sepel-
crale d'Aless. Severe, ibid. , 1756,
in - 4". ,fig- IX. Marmora alhana ,
sive conjecturœ in duas inscriptio-
nes gladiatorias cellegii Silvani ,
! 7 it) , in-4°. X. Lajavola di Circe
rappresentata in un antico bassori-
lievo dimarmo, ibid., 1708, in-4°.
XI. De ded Libertate ejusque cultu
apud Romanes et de libertinorum
pileo, ibid., 1762, iu-4°. XII. Ac-
curata e succincta descrizione te-
pografica délie antichità di Roma,
ibid. , 1 763 , 2 vol. in-4°. ; 2«. éd. ,
i8o3. La seconde édition est aug-
mentée des découvertes faites depuis
la mort de Ridolfino. Le premier vo-
lume est orné de son buste, d'après
celui qu'on voit en marbre au Pan-
théon , avec l'inscription placée au-
dessous, par l'abbé Gaetano Marini,
bibliothécaire du Vatican. Cet ou-
vrage est l'un des meilleurs que puis-
sent consulter les archéologues pour
se faire une juste idée de toutes les
richesses que Rome possède en anti-
quités. XIII. Accurata descrizione
topografica ed istorica diRoma mo-
dcrna, ibid, , 1766 , 2 vol. in - 4"-
i5o
VEN
C'est une suite de l'ouvrage précè-
dent. Elle ne parut qu'après la mort
de l'auleur.XIV. Fêtera monumen-
ta quœ in hortis cœliniontanis et in
œâibus Mathœorum adservantur ,
collecta et notis illustrata, ibid.^
1 "j-jg , 3 vol. iu-fol. Ce bel ouvrage ,
que Ridolfino laissa incomplet, fut
achevé et publié par Amaduzzi ( F.
ce nom) (3). W — s.
VENUTI (Philippe), antiquaire
et littérateur , frère du précédent ,
naquit à Cortone en 1 709. A l'exem-
ple de son frère, il embrassa l'é-
tat ecclésiastique , et consacra ses
loisirs à la culture des lettres et des
• différentes brandies de l'érudition.
Ayant été pourvu d'un canonicat de
Saiut-Jean-de-Latran à Rome , il
fut , en 1 739 , chargé par son chapi-
tre de l'adi^inistration des revenus
de l'abbaye deClérac,dans la Guien-
ne ( I ). Il vint en France , avec
des lettres pour Montesquieu , qui
l'accueillit dans son château de la
Brède , et lui rendit toutes sortes de
bons offices (2). En 174' , il lem-
porta le prix proposé par l'acadé-
mie des inscriptions , sur ce sujet :
D éterminer combien défais le tem-
ple de Jamis a été fermé depuis la
naissance de Jésus-Christ, et en quel
(3) Pour compléter la notice des ouvrages «Je
Bidolfino, nous empruntons les titres de quelques-
uns de ses opuscules citi s à la fin du second volu-
me de sa description des antiquités de Rome, mais
sans indication de date : E/jiilola academiœ elrus-
ca: ad cardinal. Quiiiniirn, in-4'>. ; — Ragiona-
niinto sopra il piano di Bonta , in-fol. ; — Os^er-
vazinni wpra ilue greclie isi rizioni appartenenti ad
élire: elleniili , id-4". ; — Osfeivaziuni sopra alcii-
ne iscrizioni nppailenenli à soldali preloriani , in-
4"-; — Oratio de laiidihus Leonis X , in-S". ; —
.Jgro Rotntno del P. Eschinardi accresciulo , in-
S"- ; — Bitpoita al mari lies. d'Argent in difesa
délia pitlura ilaliana , in-S". ; — Firgilio vindica-
lo ^ in-4**,
(i) HpDri IV, après son abjuration, avait fait
présent de celte abbaye au chapitre de Saiiit-Jean-
de-Lalrau.
(»") Parmi les Lettres familières de Montesquieu,
on en trouve six adressées \ l'abbé Venuli ; ce sont
les suivantes ; 3,6, Sa, 34, 30 et 3;.
VEN
temps cette cérémonie païenne a
cessé d'être enitsage. En 1 7 43 , il y
fut admis dans la classe des associés
étrangers. Peu de temps après son
départ de Rome, une cabale s'était
formée contre lui dans son chapitre ,
et travaillait à le faire rappeler, Ve-
nuti , qui se plaisait en France , pria
Montesquieu de s'employer pour lui
procurer quelques bénélices dont les
revenus pussent, en cas d'événement,
le mettre à l'abri de toute inquiétude.
L'auteur de V Esprit des lois fit à ce
sujet plusieurs démarches près de l'é-
vèque de Mirepoix, chaigé de la feuille
des bénéfices ( F. Boyer ) ; mais ni
les talents de i'abbé Venuti , ni le
service qu'il venait de rendre à la
religion par son excellente traduc-
tion italienne du poème de Louis
Racine ( Foj\ ce nom), re purent
toucher l'inflexible prélat. « Je n'ai
» jamais vu, écrivait Montesquieu,
» un homme qui fasse tant de cas de
» ceux qui administrent la religion ,
» et si peu de ceux qui la servent
» ( Lettre à l'abbé de Guasco J. »
Cependant Venuti trouvait dans le
goût de l'étude l'oubli des tracasse-
ries auxquelles il était en butte. En
1745 , il avait été chargé de compo-
ser les inscriptions et de diriger les
fêles que la ville de Bordeaux olfrit
à M"^'=. la Daiiphiue. En reconnais-'
sance de ses services , les jurats lui
firent présent d'une bourse de je-
tons , de velours brodé. Devenu mem-
bre de l'aeadémie de Bordeaux , il se
montra fort assidu à ses séances , et
y lut plusieurs Dissertations très-in-
téressantes sur les antiquités de la
Guienne. Malgré les instances de
Montesquieu pour le retenir , il prit,
en 1700, le parti de retourner à
Rome. Il obtint peu de temps après
la prévôté de Livourne. Sur la fin de
sa vie , il se retira dans sa famille à
YEN
Cortoue, et y mourut en 176g. Il
était raeml)re de la plupart des aca-
démies et des sociétés littéraires d'I-
talie. Outre des traductions in versi
sciolti de la tragédie de Didon de
Lefranc de Pompignan, du poème de
la Religion tli^u Temple de Guide
(3), ou connaît de lui : I. Des Dis-
sertations dans le Recueil de l'aca-
démie de Cortone : Sur les instru-
ments ( coli vinarii) dont les anciens
se sei'vaient pour clarifier le vin ,
tome \ , 81 j — Sur les chapelles
( tempietti ) des anciens , 11 , an*
— Sur le temple de Janus (4) , iv ,
g3 ; — Et sur le nectar et l'ambroi-
sie , V, 76 ; — Une Dissertation sur
le cabinet de Cicéron , dans le tome
II des Mémoires de la société Co-
lombaire de Florence j l'abbé Ar-
naud en a donné la traduction abré-
gée dans le tome iv des Variétés
littéraires. II. // trionfo letterario
délia Francia , poemetto in terza
rima, Avignon, 1750, in-S». j c'est
une sorte d'apothéose des savants et
des poètes que la France possédait à
cette époque. III. De cruce Corto-
nensi Dissertatio , Livourne , 1752,
iii-4". IV. Dissertations sur les an-
ciens monuments de la ville de
Bordeaux , les gabrets , les antiqui-
tés et les ducs d'Aquitaine; avec un
Traité historique sur les monnaies
que les Anglais ont frappées dans
cette province, etc., Bordeaux, 1754,
in-4°., fig. Ce volume, dont le fils
de Montesquieu ( F. Secondât ) fut
l'éditeur , est le Recueil des disser-
tations communiquées à l'académie
de Bordeaux par l'abbé Venuti ;
elles sont pleines de recherches cu-
(3) C'est par erreur que le Diclionnaire univer-
sel lui allribnc la tniduction eu vers du TéLèma-
^ue, ■>. vol. 111-4». Cette traduction , souvent réim-
primée, est de Flaniinio .Scarselli.
(4^ C'est la Disserlalion couronnée par l'ncadé-
iiiie Jgs inscriptions , dont un a jiarlé plus haut.
VER
i5i
rieuses ; et plusieurs points <le notre
histoire encore obscurs y sont éclair-
cis d'une manière satisfaisante. On
trouve l'analyse de cet ouvrage dans
le Journal des savants , tcvrici'
1755,111-115. V. Expositio duo-
denorum numismatum, antehac ine-
ditoruni, ex gazophjlacio Ant. de
Froy angli; Apud Lahronisportuni
( Livourne ) , anno periodi juliance
6478 (1760) , in-4°. , fig. Ouvrage
savant , mais dans lequel les érudils
ont signalé quelques erreurs. W — s.
VERA (don PEDRO de), conqué-
rant de la Grande -Ganarie , non
moins célèbre par sa perfidie et ses
cruautés que par l'étendue de ses ta- '
lents, naquit, vers l'an i44o, à Xé-
rez de la Frontecra en Andalousie ,
d'une des plus illustres familles de
cette province. Vera était le nom de
sa mère ; D. Diego Gomez de Men-
doza , sou père, appartenait , par la
naissance , à la maison des seigneurs
de Hita et Buytrago. Pedro remplit,
dans sa ville natale, l'emploi d'a!-
guazil et celui d'alferez-mayor. En-
suite il fut nommé alcade de Xirae-
na par le roi Henri IV j et l'on voit
d'après une lettre de ce prince, qu'il
était revêtu de cette charge en 1470.
Plus tard il prit part aux querelles
du marquis de Cadix, son parent,
avec plusieurs seigneurs; alla, suivi
de ses vassaux, attaquer la forteres-
se de Médina , et fit preuve à ce siè-
ge d'une intrépidité extraordinaire.
L'Andalousie était alors un théâ-
tre sanglant de rivalités , de dis-
cordes et de guerres. Isabelle et
Ferdinand, qui régnaient sur pres-
que toute l'Espagne, craignant qu'au
milieu des l'évolutions de tout genre
qui troublaient le midi de leur em-
pire Vera ne îùi puni de .ses ex-
ploits, saisirent avec joie l'oecasion
de l'envoyer à la (irandc-Gauarie ,
i52 VER
avec le titre de gouverneur et capitai-
ne-ge'ne'ral , en remplacement de Juan
Rejon, qui s'était rendu odieux par
le meurtre juridique de Pedro Fer-
nandez del Algaba. Il débuta par fai-
re arrêter son prédécesseur ; e* pen-
dant que l'on conduisait celui-ci en
Espagne, il confisqua ses biens, dont il
s'appropria la plus grande partie (fin
dei'année i48o). Il augmenta ensuite
le mécontentement par le stratagème
dont il se servit pour faire sortir de
la ville de Ciudad Real de las Pal-
masun grand nombre de Canariotes,
auxquels il avait persuadé de s'em-
barquer snr un de ses vaisseaux ,
pour conquérir l'île de TénérifTe , et
que le bâtiment transporta en Eu-
rope. S'il faut en croire quelques
historiens , entre autres Nuùez de
la Pegna (livre i, chapit. xn), les
Canariotes, soupçonnant la ruse ini-
que du gouverneur, avaient exigé de
lui un serment sur l'hostie- mais ce-
lui-ci, avant de se parjurer, aA'ait
obtenu de son chapelain qu'il lui pré-
senterait une hostie non consacrée.
Quoi qu'il en soit, le but de cette
fourberie, qui était de faire dispa-
raître des îles Fortunées les indigènes,
indigna la population, au point que
ceux dos naturels qui s'étaient établis
parmi les Espagnols, et qui avaient
leur domicile à Real de las Palmas ,
désertaiei;t les uns après les autres ,
et allaient rejoindre leurs compatrio-
tes armés. La domination de Ferdi-
nand ne comptait déjà que trop d'en-
nemis et d'antagonistes dans l'île.
Mais \'era , excité par les obstacles ,
entreprit , malgré le nombre peu con-
sidérable de ses troupes , qui n'al-
laient pas à six cents hommes, de
réduire tous les habitauts.il marcha
d'abord vers les éminences du dis-
trict des Auicas, vainquit en com-
bat singulier Dorramas ,guanartènie
VER
ou chef de cette peuplade, et tailla
on pièces tous les soldats qu'elle lui
opposa. Il s'empara ensuite , avec la
plus grande facilité, de tout le terri-
toire de Telde, Satautejo, Moyas,
se 2>orta sur Gualdar , et afin de met-
tre à l'abri ses conquêtes , fit cons-
truire le fort de VÂgaèle , dont la
défense fut confiée à Fernandez de
Lugo. Un échec dans les défilés de
Tirajanaet les brillants faits d'armes
d'un chef ennemi nommé Bentaguya,
n'empèclièrent point qu'il ne pous-
sât de plus en plus ses conquêtes. En
^l{^•i., il reçut des renforts, et fut
vaillamment secondé par le jeune
Hernando Pezarra , qui s'empara de
la ville de Gualdar , placée au milieu
de l'île , et destinée , en quelque sor-
te , à en être la métropole. Le gua-
naitème Tenesor Seraidan , fait pri-
sonnier et envoyé en Espagne , s'y
convertit au christianisme, et se fit
baptiser. Les Canariotes élurent à sa
place ïazarté ; et sous ce capitaine
intrépide , ils firent des prodiges de
valeur. Cependant Vera gagnait tou-
jours du terrain; et malgré les dif-
ficultés que lui offrait la nature d'uu
pays raontueux, coupé de bois et de
précipices, il posséda _, à la fin de
l'année 1 484 , Titana , Amodar , Fa-
taga , en un mot toutes les places for-
tes de l'île. L'année suivante vit en-
fin s'accomplir l'entreprise. Il était
parti , le 8 avril 1 483 , de Real de
las Palmas avec plus de mille hom-
mes , jurant de né point revenir sans
avoir soumis les insulaires au joug
de l'Espagne; et il marchait sur le
fort d'Ansite , refuge de toute la na-
tion pendant l'hiver de i48a, lors-
que D. Ferdinand , autrefois Tenesor
Seniidan, ancien guanartèmede Gual-
dar , qui, en se convertissant au chris"
lianisme , s'était attaché aux Espa-
gnols, persuada, par son éloquence^
VER
à ses compatriotes de mettre bas les
armes, et de ne poiut tenter une
folle résistance. Ceux - ci jetèrent
spontanément leurs ëpe'es et leurs
dards , tandis que leurs chefs , Ben-
tejui et le Faycan de Telde , se pré-
cipitaient de desespoir du haut des
rochers dans la mer ( '29 avril ). Tel
est au moins le récit de presque tous
les historiens. Cependant INunez de
la Pcgua , au lieu d'atlribncr la son-
mission délinitive <à la négociation de
l'ex-guanartcme et à la condescen-
dance des habitants , suppose une
bataille sanglante entre soixante mille
Canariotes d'une part et huit cents
Espagnols de l'autre, bataille qui fut
précédée d'une confession et d'une
communion générales dans l'armée
chrétienne , et dont il semble rap-
porter le gain à l'intervention de la
Divinité. Apres ces événements mé-
morables , D. Pedro de Vera ne s'oc-
cupa plus que de consolider la domi-
nation espagnole dans la Canarie; et
pour y parvenir, il commença par
faire partir un grand nombre des in-
digènes , que l'on transplanta en Eu-
rope. Jl répartit ensuite les terres en-
tre les gentilshommes et les soldats
qui l'avaient aidé dans la conquête,
attira des îles voisines, et principa-
lement de Ténériire , Gomcra et Lan-
zerote , plusieurs habitants riches et
industrieux; fit venir de Madère des
cannes à sucre , poiu- en populariser
la culture ; transporta de Rubicon
(capitale de l'île Lanzerote) à Real
de las Palraas le siège épiscopal des
Canaries ; obtint des rois Ferdi-
nand et Isabelle divers privilèges
pour l'ile qu'il gouvernait • en un
mot , il jeta les fondements de la
prospérité et de l'opulence d'une
grande colonie, et se montra aussi
habile administrateur que grand guer-
rier. Telles étaient ses occupations,
VER
[53
lorsque les habitants de Gomera ,
une des Canaries, se révoltèrent con-
tre leur gouverneur Hernando Pezar-
ra. Vera courut à son secours^ et les
soumit en peu de temps. Mais Her-
nando, à qui son danger n'avait point
fait ouvrir les yeux, contmua de ty-
ranniser les peuples , et lassa leur pa-
tience au point qu'un complot se for-
ma entre les principaux Gomérites,
et qu'ils l'assassinèrent ( novembre
1488 ). Ils se déclarèrent ensuite in-
dépendants, poursuivirent la veuve
du gouverneur, et la réduisirent à se
renfermer dans la citadelle, où elle
en était aux dernières extrémités ,
quand le terrible Vera se présenta
pour la délivrer. Vaincre aurait été
pour lui l'affaii'e de peu d'instants.
Mais i! préféra employer la perfidie,
et offrit aux rebelles une amnistie
générale , à condition qu'ils se ren-
draient sur-le champ. Ceux-ci eurent
la faiblesse de le croire. A peine
furent-ils sans armes que l'impla-
cable gouverneur condamna à mort
tous les hommes au-dessus de quinze
ans. Tous périrent par divers sup-
plices , malgré les prières et les me-
naces de l'évcque don Juan de Prias j
les uns furent pendus , les auti'cs
rompus ou mutilés; d'autres furent
noyés en masse dans la mer d'Afri-
que. Les femmes et les enfants furent
presque tous exportés et vendus. Ce-
pendant les plaintes des victimes ou
plutôt de Juan de Frias , leur défen-
seur, arrivèi-ent au pied du trône, et
Ferdinand et Isabelle rappelèrent Ve-
ra ; mais il est probable que ce rappel
eut moins pour but de lui témoigner
du mécontentement , que de le soust
traire à la haine des insulaires , et mê-
me de ses compatriotes. En effet, ils
l'emplovèrent dans la guerre contre
les IVÎaures Grenadins, et après le siè-
ge et la reddition de Grenade ( 1 492) ?
i54 VER
ils le corablcreut de nouvelles mar-
ques d'amitié' et d'honneurs. Enfin ,
il fut nomme' capitaine-ge'nc'ral , gou-
verneur des Canaries ; mais son grand
âge l'empèclia d'accepter cette char-
ge. 11 mourut quelques années après
à Xërez, et fut enterré dans le cou-
vent de Saint-Dominique de cette
ville , qu'il avait fondé pour la sé-
pulture de sa famille. Il ne faut point
admettre le récit de ceux qui préten-
dent qu'il mourut de la lèpre, après
avoir été long-temps enfermé par les
ordres du roi , et en demandant par-
don à Dieu de ses crimes. 11 avait
été marié à Dona Béatrix de Hino-
josa , et en .avait eu six. fils, dont le
second, Fernando de Vera , est célè-
bre par des couplets satiriques qu'il
fit contre son propre père^ le gou-
verneur de Canarie. Voj. sur ce gé-
néral, outre Nunczde la Pegna déjà
cité, Viera, Noticias de la Hist.
gen. de las islas de Canaria , tom.
II, p. 64-138; Fernand. del Pulg. ,
cap. 04. j Haro , Nohil. Genealog. ,
lib. V, cap. siv, p. 48i j etGeorg.
Glas , Hislory ofthe Discovery and
Conq. of the Canarj. Voy. aussi
, Cabeza de Vaca. P OT.
VERA ( Ceverio de ) , arrière-
petit-fils du conquérant des Canaries,
vécut long-temps en Amérique , et
prit du service dans l'armée espa-
gnole. A quarante ans , il entra dans
l'état ecclésiastique, reçut les ordres,
et resta encore quelque temps en
Amérique. Revenu dans sa patrie ,
il y occupa quelques emplois de peu
d'importance; ensuite il passa à Ro-
me , où il fut acolythe du pape Clé-
ment YIII , visita les lieux saints ,
et enfin après avoir, en quelque sorte,
fait le tour du monde , mourut à Lis-
Lonne, en odeur de sainteté, en 1606.
On a de lui une Relation de son
voyage de la Terre-Sainlc ( Fiagc de
VER
la Tierra sauta : Description, etc. ),
Madrid ^ 1 597 , in-8". , et un Dia-
logue contre les pièces de théâ-
tre usitées en Espagne , dédié
à D. Alphonse Moscoso , évêque de
Malaga , Malaga, i6o5. Ces ouvra-
ges n'ont point été traduits en fran-
çais. Voy. Jorge Cardoso , Hagiolog.
Lusitan, , 20 avril. P — ot.
VERA (Don Juan- Antonio de),
Y FiGUEROA Y ZuNiGA , comtc de
La Roca , historien et diplomate, né
dans la Catalogne, en i588, fut
chevalier de l'ordre de Saint-Jac-
ques , commandeur de la Barra ,
gentilhomme de la bouche de Phi-
lippe V, membre du conseil suprê-
me de la guerre et de celui des finan-
ces, ambassadeur extraordinaire au-
près de la république de Venise et
d'autres états d'Italie. Les fonctions
administratives dont il fut chargé,
et sa longue «ésidence dans diverses
cours étrangères , ne l'empêchèrent
pas de cultiver les lettres et de s'y
faire un nom. Il mourut à Madrid
le 20 octobre i658. On a de lui : I.
El Emhaxador , Séville , 1620, in-
4°.; traduit en italien, Venise, 1646,
in-4''.; et en français, par Lancelot,
sous ce titre : Le Parfait Ambassa-
deur , Paris, i635, in-4'^- ; Ley-
de, 1709, 2 A^ol. in-i2. II. Fida de
Santa Isabella de Portugal , Ro-
me , 1625, in-8°. III. El Fernando
o Sevilla restauraâa , poema heroï-
co escrito en los versos de la Geru-
salem liberada del Tasso , Milan ,
i632, in^"' IV. Résultas de la
Vida de don Fernand Alvar^ez de
Toledo (troisième duc d'Albe), Mi-
lan, iG43,in-4°. V. Epitome de
la Vida y Hechos del emperador
Carlos V, Milan, 1645, iu-16 ;
seconde édition augmentée , Ma-
drid, 1654, in-4"-; Bruxelles, i656,
iu-4°. Cet ouvrage a été traduit en
VER
français , par Duperron Le Hayer ,
Paris , 1662 , in-4°. j édition revue
et corrigée , Bruxelles, iGG3, in- 12.
VI. El rei don Fedro defendido
( llainado cl Cruel , el Justiciero ,
y cl Nccessitado , rei de Castilla) ,
Madrid, 1648, in-4°. L'auteur y en-
treprend inutilement de justifier ce
prince des crimes que l'histoire lui
reproche. VIL Vida de nuestra Se-
îiora , Saragosse, i652 , ia-8°. A-t.
VERANZIO ( Antoine ) , arche-
vêque de Gran , en Strigonie , pri-
mat et vice-roi de Hongrie , célèbre
par les missions diplomatiques qu'il
a remplies près des premières cours
de l'Europe , naquit d'une famille il-
lustre, le 20 mai i5o4 , a Sebenico
en Dalmatie. Il se trouvait près de
son oncle Pierre Bérislas, évéque de
Wesprim , lorsque ce prélat fut
cruellement mis à mort parles Turcs
(i52o). Un autre de ses oncles,
Jean Statiléo, évéque de Trausilva-
nie , qui était en grande faveur à la
cour de Hongrie , l'appela près de
lui , pour l'élever avec un de ses
frères. C'est là que le jeune Antoine
écrivit la vie de son oncle Bérislas _,
qui, un siècle plus tard, a été publiée
à Venise ( /^. Tomk.us). Illutcnvoyé
à Padoue , à Vienne et à Cracovie ,
pour y continuer ses études. Étant
revenu à la cour de Hongrie , il se fit
bientôt connaître de l'évèque Etienne
Broderie et de Martinusius , depuis
cardinal , qui étaient les ministres
influents du roi Jean Zapolya P^".
Depuis l'an i528 , ce malheureux
monarque employa Vérauzio dans
plusieurs missions délicates près des
princes voisins , le nomma son se-
crétaire, et lui donna la prévôté de
Bude. Véranzio, qui devait ces deux
places à la recommandation de Bro-
derie , témoigna sa reconnaissance
à sou protecteur par une pièce en
VER i55
vers latins qu'il lui adressa. Le roi
l'envoya en Transilvanie , comme
son commissaire , avec ordre de rem-
plir les fonctions épiscopales , à la
place de son oncle Statiléo , nom-
mé ambassadeur de Hongrie près
de François I'^'". Il profita de son
court séjour en cette province, pour
y faire des recherches sur les monu-
ments des Romains j et l'on voit, dans
ses manuscrits , un grand nombre
d'inscriptions qu'il y découvrit. Il
était revenu près du roi , lorsque ce
prince fut assiégé à Bude ( i53o ) ,
par le comte de Togendorf, géné-
ral de Ferdinand 1'=''. Après la levée
du siège, il fut deux fois envoyé
vers Sigismond, roi de Pologne, beau-
frère du roi ; deux fois vers la ré-
publique de Venise; ensuite vers les
papes Clément VII et Paul III.
Plus tard il retourna pour la troi-
sième fois vers le roi Sigismond. Il
fut aussi député deux fois vers Fran-
çois !<=''., et il se trouvait, en i535,
près de Henri VIII , roi d'Angle-
terre. C'est dans ces derniers voya-
ges qu'il connut Érasme et Mélanch-
thon. Le comte Fr. Draganich, que
l'abbé Fortis vit à Sébénico , dans
son voyage en Dalmatie, a conserve
(i) une lettre d'Érasme à Véranzio,
et un petit poème gi'cc que celui-ci
adressa à Méianchlhon. De retour
en Hongrie , Véranzio fut envoyé
deux fois vers Ferdinand 1'=''. , maLs
il échoua dans sa mission. En
mourant ( i54o ) , le roi Jean
nomma Martinusius , qui était son
premier ministre _, et la reine Isa-
h(A\e , pour tuteurs de son fils Jean
Zapolya IL Véranzio , alors à
la cour , rendit compte de ce qui se
passait à Jean Statiléo son oncle.
(1) T'iac^lo in Dalmnzia , Venise , 177^5 ( ''.
ï56
VER
Les deux Lettres qu'il lui écrivit sont
restées inanuscrites dans les archives
de sa famille. Isabelle l'envoya, pour
la huitième fois, en Pologne (i543),
vers le roi Sigisraond. Il peignit,
devant la dicte , la position de cette
reine malheureuse en termes si tou-
chants que toute l'assemblée fondit
en larmes. Sa harangue fut impri-
mée à Cracovie. Il fut encore , la
même année, envoyé vers le roi Fer-
dinand , qui , par l'accueil qu'il lui
fit , chercha à gagner un homme si
précieux. Alors la rupture avait déjà
éclaté plusieurs fois entre la reine
Isabelle et Martinusius. Ce ministie,
dont l'ien ne pouvait satisfaire i'ava-
ricc , exigea que Véranzio remît
entre ses mains les béuélices qu'il
possédait en Transilvanie et en Hon-
grie, Celui-ci , après avoir rempli
une neuvième mission en Pologne,
pour la reine Isabelle, prit congé
d'elle et retourna à Sébénico , pré-
voyant les malheurs qui allaient
fondre sur la Hongrie , et ne pouvant
les empêcher. En i549, Ferdinand,
■qui , après l'abdication d'Isabelle
et de son fils Jean II , avait été
couronné roi de Hongrie , le nomma
évêquc des Cinq-Églises , et conseil-
ler-d'état. En i 553 , ill'envoya vers
Ali-Pacha , beiglerbeig deBude,ct
peu après il le nomma, avec Fran-
çois Zay , son ambassadeur en Tur-
quie. Véranzio fut obligé d'accom-
pagner Soliman 1'='". ( Voyez ce
nom ) , qui faisait la guerre aux
Persans , et pendant cinq ans il sui-
vit son quartier-général , ce qui lui
fournit l'occasion de recueillir des
notions intéressantes sur les Turcs ,
sur leur gouvernement et sur les
contrées qu'il parcourut. Busbeck ,
qui était attaché à l'ambassade , al-
1 lit et revenait du quartier-général
turc à Vienne, oii Véranzio retourna
VER
( i558), après avoir conclu une trêve
avec la Porte. En iSG^ , Maximi-
lien II l'envoya de nouveau à Cons-
tantinople , et en peu de temps il
réussit à conclure avec Sélim II une
paix avantageuse pour la chrétien-
té. Pendant son séjour à la cour
othomane , ce savant rassembla des
manuscrits précieux , dont il ne
reste plus que la traduction des An-
nales turques , qu'il avait décou-
vertes à Angora. Sa famille con-
serve le manuscrit de cette version
avec ses autres papiers <à Sébénico j
c'est de là que Lcunclavius a tiré
son Histoire , ses Annales et ses
Pandectes sur l'histoire des Turcs ,
ouvrages que les savants désignent
sous le Jiora de Codex Veranzianus.
Véranzio , nominé archevêque de
Gran ou de Strigonie , primat
de Hongrie , vice-roi du royaume
( iSôg), couronna l'archiduc Ro-
dolphe , roi de Hongrie. Le dis-
cours qu'il adressa au prince au nom
des états fut imprimé à Venise. Il
mourut le i5 juin iS-yS , peu de
jours après avoir reçu une lettre du
pape Grégoire XIII , qui lui an-
nonçait qu'il venait de le nommer
cardinal. Sa famille conserve de lui,
en manuscrit , les ouvrages suivants :
I. Vit a Pelri Berislai ( Voy. plus
haut). II. Iter Buda Hadrianopo~
Uni. HT. De situ Moldaviœ et Tran-
silvaniœ. IV. De rébus gestis Je-
hannis régis Hungariœ. lihri duo. V.
Deohitu Johannis régis Hungariœ ,
Epistolœ ad Johanneni Statilium ,
episcopum Transilvanum , datœ ,
dùni idem Stalilius in Gallid ora-
torem ageret , iS^o. VI. Animad-
versiones in Pauli Jovi historiam ,
ad marginem ipsius Jovi, VII.
De ohsidione et interceptione Bu-
dœ , ad Pctrum Petrovich. VIII.
Vita F. Georgj. Utisseny ( cardi-
VER
nal Martiuusse). IX, CoUectio anti-
quorum Epigraminatum.a. Multa
ad historiam Htingaiicam sui tam-
pons. XI. Otia , seu Carmina ,
avec des Lettres de Paul Wanucc et
de Palearius ; une pièce eu vers latins
que Secccrwitz publia à Vienne ,
sous le titre de V eranzius , pour cé-
lébrer sa seconde ambassade à Cons-
tantinople. En 1797 , la Dalmalie
elanl menace'epar les arme'es françai-
ses , on lit transporter à Vienne les
jnanuscritsde Véranzio, avec les ar-
chives de sa famille. Le savant Ko-
vacliich, charge de mettre en ordre
ces papiers précieux , eu a publié le
catalogue sous ce titre : Elenchus
chronologiciis actorum partim ori-
ginalium authenticorum , partim
autographorum , partim apogra-
phorum , ex archivo Veranliano
Draganichiauo. Les pièces les plus
importantes sont celles qui ont rap-
porta l'ambassadedeConslantinople,
en i556 et iSS^. On trouve dans les
Otia ou Carmina de Véranzio quel-
ques petites pièces qui font croire
que , dans sa jeunesse , il n'a point
veillé sur sa conduite avec toute la
sévérité que commandait son état. II
possédait à un degré éminent le ta-
lent de la parole , et à une grande
pénétration dans les affaires il joi-
gnait des avantagesextérieurs qui ont
puissamment contribué aux succès
.de ses missions diplomatiques. — Vé-
ranzio (Faustc) , neveu du précédent,
évêque in parlibusdeCAnaà'nxm, tom-
ba en disgrâce auprès de la cour de
Hongrie, parce que, dans la collation
des bénéiices ecclésiastiques, il l'avait
coinjjrom'se avec celle de Rome. Il
a publié: l.im Dictionnaire en cinq
langues , Venise, iSç)') ; II. Logica
nova , suis instrumentis formata et
recognita , Venise , 1616, in - 4*^' .
III. Machinée novœ , addiid decla-
VER
i5'
ratione latind , ilalicd , gallicd ,
hispanicd et germanicd , Venise ^
in-fol. Les planches de ce dernier
ouvrage sont en grand nombre : on
n'y trouve ]ias seulement des machi-
nes , mais des ponts , des églises et
d'autres constructions curieuses ,
qu'il avait eu occasion d'observer
dans le cours de ses voyages. Afin
de rendre plus utile ce tiaité pratique
de mécanique , il explique chaque
manière ou construction dans les
cinq langues qu'il connaissait. Sa Lo-
giquei'ut, dans le temps, vivement cri-
tiquée , et elle méritait de l'être. Il a
laissé en manuscrit : Regulœ can-
cellariœ regni Hungariœ. Il avait
aussi écrit une histoire de la Dalma-
tie , laquelle , d'après une disposition
assez singulière de son testament,
fut mise avec lui dans son tombeau.
G— Y.
VERAU (Augustin), domini-
cain , natif de l'île Ténérilie , et lec-
teur de philosophie au couvent des
bénédictins d'Orotara , était un des
humanistes les plus habiles de son
temps. Aux îles Canaries , on le sur-
nommait le Grec , à cause de la con-
naissance profonde qu'il avait de
cette langue. En se faisant domini-
cain, 17G8, il changea son nom de
Dominique en celui d'Augustin, sous
lequel il est connu. Il se distingua
particulièrement par le zèle qu'il mit
à améliorer les méthodes d'enseigne-
ment, et introduisit dans les cours
de philosophie une logique et une
physique raisonnables , soutint des
thèses sur le système de Copernic ,
ot fit plusieurs expériences sur la jie-
santeur et l'élasticité de l'air. Dans
ses dernières années, il devint fou. On
a de lui , entre autres ouA'rages, tant
de grammaire que de])oésie : 1. Une
Grammaire latine {El artc pequeno
de Gramatica latina). II. Une Pro-
i58
VER
sodie latine ( Arte metrica h Poe-
lica latina ). III . Le Cicérone espa-
gnol et latin ( Nomenclator Castel-
lano y Latino ). IV. L'Aleclovo-
macliie {Alectoro-machia), poème
lie'roi-comique latin , composé à Ciu-
dad de Lagiina , en i-jSS. Il existe
encore de lui beaucoup de poésies
latines manuscrites , estimées des
auteurs qui les ont connues. Aug.
Verau imite le style d'Ovide et a
beaucoup de sa facilité et de son
esprit. P — OT.
VERAZZANI ou VERAZZANO
( Jean ) , navigateur florentin, né ,
vers la lin du quinzième siècle ,
d'une famille noble , fut employé
par François 1«^. à faire de nou-
velles découvertes dans la partie
septentrionale de l'Amérique. Les
auteurs varient sur la date de son
départ ; mais on voit , par une lettre
qu'il écrivit au monarque français ,
qu'il était en mer avant le mois de
juillet de l'année i524 , puisque, le
8 de ce mois, il avait déjà essuyé
une tempête qui l'avait obligé de
relâcher dans un port de Bretagne j
et en effet , !e 17 janvier de la
même année , il était parti, avec la
frégate la Daupliine qu'il comman-
dait , d'un roc désert sous lequel il
avait jeté l'ancre proche de Madère.
Api'ès avoir essuyé une grande tem-
pête , il aborda sur les côtes de quel-
ques parties de l'Amérique septen-
trionale ; il les parcourut depuis le
30*=. degré de latitude jusqu'à Terre-
Neuve , et eut même connaissance
de la Nouvelle- France. Les plan-
tes , les hommes et les animaux, lui
offrirent des beautés inconnues. Sa
lettre renferme une description assez
curieuse des sauvages qu'il trouva
dans ces contrées. Ses découver-
tes pouvaient même passer pour très-
importantes alors , puisqu'il visita
VER
plus de sept cents lieues de côtes. Les
sentiments sont partagés sur la fin
de cet homme habile et courageux.
Les uns le font tomber au pouvoir
de quelques sauvages cruels, qui le
mirent à mort avec plusieurs de
ses compagnons j et firent rôtir leurs
cadavres pour les manger. D'autres,
avec moins de vraisemblance , le
font mener prisonnier à Madrid, oij,
selon eux, il fut pendu. On conserve
à Florence , dans la bibliothèque de
Strozzi , une description cosmogra-
phique des côtes et de toutes les con-
trées que Verazzani avait parcourues,
et l'on y voit qu'il avait cherché un
passage par le nord pour arriver aux
Indes-Orientales. La relation de son
Voyage , qu'il avait envoyée au roi
de France , se trouve dans la collec-
tion de Bamusio et dans V Histoire
générale des F'ojages { Voj. Car-
tier et Lescabot \ M — le.
VERBEECQ ( Philippe ) , peintre
et graveur à l'eau-forte dans le goût
grignoté , naquit en Hollande , vers
« 5f)9. Ses ouvrages, comme peintre,
sont pour ainsi dire inconnus. Il n'en
est pas de même de ses gravures :
comme il les exécutait dans un goût
qui approchait de celui de Rem-
brandt , beaucoup d'amateurs ont
rangé ses productions parmi celles
de ce dernier. Mais Yver et Gersaint
ont démontré que c'était à tort , at-
tendu que sur les pièces qu'il a gra-
vées il a mis son nom ou son chiffre.
D'ailleurs la date de sa dernière pièce
(lôSg) prouve que cet artiste était
antérieur à RemÎDrandt. On ne con-
naîtdelui que les morceaux suivants,
qui sont très-recherchés : I. Esaii
vendant son droit d'aînesse , grand
in-folio. II. Sujet inconnu , repré-
sentant un Homme à genoux devant
un roi d' Orient, assis sur son trône,
ajant derrière lui une femme qui
VER
tient un jeune homme par la main ,
in-4'*. , avec le nom du graveur. 111.
Un berger assis au pied d'un arbre,
pièce ovale avec la marque du gra-
veur, et la date de 1619. IV. Un
Buste (V une jeune femme ; elle est
vue de face , les yeux baisses , coiffée
d'une toque en fourrure, ornée de
plumes; ce portrait , avec nom d'au-
teur et date de lOSg, est exécuté sur
un fond blanc. V. Le Buste d'uji
homme vu des trois-quarts, portant
moustaches et clieveux longs , et
coiffé d'un turban orné d'une plume;
pendant de la pièce précédente , et
avec la même date. Ni. Figure d'un
jeune homme debout; il est représen-
té de face ; sa tète ressemble à celle qui
a été décrite sous le numéro précé-
dent. La forme en est ovale et porte
le nom du graveur et la date de 1 03g.
On peut voir^ pour de plus grands
détails, le Supplément au Catalogue
de Bartsch , pag. iSq. P — s.
VEIIBIEST (Le P". Ferdinand),
célèbre missionnaire et astronome ,
était né vers i63o, à Bruges , sui-
vant Lalande ( Bihliog. astronom. ,
3i8 ), ou, selon d'autres auteurs,
près de Courtrai. Ayant embrassé la
règle de saint Ignace ^ il fut destiné
par ses supérieurs aux missions de
la Chine, où il se rendit en 1669,
avec le P. Couplet ( Voj. ce nom ).
Il s'y consacra d'abord à la pré-
dication de l'évangile dans la pro-
vince de Chen-si ; mais le P. Adam
Schall ^ instruit de ses talents , le lit
venir à Péking, et ne tarda pas à
l'associer à ses travaux astronomi-
ques. Pendant la minorité de l'em-
pereur Khang-hi , une violente persé-
cution s'étant élevée contre les Chré-
tiens^ le P. Verbiest partagea le sort
de ses confrères et fut jeté dans une
obscure prison. Le P. Schall, prési-
dent dti tribunal des mathématiques,
VER
i5g
fut remplacé par un mandarin, dont
le seul titre à cette marque de con-
fiance était sa haine contre les Jésui-
tes. Le calendrier impérial se trouva
bientôt dans un tel désordre que
Khaug-hi enjoignit à ses ministres de
consulter les missionnaires sur le
moyen d'en corriger les erreurs. Le
P. V erbiest^ amené devant ce prince,
n'eut pas de peine à montrer que
l'astronome chinois n'était qu'un
ignorant; et l'empereur l'établit dans
la place dont le P. Schall avait été
si injustement dépouille. Les mission-
naires se sont étendus avec complai-
sance sur le récit des épreuves qu'a-
vait subies le P. Verbiest , parce
que la manière dont il s'en était tire
avait eu momentanément pour eux
les plus heureuses conséquences. Tou-
tefois ces épreuves^ qui consistaient
à annoncer la longueur de l'ombre
d'un gnomon, ou le lieu précis du
soleil pour un jour et aux heures
données , ne supposaient rien de
plus qu'une connaissance assez exac-
te des premiers éléments de l'as-
tronomie. Dès qu'il fut installé dans
son nouvel office, le P. Verbiest
s'occupa de fournir l'observatoire
de nouveaux instruments astrono-
miques , qui furent exécutés sous
sa direction; mais ayant quitté l'Eu-
rope avant l'époque ou les Cas-
sini , les Halley, les Picard , firent
faire tant de progrès à la science ,
il ne put pas leur donner toute la
perfection désirable (i). L'empereur
voulut recevoir du P. Verbiest des
leçons de mathématiques ; et ce prin-
ce, charmé de plus en plus des ta-
lents du missionnaire, lui fit appren-
dre la langue tartare, afin de pou-
(i) Voy. la Descriviion Je VohservaLoîre de Pé-
Uiig t P'ir le P. Lecomle , dans les Nouveaux Mé-
moires de la Chine , leUre 3. Voyez aussi Duhalde,
lidit. iii-4"' , III, 341.
iGo
VER
voir l'euîretenir plus facilement et
sans le secours d'un inleiprète. Le
iësuite se rendit bientôt fort ha-
bile dans cette langue ; et si l'on en
croit le P. Dulialde, il eu composa
même une Grammaire (2). En 168 1,
il fut cliargé par l'empereur de di-
riger la fabrication de canons de fon-
te, pour remplacer les anciennes piè-
ces qui se trouvaient hors de service.
L'opération réussit, maigre le dé-
faut d'intelligence ou la mauvaise
volonté des ouvriers qui travaillaient
sous ses ordres , et il eut le bonheur
de pouvoir olFrir à l'empereur un
parc de trois cents pièces , la plupart
de campagne. L'empereur , après
avoir vu l'elfet de cette nouvelle ar-
tillerie , se dépouilla d'une veste foui--
rée de martre , d'un grand prix, et
de sa robe de dessous, et les donna
au P. Verbiest, comme une marque
de sa satisfaction • et quelques mois
après, sur la présentation du tribu-
nal des grâces, il le revêtit d'un titre
d'honneur. Le pieux, missionnaire
n'employait son crédit que pour pro-
curer de nouveaux avantages à la re-
ligion; et il ne désespérait pas de la
voir s'établir jusque dans les pro-
vinces les plus reculées de l'empire.
Aussi reçut-il du pape Innocent XI
im bref, dans lequel le souverain
pontife approuvait sa conduite à la
Chine, blâmée par les missionnaires
dominicains {F. Schall, XLIj-jS).
Il offrit, eu i683, à l'empereur , le
Calcul des éclipses de soleil et de
lune pour deux mille ans , formant
32 vol. de cartes, avec leur exphca-
tion. Ce beau travail lui valut de
(1) Duhalde ajoule que cette Grammaire tartare
du P. Verhiest fut imprimée à Paris { Voy. Des
cription de la (/;,««, III , 94 ); maison ne la trouve
citée dans ancim catalogue. Il se pourrait que celte
grammaire lût celle qui a été im|irimée dans la
Collection deThévcnot, sous le titre de Elemenla
linguœ lartaricœ, et dont quelques personnes dou-
tant que le P. Gerbillon soit l'auteur.
VER
nouvelles faveurs delà partdeKhang-
hi. Le P. Verbiest facilita l'admis-
sion à la Chine du P. Lecomte et de
ses compagnons , et leur procura l'au-
torisation de se rendre à Péking;
mais il ne goûta pas la satisfaction
de les y recevoir. Une courte mala-
die l'enleva, le 28 janvier 1688, le
lendemain de la mort de Timpéra-
trice-mère. Ses funérailles, retardées,
par ordre de Tempereur, jusqu'au
8 mars suivant , furent célébrées
avec une pompe extraordinaire. Le
P. Lecomte en a consigné la rela-
tion détaillée dans ses Nouveaux
Mémoires sur la Chine , i , lettre 2.
Le P. Verbiest avait adopté le nom
chinois de Nan-hoaï-jiu , et le sur-
nom de Thun-pe. Ce sont les noms
qu'on lit à la tête des ouvrages qu'il
a composés en langue chinoise. Th.
Sig. Bayer en a donné une liste dé-
taillée ( Miscellanea Berolinensia ,
VI , 1 80 et suiv. ), laquelle a été réim-
primée avec quelques additions, dans
le Diction, de Moréri, édition de
i-jSg. Mais le catalogue le plus di-
gne de confiance est celui qu'on trou-
ve dans le Ching-kiao-sin-teng, ou-
vrage chinois qui a servi de base au
Catalogus Patrum soc. Jesu , du P.
Phil. Couplet. Les livres composés
par le P. Verbiest se trouvent pres-
que tous au cabinet des manuscrits
delà bibliothèque du Roi; ils sont
de deux sortes. Les uns sont relatifs
à la théologie; et l'auteur, remplis-
sant les fonctions auxquelles il s'était
primitivement dévoué , y traite, pour
l'instruction des Chinois néophytes ,
de l'Eucharistie, delà Pénitence, de
la rémunération du bien et du mal.
Les autres livres, en bien plus grand
nombre, roulent sur des sujets de
physique et d'astronomie. Dans ce
nombre, on distingue : I. Vi siang
tchi ( Des figures et des instniments
VER
d'astronomie ) , 1 4 livres , avec deux
livres de planches , sous le titre de
Yi-sing-thou.II.iVwn khichoiie, ou
Notice sur le baromètre ( et non sur
le thermomètre , comme l'a écrit le
P. Couplet ). III. Une Mappemonde
ou Planisphère terrestre , dont il
existe plusieurs éditions en formats
différents (l'un de 66 p° sur 58 p»),
et auquel se doivent joindre deux li-
vres à' Explications. IV. Plusieurs
Planisphères : ces planisphères ont
serAd de base à ceux du P. Grimal-
di, et par conséquent à tout ce que
nous savons sur l'Uranographie des
Chinois. V. Astronomie perpétuelle,
ou Tables pour les éclipses et les au-
tres phénomènes célestes ;, offertes à
l'empereur Khang-hi, et formant 3a
livres. VI. Deux hvres d'Observa-
tions célestes, et un troisième conte-
nant la Défense de la doctrine astro-
nomique des Européens , contre les
attaques des prétendus astronomes
du tribunal des mathématiques. VII.
Liber organicus astronomice Eiiro-
peœ apiid Sinas restitutœ , suh iiii-
peratore sino-tartarico Cam-hy ap-
pellato , i668, petit in- fol. Ce n'est
autre chose que le recueil des plan-
ches du Fi-siang-tchi ( ci-dessus
n"*. ï ), qu'on a fait précéder d'un
discours latin de 9 feuillets, gravés
et imprimés à la manière chinoise.
L'abrégé du même ouvrage parut
sous ce titre : Coinpendiuin latinuni
proponens xii posteriores figuras
libri Observationum nec non prio-
res ni figuras Libri organici. On
possède l'ouvrage et l'abrégé à la
bibliothèque du Roi, et il s'en trou-
ve aussi des exemplaires dans les ca-
binets de quelques curieux. Le texte
amplifié et commenté a été publié
de nouveau en Europe , par les soins
du P. Couplet, sous ce titre: As-
trononiia Europea sub imperato-
XLVUl.
VER
161
re tartaro-sinico Cam-hy appellato
ex umbrd in lucem revocata , à
R. P. F. Verbiest, etc., Diliugen ,
1687, petit in-4°. Ce volume, assez
rare , contient une des planches du
Liber organicus , celle qui représen-
te l'observatoire de Péking ; et il est
terminé par le Catalogus Patrum
soc. Jesu, àouion a parlé précédem-
ment. C'est dans ce livre qu'on peut
chercher, non des notions sur l'état
de l'astronomie à la Chine avant les
Jésuites _, mais une histoire com-
plète et détaillée de la révolution
opérée dans la science par les opéra-
tions du P. Verbiest. Les Relations
des deux voyages que le P. Verbiest
fit dans laTartarie à la suite de l'em-
pereur, en 1682 et i683, ont été
recueillies par le P. Duhalde ,dans la
Description de la Chine, iv , ']/^.-
87. Elles avaient été imprimées sé-
parément, Paris, iG85 , in- 12, et
ensuite dans le Recueil des Voyages
au Nord. Duhalde cite du P. Ver-
biest, un Traité de la fonte des ca-
nons , en chmois, accompagné de
44 planches ( ibid. , 11, 49 ); ui^e
traduction des Tables astronomi-
ques , et une autie du Missel romain y
adressées toutes les deux au pape
Innocent XI , et qui doivent être
conservées à la bibliothèque du Va-
tican. On a un portrait du P. Ver-
biest , représenté dans son habit de
président du tribunal , ou pour mieux
dire, du bureau des mathématiques ,
dans Duhalde, tom. in, pag. 87.
A. R — T et W — s.
VERCELLONI ( Jacques ) , mé-
decin piémontais , né à Sordevolo
en 1676 , étudia à Turin , à Mont-
pellier , se rendit à Rome en 1699,
fut quelques années médecin de l'hô-
pital de Saint-Jacques, et quitta celte
ville pour s'établir à Asti. Ou a de
lui quelques ouvrages estimés : I. J)c
II
i6i
VER
f:latu1ulis œsopJiagi conglomeralis
et humore vero digeslivo , Asti ,
i-ii , in-4°' li- De pudeyidoriim
morbis et hœ veneved tetrahihlion ,
Asti, 1716, in-80. ; Leyde , 17-22,
in-8o.- 174^» m-8°. Jean de Vans
a fait une traduction française de ce
dernier , et il l'a publiée à Paris ,
en 1780 , iu-8''. S — i.
VERCI ( Jean - Baptiste - Ma-
thieu ) , historien , ne à Bassano
en 1739, deljiita dajs la carrière
des lettres par une nouvelle édition
du Recueil de IManicini , contenant
les Poésies choisies des poètes de
Bassano , du treizième siècle , qu'il
compléta et augmenta de la vie de
chaque auteur, Venise , 1769, in-
4°. ; et par la publication des Poé-
sies et Epîtres latines de Lazare
Bonami , 1770, un vol. in-8°. , avec
un commentaire latin sur sa vie.
Voici la notice de ses divers ouvra-
ges : I. Abrégé historique sur Bas-
sano , Venise, 1770, in-4". Il eut
dans la suite le bon esprit de désa])-
j)rouver lui-même cet écrit , et de
démentir ce qu'il avait dit d'aboi'd,
d'après le préjugé national , sur
l'antique et fabuleuse origine de cette
ville. Il publia , à ce sujet , une Let-
tre anonyme , à laquelle il fognit de
répondre dans sa Dissertation sur
l'état de Bassano au dixième siè-
cle (Y enise , I772,in-i2), où l'as-
sertion contraire était établie sur
des preuves incontestables. Il existe
eu manuscrit , dans la collection
Novelleto , une autre Dissertation de
. Verci , intitulée : Notices relatives
à l'état de Bassano : c'est un abré-
gé de l'histoire de cette ville depuis
le dixième siècle jusqu'à son assujé-
tissement à la domination de Venise.
II. Histoire de Deli , ou Aven-
tures curieuses d'un Turc , Venise ,
1771 , in-8°. y roman dans le goût de
VER
ceux de Chiari. III. Notices sur la
vie et les ouvrages des écrivains de
Bassano , Venise», 1775 , a vol. in-
12. IV. Notices sur la vie et les
ouvrages des peintres , sculpteurs
et graveurs de Bassano , Venise ,
1770 , in-8°. ; livre ulile aux ama-
teurs des beaux-arts , par les notices
qu'il renfcnne , par les recherches
sur les Artifices de Jacopo dans
l'art de peindre , tirées en partie des
OEuvres inédites de J.-B. Voipato^
peintre et écrivain du dix-septième
siècle, compatriote de l'auteur. V.
Eloge historique de Barthel. Fer-
racino , ingénieur célèbre, Venise,
1777, in - 8°. j refait en 1779, et
augmenté de nouvelles notices. Tira-
boschi l'inséra en entier, cette même
année, dans son Journal littéraire de
Modène.Mais on ne trouve pas dans
cette réimpression la belle Elégie la-
tine de l'abbé Gaspard Tommasi ,
recteur du séminaire de Feltre , sur
la construction du pont de Bassano.
VI. Lettre sur les échecs , Venise ,
1778 , in-8". Ce jeu formait le plus
agréable passe- temps de l'auteur.
L'opuscule a pour but d'exposer
l'histoire du jeu et son origine, et
d'en indiquer les règles les plus né-
cessaires; il se termine par la no-
menclature des écrivains qui en ont
traité jusqu'à l'époque de sa publica-
tion. VII. Histoire des Ezzelins ,
Bassano , 1779 , 3 vol. in-8°. , ou-
vrage plein d'érudition, remarquable
par une critique judicieuse , et ofl'rant
un ensemble précieux de recherches
diplomatiques et historiques, tirées
de l'obscurité des siècles. Les ré-
dacteurs de V Art de vérifier les
dates eu ont donné un extrait à la
fin de cet ouvrage , édition de Paris ,
1783-87 , in-fol. Toutes les vicissi-
tudes de cette célèbre famille, depuis
Ezzelin , qui vint en Italie en io36,
VER
à la suite de l'empereur Conrad II ,
qui lui fit don des fiefs d'Onora et do
Éomauo , jusqu'à Alberic^ frère d'Ez-
zeliu V, le lyran^ qui périt si misé-
rablement avec sa femme et ses en-
fants , dans le château de San-Zenon,
en 1 260 , sont racontées avec soin ,
discute'es avec une sage critique , et
appuyées d'irréfragables documents.
Cet ouvrage répand un grand jour
sur les mœurs , le génie , les entre-
prises des guerriers qui jouèrent un
rôle important dans les x'évolu-
tions d'Italie, surtout dans celles
de la Lombardie, au moyeu âge. VI II .
Epître sur les monnaies de Vérone,
et particulièrement sur celles qui fu-
rent frappées sous les E zzelijis ,m-8'^ .
Cet opuscule, écrit en latin, a été insé-
ré dans le Recueille monetis Vero-
nensibus , Vérone, Carattoui, 1779,
et reproduit clans une traduction
italienne , en tète du tome x du Re-
cueil de Zaqetti ;, Délie Monete e
Zecche d'Italia. IX. Notices sur
quelques évèques de Vicence , ti-
rées des archives de Bassano , in-
l'i , sans date. Elles sont insérées
dans la Nuova Raccolta Caloge-
riana , et parurent en 1782. Quoi-
qu'il semble que cet ouvrage doive
traiter des évèques de Vicence , il ne
traite , en eflet , que du fief de Bas-
sano , auquel les arcbiprètres de
cette ville eurent beaucoup de part ,
et dont la rénovation avait lieu pour
cliaque prélat élevé à la cathédrale
de Vicence. Viennent ensuite quel-
ques fragments sur l'histoire du pays,
et l'antiquité de l'église archipresby-
térale. X. Dissertation sur les mon-
naies dePadoue, avec une Lettre sur
les Marches de Carrare , in-4''., sans
date. Elle est comprise dans le tome
\\i du Recueil de Zanetti, imprimé à
Bologne en 1783, in-fol. Il paraît
qu'à l'époque oîi l'auteur la composa.
VER
iG3
il avait l'esprit exaspéré par des
malheurs domestiques ; car il se per-
met y à la fin de sa Lettre , ure sor-
tie virulente contre les Marches de
Carrare , sortie qu'il renouvela de-
puis dans la préface de son Histoire
de la INIarche Trévisane. XI. Lettre
apologétique de F. G. à Jules
Trento , sur quelques points du
Prodrome ^solan ^T révise ^ 1784 ,
in-8o. Les disputes asolanes ont oc-
cupé un grand nombre d'écrivains ,
et se trouvent rapportées d'une ma-
nière assez agréable et spirituelle
dans le Giomale de' confmi d' ItaliUy
Ear P. Contini. Elles occupèrent aussi
eaucou]) notre auteur, qui jugea à
propos de publier cet opuscule sous
un autre nom que le sien. XII. His-
toire de la Marche Trévisane , Ve-
nise, 1786-90, 20 vol. in 8°. Cet
ouvrage , le plus considérable de
ceux qu'il a produits , est précède
d'une dissertation historique sur les
événements arrivés dans la M.^rche
Trévisane , depuis les temps de
Charlemagne jusqu'à l'extinction de
la famille des Ezzelins. L'histoire qui
commence à 1260 est conduite jus-
qu'au quinzième siècle. Quoique Ver-
ci ait consulté les auteurs con-
temporains et des chroniques et do-
cuments long-temps ensevelis dans
les ténèbres , cet ouvrage réussit beau-
coup moins que son premier écrit
sur les Ezzelins. Outre les productions
dont nous venons de parler, l'infati-
gable Verci fit un grand nombre de
traductions d'ouvragesfrançais. C'est
lui qui a traduit en italien le Diction-
naire historique de Chaudon ; et sa
traduction a eu plusieurs éditions ;
la dernière est de 1 796, imprimée à
Bassano, 22 vol. in-8°. Il a ajouté à
l'ouvrage français un grand nombre
d'articles nouveaux , particulière-
meut d'auteurs et de personnages ita-
II..
i64 VER
liens, et il s'est associe' comme colla-
Loraleiir dans cette entreprise l'ex-
jësuite François Carrara. Mais com-
me il avait choisi une assez mauvaise
production française , il n'a fait de
la traduction qu'un ouvrage peu es-
timé, et f[ui donna lieu eu Italie à
beaucoup de controverses et de cri-
tiques. Parmi les différents manus-
crits qu'il a laissés inédits, on re-
marque une Fie des impératrices
romaines , qu'il s'était proposé de
publier, et à laquelle il avait consa-
cré beaucoup de soins et d'applica-
tion. Verci , dont la vie fut très-
agitée avait écrit ses Mémoires;
mais ils n'ont pas paru. Il mou-
rut en novembre 1795 , à Ro-
vigo , où il était allé passer l'au-
tomne pour se délasser de ses tra-
vaux. 11 était à peine âgé de cinquan-
te-six ans. Le comte Joseph Perli Re-
mondini paya un tribut d'estime pu-
blique à sa mémoire, et composa
son inscription tumulaire. IM-g-r.
VERCINGÉTORIX , célèbre chef
gaulois, antagoniste de César , était
du pays des Arvernes. On ignore
comment se passèrent ses premières
années. Son éducation sans doute
fut tonte guerrière; mais avec le gé-
nie militaire , la nature avait placé
dans son ame le germe des talents
politiques et des hautes vertus civi-
les. >a position sociale dut encore
les développer. Celtille , son père ,
avait long-temps exercé sur les répu-
bliques de la Celtique une espèce de
dictature bien voisine de la royauté,
puis avait été immolé à la vengeance
ou aux soupçons de ses concitoyens,
dans le moment oîi il allait usurper
le diadème et le titre de roi. Une telle
vie et une telle mort fixaient natu-
rellement l'attention sur le fils ; et le
Jeune orphelin avait hérité de tout
e crédit de son père. De plus , un
VER
grand e've'neraent mûrissait sa raison
et faisait fermenter en secret son
courage. C'était le temps où César
entrait dans les Gaules , et soumet-
tait successivement les peuplades iso-
lées de ces vastes régions. Immobile et
muet pendant les rapides conquêtes
du héros latin , Vercingétorix, qui
sortait de l'adolescence , se contenta
de gémir en silence sur l'asservisse-
ment de sa patrie. Mais à peine le
vainqueur se fut-il éloigné de sa proie
pour se rapprocher de l'Italie et de
Rome , qu'il prit les armes , et fit re-
tentir dans les Gaules les cris de li-
berté. Les Carnutes s'étaient déclarés
les premiers ; et sous la conduite de
deux chefs intrépides , Cotuate et
Cotunedun , ils massacrent les Ro-
mains dans Genabum ( Gien ). Mais
peut-être eussent-ils en vain pris l'i-
nitiative sans l'activité et l'adroite
politique de Vercingétorix. A la nou-
velle du soulèvement des Carnutes ,
usant avec adresse du prestige d'un
nom populaire , le jeune fils de Cel-
tille rallie autour de lui ses amis , ses
clients et un grand nombre de par-
tisans de l'indépendance. En vain
Gobauition , son oncle, et quelques
autres des principaux de la républi-
que , n'osant tenter les chances dou-
teuses d'une lutte avec César , ou hu-
miliés de ne point diriger ce grand
mouvement, lancent contre lui un dé-
cret de bannissement. L'exilé rassem-
ble des forces nouvelles , rentre dans
Gergovie , chasse ses ennemis , et,
proclamé roi par l'enthousiasme de
la multitude, envoie de tous cotés des
ambassadeurs aux cités et aux peu-
ples de la Gaule. Presque tous re-
çoivent avec transport ses invita-
tions ; les Senonais, les Parisii, les
Pictones , les Cadurces , les Turo-
nes, les Aulerques, les Andégaves ,
les Léiiiovices et les Armoricains,
VER
se rassemblent sous ses drapeaux ,
et forment une confe'de'ration dont
il est, à l'unanimité' , nommé ge'ue-
ralissime. Aussi prudent qu'au-
dacieux , le jeune chef commence
par lier de nœuds indissoluljles à
la cause commune tous les peuples
qui ont accepté son alliance , en se
faisant livrer, à titre d'otages, les
citoyens de la première distinction;
et il épouvante les autres par la dé-
vastation de leur territoire et les
supplices qu'il fait subir aux plus
opiniâtres. Il partage ensuite sestrou-
])es en deux corps ; et confiant l'un à
Luctériiis , guerrier Lardi et entre-
prenant , qui marclie aussitôt contre
les Rutlieui (habitants duPiOuergue), il
s'avance, à la tète de l'autre, chez les
Bituriges (habitants du Berry), qui,
à l'exemple des Éduens , leurs alliés,
refusent de prendre parti dans la
guerre de l'indépendance. Ces deux
attaques simultanées réussissent pres-
que en même temps ; et tandis que
le généralissime, parcourant en tout
sens les campagnes des Bituriges, qui
appellent vainement les Éduens à
leur secours , les force à combattre
dans ses rangs , le lieutenant déter-
mine les Rutheni à secouer le joug ,
pénètre chez les Nitiobriges et les
Gabali qui lui livrent des otages, et
menace la province romaine. Aux
premières nouvelles de l'insurrec-
tion. César était parti de la Cisal-
pine. Il arrive à Narbonne, rassure les
habitants et la garnison , approvi-
sionne la ville et met le pays à l'a-
bri d'un coup de main. Luctérius
s'arrête, hésite, enfin recule. Tandis
qu'il fait sa retraite. César, à la tête
des troupes qu'il a ramenées d'Italie,
vole vers le nord -ouest, franchit
les Cévennes, et tombant au milieu
dos Arvernes étonnés, porte par-
tout le fer et le feu. Vercingétorix
VER
i65
revient alors sur ses pas , cédant aux
prières de ses compatriotes. César
l'avait prévu ; et laissant le jeune
Brutus pour faire face à l'ennemi , il
se rend en toute hâte à Vienne , se
met à la tête d'un corps nombreux
de cavalerie , court à Langres , où
sont encore deux légions, réunit che-
min faisant les troupes éparses çà et
là sur la route, et enfin se trouve à la
tête de forces considérables avant que
l'ennemi puisse seulement avoir des
nouvelles de son dessein. Au reste,
il paraît qu'il ne songeait pour le
moment qu'à ressaisir dans les Gau-
les une attitude imposante : l'hiver
n'était pas achevé , et il eût préfère'
le passer en paix , afin de prévenir
la défection des alliés , et de prépa-
rer les approvisionnements. Mais
Vercingétorix avait deviné son pro-
jet et ses craintes : décidé à égaler
César même en activité, il repassa
chez les Bituriges, laissant aux Ar-
vernes un corps de troupes pour sur-
veiller les mouvements du jeune Bru-
tus , et mit le siège devant une autre
Gergovie, qui appartenait alors
aux Boiens , peuplade helvétique
vaincue par César , et ensuite fraas-
plantée , selon les règles de la po-
litique romaine , dans une contrée
étrangère , sous la surveillance d'al-
liés étrangers. César fut contraint de
quitter ses quartiers d'hiver , et de
courir à la rencontre de l'ennemi.
Résolu de sauver les Boiens , et espé-
rait qu'à force de célérité il échajv
pera aux dangers qu'il redoute , il
part. La scène change. En deux
jours , Vellaunodunum capitule j
Genabum est prise, pillée ;, réduite
en cendres; Noviodunum ouvre ses
portes ; les aigles romaines menacent
la capitale des Bituriges. Vercingéto-
rix ouvrit alors le seul avis qui pût
assurer le triomphe des Gaulois et
iC6 VER
anéantir rarinee de Cc'sar: c'était de
tout incendier , de tout détruire. Les
Romains savaient la guerre ; ils pou-
vaient bien prendre des villes , gagner
des batailles ; mais comment créer
des vivres ? On obtempéra en partie
au vœu de Vercingétorix : les vflla-
ges f les fermes étaient livrés aux
flammes • vingt villes brûlèrent en
même temps ; mais les habitants
d'Avaricum demandèrent grâce pour
leur ville , l'ornement , le sanctuaire
et le boulevard de la Gaule, disaient-
ils , et promirent de la défendre. Ver-
cingétorix, après avoir long-temps
refusé , y consentit à regret. Levant
alors le siège de Gergovie, il suit Cé-
sar à petites iournées, et, campé à
seize milles d'Avaricum et des tentes
romaines , il ravage le pays , éclaire
toutes les démarches des ennemis ,
tend des embuscades ; et paralysant
ainsi toute l'activité du génie de Cé-
sar , il consume son armée par l'in-
action et la famine. Le blé manqua
plusieurs jours dans le camp , et
César parlait déjà de lever le siège ;
mais ses vétérans s'indignèrent de
sa proposition, et malgré des obs-
tacles de tout genre , poussèrent les
travaux avec tant d'activité , qxie les
assiégés , incapables de tenir plus
long-temps par eux-mêmes et déses-
pérant de voir Vercingétorix risquer
une bataille pour les dégager , ré-
solurent de fuir pendant la nuit.
Malheureusement les Romains esca-
ladèrent les murailles mal gardées,
à l'instant où ils allaient exécuter ce
dessein, et en firent un carnage épou-
vantable. De quarante mille qu'ils
e'taient , huit cents seulement échap-
pèrent et se réfugièrent sous les ten-
tes de Vercingétorix. Loin de perdre
courage ou de fuir les regards de son
armée, au récit de cette horrible ca-
tastrophe , celui-ci convoque et ses
VER
troupes et les victimes e'chappées au
massacre ; et après avoir rabaissé
le facile courage des Romains, qui ne
doivent leur triomphe qu'à la tacti-
que , il rappelle qu'il s'est toujours
opposé à ce qu'on sauvât , à ce qu'on
défendît Avaricum • il décrit les res-
sources qui restent encore ; il jure
que dans peu la Gaule entière sera
pour eux. En effet , tandis que César
repose ses troupes et s'approvision-
ne , son rival réunit de nouvelles
forces, et fait entrer dans la confé-
dération presque tous les peuples qui
jusque-là sont restés paisibles spec-
tateurs de la lutte. Les Eduens mê-
mes, ces fidèles alliés des Romains, dé-
libèrent. Cependant César s'enfonce
dans le pays des Arvernes et s'avance
vers Gergovie, décidé à se battre en
chemin. Mais le pont de l'Elavcr
n'existe plus , et l'armée ennemie se
déploie paisiblement de l'autre côté
du fleuve. Enfin il passe et arrive sous
les murs de la ville qu'il veut pren-
dre : il voit alors, au-dessus de sa tête
et sur la crête des montagnes qui
dominent le plateau environnant ,
Vercingétorix avec ses Gaulois ; sur
chaque pointe , à chaque angle, dans
chaque gorge, sont postés des déta-
chements • à chaque instant des nuées
de flèches contrarient ses opérations.
Les succès, les revers se balancent;
mais il vient d'être battu , lorsqu'une
révolution qui éclate chez lesÉduens
augmente le trouble dans son ar-
mée et le contraint à la retraite. Les
Éduens sont infidèles : Éporédorix,
Litavicus , Viridomare se sont joints
aux rebelles ; Bibracte est entre leurs
mains , et reçoit un conseil - général
de h confédération gauloise ;Novio-
dunum, où sont les magasins ,1e tré-
sor, est prise et pillée ; les rives deila
Loire sont bordées d'ennemis ; il ne
s'agit de rien moins que de reléguerles
VER
Komaius en-deçà de la province ro-
maine , ou de les détruire totalement.
Cc'sar, alors, par un prodip;e de har-
diesse et de génie, du lieu de rebrous-
ser vers la Cisalpine, remonte vers
"les contrées septentrionales de la
Gaule, et opère sa jonction avec
Labiénus , un de ses lieutenants, qui
se soutenait difficilement chez les
Parisii et les Bellovaques , mais (pii
pourtant venait de battre complète-
ment le vieux chef andégave Gamu-
logène. En même temps , il fait des
levées dans les Germaniques , et ré-
pand adroitement le bruit qu'il fuit
dans ce pays. Vercingétorix , trompé
par de fausses apparences, poursuit
Ce'sar à grandes journées 5 et renon-
çant au système qu'il a suivi dans
toute la guerre il engage la bataille
sur les confins de la Séquanaise et
des JJngons. Là fut prête, parles
cavaliers gaulois, ce fameux serment
de ne point rentrer sous leurs toits ,
de ne point embrasser leurs femmes,
leurs pères , leurs enfants , qu'ils
n'eussent deux fois traversé à cheval
les rangs romains. Tous se signalè-
i-ent en effet par des prodiges de va-
leur ; mais la tactique des Romains
l'emporta. Une foule de Gaulois res-
ta sur le champ de bataille; les trois
chefs principaux des Eduens tombè-
rent entre les mains de César, et
Vercingétorix , à la tête de quatre-
vingt mille hommes et de quelque
cavalerie , s'enferma dans Alise , ou
pour mieux dire à rai-cote de la mon-
tagne où était située Alise ^ résolu de
se défendre jusqu'à la dernière extré-
mité: mais il n'avait d'approvision-
nements que pour trente jours; et ne
voulant plus en venir à une bataille
avec des forces trop inégales , il en-
voya dans toute la Gaule les cava-
liers qui l'avaient suivi pour rassem-
bler des secours et le dégager. Peu-
VER
lO-j
dant ics trente et quelques jours que
ceux-ci employèrent à remplir leisr
niission, il n'est point d'efforts que
ne fissent 'es assiégés et les assiégeants.
Tout ce que le courage . le patriotis-
me, l'amour de la gloire peuvent
oser et souffrir , fut osé, fut souffert.
César enferma dans ses bgnes de cir-
convallation une armée de quatre-
vingt mille hommes,- Vercingétorix
harcela et troubla chaque jour sou
ennemi. Enfin ,deux cent mille Gau-
lois parurent et rendirent l'espérance
aux assiégés; ceux-ci multiphèrent de
nouveau leurs efforts , et firent trois
sorties générales en trois jours, tandis
que leurs compatriotes prenaient en
queue l'armée romaine. Mais César
était partout; et tels furent son l)on-
heur et son habileté,que non-seulement
il empêcha les deux corps ennemis
de se joindre, mais encore qu'il rem-
porta une victoire décisive , et que
ceux des auxiliaires qui ne restèrent
point sur la place ne trouvèrent
leur salut que dans unepromptcfuile.
Le lendemain Alise ouvrit ses portes,
et Vercingétorix , avec les autres
chefs gaulois , fut livré à César. Il
se présenta armé de pied en cap ,
montant un cheval magnifique et ri-
chement orne ; et après avoir cara-
colé autour du vainqueur il descen-
dit, ôta ses armes et se prosterna à
ses pieds. Si, comme l'avance Dion,
il espérait obtenir 5a grâce, il se
trompa. César le fit jeter en prison:
après avoir langui six ans dans le
silence et l'obscurité des cachots , il
orna le triomphe de son vainqueur
( 46 avant 3. -G. ) , et fut étranglé.
Ainsi finit l'épisode le plus brillant
de la guerre des Gaules ; ainsi périt ,
à la fleur de son âge , le plus habile
capitaine qu'eut eu à combattre Cé-
sar. Patriotisme , génie , courage ,
sagesse dans le conseil, promptitude
î68
VER
dans l'exécution , constance inflexi-
ble dans les revers , ascendant irre'-
.sistible sur les masses , Vercinge-
torix possédait toutes les qualite's
qui font le héros. S'il n'eût point eu
pour adversaire l'homme le plus
étonnant de l'antiquité , il eût sans
doute rendu son pays à l'indépen-
dance. Avec lui s'évanouirent tous
les grands projets des Gaulois. Cé-
sar acheva rapidement la ruine
des rebelles; ses lieutenants étouffè-
rent sans peine les révoltes partielles
qui suivirent; et ce ne fut que cent
ti^ente ans après que Civilis et Tutor
essayèrent encore en vaiu de sous-
traire les Gaules au joug des Ro-
mains (l). P OT.
VERDIER (César), né à Mo-
rières (i), près d'Avignon, le 24
juin i685, fit ses études dans sa pa-
trie, puis se rendit à Montpellier,
pour y apprendre la chirurgie. Après
y avoir pris les leçons de Nissole et
de La Peyronie, il vint à Paris, où
il eut pour maîtres Duvcrney, Ar-
naud et Petit. Reçu maître en chi-
rurgie, en 1724, Vcrdier fut, en
i-j'^5 , nommé démonstrateur d'ana-
tomie aux écoles de chirurgie. Il ex-
cellait à préparer des pièces anato-
miques,et avait une volubilité de lan-
gue extraordinaire. Ses leçons étaient
très-suivies; et souvent il donna des
secours pécuniaires à ceux de ses élè-
ves qu'il savait être dans le besoin.
Après vingt-cinq ans de professorat,
il se démit de sa chaire en faveur de
J.-J. Sue (né en 17 10, mort en
1793), oncle de P. Sue {Foyez ce
(1) Bièvre a intitulé une de ses facéties Vercin-
geiilorixe ( f. BiÈVnE , IV , ,',r8 ). Il existe une
tragrdie du .V/ej;e<i' llise parTliomassin de Mont ■
Bel (^ F. ce nom , XLV , /j^p). A. B— T.
(i)Le Dict. universel écrit Molières ; le Dlcl.
des sciences méiiicales , Biographie , tome Vil , dit
MorVieres , j'ai suivi'le Dict. de In Provence -l du
Comtal yciuisuH {y. C.-F. AcaAKD, I, i33 ).
VER
nom , XLl V , 24 1 ) , et mourut quel-
ques années après, le 19 mars 1759.
On a de lui : I. Abrégé d'anatomie
du corps humain, 1725, 1729,
1739,1752,1759, 1764, 1768,
2 vol. in- 12. Cette dernière édition
est augmentée et corrigée par R.-B.
Sabatier. Les éditions nombreuses de
ce livre , et plus encore la réimpres-
sion donnée par Sabatier, déposent
de son utilité et de son mérite pour le
temps. Ce n'est toutefois qu'un ex-
trait de l'Anatomie de Winslow {F.
ce nom ) ; et il est presque oublié au-
jourd'hui, malgré le jugement favo-
rable qu'en porte notre collaborateur
Chaiiraetou , à l'occasion de la tra-
duction allemande par Deiscli ( /^ty .
Deisch , X, 660). n. Des Notes ,
dans l'édition de Y Abrégé de Vart
des accouchements, par M"*^, Bour-
geois, 1759, in - 12. in. Des Mé-
moires , dans ceux de l'académie
royale de chirurgie ; Obsen>ations
sur une plaie au ventre et sur une
autre à la gorge ; Recherches sur
les hernies de la vessie. Morand pen-
se que ce dernier morceau passera
long-temps pour un chef-d'œuvre. Le
Dict. historique de la Provence et
du Comtat Venaissin prétend que
l'on attribue à Verdier un Traité de
la phlébotomie , in-12, revu et cor-
rigé par Martin. Le Traité de la
phlébotomie et de Vartériotomie ,
par Martin (qui n'a place dans au-
cun des Dictionnaires historiques
que j'ai consultés), est de i74i'. in-
1 2 ; et je n'ose m'en fier ici au Dict.
de la Provence, etc., qui fait évidem-
ment erreur , en donnant comme une
édition de V Abrégé de l'Anatomie
de Ferdier le Traité complet d'a-
natomie, par R.-B. Sabatier, 1775,
2 vol. in-8'^. A. B — T.
VERDIER ( Jean ) , né , en i 7 35,
à la Fcrté-Bernard dans le Maine, fut
VER
avocat, médecin^ Instituteur. 11 avait
c'té médecin du roi de Pologne Sta-
nislas. Apres la mort de ce prince ,
il vint à Paris, et vers 1770 y fon-
da, dans le voisinage du jardin du
roi , un établissement ortliopédique.
11 y joignit une maison d'éducation.
Le nombre de ses écoliers augmen-
tant beaucoup , il abandonna sa mai-
son pour le redressement des diflor-
mités; mais la gymnastique faisait
partie de l'enseignement qu'on rece-
vait chez lui. Yerdier était tiès-aimé
de tous ses élèves; et ses alFaires pros-
péraient, lorsque vers 1^85 la mai-
son qu'il occupait , faisant partie
d'un terrain acquis pour l'agrandis-
sement du jardm du roi , l'établisse-
ment particulier fut détruit. La ré-
voluliou, qui arriva quelques années
après, acheva sa rume. Pendant la
détention de Louis XVI , Verdier fut
quelque temps chargé de lui donner
des soins. On l'envoya , eu 1794? *
Compiègne , à l'occasion d'une épi-
demie qui y régnait, et qu'il lit ces-
ser. Loi's de la création de l'école
normale, où professaient Voiney , B.
de Saint-Pierre , Laharpe, Lagrange,
etc. , Verdier fut nommé élève par le
district du lieu de sa naissance. A l'é-
tablissement de l'académiede législa-
tion, il y professa la médecine légale.
11 est mort à Paris, le () juin 1 820. On
a de lui : 1. Essai sur la jurispruden-
ce de la médecine en France, 1763,
ia- 1 '1. \\ . Jurisprudence générale de
la médecine en France, 1768, 2
vol. in-i2. III. La Jurisprudence
particulière delà chirurgie en Fran-
ce, 1 764 , 2 vol. in-i 2. IV. Recueil
de Mémoires et d' Observations sur
la perfectibilité de l'homme par les
agents physiques ou moraux, 177'^^,
in-i 2. V. Recueil deuxième , conte-
nantunnouveau tableau d'éducation
phjsique, 1774^ i" - i'-^- VI. Cours
VER
169
d'éducation à Vusage des élèveS
destinés aux premières professions
et aux grands emplois de l'état ,
1777 , in- 12. VII. Mémoire à con-
sulter sur les fonctions et les droits
respectifs des trois classes des ins-
titutions établies en France pour les
trois ordres de l'état, 1779, "V^^î
écrit à l'occasion du procès qui lui
fut intenté pour l'ouvrage précédent,
et qu'il gagna. VIII. Calendrier d'é-
ducation et d'économie , faisant
partie du cours d'éducation, l'jbS,
in-i2. IX. (Avec, son ûh , Foj-.
Verdier-Heurtin ci-après ) Jour-
nal de médecine populaire , d'é-
ducation et d'économie , in - 8".
Le premier cahier est de germinal
an vu. Il n'en a paru que huit.
X. Tableaux analytiques et criti-
ques de la vaccine et de la vaccina-
tion, 1801 , in - 8". L'auteur n'est
point partisan de la vaccine. XI.
Tableau analytique de la gram-
maire générale appliquée aux lan-
gues savantes, i8o3, in - 12. XIT.
L'Jrt d'étudier et d'enseigner les
langues française et latine , sépa-
rément et conjointement. iFo4, in-
12. XIII. La Cranomanie du doc-
teur Gall anéantie au moyen de
l'anatomieet de la psychologie de
l'ame, 1808. XIV. Calendrier des
amateurs de la vie et de l'humani-
té, on J vis sur l'asphyxiatrique , la
médecine des asphyxiés ou trépas-
sés, 1 8 1 6 , in - 1 2. XV . Plan d'os-
thautropie , nouvel art de traiter
les difformités organiques par des
exercices appropriés et de nouvelles
machines élastiques et mobiles^
XVI. Introduction à la connaissan-
ce des plantes , à la tête de plusirurs
éditions du Bon Jardinier. XVII.Z?/^'
cours sur l'éducation nationale,
physique et morale des deux sexes,
17927 in-S*^. XVIII. Système de la
170
VER
langue latine , pour en rétablir l'u-
sage particulier par la double tra-
duction , in -12. XIX. IjArt de
discourir grammaticalement , ou
Grammaire générale du discours
purement grammatical, in-i 2. XX.
Recueils des mots variables fran-
çais et latins , in- 12. XXI. UArt
poétique d'Horace corrigé en cent
vingt endroits du texte, avec une
nouvelle traduction, des analyses ,
etc., t8o4, in- 12. XXII. Poème
séculaire d'Horace, augmenté d'u-
ne strophe , corrigé d'après le tex-
te, traduit en français et comparé
avec le sublime Cantique de Moïse
sur le passage de la mer Rouge.
Dans les dernières années de sa vie ,
Verdier s'était beaucoup occupé de
la chronologie sacrée , et il avait dé-
couvert , dit-on , « une foule d'er-
» reurs dans la traduction du livre
» sacré, et l'existence de deux per-
» sonna ges du nom d'Adam , à deux
» époques différentes. » Il avait ,
vers 1764, réuni des matériaux
pour la Jurisprudence particulière
de la médecine et de la pharmacie ;
mais l'autorité s'opposa à la publi-
cation de ces ouvrages. A. B— t.
VERDIER -DUCLOS ( Thomas-
Denis ), frère de Jean Verdier, et
oncle de Verdier-Heurtin , était né à
la Ferté- Bernard, le 3o septembre
1 744- Il se livra aussi à l'art de gué-
rir, et après avoir servi , comme
cbirurgien, dans les armées enCorse ,
vint exercer la médecine et la chi-
rurgie dans sa patrie, où il fut méde-
cin de l'Hô tel-Dieu, depuis 1788
jusqu'à sa mort. Il remplit d'autres
fonctions publiques ; et il était , en
1 787 , maire de sa ville natale. Il
fut successivement, de 1 790 à î 799,
juge de pais, juge au tribunal civil
du district, juge au tribunal crimi-
nel de la Sarthe ; directeur de
VER
jury et président de canton. Depuis
1800, il renonça à ces places, et
s'en tint à son état. Il est mort le
9 février i8i3. On a de lui : I.
Rreviarium medici clinici. IL His-
toire d'une sjmphj séotomie pra-
tiquée avec succès pour la mère et
pour r enfant, i']H'],m-S°. Il a laissé
une foule de Mémoires sur des ob-
jets d'administration publique, dont
les uns ont été communiqués au co-
mité de santé de l'assemblée consti-
tuante, les autres à l'administration
départementale. C'était lui qui avait^
en 1789, rédigé le cahier des de-
mandes de son bailliage pour les
Etats-Généraux; et ses idées approu-
vées par ses concitoyens se trouvent
aujourd'hui consacrées par le droit
public français. A. B — t.
VERDIER-HEURTIN ( Jean-
François ) , fils de Jean Verdier ,
naquit à Paris le i4 septembre
1767. Après avoir servi en qualité '
de chirurgien dans les armées de la
république , il revint exercer la mé-
decine à Paris , se fit recevoir doc-
teur en 1 8o4 , fut nommé médecin
de l'un des arrondissements de celte
ville , destitué et replacé dans un au-
tre arrondissement. Il est mort le 24
mai 1823. On a de lui : I. Dis-
cours sur un nouvel art de déve-
lopper la belle nature, et de guérir
les difformités au moyen d'exerci-
ces aidés par les machines mobiles
de M. Tiphaine , 1784, in-8°. II.
Des Articles de jurisprudence de la
médecine dans le Dictionnaire de
médecine de l'Encyclopédie mé-
thodique, III. ( Avec son père ) le
Journal de médecine populaire ,
etc. ( F", ci-dessus le n'> ix de l'art.
J. Verdier ). IV. Discours sur le
devoir et le besoin d'aimer , 1800 ,
in- 12. V. Discours et essai aphoris-
tique sur l'allaitement et l'éduca-
VER
tion physique des enfants , et dis-
sertation sur un fœtus trouvé dans
le corps d'un erfant mdle , 1 8o4 ,
in-8o. , ouvrage qui a ete quelquefois
attribue' par erreur à son père. VI.
Mémoire et réclamation présentés
à M. Frochot , préfet de la Seine ,
i8o5,in-4''v ^ l'occasion de sa des-
titution. Il obtint, comme on l'a
dit, sa réintégration. A. B — t.
VERDIER ( SusANNE Allut
Dame) naquit à Montpellier le 19
janvier \']l\^. Son père la conduisit
à Paris à l'âge de douze ans, et lui
lit faire les mêmes études qu'à son
frère. Elle ne s'y distingua pas moins
que lui, et en rapporta la connais-
sance des langues anciennes et de la
plupart des langues modernes , un
goût pour la littérature, puisé dans
la lectiu-e des ouvrages classiques de
tous les âges et de tous les pays , et un
talent remarquable pour la peinture
et pour la musique. Les fruits de ces
germes , développés ensuite par une
culture assidue 7 ont été recueillis par
ses enfants, dans l'ijistruction à -la-
fois solide et variée , que , sans dis-
tinction de sexe , elle voulut leur don-
ner elle-même. Entraînée par un pen-
chant inné pour la poésie, la jeune
Allut bégaya secrètement des vei-s dès
l'âge de dix ans ; mais elle ne hasar-
da la confidence , même à son père ,
des fruits de sa verve enfantine , que
deux ans plus tard, lorsque, péné-
trée d'horreur de l'attentat contre la
vie de Louis XV , elle exprima ses
sentiments dans une petite Elégie.
Son mariage avec un riche négociant
d'Uzès fixa sa résidence dans cette
■ville. Racine l'avait habitée dans sa
jeunesse. On serait tenté de croire
qu'elle l'avait pris pour modèle ,
quand on lit les ouvrages qu'elle a
composés dans les mêmes lieux. On y
retrouve quelque chose de l'h^armonie,
VER
t7r
de l'élégance et de la profonde sensi-
bilité du premier de nos poètes. Tous
ces genres de mérite brillent surtout
dans l'Idylle de la Fontaine de Vau-
cluse , placée par Laharpe au rang
des plus beaux morceaux de la poé-
sie française, et qui lui a fait dire :
Et Vcrdier, dans l'idylle, n vaiucu DesLoulicies.
Les mêmes caractères sont empreints
dans celles des compositions de M'"'^.
Verdier qui se rapportent aux événe-
ments de sa vie , et reçoivent un
charme tout particulier de l'expres-
sion des sentiments réels dont elle
était profondément pénétrée : telles
sont ses touchantes Épîtres sur la
naissance de son premier enfant j sur
la vie religieuse, embrassée par nue
de ses amies j sur la mort de son ma-
ri , qui lui fut enlcA'é à la fleur de l'â-
ge j sur la mort de sa fille j sur celle
de son frère , égorgé par le tribunal
révolutionnaire ; sur les malheurs
de la France pendant le règne de
la terreur, etc., etc. Quelques-unes
de ces pièces ont été imprimées
dans les Almanachs des Muses de
1775, 1777, 1785, 1786, 1787.
On trouve dans la Notice des tra-
vaux de l'académie du Gard, pour
1 807 et 1 8 1 0 , des fragments étendus
des Géorgiques languedociennes ,
poème en quatre chants, le plus con-
sidérable et le dernier des ouvrages
deM»^<=. Verdier. Elle l'eût sans dou-
te perfectionné si elle avait eu le
temps d'y mettre la dernière main ;
mais quoique cette production laisse
beaucoup à désirer , sous le rapport
de l'invention , de l'ordonnance, du
rhythme , du choix et de la propor-
tion des épisodes , riche comme elle
l'est en descriptions de pratiques
agricoles particulières aux contrées
méridionales , remarquable par le
mérite de la difficulté vaincue heu-
17a VER
reusement dans la peinture des ob-
jets les plus rebelles à la jioesie ,
elle sera toujours pour l'auteur un
beau titre de gloire. La famille de
]\jme^ Verdier possède le Recueil
complet de ses OEuvies, colleclion
précieuse, qui, si elle était publiée,
placerait l'auteur au premier rang
des femmes célèbres par leur talent
poétique , auisi que le fait pressentir
le petit nombre de morceaux échap-
pés de ce porte-feuille. « Nous som-
» mes une foule de musettes , disait
» Mni^ Viot à M"". Dufresnoyj
» M™^. Verdier seule estime muse.»
Couronnée trois fois aux jeux flo-
raux , avant la destruction de cette
académie, elle eu fut nommée maî-
tre à sa restauration. M^ie. Verdier
appartint aussi à celle des Arcades
de Rome et du Gard, et à l'athénée
de \aucluse. Cette femme, douée de
tant de goût pour les arts et de si ra-
res talents, était du caractère le plus
simple et le plus modeste. Jamais ,
dans le monde , elle ne fît parade de
ses avantages ; et loin d'y abuser de
sa supériorité, elle ne semblait occu-
pée que du soin de la cacher. Rien ne
la distinguait , dans la société de sa
petite ville, de la femme la plus vul-
gaire , si ce n'est la correction de son
langage. D'ailleurs, avant tout, fem-
me d'ordre et bonne mère de famille,
elle ne craignait pas les entretiens sur
les soins domestiques et sur les en-
fants. C'est dans la lecture de ses
ouvrages qu'on sent la vérité du mot
de M''"e. de Bourdic : M"" . Fer-
dier na de froid que Vépider-
me. Son ame s'échauffait aussi à l'as-
pect du malheur; et sa vie fut plei-
ne d'actes de bienfaisance , de dé-
vouement et de vertu, lille mourut à
Uzès , le 27 février i8i3. V. S. L.
VERDIZZOTI (Jean-Marie),
poète et liltérateur, était né vers
VER
i53o, à Venise, d'une famille pa-
tricienne. Il fit , dans sa jeunesse , de
l'art du dessin , sou principal amu-
sement; mais quoique ses essais an-
nonçassent des dispositions très-
rcraarquables , il n'aspira point à
prendre rang parmi les peintres dont
les talents répandaient alors tant
d'éclat sur l'école vénitienne. Plus
tard il devint l'ami du Titien , et re-
çut des leçons de ce grand maître ,
auquel il servaitde secrétaire pour sa
correspondance avec les souverains
qui se disjnilaieut l'avantage de pos-
séder quelques-uns de ses ouvrages.
Ayant embrassé l'état ecclésiastique,
\'erdizzoti fut pourvu d'un bénéfice
dans le Trévisan. Les lettres et les
arts occujièrent tour-à-tour ses loi-
sirs. Il peignit un gi'and nombre de
tableaux, de petite dimension , re-
présentant des paysages dans lesquels
il introduisit des figures d'hommes et
d'animaux, touchées avec esprit,et qui
rappellent la manière de son maître.
Verdizzoti mourut vers 1607 , dans
un âge fort avancé. Comme littéra-
teur on a de lui plusieurs opuscules,
dont J. Stringa , chanoine de Saint-
Marc , a donné les titres dans ses
additions à la Fenezia descrilta de
Sansovino ( F. ce nom ). Quoique
fort longue, cette liste est incomplète,
parce que l'auteur a publié depuis de
nouveaux opuscules. Outre quelques
petits poèmes latins, un, entre autres,
sur la mort du Titien ; les Ar§u-
ments de l' Orlando Furioso dans
l'édition de Venise, iStiG, in-4''. , et
l'édition des Rime de Jérôme Mo-
lino , précédées de la Fie de l'auteur,
ibid. , 1573, in-8''., on citera de Vei-
dizzoti : I. La traduction in ottai>a
rima du second livre de V Enéide ,
Venise, i56o, in-80. W.Centofa-
vole morali de' più illustri antichi
e nioderni autori greci e latim ,
VER
scelte e trattate in varie manière
diversivolgari , etc. , Venise , 1570,
in-4'^ Chaque fable est oruée d'une
jolie estampe en bois , gravée par
l'auteur , d'après ses propres des-
sins. Cette édition rare et recherchée
des curieux a été reproduite , en
1075, avec un nouveau frontispice.
Parmi les autres éditions de ce re-
cueil , les amateurs font encore quel-
que cas de celle de Venise, \^']']
ou iSgS, in-4". III. Les Vies des
Saints Pères avec le Pré spirituel ,
traduites en italien, Venise, 1576 ,
in-4''. , souvent réimprimées. L'édi-
tion de iSBq est ornée de ligures.
Verdizzoti n'a fait que revoir et re-
toucher une ancienne traduction de
cet ouvrage. IV. Genius^ Veuise,
167 5 , in-4*'. Ce poème, dont le sujet
est l'enthousiasme poétique , est dé-
dié à Cl. -Corn. Frangipane. V. Il
Boemondo ovvero deW yicquisto
d' Antiochia,poema eroico , ibid. ,
1607 , in-4*^- Ce volume ne contient
que le premier livre, W —s.
VEPvE ( Le chevalier François ) ,
général anglais, petit- fils de Jean
Verc, comte d'Oxford, naquit en
1554. Destiné à la profession des
armes , il servit d'abord dans le
corps de troupes anglaises qu'Elisa-
beth envoya au secours des Etats-
Généraux , sous le comte Leicester.
La biavoure que Vere montra , en
i588, au siège de Berg-op-Zoom ,
attaqué par le prince de Parme , lui
valut le titre de chevalier , qui lui
fut conféré par lord Willoughby ,
successeur de Leicester. L'année sui-
vante, d'après la demande des États-
Géiiéraux , il vola au secours de la
ville de Bergh vivement pressée par
l'ennemi , et parvint à y introduire
les provisions dont elle manquait. La
même année, il tenta avec le même
succès une entreprise semblable ,
VER 173
quoiqu'il n'eût qu'un petit nom-
bre de soldats. Après avoir encore
secouru, en iSgo, le château de
Lickenhooven et repris la ville de
Butrick dans la principauté de Clè-
ves , il s'empara de Zutphen par uq
stratagème dont il raconte lui-même
les détails dans les Mémoires qu'il a
laissés. Vere assista ensuite , avec le
comte Maurice, au siège de Devcnter,
et contribua à la défaite du duc de
Parme devant le foi't de Knodsen-
burgh, situé près de Nimègi'.e. Hu-
me rapporte qu'en i5g6, Elisabeth
confia à sir François Vere le com-
mandement de la place importan-
te de Flessingue , le préférant à
Essex qui avait demandé cet em-
ploi pour lui-même. Il quitta bien-
tôt les Pays-Bas, et fut employé
dans une expédition contre Cadix.
De retour en Hollande , en 1597,
il se distingua à la bataille de Turn-
holt , à la tête des Anglais auxi-
liaires qu'il commandait avec sir
Robert Sidney , et contribua puis-
samment à la victoire. Il fut nommé,
peu après , gouverneur de Biill ,
l'une des places qui restaient en dé-
pôt entre les maius des Anglais, et
conserva en même temps le com-
mandement des troupes auxiliaires
au service des États. En iSqq, Phi-
lippe II ayant menacé l'Angleterre
d'une nouvelle invasion , Vere reçut
l'ordre de se rendre à Londres , et il
y demeura jusqu'à ce que les craintes
qu'avaient fait naître les prépara-
tifs de l'Espagne fussent dissipées.
Au commencement de l'année iGoo,
il eut des discussions avec les Etats-
Généraux qui avaient , en son ab-
sence, diminué le nombre des hom-
mes dont les compagnies auxiliai-
res étaient composées : il continua
néanmoins de les commander. 11 se
trouvait devant Nicuport , lorsque
î7'j
VER
l'arcLidiiC Albert , gênerai en clief
des troupes espagnoles , entreprit
d'en faire lever le siège. Ce prince
avait de] à taille' eu pièces un corps de
huit cents Écossais , charge de lui
intercepter les passages , et une ba-
taille paraissait inévitable : elle fut
re'solue à la suite d'un conseil de
guerre dans lequel Vere proposa
d'attendre l'ennemi sur le terrain où
l'on était. L'influence qu'il exer-
çait sur le prince Maurice , comman-
dant en chef l'armée des États , fît
adopter son avis , et après un com-
bat sanglant où il fut blessé à la
cuisse , les Espagnols furent complè-
tement défaits. Placé à la tête des
troupes des États, qui se trouvaient
aux environs' d'Ostende , Yere s'en-
ferma dans celte place ^ le ii juillet
1601 , et résolut de la défendre jus-
qu'à la dernière extrémité , quoiqu'il
n'eût que dix -sept cents hommes , et
que lesEspagnolsfussentplns de dou-
ze mille. Pendant le siège , il fut ren-
forcé par douze compagnies anglai-
ses , et creusa un nouveau port qui
lui fut très-utile. Le \!\ août , il fut
blessé à la tête , et obligé de se reti-
rer en Zélande , où il resta jusqu'au
19 septembre. Il vit à son retour
à Ostende que la garnison avait
reçu un nouveau renfort de troupes
anglaises. La nuit du 4 décembre ,
les Espagnols donnèrent un assaut
terrible et si imprévu , que Vere ac-
courut aux tranchées sans avoir
eu le temps de se vêtir j il repous-
sa l'ennemi , après lui avoir tué
cinq cents hommes. Les assiégés
étaient , à cette époque, dans la plus
grande détresse : Vere , sachant que
les Espagnols se px'éparaient à don-
ner un nouvel assaut , feignit, pour
gagner du temps , de vouloir entrer
en négociation ; mais ayant reçu des
renforts dans l'interA^alle , et l'assu-
VER
rance de nouveaux secours , il rom-
pit brusquement. L'archiduc , fu-
rieux, menaça de passer toute la
garxiison au fil de l'épée, et livra un
nouvel asScHit , le 7 janvier 1602 ;
mais Vere le repoussa complètement.
L'ennemi avait tiré , ce jour-là ,
deux mille deux cents coups de ca-
non , et cent soixante - trois mille
deux cents depuis le commence-
ment du siège ; aussi restait - il à
peine quelques maisons sur pied dans
toute la ville qui n'offrait qu'im amas
de ruiues. Après une résistance de
huit mois , Vere , comblé de gloi-
re , remit le commandement à
Frédéric Dorp ou Van Dorp , que
les États-Généraux avaient nommé
pour lui succéder , et il retourna en
Hollande. Il se rendit ensuite en An-
gleterre pour obtenir de nouveaux
secours , et il venait de les conduire
lui-même dans les Pays-Bas , lors-
qu'il apprit la mort d'Elisabeth. Il
proclama Jacques I'^'". son succes-
seur,, dans la place de Brill , et revint
en Angleterre , où le nouveau roi le
confirma dans son gouvernement. La
paix ayant été coi?clue en 1 6o4 5 Vere
rentra dans la vie privée ; et il mou-
rut le 28 aoîit 1G08. Elisabeth fai-
sait le plus grand cas des talents
et de la bravoure de Vere, qu'elle
considérait comme le meilleur géné-
ral de son temps. Il s'occupait aussi
de littérature , et il a laissé des Mé-
moires ou Commentaires sur les ac-
tions auxquelles il avait pris part j
ils ont été publiés en 1657, par
Guillaume Dillingham , Cambridge ,
in-fol. , avec les portraits de sir Fran-
çois Vere, de son frère Horace, dont
l'article suit, de Jean Ogle, des car-
tes et plans , etc. , et des additions
de Jean Ogle , de Henri Hexham ,
d'Isaac Dorislaus et de l'éditeur.
D— z— s.
VER
VERE (Le clievalier Horace),
frère cadet du procèdent , né en 1 5G5
à Kirby-Hall , dans le comte d'Essex ,
se distingua aussi dans la carrière
des armes. A l'âge de vingt ans , il
accompagna son frère dans les Pays-
Bas , où il comballit avec valeur. Il
se trouvait, en 1600^ à la La taille
de Nieuport , où les Anglais et les
Hollandais furent vainqueurs , et il
seconda sir François Vere dans les
ope'rations du siège d'Oslende. H
commanda ensuite les tronpes auxi-
liaires envoyées par Jacques I^'". a»
secours de l'électeur palatin. Vive-
ment pressé par le célèbre Spmola ^
il fit une retraite savante , et s'em-
para de Sluys. En récompense de
ses services , à l'avènement de Char-
les I"^r^ ^ sir Horace Vere fut élevé
à la pairie , sous le titi'e de baron
de Tilbury , et mourut le 2 mai 1 635.
H avait épousé la veuve de Jean
Hoby , et ce fut aux soins de cette
dame , aussi distinguée par son mé-
rite que par sa piété, que le parle-
ment confia la garde des plus jeunes
enfants de Charles h^. Clarke en fait
un grand éloge dans ses Vies publiées
en 1684. Sir Horace Vere était si
estimé , qu'on publia , après sa mort,
un Recueil de poésies dédiées à sa
femme , contenant des Elégies des-
tinées à célébrer sa mémoire , Lon-
dres , 1642 , in -8°. — Vere (Robert
de), comte d'Oxford , favori de Ri-
chard II , fut créé, par ce souverain,
marquis de Dublin , et ensuite duc
d'Irlande. Ces faveurs excitèrent con-
tre lui la haine des nobles, et malgré
l'appui de Richard, le duc d'Irlande
fut obligé de fuir. Il se retira dans
le Cheshire , où il assembla quelques
forces ; mais mis en déroute par le
duc de Gloucester , il se réfugia dans
les Pays-Bas , en 1 388 , et y mourut
quelques années après. D — 2 — s.
VER
Î75
VERE ( James ), auteur anglais ,
fit , à Londres , le commerce de la
soie , et acquit une fortune considé-
rable , dont il appliqua une partie
au soulagement des malheureux. Il
mourut à Edmonton , le 29 août
1779. On a de lui un volume inti-
tulé : Recherche plijsique et morale
sur les causes de cette inquiétude
et de cette maladie intérieure de
l'homme , dont se sont plaints tous
les âges, 1778, in-8°. ( et in-4°. ,
tiré à douze exemplaires). Ce livre a
été réimprimé récemment , dans le
format in- 12. L.
VÉRÉLIUS (Olaus), Tun des
premiers antiquaires qu'ait eus la
Suède, naquit le 12 février 161 8;, à
Raguisdstorp,dans le diocèse de Lin-
kœping (Ostro-Gothie). Ayant fait
ses études à Linkœping , à Dorpat
et à Upsal , il fut choisi , en 1 648 ,
pour accompagner dans leurs voya-
ges deux jeunes Suédois , appartenant
aux premières familles du royaume, et
visita avec eux le Danemark et le
Holstein. Il se trouvait à Munster
lorsque !a paix fut signée entre la
Suède et l'empire germanique. Il se
rendit alors dans les Pays-Bas , en
Suisse , à Rome et à Paris , où il
passa une année entière. Étant re-
venu , en i65 1, dans sa patrie, avec
ses élèves , enrichi par les connais-
sances qu'il avait acquises, il fut
nommé professeur d'éloquence à l'u-
niversité de Dorpat , par la reine
Christine , qui , l'année suivante ,
l'appela à Upsal , pour lui confier
la questure de l'université. En 1662,
il obtint la chaire des antiquités na-
tionales , et fut désigné , en 1 QQQ ,
antiquaire de la Suède , assesseur
dans le collège royal des antiquités
nationales, et enfin , en 1676 , nom-
mé bibliothécaire de l'université ,
place distinguée qui ne se donne qu'à
176 VER
d'anciens professeurs pour re'com-
penser de longs travaux. Il mourut
le i*^'". janvier i68.i, laissant un
grand nombre d'ouvrages savants ,
qui attestent également son activité
et l'étendue de ses connaissances.
Les plus remarquables sont : I. Epis-
tola ad Benedictum Oxenstiejiia ,
Upsal , 1644 -, in-4''« II- Monumen-
tuni memoriœ Laurcntii Paulini,
archiepiscopi , Upsal , 1646 , in-
fol. III. Oratio paneg/rica depace
Sueo-Germanicd , Leyde , it)49,
in-fûl. IV. Memoriœ comitis Axelii
Oxenstiema , regni cancellarii ma-
gni , Upsal, i655, iu-fol. V. Ad
illustrem dominum Axeliuvi Posse,
Stockholm, i65i , in-fol. VI. Go-
thrici et Rolfi TVestrùgotMce regiim
historia lingud antiqud gothicd
conscripta ; quam è M. S. vetustis-
simo edidit , et versione notisque
illiistravit Olaus Fereîius antiq. ,
patr. prof. Accedunt Johannis
Schefferi argentcratensis notœpoU-
tic^, Upsal , 1 66 \ . Cette histoire des
rois Gothrick et Rolf est tirée d'un
ancien manuscrit islandais, en re-
gard duquel Vérélius a placé la tra-
duction suédoise. Après le texte
viennent ses observations , celles de
Scheffcr, un Glossaire par Vérélius
pour l'intelligence du texte islandais,
et quelques monuments runiques ,
avec quarante huit planches , par
Barée , un des amis de Vérélius. VII.
Jlerraiids och Bosa saga , hoc est
Herraudi et Bosce historia , cum
novd interprelatione juxta anti-
quum textum gothicum , è veteri
M, S. édita et nolis illustrata ,
Upsal, 1666. Comme dans l'ou-
vrage précédent, en regard du texte
islandais , Vérélius a aussi mis la
version suédoise , avec un Glossaire
à la fin. VIII. Fragmentum histo-
riœ Olai Tryggiasonii per Oddum
VER
Miinck , lingud veteri gothicd cons-
criptum , publicatnm cum notisbre-
vibus , Upsal, i665, in-8". IX.
Historia Hervorœ , lingud veteri
gothicd seu islandicd , cum inter-
pretationesuecicdetannotationibus,
Upsal, 16-]^ , in-fol. , dédié au roi
Charles XI etàlareine HedwigeÉléo-
nore. Dans un Glossaire placé à la
fin , Vérélius explique en latin les ex-
pressions difficiles du texte islandais.
X. Auctarium notarum inHervarar
saga , Olao Budbeckio inscriptum ,
Upsal, 1674, in-fol. XI. Z>/5/wf«-
tiuncula de Fanin^ ad Olaum Rud-
beckium, Upsal, 1674, in-fol. XII.
Manuductio compendiosa ad Ru-
nographiam scandicam. antiquam
reclè intelligendam , Upsal, \ijn5.
Cet ouvrage élémentaire sur la Ru-
nographie Scandinave est en latin,
avec la version suédoise en regard.
Trente monuments runiques y sont
expliqués , et les alphabets grec ,
gothique ou ulphilanien et Scandi-
nave, sont placés l'un à côté de l'au-
tre et comparés entre eux. XIII. In
obitum Johannis Stiemhok , Stock-
holm , 1676 , in-fol. XIV. Notœ
in epistolam dej'ensoriam Johannis
Schefferi argentoratensis de situ et
vocabulo Upsaliœ , anno 1677 ,
mense Julio scriptœ , et per profes-
sores binos ipsi oblatœ , Upsal ,
168 1 , in fol. Cet ouvrage polémique
fut sévèrement censuré, et la lecture en
fut défendue sous peine de mille tha-
1ers d'amende. XV. Annotationes
scriptis Caroli , episcopi arosiensis ,
excerptce , ex Mss. membranaceo ve-
tusto y mine primùm in lucem pro-
latœ , Upsal, 1678, in-fol. Ces
Notes ont , ainsi que les précédentes ,
rapport aux discussions qui s'élevè-
rent entre Vérélius et Schefîér, au sujet
de la situation du temple qui a donné
son nom à la ville d'Upsal . Voyez, sur
VER
cela : Prolegomena monumentorum
ecclesice veteris sueo-gothicœ , par
Éricli Beuzel , archevêque d'Upsal.
Les amis de Ve'rélius virent avec
peine le peu de mesure qu'il mit dans
ses attaques contre ini ancien ami ,
pour un sujet si peu important. Les
contemporains de ^ érélius , pleins
de respect pour l'clendue de ses
connaissances , l'appelaient : Filum
Ariadnœum antiquitatum patriœ
et patreni eloquentiœ ; mais ce sa-
vant tenait à ses opinions, sans vou-
loir faire une concession. Il préten-
dait que les Goths , qui prirent et
saccagèrent Rome dans le cinquiè-
me siècle, n'étaient autres que des
Suédois , et que le gouvernement de-
vait chasser honteusement tout Sué-
dois qui userait nier un fait histori-
que aussi clairement démontré. Les
ouvrages suivants ont été publiés
après la mort de Ve'rélius. XVL In-
dex lij2guœ veteris scjtho-scandicœ ,
sive goihicœ , ex vetusii œvi monu-
mentis ad niaxùnam partent manu-
scriptis collectus atque operd Olavi
Rudbeckii e<it7«5,Upsal , 1 69 1 , in-fol .
XViL Disseriaduncula de Hierar-
cliid , quani edidit , sudque prœj'a-
tiunculd omari curavit Andréas
Gœding , Joenkoping ^ i -j 22 , in-8°.,
et traduit en suédois , Revel , 1724 ,
in-8°. XVin. Epitomanan histo-
riœ sueo-gothicœ libri quatuor et
Gothorum reruni extra patriam
gestarum libri duo , è manuscrip-
tis , unà cum auctoris F'itd ac ca-
talogo scriptorum , nec non hy-
pomnematibus ac prœfatione Rhj-
zelii , eruti , Stockholm , 1780, in-
4". XIX. Fereliana, seu Verelii va-
ria opuscula, Lmkoeping , i -jSo , in-
8°. On a trouvé dans les manuscrits
de Ve'rélius trois volumes de Lettres,
et des Traités sur différents sujets.
G— V.
XLVIII.
VER J77
VEREIMOND. Foy. BERMtmE.
VEREYCKEN ( Godefroy ) , né à
Anvers en i558, fit de bonnes étu-
des dans sa patrie , vint à Paris ,
obtint un emploi dans l'enseigne-
ment , et se livra lui - même avec
beaucoup d'ardeur à l'étude de la
philosophie et de la médecine. II se
rendit ensuite à Toulouse, y fut re-
çu docteur en i586 , et retourna
bientôt à Anvers , où il pratiqua \x
médecine avec succès, pendant plus
de quai'ante ans. Il contribua à ré-
tablissement du collège des médecins
de cette ville j et vers la fin de sa vie
il se relira chez son fils , à Malines ,
où il mourut en i635. On n'a de lui
qu'un ouvrage intitulé : De cogni-
tione et conservatione suî , Malines,
i6255ibid., i633, in-12. Dansce
Traité^ de peu de valeur aujour-
d'hui, l'auteur signale un singulier
usage observé de son temps par le
peuple, dans l'intention de préser-
ver les enfants des maladies aux-
quelles avaient succombé leurs pa-
rents. Si, par exemple, ceux-ci
étaient morts poitrinaires , on enle-
vait le poumon et on le plaçait sur
les pieds du cadavre que l'on enter-
rait ainsi. R — d — n.
VERGARA ( Nicolas de ), sur-
nommé le Vieux , né à Tolède vers
i5fo, se distingua comme peintre
d'histoire , peintre sur verre et sculp-
teur. Quoiqu'il ne paraisse pas qu'il
ait jamais quitté sa patrie, son gi-anJ
goût de dessin , la délicatesse de ses
accessoires , la beauté de ses formes,
tout décèle dans ses ouvrages un ar-
tiste nourri des préceptes des écoles
de Florence et de Rome. En 1 54'-» ,
le cha])itre de la cathédrale de Tolè-
de le nomma son peintre et son sculp-
teur; et, pendant trente-deux ans, il
dirigea , à ce double titre , les tra-
vaux de peinture et de sculpture de
12
17^5
VER
ce monument. Il exécuta lui-même
une partie des peintures des vitraux
qui étaient tous à refaire j le reste
fut continué et terminé par ses deux
iils , Nicolas et Jean. 11 mourut à
Tolède, le ii août 1574. — Nico-
las DE Vergara , dit le Jeune , né
à Tolède vers i54o, fds et élève
du précédent , se distingua ainsi que
lui comme peintre, sculpteur et ar-
chitecte. Il aida sou père et son frère
Jean à peindre les vitraux de la ca-
thédrale de Tolède , vaste opération
dont l'exécution dura près de qua-
rante ans , et qu'ils terminèrent d'une
manière satisfaisante pour le chapi-
tre , et glorieuse pour eux. Sou père
avait obtenu qu'il le remplaçât dans
l'emploi que le chapitre lui avait
confié; la manière dont il dirigea
tous les travaux, tant de peinture
que de sculpture, justiila complélc-
ment un pareil choix. II avait con-
tracté une étroite amitié avec Fernan-
dez Navarrète el Mudo; et loisque
ce célèbre artiste vint à Tolède pour
recouvrer la santé , ce fut dans la
maison de Vergara qu'il descendit ,
et ce fut entre ses bras qu'il rendit le
dernier soupir. Vergara mourut à
Tolède, le 11 décembre 1606. —
Joseph Vergara , peintre , ué à Va-
lence en 1726, n'était âgé que de
sept ans lorsqu'il concourait d'après
le modèle vivant dans l'école d'Eva-
riste Muiioz. 11 se forma aussi en
copiant les estampes de l'Espagno-
let. Il prit ensuite du goût pour la
manière de Coypel , et mit tant d'ar-
deur dans ses études qu'il tomba
dangereusement malade. Revenu à la
santé, il étudia la manière de Paul
de Mateis avec la même application
et le même succès. Doué d'une ar-
deur infatigable pour sou art, il ten-
ta tous les genres , il essaya tous les
procédés ; peignant à l'huile, à fres-
VER
que, en dclrcmpc. Le nombre de ses
portraits est immense, et la plupart
des villes de la province de Valence,
et toutes les églises de cette ville pos-
sédaient quelques-unes de ses produc-
tions. Parmi les plus remarquables ,
on cite les peintures à l'huile, dont
il a décoré sa propre maison ; sou
tableau de Mentor et Télémaque ,
dont il fit hommage à l'académie de
Sainte-Barbe de Valence , fondée par
ses soins en 17 5a, et qui depuis a
été transféré à l'académie de Saint-
Fernand; et une Conception de la
Vierge , placée dans la bibliothèque
du couvent de Saint-François. Ses
tableaux se font remarquer en géné-
ral par une excellente couleur et un
desiin correct , mais qui manfuie de
style j défaut qui provient du goût
régnant de l'époque , de sa première
éducation , et de l'âge avancé auquel
il connut et put étudier l'antique. II
a laissé sur les peintures de son pays
quelques notes qui ne sont pas sans
intérêt. A sa mort , arrivée le 9 mars
1799, il était directeur de l'acadé-
mie de Saint-Charles de Valence.
P— s.
VERGARA (Cesar-Antoine), nu-
mismate, était né, vers 1680, dans
le royaume de Naples , d'une famille
d'origine espagnole. Ayant embrassé
l'état ecclésiastique , le cardinal J.-B.
Spinola le nomma son chapelain, et
lui lit obtenir quelques bénéfices. Les
autres caconstances de la vie de Ver-
gara ne nous sont pas connues. On a
de lui : Le Monete del régna di Na-
poli dà Raggerio a C'arolo VI, rac-
colte e spiegate , Rome , 1 7 1 5 , gr.
in-4''. Quelques bibliographes citent
ime seconde édition, Rome, 17 16,
pet. in-fol. ; mais il est probable que
les exemplaires avec cette date ne
diiTèrentdcs prcmiersque parle fron-
tispice. Cet ouvrage est assez rare en
VER
France. Fontanini en parle avec peu
d'estime, prétendant que l'aulciu-
n'avait pas fait des recherches suiii-
santes pour se procurer les rousei-
j^nements nécessaires ( Voy. la Bibl.
cVélcq., II, 3o5); mais Apostolo
Zeno prouve que la mauvaise hu-
meur de Fontanini contre Vergara
vient de ce que celui-ci n'a point ad-
mis le droit de suzeraineté des papes
dans Je royaume de Naples. W — s.
VERGECE (Ange), habile cal-
ligraphe, était né dans l'île de Crète.
Son écriture grecque était si belle ,
qu'elle servit de modèle à ceux qui
gravèrent les caractères de cette lan-
gue, pour les impressions royales,
sous François I'^''. Ce monarque qui
avait fait venir Vergèce de Venise,
lui fit dresser le Catalogue des ma-
nuscrits de sa bibliothèque, dont le
nombre n'allait pas, en i544> a^i-
dclà de deux cent soixante. Les
poinçons et matrices, ouvrages de
Garamond, après avoir été regar-
dés long - temps comme perdus ,
ont été retrouvés, depuis quelques
années, à l'imprimerie royale, par
le savant de Guignes. Henri II fit
copier par Vergèce le Cynegeticon
ou poème de la chasse, d'Oppien,
pour Diane de Poitiers. L'exemplai-
re, relié, portait d'un coté les armes
du roi , de l'autre le poitrait de sa
maîtresse. C'est d'après les caractè-
res de cet Oppien que RobertEstienne
lit graver les siens. On dit que le pro-
verbe écrire comme un ange fut
fait pour Vergèce, qui vécut jusque
sous le règne de Charles IX. Au ta-
lent de si bien écrire, Vergèce joi-
gnait quelques connaissances. Il tra-
duisit du grec en latin le Traité de
Plutarque : De flimorum et mon-
tium nominibus , Paris , Ch. Esticn-
ne, i556, in-8". Voy. le Dict. de
Baylc , qui a écrit Vergerius , et ce-
VER
179
lui de Prosper Marchand , au mot
VergÈce. Z.
VERGEN. Foy. Nauclerus.
YERGENNES (Charles Gra-
vier , comte de) , né à Dijon le 28
décembre 1717 , était fils d'un pré-
sident à mortier au parlement de
cette ville, et sortait d'une famille du
barreau qui était entrée assez récem-
ment dans la magistrature. Un on-
cle de sa belle-sœur, M de Chavigny ,
qui fut successivement envoyé de
France à Gênes, en Espagne, en
Angleterre , puis ambassadeur en
Portugal , à Venise et en Suisse ,
protégea son début dans la même
carrière , et l'emmena avec lui à
Lisbonne en 1740- Lorsqu'en 1743,
la France voulut placer la couronne
impériale sur le front de l'électeur
de Bavière , elle envoya M. de Cha-
vigny à Francfort , auprès de la
diète d'élection. Le chevalier de Ver-
geunes l'y accompagna. Les revers de
nos armes en Bohême , la défection
de Frédéric II , mirent Charles VII
et l'ambassade de France dans une
situation fort critique. Enfin cet em-
pereur mourut, et RL de Chavigny
fut envoyé à Lisbonne avec son élè-
ve. Les deux cours de la Péninsule
étaient en discussion relativement à
IMontevideo et à la colonie du Saint-
Sacrement, et elles avaient soumis
ces différends à l'arbitrage du cabi-
net de Versailles. De volumineux
mémoires embrouillaient la question :
chargé de l'éclaircir , le chevalier de
Vergenncs la résuma en quatre pa-
ges; et son travail plut singulière-
ment au marquis d' Argenson , par sa
clarté et sa simplicité. Peu d'années
après (en 1760), le jeune diplo-
mate fut nommé ministre du roi au-
])rès de l'électeur de Trêves. Par un
enchaînement de circonstances , ce
poste était devenu un des pivots de
11..
ï8o VER
la polili(|ue, l'électeur étant, comme
évêque de Worms , co-directeur du
cercle du Haut-Rhin , et comme pré-
vôt d'Elhvarjj^en , le premier du banc
des prélats du cercle de Souabe.
L'impératrice-reiue travaillait, des ce
moment, à faire élire roidesPxomains
son fils Joseph, encore enfant, et elle
comptait sur le suffrage de l'éicclcur
pour avoir la majorité. Le chevalier
de Vergcnncs parvint à rendre ce
prince indécis dans ses i-ésolutions*
et les lenteurs qui s'ensuivirent lii'cnt
échouer ce projet pour l'instant. Cet
e'chec ne rebuta point la cour de
Vienne j et, à son instigation , le duc
de Newcastle, premier ministre du
roi d'Angleterre , qui desirait main-
tenir la dignité impériale dans la mai-
son d'Autriche, profita d'un voyage
de Georges II , dans ses états d'Al-
lemagne, pour y rassembler les mi-
nistres de tous les électeurs, ce qui
fit donner à cette réunion le nom de
congrès de Hanovre. Frédéric II re-
commanda instamment à Louis XV
de n'y envoyer qu'un ministre aussi
habile qu'intègre , aussi ferme dans
ses principes que réservé dans son
langage. Le roi ayant choisi le che-
valier de \ ergennes , Frédéric ap-
plaudit à un tel choix • et en effet ^
ce ministre déploya à Hanovre tout
le talent d'un négociateur consom-
me' , vis-à-vis du duc de New-
castle, qui tour-à-tour employait la
menace et la ruse. En définitive tout
se réduisit à des discussions sans ré-
sultat. Georges II , fatigué de débats
inutiles, retourna subitement à Lon-
dres; et le congrès fut dissous. Bien
que le chevalier de \ergennes eût
traversé le duc de Newcastle dans ses
projets, celui-ci ne put s'empêclier
de rendre justice à sa capacité. Le
duc espérait soustraire la négociation
à sa vigilance, en amenant l'électeur
VER
palatin à traiter secrètement avec
Marie-Thérèse. L'acte allait être si-
gné à IManheim, lorsque le chevalier
de Vergenucs y arriva ( in 53). Le roi
l'y envoyait pour cojitenir l'électeur
et son ministre , gagnés par l'Angle-
teri'e. Son succès fut tel , qu'il empê-
cha la signature du traité , et que M.
deWreden,ministrepaIatin,futforcé
d'aller à Versailles, pour y justifier
sa conduite. L'intention du roi était
de laisser le chevalier de Vergeunes
dans ce poste , et de rappeler le
marquis de Tilly, qui, dans ces cir-
constances avait montré peu de fer-
meté. L'électeur aimait Tilly, et ne
le craignait pas : il estimait Vergeu-
nes , mais il le redoutait ; il pria ins-
tamment qu'on lui laissât le pre-
mier. D'ailleurs, dans ces entrefai-
tes , une mission plus importante
vint à vaquer. Le comte Desall^iirs,
ambassadeur en Turquie, mourut
presque subitement le 2 1 novembre
i'j54 : il était initié dans !a corres-
pondance secrète que Louis XV en-
tretenait depuis quelques années avec
ses ambassadeurs à l'insu de ses mi-
nistres et de son conseil ; et il impor-
tait à ce prince et aux directeurs de
cette correspondance que les papiers
du comte Desalleurs ne tombassent
point en des mains indiscrètes. Le
chevalier de Vergennes avait été ad-
mis à ce secret, et comme ni la du-
rée de ses services ni sa naissance ne
semblaient l'appeler à une ambassa-
de de première classe , on prétend
que sou parent, Chavigny, imagina
un expédient pour faire agréer ce
choix. Le comte Desalleurs laissait
en mourant des dettes considérables ,
dont à la vérité une partie avait pour
cause le service du roi et le désir de
soutenir la dignité de l'ambassade.
Chavigny fit entendre au marquis
de Puysicux, ministre des allai-
VER
rcs étrangères , que le ministère
pourrait payer ces dettes sans auç;-
meiiter la dépense. II s'agissait de
n'avoir à Constaiitinople qu'un en-
voyé' extraordinaire ou miiiistro plé-
nipotentiaire , auquel on no don-
nerait qu'une partie du trailement
alFectéà l'ambassade, et d'employer
ce surplus à l'estinction des dettes
du comte Desaileurs; et il proposa
son parent pour remplir cette mis-
sion à ces conditions. Que l'anecdo-
te soit réelle ou qu'elle soit sup-
posée , on fit partir eu toute hâte
le chevalier de Vcrgennes sur un bâ-
timent marchand, pour Constanlino-
ple, où il arriva dans le courant du
mois de mai 1^55 , avec le baron de
Tott ( V. ce nom ). On avait laisse
l'option entre le titre d'envoyé ex-
traordinaire et celui de ministre plé-
nipotentiaire. La Porte admit le se-
cond de ces titres. Mais peu de mois
après _, sur la demande qu'il en fit
faire au roi, au nom du grand-sei-
gneur liu-mêmc, et sur l'observation
que le caractère d'ambassadeur avait
plus d'influence sur le succès des af-
faires, le chevalier de Vergennes en
fut revêtu : l'alliance du roi avec Ma-
rie-Thérèse ( i';56) , et l'accession
de Ja czarine à ces traités rendirent
fort difficile la situation de cet am-
bassadeur. L'Angleterre et la Prusse
pressaient la Porte de se déclarer
contre les deux impératrices , dont
l'union avec la France fournissait
aux envoyés de Frédéric 11 et de
Georges III un texte fécond pour je-
ter l'alarme dans les conseils du
grand-seigneur. M. de Vergennes
réussit à lui faire garder la neutrali-
té , en lui persuadant que les liaisons
des deux princesses avec Louis XV
étaient de leur part un engagement
indirect de ne point attaquer la Por-
te, qu'elles savaient être l'alliée de
VER ,8i
la France. La paix de i -yôS mit fin
à ces intrigues et là ces obsessions.
Mais la mort d'Auguste III, roi de
Pologne, et l'élection de Poniatows-
ki, firent naître de nouveaux sujets
de troubles. Catlierine H , qui avait
fait élire ce dernier, imposa des sa-
crifices à sa reconnaissance. Une
partie delà nation exaspérée s'arma
pour s'y soustraire; la czarine, vou-
lant défendre son ouvrage, inonda
la Pologne de ses troupes. La Porte,
qui avait garanti à la république l'in-
tégrité de ses possessions , était sans
doute intéressée à en empêcher le dé-
membrement; mais elle balançait à
prendre un parti. Le duc de Choiseul
accusait la timidité du chevalier de
Vergennes de l'incurie du divan , et
prétendait que le casus fœderis était
arrivé. Argent, promesses, menaces,
il voulait que cet ambassadeur mît
tout en œuvre pour faire déclarer la
guerre à la Russie. Celui-ci en calcu-
lait les conséquences désastreuses
pour l'empire othomaa , et ne rem-
plissait qu'avec répugnance les ins-
tructions du cabinet. Un événement
imprévu produisit ce qu'il n'avait
pas pu ou peut-être pas voulu obtenir-
L'irruption de quelques cosaques à
Ealta fournit au baron de Tott, que
le duc de Choiseul aA'^ait envoyé en
Crimée , l'occasion d'exciter la ven-
geance du khan des Tartares , et força
le irrand-seiîîneur de lever l'étendard
de la guerre. La déclaration en fut
faite le 3o octobre 1768. La dépê-
che , qui en donnait la nouvelle à
Versailles, se croisa avec le courrier
porteur des lettres de rappel de
M. de Vergennes , qui fut remplacé
par Saint-Priest ( T'^oy. ce nom_,
XL , 71 ). Pour excuser sa précipi-
tation , le duc de Choiseul se rejeta
sur la déconsidération qui devait ré-
sulter du mariage que venait de faire
i.Sî
VEIl
]\I. de Vei'genncs avec la veuve fl'nn
chirurgien de Péra, nommé Testa.
Néanmoins en quittant Constantino-
ple, il emporta les regrets du divan
et du commei'ce français au Levant.
Une députation de la nation lui fit
hommage d'une épée d'or. Il rap-
porta à Versailles l'argent qu'on lui
avait envoyé pour faire déclarer la
guerre , et dont , comme on vient de
le voir, il n'avait pas eu besoin, et
se retira en Bourgogne dans sa terre
de Toulongcou. Ce ne fut qu'à la
chute du duc de Choiseul qu'il sortit
de cette retraite pour être envoyé en
Suède. Le duc de La Vrillière, qui
tenait par intérim le porte-fcuilledes
affaires étrangères , le laissa maîlrc
de rédiger lui-même ses instructions.
Frédéric-Adolphe était mort le ï2
février 177 i , et avait laissé à son
fils Gustave ITI un royaume agité
et divisé entre deux partis connus
sous le nom des Boiinets et des
Chapeaux ; le premier sous l'influen-
ce de la Pvussie et de la Prusse, et Le
second feignant de suivre les direc-
tions de la France , ou du moins en
recevant des pensions sous prétexte
d'un attachement jusque-là fort sté-
rile. Depuis l'année 1754 . le cabinet
de Versailles avait payé d'énormes
subsides sans fruit pour sa politique,
ni même pour l'autorité royale sué-
doise. La faiblesse du feu roi avait
fait échouer les divers projets con-
çus par la France pour étendre ses
prérogatives. Tous les sacrifices
qu'elle faisait dans ce but n'aboutis-
saient qu'à substituer , pour quelque
temps , une faction à une autre , et à
protéger un gouvernement plus que
républicain. C'est dans cet état de
choses que le chevalier de Vcrgenncs
arriva à Stockholm au mois de juin
1771. La diète de cette année fut,
comme les précédentes , livrée à l'in-
VER
trigue et a la corruption; et Gustave
fut au moment de voir les deux fac-
tions, bien que divisées entre elles,
se réunir contre lui ^ malgré les som-
mes considérables que l'ambassadeur
de France répandait dans les dific-
rents ordres pour les lui concilier.
Cette situation dillicile ne fît que con-
tinuer en 1772: des quatre ordres
de l'état, trois, le clergé, les bour-
geois et les paysans, étaient vendus à
la Piussie , et insultaient publique-
ment le monarque , tandis que les no-
bles traversaient sourdement tous
ses desseins. D'un autre côté, Ver-
gennes le peignait à sa cour comme
un prince naturellement porté aux
choses romanesques j et il exprimait
des doutes sur la sincérité de la
déclaration par laquelle ce prince
avait annoncé n'être point dans l'iji-
teution de changer la forme du gou-
vernement. On peut donc dire qu'il
existait entre eux une sorte de ré-
serve et même de défiance. Cepen-
dant le besoin de secours fit que le
roi de Suède confia à l'ambassadeur
de France ses plans de révolution;
et toujours eelui-ci, craignant de com-
'proraettre son caractère et sa propre
sûreté, les jugea impraticables, et
les pi'ésenta comme tels au duc d'Ai-
guillon. Le cabinet de Versailles ne
l'en autorisa pas moins à donner
au roi de Suède l'argent nécessaire
pour raccomplissement de ses plans.
Enfin Gustave III se hâta de frap-
per le coup décisif , le 19 août
1772. On connaît les détails de cette
révolution qui détrôna en Suède le
pouvoir popiiî^iire. Bien que jusqu'à
i'évéuement M. de Vergennes eût re-
gardé l'aiîàire comme un coup de
tête ^i)^ on lui attribua à Versailles
(i'*, On prétend mi'iii': que, plusieurs jours avant
le 19 août, il avait mis sa vaisselle et ses effets pré-
cieux en dépôt che* l'ambassadeur d'Espagne.
VER
le mérite de la direction , et il fut, à
t-ette occasion , nomme' conseiller-d'c-
tat d'épec. Il est juste de dire que ie
caractère mobile et impétueux du
monarque autorisait les craintes du
diplomate, et que ce dernier , pen-
dant le reste de sa mission , cliercba
par de sages conseils à aftcrmir le
pouvoir que Gustave avait si heureu-
sement ressaisi. A l 'avènement de
Louis XVI au trône , Vergennes fut
appele'au ministèredes a'Taires étran-
gères (juillet i7-;4)(^)'Unedes pre-
mières négociations qui marquèrent
son entrée fut le renouvellement des
traités avec la confédération lielvé-
tique. Le roi de France était allié de
quelques cantons , et n'était qu'en
paix avec les autres. Ces distinctions ,
de même que la conclusion de trai-
tés séparés , parurent vicieuses au
nouveau ministre. Il réunit dans une
seule et même alliance tous les can-
tons, soit catholiques, soit protes-
tants. Ce fut son frère, le marquis
de Vergcnues , qui suivit celte négo-
ciation, dont les actes furent sigués
à Soleure, le 28 mai 1777- Des évé-
nements d'une grande importance se
préparaient dans l'Amérique septen-
trionale , et devaient féconder en
quelque sorte l'avenir des plus gra-
ves résultats. Le cabinet de Versail-
les n'y vit qu'une occasion propice
pour humilier un empire rival; et
une jeune noblesse, imbue des princi-
pes de la philosophie moderne, fut
la première à répondre aux cris de
liberté poussés au-delà de l'Atlanti-
que, et à solliciter comme une fa-
(7.) Il dut cette brillante fortune au vieux comte
de Maurepas , priiicipal niiuîàtre , qui estimait
SCS talents et qui le croyait bon-lioinme. Il lai dut
aussi les impressioits favorables, source de l'entiè-
re coufiauce nite le moaarf|ue témoigna plus tard
au comte de Vergennes , et qui résista aux plus
tories alta<|ues. il disait plaisamment qu'il avait
appris dau> le strail à braver les intrigues <1<
..Mir. A— T.
VER
i83
veur l.i permission d'aller combattre
dans les rangs des colons insurgés
contre leur métropole. Le ministère
de Louis XVI fut, pom- ainsi dire ,
entraîné par l'opinion même de la
cour à signer une alUance avec les
députés des Etats-Unis , le 6 février
I -78. Sans doute le traité du 3 sep-
tembre 1783 effaça la tache de ce-
lui de 1763 ; sans doute la diploma-
tie française, en faisant établir la li-
gue maritime du Nord connue soi-s
Je nom de ^cuttalité armée ^ en ar-
mant l'Espagne et la Hollande con-
tre l'Angleterre, plaça celle-ci dans
une situation difficile. Mais le déficit
causé par cette guerre , et les prin-
cipes de liberté et d'égalité rappor-
tés d'Amérique et eu peu de temps
inoculés à toute la nation, creusèrent
l'abîme dans lequel la monarchie et
le monarque furent bientôt engloutis.
Ou ne peut que déplorer l'impré-
vovance des ministres qui conseillè-
rent à Louis XVI de s'engager dans
une querelle aussi contraire à la sai-
ne politique et aux vrais intérêts de
la royauté. La succession de Bavière
avait fourni au comte de Vergemies
une occasion plus sûre de procurer
au roi un ascendaut qui ne devait
compromettre ni sa couronne ni sa
conscience. JMalgré les engagements
qui, depuis 17 56, liaient la France
à l'Autriche , ce ministre sut, par sa
marche habile et prudente, contenir
l'ambition de Joseph II , garantir
les droits de l'héritier légitime, et
maintenir la balance germanique
dans les négociations qui eurent lieu
à Teschen , sous la médiation du ba-
ron de Breteuil et du priucc Repniii,
et qui furent terminées par le traite
du i3 mai 1779. Grâce aux mêmes
soins , deux ans après la guerre d'A-
mérique, des différends survenus en-
tre l'empereur et les Provinces-Unies
i84
VER
l'iireul également soumis à rar])itra-
ge de Louis XVI, et arranges par
un traité signé à Fontaincl)lcau , le
10 novembre 1-^85. Le traite de
commerce négocié avec l'Angleterre,
en i-jSSet 178O, fut un des derniers
travaux, du comte de Vergennes.
^''ommé , après la paix de i^BS, pré-
sident du conseil des finances (3), il
avait senti que cette place lui imposait
le devoir de surveiller le commerce et
l'industrie, et de protéger l'agricul-
ture : il avait pensé que la continuité
du système prohibitif perpétuait les
haines nationales , et dépravait les po-
pulations respectives , en offrant une
sorte de prime à la fraude , au détri-
ment de la perfection des fabriques ,
et au profit du monopole et de la
routine. Mais il n'avait pas calculé
que les immenses capitaux de la
Grande-Bretagne lui permettaient
momentanément des sacrifices à l'ai-
de desquels elle pouvait , en peu
d'années , anéantir notre industrie et
faire fermer nos manufactures. Ce
traité, qui fut l'objet de si vives con-
troverses tant en Angleterre qu'en
France, fut signé le 3o janvier 1 786 j
et sou exécution a laissé encore inso-
luble la question de la possibilité
d'un traité de commerce entre les
deux pays. Celui que le comte de
Vergennes fit conclure avec la Rus-
sie , le 3o janvier 1787, offrait à la
France des avantages moins problé-
matiques , surtout dans la mer Noi-
re. Un grand nombre de conventions
relatives à l'abolition du droit d'au-
baine, au règlement des limites avec
les Pays-Bas et lesétats germaniques ,
(3) Comme il conserva en même temps le porte-
feuille des â flaires étrangères , son nouveau litre
lui donna, en quelque sorte , le rang de premier
ministre; mais sans atlriliulions spéciales, el c'est
un bonheur pour sa gloire, car oo l'aurait accuse
du mauvais état où , quatre ans plus tiird , se Irou-
Mrent réduites les iinauccs que Caloune admi-
iii^Lrait sous lui. A — T.
VER
à la punition réciproque des délits fo-
restiers , et autres , commis sur les
frontières , attestaient sa vigilance
pour les intérêts du royaume et le
maintien des rapports de bonne intel-
ligenceentre la France et ses voisins.
Peu de ministres ont été plus labo-
rieux , et ont porté, dans la conduite
et dans la discussion des affaires, plus
de méthode , de rectitude et de con-
naissances positives; et lorsque sa
correspondance , ayant perdu ce de-
gré d'intérêt politiqîie qui force de la
tenir secrète, pourra sans inconvé-
nient être publiée et entrer dans le
domaine de l'histoire , on ne craint
pas d'assurer qu'elle supportera la
comparaison avec celle des d'Ossat,
des Jeannin, des d'Estrades, des
Servien et des Torcy. Si le comte de
Vergennes ne doit pas être regardé
comme un grand homme d'état , il
sera toujours considéré comme un
des hommes supérieurs de cette épo-
que ( 4)- Le soin qu'il eut de s'entourer
^4) Vergennes n'avait pas reçu de la natnre un
génie -extraordinaire , mais une physionomie heu-
reuse , un caractère énergique. Sa conversation
n'était ni entraînante ni persuasive; mais il sup-
pléait ii ces desavantages par une extrême souplesse,
pa;- imc politesse froide , une adroite circonspec-
tion , inie grande austérité de principes, un goût
décidé pour la vie retirée , et une excellente
routine. Pour éviter les tantes de ses prédéresseurs,
il se lit un système constant d'abaisser l'orgueil et
la puissance des Anglais , de ménager l'Autriche
et la Pru.sse, de se délier de la Russie, de soute-
nir l'Espagne, de tenir Rome en respect, de sol-
der la Suède et la Suisse , de proléger la Turquie ,
d abandonner la Polugiie comme ])omme de dis-
corde entre les trois puissances co-parla,;;eantes ,
de gagner les Hollandais , et de surveiller les
colonies. Sou usage , son moyen de politique le
plus habituel, était de ue jamais repondre ca-
tégoriquement, il cachait son défaut de sincé-
rité sous un air de candeur et de simplicité ; jouait
avec ses enfants ; dansait en petit comité ; racon-
tait longuement cl sans grâce les particularités de
son séjour en Turquie , et affectait une extrême
indifférence pour les satires et les chansons dirigées
contre lui. Avec ce caractère il joua un rôle en
Lurope ; mais sa réputation a déchu depuis sa
mort, et sou nom ne sera jamais cité parmi ceux
des grands minisires. Toutefois il a laissé l'idée
d'un homme sage, probe , laborieux , ami delà
paix, religieux , suffisamment instruit ; tout cela
ne fait pas un mérite supérieur ; mais un tel hom-
me ne doit pas rester sans éloge. A — T.
VER
d'hommes habiles et éminemment
verses dans toutes les branches de la
science politique , tels que les Rayne-
val et les PfeJïel , prouve son discer-
nement. Il céda peut être trop aux
influences de la cour dans les présen-
tations qu'il fit pour plusieurs am-
bassades ; et cependant il savait, il
avait même éprouve qu'il suiusait
d'opposer aux recommandations d'u-
ne auguste protectrice le bien de l'état
pour que, sur-le-champ , elle se désis-
tât de ses demandes. Aussi , en gêne'-
ral, l'éxecution ne répondit pas tou-
jours aux instructions émanées de
son cabinet ; et comme s'il était dans
la destinée des hommes les plus hon-
nêtes de payer le tribut à la faiblesse
humaine, on prétend que, par un
sentiment de rivalité trop commun,
il écarta des conseils quelques sujets
capables , et qu'il s'occupa trop de
l'avancement de ses proches (5).
Peut-être se faisait-il illusion sur le
degré d'aptitude des uns et des au-
tres. Les manières de ce ministre
étaient graves, et semblaient parfois
pédantesques. Il s'enveloppait des
formes diplomatiques, même avec les
ambassadeurs de famille. « Je cause
» avec M. de Maurepas , disait le
» comte d'Aranda ; je négocie avec
» M. de Vergeunes , » mot qui ca-
ractérise bien Ja légèreté du premier
et la gravité du second. En général ,
sa politique fut temporisante : ser-
vant un prince timide , et n'ayant
pas lui-même cet ascendant qui en-
traîne, il avait probablement senti
îa nécessité d'une marche circons-
pecte et systématique. Lié par les
traités de i -^56 , il sut contenir l'am-
(3) On v!t , à la môme époque , son frère le mar-
quis de Vergeunes, ambassadeur; son Ijeau-frère
Vivier, ministre plt ni|)Otentiaire à Hambourg;
son neveu Cachet de Moulezan , ministre plénipo-
leiiliairc h Munich ; cl son cousin le baron de Cor-
bcrun , Diiuistrc picnipotcutiaiic à Deus-Pouls.
VER
i85
bition inquiète de Joseph II , sans
manquer aux égards dus au frère de
la reine; il sut arrêter les effets du
système de convenances , et ménager
à son souverain le noble rôle d'arbi-
tre et de médiateur des l'ois. La seule
fautepolilique qu'on puisse lui repro-
cher est l'alliance avec les Anglo-
Américains: encore sou cœur ne fut-
il pas complice de l'erreur de son es-
prit; car il aimait sincèrement le
monarque et la monarchie : aussi
avait-il inspiré une telle confiance à
Louis XVI , que long-temps après
la mort de ce ministre , qui pourtant
lui avait conseillé d'assembler les
notables , espèce d'avant-coureur des
états-généraux, le roi demeurait per-
suadé qu'il eût empêché la révolu-
tion. Le comte de Vergeunes ne vit
pas même l'ouverture de la pre-
mière assemblée des notables. 11 mou-
rut le i3 février 1787 , laissant une
fortune de deux millions, après avoir
été vingt-quatre ans ambassadeur et
treize ans ministre. On trouve quel-
ques écrits de Vergeunes dans l'ou-
vrage intitulé : Politique de tons les
cabinets de l'Europe ( F. Favier ,
XIV , ai8 ). Rulhières a publié un
morceau assez curieux sous ce titre :
Le comte de Ver pennes ( F. Rul-
hières ). On a aussi : Portrait du
comte de Vergeunes , i 788 , iu-8<^.
sans indication de ville. L'auteur
anonyme ne l'a peint que comme
minisire , et n'a dit que peu de mots
sur ses ambassades en Turquie et en
Suède. 11 le traite d'ailleurs avec une
impartialité un peu sévère. Lemcme
autour, par une contradiction singu-
lière, se montre ennemi de La Cha-
lotais , et partisan de l'indépendance
américaine. On a une Vie ou plutôt
un Eloge de ce ministre , par de
Mayer, un vol. in-S"., Paris, 1789.
G — RD.
i«G
VER
VERGER D'HAURANNE (Du).
V . Barcos et Saint-Gyran.
VERGERIO ( PierrePavl) , l'nii
des plus gradds littérateurs de son
siècle, surnomme' l'ancien , pour le
distinguer de son homonyme dont
l'article suit, était né, vers i349, à
Capo d'Istria , d'une famille illustre,
mais déchue de sa splendeur. Il fit
ses premières études à Padoue , et
s'étant rendu fort habile dans l'élo-
quence et la philosophie, il alla suivre
à Florence les leçons de Fr. Zabai-ella
{V. ce nom), savant jurisconsulte, et
depuis cardinal. Vergerio , quoique
foi't jeune encore , trouva des res-
sources dans cette ville par l'ensei-
gnement de la dialectique. Ses talents
et sa docilité lui méritèrent l'affection
deZabarella qui le conduisit à Rome,
où il lui procura quelques emplois
honorables , mais peu lucratifs. Il
revint avec son maître à Padoue , et
y fut pourvu de la chaire de dialecti-
que, qu'il remplit de iSgS à i4oo ,
avec beaucoup de succès ( Papado-
polo , Hist. gynin. Patavin. , i ,
284 ). Dans l'intervalle , il avait fait
un voyage à Florence avec Zabarella,
chargé d'une mission de la cour de
Rome. Il profita de son séjour en
cette ville , pour apprendre du célè-
bre Éman. Chrysoloras ( f^. ce
nom ) les éléments du grec j et
il se passionna tellement pour cette
belle langue que, depuis, il ne laissa
passer aucun jour sans lire quelques
morceaux de ses meilleurs auteurs.
De retour à Padoue , il reprit l'étude
de la jurisprudence , et le 5 mars
i4o4 , il reçut le laurier doctoral
dans les facultés de droit et de philo-
sophie. Vergerio avait alors cin-
quante-cinq ans. François de Carrare,
seigneur de Padoue, lui confia l'édu-
cation de ses enfants ; et ce fut pour
eux qu'il composa le petit traité : De
VER
in^enuis rnoribus , dont nous parle-
rons bientôt. La protection de ce
prince ne le tira point de l'état de
gêne et de misère où il avait toujours
langui ; mais habitué dès l'enfance
aux privations , il les supportait sans
se plaindre: s'il desirait de la fortune ,
ce n'était que pour en faire part à
ses parents, qui ne montraient pas le
même courage contre l'adversité. Il
accompagna le cardinal Zabarella ,
légat au concile de Constance. Pen-
dant la session de cette assemblée , il
eut la douleur de perdre son princi-
pal protecteur, qui voulut lui donner
un dernier témoignage d'affection,
en lui léguant une partie de sa bi-
bliothèque. Vergerio s'attacha de-
puis à l'empereur Sigismond , suivit
ce prince en Hongrie , et y mourut
vers i4ï9- ^n ^ de lui : I. De in-
génias moribus. Cet opuscule fut im-
primé pour la première fois (i)avcc
d'autres petits traités du même genre,
Milan , i474 5 in-4''- , et dans la
même ville, en i477' Oq en cite
deux éditions de Brescia , de i485 ,
trois de Florence , et une de Venise,
dans le quinzième siècle j et il a été
réimprimé plusieurs autres fois en
Italie , dans les premières années du
seizième siècle , avec des commen-
taires, qui ne servent guère qu'à em-
brouiller le texte de Vergerio. II.
Petrarchœ Vita, dans le Petrarchus
redivivus de J. Tomasini ( V. ce
nom ). III. Fitœ principum Carra-
riensium ; publiées pour lapi-emière
fois , dans le tome vi du Thésaurus
antiquitat. Italiœ , par Burmann
( V. ce nom ) , et depuis , par Mu-
ratori , dans le tome xvi des Rerum
(1) C'est d'après Apostol. Zeno , p. 57 , que nouî.
doimoDs celle éjlt. pour la première. M. Briiiicl ,
dans son Manuel du libraire, en cite deux shm.s
date , l'une snns fliifTres , réclames ni signatures ,
pnr Adam ( de Amliergau ) , vers i/jy^ , et l'antre
de Rome , vers l!^-^, in-/)». , imprimes par Laver.
VER
itrJicar. scriptores. Cette histoire
finit à l'année i356. IV. Orationes
et epislolœ varice historicce ; à la
suite de l'histoire des princes de Car-
rare, dans le Recueil de Muratori.
L'invective de Vergcrio :De Firgilii
statua , Mantuce ei'ersdper Carol.
Malatestani , avait été publiée par
Mich.-AngeBiondo , Venise (i 54 o) ,
in-8°. ; par Dom Mnrtenne, qui la
croyait inédite, sous le nom de Gua-
rino de Vérone , dans VAmplissim.
collectio , m , col. 868 ; et par
Schelhorn,sous cehii de Léon. Arc-
tin, dans XçsAinœnitates litterar. ,
III, 225^ mais enfin Muratori resti-
tua cette pièce à son légitime auteur.
Il reste beaucoup d'ouvrages manus-
crits de Vergerio : i**. une Trad.
latine de YHisloire d' Alexandre
d'Arrien , qu'il cntrejirit à la de-
mande de l'empereur Sigismond , à
la bibl. du Vatican. Apost. Zeno en
a publie' la préface d'après un Mss.
de l'abbé Bruuacci , dans les Disser-
ta-.. Fossiane, i , 54 ; 2". des Ha-
rangues , des poésies latines, et cent
quarante-huit Lettres formant i vol.
in-fol.; 3". des Notes sur son Histoire
des princes de Carrare ;l\°. un Re-
cueil de Sentences , extraites du Ti-
viée de Platon ; 5°. De statu veteris
et inclytœ urhis Romœ, dans la bibl.
des princes d'Esté; G**, une Comé-
die latine, intitulée Paulus , dans la
bibl. Ambroisienne. Sassi en a pu-
blié le pi'ologue dans VHistor. typo-
graph. mediolanensis , etc., 3q3 , et
Zeno l'a reproduit dans les Dissert.
Voss. 5']. Jean du Tillet a donné ,
sous le nom de Vergerio , un Abrégé
de Qidntilien , Paris , 1 564 , in-S**. ;
mais il n'est pas certain qu'il en soit
l'auteur. Zeno desirait que quelqu'un
se chargeât de publier le Recueil des
ouvrages de Vergerio ; surtout ses
Lellres , qui sont tics-instnictives
VER
187
et pleines de détails curieux. Outre '
Zeno , il faut consulter la Storia
letterat. de Tiraboschi , vi , -^23-
28. Les autres biographes qui ont
parlé de cet écrivain sont inexacts
et incomplets. W — s.
VERGERIO (Pierre-Paul), la-
meux apostat , était de la même fa-
mille que le précédent , et naquit à
Capo d'Istria , vers la fin du quin-
zième siècle. Ayant achevé ses étu-
des à l'académie de Padoue , il y re-
çut le laurier doctoral dans la fa-
culté de droit , et, en i5"22 , y fut
pourvu de la chaire du notariat. Il
remplit aussi dans cette ville les fonc-
tions de vicaire du Podestat, et se fit
à Padoue , ainsi qu'à Venise , la ré-
putation d'un habile avocat , et d'un
très -honnête homme. C'est le té-
moignage que lui rend Bembo, dans
une lettre à Gabrielli, du 10 décem-
bre i526. Vergerio s'était marié •
devenu veuf au bout de quelques an-
nées, il rejoignit, à Rome, l'un de
ses frères ( i ), qui joui-^^sait de la fa-
veur du pape Clément VII , et ayant
pris l'habit ecclésiastique , parvint
bientôt à mériter les bonnes grâces
du pontife. La capacité qu'il mon-
trait pour les affaires détermina le
pape à l'envoyer avec le titre de
nonce à la cour de Ferdinand , roi
des Romains. Il partit, en i532 ,
pour l'Allemagne, chargé de s'oppo-
ser de tout son pouvoir aux progrès
du luthéranisme. Trois ans après , il
fut rappelé par le pape Paul III , qui
desirait avoir de sa bouche des ren-
seignements certains sur la situation
des esprits en Allemagne; et il y re-
tourna pour annoncer la convoca-
(1I Aitrelio Vergerio , mort à Rome, au mois
d'août i532, dans u II âge peu avancé, arnit un
talent remarquable pour la poésie. Jér. Mu7,io
parle avec c'Iog e, dans sou Aile poetica , d'une
composition dramatique d'j\urelio, eu dix actes
ou deux soirées.
*8S
VER
tlon proclialne d'un concile gênerai ,
qui mettrait fin aux dissentions re-
ligieuses. Dans ce second voyage,
étant passe à Wittemberg, il eut
avec Luther uneentrevuesur laquelle
Fia-Paolo donne des détails assez pi-
quants , mais de pure invention selon
PailaviciuietBayle. Il revint en Italie
en 1 536, fut envoyé, la même année,
près de l'empereur Charles-Quint ,
alors à Napics ; et à son retour de
cette nouvelle mission , fut nommé
d'abord évèque de Modiusch , dans
la Croatie, puis de Capo d'Isîria. Si
l'on eu croit Vergerio, lui-même ( F.
ses Retrattazioni ) , il n'était point
encore dans les ordres. 11 reçut , le
mêmejourjles quatre ordres mineurs;
le sous-diaconat , le diaconat et la
prêtrise , et fut sacré par son frère
( Jean-Baptiste Vergerio ) , évêqiie
de Pola. Dans les premiers temps de
son épiscopat , il en remplit tous les
devoirs avec beaucoup de zèle , ins-
truisant les peuples confiés à ses
soins; et cherchant, du moins on
apparence , à les prémunir contre
les nouvelles erreurs. En i54o , il
vint en France avec le cardinal Hip-
polyte d'Esté ; et l'année suivante ,
il fut envoyé par François I^r. à la
diète de Worms , où , si l'on en croit
ses adversaires , il tint une conduite
plus qu'équivoque. De retour en Ita-
lie , ayant trouvé la cour de Rome
prévenue contre lui , il se retira dans
son diocèse. L'examen plus appro-
fondi qu'il lit alors des questions agi-
tées par les réformateurs accrut ses
préventions contre certaines prati-
ques condamnées par Luther. II ins-
truisit de son changement l'évêque
de Pola , son frère , qu'il n'eut pas de
peine à séduire ; et tous les deux ,
chacun dans son diocèse, commen-
cèrent à parler contre la vertu des
indulgences , etc. Dénoncé pour ces
VER
faits à Rome , il demanda la permis-
sion de se justifier devant ie concile
de Trente ; mais les Pères refusèrent
de l'y admettre ( février 1 546 ) , et
il fut renvoyé devant le nonce, Jean
Délia Casa , et le patriarche de Ve-
nise, chargés de lui faire son procès.
Vergerio, n'ayant pas jugé prudent
d'obéir, erra dans ditlerentes villes,
d'oîi il visitait secrètement son dio-
cèse et celui de son frère , pour rani-
mer le courage de leurs partisans.
L'évêque de Pola mourut subitement
en 1548: Vergerio fut persuadé qu'il
était mort empoisonné. Informé
d'ailleurs qu'Annibal Grisoni , soa
compatriote et son ennemi le plus
acharné , venait de recevoir avec le
titre d'inquisiteur -général la com-
mission de le poursuivre , il sortit de
l'Italie le i^'". mai i549, et se retira
dans le pays des Grisons, où il rem-
plit, ainsi que dans la Valtcline , les
fonctions du ministère évangélique.
Il profita de son crédit sur les habi-
tants , pour favoriser les levées de
troupes que la France y faisait à
cette époque. Ce fut alors qu'il com-
mença d'exhaler son ressentiment
contre la cour de Rome , dans une
foule d'opuscules , empreints de tant
de fiel que Vergerio fut désapprouvé
même par les Protestants. Appelé par
le duc de Wirtemberg , à Tubingue,
en i553 , il en reçut un accueil plein
de bienveillance , quoique ce prince
blâmât l'amertume de son zèle.
Il fit , dans l'intérêt de sa cause ,
plusieurs voyages en Prusse , en Hon-
grie, en Pologne, et mourut à Tu-
bingue, le 4 octobre i565, dans un
âge assez avancé. Les attaques de
Vergerio , contre l'Eglise romaine ,
lui suscitèrent des adversaires , dont
les principaux furent Jérôme Muzio
( F. ce nom au Supplément ), Jean
Délia Casa , le cardinal Hosius , et
VER
lîyppol. Chizzuola. Délia Casa, uon
moins emporté que Vergeno , écrivit
contre lui une invective (2) , dans
laquelle il le traite comme le dernier
des scélérats , l'accusant mcme d'a-
voir empoisonné sa femme. Les en-
nemis de Vergerio s'accordent à lui
reprocher d'avoir , eu secret , pro-
fesse les principes de Luther, depuis
la naissance de celte secte ; de sorte
que suivant eux il n'aurait été ,
trente ans de sa vie , qu'un fourbe et
un imposteur, Mais le judicieux et
impartial J.-Rcn. Carli ( Foj . ce
nom), dans une Vie très-détailiée de
Vergerio, composée sur des docu-
ments authentiques , a prouvé que
ce prélat n'embrassa réellement le
luthéranisme que lorsqu'il eut été
forcé par ses ennemis de s'exiler de
l'Italie. {F. celte Vie dans les OEu-
vres de Carli , tome xv, édition de
Milan, in-8". ). Tous les opuscules
de Vergerio sont très-rares , parce
qu'ils ont élé supprimés rigoureuse-
ment, et que d'ailleurs la plupart
n'étant que de quelques feuillets , il
a dû s'en pcidre beaucoup d'exem-
plaires. Le P. Niceron en porte le
nombre à cinquante-cinq ; mais la
liste qu'il en a donnée dans le tome
xxxviii de ses Mémoires est incom-
plète. On se contentera d'indiquer
ici ceux que recherchent encore quel-
ques curieux. L Le otto difensioni
dei Vergerio , ovvero trattato délie
superstitioni d'Italia e delV igiio-
ranza de' Sacerdoti { Bàle ) , 1 55o,
in-8". Cette édition fut publiée par
Cel. Curion ( V. cenom) ; mais dans
la suite Vergerio le dénonça au sé-
nat de Bâîe, comme auteur d'un livre
hérétique, et ils devinrent ennemis ir-
(2) Celle pièce était restée eu manuscrit. Mé-
nage ea avant obtenu une copie du savant Maglia-
hecclii la" fit imprimer à la suite de Y Anti-Bail-
Ifl, Yoj. i>, 455 de l'édit. in-4°.
VER ,89
réconciliables.n. Il Vergerio a Pa-
pa Giidio terzo , che ha approva-
to un libro del Muzio intilolato le
Vergeri&ne ( i55i ), in 8'\ de igS
pages, in. Concilium non modo
Tridentinum, sed omnepapisticum ,
perpetub fiigiendum esse omnibus
piis ( Berne ) , 1 553 , in-4'^. de 4-7
pag. La réimpression de Tnbingue
n'a presque aucime valeur. IV. Jie-
traltazioni del Vergerio , 1 556 ,
in-B». de 55 ])ag. Dans cet écrit
adressé aux habitants du diocèse de
Capod'Istria, l'auteur désavouetout
ce qu'il a dit et enseigné pendant son
épiscopat. V. De oratione , et usu
sacramentorwii. et cœnœ Domini ,
Tubiugue, i559 , iu-80. de 64 pag.
Le P. Niceron n'a peint connu cet
opuscule. VI. Postremus Catalo-
gus hœrelicoriim Roniœ conjlatus
anno i55g, continens alios cpiatuor
Catalogos , etc.,Pfortzheien, i56o,
in- 8°. VII. Primas tomus operum
Vergerii contra Papatu m , ibid. ,
i563,in-4°. de4oi feuillets. Ce pre-
mier vol. duRecueil desOpusculesde
Vergerio n'a pas eu de suite. L'art,
donné par Baylc à Vergerio , dans
son Dictionnaire , est inexact.; mais
ou y trouve des détails et des rensei-
gnements curieux. AV — s.
VERGÎ. Vojez Vergy.
VERGIER (Jacques), né à
Lyon le 3 janvier i655 (i), fut
(i) Jusqu'à pvi'sent tous les Dictionnaires histo-
riques, Eloges, Notices, eîc, ont lait naître Ver-
gier en itij-". Voltaire seul, dans son Siècle de
Louis A//', disait 1675 ; mais c'était par une trans-
position de chiffres, qui depuis la première édition
de i-5i a été copiée et répétée par tous les édi-
teurs jusqu'en 183.0. IVI. Lequieu, dans son édition
des Ohiivres de J' oltcire , est le premier qui ait
mis 16.Î7. Cette date de iG^- n'est toutefois qu'une
error conimunis , mais elle ne fait pas droit. M.
Brenbot du Lut , notre collaborateur, a trouvé, en
ib-23, sur les registres de la paroisse Saint-Pierre
et Saint-Saturniu de Lyon , à la date que je donne,
l'acte de baptême d'un Jacques Vergier, fils de
Hugues Vergier, maître cordonnier, et c'est peut-
être à cause de cette circonstance du métier , pré-
IQO
VER
envoyé à Paris pour y achever ses
études , et fit son cours de théologie
à la Sorhonne , où il prit le grade
de bachelier. Ses parents le desti-
naient à l'état ecclésiastique, et Ver-
gier en porta quelque temps l'habit j
on l'appelait l'abbé Vergier; mais
cet état n'étant pas de son goût, il se
lança dans le monde , où il eut bientôt
des amis et des protecteurs. Employé
dans l'administration de la marine ,
il fut nommé, le 2 octobre 1688,
écrivain principal au Havre • il eut ,
depuis 1690,1e titre de commissaire
de la marine , et remplit ces fonc-
tions à Dunkerque. Après vingt-sis
ans d'exercice , il se démit de sa
charge et vint se fixer à Paris , en
1 T i4; il fut assassiné dans cette ville,
au coin delà rue du Bout-du-Mondc,
aboutissant dans la rue Montmartre,
dans la nuit du i^ au 18 août 1720
(2): il reçut un coup de pistolet dans
la gorge et trois coups de poignard
dans le cœur. On attribua plusieurs
causes à ce crime : les uns prétendi-
rent qu'il avait été commis par oi'dre
du duc d'Orléans , régent , blessé
d'une parodie de la dernière scène de
Mithridate , attribuée faussement à
\ ergier ; d'autres crurent que c'était
une affaire de jalousie, ou même une
lendu ignoble, du père de Vergler , que le fils ne
]aîssa pas de renseignements précis sur sa naissance;
ainsi Vergier aurait eu la même faiblesse que son
ami J.-B. Rousseau , de rougir de ce qu'on appelle
bassese d'extraction.
(7.) Les éditeurs des Œuvres de P'crt^ier, de
1726, disent que Vergier fut assassiné en 1722,
«ans indiquer le jour; les éditeurs de 1727 et de
1731 le font mourir le iG aoiit 1720 ; enfin les édi-
teurs de 1730 et de 1780 metlent sa mort au 10
juin 1712. La lettre de Brossetle à J.-B. Rousseau,
du 10 septembre 1720, parait lever tous les dou-
tes. Brossette dit r/ue le jour de In mort de mada-
me Dacier a été un joui' malheureux pour les
^ens de lettres, car M. f^ergieijiit e/ilefé au monde
le même jour ou plutôt la nuit suivante, W est bon
de remarquer que cette lettre , ou Brossette parle
de la peste de Marseille , est , par une siiigulii--re et
incoDcevable faute d'impression, datée de 1717
( au lieu de 1720 ) dans le tome U des Lettres de
Foufseau , 1750 , 5 \ol. petit in-ii.
VER
méprise. L'im de ses assassins , le
chevalier le Craqueur, camarade de
Cartouche , qui fut rompu le lo juin
i']22 , avoua que l'intention de ses
complices était de voler V^ergier j
mais qu'ils en fuirent empêchés par
un carrosse qui passa dans le moment.
La réputation que Vergier s'était ac-
quise par son talent poétique dé-
cida à recueillir ses productions , et
une édition de ses OEuvres dii>erses
parut à Amsterdam ( Genève (3) ou
Rouen), 1726,2 vol. in- 12; une
édition de Paris ( Amsterdam) pa-
rut en 1727 , 2 vol. in-B". ; une édi-
tion de La Haye, 1781 , a 3 vol.
in-i vi ; c'est de la même année qu'est
l'édition d'Amsterdam , en deux vo-
lumes iii-i 2 , avec un Supplément de
deux cents pages pour chaque vo-
lume ; on y a joint un petit cahier de
64 pages, intitulé: D. Juan et Isa-
belle, nouvelle portugaise , par M.
F'ergier , 173 r, in- 12. L'édition
de 1 7 3 1 , des OEuvres de Vergier ,
reparut en 1 742 , avec de nouveaux
frontispices. En 1750, onpublia,sous
la rubrique de Lausanne , celle en 2
volumes in- 12 , auxquels on mit de
nouveaux frontispices en 1765. La
plus jolie édition est celle de Londres
(Paris, Cazin), 3 vol. in-i8. C'est
une réimpression fidèle de l'édition
de Lausanne ; comme toutes les
autres cependant , elle laisse beau-
coup à désirer : le texte est souvent
défiguré; plusieurs choses sont à ex-
pliquer ; quelques pièces admises et
conservées dans le Recueil ne sont
pas de Vergier , entre autres le Rossi-
gnol, qui a pour auteur J.-B. Lan-
tin, mort en lôgS ( Voy. son arti-
cle, XXIII, 378). Vergier avait
(3j D'après un jiassage de la Eit'liotltèt/ueJ'raii-
cuise. Vin, 332, il V eut en 1726 deux cdilions ,
l'une de Rouen, injdme pour Vimvression, l'autre
de Genève ; cette dernière porle l'indication
d'Amsterd.5m.
VER
fait ou fait faire de nombreuses co-
pies de ses poésies, et ea les envoyant
a chaque personne , il y ajoutait
une ëpître. Brossette espérait re-
cevoir de la famille tous les ou-
vrages de Vergier, écrits de sa main
et troiwés chez lui après sa mort.
On ne sait ce qu'est devenu ce manus-
crit. Vergier n'a fait qu'un très-petit
nombre de contes (4); mais ce sont
ses principaux titres au souvenir de
la postérité. Laharpe , qui eu trouve
plusieurs plaisamment imaginés et
narrés avec agrément et facilité , re-
proche cependant à l'auteur la lon-
gueur , la monotonie , le prosaïsme.
Malgré ces délauts , Vergier a , dans
sou genre , la première place après
La Fontaine ; imitateur faible , mais
naturel . dit Voltaire, il est à l'égard
de La Fontaine ce que Campistron
est à Racine. Il excellait à faire des pa-
l'odieset des chansons de table. J.-B.
Rousseau, dans sa LettreàBrossetle,
du 28 oct. 1720, dit: Nous n'a-
vons peut-être rien dans notre lan-
gue où il y ait plus de naïveté' , de
noblesse et d'élégance que ses chan-
sons de table, qui sont aussi ce qu'il
a fait de meilleur et qui pourraient
le faire passer à bon droit pour
V Anacré on français ; nous les chan-
tons tous les jours ici avec milord
Cadogan, etc. On est aujourd'hui
un peu plus diiBcile ; on est choque,
à la lecture, de l'emploi fréquent des
vers de neuf et de onze syllabes , et
même de vers de dix qui ont la cé-
sure à la cinquième. Les airs sur les-
quels étaient faites les chansons de
Vergier ont vieilli etsontpresque tous
oubliés ; tout cela est au désavantage
de Vergiei'; mais le jugement de J.-B.
(4) Ze'da on l'.l/ricaine, conte en vers, que l'on
présente quelquefois comme xin ouvrage de Ver-
gier , imprimé sé^iare'ment, est dans re'ditiou de
f^ii de ses teavres , tome II, pag. loG-iii}.
VER igt
Rousseau doit toujours être d'un
grand poids. C'est à Vergier que
sont4;onsacrces les troisième, neuviè-
me , dixième , onzième, douzième et
treizième des Lettres Bourguignon-
nes , etc. , par M. Amanton , Dijon ,
1823, iu-8°. , avec un fac-simile de
la signature de Vergier. A. B — t.
VERGILE ou VIRGILE. Foy.
POLYDORE.
VERGINIUS-RUFUS (Lucas),
naquit dans les emirons de Côme,
l'an i/j. de J.-G., et la dernière an-
née du règne d'Auguste. Fils d'un
simjîie chevalier romain, il parvint
par sa valeur et par sa capacité au
premier rang de l'armée, et fut nom-
mé consul en l'an 816 de la répu-
blique ( 63 de J.-C. ), sous le règne
de Néron. Il commanda les légions
de la Germanie sur le Haut-Rhin ,
lors de la révolte de Vindex ( Foj.
ce nom ) l'an 6g de J.-C. Il
vainquit ce chef des Gaulois , et
fut proclame' empereur par les lé-
gions qui étaient sous ses ordres ^
mais il refusa l'empire, et persista
dans ce noble refus , même lorsqu'a-
près la mort de Néron elles le lui of-
frirent de nouveau. Cependant Gal-
ba avait été proclamé en Espagne^
et Verginius ne le Ht reconnaître par
ses troupes que lorsque le nouvel em-
pei'eur eut été nomme par le sénat.
II se rendit alors à Rome, où il fut reçu
avec beaucoup d'égards , mais rete-
nu en queiquesorte comme otage. Sous
Othon (an 70 de J.-C.) , il fut encore
une fois honoré du consulat, et il
servit ce prince jusqu'à ses derniers
moments. Après sa mort, les légions
lui offrirent de nouveau l'empire , et
il résista h leur empressement avec
la même prudence et la même génc-
rosif é ; mais ces mêmes soldats , qui
l'avaient proclamé empereur , se
croyant méprisés , voulurent ensuite
iga
VER
l'égorger sous les yeux de Viîellius ;
et ils l'accusèrent d'avoir tente' de fai-
re assassiner ce prince par un de
ses esclaves. Enfin , dit un liistorien,
cet illustre Romain brava plus de
dangers pour éviter !a puissance sou-
veraine que l'ambition n'en a (Iron-
ie pour l'obtenir. Dans cette occasion,
ce fut Vitellius lui-même qui le dé-
fendit contre la fureur des soldats.
Verginius vécut ensuite dans la re-
traite sous Vespasien , Titus et Do-
mitien, honoré des bons empereurs,
souffertdes mauvais, et faisant tous
ses efforts pour rester ignoré. Il s'oc-
cupait beaucoup de littérature , et ne
s'éloignait de sa retraite que pour
des devoirs indispensables , jusqu'à
ce que sou ami îscrva , devenu em-
pereur , le rappela sur la sccue- Nom-
nié encore une fois consul , en l'an
85o de la république ( 97 de J.-C. ),
il mourut dans la même année à
l'âge de quatre-vingt-quatre ans.
Ses funérailles se firent avec beau-
coup de pompe, aux dépens du trésor
public, et son éloge fut prononcé par
l'historien Tacite , qui lui avait été
substitué dans le consulat. « La for-
» tune, toujours fidèle à Vcrginius,
» gardait pour dernière grâce un tel
» orateur à de telles vertus. » Pline
le jeune, de qui ces paroles sont ti-
rées, avait eu Verginius pour tuteur.
Il en fait un grand éloge dans plu-
sieurs de ses lettres , où il l'appelle
Firginius. M — d j.
VERONE (LA ). Foj: Fayette
et Tressan.
VERGNIAUX ( Pierre -ViCTO-
BiN ), l'un des chefs du parti Giron-
din , et l'un des plus grands orateurs
de nos assemblées politiques , naquit
en 1759 à Limoges, où son père
était avocat. Il suivit d'abord la mê-
me profession dans cette ville ; mais
voulant paraître sur un plus grand
VER
théâtre , il alla s'établir à Bordeaux,
et se plaça bientôt par son talent à
la tête du barreau , alors si distingué,
de cette capitale delà Guienne. Doué
de cette extrême facilité qui s'allie
presque toujours à un caractère in-
dolent (j), il ne devait qu'à la na-
ture cette éloquence passionnée, cette
improvisation brillante, ce débit ejx-
traîiiant, qui plus tard lui valurent
des succès à-la-fois si éclatants et si fu-
nestes. Comme tous les jeunes avo-
cats de sa province , Vergniaux adop-
ta avec ardeur les principes de la ré-
volution, et fut nommé membre de
l'administration du département de
la Gironde , puis député à l'assem-
blée législative en 1791. La ville de
Bordeaux , qui , vingt-cinq ans plus
tard, devait donner l'impulsion roya-
liste à toute la France , se faisait
alors lemarquer par son exaltation
révolutionnaire. Ses députés étaient
tous plus ou moins pénétrés de l'idée
d'établir la république : la plupart
étaient des orateurs distingués; au-
cun ne disputait à Vergniaux la pal-
me de l'éloquence : eux-mêmes le
proclamaient le chef de leur parti; ce-
pendant il n'en fut jamais le meneur.
Il avait toutes les qualités de l'ora-
teur , mais aucune de celles qui font
l'homme d'état. L'amour des plai-
sirs, et surtout le goût de la paresse
le tenaient dans une sorte d'engour-
dissement, dont il ne sortait qu'en se
faisant violence : sou réveil était ter-
rible pour les adversaires de son
parti; et, selon l'expression d'im
contemporain, la foudre de Mira-
beau se rallumait dans les mains de
Vergniaux. M™^. Rolland, dans ses
(i) On cite un trait curieux de son insouciance.
Uu client vint lui proposer une affaire importan-
te. Avant de répondre, Vergniaux , effraye' de la
grosseur du dossier, ouvre sa caisse, reconnaît
que pour le moment il possédait assez d'argent ^ et
refuse de se charger de l'affaire.
VER
Mcfinoircs , lui reproche avec amer-
tume cette indolence qui fut si pre'jn-
diciablc à la faction des Girondins ;
elle l'accuse d'égoïsme philosophi-
que , de mépris pousse trop loin pour
les hommes; elle rep;rette qu'un ta-
lent toi que cekii de Vergniaux n'ait
pas été employé avec l'ardeur d'une
ame dévorée de l'amour du bien
public, et la ténacité d'un esprit
laborieux. Paganel, dans sou His-
toire de la re'volution, repre'sente cet
orateur comme doue' d'une ame ge'-
nëreisse , étranger à toute ambtion
personnelle, ne parlant jamais que
quand une conviction profonde et
les dangers de son parti lui en fai-
saient une loi. « Représeutez-vous _,
» dit-il, un homme que d'autres hcm-
» mes entourent et entraînent, qui
» ne cherche pas une issue pour s'é-
« chapper, mais qui resterait là, si
)> le cerc'e se rompait et le laissait
» libre. Tel était Vergniaux parmi
» les Girondins. Les meneurs l'asso-
» cièrent à leur ambition , et ne par-
» vinrent jamais à îe rendre ambi-
)> tieux pour lui-même II som-
» raeillait dans l'intervalle de ses
» discours , taudis que l'ennemi ga-
» gnait du terrain , cernait la ré-
» publique et la poussait dans l'a-
» bîme avec ses défenseurs. » Ou
ne saurait dire aujourd'hui quelle
marche am'ait prise la révolution si
les Girondins eussent montré plus
d'esprit de suite et de prévoyance j
et pour ne parler que de Vergniaux,
il eût été appelé à jouer im rôle bien >■■
plus important, si, puissant comme
il l'était par la parole, il eût déployé
autant d'esprit de conduite que de
véhémence , autant d'habileté que
d'exaltation. Des les premières séan-
ces de l'assemblée législative , il se
signala par la violence de ses atta-
ques contre la monarchie. Couthon
XLVIIT.
VER ,93
et Chabot ayant demandé, l'im que le
fauteuil du roi dans l'assemblée fût
abaissé au niveau de celui du prési-
dent, l'autre que les dénominations
de iSire et de Majesté fussent abo-
lies , Vergniaux appuya vivement
cette motion. Selon lui, le corps lé-
gislatif, représentant la nation sou-
veraine dans l'exercice de ses droits,
ne pouvait donner au pouvoir exécu-
tif des qualifications qui emportaient
l'idée de souveraineté. L'assemblée
vota la proposition avec transport;
)nais cet acte d'hostilité contre le
pouvoir royal , fait sans aucun pré-
texte et avec un oubli volontaire de
toute décence , excita des murmures
universels, et parut précipité, même
à ceux qui voulaient aller encore plus
loin. Le décret fut rapporté dès le
lendemain ( 6 octobre 1791 ). Dans
la discussion importante qui s'enga-
gea quelques jours après (21 octob. )
sur les émigrés , Vergniaux et les Gi-
rondins, persuadés que le meilleur
moyen de s'assurer la faveur du peu-
ple était de l'exalter dans ses crain-
tes , se livrèrent aux déclamations
les plus violentes contre les proscrits.
Vergniaux demanda que, si dans six
semaines ils n'étaient pas rentrés en
France , ils fussent irrévocablement
privés de leurs traitements , de leurs
])ensions et de leurs droits de cité. Ce
fut surtout contre les princes fran-
çais qu'il dirigea ses traits les plus
acérés. L'assemblée différa d'adop-
ter les propositions du fougueux ora-
teur : ce triomphe était réservé à
Guadet ; mais l'élévation de Ver-
gniaux à la présidence au milieu de
cette discussion fut, de la part de la
majorité, une approbation tacite des
sentiments qu'il venait de professer
( 2g octobre ). Les Girondins , enga-
gés en quelque sorte par leurs pre-
mières démai'ches, ne devaient pas
i3
194 VEl^
s'arrêter dans la carrière des lois
révolutionnaires. C'est de la pré-
sidence de Verguiaux que date le dé-
cret qui séquestra ks Liens des prin-
ces français , et qui condamna à
mort les émigrés. Le roi refusa de le
sanctionner. Lorsque le ministre Du-
port-du-Tertre voulut exposer à l'as-
semblée les motifs de ce refus, Ver-
gniaux , qui présidait, lui impo-
sa silence, en lui disant d'un ton
sévère , que la constitution accor-
dait bien au roi le veto , mais non
la faculté d'en développer les motifs.
Bientôt , pour arriver à leur but, les
Girondins crurent avoir besoin de la
guerre contre les puissances. Ce fut
Brissot qui imprima ce mouvement à
son parti, et Vergniaux suivit avec
ardeur cette direction : dans toute
occasion, il appelait la guerre. Rien
ne paraissait plus facile que de fami-
liariser avec ce fléau les imaginations
ardentes des législateurs qui prési-
daient alors aux destinées de la Fran-
ce! L'assemblée portait sans cesse
des regards curieux et inquiets sur
toutes les démarches des puissan-
ces. Le ministre De Lessart crut
calmer ses inquiétudes en commu-
niquant les réponses faites par les
différentes cours de l'Europe à la
lettre où Louis XVI leur notifiait
qu'il avait accepté la constitution.
La réponse de l'empereur Léopold
ne satisfit point l'assemblée, qui de-
sirait qu'elle fût plus précise. On in-
vita le roi à faire des réquisitions
aux princes allemands , au sujet des
rassemblements d'émigrés ( 29 no-
vembre ). L'empereur les défendit
dans les provinces belges, et le roi
s'étant rendu à l'assemblée, le 14
décembre, prononça sur ce sujet un
discours qui fut généralement ap-
plaudi : déjà l'assemblée elle-même
montrait moins d'inquiétude. Le par-
VER
li de la Gironde réveilla les alar-
mes : Vergniaux compara , dans un
discours véhément , les dispositions
actuelles des Français à celles des
Athéniens au temps de Philippe. II
employa avec habileté tous les repro-
ches que Démosthcnes avait adressés
à l'indolence de ses compatriotes dé-
généi-és. Le l'j décembre^ il propo-
sa une adresse au jieuple, dans la-
quelle il établissait que la nation ne
pourrait se soustraire à l'esclavage
oii l'on voulait la replonger, autre-
ment que par la guerre. Cette adres-
se fut envoyée aux départements
pour accompagner l'envoi du dis-
cours du roi. Dès ce moment fut dé-
truit le salutaire effet qu'avait pro-
duit cette démarche du monarque.
Chaque jour l'assemblée exigeait de
nouvelles communications diploma-
tiques , et le ministre De Lessart, qui
faisait tous ses eflbrts pour conser-
ver la paix avec les puissances , se
voyait en butte aux accusations de
la Gironde et des Jacobins. Sa cor-
respondance confidentielle avec le
prince de Kaunitz , au sujet des l'as-
semblements d'émigrés , devint une
arme que lui-même eut l'imprudence
de fournir à ses ennemis ( janv.
1792). Déjà précédemment (3 déc),
l'abbé Fauchet avait porté contre
lui une dénonciation très-violente :
le 1 7 février , ce député proposa un
décret formel d'accusation. Le co-
mité diplomatique de l'assemblée fut
chargé de faire un rapport à ce su-
jet ; mais le professeur Koch, ap- 1
puyé de quelques hommes modérés i
qui étaient membres de cette com-
mission , dilïéra ce rapport dont il
était chargé, sous prétexte d'avoir
besoin de quelques renseignements.
Il espérait éloigner l'orage qui gron-
dait sur la tète du ministre : mais
Brissot ne le permit pas j il se char-
VER
gea seul , et sans l'interme'diaire du
comité , de faire passer le dccx*et
d'accusation. Cependant son dis-
cours n'avait point assez de ve'-
hemcnce pour entraîner les esprits ,
lorsque Vergniaux soutint que, pour
porter un décret d'accusation , les
preuves n'eTaient pas nécessaires ,
et que des présomptions suffi-
saient. Bientôt s'abandounant au
mouvement le plus violent et le
plus iiTéfléclii ;, « Ce n'est plus
» ma vois , s'écria-t-il , que vous
» allez entendre; c'est une voix plain-
» tive qui sort de l'épouvantable
» glacière d'Avignon ! Elle vous
» crie : Le décret de réunion du Com-
» tat à la France avait été rendu au
» mois de septembre dernier • s'il
» nous eût été envoyé sur-le-champ _,
» peut-être qu'il nous eût apporté la
» paix , et qu'il eût éteuit nos funes-
» tes divisions; peut-être qu'en de-
» venant Français nous eussions ab-
» juré l'esprit de haine; nous n'eus-
» sions point été victimes d'un mas-
» sacre abominable ; mais M. De
» Lessart a gardé ce décret pendant
» deuxmois dans son porte-feuille, et
» dans cet intervalle nos dissentions
» ont continué ; dans cet intervalle ,
» de nouveaux crimes ont souillé
» notre déplorable patrie. C'est no-
» tre sang , ce sont nos cadavres
» mutilés qui demandent vengeance
» contre ceministre(2). «Rapportant
ensuite !a fameuse phrase de Mira-
(r>.) Au milieu de ces exagérations , il v avait
cjuelque cliose de vrai dans l'alléjalion de Vei-
^tiiaiix contre le ministre. Trenle-deuxjoiirssVcon-
lèreut entre le i4 septembre , où fut prononce le
décret de rénnion du Comtat à la France , et le
iG octobre , époque des massacres de la (Tlacièrc.
Mais aussi par ([uelle insouciance , par quelle fa-
talité les commissaires charges d'opérer cette réu-
nion ne i'urent-ils nommés que le 6 octobre , et ne
reçurent-ils leurs commissions que le ii ? t^n ne
peut pas supposer que le ministre fût d'accord
avec Vcrninoc ( f^. ce nom ). Peut-être un peu
plus d'activité dans les bureaux du ministre aurait
jirévenn une grande effusion de sani;. A — T.
VER ,95
beau sur la Saint-Barthélemi, il ter-
minait par des iraprécations'et des
menaces, qui présageaient les funestes
journées du 20 juin et du 10 août:
« De cette tribune où je vous parle,
» dil-il , on aperçoit le palais ou
» des conseillers pervers égarent et
» trompent le roi que la constitu-
» tion nous a donné , forgent les
» fers dont ils veulent nous euchaî-
» ner et préparent les manœuvres
» qui doivent nous livrer à la maison
» d'Autriche. Je vois les fenêtres du
" palais où l'on trame la contre-ré-
» volution , où l'on combine les
" moyens de nous replonger dans les
»» horreurs de l'esclavage. Le jour
» est venu où vous devez mettre un
» terme à tant d'audace , àtantd'in-
» solence , et confondre enfin tous
» les conspirateurs. L'épouvante et
» la terreur sont souvent sorties,
» dans les temps antiques, et au
» nom du despotisme , de ce palais
» fameux : qu'elles y rentrent enfin
» au nom de la loi; qu'elles y pénc-
^i trent tous les cœurs; que tous ceux
» qui l'habitent sachent que notre
« constitution n'accorde (V inviolabi-
» lité quau roi {3); qu'ils sachent
» que la loi y atteindra , sans dis-
» tinction , tous les coupables , et
» qu'il n'y a pas une seule tête con-
» vaincue d'être criminelle qui puisse
» échapper à son glaive. » Ce dis-
cours fut applaudi avec fureur. M. de
Vaublanc voulut en vain présenter
quelques observations en faveur de
De Lessart; le décret d'accusation fut
rendu à une immense majorité (10
mars ). Les Girondins, par cette
victoire, obtinrent l'avantage d'im-
poser au roi un ministère tout répu-
blicain. Dès ce moment ils poussè-
(3) Ces derniers mots désignaient évid;'mment
la reiiie.
i3..
TQÔ
VER
rent plus que jamais à la guerre : ce
n'était pas seulemeut l'espoir d'iiu-
inilicr , par des triomphes et des
couquêtes , les puissances protectri-
ces delà cause des Bourbons, qui ins-
pirait ces pensées belliqueuses aux
Girondins : ils se flattaient d'opérer
une icvolution dans les mœurs
par le moyen de l'entliousiasme mi-
litaire. Ce fut le 20 avril que Louis
XVI , dominé par ses nouveaux
ministres , vint proposer à l'assem-
blée de déclarer la guerre au roi de
Bohême et de Hongrie. La Gironde
était à l'apogée de sa puissance ; mais
la Montagne avait ime popularité qui
s'accroissait cliaque jour par les ex-
cès dont elle offrait l'appât à la mul-
titude. Pour ne pas perdre tout cré-
dit auprès des Jacobins , les Giron-
dins étaient dans la nécessité de
paraître approuver des crimes et des
fureurs qui se trouvaient en opposi-
tion avec les principes de Vergniaus
et de la plupart de ses collègues. Ce
fut par cette lâcbe tt inhabile politi-
que que le i g mars on le vit appuyer
de tous les prestiges de son éloquen-
ce le décret d'amnistie demandé
par le prctrc Bassal , en faveur des
assassins d'Avignon. Vergniaux ne
les défendit pas précisément y com-
me l'ont avancé quelques biogra-
phes • mais , ce qui était à peu près
Ja même chose , il soutint qu'ils ne
pouvaient être poursuivis , sans les
plus grands dangers pour l'État , et
que d'ailleurs il y aurait injustice à
punir ces malheureux , en ménageant
les individus du parti opposé. Tou-
jours acharné à la poursuite des no-
bles et des prêtres , il soutint que
c'étaient eux qu'il fallait accuser de
ces attentats et de toutes les calamités
qui désolaient laFrance. Les 9 et 23
avril il dénonça de nouveau les prê-
tres, et pressa le décret qui devait
VER
bientôt les condamner à la dépor-
tation. En appuyant de telles pro-
positions de loi, Vergniaux et les
Girondins étaient assurés d'avan-
ce que Louis XVI , prince reli-
gieux , ne les sauctionnei'ait pas ;
mais c'était précisément parce qu'ils
comptaient sur la résistance du mo-
narque, qu'ils cherchaient à le met-
tre dans le cas d'user de la faible ar-
me du veto, assurés qu'elle tour-
nerait contre lui. De là cette sé-
rie de mesures révolutionnaires ,
provoquées , réclamées sans cesse
par les Girondins , et dont le but
véritable était d'environner Louis
XVI de périls , d'humiliations et
d'embarras , aCn de le forcer à ab-
diquer une couronne chancelante et
avilie. Ils espéraient par là éviter le
danger d'une attaque, à laquelle ils
sei'aiout contraints d'appeler les
chefs sanguinaires d'une popula-
tion dangereuse. Vergniaux , que ,
dès l'année l'jgijOn avait entendu
provoquer la déchéance du mo-
narque , suivit avec ardeur cette
tactique , qui, par un effet tout con-
traire à ce qu'il en espérait , ne
fit que hâter les journées du 20 juin,
du lo août et des 2 et 3 septembre.
Le 29 mai , il vota j'our le licencie-
ment de la garde constitutionnelle
du roi; et cette mesure fut décré-
tée après une discussion des plus
orageuses , dans laquelle les révolu-
tionnaires et les constitutionnels se
renvoyèrent mille invectives et mille
menaces. Après cette victoire, les
Girondins , croyant n'avoir plus qu'à
frapper un dernier coup pour ren-
verser le trône privé de tous ses dé-
fenseurs , firent proposer , à l'insu
du roi , par le ministre de la guerre
Servau^ dévoué à leur parti, la for-
mation d'un camp de vingt mille
hommes. Ils espéraient, par le moyen
VER
de cette milice départementale, ache-
ver la révolution sans avoir besoin
d'appeler la populace de Paris , dé-
vouée aux Jacobins. Ce décret , vi-
vement combattu par ceux-ci , fut
adoptéle 8 juin. Les gardes nationaux
de Paris , indignés de ce qu'on admet-
tait d'autres qu'eux-mêmes à la dé-
fense de leur ville , se prononcèrent
contre cette mesure. Huit mille ci-
toyens signèrent uzie pétition pour en
demander la révocation. Vergniaux
attaqua les pétitionnaires avec véhé-
mence : il affecta de les couvrir de
mépris , et représenta leur démarche
comme ayant été dictée par la cour.
Quelques jours après , le général La
Fayette, qui commandait une armée
sur la frontière, adressa à l'assem-
blée une lettre, dans laquelle il s'ef-
forçait de la faire rougir des atteintes
qu'elle avait portées ta la constitu-
tion. Il parlait avec mépris et avec
menace des Jacobins. La lecture de
cette lettre répandit dans l'assem-
blée une sorte d'épouvante. Guadet
s'efforça de détruire cette impres-
sion , en soutenant qu'elle n'était pas
du général La Fayette. « Il n'y a ,
» dit-il , qu'un César ou un Crom-
» well qui ait pu l'écrire. » Ce sys-
tème fut soutenu par Vergniaux.
Toutefois les constitutionnels obtin-
rent , à une assez faible majorité, que
la lettre fût renvoyée à l'examen des
comités ; mais elle ne contribua qu'à
faire éclater l'insurrection du 20 juin,
pour laquelle tout se disposait. Sous
prétexte de présenter à l'assemblée
une pétition, la populacela plus abjec-
te se présenta en armes à l'assemblée.
Des députés constitutionnels , entre
autres Ramond et Dumolard , s'indi-
gnèrent de ce qu'on affectait de voir
des pétitionnaires paisibles dans un
ramas de séditieux armés. Guadet et
Vergniaux parurent s'offenser de
VER 19»^
pareils soupçons exprimés sur les
ijitentions du peuple. Ce dernier con-
vint qiie la manière dont se présen-
taient ces pétitionnaires était peu lé-
gale j mais il ajouta qu'il est des cas
où la loi doit être violée. « C'est aiu-
» si , observe un historien , que
» le parti de la Gironde obtint de
» l'assemblée législative qu'un ras-
» semblement armé fût introduit dans
» son sein. L'année suivante , et pres-
» que à la même époque , une armée
» de pétitionnaires , composée en
» grande partie des mêmes hommes,
» vint demander à la Convention le
» supplice de Vergniaux , de Guadet
» etdetous les républicains lesplusre-
» commandables, et l'obtint. » Les sé-
ditieux, au nombre de plus de huit mil-
le hommes et femmes , munis d'arm
et d'instruments de toute espèce , dé-
nièrent, tambour battant, dans la
salle. Santerre marchait à leur tête ,
vomissaat des injures contre les émi-
grés y contre les prêtres et contre
le roi. Le rassemblement se porta
ensuite aux Tuileries. Le palais du
monarque fut forcé , la majesté roya-
le méconnue. La vie du roi et de la
reine parut menacée ; mais les détails
de cette scène affreuse ne peuvent
trouver place ici ( V. les art. Louis
X\ I , Marie-Antoinette, Péthion,
etc. ). Aucune catastrophe sanglante
ne devait marquer cette journée, que,
selon l'expression de Santerre, le
peuple avait choisie pour avertir et
non pour frapper. L'assemblée, au
reste , nomma une commission pour
se transporter aux Tuileries , et pour
prévenir des malheurs que l'on com-
mençait à craindre. Vergniaux était
au nombre des commissaires, avec
Isnard et Merlin de Thionville. Ils
eurent beaucoup de peine à traver-
ser la foule, et à pénétrer jusqu'au
roi. Ils lui témoignèrent le dévoue-
igS VER
ment de l'assemblée nationale. Ce-
pendant Vergniaux n'était pas sans
inquiétude : il entendait quelques pro-
vocations sanguinaires. Il voulut par-
ler; on ne se montra point disposé
à l'écouter. Il fut obligé de monter
sur les épaules d'un homme pour se
faire entendre. Sa harangue amena
le peuple à uue singulière réflexion :
« Que venons-nous faire ici ? » dit
cettepopulacestupide. Bientôt après,
sur l'injonction du maire Pcthion ,
le peuple se relira. Le 28 juin , lors-
que M. de La Fayette vint à la bar-
re demander , au nom de son armée,
la punition des attentats commis con-
tre le roi , jusque dans son palais ,
Vergniaux, appuyant une motion de
Guadet, attaqua de nouveau le gé-
néral avec une grande véhémence. Il
le compara encore à Cromwcll , à Cé-
sar passant le Rubicon. Le décretd'ac-
cusation proposé par les deux ora-
teurs fut mis aux voix et rejeté à une
grande majorité; raaisie départ de M.
de La Fayette rendit inutile ce triom-
phe passager du parti constitution-
nel. Cependant les suites de la jour-
née du 9.0 juin furent en tous points
fatales au parti de la Gironde, qui
avait ordonné ce mouvement. On
peut même assigner à celte époque
la fia de sa puissance réelle. La
tourbe des Jacobins s'indignait d'a-
voir été appelée à une insurrection
sans l'ésultat , c'est - à - dire sans
effusion de sang. Les chefs de la
Montagne ne pouvaient pardonner
aux Girondins d'avoir monté ce coup
sans leur participation. L'intervalle
qui s'écoula entre le 20 juin et le 10
août fut marqué par les sourdes
intrigues de ces deux partis , dont
chacun négociait avec la cour pour
accabler ses adversaires. C'est alors
que les trois chefs de la Gironde ,
"Vergniaux , Guadet et Gensonné ,
VER
firent faire au roi quelques ouvertu-
res par l'intermédiaire d'un peintre
nommé Boze. Ils olfraient d'arrêter
l'insurrection près d'éclater , si le
monarque consentait à rappeler les
trois ministres de leur choix , et s'il
se résignait à tenir sous eux une con-
duite subordonnée et passive. Ces
conditions étaient formellement ex-
primées dans un mémoire signé par
ces trois députés : mais ceux qui les
ont accusés d'avoir demandé des
sommes considérables ont, sans au-
cun fondement , calomnié la mémoire
de Vergniaux et de ses deux collè-
gues, qui, sous le rapport du désinté-
ressement, est inattaquable. On a re-
marqué qu'à l'époque oîi ces propo-
sitions furent faites les discours et
les journaux des Girondins changè-
rent de couleur , et parurent em-
preints de doctrines que les cousti-
tutioimels n'eussent pas désavouées.
Avant cette négociation , Vergniaux
s'était surpassé lui-même par la vio-
lence de ses agressions contre la
cour. Le 21 juillet, il avait fait
voter une déclaration au roi , por-
tant que le salut de la patrie exi-
geait la formation d'un nouveau mi-
nistère. Peu de jours après , il fît
naître, avec une perfide adresse,
la question de la déchéance du roi ,
dans un des discours les plus élo-
quents qu'il eût jamais prononcés.
Après avoir fait rénumc'ration des
atteintes qu'il accusait le monarque
d'avoir portées à la constitution , il
s'écria : « 0 roi , qui , sans dou-
» te , avez cru, avec le tyran Ly-
» sandre , qu'il fallait amuser les
» hommes jîar des serments, ain-
» si qu'on amuse les enfants par
» des hochets ; qui n'avez feint d'ai-
» mer les lois que pour parvenir à
» la puissance qui vous servirait à
» lesbraverj la constitution, que pour
VÎR
» qu'elle ne vous précipitât pas du
» trône , où vois aviez, besoin de
» rester pour ladctruire; la nation ,
» que ]:)our assirer le succès de vos
» periidies er lui inspirant Je la
» confiance ; oonsez-vous nous abu-
» ser aujourd'hui avec d'hypocri-
î) tes ]n-otestations ? » L'ontcur re-
produisant . sous une nouvelle for-
me, les reproches qu'il avait déjà
faits au monarque , terminait ain-
si : a La constitution vous laissait-
» elle le choix des ministres pour
» notre bonheur ou peur notre ruine?
» Vous fit-elie chef de l'armée pour
» notre gloire ou pour notre honte?
» Vous donna-t-elle enfin le droit de
» sanction , une liste civile et tant
» de grandes prérogatives, pour per-
» dre constitutionnellement la cons-
» titution et l'empire? Non, non,
» homme que la générosité desFran-
» çais n'a pu e'mouvoir, homme que
» le seul aujour du despotisme a pu
» rendre sensible , vous n'avez point
» rempli le vœu de la constitution relie
« peut être renversée j mais vous ne
» recueillerez point le fruit de votre
» parjure. . . . Vous n'êtes plus rien
» pour celte constitution que vous
» avez si indignement violée, pour ce
') peuple que vous avez si lâchement
» trahi. » Aucune des invectives de
Vergniaux ne resta sans réponse :
M. Dumas surtout les repoussa avec
beaucoup de talent et de véhémen-
ce • mais il ne put empêcher que
la déchéance ne fût mise en question.
L'assemblée paraissait suffisamment
entraînée à prendre celte mesure
décisive , lorsque les Girondins , à
cause des négociations qu'ils avaient
engagées avec la cour, laissèrent lan-
guir cette attaque. Ils la reprirent
avec vigueur lors([u'ils virent, à l'ap-
proche du 10 août, que les Jacobins
se disposaient à une sanglante insur-
VER
»90
rection : ceux - ci espéraient qu'elle
irait jusqu'au régicide: les Girondins
desiraient borner la victoire à la dé-
chéance du nionai-que. Ce fut Ver-
gniaux qui , dans celte terrible jour-
née, présida l'assemblée nationale:
ce fut lui qui, lorsque le roi et sa fa-
mille vinrent chercher un asile au
sein de la législature, adressa au
monarque ces paroles sinistres :
« L'assemblée nationale connaît tous
» ses devoirs ; elle regarde comrae
» un des plus chers le maintien de
» toutes les autorités constituées. Elle
» demeurera ferme à son poste: nous
)' saurons tous y mourir. » Bien-
tôt le bruit se répand que les dé-
fenseurs du château , un instant vic-
torieux , vont se porter contre l'as-
semblée : des coups de fusil viennent
fi'apper les croisées de la salle: « Nous
» sommes forcés, » s'écrient plusieurs
députés. L'épouvante est à son com-
ble : les uns veulent fuir , d'autres
aller au-devant du danger : V ergniaux
seul conserve quelque sang- froid :
« En place, en place , s'écrie -t-il ,
» nous devons mourir à notre poste. »
Mais le faible Louis XVI , en se lais-
sant arracher l'ordre pour les Suis-
ses de ne plus tirer, s'est arraché
la victoire à lui-même. La popu-
lace entre dans la salle , deman-
dant à grands cris la déchéance :
Vergniaux , qui n'occupe plus le fau-
teuil , monte à la tribune , et au nom
d'une commission extraordinaire dite
des vingt-un , projwse de décréter la
suspension provisoire du pouvoir
exécutif. La présence du roi lui ins-
pira quelques paroles de commiseVa-
lion , qui plus lard devaient lui être
reprochées comme un crime par les
Montagnards : « Je viens, dit-il, vous
» présenter une mesure bien rigou-
» reusc ; mais la douleur dont vous
)) êtes tous pénétrés m'assure que
200 VER
» vous jugerez combien elle est në-
» cessaire au salut de la patrie. » Le
de'cret était en douze articles : il fut
adopté sans discussion. Après un
considérant dans lequel , entre autres
griefs calomnieux,on imputait à Louis
XVI une guerre entreprise en son
nom contre la coustitutiou et contre
l'indépendance nationale , les princi-
paux articles portaient la foi-mation
d'une Convention nationale pour as-
surer la souveraineté du peuple , le
règne de la liberté et de l'égalité ; la
suspension provisoire du pouvoir
exécutif; la détention du mouar-
que et de sa familie dans le château
du Luxembourg. Le cinquième ar-
ticle annonçait le projet de décret
sur la nomination du gouverneur du
jjrince royal ; ce qui prouve que
les Girondins , satisfaits d'avoir dé-
truit le pouvoir de Louis XVI , ne
voulaient pas immédiatement établir
la république , comme ils s'en van-
tèrent après l'événement : il pa-
raît qu'ils voulaient une régence dont
ils auraient été les chefs ( Fof. Pé-
THioN ). Ils terminèrent cette lon-
gue et déplorable séance ou for-
mant un ministère de leur choix ,
et dans lequel furent compris Rolland,
Servan et Clavière. Ils avaient l'air
de s'assurer les fruits de la victoire :
mais les véritables triomphateurs
étaient les Jacobins et surtout les
membres de cette redoutable Com-
mune^ qui s'était formée à l'hôtel-de-
ville pendant que le sang coulait aux
Tuileries. Le i î , les brigands de la
veille cernaient l'assemblée et deman-
daient à grands cris la mort du roi ,
qui était toujours placé dans la loge
du Logographc : à leurs clameurs
répondaient les motions forcenées
des rtlontagnards qui siégeaient dans
l'assemblée. Vergniaux , qui prési-
dait encore ce jour-là , ne put s'em-
pêcher de s'écrier plusieurs fois avec
une profonde douleir : « GraudDieu I
» quels cannibales î •- Dès ce mcmeuî
le parti des constitidouuels cessa
d'exister : les Gironlins essayèrent
vainement de coMser\er quelque di-
gnité à l'assemblée , zt d'établir la
puissance des lois; vainement ils s'ef-
forcèrent d'arrêter les usurpations de
la CommuLe de Paris. Cette Gironde ,
qui avait si souvent entraîné l'assem-
blée contre son vœu , lorsqu'il s'agis-
saitd'attaqueria cour, ne pouvait plus
maintenant obltnir desmesures vigou-
reuses contre la Commune de Paris,
que cette assemblée haïssait, mais
qu'elle redoutait davantage. Déjà la
Commune aniionçait l'intention de
proscrire le ministre Rolland, de faire
poursuivre comme des ti'aîtrcs Ver-
gniaux , Guadet , Gensonné et Bris-
soî. La majorité de l'assemblée était
plongée dans la stupeur, et ses mem-
bres ne songeaient qu'à leurs propres
périls. Vergniaux cependant s'honora
par quelques motions courageuses.
Les '23 et 'lÔ août , il s'opposa à la
déportation générale des prêtres non-
assernientés. Il combattit également
la formation d'un corps de tyranni-
cides , proposée par Jean de Bry.
Dans la séance du 3o^ appuyé par
Henri Larivière, il fit en vain le ta-
bleau des usurpations de la Commu-
ne : l'assemblée se contenta de faii-e
à cette autorité illégale l'injonction
d'êti'e plus circonspecte sur les m.an-
dats d'amener. Cet acte, en avertis-
sant la Commune qu'il était temps
de frapper des coups décisifs , hâta
les massacres de septembre. Ver-
gniaux resta muet pendant ces affreu-
ses journées. Au massacre des pri-
sons de Paris succéda celui des pri-
sons d'Orléans, oîi le ministre De
Lessart trouva la mort. « Sans doute,
w dit M. Lacretelle , c'est une atroce
VER
n calomnie que d'imputer aux Giron-
» dius la moindre part à des mcur-
M très dont ils avaient horreur ; mais
» quel profond repentir Brissot, Giia-
» detct Vergnia>ixmême, ne dureut-
» ils pas avoir de la cruelle aotivi-
» te' avec laquelle ils avaient rempli
» les prisons d'Orléans ? » Le 16
septembre^ profitant habilement de
l'occasion que lui offrait une discus-
sion ouverte sur la manière languis-
sante dont se poursuivaient les tra-
vaux du camp de Paris , Vergniaux
donna un libre cours à l'indignation
que lui avaient inspirée les forfaits
des septerabz'iseurs. « Les proscrip-
» tions passées, s'c'cria-t-il , le bruit
5) des proscripticns futures , les trou-
» blés intérieurs , ces haines particu-
» Itères, ces arrestations arbitraires,
■» ces violations de la propriété, enfin
» cet oubli de toutes les lois, ont ré-
» pandu la consternation et l'effroi.
» L'homme de bien se cache , il fuit
» avec horreur ces scènes de sang ;
» il est des hommes , au contrai-
w re , à -la -fois hypocrites et fé-
» roces , qui ne se montrent que dans
» les calamités publiques , comme il
» est des mseclcs malfaisants que la
» terre ne produit que dans les ora-
» ges. Ces hommes répandent sans
» cesse les soupçons , les méfiances ,
M les jalousies _, les haines ^ les ven-
» geauces ; ils sont avides de sang :
» dans leurs propos séditieux , ils
» aristocratisent la vertu même ,
)) pour acquérir le droit de la fouler
» aux pieds; ils démocratisent le
» crime, pour pouvoir s'en rassasier
» sans avoir à redouter le glaive de
» la justice , etc. » L'assemblée en-
tendit avec enthousiasme ce dis-
cours , dont la haute éloquence em-
pruntait une nouvelle force des ho-
norables sentiments qui alors ani-
maient l'orateur. Le parti girondin
VER -aof
sembla se relever un instant. Des le
lendemain, le vol du garde -meu-
ble fournit à Vcrgniaux un nou-
Acau ju-étexte de tonner contre la
Commune de Paris , dans un moment
où elle pouvait disposer de sa vie.
11 se surpassa lui-même, et produi-
sit surtout un elîet inexprimable,
lorsqu'il en vint à ces paroles : « Les
» Parisiens aveuglés osent se dire li-
» bres î Ah ! ils ne sont plus esclaves,
» il est vrai , des tyrans couronnes ;
» mais ils le sont des hommes les
» plus vils, des plus dc'teslables ty-
» rans \M est temps de briser ces
» chaînes honteuses , d'écraser cette
» nouvelle tyrannie ! Il est temps
» ('[Uc cous, qui ont fait trembler les
» hommes de bien tremblent à leur
» tour! Je n'ignore pas qu'ils ont
» des poignards à leurs ordres : eh !
» dans la nuit du -Ji septembre, n'ont-
î) ils pas voulu les diriger contre
» plusieurs d'entre nous ? Dans leurs
» listes de proscription , n'ont-ils pas
» désigné au peuple plusieurs d'en-
» tre nous comme des traîtres? Et
» ma tête aussi est proscrite! La ca-
» lomnie veut étouffer ma voix j
w mais elle peut encore se faire en-
» tendre ici ; et je vous en atteste,
» jusqu'au coup qui me frappera de
» mort elle tonnera de tout ce
» qu'elle a de forces contre les cri-
1) mes et les scélérats! » Vergniaux
concluait en demandant que la Com-
mune fût déclarée responsable de la
vie des prisonniers j ce qui fut adop-
té. Cependant les élections avaient
lieu pour la Convention : si les can-
didats montagnards eurent la majo-
rité dans Paris _, les Girondins obtin-
rent dans les départements un grand
nombre de nominations. Vergniaux
fut réélu par le département de la
Gironde ; et à la formation du bu-
reau de Ja Convention, il fut nomme
202 VER
secrétaire avec Brissot , Guadet ,
Condorcet, etc. Plus tard il fut c'iu
membre du comité de constitution.
Toute la faveur de la majorité parut
d'abord se tourner vers les Giron-
dins. Dès la première séance , la guer-
re éclata entre eux et les Monta-
gnards • mais ces derniers eurent
presque toujours l'avantage. Ce n'est
pas que Vcrguiaux ne se fît encore
remarquer par son éloquence en-
traînante j mais la position de la
Gironde n'était plus la même : sous
l'assemblée législative , son systè-
me était d'attaquer et de détruire ;
sous la Convention elle avait à dé-
fendre, à conserver; et cette tâche
était plus dillicile. Les rapports ho-
norables sous lesquels Vergniaux se
montra dans cette nouvelle carrière
auraient sans doute fait oublier que,
dans sa lutte précédente contre le
trône , il avait été l'accusateur im-
j)lacable et perfide de l'infortuné
Louis XVI , si un dernier crime , ce-
lui du régicide , n'eût enfin répandu
sur son nom une tache indélébile. Il
importe de dire toute la vérité sur
les Girondins : trop lâche pour ar-
rêter les crimes des Jacobins qu'elle
condamnait , cette faction voguait ,
pour ainsi dire , à la remorque de la
Montagne, dans cette mer de sang
qu'a fait couler la Convention. Aussi
abusés dans leur politique qu'indé-
cis dans leurs sentiments généreux ,
Vergniaux et ses collègues avaient
commencé la révolution sans en pré-
voir les résultats ; ils votèrent la
mort du roi, avec le projet de le sau-
ver. Plus francs , plus conséquents
du moins étaient les Montagnards ,
qui, marchant droit à leur but , com-
mettaient le crime avec audace ,
quelques-uns avec une farouche con-
viction, et sans remords pcnt-ctrc.
Mais les Girondins ont toujours mar-
VER
chc sans ordre et sans plan, sans
montrer jamais aucun courage d'ac-
tion. Toute leur énergie était en pa-
roles, qui n'avaient pour résultat
que d'avertir leurs adversaires de se
tenir en garde. Inliabiles à prévenir
aucun des forfaits utiles aux Jaco-
bins , les Girondins eu ont assumé la
complicité par les faux calculs d'une
politique pusillanime : ils détestaient
les excès ; mais la peur les retenait
dans la carrière du crime. En arri-
vant à la Convention , Vergniaux et
ses amis avaient espéré vaincre leurs
adversaires en popularité , par la
proclamation de la république ; le
jacobin Collot -d'Herbois les pré-
vint en la faisant décréter des la pre-
mière séance. Ce coup de parti dé-
concerta les Girondins; mais ils n'en
furent que plus animés à saisir tous
les prétextes d'attaquer Robespierre
et SCS complices. Dès le 25 se])tem-
bre, le même Vergniaux , qui avait
fait amnistier les assassins d'Avi-
gnon, poursuivit avec la plus grande
énergie les égorgcurs de septembre ,
et surtout le sanguinaire Marat. Une
profonde indignation prêta de nou-
velles armes à son éloquence. Occu-
pant la tribune api'ès Marat , il pa-
rut eji ressentir une honte que par-
tageait toute l'assemblée : « Qu'il est
» pénible pour moi , dit-il , de rem-
» placer à celte tribune un liommc
» tout dégouttant de calomnies , de
» fiel et de sang ! » Malgré tout l'ef-
fet que produisit le discours de Ver-
gniaux , sa motion fut écartée par
l'ordre du jour. La majorité de la
Convention était toujours disposée
à écouter les Girondins , elle les ap-
prouvait; mais rarement ils emj)or-
taient ses délibérations. Ou se dé-
fiait avec raison de leur force réelle ;
et eux-mêmes n'en auraient pu trou-
ver que dans les décrets de cette as-
VER
semblée. De là le rejet tle la propo-
sition faite par Biizot, et appuyée
par Veri^niaux, tendant à appeler au-
tour de la Convention un corps char-
ge' spécialement de sa garde , et com-
posé de jeunes gens que les départe-
ments eussent choisis avec l'attention
la plus sévère. Ce projet se discuta
lentement : les Jacobins l'atlaquè-
rent, et voici comment un historien,
témoin de ces débats, résume cette
discussion : « Paris est aujourd'hui
» trauquilie , disait Robespierre. —
» Le sang versé au 2 septembre fu-
» me encore , répondait Verguiaus.
» — Tout respecte l'autorité de la
» Convention. — Vous, vous la dé-
M noncez chaque jour dans vos sédi-
» tieuses assemblées , dans vos feuil-
» les sanguinaires. — Le peuple de
» Paris est calomnié par un tel dé-
» cret. — Il gémit comme nous sous
» les assassins qui l'oppriment. —
» Vous voulez créer une tyrannie.
« — Nous voulons nous soustraire
» à la vôtre. — Vous établissez une
)) garde prétorienne. — Mais vous,
» vous commandez à une borde de
» brigands. — La Convention est
» gardée par l'amour du peuple. —
» La Commune de Paris est entre elle
» et le peuple. » Ce peu de paroles ,
extraites des discours des orateurs ,
fait assez connaître la situation res-
pective des deux partis. Jusqu'aux
débats fameux qui précédèrent le
])rocès de Louis XVI , la Conven-
tion offrit cbaque jour l'aspect d'une
arène où les deux partis se dispu-
taient avec fureur. Les ])lus petits
objets comme les plus importants
donnaient lieu à ces discussions ora-
geuses. Il serait trop long de rappe-
ler les circonstances qui inspirèrent
quelques beaux discours à Vergniaux.
On peut lui reprocher de n'avoir
pas , malgré les fréquentes inter-
VER .203
pellations de Louvet , appuyé l'ac-
cusation de ce député oonïrc Ro-
bespierre ( '.19 octobre). Voici com-
ment Louvet s'exprime, à ce sujet,
dans ses Mémoires. « Salles , Bar-
» baroux , Buzot et moi , nous ne
» cessions de dénoncer la faction
» d'Orléans. Guadet , Pétbion et
» Vergniaux ne nous secondaient que
» faiblement.... Digne et malheureux
» Vergniaux, dit encore ce député,
)) pourquoi n'as-tu pas plus souvent
» surmonté ton indolence naturelle?
» et surtout pourquoi , lorsqu'ils en-
» vironnaient la représentation de
«mille embûches mortelles, pour-
» quoi tes yeux ont-ils refusé de voir?
» Après le 1 0 mars , ils se fermaient
» encore j ils ne se sont ouverts que
» le 3i mai, hélas , et trop tard! »
Il retrouva cependant son énergie
pour appuyer la proposition de Sal-
les {V. ce nom ) , qui demandait que
le roi eût la faculté d'appeler au peu-
ple du jugement à intervenir contre
lui ( Si décembre ). Le discours que
Vergniaux prononça en cette cir-
constance est sans contredit son chef-
d'œuvre. Il lit d'autant plus d'im-
pression , qu'il fut entièrement im-
provisé, k travers quelques conces-
sions qu'exigeait l'esprit du temps,
on y démêle l'intention évidente de
sauver les jours du roi. Il était im-
possible de le défendre plus habile^
ment dans la position oii il se trou-
vait. Vergniaux annonçait les évé-
nements qui suivraient la mort de
Louis, comme si le livre de cette
terrible histoire eût été ouvert sous
ses yeux. Jamais il n'avait déployé
avec plus d'éclat ces images qui
donnent à son éloquence un carac-
tère tout particulier. Après avoir
montre la guerre avec tous ses 11 eaux ,
épuisant la France, si la Conven-
tion , par la mort de Louis XVI , at-
1A04
VER
tirait sur îa patrie la vengeance des
rois de i'Euruj'e , il ajoutait : « Crai-
» guez qu'au milieu de ces triomphes,
» la France ne ressemble à ces mo-
» numents fameux qui , dans l'Egyp-
» te, ont vaincu le temps : l'étranger
» qui passe s'ctorme de leur gran-
» deur; s'il veut y pe'ne'lrer, qu'y
» trouvcra-t-il? des cendres iuani-
» me'es et le silence des tombeaux I »
Mais tout ce que le génie du Dante a
pu concevoir de plus sombre semble
au-dessous de la terrible image par
laquelle Vergniaux terminait son ad-
mirable improvisation. S'adressant
aux citoyens de Paris, qui, après
avoir été les instruments de l'élé-
vation de Robespierre, allaient de-
venir les esclaves et les victimes
d'une poignée de brigands, il s'é-
criait : a Quelles seraient vos rcs-
» sources ? quelles mains essuie-
» raient a'os larmes et porteraient
» des secours à vos familles désespé-
» rées? Iriez-vous trouver ces faux
» amis , ces perfides flatteurs, qui
» vous auraient précipités dans l'a-
» Mme? Ah î fuyez-les plutôt I re-
» doutez leur réponse : je vais vous
» l'apprendre. Vous leur demande-
» riez du pain : ils vous diraient :
» Allez dans les carrières disputer
y> àla terre quelques lambeaux san-
» glants des ■victimes que nous
» avons égorgées ! Ou : Voulez-
») vous du sang? Prenez, en voici!
» Du sang et des cadavres , nous
» n'avons pas d'autre nourriture à
■» vous q/jriri » Quelques j ours après,
Vergniaux vota la mort de Louis
XVI. Une faible et illusoire modifi-
cation accompagnait ce vote. Il de-
mandait , aiusi que l'avait fait le dé-
puté Mailhe, que la Convention exa-
minât, après le jugement , s'il n'é-
tait pas de l'intérêt public que l'exé-
cution en fût différée ; mais il dé-
VER
clarait son vote pour la mort in-
dépendant de cette demande (4). Il
présidait l'assemblée le jour de la
condamnation, et ce fut lui qui pro-
nonça la sentence. 11 le fit, il est
vrai , d'une voix émue , et après avoir
engagé ses collègues, au nom de
l'humanité, à garderie plus px-ofond
silence. Il avait voté pour l'appel au
peuple , il vota contre le sursis à
l'exécution, dernier moyen qui eût
pu produire le même résultat que
l'appel au peuple. Cette lâcheté tar-
dive ne put laire oublier aux Jaco-
bins la courageuse harangue dans
laquelle Vergniaux les avait démas-
qués. Aussitôt après le supplice de
Louis XVI , ils mirent autant d'a-
charnemeut à poursuivre les Gi-
rondins , que ceux - ci en avaient
mis , avant le lo août, à poursuivre
l'infortimc monarque. Vergniaux ,
durant cette lutte, sortit plus d'une
fois de sou apathie par des mouve-
ments d'une éloquence sublime ; mais
ni lui , ni ses amis ne surent jamais
agir. Le lo mars, des pétitionnaires,
excites par les Montagnards de l'as-
semblée, vinrent demander sa tête
ainsi que celle de Gensonné et de
Guadet. La veille , les Girondins
auraient été assassinés sur leurs bancs
par les brigands des tribunes , si ,
avertis à temps de ce complot , ils
(4) L'embarras qui règne dans la rédaction
de son Tote dcnole une conscience troublée.
«J'ai TOle, disait -il, pour que le décret fiit
« soumis à la sanction du peuple. Dans mon opi-
» uiou , les principes et les considérations poljti-
>> ques de l'inlcrèt le plus majeur en faisaient un
» devoir àla Convention. La Convention nationale
» eu a décidé autrement. J'obéis : ma conscience
» est acquillée. Il s'agit maintenant de statuer sur
» la peine à infliger a Louis. J'ai déclaré hier que
« je le reconnaissais coupable de conspiration con.
» Ire la liberté et la surelé nationales. Il ne m'est
j) pas permis aujourd'bui d'hésiter sur la peine. La
» loi parle ! c'est la mort : mais eu prononçant ce
>> mot terrible , inquiet sur le sort de ma patrie ,
» sur les dangers qui menacent même la liberté,
» surtout le sang qui peut être versé, j'exprime le
« même vceu que Mailhe , etc. »
VER
ne s'étaient abstenus de se rendre à
la séance du soir. Trois jours après,
Vergniaux dénonça cette conspira-
tion à l'assemblée et obtint nn dé-
cret portant nomination de douze
membres pour défendre la Com-en-
tion dans ses périls. C'est dans ce
discours qu'il comparait la révolu-
tion à Saturne dévorant successive-
ment tous ses enjaiits. C'est là en-
core qu'on trouve cette suite de belles
images : « Un tyran de l'antiquité
» avait un lit de fer sur lequel il
» faisait étendre ses victimes , muti-
» lant celles qui étaient plus grandes
» que le lit, disloquant douloureuse-
» ment celles qui l'étaient moins pour
» leur faire atteindre le niveau. Ce
» tyran aimait l'égalité , et voilà
» celle des scélérats qui te déchi-
)) rcnt (o peuple) par leurs fureurs î
« L'égalité pour l'homme social n'est
» que celle des droits ; on te la re-
» présente sous l'emblème de deux
» tigres qui se déchirent; vois-la sous
)) l'emblème plus consolant de deux
» frères qui s'embrassent I Celle que
» l'on veut te faire adopter , fille de
» la Laine et de la jalousie , est tou-
» joursarmée de poignards. La vraie
» égalité, fille de la nature , au lieu
i> de les diviser , unit les hommes
w par les liens d'une fraternité uni-
M versellc. ... Ta liberté I des mons-
» ti'es rétouffent et offrent à ton culte
» égaré la licence. La licence, comme
» tous les faux dieux, a ses druides,
1) qui veulent ia nourrir de victimes
)> humaines. ...» Mais c'était en
vain que Vergniaux avait pour la
centième fois recommandé à la ma-
jorité de renoncer à cette faiblessequi
perd tous les gouvernements , pour
s'armer de l'énergie qui les sauve.
Ses efforts ne firent encore cette fois
qu'accélérer les coups des Jacobins.
Par décret rendu le 8 avril , la Con-
VEU io5
vention^ sur la proposition de Ma-
rat . (Jte à ses membres le privilège
de l'inviolabilité. Robespierre s'em-
presse de faire usage de l'arme que
ce décret lui fournit contre les Gi-
rondins : il accuse Vergniaux , Gua-
det, Brissot, etc., comme complices
de Dumouriez et d'Orléans. Ver-
gniaux fit, à cette accusation , une
réponse si vive et si lumineuse , que
les tribunes elles-mêmes restèrent in-
terdites et n'osèrent soutenir le dé-
nonciateur. Quelques jours après, des
jiétilionnaires se présentent de nou-
veau à l'assemblée et demandent, au
nom des sections de Paris , la pros-
cription de vingt-deux députés , à la
tète desquels se trouve Vergnianx.
Cette pétition fut improuvée par la
Convention; mais la Montagne n'en
avait pas moins désigné ses ennemis
à la fureur du peuple ( 20 avril).
Dès ce moment, les vingt-deux dépu-
tés ne virent plus passer un jour
sans entendre leur proscription ré-
clamée par de nouveaux pétition-
naii'es. Le parti girondin reçut le
dernier coup dans la journée du 3i
mai , où Ton vit les Jacobins des
sections demander à la Convention
la mise en accusation des vingt-deux,
et la suppression de la commission
des douze. Vergniaux , dans cette
occasion , ne montra ni la même
éloquence que Guadet, ni le même
courage que Rabaud-Saint-Elienn?.
En présence des brigands qui assié-
geaient toutes les parties de la salle,
il proposa que tous les membres prê-
tassent le sermeut de mourir à leur
poste. Cette insignifiante motion fut
adoptée d'enthousiasme ; mais le sci'-
ment fut à peine prêté, que, sous dif-
férents prétextes, une foule de députés
quittèrent la salle. Cependant les
adresses sanguinaires des sections
et les motions des Montagnards se
206
VER
succédaient sans interruption , aux
applaudissements tumultueux des tri-
bunes. Vergniaux demanda plusieurs
fois, mais inutilement, qu'elles fussent
e'vacuécs. Lui- même sortit de la salle
pour reconnaître les dispositions de
la multitude. 11 rentra, peu de temps
après , avec un air de confiance , et
annonça que, parmi les citoyens dont
la Convention était entourée , le plus
grand nombre se montrait plein de
respect pour elle. Il proposa , au
grand étounement des deux partis ,
que l'assemblée décrétât que Paris
avait bien mérité de la patrie. Les
Jacobins accueillirent ce décret avec
une insolente allégresse ; mais rien
ne put désarmer Icir fureur. Le pro-
cureur de la Commune (L'Huillier)
vint encore demander la proscription
des vingt-deux. Valazé et Vergniaux
s'opposèrent en vain à ce que l'assem-
blée délibérât sur cette pétition : en
vain il sortit un instant de la salle
avec plusieurs de ses amis , pour ne
point prendre part à une telle délibé-
ration , et pour aller se mettre sous la
protection de la force armée ; Robes-
pierre , qui avait demandé la parole
pour appuyer la pétition, n'était pas
d'humeur, comme il le dit lui-même,
à perdre ce jour en vaines clameurs
et en mesures insignifiantes. Cepen-
dant son discours, qui se prolonge en
phrases embarrassées, fatigue l'audi-
toire. « Concluez donc » , s'écrie Ver-
gniaux, qui venait de rentrer au mi-
lieu des vociférations des tribunes.
Alors Robespierre reprenant, « Oui,
» dit-il , et je vais conclure contre
>) vous ; » puisildemandequel'assem-
blée décrète d'accusation tous ceux
qui ont été désignés par les pétition-
naires. La journée se termina sans
rpi'aucunc mesure eût été prise con-
tre les Girondins. Mais le i juin, une
nouvelle insurrection arrache à la
VER
Convention un décret d'arrestation
contre eux ( F. Coutdon). Insou-
ciant pour son existence comme il
l'avait été pour les plus grands in-
térêts politiques, Vergniaux ne cher-
cha point à fuir comme plusieurs de
ses collègues (5); il fut d'abord détenu
chez lui sous la garded'un gendarme.
Le 5 juin il adressa au Comité de
salut public une lettre par laquelle il
le pressait , dans les termes les plus
énergiques , d'accélérer son rapport,
et demandait la poursuite des auteurs
des événements des Si mai , i^r. et
2 juin. Il demeura plusieurs mois
dans son domicile sous la surveillan-
ce de son garde , ayant même la per-
mission de sortir avec lui. Un jour,
cet homme lui témoignait ses inquié-
tudes sur la possibilité où il était de
s'évader. A ergniaux répondit que s'il
en avait l'intention , il le dédomma-
gerait des pertes qu'il lui causerait ;
« mais , ajouta -t- il , je ne veux
» point m'écbapper : si je l'avais
(5) Vergniaux ne fut point arrêté dans la salle
de la Convention, comme on l'a dit (art. DUCOS).
Voici , à ce sujet , quelques détails dont nous j;a-
raiilissous l'authenlicife. Vergniaux, qui était cé-
libataire, demeurait dans la rue de (^iichy, avec
Ducos et Buver-Foufrède ses collègues, et leurs
jeunt-s et intéressantes épouses. Le ?, )uin au soir,
un Avignotiais , qui, loin de jiartager les anciennes
opinions de Verifuiaux , avait persouuelleinent à
lui reproclier l'aïunistie des assassins d'Avignon,
mais qui estimait ses talents qu'il regardait couinic
une barrière à ia tyrannie croissante de Robes-
pierre , alla le trouver , lui offrit un asile dan*
sou appartement, et l'y emmena presque de force.
Veryniaux y passa la nuit. Il aurait pu y rester plus
long-lemps , saus rraiute d'être découvert, puisqu'il
n'y a^ail aucune liaison , aucune intimité connue
entre lui et son bote. I\Iais inquiet, irrésolu , ta-
citurne, il était dans un état d'abattement et de
consternation , indigue du grand caractère qu'il
avait déployé en tant d'occasions ; et loin de rap-
peler l'audacieux tribun , reloqucut orateur, il ne
montrait que la pusillanimité d'un bomrae Irès-oi-
dînaire. Le lendemain , il voulut absolumerit re-
tourner cbex ses deux amis , qui n'avaient pas en-
core été compris dans le décret d'accusation. L'A-
vignonais , im peu revenu de la haute opinion
qu'il avait conçue du personnage , insista fai-
blement pour le lelenir , et le fit reconduire par
son fils dans la rue de Clichy , où il fut arrêté le
lendemain ; c'est le fils de l'Aviguonais lui-même
qui rédige aujourd'hui cette note , et qn: en atteste
la vérité. A — ^T.
VER
» voulu , j'en aurais trouve dix fois
» le moven. » Drouet et Couthoii ,
daus la séance du 8 juillet , présen-
tèrent celte réponse comme une ten-
tative de séduciion envers le gendar-
me , et demandèrent que Vergniaux
tut déclare traître à la patrie j mais
cette proposition fut rejelëe. Le mê-
me jour, Saint - Just , au nom du
Comité de salut public , avait lu
im rapport , par lequel il con-
cluait à la mise en accusation de
Vergniaux , de Gensonne et de Gua-
det. Il est curieux de voir eu quels
termes et pour quels motifs on les
accusait de royalisme. Le grand cri-
me de Vergniaux était de n'avoir
fait suspendre le roi, au lo août,
que pour le soustraire à la fureur
populaire. Saint - Just lui repro-
chait surtout la douleur qu'il avait
manifestée dans sou maintien et dans
ses paroles , en prononçant cetle sus-
pension. « Vergniaux, qui tenait ce
» langage, ajoutait le rapporteur, a-t-
» il deux cœurs ? l'un qui s'afflige de
)) l'abaissement du trône, l'autre qui
» est l'ami de la république? » Quel-
ques jours après , cette discussion
ayant étéreprise(i5 juillet), Billaud-
Varennes prononça , contre les Gi-
l'oudins, un long discours, qu'on peut
regarder comme un nouvel acte
d'accusation. Il insistait principa-
lement sur les négociations qu'ils
avaient entamées avec la cour. « Ce
» qui démontre leur royalisme ùi-
» vétéré , dit-il , c'est la proposition
» faite le lo août , par Vergniaux ,
» d'envoyer à Louis XVI une dé-
» putation , d'abord de soixante
» membres , puis de deux cents, »
Au milieu de déclamations absurdes
ou furibondes , on trouve cependant
ce passage, qui caractérise assez bien
la politique indécise des Girondins ,
et particulièrement de Vergniaux :
VER 207
« Telle est la fausseté de ces hom-
» mes, qu'après avoir employé tou-
» tes les ressources de l'éloquence
» pour soustraire Louis le dernier à
» l'échafaud , ils ont eux-mêmes voté
» la plupart pour son supplice. . . .
» Vergniaux oublie ses peintures dé-
» goûtantes de proscriptions et de
» cadavres entassés dans des fossés ,
» pour y précipiter le tyran de sa
» propre main » Cependant
Vergniaux avait été incarcéré a^'ec
Brissotdans le palais du Luxembourg,
au grand scandale des Jacobins , qui
auraient voulu qu'ils fussent jetés
dans un cachot , et qui prétendaient
que , dans celte superbe }!rison , ils se
reposaient et jouissaient presque
du fruit de leurs crimes (6). Malgré
les réclamations continuelles des Mon-
tagnards, le procès des Girondins ^
qu'on avait retardé jusqu'à Torgani-
sation du nouveau tribunal révolu-
tionnaire , ne commença qu'après
le procès de la reine. Les Monta-
gnards gardaient Vergniaux et ses
collègues comme otages , jusqu'à
ce que les mouvements contre -ré-
volutionnaires de Lyon , de Tou-
lon et de Bordeaux fussent apai-
sés. Enfin leur acte d'accusation , ré-
digé par Amar, fut présenté, le i5 oc-
tobre, à la Convention. Celte pièce
offre encore des détails bien remar-
quables. Là se renouvelle à chaque
paragraphe l'accusation de royalis-
me ; c'est surtout la présidence du
10 août , qui fournit les principaux
griefs contre Vergniauxj son émotion
à la vue du roi captif , son opposi-
tion à ce que les membres des as-
semblées constituante et législative
fussent exclus de la Convention , les
registres de la liste civile déposés sur
(6) Ce propos atroce Tut tenu à la société des
Jacobins.
2o8
VER
Je bureau , la déchéance définitive
du roi , prononcée au lieu de sa sus-
pension; on l'accusait encore d'avoir
parle en faveur de Dumouriez ; d'a-
voir, ainsi que les aulres Girondins ,
faitbattreles soldats de la république
par Valence, et massacrer les repu-
îjlicains dans la Vendée. On lui re-
prochait, à lui particulièrement, de
s'être de'chaîné à la tribune contre
Paris ; d'avoir annoncé que les dé-
partements feraient scission avec
cette capitale ; d'avoir professé la
doctrine du fédéralisme , en décla-
rant que les députés n'étaient que les
ambassadeurs de leurs départements,
etc. Le procès des Girondins com-
mença le i5 octobre. Les accusés se
défendirent avec autant d'habileté
que d'énergie. Vergniaux , siu'tout ,
prenait, eu répondant ta ses accusa-
teurs , un ton d'indiiférence dédai-
gneuse, qui fit la plus profonde im-
pression sur l'auditoire. Lorsque ,
dans sa déposition , Fabre d'Eglan-
tine imputa aux Girondins le vol du
garde-meuble, il s'écria : « Je ne me
» crois pas réduit à l'humiliation de
» me justifier d'un vol. » Litcrpellé
sur quelques lettres qu'il avait écrites
à Bordeaux : « Depuis mon arresta-
» tion , répondit -il, j'ai écrit pki-
» sieurs lettres : dire que , dans ces
» lettres , je fis l'éloge de la journée
» du 3î mai, serait une lâcheté; et
» pour sauver ma vie, je n'en fei'ai
» point. Je n'ai pas voulu soulever
» mon pays en ma faveur; j'ai fait
» le sacrilice de ma personne. » Cet
intérêt général qu'excita Vergniaux
ne laissait pas que d'alarmer les Ja-
cobins. On en voit la preuve dans ces
paroles qu'Hébert prononça, le 27 oc-
tobre, à la société des Jacobins, en
parlant des autres Girondins : « Ceux-
» là n'en peuvent échapper; mais
)) il n'en est pas de même d'un phé-
VER
» nix qu'on veut faire renaître de ses
» cendres : c'est Vergniaux. Déjà
» plusieurs dames aimables s'inté-
» ressent à lui , publient qu'il se dé-
» fend comme un ange , et qu'il op-
» pose de bonnes raisons à ses accu-
» satcurs ( 7 ). » Vergniaux et ses
collègues avaient tellement effrayé
l'odieux tribunal par l'énergie de
leurs réponses, qu'il eut la lâcheté
de s'en plaindre à la Convention ; et
sur la proposition de Billand-Varen-
nés , cette assemblée décréta qu'ils
seraient jugés révolutionnairement.
Dans la même séance, une dëputa-
tion de la société des Jacobins était
venue demander que les jurés du tri-
bunal révolutionnaire pussent , pen-
dant le procès , déclarer être assez
éclairés , et par suite clore les dé-
bats. Osselin avait converti celte de-
mande en une motion qui fut adop-
tée. En conséquence , le 3o octo-
bre , les débats furent fermés , et
la sentence de mort prononcée. Tan-
dis que Valazé se perçait d'un poi-
gnard, les autres condamnés firent
entendre les cris de vwe la répu-
blique ! Les juges ^ effrayés , quittè-
rent précipitamment leurs sièges. On
ramena les accusés en prison : ils fu-
rent exécutésle lendemain .Vergniaux
s'était muni d'un poison sûr; il refu-
sa de s'en servir , pour accompagner
son jeune ami Ducos à l'échafaud.
(7) Les débats ne révélèrent aucune circonslance
nouvelle sur la direction secrète de la politique
des Girondins. Aucun d'eux ne nia la ucgociatiou
entamPC avec la cour , par l'entremise du peintre
Bo'ie. Les dépositions étaWireul que , darant l'as-
semblée législative , Guadet, Gensonué et Brissot al-
laient, avant l'ouverture de la téance, se concerter
chez, Vergniaux, Un l'ait assez singulier qui fut dé-
posé par le témoin Desfieux , infâme jacobin de
Bordeaux, c'est que, dans une fête brillante donnée
chez Talma , les Girondins avaient voulu assassi-
ner Marat, qui avait osé s'y présenter sans être in-
vité. Vergniaux repoussa cette calomnie ; mais il
ajouta qui; l'imprcs.,,ion d'horreur qu'avait répan-
due dans cette réunion l'arrivée subite de ce mons-
tre, avait causé une grande inquiétude aux femmes.
VER
C'est ainsi qu'il termina , le 3 1 oc-
tobre 1793, sa brillante, mais ora-
geuse carrière, à l'âge de trente-cinq
ans. Doue de l'éloquence du tribun ,
il était dépourvu des connaissances
du pubîiciste et des vues de l'homme
d'ëtat. Son cœur n'était point fait
pour le crime; mais, comme tous
les caractères faibles qui ont l'ambi-
tion de la puissance, il s'était laissé en-
traîner à des attentats politiques qu'il
voulut ensuite et ne put pas réparer.
Il passait pour faire des vers très-
agréablement (8). D — R — R.
VERGY ( Antoine de ) , comte
de Dammartin , s'attacha à Jean-
Sans-Peur ( Voj. ce nom ) , duc de
Bourgogne , et fut blessé en 1 4 1 9 ?
lors de l'assassinat de ce prince, qu'il
accompagnait à l'entrevue de Mon-
lereau-fault-Yonne. 11 suivit le parti
des Anglais contre le Dauphin , et fut
créé maréchal de France par le roi
d'Angleterre, qui, pendant la maladie
de Charles YI, prenait le titre de
régent du royaume. Il devint ensuite
capitaine- général de la Bourgogne
et du Charolais , et chevalier de la
Toison-d'Or. En 1 4*23 , il délit les
troupes de Charles VII , à Crevant
près d'Auxerre , et se trouva , en
i43'2_, à la bataille de Bulgneville,
où René d'Anjou ( Vof. ce nom )
succomba et fut fait prisonnier par
Antoine de Lorraine, comte de Vau-
deniont, son compétiteur, doutVer-
gy avait embrassé la cause. Il mou-
rut en 1439, sans laisser de posté-
(8) La société d'agricullure , des sciences et des
arts de Limoges ayant proposé pour sujet de prix
d'éloquence l'éloge deVcrgnîaux, la médaille d'or
fut donnée , 107,4 "■*• i80f), à M. Gédéon Genty-
de-Laborderie, alors étudiant à l'école de droit de
Poitiers. Son ouvrage a «té imprimé à Limoges ,
clie?. Dalesracs. Il n'existe point de collection des
discours de Vergniaux. Ou en trouve quelques-
«lus daus le Choix de rapports , opinions et dis-
cours prononcés à la trihnne nationale^ etc., pre-
mière série , Paris, 1818-1825 , 7.4 volumes iu-S".,
y compris la table. A. B — T.
XLVUI.
VER
Û05
rite , quoiqu'il eût été marié deux
fois. — Guillaume de Vergy , séné-
chal de Bourgogne, mort après l'an
1272 , était l'époux de Laurc , fdle
de Mathieu I^' . , duc de Lorraine.
Cette dame , supposée veuve avant
même qu'elle fût mariée , est l'hé-
roïne du roman de la Comtesse de
Ferg,y ^àonl l'auteur ( Foy. Adrien
de ViGNAcouRT ) place les aven-
tures rà la cour d'Eudes III , duc do
Bourgogne , qui avait épousé , en
1 1 99 , Alix de Vergy , morte en
I25l. P RT.
VERGY (Antoine de), arche-
vêque de Besançon, était de la même
famille que les précédents , l'une des
plus illustres du comté de Bourgo-
gne ( I ■). Conduit , dans son enfance ,
en Espagne , il y fut placé près de
l'srchiduc Charles (2), et sut se
concilier la faveur de ce prince , qui
depuis tenta de le rappeler à sa
cour, par l'olTre des plus brillants em-
plois. Il n'avait que quatorze ans,
quand il fut postulé par le chapitre
de Besançon, le 10 octobre i5o2;
et en attendant qu'il eût atteint l'âge
fixé par les canons , le haut- doyen
fut chargé de l'administration du
diocèse. Il fit son entrée solennelle à
Besançon , en 1 5 1 3 , et reçut l'onc-
tion épiscopale le jour de la Pente-
côte, iSi^. Dès qu'il eut pris pos-
session de son siège , il s'occupa de
défendre les privilèges de son église ,
attaqués en même temps et par les
citoj'ens de la ville et par le par-
lement de la province. Les gouver-
neurs de Besançon ayant refusé de
(i) La Généalogie de cette illustre maison a été
publiée par Ducliesue (?^. ce nom ) , infol. Elira
fourni un cardinal, plusieurs prélats, un maréclial
de France ( Voy. l'art, précédent), des gouver-
neurs de Bourgogne , six chevaliers de la Toison
d'Or , etc. Elle s'est éteinte en 1607. , par la moi t
de Claude de Vergy, gouverneur et capitaine-géné-
ral du comté de Bourgogne.
(7.) Depuis aiarles-Quiul.
i4
210 VER
reconnaître l'indépendance des tribu-
naux ccclcsiasliques , l'archcvcque
mit la ville eu interdit, et se retira
dans son cbàteau de Gy, où il tint,
en i5:io , un synode dont les statuts
ont etc publies. En iSag, il choisit
pour coadjuteur Pierre de La Baume
( Foj-. ce nom ) , que les protestants
avaient forcé d'abandonner le siège
épiscopal de Genève ; et avec l'aide
de ce prélat, il réussit à arrêter
les progrès de l'bérésie dans son
diocèse. Le parlement de Dole s'étant
élevé contre l'abus que les tribunaux
ecclésiastiques faisaient de l'exconi-
municalion (3), l'archevêque dénonça
le premier président Hugues de Mar-
inier , dans les termes les plus vio-
lents i et fit parvenir sa plainte à
l'empereur, alors à Tolède. Charlcs-
()Mint approuvait la conduite de son
])arlement: mais , par suite de son
alïèction pour Antoine de Vergy , il
tenta des moyens de conciliation.
Des commissaires furent nommés de
part et d'autre ; leurs prétentions
léciproques éloignèrent tout rappro-
chement ; et ce r.e fut qu'après la
jnort de l'archevêque et de Pieri'ede
La Baume, que cette grande querelle
fut terminée par un concordat du i'2
août i558 , inséré dans les oi'don-
uances du comté de Bourgogne, liv.
^jj Les deux (ireials, clil Ferdinand Lanipiiu'l ,
culrt;rcut eu grand.s deuièics avec le pai-!cnienL de
Dole, au sujet de leurs iusiires ecclésiastiques,
d.jnl ces prélats voulaient que les jugements s'evc-
etilasseut, sous peine d'excouiniunication ; à quoi
le narlemeut s'opposait , reujontraut qiie Vexcuui-
iuunication , qui nous prive de la communion 'des
ildèles et de l'usage des sacrements, est la plus
t;rande de toutes les peines; et néanmoins , qu'on
l'encourait pour une somme de trois livre s , et en-
core moindre, quand après une seutencc Je l'olii-
cialitc l'on n'en avait pas fait le paiement : d'où
suivaient de si grands abus dans cette province,
cnie l'on y avait vu, dans le même temps, quarante
mille excommuniés ; et dans les villages, des feui-
mcs portant le gonfanon dans la procession , parce
que tous les hommes se trouvaient excommuniés
pour des affaires de néant. SiOl. sèqunn . iUtt. , in-
4"., Il ,fol.f)9. , verso. Dunod ne s'explique pas
aussi clairement, dans son Histoire ecclé.<Uisli:/iie
VER
VI , ch. G ( /^. J. Petbemand). Aiif.
de Vergy était mort le 29 décernbrtr
i54i , laissant la réputation d'un
prélat plein de zèle et très-charitable.
Son épitaphe , que l'on voyait dan.*^
l'église Saiut-Étiemie, le qualifie : Re-
medium pauperuin. W — s.
VERHEYDEN ( François»
Pierre ) , peintre et sculpteur, na-
quit à la Haye en 1657. Ayant
perdu son père de bonne heure , il
fut placé chez Jacques Noraans ,
sculpteur et architecte du roi Guil-
laume m , qui se plut à cultiver
les rares dispositions que cet enfant
montrait pour le dessin. H ne tarda
pas à se distinguer comme sculpteur;
et, en 1671 , il modela unepartie dos
figures et des ornements destinés aux
arcs de triomphe qu'érigea la ville
de la Haye pour célébrer l'entrée du
roi Guillaume dans ses murs. H fut
ensuite chargé, avec le sculpteur Le-
coq et un grandnombre de peintres, de
l'embellissement de la maison royale
de Breda. Les relations continuelles
qu'il avait avec ces peintres lui firent
naître l'idée de s'essayer dans leur
art : après avoir quelque temps tra-
vaillé eiî secret , il leur communiqua
ses ouvrages , qui excitèrent leur ad-
miration. Verheyden laissa alors le
ciseau pour s'adonner exclusivement à
la peinture. On le blâma de vouloir
exercer, k l'âge de quarante ans, un
artqu'il n'avait jamaiscultivé, et d'en
abanilouner un dans lequel il avait ob-
tenu de véritables succès. Sans se lais-
ser détourner par ces reproches, il se
mit à copier les plus belles produc-
tions de Sneyders et d'Hondekœter ;
puis, 5€ livrant à son propre talent ,
il surprit tous les artistes en exécu-
tant et en composant lui-même des
tableaux d'une vaste dimension , re-
jr.ésenlant des chasses an cerf, au
sanglier , animées par une multi
VER
tilde de cil ien s, et reudues avec an
feu extraoï'dinaire. Il ne rëussit
pas moins à peindre les volatiles ,
dans la manière d'Hondekaler. Peu
de peintres ont su rendre avec
autant do vëritc et de légèreté les
poils et les plumes des animaux ,
ainsi que leurs habitudes , leurs al-
lures et leurs mouvements ; et l'on
ne peut douter qu'il n'eût surpasse
les peintres les plus habiles en ce
cenre , s'il fût entré plus tôt dans la
carrière. A ce mente il ]omt celui,
non moins grand , d'une bonne cou-
leur et d'une parfaite harmonie. 11
mourut à la Haye , le 23 septembre
I >] 1 1 ^ laissant , d'un premier ma-
riage, six enfants , dont l'aîné, pein-
tre et sculpteur , mourut cinq jours
après sou père , etdont le plus jeune,
nomme Mathieu , exerça la pein-
ture avec succès. P — s.
VERÏiEYEN (Philippe), l'un
des plus célèbres anatomistes de son
siècle , naquit en i648 dans le Ura-
bant , et travailla jusqu'à l'àgc de
vingt-deux ans avec son père qui
était laboureur. Le curé du lieu , re-
marquant en lui d'heureuses disposi-
tions pour les sciences , l'engagea à
commencer ses études. Verheyeu s'y
livra avec tant d'ardeur, qu'en iQ']']
il était en théologie , se disposant à
embrasser l'état ecclésiastique. Mais
une inflammation qui survint à une
de ses jambes ayant forcé les méde-
cins à l'amputer , il se vit par là
exclu de l'état auquel il aspirait, et
s'appliqua à l'étude de la médecine,
où il eut des succès si remarquables,
qu'en 1689 il obtnit à l'université
de Louvain la chaire d'anatomie , à
laquelle on joignit, en lôgB, celle de
chiriugie. Il mourut, dans ces fonc-
tions, le 28 janvier 1710. Ses princi-
]iaux ouvrages sont : I. Compendii
theoricepracticœpars i et 2, quarum
VER 211
nia prœcipuos affectus capitis , hœc
thoracis hrei>iter expUcat ,\jon\A\ïi. ,
i683, iu-8'^. II. Corporis humani
analomia , in qud tant veterum
quàm rccentiorum aiiatomicoriim
inventa methodo novd describiin-
tur , ac tablais œneis reprœsen-
tantur, Louvain, 1698, in-4<». j se-
conde édition , avec de nouvelles
observations et figures , Bruxelles ,
1710, in-4". ', S'', édit. , Amsterdam,
1781. Ce iVlanuel d'anatomie, classi-
que dans son temps , eut un grand
succès. On y trouve les opinions des
anciens et les découvertes des mo-
dernes, expliquées avec plus de soin
que n'avaient fait ses prédécesseurs.
IjC style est clair et parfois élégant.
Ce livre , traduit en allemand , et
publié à Kônigsberg, 1741 , in-8='. ,
a long- temps servi de manuel pour
les commençants dans les univer-
sités d'Allemagne. Néanmoins il a
été l'objet de plusieurs critiques
souvent fondées • mais Haller y a
loué l'exactitude de la plupart des
descriptions. III. Supplementum
anatomicum , sive anatomiœ cor-
poris humani liber secundus , in
que parlium solidaruni libro pri-
mo descriptarum usas et munia
explicantur. Accedit descriptio ana-
tomica partium fœtus et recenter
nato propriarum. Item controversia
de foramine ovali inter auctorem
et D. Mery , Bruxelles , 1 7 i o , in-
4°. Ces trois ouvi'ages ont été réim-
primés à Naples , 17 17 , iu-4''. IV.
FeraUistoria de horrendo sanguinis
fiuxu ex oculis , naribus , auribus et
ore R. P. Joan. B. Onraet , Soc.
Jesu, et de miraculosd ejusdem sa-
natione per intercessionem S. Fran-
cisai Xaverii , cum annotationibus
brevique discursu de essentiâ mira-
culi et de cultu sanctorum , Lou-
vain, 1708, in-i2. Vof. l'Élogede
14..
212 VER
Verlieyen dans le Journal des sa-
vants , année 1710, p. 109. Z.
YERHOEK (Pierre), peintre et
poète hollandais , à peu pics égale-
ment médiocre dans ces deux arts
( ut pictura poesis ) , naquit à Bode-
grave le 4 septembre iG33, et
j)assa la plus grande partie de sa
vie à Amsterdam , oi^i il mourut le
20 septembre i70.i. Brouerius Van
Niedek a publié le Recueil de ses
Poésies , en i voi. in-4". , Amster-
dam , 1726. Dans le nombre on dis-
lingue sa tragédie de Charles le Té-
méraire. M ON.
VERINE, impératrice d'Orient,
femme de Léon I'^'.^ e'tait sœur de
Basiiisque, dont l'ambition séditieu-
se remplit de troubles le règne de Ze-
non. Verine parut, sous celui de Léon,
uniquement occupée de ses devoirs 5
mais après la mort de son époux,
elle sortit tout-à-coup de ce rôle ho-
norable, conspira contre son gendre
Zenon, après l'avoir appuyé de tous
ses efforts pour lui ouvrir le chemin
du trône • dévoila ses vices et sa fai-
blesse, et enfin le força de prendre la
fuite : mais elle n'avait causé tant de
désordres que pour faire couronner
Patrice, son amant j et ce fut avec
uue extrême fureur qu'elle se vit
trompée dans ses espérances. Basiiis-
que , son frère , fut couronné. Elle
servit alors secrètement Zenon , qui
parvint à remonter sur le trône, mais
qui, fatigué de ses intrigues ^ la fit
enfermer dans le château de Papyre
en Isaurie, où elle mourut en 4Ô4.
Ariadne, sa fdle , mariée à Zenon,
fut presque toujours complice de ses
fureurs et de ses intrigues. L-s-e.
VERINO (Ugolin ), poète latin,
né à Florence en 144*^ 7 ^ composé
divers ouvrages médiocres, quoique,
au témoignage d'Auge Poîiticn, il fût
un des liliéraleurs les plus instruits
VÈR
de son temps. Ces ouvrages sont :
les Expéditions de Charlemagne ,
la Prise de Grenade , une Sylve en
l'honneur de Philippe Benita, et trois
Livres à la louange de sa pairie: De
illustratione Florentice , 1 483, in-4*'.
Ce dernier ouvrage est le plus estimé.
L'auteur mourut, en iSoS^âgéde
soixante-trois ans. — Verino ( Mi-
chel ) , son fils , que quelques biogra-
jihes font naître aussi à Florence, et
mourir en i5i4, c'est-à-dire neuf
ans après la mort de son père, na-
quit réellement dans l'une des îles
Baléares , à Minorque , et fut amené
fort jeune à Rome, où son père fai-
sait de fréquents voyages. Son édu-
cation y fut confiée à Paul Saxe, de
Ronciglione, bon grammairien et ex-
cellent rhéteur, auquel il dédia de-
puis les prémices de sa muse latine,
ses Distiques moraux, où il a su ren-
fermer les plus belles sentences des
philosophes de l'antiquité, et j'arti-
culièrcment celles de Salomon. Il se
montra tellement supérieur à tous
ses condisciples, par les agréments de
son esprit et la force de son génie ,
que, s'il eût fourni une longue car-
rière, il auraitpeut-êtreégalé la renom-
mée des meilleurs poètes latins. Son
caractère était mélancolique, sa pro-
nonciation dilïicile- et il était natu-
rellement silencieux. Il eut pour amis
Dino, Ridolfi, Pierre et Simon Cani-
siani , avec lesquels il entretint des
correspondances, c" dont il fait sou-
vent mention dans ses Distiques. Il
paraît qu'il se voua , vdès l'adolescen-
ce, à une virginité perpétuelle; et
l'on rapporte qu'étant tombé dange-
reusement malade , les mc'decins lui
conseillèrent de se marier s'.il voulait
recouvrer la santé j mais il refusa
de suivre leur avis , et mourut à
l'âge de dix - neuf ans , sacrifiant
ainsi son existence à l'amour de
VER
la cliastetë. Presque tous les poètes
ses contemporains déplorèrent sa fin
précoce. Ivarra lui fait dire :
l'er senos Lachesi rapior puer allas in annos ,
JJàm yenciifj'ugio, i/nam mala fcrrel , vpeiii.
Geraldino ( Ant. ) l'appeile Decus
iininortale pudoris. Le distique sui-
vant, de Bern. Miclielotti , prouve
que , loin de survivre à son père, com-
me ou l'a prétendu , celui-ci , au con-
traire, eut à pleurer sa mort :
i\'ey/e/ vivo i fntor tandem ^ pater optime y veris
Deliciis: ccrlo, posleritaie , Dec.
Nous citei'ons encore le témoignage
d'Ange Polilien, intime ami de son
père Ugolin , qui , dans huit vers , a
renferme l'histoire de sa vie et celle
de ses ouvrages :
VERINUS Michaeljlorentibus occidit annis :
Morihus ambi^iLuni major an ins^enio.
Dislicha coniposuit docto niirantla parenti,
Quœ ciauduni gyro grnndia sensa brcvi.
Sola yenus paierai lenlc surcurrere morbo ;
Ne se poUueret, maluit ille mori,
Ilicjacet, heu! patri dolor , et decus; indèjuventus
Exempluni ; vates materiam cupianL
La versification de Michel Verino
est facile et cle'gaute. Ses Distiques
( Disticha ethica ) , au nombre de
trois cent vingt-sept , ont été impri-
més en France , traduits en vers fran-
çais et en prose. L'édition la plus
complète et la plus correcte est celle
d'Ant.-Aug. Renouard , dans son Re-
cueil intitulé : Cannina ethica, ex
diversis auctoribiis , Paris, I7g5,
gr. in-i8. M-G-R.
VERJUS (Louis de), comte de
Crécy, habile négociateur , naquit à
Paris , en 1629 , d'un conseiller au
parlement. Pendant les guerres de la
Fronde, il entra dans les vues du car-
dinal de Retz , auquel il se montra fort
dévoué. Plus tard , il obtint la charge
de secrétaire du cabinet du roi. Louis
XIV, ayant deviné sa capacité pour
les affaires , lui conlia une mission
en Portugal. Avec l'aulorisatiou de
VER
2l3
son souverain, il accepta la place de
secrétaire des commandements de la
reine Isabelle de Savoie; et il la rem-
plissait encore en 16G8. Rappelé en
France l'année suivante, il fut envoyé
sur-le-champ en Allemagne, pourtrai-
ter avec lesprincesopposés à la maison
d'Autriche. 11 eut des démêlés très-
vifs avec le baron de Lisola, ambas-
sadeur de celte puissance^ mais,
suivant Bayle , personne ne répon-
dit d'une manière plus piquante à
ce redoutable adversaire ( Foyez
Lisola ). En iÔ'^q , il fut nom-
mé plénipotentiaire à la diète de Ra-
tisbonne , où il montra beaucoup de
dextérité et de ressources dans l'es-
prit. 11 concourut, en 1697 , au trai-
té de Riswyck , qui rendit la paix à
l'Europe , déchirée depuis dix ans
par une guerre sanglante et générale.
Cette paix, tant désirée , fut reçue à
Paris comme l'aurait été la nouvel-
le d'un affront à l'orgueil national.
Les mécontents , n'osant pas s'en
prendre au roi, firent le tomber leur
mauvaise humeur sur Verjus et ses
collègues. « Ils n'osaient, dit Voltai-
re {Siècle de Louis XI F) , se mon-
trer ni à la cour ni à la ville : on les
accablait de reproches et de ridicu-
les , comme s'ils eussent fait un seul
pas qui n'eût été dirigé par le souve-
rain. » Ce traité, tant blâmé par les
pohliques , prépara cependant la suc-
cession d'un fils de France à la mo-
narchie espagnole. Dans le tumulte
des affaires, Verjus n'avait pas cessé
de cultiver les lettres. Versé daiis
l'histoire et le droit public , il écri-
vait avec élégance et politesse. Il
remplaça l'abbé Cassagnes à l'acadé-
mie française, en 1679 ; et ce choix
reçut l'approbation publique. Verjus
mourut, le 1 3 décembre 1709, à l'âge
de quatre-vingts ans. On lui attribue :
Réfutation d'un libelle adressé à
2i4 VER
M. le prince iV Osnahruck , sur une
lettre qu'on suppose faussement lui
avoir cte' écrite par Verjus, Paris ^
1674» in- 12. C'est une re'ponse
à la Sauce au verjus de Lisola ;
— quelques Pièces daus les Recueils
du temps. Le P. Verjus, son frère,
dont l'article suit, peut y avoir eu
quelque part. VEloge du comte de
Cre'cy, par d'Alembert, se trouve
dans le tome 11 , 383-90, de Vlfis-
toire des membres de l'académie
française. On a le portrait de ce
négociateur, grand in-fol. , grave par
Ant. Masson. W — s.
VERJUS ( l'abLé de ), frère du
précèdent , né vers i63i , an-
nonça dès sa plus tendre enfance du
goût pour les lettres; à l'âge de six
ans l'étude avait plus de charmes
pour lui que tous les plaisirs de son
âge. Il apprit les principes de la
langue latiuc , au collège des Jésui-
tes , avec une rare facilité. Son ar-
deur pour le travail fut telle que sa
santé en souflrit. On attribua à ses
veillesune Ibixion sur le genou , qui le
força pendant deux ans de renoncer
à ses classes. Il les reprit à treize ans,
et en même temps s'adonna à la lan-
gue grecque. Il étudia ensuite la
théologie, fut reçu docteur en Soi-
bonne , et ne cessa de chercher à
.s'instruire. Les pères grecs et latins
devinrent ses lectures habituelles ,
sans qu'il négligeât pour cela les au-
teurs profanes, philosophes ou poè-
tes. Il ne lisait rien sans en faire des
analyses ou des extraits. Il s'exerça
aussi dans la coraposiliou , soit en
vers , soit en prose; il paraît que sa
correspondance était 1res -étendue.
I/. Holsténius,le P. Waddiug recher-
chaient des lettres latines que Verjus
avait écritesà Rome vers iG56. .Jeu-
ne encore il avait obtenu des succès
dans la chaire; mais sa sanlc ne fut
VER
Jamais bonne. Il souffrait depuis
long-temps lorsqu'il mourut en i603,
âgé de trente-trois ans. On a de lui:
Fauégjriques de M. Verjus, i6(34,
in-4°. , contenantles Panégyriques de
la Sainte Vierge , de la Croix , de
la Vie religieuse , des Saints pour la
fêle de la Toussaint, de saint Au-
gustin , de la Profession religieuse,
de saint Matthieu , de saint Faul ;
un Discours pour la vesture d'une
religieuse y un Discours sur l'humi-
lité, une pièce latine en prose , inti-
tulée : Divo Ludovico PanegjricuSy
et une autre ayant pour titre : De re-
giorum theologorum i/i regem chris-
tianissimum ofliciis oratio{ 1 ). L'édi-
teur du volume fut François Verjus,
prêtre de l'Oratoire, puis évè(|ue de
Grasse , qui mourut en 17 lo. C'était
le frère de l'auteur, auquel le ])rivi-
Ic'ge du roi donne les titres d'abbé ,
conseiller et aumônier du roi. Une
longue jnéface contient de grands dé-
tails sur différents travaux entiepris
par l'abbé Verjus ; on y annonce
(page 27 ) que quelqu'un se propo-
sait de donner un Recueil de ses
Lettres. A. B — T.
VERJUS ( Le P. Antoine ), frère
des jîrécédents, et le premier direc-
teur des missions françaises dans les
Indes - Orientales , naquit à Paris
le 24 janvier 1682. Dès qu'il eut
terminé ses études , il embrassa la
règle de saint Ignace , et fut envoyé
par ses supérieurs en Bretagne ,
011 il professa les humanités dans
différents collèges. Sa politesse et
son goût pour les lettres l'avaient
déjà fait connaître , et il était en
correspondance avec les littérateurs
(i) Outre ces Jeux morceaux en l'honneur Je
Loiiis XIV , l'abbé Verjus avait rompose' un autre
panégyrique ou apologie du mpiue roi. S'il ne fut
pas imprirué en iti64 , il <aut s'en prendre, dit l'é-
diteur, à r aversion du monarque pour la Jlallerie
tl à sa iKodeslic.
VER
ïes plus (lislingiics. Mcu.igc cilc avec
elogtf «ne lettre que le P. Verjus lui
écrivit de Quimper., pour le remer-
cier de sou Recueil de poésies ( V^oy.
Menagiana , m, 129 ). Dédaignant
tous les avantages qu'il pouvait es-
pérer en France, le P. Verjus nour-
rissait le désir de se consacrer aux
missions étrangères, et il ne cessait
de demander à ses supérieurs la per-
mission de passer aux Indes. Mais le
comte deCre'cy, son frère, combattit
cette résolution avec tant de force et
par de si bonnes raisons , qu'il fut
contraint d'y renoncer. En i6'j2, il
accompagna son frère en Allemagne,
par ordre du roi , et se cliargea ,
pour le soulager, de rédiger plusieurs
manifestes français et latins , en fa-
veur des princes , et contre les pre'-
tcntions de la cour de Vienne. Ses
talents et la douceur de son caractère
lui méritèrent l'estime , même des
protestants; et quoiqu'il ne ménageât
guère leurs opinions, il y en eutjjlu-
sieurs qui lui restèrent altaclie's sin-
cèrement, et avec lesquels il conti-
nua d'entretenir une coirespondance
suivie. La place de procureur des mis-
sions du Levant e'tant venue à vaquer^
elle fut donnée au P. Verjus, et pen-
dant tout le teinps qu'il la remplit,
il signala son zèle pour ces e'tablis-
sements, dont l'utilité ne saurait être
contestée. Il se servit du crédit qu'il
avait à la cour pour obtenir l'envoi de
nouveaux missionnaires dans les In-
des-Orientales et à la Chine , et ne
cessa de les favoriser par tous les
moyens qui étaient en son pouvoir.
Ses infirmités, toujours croissantes,
l'ayant obligé de se démettre de cet
emploi , il se disposa , par la prière
et les bonnes œuvres , a sa fin pro-
chaine , et mourut presque subite-
ment , le 16 mai 1706, à l'âge de
soixante- quatorze ans. Le P. Verjus
VER 2i5
est l'éditeur du Recueil intitulé : Se-
hctœ oratiojiespanegyricœPP. soc.
Jesu, Lyon , 1667, '■* vol. in-i'i. Il
eut beaucoup de part à Y Académie
de l'ancienne et de la nouvelle élo-
quence , Lyon, i6G(), 1 vol. petit
in-i2 • ouvrage reproduit sous le titre
de Traduction des Harangues des
historiens grecs et latins , Lyon ,
1669, 2 vol. in-i2. Il a traduit du
P. Ant. Vieira ( Voyez ce nom )
Discours historique pour le jour de
la naissance de la reine de Portu
gai, Paris, 1669, in-4", ; et Dis-
cours sur la naissance de Vinfanie
de Portugal, ibid. , 1671, 'in-4°.
On lui attribue une Apologie du
cardinal de Furstemberg (1), Les
autres ouvrages du P. Vorjus sont :
I. Vie de Michel Le Nohletz, prêtre
et missionnaire en Bretagne, Paris,
1666, in-8o. Il la j)Mblia sous le nom
de l'abbé de Saint-André. IL Fie
de saint François de Borgia , ibid.,
1672, in-40. et in-12 ; elle est inté-
ressante et écrite avec soin. Le P.
Verjus a revu la traduction française
du Catéchisme de (ianisius ( F. ce
nom), édition de Paris, 1688, in- 12.
On a la Fie abrégée du P. Verjus ,
dans une Lettre du P. Legobien
( ^"07-. cenom, XXIII, 570); elle
est ornée de son portrait , qu'on a
dans les formats in-4". et in-i j.
W~s.
VERKOLIE (Jean), peintre, na-
quit à Amsterdam, en i65o, d'un pè-
re, serrurier, qui voulait lui faire em-
brasser son état. II n'était âgé que
de dix ans , lorsqu'une blessure qu'il
se lit au pied, et qui menaçait de
lui faire perdre la jambe et la vie,
le retint au lit pendant trois ans.
Pour se distraire, son seul plaisir
(1) GesL peul-îlic l'ouviagc iutiluie : Prinr'ip.
T'i^nnis FursteinbergU violenta deductio et iHJUit-.i
dclentio, Am-ers f Paris ), 1G74 > iu-i».
3l(î
VKR
était de copier des images et des
estampes. C'est ainsi qu'il devint
peintre. Rendu à ia santé' . il se
mit à lire tous les livres qui trai-
tent de la perspective ; et en moins
d'un mois, il acquit les cçnnaissan-
ces qui lui étaient nécessaires. Alors
il forma le projet de peindre jet
s'étant procuré quelques ouvrages
de Guérard Van Zeil , il sut si bien
en saisir le style et la manière , que
ses copies trompèrent des amateurs.
Cependant le jeune Yerkolie sentit
combien il perdait de temps à vou-
loir apprendre de lui-même ce qu'un
maître pouvait lui enseigner en peu
de leçons j et il pria Jean Liévens de
l'aider des siennes. Ce peintre reçut
avec empressement un pareil élève j
et, mettantà proUt le talent qu'il pos-
sédait déjà, lui donna à terminer
plusieurs tableaux que Guérard ,
avant sa mort , avait seulement ébau-
chés , et dont il était devenu l'acqué-
reur. Verkolie fît alors une tentative
plus hardie , en composant de lui-
même un tableau dans la manière de
ce maître. 11 y réussit si parfaite-
ment , que plusieurs connaisseurs ,
étant venus le voir sans savoir qu'il
lût de lui , dirent en sa présence que
Liévens lui-même n'avait jamais si
bien fait , et qu'ils ne concevaient pas
comment il se trouvait en possession
de ce tableau, puisque Guérard était
mort. Verkolie apprit ainsi ce qu'il
valait, et quitta Liévens au bout de
six mois^ instruit dans ton tes les par-
ties de son art. En 1672 , il se maria,
peignit un nombre considérable de
beaux portraits , et essaya aussi quel-
ques morceaux d'histoire , qui firent
l'étonnement de tous les connaisseurs,
en raison du peu de secours qu'il
avait eus pour parvenir à ce degré
de perfection. On remarqua particu-
lièrement les tableaux de Féniis et
VER
adonis; d'une Pénitente à genoux,
éclairée par une lampe ;ài un Berger
et d'une Bergère , et d'un Trompeta
te , qu'il a gravés lui-même en ma-
nière noire. 11 possédait une bonne
couleur et un pinceau plein de dou-
ceur; son dessin , quoique sans fines-
se , ne manque pas de correction : ses
compositions sont ingénieuses ; et les
sujets qu'il aimait à peindre de pré-
férence sont des assemblées , des fes-
tins , des scènes galantes. Après Vail-
lant et Walck, il est un des artistes
qui se sont le plus distingués dans la
gravure en manière noire. 11 l'avait
apprise sans maître, comme la pein-
ture. 11 a exécuté de cette manière
son Portrait et ceux à' Etienne Wol-
ters , amateur; de Josias Van Ca-
pelle , pasteur à Lejde ; de Cor-
neille Van Acken , pasteur à Delft ;
de Guillaume - Henri , prince d'O-
range , et dJ Hortense Mancini _,
duchesse de Mazarin. Les compo-
sitions qu'il a gravées , outre les pré-
cédentes sont : I. Jupiter et Ca-
listo , d'api'ès Gaspard Nelscher. II.
VénusetV Amour. \\\. Pan et Flore.
IV. Un Jeune homme qidrit , tenant
d'une main un verre , et caressant
de l'autre une jeune Jille. V. Veux
chiens barbets , l'uji aboyant sur
une table , l'autre à terre. VI. LTne
Chatte avec son petit , dormant sur
un coussin. Le Musée du Louvre
possède de ce maître un tableau qui
représente une femme ttiiant sur ses
genoux un enfant enveloppé de lan-
ges. Une servante lui apporte une
tasse ; à droite une table couverte
d'un tapis ; à gauche un chien et le
berceau de l'enfant. Vei'kolie a for-
mé un assez grand nombre d'élèves
distingués , et il est mort à Delft , en
1693. — Nicolas Verkolie , son fils
et son élève, naquit dans la même
ville en 1673. Ayant perdu son pè-
VER
re à l'âge de vingt ans, et lorsque
son éducation pittoresque n'était
point eneore terminée , il tàclia de
reparer cette perte en redoublant
d'assiduité' dans ses éludes. Il ne
tarda pas à se faire connaître par
2)lusieiirs beaux portraits: mais bien-
tôt il se hasarda à peindre l'histoire;
et le succès avec lequel il se livra à
ce genre de peinture lui acquit l'es-
time de tous les connaisseurs , qui ne
balancèrent pas à le préférer à sou
père. Ses ouvrages se firent remar-
quer par la composition et un excel-
lent goût de dessin , auxquels se joi-
gnaient une couleur et un pinceau
ferme , quoique délicat. Ses scènes
de nuit, d'un effet extraordinaire,
sont un ornement , même pour
les collections les mieux choisies.
Les ouvrages qui ont le plus con-
tribué à sa réputation sont : Beth-
sabée au bain ; le Reniement de
saint Pierre ; Moïse exposé sur les
eaux ; une Salle d'une maison d'Ams-
terdam , qu'il a ornée de Sujets tirés
du Pastor Fido , de Guariui ; et une
jolie couturière , à laquelle un jeune
homme fait la cour; scène de nuit,
éclairée par une bougie , dont l'effet
est très-piquant, et le dessin et l'har-
monie supérieurement rendus. Outre
la peinture a l'huile , il possédait un
autre talent, qui lui a mérité une
grande réputation : c'était celui avec
lequel il dessinait , à l'encre de la Chi-
ne, de petits sujets qu'il terminait
ensuite à la plume , avec un soin ex-
trême , et qui ont acquis dans les
ventes un prix tiès-élevc, qu'on doit
attribuer à leur perfection encore
plus qu'à leur rareté. Le Musée du
Louvre possède un tableau de ce maî-
tre, représentant Proserpine occu-
pée à cueillir des jleurs avec ses
compagnes dans les prairies d'En-
na en Sicile^ sans apercevoir Plu-
VER
217
ton, qui attend un instant/avoralle
pour l'enlever. 11 en renfermait un
autre, dont le sujet était un Vieil-
lard assis à son bureau et taillant
une plume, qui a été rendu , en 1 8 1 5,
au roi des Pays-Bas. Verkoîie, com-
me son père , a cultive avec un grand
succès la gravure en manière noire ;
mais il lui est de beaucoup supérieur.
Ses estampes sont des portraits et des
sujets historiques, d'après ses propres
compositions et celles- de dillérents
maîtres. Ses Portraits , selon Huber
et Ro5t, sont au nombre de six; et
ses Sujets historiques au nombre de
quatorze, parmi lesquels Deux pe-
tits chiens de race , qui jouent à
terre , sont très - recherchés pour
l'extrême délicatesse du travail. Ver-
koîie mourut à Delft le 21 janvier
1746. P— s.
V E R L A C ( Bertrand ) , né à
Montpellier ou dans les environs , eu
1757 , eut une vie plus agitée que
brillante : avocat au présidial de
Nîmes, eu 1781 , il était quelques
années après professeur d'anglais à
l'école de la Marine de Vannes.
Monge qui l'avait connu dans ces
dernières fonctions , étant devenu
ministre de la marine, l'appela à Pa-
ris, et le nomma commis principal
au bureau des colonies orientales.
Verlac quitta celte place pour suivre
les afl'aires d'un de ses amis. Il était,
en 1797 , professeur à l'école cen-
trale du département de Vaucluse.
Revenu à Paris , il desirait être em-
ployé à l'université impériale ; mais
il ne put rien obtenir , et malgré la
haine violente qu'il portait à l'em-
pereur, contre lequel, en iSio , il
avait composé six satires , il ac-
cepta , à la fin de cette même année,
les fonctions de commissaire de po-
lice à Bois-le-Duc , puis à Anvers.
Des tracasseries l'empêchèrent de
3l8
VER
prendre possession de ces emplois ;
il habitait les environs de Paris lors-
qu'il fut arrête pour des satires ma-
nuscrites , dont il avait parle' à un
de ses prétendus amis. Aucune copie
de l'ouvrage n'ayant été trouvée, on
se contenta d'exiler l'auteur à quel-
que distance de la capitale. Ce fut à
Arras et à Mailly qu'il se réfugia j
mais aussitôt après les événements
de mars i8i4 , Vei'lac vint à Paris
cbercher fortune , et fit imprimer
ses Satires contre Buonaparte. II
n'en retira ni gloire, ni profit. Se
croyant exposé à quelque danger , en
i8i5, au retour de l'usurpateur , il
alla à Gand, revint à Paris à la suite
des armées étrangères, et, toujours
solliciteur, ne fut pas plus heureux.
Il était compromis dans un procès
criminel ^lorsqu'il mourut à Thopital
de la Charité , le 20 octobre 1 8 1 9.
On a de lui : I. Poèmes et Poésies ,
Nîmes, 1782 , in-80. 5 la Haye,
1786, in-Ô*^. j nouvelle édition re-
vue et corrigée, 1802 , in-80. II.
Moyens de se perfectionner dans la
connaissance de la langue fran-
çaise, Amsterdam, 1786, in-8°.
III. Discours sur les dei>oirs , les
qualités et les connaissances du
médecin , trai. de Gregory, 1787 ,
iu-S''. {Foj. Gregory, XVIII ,
439 ). IV. Observations sur les
princes , par Aikin , avec une Let-
tre à V auteur , sur le même sujet ,
du docteur Percival, trad. de l'an-
glais, 1787, in-i2. V. La voix du
citoyen , 1789. VI. Hammon et
Corbett , 1789, 2 vol. in-12 {F.S.-
J. Pratt , XXXVI , i4 ). VII.
Mémoire présenté à nosseigneurs
de V Assemblée nationale, 1790,
in-80. W\\. Nouveau plan d'édu-
cation pour toutes les classes de
citoyens , avec un Traité de la li-
berté civile , traduit du docteur
VER
Price , Rennes, 1790 , in-8*>. IX.
Mémoire a V Assemblée nationale ,
Paris, 1790, in-8°. Y,.^ Second Mé-
moire { en forme de dialogue ) j ces
deux Mémoires ont ensemble 94 pag. ,
et sont relatifs au PZrt/i d'éducation.
XI. Mémoire sur les écoles de
marine , et opinion sur le décret du
21 et du "50 juillet 1791 , relatif à
ces écoles , aux concours et exa-
mens, 1791 , in-8". XII. Observa-
tions sur le meilleur système moné-
taire , et réfutation du Mémoire de
l' ex-ministre Clavière , relatif à
son projet d'une nouvelle refonte
des monnaies , février, 1793, in-80.
L'Opuscule de Clavière que Verlac
combattait a pour titre : Du Mo-
nétaire métallique ou de la Néces-
sité d'une prompte refonte des
monnaies , en abolissant l'usage
d'en fixer la valeur en livres tour-
nois, fragment tiré de la Chronique
du mois. Xllt. La Morale natu-
relle ramenée aux principes de la
physique par Bruce , professeur de
philosophie à Édinbourg , traduit
de l'anglais , Paris , an II ( 1 794 ) ,
in-8°.XIV. La connaissance de soi-
même , traduit de l'anglais de Ma-
son. XV. Abus de confiance , avis
à la crédulité , 1S02 , in-8°. de 7
feuilles. Opuscule relatif à des discus-
sions avec un de ses amis ou clients.
XVI. Relation de mes voyages ,
Poitiers, Catineau , i8i4 ;, in-8''.
XVII. Règne de Buonaparte ,
quatorze Satires en vers fran-
çais, par un imitateur de Juvé-
nal, quatre cahiers iu-8". , qui ne
contiennent que sept satires ; les
sept dernières n'ont pas vu le jour.
XVIII. Histoire de mes voya-
ges en France , en Hollande , en
Belgique et en Angleterre , avant
mon arrestation à Paris , sous la
tyrannie de Napoléon , et après ma
VER
mise en liberté sons le règne de
Louis XV III , pour servir d'intro-
duction à la nouvelle Satire Me-
nippée en vers et en prose , Bruxel-
les, :8i5, in-8". On a quelque-
fois attribue à Berlraud Verlac les
ouvrages d'un Verlac La Bastide,
publiés de 1758 à 1766 : l'erreur
est évidente. Il est probable que c'est
aussi par erreur qu'on lui attribue
les Gradations de V Amour , 1772 ,
in-8'\ A. B— T.
VERMANDOIS ( Héribert ou
Herbert ^ comte de ) , descendait de
Pépin, roi d'Italie, le second fils de
Cliarlemagne , et par conséquent était
de la maison royale de France. Il an-
nonça, dès sa jeunesse, les inclina-
tions guerrières qui devaient le ren-
dre si redoutable à ses voisins , et
remplir sa vie de guerres continuel -
les , presque toujours funestes à ses
propres sujets. Le premier usage
qu'il fit de sa puissance fut pour ven-
ger la mort de sou père , nommé
comme lui Héribert, que le comte
de Flandre avaitfait assassiner (902).
Il entra dans la conjuration des
grands-vassaux de la couronne con-
tre le maUieureux Charles-le-Simple,
et contribua beaucoup à faire monter
sur le trône Robert ( Foy. ce nom ,
XXXVIII, 1H7), et ensuite Raoul
ou Rodolphe, duc de Bourgogne {V.
ce nom, XXXVII, 86). Informé
qu'après la perte de la bataille de
Soissons , Charles , abandonné de
presque tous ses partisans, s'était
enfui de l'autre côté de la Meuse , il
engagea ce prince à se retirer dans
le Vermandois , lui promettant , par
serment , de l'aider à reconquérir son
royaume. Héribert accueillit Charles
de manière à dissiper ses soupçons,
s'il en avait pu conserver. Il poussa
la dissimulation au point de se jeter
a SCS pieds; et voyant que son fils
VER 219
était resté debout devant le monar-
que, il le força de s'agenouiller, en
lui disant : a Est-ce ainsi qu'on re-
çoit son seigneur et son maître? » Le
reste de la journée se passa dans les
festins et dans les fclesj et pendant
la nuit , Héribert s'étant assuré de la
personne de Charles, le conduisit
prisonnier à Château - Thierry. Le
comte de Vermandois se hâta d'ins-
truire Raoul du succès de sa perfidie.
11 rendit de grands services à ce prin-
ce , dans les guei-res qu'il eut à sou-
tenir contre les Lorrains et les Nor-
mands; mais ce ne fut pas sans en
exiger, le prix. S'étant emparé de la
ville d'Eu , le boulevard des Nor-
mands, il en fit passer les habitants
au fil de l'épée (925), et obtint, en
récompense , l'archevêché de Reims
pour Hugues , son fils, âgé de cinq
ans. Il exigea ensuite de Raoul le
comté de Laon ; et sur son refr.s , il
le menaça de tirer Charles de prison.
Il conduisit en effet ce prince à Saint-
Quentin , puis au château d'Eu , où
les seigneurs normands vinrent lui
prêter hommage; mais Raoul effraye
lui accorda enfin l'investiture du com-
té de Laon; alorsHéribert renferma
son royal prisonnier à Péronne , où
il mourut, en 929 ( Voy. Charles,
VIII , I o5 ). Raoul , ne redoutant plus
les menaces d'Héribert , fit annuler
l'élection de son fils à l'archevêché
de Reims, et pourvoir cette église
d'un prélat capable de l'adnnnis-
trcr. Héribert, furieux , se ligue avec
Henri, roi de Germanie, pour faire
la guerre à Raoul : mais il perd suc-
cessivement toutes ses places fortes ;
et obligé de fuir au-delà du Rhin il
n'obtient que par l'intervention du
roi de Germanie, avec la paix, la
restitution d'une partie du Verman-
dois. Après la mort de Raoul (936) ,
les grands ayant rappelé Louis dit
^20 VER
d'Outremer ( Fq/. ce nom , XXV ,
102 ), ce prince eut la générosité de
pardonner à Héribert sa trahison en-
vers son père. Oubliant cette j;;race ,
le comte de \ ermandois s'allia , en
Ç)3Sy à Hugues-le-Grand, pour com-
battre sou souverain et ravager la
Champagne. L'excommunicationlan-
cée contre lui , pour s'être emparé
de quelques forts ou domaines ap-
partenant à Saint- Rémi, ne l'arrêta
point dans l'exécution de ses projets.
Il assiège Reims , en 940 , force l'ar-
cbevèque établi par Raoul de se dé-
mettre , et fait confirmer la première
élection de son fils Hu^rues , alors dia-
cre. ioutenu par 1 empereur Otliou ,
il se proposait de rentrer dans les
■v'illes du Vermandois dont il restait
dépouillé, quand une maladie de lan-
gueur l'arrêta. A sa dernière heure ,
il était, dit R. Glaber, entouré de
ses proches, qui le pressaient de son-
ger au salut de sou ame, et de régler
ses affaires domestiques j mais on ne
put obtenir de lui que ce peu de mots :
JS'ous étions douze qui avions juré
de trahir Charles. Il répétait encore
ces paroles , qui prouvent ses re-
mords, quand il expira, l'an 94^
(i) ( Voy. la Chroniq. de Glaber , i ,
ch. 3 ) (2). Il fut enseveli par ses en-
fants dans l'église collégiale de St.-
Quentiu. Il eut pour successeur Al-
bert dit le Pieux , son fils aîné. Voy.
la descendance d'Héribert , dans
l'Histoire généalogique du P. An-
selme, I, 48. La Chronique de Flo-
doard ou Frodoard est l'ouvrage qui
( 1} Jeau de Serres . et quelques autres hi^torieiu,
«3'après lui, ont dit que Héribert avait été pendu
par les ordres de Louis d'Outremer, Cette erreur
a été signalée par dom Liron, dans les Singulari-
tés fiUloriijuei , lu, 237.
(i) La Chroni//ue de Kaoul Glaber, et celle de
Flodoard , ont été traduites en fr.tncais par 31.
Guizot. Llles fout partie on tome VI de la Collec-
lion tie "Mcmoires relatifs à l^histoire de France j
Paris, Briifre, i8z4, et années suivanles, in-8".
VER
renferme le plus de détails sur Héri-
bert, sa trahison et ses guerres.
V^^— s.
VERMANDOIS (Raoul (i),
comte de', surnommé le Faillant ,
était fils de Hugues-le-Gi'and ( P^. ce
nom, XXI . 35 ) et petit-fils de Hen-
ri I«''. , roi de France (2). 11 naquit
vers 1094. Sa trop grande jeunesse
ne put lui permettre de prendre part
aux exploits des premiers croisés j
mais enflammé par le récit de leurs
hauts faits , dès qu'il sut manier un
cheval et une lance , il s'appliqua
sans relâche à tous les exercices ré-
servés alors aux preux , et s'y rendit
bientôt fort habile. Louis - le - Gros
i^yant formé le projet d'abaisser la
puissance des grands - vassaux , qui
yresiac te uj ours ligués contre l'au-
torité royale la contraignaient sou-
vent à des sacrifices, Raoul le ser-
vit dans cette entrepi'ise avec une
fidélité qui ne se démentit jamais.
II se signala dans la guerre que
Louis eut à soutenir contre Gui de
Rochcfort et Thibaut , comte de Blois
et de Champagne. Blessé devant
Gournay ( 1 1 1 0 ) , il ne voulut pas
quitterle combat, ni permettre qu'on
arrêtât le sang qui rougissait ses ar-
mes , avant d'avoir achevé la dérou-
te des ennemis. En 1 1 12 , il assiégea
le Puiset , défendu par le comte de
Blois : une bataille fut livrée sous les
murs de la forteresse. Thibaut, ayant
aperçu Raoul dans la mêlée, le joignit,
et l'attaquant avec fureur , le força
de s'arrêter. Raoul, plus calme que son
adversaire , lui plongea son épée au
(1) En latin Radulphu! : de là vient que quelques
auteurs le nomment Rodolphe.
(2) L'intervalle de prés de deux siècles qui sé-
pare Eaoul d'Héribert, u'a pas empécbé les compi-
lateurs de dire et de répéter que Raoul était HIs
d'Héribert Celte faute si visible se retrouve dans
le Diction, universel, et même dans le Diction, de
Feller , édit. de i8i4 , pour l.iquelle ou a copié
partout sans choix et sans disceruemeut.
VER
défaut de la cuirasse, et le renversa
sur le sable. Les gens du comte de
Biois, le croyant mort , prirent la
fuite 5 et le château du Puiset ouvrit
ses portes au vainqueur. De nouvel-
les guerres, excitées par les grands-
vassaux, secourus tantôt par les Al-
lemands et tantôt par les Anglais ,
en occupant Raoul , lui fournirent de
nombreuses occasions de signaler sa
valeur et sa fidélité. En i i3o , il eut
l'œil percé d'une flèche, à l'assaut
du château de Livry. Il reçut, l'an-
née suivante , la récompense de ses
services, par sou élévation à la di-
gnité de grand-sénéchal , dont Gar-
lande ( V. ce nom ) fut forcé de se
démettre. Dès - lors il partagea les
soins du gouvernement avec le ver-
tueux abbé Suger [F. ce nom) , et il
mérita l'estime de ce grand bomrae.
Raoul accompagna Louis-le-Jeune à
Bordeaux , lors de son mariage avec
Éléonore de Guienne. Il y vit la
belle Alix ou Adélaïde (3), sœur ca-
dette d'Éléonore, et ne put résister à
ses charmes. Ayant fait annuler, sous
le prétexte de parenté, son union
avec la sœur (4^ du comte de Blois ,
il obtint la main d'Adélaïde. Thi-
baut, ennemi de Raoul, n'eut pas be-
soin d'être excité par sa sœur pour
se venger d'un affront qui lui deve-
nait personnel. Sur sa demande, le
pape fit excommunier Raoul par un
de ses légats. Louis-le-Jeune, em-
brassant Ja cause de son beau-frère ,
ravagea les terres de Thibaut, le me-
naçant de le dépouiller de ses do-
maines, s'il ne faisait pas lever l'ex-
communication. Thibaut fut ob!i;:é
VER 29. t
de se soumettre • mais ayant renou-
velé ses plaintes contre Raoul, le roi
rentra dans la Champagne, prit Vi-
try d'assaut, et en fit égorger les ha-
bitants. Ce fut pour expier cet acte
de barbarie que Louis, à la soUici-
tationde saint Bernard, prit la croix.
Il établit Suger régent du royaume ,
pendant son absence , et laissa le
commandement des armées ;ï Raoul,
sous les ordres du régent. L'histoire
ne reproche à Raoul d'autres défauts
que sa parcimonie; mais nous n'a-
vons pas assez de détails pour sa-
voir s'il ne faudrait pas au con-
traire regarder comme une qua-
lité ce goût pour l'économie dont
on lui fait un crime. Il est plus dif-
ficile d'excu>er Raoul d'avoir dé-
pouillé sa sœur du comté d'Amiens,
qu'elle avait porté en dot à son mari,
et cela par le seul motif d'agrandir
son comté de Vermandois. Sur la fm
de sa vie, Raoul répara, par des dons
aux abbayes , le scandale de son di-
vorce, et mourut, regretté de ses vas-
saux et de son souverain, le i4 oc-
tobre I i5i,ou . suivant quelques au-
teurs, dans les premiers mois de
1 102 (5). Il fut inhumé dans l'église
de Saint - Arnoul, à Crespy dans le
Valois. Il avait eu, de son second
mariage, deux filles et un fils \Q) ,
nommé , comme lui , Raoul . et qui lui
succéda. Raoul le jeune étant mort,
en 1 167, sans postérité, le Verman-
dois revint à sa sœur Elisabeth ou
Isabelle, mariée à Philippe d'Alsa-
ce , comte de Flandre ( Voy. VHist.
généalogicj . du P. Anselme, i, 534%
On trouve une Fie de Raoul le T'a/Z-
(3) Celle princesse avait nom Pèlronille : mais
elle le changea coutre celui à' Alix ou dCAdétaiic.
,^4" D'Auvignv dit que la première fenuue de
Kaoul clail tille de 'l'iiibaut. C'est une erreur.
Velly se contente de dire qu'elle était pareule du
comte de blois.
f ï^ D'AuvignT recule la mort de Raoul jusqu'en
Il 55.
(G) V'ellv , croyant que Knoul était mort sans
enfLiuts, fait d'Elîsabelli sa sa?ur. Ou voit q»e
la roiiforiuite' du nom lui a fait confondre le prre
et le llls. Hisl. de Francs , II, p. (j(j, tdit. 10-4".
111 VEB
lant parmi celles des Jloinmes illus-
tres de France , par d'Auvigny ,
VII, 56-q4. W— s.
VERMANDOIS (Louis DE Bour-
bon , comte DE ) , fils naturel de Louis
XIV et de la duchesse de La Valliè-
re, naquit en 1667, et fut légitime
eu i6()y. Il fut nommé amiral la mê-
me année.cn remplacement du duc de
Beaufort -, et lorsque le roi termina
la disputepour le rang entre les prin-
ces cl les ducs de sa cour , ce fut le
comte de Vermandois qui obtint le
pas , après les princes du sang.
Au retour de sa première campagne
en iG'S3, et après quelques e'carts
de jeunesse qui avaient fortement de'-
plu au monarque son père, et affli-
ge' M>"<=. de La Vallière, il mourut à
iiourtrai , d'une fièvre maligne , le
1 8 novembre de cette anne'e ( F. La
ValliÈre , XLVII , 38i ). II fut en-
terre' dans le chœur de la cathédrale
d'Arras, et on lui fit des obsèques
ïnagniOques. ]^*alg^e' les éloges que
lui donne la présidente d'Onsem-
bray , entre autres dans une lettre
insérée parmi celles deBussy-Rabu-
tin ( tome v , p. 4^4 ), et malgré
les vifs regrets qu'excita la perte pré-
maturée de ce jeune prince, on n'au-
rait presque rien k dire de lui, si l'on
n'avaitdébitésur son compte une anec-
dote tout-à -fait singulière. Elle est
tirée des Mémoires secrets pour ser-
vir à l'histoire de la cour de Perse,
(Amsterdam, 1745) , libelle oîi,
sous des noms supposes, se trouve
l'histoire du masque de fer, et où
l'auteur a voulu faire croire que ce
personnage mystérieux n'était autre
que le comte de Vermandois, réputé
coupable d'avoir osé donner un souf-
flet au dauphin , fils de Louis XIV.
La réfutation de ce rêve historique
ou romanesque se trouve dans bien
des ouvrages. Saiute-Foix en a insé-
VER
ré une très-longue dans le dernier
volume de ses Essais historiques
sur Paris. Il y publie l'extrait mor-
tuaire de Marcliialy , décédé à la
Bastille le 19 novembre 1708, et
inhumé le 10 , dans l'église parois-
siale de Saint-Paul , à Paris. C'était
le nom donné au prisonnier qui a
été l'objet de tant de recherches j
nom dont on a voulu faire une ana-
gramme : Hic amiral (c'estV amiral).
Cette désignation , arrangée comme
à plaisir , conviendrait autant au
duc de Beaufort qu'au comtede Ver-
mandois j mais tout le monde au-
jourd'hui abandonne la double con-
jecture. Pouren démontrer l'absurdi-
té quant au fils de M'"'^. de La Val-
lière , il sufîit de rapprocher l'épo-
que et le lieu de sa mort , de l'année
où le masque de fer termina sa dé-
plorable carric're, et de l'endroit où
il reçut la sépulture. L — p — e.
VERME ( Jacob) , condottiere il-
lustre du quinzième siècle , était de
Vérone _, et d'une famille Gibeline. Il
fit ses premières armes vers l'an
1876 , dans la compagnie de Saint-
George , sous Albcric de Basbiano ;
il entra ensuite au service de Jcaa
Galeaz Visconti, auquel il demeura
attaché toute sa vie. Jean Galeaz le
désigna par son testament pour en-
trer au conseil de régence de ses fils •
mais Jacob de Verme, demeuré fidèle
à la duchesse - mère , ne tira point
parti de l'autorité qui lui était confiée,
pour se former , comme tous ses
collègues y une petite j^rincipauté.
Après la mort de la ducbesse de Mi-
lan, il passa , en i^oi , ausei'vice des
Vénitiens : il commanda leurs ar-
mées dans la guerre contre François de
Carrare j et à la fin de cette guerre ,
il sollicita le conseil des dix de faire
périr, avec toute sa famille, ce prin-
ce, qui était son ennemi personnel. —
VER
Taddcc de Verme, fils de .Taeob ,
suivit la même carrière que son père,
et acquit aussi quelque reputaliou
dans les armes. S. S — i.
VERMEIL, ne à Montpellier
vers la fin du seizième siècle , se
livra dès sa jeunesse à l'étude des
sciences militaires , et se rendit en
Hollande, où il s'instruisit dans la
défense des places. Revenu dans sa
patrie , il trouva occasion de signaler
ses talents au siège de Montpellier ,
en 1622.11 se rendit ensuite au Caire
et à Constautinople, où il fît le com-
merce; mais n'ayant pas réussi , il
passa en Ethiopie, et parvint dans
cette contrée à s'introduire dans la
maison de l'empereur des Abyssins ,
au moyen de la connaissance qu'il
avait des pierreries. Il s'y servit
aussi de ses connaissances en artil-
lerie , et obtint le commandement
d'une armée de dis. mille hommes,
avec laquelle il attaqua et mit en
fuite celle d'un prince voisin. A son
retour l'empereur, son maître, le fît
son principal ministre , et le ch.ef de
toutes ses armées qui étaient compo-
sées de plusieurs centaines de mille
hommes. Vermeil mourut en Abys-
sinie vers le milieu du dix-septième
siècle. Z.
VERMETREN ( Augustin ), né
en iGSô à Dendermonde , eu Flan-
dre , entra fort jeune, sous le nom
du P. Augustin de Saint-Gommer ,
au couvent des carmes de l'ancienne
Observance, dans sa ville natale , et
mourut prieur d'un couvent de son
ordre, à Bruges , le 6 janvier i'jo3.
11 est auteur du Fabuliste moral ,
en vers flamands , avec des notes ,
vol. in-4".^ 1710J» publié à Gueldre,
par le P. Marc de Sainte-Elisabeth ,
autrement Hcrraans (d'Anvers) , cure
de Gueldre , et ancien provincial de
l'ordre des carmes. Ce Recueil se
VER 223
compose, on grande partie, de fables
imitées d'Esope , de Phèdre et de
La Fontaine. Douze Élégies flamandes
du P. Augustin de Saint-Gommer ,
sur les souilrancesde J.-C. ( le f^en-
drcdi sanglant ) , n'ont jamais vu k
jour; le manuscrit se trouvait encore
dans la bibliothèque des carmes d'An-
vers, à l'époque de leur suppression,
en 1795. St — T.
VÈRMEULEN ( Couneille ) ,
dessinateur et graveur au burin , né à
Anvers en i644i vint se perfection-
ner à Paris, qui était la première école
de gravure de l'Europe : il ne tarda
pas à s'y faire distinguer par le ta-
lent avec lequel il grava le portrait.
Le désir de revoir son pays le ramena
dans sa ville natale , où il se fixa
sans oublier toutefois la France, à la-
quelle il devait sa célébrité , et où il
fit d'assez fréquents voyages. Peu d'ar-
tistes ont gravé le portrait avec au-
tant de perfection ; ou estime moins
ses sujets historiques : il manque de
certaine correction dans le dessin.
Parmi ses nombreux portraits, on cite:
L Marie-Louise d' Orléans, duchesse
de Montpensier , ovale eu hauteur,
d'après Rigaud. IL Le maréchal de
Luxembourg , d'ajirèsle même. ÎÎI.
Le maréchal de Catinat , d'après
Vivier. IV. Anne de Boulen, fem-
me de Henri VIII. V. Catherine
Howard , autre femme de Henri
VIIT. VI. Olivier Crom^yelL VII.
La reine d' Angleterre Elisabeth ;
ces quatre portraits d'après V ander-
Werff. VIII. Jean de la Qidnlinie,
ordonnateur des jardins du Boi ,
grande pièce d'après Richard. IX.
Mezzetin en pied , d'après Detroy
fîls, pendant du Crispin d'Édelinek.
Ses pièces historiques sont : Marie
de Médicis se sauvant de la ville
de Blois , d'après le tableau de Ru-
bcns de la galerie du Luxembourg ;
2>4
VER
et Érigove amoureuse de Bacchus
et métamorphosée en raisin , demi-
figiire, d'après le Guide. Ce graveur
mourut à Anvers, en 1702. P-s.
VERMEYN ( Jean-Cobnelis ) ,
peintre liollaudais, natif de Berwick,
lut ëlcvede son père, nomme, com-
me lui , Cornelis. Ses progrès furent
si grands que Cliarles-Quint le prit
enafïèction, et voulut toujours l'a-
voir avec lui dans ses voyages. Il le
mena même à Tunis, où les talents
de Vermcyn , comme ingénieur et
comme architecte militaire , furent
d'un grand secours pour l'armée de
l'empereur. Ces occupations ne l'em-
pOchaicntpas de cultiver la peinture ;
il représenta diverses actions de cette
guerre , notamment le siège et la
vue de Tunis, tableaux estimes,
que Charles-Quint fit depuis exécu-
ter eu tapisserie. II avait orne l'ab-
bave de Saint- Vast, en Flandre, de
belles compositions. A Bruxelles , on
voyait de lui , dans l'église de Sainte-
Gudule , plusieurs tableaux remar-
quables , qui ont été détruits ou
transportés en d'autres lieux. Dans
celle de Saint-Gorccks,il avait peint
une Nativité et un Christ ayant une
main sur la poitrine , que l'on esti-
mait beaucoup. Ilavait faitdisposcr,
dans cette même église , sa propre
sépulture , et l'avait ornée , dans le
liaut,d'uneimage de Dieu le Père. Ce
tombeau fut transporté depuis à Pra-
gue, dans la demeure d'un de ses
frères , nommé Jean, habile orfèvre
et savant modeleur, que Charles-
Quint honora également de sa pro-
tection. La fille de Jean-Cornelis con-
servait plusieurs ouvrages de son
père, notamment un portrait où il
s'était représenté peignant. Dans le
lointain , on voyait la ville de Tunis,
<^t les diffcrents postes de l'armée as-
siégeante. Il fut marié deux fois , et
VER
n'eut qu'une fille dont il fit le por-
trait en habit de turque. Son plaisir
était de la voir dans ce costume ; et
chaque année , il la conduisait ainsi
vêtue à la fête principale de Bruxelles.
Il était lié d'une étroite amitié avec
Scoorel, et de l'argent que leur pro-
curèrent leurs ouvrages ils ache-
tèrent conjointement des biens con-
sidérables dans la Nort -Hollande.
V^ermeyn avait adopté un costume
particulier : sa barbe était tellement
longue , que lorsqu'il la détachait il
pouvait marcher dessus, ce qui lui
avait fait donner le sobriquet de Jean
de la Barbe. Cet artiste mourut à Bru-
xelles, en i55g. Son portrait, grave'
par Thomas Galle, parmi ceux des cé-
lèbres peintres flamands , fut imprimé
vers l'année 1 600 , avec des vers latins
de Dominique Lampsonius. P — s.
VERMIGLI. Foj. Martyr.
VERMINA , fils de Syphax , roi
de Numidie , signala sa valeur contre
Masinissa , autic roi numide , qu'il
chassa de ses états héréditaires; mais
battu à son tour par ce prince réuni
aux Romains , il fut fait prisonnier
avec son père Syphax, et conduit
à Albe pour servir d'ornement au
triomphe de Scipion l'Africain, l'an
iio3 avant J.-C. Cependant , soit par
la protection des vainqueurs , soit
par un eiret de leur politique , ce
prince , après la mort de son père ,
fut remis en possession de la partie
de la Numidie qui n'avait pas été
annexée au royaume^ de Masinissa.
Voilà tout ce qu'on sait sur le fils du
malheureux Syphax , dont la pos-
térité régnait encore dans une petite
partie de l'Afrique, à l'époque de la
destruction de Carthage par Scipion.
B— p.
VERMOND ( L'abbé de ) , fils
d'un chirurgien de village , était doc-
teur de Sorbonue ^ et bibliothécaire
VER
au collège Mazarin , lorsque ses
liaisons avec le fameux. Lorae'nie de
Brienne ( J^oj. Lomenie , XXIV,
653 ) le firent sortir de l'obscnrité.
Le mariage du Dauphin . depuis
Louis XVI , arec l'archiducliesse
Marie-Antoinetle , ayant e'te' arrête'
en 1769^ l'impëratrice Marie-Thé-
rèse désira que la jeune princesse se
perfectionnât dans la langue fran-
çaise. Elle lui avait donné pour
lecteurs deux comédiens nommés
Aufresne et Saiuville. Ce choix
déplut au cabinet de Versailles : le
marquis de Durfort, alors ambassa-
deur à Vienne, fit des représenta-
tions : les deux comédiens furent
congédiés , et l'impératrice deman-
da qu'on lui envoyât pour les rem-
placer un ecclésiastique mstruit
et qui fût au fait des usages du
grand monde. Le duc de Choiseul se
trouvait embarrassé du choix : dé-
j à plusieurs sujets très - capables
avaient refusé d'accepter un em-
ploi aussi délicat , lorsque Lome-
nie de Brienne proposa au ministre
l'abbé de Vermond, comme un hom-
me d'un caractère ferme et sûr. Les
relations de celui-ci avec le parti
philosophique parurent au duc de
Choiseul une garantie suffisante. Ver-
mond fut envoyé à \ ienne, avec tous
les éloges faits pour inspirer une
confiance illimitée. La nature lui
avait refusé les avantages extérieurs
qui rendent facile le rôle de courti-
san : son regard sombre et farou-
che , ses yeux perçants offraient
l'empreinte de son caractère; mais
comme il savait joindre la finesse
à la brusquerie , il tirait parti de
cet extérieur repoussant , pour se
donner l'air de la franchise et de
l'originalité. Il parvint d'autant plus
facilement à se faire aimer de la jeu-
ne princesse, que lui-même conçut
XLvm.
VER
225
d'abord pour elle mi dévouement
qui allait jusqu'à l'adoration. Vi-
ve et aimante , Marie - Antoinette
se laissa bientôt dominer par un
instituteur qui , au caractère res-
pectable d'ecclésiastique , joignait la
brusquerie impérieuse d'un ami dé-
sintéressé. On a inème accusé l'abbé
de Vermond de n'avoir cherché qu'à,
se faire aimer de son élève , et par
un calcul adroit , mais coupable , de
s'être très-peu occupé de perfection-
ner son instruction. Marie-Antoinette
parlait la langue française avec beau-
coup d'agrément; mais elle l'écrivait
moins bien; et, quand elle fut en
France, son ancien instituteur lui
était surtout nécessaire pour revoir
les lettres qu'elle envoyait à Vienne.
Quoi qu'il en soit , dès les premiers
moments , la princesse contracta l'ha-
bitude de rendre l'abbé de Vermond
confident et arbitre de ses pensées, et
jusqu'à la révolution , il ne cessa d'a-
voir sur elle le racine ascendant. Pour
lui donner du créditsur l'esprit de l'ar-
chiduchesse , autant que pour s'en
faire un serviteur dévoué, l'impéra-
tricelui avait permis de serendre tous
les soirs au cercle de la famille impé-
riale ; et voici comment il obtint cet
honneur. L'impératrice, l'ayant ren-
contré chez sa fille, lui demanda s'il
avait formé quelques liaisons à Vien-
ne : a Aucune, Madame, répondit-
» il ; l'appartement de Madame l'ar-
» chiduchesse , et l'hôtel de l'ambas-
)) sadeur de France, sont les seuls
» lieux que doive fréquenter l'hom-
» me honoré du soin de l'éducation
» de la princesse. » Un mois après ,
Marie - Thérèse ayant reçu la mê-
me réponse à la même question , lui
donna l'ordre de se rendre tous les
soirs à son cercle. L'abbé de Ver-
mond, qui n'avait encore approché
d'aucun prince , fut enivré de cet
i5
226 VER
honneurj il n'admirait que les usa-
ges delà cour de Vienne. Tel etail
l'homme que l'étoile funeste de Ma-
vie-Antoiuette lui avait réserve' pour
guider ses premiers pas sur un théâ-
tre aussi dangereux que la cour de
Versailles. Dis son début, l'abbé
de Vermond fit ccouduire l'histo-
riographe de France ÎMoreau {Voy.
MoREAtr, XXX, 8i ), que ses ta-
lents avaient fait choisir pour être
bibliothécaire de la Dauphine. Exci-
tée par son instituteur , Marie-An-
toinette tourna en dérision la com-
tesse de Noailles , qui lui rappe-
lait sans cesse les règles de l'é-
tiquette. La Dauphine témoignait
beaucoup de tendresse à Mesdames,
filles de Louis XV. Madame Victoi-
re, surtout , répondit avec empres-
sement à ces avances : elle ne négli-
geait rien pour l'attirer dans sa so-
ciété et dans celle de JMadamc Adé-
laïde, sa sœur; car elle sentait com-
bien leurs avis et leur expérience pour-
raient être utiles à la jeune princesse :
elle lui donna même plusieurs fêtes ;
mais Vermond , craignant de perdre
son influence, s'opposa bientôt à ces
réunions. On le vit sans cesse pren-
dre part a des intrigues , qui eurent
pour résultat de donner des torts ap-
parents à Marie-Automette , et d'in-
' disposer contre elUi des familles puis-
santes. Ainsi , il lui attira l'inimitié,
depuis si fatale , de toute la maison
de Rohan , en dépréciant l'instruc-
tion de Madame Clotilde, l'aînée des
sœurs de Louis XVI , qui avait pour
Cfouvernante la comtesse de iMarsan.
...
Cette dame et ses arais repondirent
à ces critiques par des réflexions dé-
favorables sur l'éducation que l'im-
pératrice Marie-Thérèse avait don-
née à ses filles. Dès ce moment, se-
lon l'expression de M""*^. Campan ,
il s'établit un foyer de comme'rage
VER
contre Marie- Antoinette , dans la so
ciétédeM""*^. de Marsan : ses moin-
dres actions y étaient mal interpré-
tées; et le prince Louis de Rohan
( F. ce nom, XXVIII, 436 ) , am-
bassadeur à \ ienne , s'y rendit l'é-
cho de ces propos injurieux. Vers la
fin du règne de Louis XV, les prin-
ces, frères du Dauphin, et les prin-
cesses^ voulant varier les plaisirs de
leur société , commencèrent à jouer
la comédie. L'abbé de Vermond^ qui
évitait toujours de prendre le ton
sévère d'un instituteur , ne s'op-
posa pas d'abord à ce nouveau genre
de distraction. 11 laissait la Dauphine
ne s'occuper que de musique et de
lectures frivoles. Jamais il ne lui pré-
senta un livre d'histoire. A l'avéne-
meut deLouisXVI, il ne tint pas à lui
que la nouvelle reine ne se jetât dans
le tourbillon des affaires publiques. Il
engagea cette princesse à demander le
rappel du duc dcGhoiseul; mais elle
n'y réussit pas : le roi avait puisé ,
dans les papiers du Dauphin son pè-
re , d'invincibles préventions contre
cet homme d'état. Louis XVI , dont
l'amc droite et pure devinait comme
parinstuict les intrigants , ne se sen-
tait pas moins d'éloignement pour
^ crmond , qu'il connaissait pour
une créature de Choiseul, et pour
un partisan des encyclo])édistes. Ja-
mais , étant Dauphin , ce prince ne
lui avait adressé une parole , cl
très-souvent il ne lui avait répondu
que par un haussement d'épaulo*.
Vermond , dont le secret pour con-
server sa position à la cour con-
sistait à -savoir offrir sa retraite à
pi'opos, voyant que Louis, devenu
roi, ne changeait pas de procédé à
son égard, prit le parti de lui écrire,
pour lui m il! lier que, tenant unique-
ment de la confiance du feu roi l'hon-
neur d'être admis dans l'intérieur le
VER
plus intime chez la reine , il ne pou-
vait continuer de rester auprès d'elle,
sans en avoir obtenu le consentement
de son époux. Louis XVI lui renvoya
sa lettre , après y avoir écrit ces
mots : « Je consens à ce que l'ah-
hé de Fermond continue ses fonc-
tions auprès de la reine. » Dès-
lors , la faveur dont il jouissait fut
assurée. Des ministres , des pré-
lats lui faisaient assidûment la
cour : il les recevait dans son
bain , les accueillant avec une brus-
querie à-Ia-fois respectueuse et fami-
lière. Il eiitpu,dcs-lors, aspirer aux.
plus liauts em]>lois ; mais satisfait de
dominer dans l'intérieur de la reine ,
assez riche en biens ecclésiastiques ,
il bornait là son ambition. Il disait
que le cardinal Dubois avait cte' un
sot 5 et qu'il fallait qu'un homme de
sa sorte , pài'venu au crédit , fît des
cardinaux et refusât cle l'être. Chez la
reine , il ne souffrait aucun partage
dans la confiance de cette princesse.
Elle n'avait pas dédaigné de con-
fier à Campau , secrétaire de son
cabinet , le regret qu'elle avait de
n'avoir pu faire rappeler le duc de
Choiseul. L'abbé de Vermond , qui ,
jusqu'alors, avait vécu avec ce ser-
viteur de la reine dans la plus
étroite intimité, le menaça de tou-
te sa haine , s'il continuait à proli-
ter de la bienveillance de sa maîtres-
se pour s'initier dans les seci-ets de
l'état. « Comme instituteur et comme
>^ ami, lui dit-il, j'ai dû faire à la
» reine les représentations les plus
» sévères sur le tort cpi'elle avait eu
» de vous communiquer les détails
» qui sont à votre connaissance. La
» reine ne doit avoir que moi pour
» confident des choses qui doivent
» être ignorées. » L'abbé de Ve»'-
mond n'était sans doute pas blâma-
ble d'empêcher cette jeune souverai-
VER 227
ne de parler d'affaires d'état à un
des moindres ofliciers de sa maison;
mais il y avait de sa part plus
que de l'inconvenance à annoncer
qu'il serait initié dans les secrets les
plus intimes de la reine. Il n'était
pas moins jaloux de ses fonctions
de lecteur , bien qu'il ne les exerçât
point : il s'opposa toujours à ce que
la lectrice en titre s'acquittât des
siennes : il trouvait bon cependant
que les femmes de chambre de la
reine, entre autres M'"'^. Campan,
fissent la lecture à cette princesse.
Dans ses entretiens journaliers avec
Ma rie- Antoinette , il encourageait
l'éloigneraent qu'elle avait pour les
gênes de l'étiquette , il ne cessait
de lui vanter la simplicité de Ma-
rie-Thérèse , qui , sans gardes et
sans escorte, allait visiter les per-
sonnages qu'elle honorait de ses
bonnes grâces. Entrait-il chez la rei-
ne au moment où elle se disposait à
sortir : « Pour qui donc, lui disait-
» il d'un ton moqueur, pour qui ce
» détachement de guerriers que j'ai
» trouvé dans la cour? Est-ce quel-
» que général qui sort pour inspec-
» ter son armée ? Tout cet étalage
» militaire ne convient point à une
» jeune reine adorée de ses sujets, w
Tout ce qui était autrichien excitait
l'engouement de cet imprudent con-
seiller. Intimement lié avec le comte
de Mercy-d' Argent eau, ambassadeur
de l'empire auprès de Louis XVI;,
Vermond passait pour rendre cer-
tains services à la cour de Vienne :
il est constant du moins qu'il a quel-
quefois déterminé ia reine à des dé-
marches dont elle n'appréciait pas
les conséquences. En 1775, l'archi-
duc Maximilien, frère de cette prin-
cesse , vint en France , et voulut
avoir le pas sur les princes du sang.
La reine appuya cette prétention ,
i5..
iviB
VER
d'autant plus déplacée que l'arclii-
duc voyageait incognito ; et si elle
commit cette faute , ce fut à l'insti-
gation de l'abbé de Veruiond. Le
crédit de ce dangereux mentor parut
fléchir un instant devant l'influence
naissante de la comtesse Jules de Po-
lignac,quidevint l'intime amie d'une
reine trop portée à cherclier sur le
trône les plaisirs de la vie privée. Il
prit alors le parti de se retirer de la
cour, a On lui fit l'honneur de croi-
» re , dit M*"". Campan , qu'il s'était
» permis des représentations sur
» l'emploi trop frivole du temps de
» son auguste élcA'e , et qu'il avait ju-
» gé que par son double caractère
» d'ecclésiastique et d'instituteur il
» était désoi'mais déplacé à la cour :
» on se trompait : son mécontcnte-
» ment portait uniquement sur la fa-
» veur accordée à la comtesse Jules.
» Après une absence d'une quinzaine
» de jours, nous le vîmes reparaître
') à Versailles , et reprendre ses fonc-
» tions accoutumées. » La reine l'a-
vait fait inviter, par le comte de
Mercy, à revenir près d'elle; et l'ab-
bé n'y avait consenti qu'à deux con-
ditions , la prejnière, qu'il ne recevrait
d'ordres que de la reine en personne;
la seconde, qu'elle lui ferait donner
quatre-vingt mille livres de revenus
en biens ecclésiastiques. Il avait eu
le crédit de faire nommer accoucheur
de la reine Charles-Thomas Ver-
mond, son frère ^ homme grossier
dans son langage, mais praticien ha-
bile , et qui , lors de la naissance
de Madame royale , l'aînée Aes en-
fants de Louis XVI, sauva la vie
de Marie-Antoinette, par une saignée
faite à propos. On a remarqué que
lorsque le chirurgien Vermond était
au château , pour son service , son
frère l'abbé , qui affectait avec lui le
tonde la supériorité, ne l'appelait
VER
jamais que M. l'accoucheur. L'im-
pératrice Marie-Thérèse étant morte
en 1780, Louis XVI envoya l'ordre
à l'abbé de Vermond d'annoncer à la
reine cette triste nouvelle. Celui - ci
s'étant acquitté de cette commission
avec la prudence convenable , le roi
lui adressa ces mots : Je vous re-
mercie, Monsieur l'abbé , du servi-
ce que vous venez de me rendre.
C'est la seule fois, pendant l'espace
de dix-neuf ans , que ce monarque lui
ait adressé la parole. Le rôle de l'ab-
bé de Vermond , pour le malheur de
la France, ne devait pas se borner à
ces intrigues d'intérieur. Il aspirait
à voir la reine s'immiscer dans le
gouvernement ; mais tant que le com-
te de Maurepas vécut , tous ses ef-
forts furent inutiles. Néanmoins le
maréchal de Castries, ministre de
la marine,, sans s'écarter des formes
de déférence qu'il était obligé de gar-
der envers le mentor du roi , mar-
quait publiquement sa soumission
aux volontés de la reine. Les autres
ministres , sans manquer aux égards
dus à l'épouse du souverain , ne
croyaient pas cependant devoir lui
subordonner leurs décisions. Quand
elle desirait quelque grâce pour uu
de ses protégés , elle en pariait aux
ministres, qui proposaient au roi, ou
donnaient un refus respectueux. Cet-
te dépendance de la reine envers les
ministres parut inconvenante à l'ab-
bé de Vermond. Selon lui, les désirs
de leur souveraine devaient être des
ordres pour eux. Cette doctrine était
trop séduisante et trop commode
pour ne pas être du goût d'une jeune
reine habituée, aux adorations des
courtisans : elle l'adopta sans peine;
et si pendant les premières années du
règne de son époux elle eut peu d'in-
fluence sur le choix des ministres, du
moins le roi eut-il l'atlenîioa de vor.-
VER"
loir qu'aucun n'arrivàtmalgré elle au
pouv^oir. Ainsi , quand il fut question
d'élever le comte de Saint- Germain
au département de la guerre , l'abbé
de Vermond fut chargé de rédiger ,
pour être mis sous les yeux de la rei-
ne , un mémoire en faveur de cet
homme d'état, contre lequel elle avait
d'assez justes préventions. A la mort
du comte de Maurepas , Vermond se
fit l'instrument d'une cabale secrète ,
qui , sans que le roi s'en doutât , vi-
sait à mettre l'action du gouverne-
ment entre les mains de Marie- Antoi-
nette. Personne n'était plus propre
que lui à un pareil rôle. Doué d'une
ténacité à toute épreuve , il suivit ,
pendant vingt années , le même plan,
sans jamais s'en écarter. Peu suscep-
tible de bienveillance , avare de son
crédit, il disait du mal de tout le
monde- etl'habitudeoùil étaitde tout
improuver donnait un grand poids
à son suffrage (i). Ce fut ainsi qu'il
contribua à faire arriver Loménie de
Brienne au contrôle - général et à la
présidence du conseil. Il avait fait
précédemment , en faveur de son an-
cien protecteur, plusieurs tentatives
inutiles , dans lesquelles il s'était bien
gardé de persister j car personne n'u-
sa plus finement de son crédit. Les
notables étaient très - mécontents
du contrôleur - général Galonné ,
qui les avait fait convoquer pour
approuver ses opérations de linan-
ce. La reine confia à Vermond l'em-
barras du roi. « Madame , lui dit-
» il , il est un homme que tout le
» monde désire j vous ne pouvez
VER
229
» mieux faire que d'engager le roi à
» le remettre à la tête des finances :
)' c'est M. Necker. » La reine lui fit ,
contre ce dernier , des objections que
l'abbé avait prévues ; et comme de
guerre lasse, il proposa de nouveau
Loménie de Brienne. L'élévation de
ce ministre fut un triomphe pour
l'instituteur de la reine. Il y avait
travaillé dix-sejit ansj et lui - même
disait que ce n'était pas nn terme
trop long pour réussir dans une cour.
Dès-lors il devint un personnage im-
portant à Versailles. Il obtint de la
reine que sou appartement au grand-
commun fût agrandi , afin de donner
d'une manière plus décente ses au-
diences à des ministres , à des cardi-
naux et à des évoques. Marie- Antoi-
nette lui montra encore plus d'égards
que par le passé. Le mot de Mon-
sieur précéda désormais celui d'ab-
bé, quand elle lui adressait la paro-
le ; et l'influence de sa faveur fut telle,
que dès cet instant, par un mouve-
ment spontané, les personnes qui com-
posaient l'intérieur de la reine se \e-
vaient au passage de 7l/oH5/e!/rZ'atZ>É?'.
Il était réservé au ministre que Ver-
mond avait en quelque sorte créé de
hàterle moment fatal de notre l'évolu-
tion. La reine, entraînée par son insti-
tuteur à se mêler des affaires de l'état,
protégea de son influence les mesures
violentes que Brienne appelait au se-
cours de son incapacité. L'exil du
parlement à Troyes souleva l'opi-
nion jniblique. Les ennemis de Ma-
rie-Antoinette firent circuler d'infâ-
mes caricatures , dans lesquelles fi-
gurait l'abbé de Vermond (2). L'o-
(1) Dans la lettre du marquis de Caraccioli à
d'Alembert, écrite !o ^" . mai 1781 , sur le pre-
mier minislère de Necker , on \oiL que l'abbé de
Vermond soutiut peiidaiU un temps , par ses insi-
nuations auprès de la reine , le crédit de Necker ,
dans la vue de coiilrc-miner l'influence de M™^.
dp Polignac qui s'clail prcnoucce contre le minis-
tre genevois.
(9J L'une d'elles faisait allusion au cbcval de
bois, par le moyen duquel les Grecs prirentTroie :
ou voyait un clieval monté par la reiue; des oreil-
les du quadrupède sortaient l'édit du timbre et
celui de l'impôt territorial. La ducliesse de Poli-
gnac teuL'it l'élrier de la ijaucbe ; l'abbé de Ver-
mond , l'cirier de la droite : l« garde-des-sceaux
aSo
VER
pinion publique s'était déclarée con-
tre cette infortunée princesse , surtout
depuis la fameuse affaire du collier ,
clans laquelle Vermond lui avait
conseille, ainsi que Breteuil , mi-
nistre de la maison du roi , de don-
ner de l'éclat à sa juste vengeance
contre le cardinal de Rohan. Selon les
Mémoires de l'abbé Georgel, le baron
de Breteuil fut, dans celte occasion,
aveuglé par sa haine contre le cardi-
nal j etVcrmond, qui ne semblait ,
dit -il, respirer que pour Vhonneur
de sasoui'eraine , se laissa seulement
emporter par Timpétuosité de son
zèle. Mme. Campan ne !e traite pas,
à bicaucoup près , avec autant d'in-
dulgence. Elle ne sépare pas le
baron de Breteuil et l'abbé de Ver-
mond dans ses reproches. Selon
elle, ces deux conseillers , égale-
ment animés d'une haine implaca-
ble contre le cardinal , ne virent
dans cette affaire que ler.r enne-
mi perdu à la cour et déshonoré aux
yeux de l'Europe entière. Ils ne ju-
gèrent pas avec quel ménagement
il fallait étouffer une affaire d'escro-
querie, dans laquellele nom de Marie-
Antoinette se trouvait si gravement
compromis par d'obscurs intrigants,
dont le cardinal de Rohan était la
dupe. On sait quelle fut l'issue du
procès. Vermond eut l'adresse de
rejeter tous les torts sur le baron de
Breteuil. Lors de la convocation des
Etats-généraux , la rage des révo-
lutionnaires se dirigea avec vio-
lence contre Marie - Antoinette ,
et contre ceux qui possédaient sa
confiance. M'^'^. de Polignac ajaut
émigré, tous les dangers attachés à
Lamoignon tenait la bride. On voyait sortir âe
la liuuche du chev:il Lcinienie de Urieuuc, elle
baron de liretpuil , du côte' oppose. An bas on lisait
cette inscription : liassiirez-vous, ce ne. sorti pas
des Grec.
VER
la faveur de cette princesse retom-
bèrent sur Vermond. Il devint l'ob-
jet de l'exécration publique; et ceux
qui , sans être les ennemis de la reine,
lui supposaient des torts , les attri-
buaient principalement à la fatale
direction que lui avait donnée son
ancien instituteur. Dans les pam-
phlets , dans les journaux , on le si-
gnalait comme un autre Narcisse: on
appelait sur lui la justice du peuple,
qui aurait voulu le voir à côté de
Launay et de Flesselles. La reine ,
alarmée des dangers qui menaçaient
le plus ancien de ses serviteurs , lui
conseilla de se rendre à Valcnciennes,
où commandait le prince d'Ester-
hazy : il partit de Versailles le 1 7 juil-
let 1789; mais il ne put rester long-
temps en sûreté à Valcnciennes , et
partit pourCoblentz. Après y avoir ré-
sidé quelques mois, il se rendit à Vien-
ne , où il mourut. Les Mémoires du
temps s'accordent à le peindre com-
me un intrigant dangei'eux , particu-
lièi'ement ceux du baron de Bezenval
et de M™e. Campan. Cette dernière
cherche à s'excuser d'avoir traité si
sévèrement un homme avec leqr.el
elle vécut , pendant vingt ans , dans
des rapports d'intimité : « mais ,
» observe-t-elle , comment pourrais-
» je voir sous des couleurs i'avora-
» blés un homme qui , après s'être
» arrogé le rôle important de con-
» seiller unique et de confident de la
» reine , la dirigea avec si peu de
» ]irudence , et nous donna la don-
» leur de voir cette princesse mêler
» à des qualités qui faisaient le char-
» me de tout ce qui l'environnait
» des torts qui nuisaient à sa gloire
» et à son bonheur? » Proyart, dans
ses divers écrits sur Louis XVI , et
l'abbé de Baruel dans ses Mémoires
sur le Jacobinisme , accusent Ver-
mond d'incrédulité, et cependant, si
VER
fou en croit M"'®. Cam|)au , il teuait
plus qu'aiicim antre ecclésiastique à
la hiérarchie du cierge. L'abbé
Gcorgel est le seul qui le traite avec
quelques ménagements : mais il
faut considérer qu'il devait de la re-
coLnaissance à Vcrmond , qui lui
avait toujours montré de l'amitié.
Et même dans l'aflaire du collier, ce
fut le confident de la reine qui sauva
de la Bastille le confident du cardi-
nal , par son intercession auprès de
cette princesse. D — r — r.
VERNAGE ( Michel -Louis ),
médecin , que Voltaire a célébré en
beaux vers dans un de ses discours
philosophiques, naquit à Paris, en
i6g'^. Avant lui , son père s'était
fait un nom dans la médecine. Le
jeune Vernagc , ayant terminé d'ex-
cellentes études , ([ui ne s'étaient pas
bornées à l'art de guérir , fut reçu
docteur-régent de la faculté à l'âge
de vingt-un ans, se lança dans la
pratique, fut très-cousidéré de ses
confrères et recherché dans le grand
monde. Helvétius , père de l'auteur
du livre de V Esprit ^ ne coutvijjua
pas peu à lui procurer irae nom-
breuse et brillante clientelle ; mais il
ne dut iDienlôt plus qu'à son projne
mérite la confiance qu'il inspirait. 11
était encore fort jeune médecin , lors-
qu'il fut ajipelé auprès du roi de
Pologne Stanislas , malade à Cham-
bord, et il eut le bonheur de l'arra-
cher à la mort. En 1702 , il prit part
au traitement de la petite vérole du
dauphin , fils de Louis XV, qui était
l'objet des vives alarmes de toute la
France j et à la suite d'un heureux
succès , il reçut , ainsi que ses con-
frères , des lettres de noblesse. On
l'avait accusé d'être trop partisan de
la saignée, dans im temps oîi , comme
aujourd'hui , on attribuait presque
toutes les maladies à l'inflammation
VER 23 1
du saugj mais il ne tarda pas à évi-
ter l'excès d'employer trop ou trop
peu ce moyen curatif. Vernage n'a
publié qu'un seul écrit , et encore
sans y attacher son nom : Obser-
valions sur la Petite Vérole na-
turelle et artificielle , Paris , 1 77^ ,
in-i'J!. Il était favorable à l'ino-
culation ; mais il voulait que l'on
n'en fît usage qu'avec des précau-
tions qui furent trop souvent négli-
gées à la première époque de l'intro-
duction de cette méthode. Doué d'une
ame sensible et délicate , il ne lais-
sait échapper aucune occasion d'èlre
utile à ses jeunes confrères et aux
gens de lettres peu favorisés de la
fortune. Le dérangement de sa santé
lui ayant rendu nécessaire l'habita-
tion de "la campagne pendant plu-
sieurs étés , il eut occasion de con-
naître , en Touraine , chez le mar-
quis d'Argenson , qui était alors
exilé dans sa terre des Ormes , une
jeune personne de qualité, Mi'<=. de
Quinemont, dont la main avait déjà
été recherchée par le président Hé-
iiault, autre habitué de la maison
de l'ancien ministre. Vernage eut la
préférence : la disproportion d'âge
n'effraya point la jeune compagne
qu'il avait choisie, et qui joignait
aux agréments de la figure , à des
grâces extérieures, toutes naturelles,
un caractère aimable et enjoué. Le
mariage eut lieu en 1761. Ver-
nage reprit son état, dont il avait
suspendu l'exercice d'autant plus
facilement qu'il était loin d'eu
avoir besoin pour sa fortune. L u-
nion qu'il aA^ait contractée fut pour
lui une source de bonheur pendant
les dernières années de sa vie , dont
le terme arriva le 11 avril 1773. Il
laissa à sa femme trente mille livres
de rente , et à l'aîné de ses beaux-
frères une jolie terre dans le Vendo-
a3i
VER
mois , sans toutefois abandonner ses
he'iiticrs naturels. Il était devenu ,
depuis 1770, l'ancien de sa com])a-
gnie • il remplissait de plus les
fonctions de censeur royal. Le doc-
teur Maloet a publie, en 1776 , un
Eloge historique de M. de Veniage,
où il parle beaucoup des vertus de
M""^, de Vernage , qui est morte à
Banay, près Vendôme, en janvier
1816. L — P — E.
VEKNAZZA. ( Joseph , baron de
FreneyJ, antiquaire et philologue,
naquit à Albe ( J.lha Pompela ), le
10 janvier 1 745 , d'Antoine Vernaz-
za , me'decin distingue. Le jeune Ver-
nazza fit^ avec un succès remarqua-
ble, ses études littéraires à Turin;
et, à l'âge de vingt ans, il fut gra-
dué docteur en di^oit à l'université de
cette ville. Employé ensuite dans di-
vers ministères , il sut faire appré-
cier son mérite par les hommes d'é-
tat qui les remplissaient et surtout
par le célèbre Bogino ( J^. ce nom) ,
dont il s'acquit l'estime. En 1773,
lors de la suppression des Jésuites ,
on lui confia la garde des archives
de cette compagnie. Ce fut lui qui ré-
digea l'édit du recensement ordonné
par Victor-Amédée III, pour procé-
der à une égale répartition de l'im-
pôt. \j Adélaïde illustrata de Jean-
Thomas Terraneo , îe premier histo-
rien qui ait répandu quelque lumière
sur la généalogie des princes de la
maison de Savoie , fut l'ouvrage qui
détermina Yernazza à diriger ses re-
cherches sur les antiquités de son
pays. Il écrivit à ce sujet plusieurs
mémoires remarquables par la saga-
cité de l'auteur dans l'examen de ces
monuments. 11 ne borna pas là son
activité : les antiquités romaines de-
vinrent bientôt l'objet de ses tra-
vaux. La découverte d'un monu-
ment sépulcral , trouvé dans lelit du
VER
Tanaro , près de la ville d'Aine, cl
portant les noms de Germanus et de
Marcella^ lui lit composer un opus-
cule latin sur ces personnages et sur
le temps où ils vivaient. Ce savant
mémoire offre le caractère qui distin-
gue toutes ses productions, savoir,
une brièveté qui laisse au lecteur le
soin de suppléer les détails accessoi-
res ou secondaires , et s'attache aux
points principaux. Le laconisme de
Vernazza avait son principe dans les
vues qui le dirigeaient : son dessein
était de ne produire que ce qui lui
appartenait en propre ; et il s'abste-
nait de ce qui avait été traité avant
lui. Dans cet esprit , il recherchait
avec soin les sources historiques en-
core intactes ; et il était, par exem-
ple, tellement versé dans la généalo-
gie des familles dont il s'était ins-
truit , qu'il y signalait toujours quel-
que chose d'inconnu. Il en donna
des exemples dans plusieurs Vies
qu'il écrivit , telles que celles de
George Beuvenuti, de Pietrino Belli ,
de Macrino , de Joflredi , etc. , mais
surtout dans ses recherches sur les
peintres anciens. On lui doit , sur ce
dernier point, la connaissance des
véritables origines de la peinture à
l'huile en Piémont, sous Amé V.
Les commencements de l'art typo-
graphicfue furent aussi l'objet de re-
cherches spéciales et analogues à ses
goûts. On a observé que la connais-
sance des premiers livres imprimés
était propre à fournir des lumières
utiles à l'histoire littéraire et à la
critique , soit parce que le temps a
détruit des exemplaires d'après les-
quels certains livres ont été décrits ,
soit à cause des intercalations que
des modernes se sont permises dans
quelques ouvrages anciens , qu'ils
ont ainsi dénaturés. Les op'isculcs de
Vernazza sur la typographie ont
VER
laissé loin derrière lui^ dans la par-
tie qu'il a traitée, les travaux de
Meerman et de IMaittaire. Mais c'est
dans la connaissance approfondie des
anciennes inscriptions, et dans l'art
d'en imiter le génie et le style, qu'il
s'est particulièrement distingué. On
connaît les dilllcultés attacliées à ce
genre : outre la forme antique que
l'on recherche avec tant de soin dans
les inscriptions , on veut y trouver ,
comme l'a ohscrvé judicieusement
l'auteur de son Eloge , un style
qui tienne à-la-fois^e la poésie
et de la prose , et qui , dans sa
gravité simple , ou dans son énergi-
que brièveté, ofiic plus de justesse
et de naturel que de linesse et de re-
cherche. Les inscriptions de Vei'naz-
za sont éminemment remarquables
par la beauté ;, la force et la proprié-
té des termes. Toutefois il serait à
désirer que, dans les inscriptions
sépulcrales oîi l'on déplore la per-
te de quelque personne chérie , il
eût donné à ses expressions cette
teinte de douceur qui leur man-
que souvent , et qui parle au cœur en
même temps qu'à l'esprit. Mais l'une
des principales dilllcultés du genre
est dans les choses pour lesquelles il
existe peu de modèles j or , Yernazza
réussissait à rendre heureusement en
latin des objets et des circonstances
que les Latins avaient rarement ex-
primés. 11 savait surtout dépemdre
avec fidélité ce qui tient aux mœurs
et aux divers caractères j et c'est en
quoi la lecture réfléchie de Cicéron
et de Pline l'Ancien lui avait beau-
coup servi. Quoique la plupart des
inscriptions de Veniazza nous soient
connues , leur grand nombre ne nous
permet pas d'en faire l'énumération.
Pendant plus de trente années il s'est
attaché à consacrer ainsi tous les évé-
nements un peu remarquables de son
VER
'ii5
pays , et la mémoire de tous ses com-
patriotes distingués. Il trouvait dans
ce travail un adoucissement aux pei-
nes d'une vie laborieuse et souvent
troublée par les événements. Ne pos-
sédant qu'une fortune médiocre, il
avait encore augmenté sa gêne par
ses acquisitions de livres rares et de
monuments relatifs à ses études. Sa
position devint surtout pénible, lors-
que le Piémont tomba au pouvoir
des Français. Ayant fait alors un
voyage à Rome et à Naples , il ne
put, à son retour , éviter la persécu-
tion. Déclaré suspect, il fut mis en
surveillance et sous la garde d'un
soldat. Mais , par les soins généreux
de quelques amis , rendu enfin à la
liberté, il fut préposé, sous l'empire,
à la bibliothèque publique de Turin,
avec la charge d'enseigner l'histoire
et les lettres. 11 remplit avec soin les
fonctions de bibliothécaire, et ren-
dit de grands services à des savants
étrangers, par d'exactes descriptions
de manuscrits qu'il leur procura. On
n'en citera ici qu'un exemple. Le fa-
meux manuscrit de V Imitation de
Jésus-Christ , d'Arone, sans date,
mais sous le nom d'un abbé Jean
Gessen ou Gersen , se trouvait alors
à la bibliothèque de Turin. Non-seu-
lement il concourut à la description
qu'en donna M. le comte Napione ;
mais, d'après la lecture des Consi-
dérations sur l'auteur de l'Imita-
tion ( en faveur de J. Gerson ), par
M. Gence, il fit calquer et graver
six pages de ce manuscrit, et envoya
les planches àxxfac simile à celui-
ci, pour en joindre le Spécimen à
l'édition latine (i) deV Imitation, et
(i) Celle édilion avec des iinli's critiqiirs sur li-
texte a paru cliez Treultel et Wùrtv. , oîi se trouve
aussi la IrKtlartion française de M. Geiicc. — M. de
Grc'goi-y vient de publier un meinoire daus lequel
il reproduit le personnage de «ierscu , eu pcrscvc-
rani a lui altribuer le livre de ^/)^((^l^'o/;.
234 VER
mettre ainsi les bibliographes à por-
tée de juger définitivement de l'anti-
quité du manuscrit d'Arone. Dans
son enseignement, Vernazza, plein
de zèle pour la science , mais d'un
caractère seVèrc , réussit néanmoins
à se concilier l'alTection de ses e'iè-
ves. Remplace', ajirès la restauration,
dans son emploi de bibliotliëcaire , il
fut rappelé' à l'enseignement par le
ministre de l^intericur Balbe, pro-
tecteur éclaire' des arts et des scien-
ces. A ernazza se livra dès-lors avec
une ardeur nouvelle à ses travaux
che'ris, et publia des e'crits nom-
breux , parmi lesquels on distingue
son mémoire concernant une lettre
militaire de l'empereur Adrien, écri-
te sur une table d'airain , découverte
peu auparavant dans l'île de Sardai-
gne. La dernière communication qu'il
iit à l'académie des sciences de Tu-
rin est une dissertation sur Laure
et sur Ardenli , peintre du duc de Sa-
voie Éraanucl- Philibert , et sur l'in-
terprétation de l'ingénieux symbole
par lequel Le Tasse a célébré l'union
de ces deux personnages. On croit
(p'.e cette dissertation était un frag-
ment d'un travail étendu sur le rè-
gne de Cliarles-Kmaniiel I'' . Le sur-
lendemain de sa lecture, Vernazza
se mit au Ht, affligé d'une dysurie
qui fît de rapides progrès , et à la-
quelle il succomba le i3 mai 1822,
après avoir mis ordre avec calme à
ses affaires , et s'être muni des se-
cours de la religion, qu'il n'avait
cessé de pratiquer dans le cours de sa
vie. Il avait été nommé en l'ySo se-
crétaire d'état jîour les affaires inté-
rieures. En l 'jQo , il fît, par ordre du
roi , un voyage en Savoie, pour re-
chercher dans les diverses archives
les documents relatifs à l'origine et à
l'histoire de la maison de Savoie,
dont il avait e'té chargé. En i8i6, il
VER
fut créé conseiller du roi et du prince
de Cariguan. Des qualités extérieures,
une démarche noble, des traits à la
romaine , un regard sévère, tempéré
par sa gravité douce, le distinguaient,
et il portait de même dans la culture
des lettres, qu'il aimait par goût,
beaucoup de décence et de dignité. Il
n'avait cessé, malgré les événements,
d'être en correspondance épistolaii-e
avec les hommes les plus instruits de
son temps , et il fut lié d'amitié avec
tout ce que Turin renfermait de per-
sonnages rcnfarquables par leur mé-
rite et leurs connaissances. A l'âge de
35 ans , il avait épousé M^l*^ Hya-
cinthe Faussoni , de condition noble,
dont, entre autres enfants, il a laissé
un fils. Les décurions de la capitale
du Piémont ont fait ériger un monu-
ment ta sa mémoire ; et son buste a
clé gravé par un de ses élèves , M.
Louis Costa ( Voy. ce nom dans
la Siographie des hommes vi-
vants). Il serait difficile de donner
une liste complète des productions de
Vernazza , fruits de soixante ans de
travaux soutenus : nous en avons in-
diqué les principales dans le cours
de cet article^ il suffira de désigner
ceux de ses autres écrits qui offrent
le plus d'intérêt; tels sont les sui-
vants : — Éloges du comte Tana
et du P. Pacciaudi. — Dissertation
sur les monnaies de Suze. — Divers
Mémoires communiqués à Tirabos-
chi et au P. Afto. — Les articles
historiques du Piémont , insérés dans
le Dictionnaire géographique impri-
mé à Turin. — Catalogue des ma-
nuscrits en parchemin des archives
des Dominicains de Sainte-Marie-
Madeleine, à Albe. — Recherches
sur le 'culte de saint Théobald. —
Vie du comte Gamerano. — Essai
sur les anciens peintres à l'huile, du
Piémont. — De Tanliquité du siège
VER
èpiscopal d'Albe, avec les vies de
quelques-uns des e'vêques de cette
ville, au nombre desquelles est celle
du poète Vida. — Éloge du comte
d'Orbassau. — Éléments de ge'ogra-
pLie à l'usage du Piémont. — Disser-
tation sur la patrie de Christophe
Colomb. — Vie de Jean-Baptiste de
Savoie. — Histoire des ordres re'unis
des SS . Maurice et Lazare. — Mémoi-
re sur l'ordre de l'Annonciade, et
explication de la devise F. E. R. T.
— Enfin , un très - grand nombre
d'inscriptions latines. Au moment où
ce laborieux écrivain a été enlevé
aux lettres, il s'occupait de la publi-
cation d'une Histoire typogra])hique
du Piémont. Le savant professeur
Boucheron a ki, en langue latine, à
l'académie des sciences de Turin ,
dans la séance du aS juin iSaa, un
Éloge historique de Vernazza , où
nous avons puisé une grande partie
des détails dans lesquels nous som-
mes entrés. G — ce et R — m — r».
VERNE ( Léger-Marie-Philip-
pe Tranchant , comte de La ) , tra-
ducteur et auteur de plusieurs ou-
vrages de tactique, naquit en 1769
au château de Borrey, bailliage de
Vesoul , d'une famille ancienne (i) ,
et qui a fourni un grand nombre
d'ofliciers distingués. Sonaïeul, après
la conquête de la province, étant
entré au service de la France, fut
nommé gouverneur du château de
Clerval, et ensuite ambassadeur en
Prusse ; son bisaïeul , chevalier de
l'ordre d'Alcantara , commandait
un régiment, en i636, et contribua
beaucoup à faire lever le siège de
Dole {F. J. BoYviN ). Philippe , qui
fait le sujet de cet article, fut en-
voyé de bonne heure à l'université
(1) On trouve la généalogie de celte famille dans
VHisUnic des iiref de Salint , par l'abbé Guil-
laume , I . Ç)o.
VER
235
de Gottingue, où il se disposa par
l'étude de l'histoire et du droit pu-
blic à suivre la carrière de la di-
plomatie ; mais , en même temps , il
y puisa le goût des idées philosophi-
ques qui dominaient alors dans les
écoles de l'Allemagne. A quatorze
ans , il entra sous -lieutenant dans
un régiment de dragons , et se
concilia l'estime de ses chefs par la
douceur de son caractère et son atta-
chement à ses devoirs. Dans l'âge
de la dissipation , il était sans cesse
occupé de lectures sérieuses , et ne
fréquentait que des personnes avec
lesquelles il pût s'entretenir de ma-
tières politiques. Comme tant d'au-
tres bons esprits , il ne vit dans la
révolution qu'un moyen d'opérer les
réformes jugées indispensables ; mais
effrayé bientôt de la marche des évé-
nements , il donna sa démission de
capitaine, et rejoignit l'armée des
princes , qui s'organisait à Coblentz.
Il fit la campagne de 1792 , en Alle-
magne, et, après le licenciement des
émigrés , rejoignit sa famille à Fri-
bourg, où il se maria. Dans le cou-
rant de l'année 1 795 , il partit avec
son épouse pour Saint-Pétersbourg;
et il y fut placé dans les bureaux du
prince Alexandre Kourakin , alors
ministre et vice-chancelier de l'em-
pire {J^oj. ce nom , Biographie des
hommes vivants, m, SaS ). Le
calme paraissant se rétablir en Fran-
ce , il se hâta d'y revenir ; mais à
son arrivée , il apprit la nouvelle de
la journée du 18 fructidor ( 4 sept.
1 797 ) , dont le premier résultat fut
l'expulsion des émigrés ; et , man-
quant d'argent , sans ressources pour
s'en procurer , il se vit obligé de ga-
gner , aA'ec sa femme malade , la
Suisse, seul asile qui lui restât dans
le monde. Le directoire ayant exigé
des Cantons l'éloigneraeut des émi-
a36
VER
grés, La Yeriie se rendit à Vienne,
et y demeura jusqu'en 1800 , époque
où il lui fut eui'in permis de rentrer
en France. La révolution l'avait en-
tièrement dépouillé de sa fortune,
ainsi que sa femme; mais il lui res-
tait, avec du courage, le goût et l'ha-
bitude du travail. Par le crédit de
quelques amis , il obtint successive-
ment divers emplois dans l'adminis-
tration de la guerre; et ses talents
l'ayant fait connaître d'une manière
avantageuse, il fut, en 1808, atta-
cbé comme traducteur pour la lan-
gue allemande (2) au dépôt général
de la guerre. Il remplissait encore
ce modeste emploi , quand il mourut,
le 26 avril 1 8 1 5 , à quarante-sis.
ans , et au moment de recueillir le
fruit de tous ses sacrifices. La Vei'-
ne possédait des connaissances très-
variées ; il a pu quelquefois se lais-
ser entraîner par l'esprit de systè-
me; mais tous ceux qui l'ont connu
rendent justice à la droiture de sou
cœur et à la pureté de ses intentions.
Doué d'une grande indépendance de
caractère, i! n'a jamais fait plier
son opinion à des vues d'intérêt. Em-
ployé par le gouveincment de Buo-
ïiaparle, et écrivant sur des matières
militaires , il ne l'a nommé dans au-
cun de ses ouvrages. On a de La
Verne : I. Théorie de la. pure reli-
gion morale , considérée dans ses
rapports avec le pur christianisme,
trad. de l'allemand de Kant ( F. ce
nom ); augmentée d'éclaircissements
et de considérations générales sur la
pbilosopuie critique : insérée dans le
Conservateur de jNL François de
Neufcbàteau , II, 92-226. L'auteur
s'est caché sous le nom de Phil.
Jïuîdiger. IL Le Calomniateur ,
7.1 Et non pas comme ndacleur d'histoire ou
liistoriographc.
VER
drame en quatre actes et en prose,
imité de l'allemand de Kotzebue , Pa-
ris, 1 802, in-B^. Cette pièce fut jouée
à Paris sur le tbéàtre du INIarais ,
mais elle n'eut que quelques repré-
sentations, m. Esprit du système de
guerre moderne , par un officier
prussien ( V. Bulow , vi , 260 ) ,
Paris , i8o3 , in-80. de 256 pag.
avec 5 pi. Cet ouvrage fut utile , en
ce qu'il força les jeunes militaires à
s'occuper davantage de théorie. La
traduction de La Verne , à l'époque
où elle parut, était un véritable ser-
vice. Elle est devenue rare. IV.
Voyage d'un observateur de la na-
ture et de l'homme , dans les monta-
gnes du canton de Fribourg , et dans
diverses parties du pays de \aud,
en 1793, Paris , 1804, in-8°. de 287
pag. L'auteur s'y représente ( p. 5 )
ardent , curieux , recherchant avide-
ment les occasions de réfléchir et
même celles de rêver. La description
des pays qu'il parcourt tient peu de
place dans sou voyage; mais on y
trouve des digressions sur le déluge,
sur la musique, sur les femmes au-
teurs, sur la philosophie de Kant,
sur la vaccine , sur l'amour , sur
Voltaire et Rousseau , sur l'esclava-
ge des nègres , et enfin sur la politi-
que anglaise. V. Lettre à Ch. Vil-
lers , relativement à son Essai sur
l'esprit et l'influence de la réfor-
mation de Luther, Paris, 1804,
in- 8'. ( Fof. VlLLERS^ VI.
h'Art militaire chez les nations les
plus célèbres de V antiquité et des
temps modernes , analysé et com-
paré, ou Recherches de la vraie
théorie de la guerre , et des principes
essentiels de l'institution militaire,
Paris , 1 8o5 , in-80. de 494 pag- C'est
le résultat des réflexions de La Ver-
ne, sur l'ouvrage de Bulow, dont
on vient de parler. Son plan est va:>-
VER
te , mais il ne l'a point rempli. Les
questions les plus importantes, telles
que la composition de l'armëe, son
organisation , elc.^ sont à peine effleu-
rées. L'idée qui domine l'auteur , c'est
la nécessité de former des militaires
une classe entièrement séparée du
reste de la société. En somme, l'ou-
vrage n'offre que peu de vues utiles,
mais il est intéressant pour l'histoire
de l'art. VU. Traité de la grande
tactique prussienne , ses défauts et
soninsu£Iisance,et proposition d'une
méthode meilleure et plus siue , par
C.-F. de Lindenau , ci-devant aide-
dc-camp du roi de Prusse Frédé-
ric II, trad. de l'allemand, Paris,
1808, in-80. de 322 pag. avec Sa
pi. Cette édition est annoncée comme
la seconde ; on n'a pas pu découvrir
la première. On ne trouve pas dans
cet ouvrage la méthode meilleure et
plus sûre, annoncée sur le frontispi-
ce; mais tel qu'il est, on peut le con-
sulter utilement. \I1I. Ânnibal fu-
gitif ,'\h\à. , 1808, 2 vol. in-12,
roman. IX. Histoire du feld-ma-
réchal Souwarow , liée à celle de
son temps , avec des observations
sur les principaux, événements poli-
tiques et militaires auxquels la Rus-
sie a pris part pendant le dix-
huitième siècle^ ibid. , 1809 , in-
8°. Cet ouvrage n'est, il faut en con-
venir, qu'un panégyrique outré du
général russe. La partie militaire est
incomplète et inexacte; mais on y
trouve , sur le caractère et les habi-
tudes de Souwarow , des anecdotes
intéressantes et peu connues. X.
Esquisse d'une nouvelle encjclopé-
die ou introduction à laphilosophie
du XI x'^. siècle , ouvrage dédié aux
penseurs; pi'emier aperçu ( i8i3),
in - 8". XL Au mois de février
181 5 , La Verne publia le prospec-
tus d'une Histoire générale de l'art
VER a37
militaire en Europe , depuis l'intro-
duction des armes à feu , en trois
volumes. La première partie finis-
sant au traité de Westphalie était
sous presse , mais la mort de l'au-
teur en arrêta l'impression, et elle
n'a point été reprise. On a trouvé
dans ses papiers une Introduction à
l'histoire de Gustave-Adolphe , et
le Plan d'une vie dufeld-maréchal
Romanzow. La Verne a relouché la
traduction , par Bourgoin ( Foy. ce
nom ), de la Vie du comte de Mu-
nich, par Gérard Ant. de Halem ,
Paris , 1 808 , in-80. On a quelquefois
attribué à La Verne la Fie du prin-
ce Potemkin et la Grotte de West-
hurf ; mais le premier de ces ouvra-
ges est de Mme. ^g Cérenville {Foy.
Ce'ri-nville au Supplément ) , et le
second est de Mli<^. sa fille , actuel-
lement existante. Barbier , dans son
Dictionnaire des anonymes , n».
7 1 16 , avait présenté le nom de Cé-
remnlle comme un pseudonyme de
La Verne; mais il s'est rectifié au
n». 19034, oii il reconnaît M"^'^^ (jg
Cérenville pour auteur de la Fie du
prince Potemkin , et n'accorde que
la révision à La Verne. ^N — s.
VERNEREY (Jean), en latin
Ferneretus , littérateur, sur lequel
on n'a que peu de x-enseignements ,
était né vers i54oà Passonfonlaine,
bailliage de Pontarlier (r. Il avait
cinq frères, qui tous fréquentaient ,
en même temps que lui, les écoles
pidîliques. Après avoir fait ses études
à Dole , il vint à Paris , qu'il nomme
Universœ sapientiœ imperium prœ-
stantissimum , et s'y perfectionna
dans l'éloquence et la philosophie.
Il se rendit ensuite en Italie , et pen-
dant sept ans il fréquenta les cours
(i) C'est pour cette raison que, suivant l'usage
<les savants de son temps , il prend le titre defon-
latiianus.
238
VER
des plus célèbres professeurs de Bo-
logue , de Pavie et de Padoue. Dans
le temps qu'il était k Pavie , il arj^ti-
menta contre Micli. Polet , profes-
seur au gymnase Émiliea , et l'em-
barrassa SI bien qu'il le réduisit au
silence. Polet , honteux d'être vain-
cu par un jeune homme, encore assis
sur les bancs de l'école , se permit
contre Vernerey des propos outra-
geants ; mais celui-ci, dont le carac-
tère n'était rien moins qu'endurant ,
l'accabla d'injures dans un pamphlet
qu'il ne manqua ])as de distribuer
avec profusion. Vernerey était encore
à Padoue , en i S-j i ; mais il annon-
çait le désir de revenir dans sa pro-
vince , et de s'y consacrer à l'ensei-
gnement des lettres. Ou peut conjec-
turer qu'il accomplit cette résolu-
tion, au plus tard , en i5-5; mais
on ignore les autres particularités de
sa vie , et il est probable qu'il mourut
peu après son retour , avant l'âge de
quarante^ ans. On a de lui : I. ^iii-
madi'ersiones in Mich. Poletum ,
Pavie, 1 565 , in-4*'. de i3 pag. IL
Compendiosa instilutio in iiniversam
Dialecticam ex dristotcle , Rivio ,
aliisque auctorihus recentioribiis col-
lectam , ibid. , 1 565, même format.
Cet ouvrage et le précédent ont été
réimprimés à Lyon, iD-jS, in-S**.
II l. Dispulatio adversùs Marium
Nizolium , Lyon , lO-^S , in-8°.
Cette édition n'est peut-être pas la
première , puisque la dédicace à
Marc de Rye est datée de Padoue ,
sept. iS^ï. C'est une critique trcs-
violente de l'ouvrage de Nizzoli:
De veris principiis et verd ratione
philosophandf ( F^. Nizzoli , XXXI,
3o4;. W— s.
VERNES ( Jacob ) , pasteur de
GencA^e, était né dans cette ville
en i-jsS. Après avoir terminé ses
ctudes , il fut admis au ministère
VER
évangélique ; mais se trouvant sans
emploi, il résolut de consacrer ses
loisirs à la culture des lettres. Lié ,
depuis plusieurs années, avec Rous-
seau , il le consulta sur l'idée qu'il
avait conçue de publier un Recueil
périodique : «Ce projet, lui répondit
» J.-J., ne me ritpas autant qu'à vous :
» j'ai du regret de voir des hommes
» faits pour élever des monuments
5) se contenter de porter des maté-
» riaus , et d'architectes se faire ma-
» nœuvres (i). » Verncs n'en per-
sista pas moins dans le dessein de de-
venir journaliste ; et Rousseau finit
par s'engager à lui fournir des articles;
mais il s'excusa ensuite de ne pas lui
en envoyer , sur son métier de co-
piste, qui ne lui laissait pas le temps
d'écrire (a). U Emile ayant été con-
damné par les pasteurs de Genève ,
Vernes, se rangeant pai'mi les ad-
versaires de son ancien ami , attaqua
dans plusieurs écrits ses opinions
religieuses : mais ce fiU à tort que
Rousseau le soupçonna d'être l'au-
teur d'une brochure intitulée : Senti-
menls des citoyens [2>). Vernes s'em-
pressa de désavouer ce libelle , que
Rousseau , dans son indignation ,
avait fait réimprimer sous le nom de
celui qu'il en croyait l'auteur , en y
ajoutant des notes. Il écrivit là-dessus
à Rousseau ; et celui-ci offrit de con-
tribuer, autant qu'il lui serait possible,
à répandre son désaveu (4); mais il
ne voulut pas entendre parler de ré-
conciliation avec un homme qu'il
avait ]n^éfaux (5). En eflet, Ver-
nes, qui venait de se montrer si sus-
ceptible à l'égard du christianisme
de Rousseau , restait lié de la ma-
(i} Lcllrc de Kousseati, du ■>. a\'rll i-55.
(9.) Lettre dit fi juillet , môme anuec.
(3) Ce libelle était de Voltaire.
(4) Lettre, da 7 février 17G5 , à Moultoii.
'5) Lettre à Monltou , 5.4 iiiillet 17G2.
VER
nière la plus intime avec Voltaire^.
Dans sa Correspondance , Voltaire
ne le nomme que mon cher prêtre ,
mon prêtre aimable , etc. ; et Ver-
nes composait alors, contre les philo-
sophes, un ouvrage, dont nous par-
lerons plus bas , qui l'a fait placer,
par Sabatier, parmileurs adversaires
les plus vi^^oui'eux et les plus adroits
( F. les Trois Siècles de la Littéra-
ture). Vernes eut l'occasion de voir,
à Ferney , Palissot , qui lui confia le
manuscrit de ses Mémoires litté-
raires , eu le priant d'en surveiller
l'impression. Depuis dix ans, il était
pasteur îi Seligny ; raais ses talents
le firent rappeler^à Genève en 1771.
Il partagea le sort de Senebier ( V.
ce nom ) et des autres citoyens qui
furent exiles, eu 1782, pour leur
opposition à tout changement dans la
constitution genevoise. En 1789,
ayant obtenu l'autorisation de rentrer
dans S'a patrie , il y mourut le ai
octobre 1791, regrette de ses con-
frères et de ses nombreux amis. Ou-
tre des éditions, corrigées et amélio-
rées, du Catéchisme à' OiXcY\A\à, on
a de lui : I. Choix littéraire , Ge-
nève , 1755-60, 24 vol. in -8°. ;
c'est moins un journal qu'un recueil
de pièces en prose et en vers. II.
Lettres sur le Cliristianisme de
J.-J. Rousseau ,ihid. , 17G3, in-S".
— Dialogues sur le Christianisme
de J.-J. Rousseau, ibid. , 1763,
in-8". — Réponses à quelques Let-
tres de J.-J. Rousseau , ibid. , 1768,
in-S". Ces trois brochures sont rela-
tives à la Profession de foi du Vi-
caire savoyard. Rousseau, presse' d'y
répondre , refusa très-durement (6).
III. Examen de cette question :
Convient-il de diminuer le nombre
des sermons qui se font à Genève ?
ifi) Lettre à Moultoii , i«r. août ':C3.
VER i3g
ibid. , 1775, in-80. IV. Confidence
philosophique, i ']'] \ , m-8'^.; 4>\ cdit.^
Genève , 1788, 2 vol. in-8". , trad.
en allemand et en anglais. Dans cet
ouvrage , dit Palissot, îa nouvelle
philosophie est écrasée sous le poids
de ses propres maximes mises en ac-
tion, etrapportées avec la plus scrupu-
leuse fidélité. V. Des Sermons, Lau- ^
sanne, 1792, 2 voLin-B». , précédés
de la vie de l'auteur ( par son fils ).
Vernes a laissé manuscrit un Traité
sur l^ éloquence de la chaire, que Se-
nebier regardait comme un ouvrage
très -utile aux prédicateurs ( Voy.
Hist. littér. de Genève, 111,57 ).
On sait qu'il s'était occupé, avec
Roustan {f. ce nom), de V Histoire
de Genève : « Je souhaite , leur
écrivait J.-J. , que vous fassiez un
ouvrage assez vrai, assez beau et
assez utile pour qu'il soit impossible
de l'imprimer ( Lettre du 18 nov.
1759 ). » Cette histoire n'a point
paru. — Dans son catéchisme cà l'u-
sage des jeunes gens de toutes les
communions chrétiennes , qui a été
imprimé à Paris en 1796 , in- 12,
Vernes se montre socinien prononcé.
Il élague les dogmes du péché ori-
ginel , de la Trinité, de l'Incarnation,
des Sacrements : sur l'éternité des
peines il prétend que dans la Bible
on trouve le pour et !e contre. Jésus-
Christ est le Messie ^ le fils de Dieu
( on sait que les sociniens de Ti'ans-
silvanie emploient les mêmes expres-
sions ). Rabaud nous apprend que ce
Catéchisme est celui que M. Marron a
adopté (Grégoire, Sectes relig. , 11. ,
20T ), — M. Vernes , fils du précé-
dent , est auteur d'un f^oj âge sen-
timental , dans le genre de Sterne, oii
se trouve un Éloge de son 2^<^re.
W— s.
VERNET ( Jacob ) , professeur
de théologie à Genève , naquit dans
a4o
VER
cette ville le 39 août 1698. Peu
d'hommes ont fourni une carrière
aussi longue et aussi bien remplie : il
prêcha jusqu'à l'âge de quatre-vingt-
deux ans , enseigna jusqu'à quatre-
viugt-huil, et en avait quatre-vingt-
dix lorsqu'il publia son dernier vo-
lume. Prive fort jeune de son père ,
il fut dirigé par les soins de son oncle,
Daniel Leclerc , le savant auteur de
l'Histoire de la médecine ( Foj. son
article , XXIII , 5i5 ). Ses délasse-
ments furent de bonne heure des étu-
des sérieuses. Le hasard le rendit un
jour témoin des consolations qu'un
pasteur adressait à une femme mou-
rante. Les discours touchants du
pasteur ( c'était Bénédict Pietet )
( Foy. ce nom, XXXIV, 290) ,
l'impression qu'ils produisirent sur
la malade , frappèrent le jeune Ver-
net , et , dès ce moment , il se sen-
tit appelé à une vocation où il pour-
rait répandre des bienfaits si pré-
cieux. Quoiqu'il ait cultivé d'autres
études, qu'il ait embrassé une grande
variétcde connaissances, qu'il ait mê-
me professé la littérature ancienne ,
depuis l'année i'j39 jusqu'au moment
où il passa à la chaire de théologie en
i-j^O , il rapportait tous ses travaux
à sou étude favorite , celle de la reli-
gion et de l'Ecriture sainte qui était ,
selon lui , la seule base authentique de
la foi. Ce fut à la lecture approfondie
des écrivains grecs et latins qu'il
dut celle finesse de tact^ cette saga-
cité, ce savoir qu'il porta dans l'ex-
plication des livres sainis. Les ré-
sultats de ses recherches ont pu ne
pas satisfaire également tous les es-
prits j quelques-unes de ses opi-
nions théologiques ont pu s'écar-
ter des systèmes les plus généra-
lement leçus avant lui ; mais on
ne peut lui refuser la sagesse du
raisonnement , l'exactitude et la
VER
bonne foi des recherches, une sa-
vante et judicieuse interprétation
des livres saints , l'amour sincère
et profond de la religion, la véné-
ration la mieux sentie pour l'Evangi-
le et pour son divin auteur : jamais
il n'avança rien qu'ilne vît ou ne crût
voir enseigué dans l'Ecriture , dont
il connaissait également la lettre et
l'esprit. Personne n'a plus fortement
repoussé le système qui ne fait de
l'Envoyé céleste qu'un simple pro-
phète , et du christianisme qu'une
sanction nouvelle et plus imposante
de la religion naturelle , sans aucun
dogme particulier : enfin , il se mon-
tra le digne successeur de J.-Alph.
Turrettini , qui avait été son maître
et qui devint son guide et sou ami
( Fof. ce nom , XLVII , 112).
Vernct passa quelques années de sa
jeunesse à Paris , où il vit les hom-
mes les plus distingués , entre autres
le P. Hardouin,pour lequel il fît plus
tard l'uigénieuse épitaphe qu'on a
rapportée à son article ( XIX ,
4o8 ). Une guérison miraculeuse ,
dont on parla beaucoup à Paris ,
en 1725 , et qui fut aflirmée par un
mandement de l'archevêque , le car- ■
dînai de Noailles , attira l'attention
de \ernet, et il publia , en 1726
et 1 727 , deux brochures où il com-
bat la réalité de ce miracle. Il
voyagea pendant quelques années en
Italie , en Allemagne , en Angleterre,
et partout il fut accueilli non-seule-
ment comme un savant , mais com-
me un homme aimable et spirituel ;
il compta des amis parmi les cardi-
naux et plusieurs hommes éminents
de l'Eglise catholique. Ce fut lui ,
suivant quelques biographes , qui re-
trouva à Turin la Table Isiaque ,
qu'on croyait perdue depuis le sac
de Mantoue, en i63o. A Rome ^ il
vit Montesquieu, et depuis lors resta
VER
toujours lié avec lui : ce fut à Vcrnet
que Montesquieu confia le soin de
faire imprimer , à Genève , la pre-
mière édition de V Esprit des lois ,
en 1747- On a dit que l'éditeur s'é-
tait permis d'y faii'e quelques cor-
rections de style- rien n'est plus
faux ; mais ce qui est vrai, c'est que,
sur l'invitation de l'auteur , il lui
soumit des observations toujours
Lien accueillies; et entre autres il
l'engagea à supprimer une invocation
aux Muses , qui lui paraissait char-
mante , mais peu conforme au tonde
l'ouvrage. Ce morceau a été' imprimé
à part dans quelques éditions. Vcrnet
soigna aussi la première édition de
la Théorie des sentiments agréa-
bles, par Levesque de Pouilly {F".
ce nom, XXIV, 877 ) , et y joignit
une préface , conservée en partie
dans l'édition de Paris. Quelques
années auparavant, il s'était fort
attaché à Giannone , lorsqu'il se
réfugia à Genève en 1735. Il fit
imprimer Y Histoire de Naples de
cet auteur , et mit en tète du second
volume , en 1740 , une préface
qui contient des détails histori-
ques sur ce célèbre et infortuné Na-
politain. Vernet eut aussi des re-
lations avec Voltaire et Rousseau.
Il n'eut pas à se plaindre de ce der-
nier; mais il n'en fut pas de même
de Voltaire , qu'il avait vu à Paris en
1733. Pendant plus de vingt ans, ils
eurent une correspondance, rare,quoi-
que toujours sur un ton d'estime et
de politesse réciproque. Lorsque Vol-
taire vint se fixer dans les environs
de Genève, Vernet , qui ne pouvait
s'empêcher de craindre son voisina-
ge, lui écrivit , à ce sujet, une lettre
pleine de franchise et d'égards , da-
tée du 8 février 1755. Il alla quel-
quefois chez lui; mais lorsqu'il vit
que Voltaire ne se servait de la faci-
XLvni.
VER
241
lité de ce séjour que pour répandre
des principes dangereux , avec une li-
cence toujours croissante, il cessa de
le fréquenter , et ne lui en cacha pas le
motif, llécrivit^au sujet dedeux cha-
pitres de V Essai sur l'histoire , une
Lettre insérée dans la Nouvelle bi-
bliothèque germanique , tome xxi ,
et imprimée ensuite séparément. Vol-
taire n'essaya pas delà réfuter; il
se vengea _, comme ce fut trop sou-
vent sa manière , par des calomnies,
des libelles, des injures, en vers et
en prose. On trouve des détails cu-
rieux sur ces querelles et sur d'autres
objets, dans un Mémoire , fort inté-
ressant, sur la vie et les cuivrages
de Fernet , Genève, 1790, in -8". ,
donné par M. Saladin , son petit-fils
par alliance. Les attaques de Voltaire
contenaient des faits faux : Vernet
crut devoir rétablir la vérité , dans
un Mémoire présenté à M. le pre-
mier sjndic , et imprimé en 17 60.
Quant aux injures, il s'en reposait sur
l'estime des gens de bien; mais il mit
plus d'intérêt à défendre l'Eglise et le
cleigéde Genève , mal représentés par
d'AIembert, dans un article de l'En-
cyclopédie , et surtout la religion , at-
taquée chaque jour par de nouveaux
écrits. C'est ce qui donna lieu à ses
Lettres critiques d'uji voyageur an-
glais sur l'article Genève de l'En-
cyclopédie, qui parurent à dilïéren-
tes 'époques, depuis 1761 , et furent
augmentées dans une seconde édi-
tion de I 7G3 _, contenant six lettres ,
et complétées par une nouvelle édi-
tion , en 2 volumes in-8°., Utrecht,
1766 , contenant treize lettres.
Dans ce hvre , écrit tour-à-tour avec
finesse et avec force, on remarque le
talent que l'auteur aurait eu pour la
polémique s'il avait voulu s'y livrer.
Un ministre anglais, M. Brown, en
fut l'écliteur , et passa d'abord pour
16
1^1
VER
en être l'auteur. Mais quaud Vernet
vit les iujuies qu'il attirait sur son
ami , il se hâta de mettre l'ouvrage
sous son nom. 11 donna unepreuvede
sa sagacité critique à l'occasion de
VExamen des apologistes de la re-
ligion chrétienne , que l'on essaya ,
par une fraude très -peu philosophi-
que, de faire passer sous le nom de
Fréret. Vernet trouva , dans une lec-
ture attentive du livre . la preuve
qu'il ne pouvait pas être' de cet illus-
tre savant; et cette conjecture a e'te'
pleinement justifiée. Entre un grand
nombre d'écrits de Vernet, impri-
més à part ou dispersés dans des
recueils ( F". Vabioopj), et dont on
trouvera la liste complète dans le Mé-
moire cité plus haut et dans Séne-
bier , nous indiquerons les plus inté-
ressants : I. Traité de la vérité de
la relig^ion chrétienne , tiré en jiar-
lie du latin ,deJ.-Alph. Tiirrettini,
Genève, i o vol. in-8".Ce fut l'ouvrage
de toute sa vie , puisque le premier
volume parut en 1780, puis relouché
dans une nouvelle édition , en 1 74B ,
et le dernier en 1 7 88. Vernet avait d'a-
bord eu le projet de traduire les Thè-
ses de Turrcttini : De veritate reli-
gionis christiance , avec quelques dé-
veloppements; mais ce travail s'é-
tendit sous sa main , et peut-être trop
dans les derniers volumes. Cependant
si Ton y reconnaît le vieillard, ce
n'est qu'à quelques digressions, d'ail-
leurs savantes et judicieuses , sur di-
vers points intéressants de critique
et d'histoire ecclésiastique, comme
sur les gnostiques, sur le passage de
Josèphe , touchant Jésus-Christ, etc.
On estime particulièrement le tome
quatrième , sur rexcelleuce de la doc-
trine chrétienne (i). II. Dialogues
(>". I.es dFiiT Toliimes sur Ip"! Miracles ont été
réiiiiprimn à Paris, en J753 , par les soin» d'an
VER
socratiques ou Entreliens sur di-
vers sujets de morale , compo-
sés pour donner une idée de la mé-
thode de Socrate , et publiés à Paris,
en 1745, et avec des additions, en
1755. « Ils sont écrits, dit Palissot,
avec une pureté remarquable dans
un étranger, et remplis d'intérêt. »III.
Un Discours latin sur l'influence des
arts et des sciences, pour combattre
celui de Rousseau. Il se trouve dans
le Muséum helveticuni de 1752. IV.
Lettres sur la coutume moderne
d'employer le rovs au lieu du
TU {^) , et sur la question : Doit-
on employer le tutoiement dans les
versionsdela Bible .^lallave, 1752 ,
iu-i '2. Il défend le tutoiement par des
raisons et par les autorités de Montes-
quieu, de Voltaire, de Fonlenelle et
d'aiitresbons juges qu'il avait consul-
tés. \ . Instruction chrétienne, impri-
mée d'abord à Neufchatel , en \']5'i,
4 vol. in-8". , et ensuite à Genève ,
5 volumes in-12, 1756, 1771
et 1807 : ouvrage excellent, vé-
ritable cours de théologie bibli-
que, mis à la portée de toutes les
classes de lecteurs. On regrette seu-
lement que l'auteur l'ait écrit par
demandes et réponses. VI. Bé-
J! exions sur les mœurs , la reli-
gion et le culte, Genève, 176g,
in-8''., où l'on montre la liaison né-
cessaire de ces trois bases fondamen-
tales de la société. VII. Opuscula
Ibi-ologien catholique, qui y a Tait quelques chnn»
gciuculs et a supprimé un exanieu des préleudus
miracles de l'abbê Paris.
(il) Cet opuscule a été l'occasion d'nue singulière
faute tvpijgrapliique qui se trouve dans Sénehicr
{ Hisl. lin. de Oenei'e, m, 9.6), dans Ersrh
( l-'runce 1,11.. m, 3-; ) et peut-être ailleurs : on
y ntiribue à Vernet uue Lcltie sur la coutume
i/'cm/ilorer les \iiis un lien du thé, i^Sî , in-S".
Ce dernier ouvrage n*existe pas. Les mots vous
cl tu, mal lirs à une impression da titre, ont
causé l'erreur; mais ce qu'il v a de remarq>jahle,
c'est qu<i les deux titres, l'un fiacl et l'autre fautif
sont donnés à la suite l'un de l'autre par MM.
StnehitT el Erich. A. B — T.
VER
iheolo^ica selecta , Genève, 17^4,
in-8°. Yernet a réuni dans ce volume
ses principales thèses tlièologiques.
Parmi tant de qualités, il lui manqua
quelques-unes de celles qui font l'o-
rateur. Il n'a pas laisse de réputation
sous ce rapport, et l'on n'a imprimé
aucun de ses sermons. Après avoir
parlé du savant et de l'homme de
lettres , il faudrait , pour achever de
le faire connaître , peindre l'homme,
ses vertus publiques et privées , la
douceur de sa société , sa conversa-
tion instructive , agréable, assaison-
née d'une gaîté piquante et d'une fou-
le de faits et d'anecdotes dont sa mé-
moire était enrichie. Il conserva jus-
qu'à la fin l'usage de ses facultés.
Quand il eut cessé d'enseigner en pu-
blic, il aimait à recevoir chez lui les
jeunes étudiants, qu'il instruisait en-
core par ses entretiens , qu'il intéres-
sait surtout vivement par la chaleur
avec laquelle il leur parlait de la re-
ligion et du bonheur qu'elle répan-
dait sur sa vieillesse. Quinze jours
avant sa mort, à quatre-vingt-onze
ans, il s'occupait encoi'e de lectures
savantes. Il termina doucement une
vie honorable et heureuse , le '26
mars 178g. Il envisagea la fin de
sa carrière avec la confiance du
chrétien ; et ses dernières paroles
furent celles de saint Paul : Je sais
en qui j'ai cru. On peut consulter,
outre le Mémoire cité plus haut ,
V Histoire littéraire de Séuebier, les
Mémoires de Palissot, et deux Noti-
ces placées en tête des deux, éditions
de V Instruction chrétienne qui ont
paru à Genève en 1807. M-n-d.
VERNET (Claude- Joseph),
peintre célèbre, né à Avignon en
I 7 1 4 , fut élève de son père Antoine,
qui peignait assez habilement. Il
ne tarda pas à s'apercevoir que
d'autres leçons lui étaient néces-
VER
243
saircs , et il forma le projet d'al-
ler se perfectionner en Italie. Il
n'avait alors que dix-huit ans. Il
s'embarqua , pour parvenir plus
promptement au but de son voyage.
Le spectacle de la mer , la vue des
vaisseaux, le soin avec lequel, pen-
dant la traversée , il se plut à dessi-
ner l'aspect des cieux et des eaux ,
détei'miuèrent la direction de son ta-
lent^ et lorsqu'il arriva en Italie, il
n'avait déjà plus de rival comme
peintre de marine. Établi à Ro-
me _, il s'empressa d'entrer dans
l'école de Bernardin Fergioni , qui
cultivait avec un grand succès ce der-
nier genre, et il ne tarda pas à sur-
passer son maître. Cependant ses
commencements furent quelque temps
obscurs et pénibles. Réduit aux fai-
bles ressources qu'il avait apportées
de France, il fut obligé de tirer par-
ti de son pinceau pour subvenir aux
besoins les plus pressants de la vie :
on cite un de ses petits tableaux
qui , à la vente du cabinet de M. de
Julienne, fut vendu mille ccus , et
qu'il avait peint à Rome pour un ha-
bit , une veste et une culotte. Mais il
ne tarda pas à se faire connaître par
une foule de tableaux qui affermirent
sa réputation , et qui lui méritèrent
l'estime des amateurs les plus éclai-
rés. Parmi celles de ses productions
qui réunirent tous les suffrages , ou
cite les paysages dont il orna la ga-
lerie Borghèse et le palais Rondaui-
ni. Il s'est plu , dans ces derniers, à
imiter le style de Salvator Rosa; etil
a l'eudu avec habileté la manière fiè-
re et sauvage de cet artiste. Les agré-
ments de sa société lui avaient procuré
un grand nombre d'amis , parmi les-
quels ou distinguait Pergolèse. Ce
musicien , doué d'un génie si sensi-
ble , venait passer une partie de
ses loisirs dans l'atelier de l'artis-^
iG..
544 VER
le, auquel il dut maintes fois d'heu-
reuses inspirations. C'est auprès de
lui qu'il composa un des plus beaux
versets du Stahat. Vernet en conser-
vait précieusement le brouillon , qu'il
apporta avec lui à Paris , lorsqu'il fut
appelé eu France. Il sut mettre à pro-
fit sa longue résidence eu Italie, pour
dessiner tous les monumcuts pitto-
resques que renferme cette ten-e
classique des arts ; mais , non content
des richesses qu'elle offrait à ses pin-
ceaux , il parcourut les mers de ce
pays , ainsi que les diverses plages de
la Grèce ;ct c'est après avoir recueil-
li toutes les beautés de ces deux célè-
bres contrées qu'il sut reproduire
avec tant de charme et de vérité leurs
sites les plus remarquables. Pendant
son séjour à Rome, il fut reçu^ en
1743 ? membre de l'académie de
Saint -Luc, et il épousa M'^^^ p^,..
ker , fille d'un Anglais catholique,
officier dans la marine du pape.
Absent de sa patrie, depuis \ingt-
deux ans , il ne l'avait point oubliée,
malgré les succès qu'il obtenait loin
d'elle; et ce fut avec le plus vif em-
pressement qu'il se hâta d'y revenir,
sur l'invitation que lui fit ÎNI. de Ma-
rigny , de la part de Louis XV , qui
voulait le charger de peindre les
principaux ports de France. Pour
obéir plus promptement à une invi-
tation aussi honorable, il se rend à
Livourne, et s'embarque dans une
petite felouque. Pendant la traver-
sée , une violente bourrasque s'élève,
et menace de briser le frêle bâtiment
sur les rochers. Au milieu des vives
alarmes de l'équipage et des passa-
gers , Vernet, tout entier à l'enthou-
siasme de son art, et voulant obser-
ver sans obstacle le spectacle d'une
mer agitée par la tempête, se fait
attacher au mât du vaisseau j et tan-
disque tout tremble autour de lui, il
VER
ne s'occupe qu'à retracer sur sou li-
vre de souvenirs la scène qu'il a sous
les yeux. Les seules exclamations
qu'elle peut lui airacher sont cel-
les du plaisir et de l'admiration. Ce
trait, qui ne fait pas moins d'hon-
neur au courage de l'artiste qu'à son
amour pour son art , a été représenté
avec beaucoup de talent, dans un ta-
bleau placé au salon du Louvre ,
en 1 82'ji , par M. Horace Vernet , son
petit-fils. En arrivant à Paris , où sa
réputation l'avait devancé, \ernct
fut reçu membre de l'académie de
peinture. Son tableau de réception
représente un port de mer , par un
soleil couchant. A gauche est un
rocher ombrage par quelques grou-
pes d'arbres ; à droite s'élève une
tour surmontée d'un drapeau. Parmi
les ligures qui ornent le premier
plan , on voit un homme et deux
femmes dans le costume oriental. Ce
HKirceau , digne eu tout de la répu-
tation de son auteur , lui ouvrit par
acclamation les portes de l'académie.
Il fait aujourd'hui partie du Musée
du Louvre. Après sa réception , il
commença la grande entreprise dont
le gouvernement venait de le char-
ger. Il visita successivement les dif-
férents ports qu'il devait représenter;
entreprise ingrate , en apparence ,
comme toutes celles qui mettent des
entraves au génie des artistes , mais
dans laquelle il sut rendre pittoresques
et piquantes la plus scrupuleuse pré-
cision et la plus fidèle exactitude.
Après avoir , dans un espace de
moins de dix années, lempli cette tâ-
che importante avec la supériorité'
que l'on était en droit d'attendre de
son talent , il revint à son premier
genre; et, doué de la plus heureuse
facilité, il continua, par une foule de
nouveaux chefs-d'œuvre, à prolester
pour ainsi dire , à lui seul , par son
VER
exemple, contre le mauvais goût qui,
à cette époque , avait envahi toutes
les branches des arts du dessin : lors-
que Vien donna une meilleure di-
rection à l'école française , dans le
genre historique, Vcrnet, dans le sien,
n'eut point à revenir sur ses pas. 11
avait obtenu, pour recompense de ses
ports de France , un logement au
Louvre. En i -jëô , il fut élevé au
rang de conseiller de l'académie , et
en l'jS'j il eut le plaisir d'y recevoir
son (ils Carie sur son beau tableau
représentant le Triomphe de Paul-
Emile. Userait trop long de rappe-
ler tous les tableaux dus à son pin-
ceau. On porte à plus de deux cents
ceux qu'il a exécutés seulement de
i']5'2 à 17^9. Le Musée du Louvre
possède à lui seul quarante- huit
Eioi"ceaux de ce maître, parmi les-
quels la collection des ports de Fran-
ce, au nombre de quinze^ occupe un
rang distingué. Ce sont : L La P^ue
de l'eiitrée du port de Marseille ,
prise de la montagne appelée Tète-
de-More. Vernet s'y est représenté
dessinant , et entouré de sa famille
qui lui fait remarquer Aunibal , vieil
invalide âgé de cent dix ans, tableau
peint en 1754- II. La Vue de l'in-
térieur du port de Marseille , prise
du pavillon de l'horloge du Parc ,
1754. III. Vue du golfe de Ban-
dol. On voit sur le devant la madra-
gue ou la pêcheduthon, 1755. IV.
Vue de la rade d'Antihes , prise du
côté de la terre , 1756. V. Vue du
port neuf de Toulon , prise de
l'angle du parc d'artillerie, 1756.
VI. Vue de la rade de Toulon. Elle
offre l'aspect des belles campagnes
des environs^ 1756. VII. Vue du
vieux port de Toulon , prise du
côté du magasin aux vivres, itSG.
VIII. Vue de la ville et du port
de Bordeaux _, prise du côté des Sa-
VER
245
liuièrcs, 1758. IX. Vue de la ville
et du port de Bordeaux , prise du
côté du Château - Trompette , 1759.
X. Vue du port de Cette, en Lan-
guedoc , prise du côté de la mer ,
derrière la jetée isolée, 1761. XI.
Vue de la ville et du port de
Baïonne , prise de la mi-côte des Sa-
linières, 1761. XII. Vue de la ville
et du port de Baïonne , ])rise de
l'allée de Boufflers, près !a porte
de Mousserole, 1761. XIII. Vue
du port de la Rochelle , prise de la
Petite-Rive, \'fii. XIV. Vue du
port de Rochefort , prise du maga-
sin des colonies, 17G2. XV. Vue
de la ville et du port de Dieppe ,
1765. C'est dans cette superbe col-
lection , unique en son genre , qu'on
ne se lasse point d'admirer , et qui
peut supporter l'examen le phis ri-
goureux, que l'on voit se reproduire
sous mille formes diverses les res-
sources du pinceau le plus fécond cl
le plus ingénieux. XVI. Marine ,
vue du soleil couchant par un temps
brumeux. XVII. Vue d'un port de
mer, du même effet que le tableau
précédent. XVllI. Le Matin ou la
Pèche , effet du soleil levant. XIX.
Le Midi ou V Orage, marine avec
figures. XX. Le Soir , ou le Retour
au village, marine par un temps cal-
me, effet de soleil couchant. Wl.La
Nuit, marine, effet de lune. Ces quatre
tableaux de forme octogone, et peints
en l'i^yi. , sont connus sous le nom
des Quatre partie s du jour, et ay aient
été faits pour servir de dessus de porte
dans un des appartements du châ-
teau de Choisy. XXII. Porf de mer,
effet de soleil couchant ; tableau de
réception de l'auteur à l'académie de
peinture, en irj^S.UXlU. Paj sage
représentant la construction d'une
grande route. On voit sur le devant
l'ingénieur Pcrronet donnant des or-
ai6
VER
(Ires , 1774- C'est le plus faible de la
collection. XXIV. iTue des environs
de Rome ; morceau d'étude , connu
sous le nom du Torrent. XXV. Fue
du pont et du chdteau Saint- Ange,
construits sur les ruines du mausolée
de l'empereur Adrien. XXVI. Fue
du Ponte-Rotto à Rome , dit ancicn-
ncmejit P ons-Senatorius . XXVII.
Marine. XXVIII. Paysage, elTet
de clair de lune. XXIX. Marine ,
effet de clair de lune. XXX. Autre
Marine, effet de clair de lune. A
droite , sur le devant , un feu près
duquel des matelots apprêtent leur
repas. XXXI. Paysage , vue des
environs de Rome^ morceau d'étude.
XXXII. Le Naiifrage. On voit sur
le devant une chaloupe dans laquelle
des hommes et des femmes cherchent
à gagner le rivage. A gauche , des
matelots se hasardent sur la pointe
d'un rocher et yont leur porter des
secours. Au milieu du tableau , et sur
un plan plus éloigné , on aperçoit un
vaisseau brisé contre un écueil sur
lequel une partie de l'équipage est
parvenue à se sauver. XXXIII. Fue
des Cascatelles de Tivoli. XXXIV.
\]nt Marine , où l'on voit une casca-
de et le château Saint-Ange. XXXV.
La Rergère des Alpes. XXXVI.
Les Baigneuses. XXXVII. Le Ma-
tin. XXXVIII. Le 3Iidi ou le Cal-
me. XXXIX. Le Soir. XL. Le Soir
ou la Tempête. Ou aperçoit au mi-
lieu des flots les restes d'uubâtiment
que les vagues ont brisé contre un
rocher , et sur le devant une barque
à moitié submergée, dans laquelle
des naufragés cherchent leur salut j
à droite, des matelots secourent une
femme demi-nue et évanouie ; dans le
lointain , à gauche , un vaisseau bat-
tu des vents cherche à gagner la
f)leine mer. On voit, du même côté,
a foudre éclater au milieu des nna-
VER
ges. Ce tableau , que l'on peut re-r
garder comme le chef - d'œuvre de
Vernet , a été gravé d'une manière
admirable par Balechou. XLI. Le
Coup de tonnerre , paysage. XLII.
Un iV^oM/r^g-e. Sur le devant, on voit
quatre figures, dont une femme éva-
nouie que l'on secourt. XLIII. Un
Clair de lune. Sur le devant, des pê-
cheurs retirent leurs filets. XLIV.
Marine, par un clair de lune. XLV.
Le Retour de la pèche. ^hVl. Port
de mer au soleil couchant; sur la
jetée qui est en avant , on voit des
canons et plusieurs personnages en
costume levantin. XLVII. Port de
mer , par un brouilhard. XLVIII.
Pécheurs remettant une barque sur
la grève, tandis que d'autres vident
leur s filet s. Ces huitderniers tableaux
avaient été peints par Vernet pour
M. de La Borde, banquier de la
courj en i8'i5 , ils ont été acquis de
ses héritiers pour le Musée. Vernet
a aussi gravé à l'eau-forte , de la
manière la jjIus spirituelle , quelques
petits paysages de sa composition,
qui font regretter qu'il n'ait pas mul-
tiplié ses productions en ce genre; ce
sont : I. Un Paysage avec un bout
de village et un petit pont qui tra-
verse un ruisseau. II. Un Berger
assis à- côté de sa bergère, et jouant
de la musette. III. La Pue d'uii
marché dajis une ville. IV. Un Ca-
nal occupé par des pêcheurs , et
bordé de rochers escarpés. Son
OEuvre gravé est très-considérable ,
et d'une variété extrcmemeut pi-
quante. Les graveurs qui l'ont rendu
avec le plus de succès sont Bale-
chou , Lcbas , Aliamet et Flipart.
On porte le nombre de ses pièces à
plus de deux cents, marines ou pay-
sages. Userait diliicile d'apprécier le
mérite de ce grand peintre mieux
qucnel'afait Diderot dans le passage
VER
suivant, enparlant de vingt-cinq ta-
bleaux que Vernet avait exposes au
salon de 1-^65. « Il n'y a presque pas
« une de ces compositions , dit- il,
» à laquelle un peintre qui aurait
» bien employé son temps n'eût
» donne' les deux années qu'il a mises
» à les faire toutes. Quels effets in-
» croyables de lumière ! les beaux
» ciels ! quelles eaux ! quelle ordon-
» nance I quelle prodij^ieuse variété
» de scènes ! Ici, un enfant échappé
» du naufrage est porté sur les épau-
» les de son père 5 là, une femme
» étendue morte sur le rivage, et son
» époux qui se désole. La mer mu-
« git ; les vents sifflent ; le tonnerre
» gronde; la lueur sombre et pâle
') des éclairs perce la nue , montre et
» dérobe la scène. On entend le bruit
» des flancs d'un vaisseau qui s'en-
« tr'ouvre ; ses mâts sont enlevés , ses
»• voiles déchirées; les uns sur le pont
» ont les bras levés au ciel; d'autres
» se sont élancés dans les eaux. Ils
» sont portés par les flots contre des
» roches voisines , où leur sang se
» mêle à l'écume qui les blanchit.
» J'en vois quiflottent; j'en vois qui
» sont près de disparaître dans le
» gouffre; j'en vois qui se hâ^ut
» d'atteindre le rivage, contre le-
M quel ils seront brisés. La même va-
» riété de caractères , d'actions et
» d'expressions règne sur lesspecta-
» teurs ; les uns frissonnent et dé-
» tournent la vue; d'autres secou-
» rent; d'autres, immobiles, regar-
» dent. Il y en a qui ont allumé du
» feu sous une roche ; ils s'occupent
» à ranimer une femme expirante.
» Tournez vos yeux sur un autre ta-
» bleau _, et vous verrez le calme
» avec tous ses charmes. Les eaux
» tranquilles, aplanies et riantes s'é-
» tendent en perdant insensiblement
5) de leur transparence, et s'éclairent
"VER 347
» insensiblement à leur surface , de-
» puis le rivage jusqu'où l'horizon
» confine avec le ciel. Les vaisseaux
» sont immobiles , les matelots , les
» passagers ont tous les amusements
» qui peuvent tromper leur irapa-
» tience. Si c'est le matin , quelles
» vapeurs légères s'élèvent ! Comme
» ces vapeurs éparses sur les objets
« de la nature les ont rafraîchis et
» vivifiés! Si c'est le soir, comme la
» cime de ces montagnes se dore!
» De quelles nuances les cieux sont
» colorés I Gomme les nuages mar-
» chent, se meuvent et viennent dé-
» poser dans les eaux la teinte de
» leurs couleurs I Allez à la campa-
» gue , tournez vos regards vers la
» voûte des cieux, observez bien les
» phénomènes de l'instant , et vous
» jurerez qu'on a coupé un morceau
» de la grande toile lumineuse que le
» soleil éclaire, pour le transporter
» sur le chevalet de l'artiste ; ou
» fermez votre main et faites-en un
« tube qui ne vous laisse apercevoir
» qu'uu espace limité de la grande
» toile, et vous jurerez que c'est un
» tableau de Vernet , qu'on a pris
» sur son chevalet^ pour le trans-
» porter dans le ciel.... Ses nuits
» sont aussi touchantes que ses jours
» sont beaux ; ses ports sont aussi
» beaux que ses morceaux d'imagi-
» nation sont piquants. Également
» merveilleux y soit que son pinceau
» captif s'assujétisse à une nature
» donnée ^ soit que sa muse, dégagée
» d'entraves, sôit libre et abandonnée
» à elle-même ; incompréhensible,
» soit qu'il emploie l'astre du jour
» ou celui de la nuit , la lumière
» naturelle ou les lumières artificiel-
» les ta éclairer ses tableaux ; tou-
» jours vigoureux , harmonieux et
« sage, tel que ces grands poètes,
» CCS hommes rares en qui le juge-
248 VER
» ment balance si parfaitement la
» verve qu'ils ne sont jamais ni exa-
» ge're's ni froids. Ses fabriques , ses
» édifices , les vêtements , les actions,
» les hommes, les animaux, tout
» est vrai. De près, il vous frappe j
» de loin, il vous frappe pins cnco-
» re. C'est un grand magicien : on
» dirait qu'il commence par créer le
» pays, et qu'il a des hommes, des
» femmes , des enfants en réserve ,
» dont il peuple sa toile, comme on
» peuple une colonie ; puis il leur
» fait le temps, le ciel , la saison, le
» bonheur, le malheur qu'il lui plaît.
» C'est le Jupiter de Lucien , qui ,
» las d'entendre les cris lamentables
» des humains, se lève de table , et
» dit : De la grcle en Thrace ; et
» l'on voit aussitôt les arbres dé-
» pouillés , les moissons hachées, et
» le chaume des cabanes dispersé :
» La peste en Asie j et l'on voit les
» portes des maisons fermées , les
w rues désertes et les hommes se
» fuyant : Ici un volcan ; et la terre
» s'ébranle sous les pieds, les édili-
» ces tombent, les animaux s'effa-
» Touchent, et les habitants des vil-
" 'es gagnent les campagnes : Une
» guerre là ; et les nations courent
» aux armes et s'entr'égorffent : En
» cet endroit une disette; elle vieux
» laboureur expire de besoin sur sa
» porte. Jupiter appelle cela gouvcr-
» ner le monde , et il a tort. Yernet
w appelle cela faire des tableaux, et
» il a raison. » Malgré sa supériori-
té sur tous ses contemporains. Ver-
net n'en était pas moins modeste. Il
disait de lui-même : Me demandez-
vous si je fais les ciels comme tel
maître ? Je vous répondrai que
non ; les figures comme tel autre ?
Je vous répondrai que non ; les ar-
bres et le paysage comme celui-ci ?
même réponse; les brouillards, les
VER
eaux, les vapeurs comme celui-là?
même réponse encore : inférieur à
chacun d'eux , dans une partie , je
les surpasse dans toutes les autres.
Cependant, il est juste aussi de con-
venir que ce peintre a eu , dans sa
carrière , deux manières tout-à-fait
différentes et presque opposées l'une
à l'autre. Dans la première , qu'il se
forma au commencement de son sé-
jour à Rome, il se rapproche de Sai-
vator Rosa : il eu a la vigueur et la
fierté. Dans la seconde , qu'il adopta
quelque temps avant son retour en
France, et qu'il conserva jusqu'à la
lin de sa carrière, il a su éclaircir
SCS teintes , les varier , les rendre
plus aimables , mettre dans son
exécution la facilité la plus mer-
veilleuse , sans s'écarter jamais de
la nature. Cependant quelques per-
sonnes lui ont reproché d'abuser
de cette facilité, au point de com-
mencer un tableau dans la matinée
et de l'avoir fini avant d'aller dîner j
et il faut convenir que cette promp-
titude l'a forcé quelquefois d'adopter
un style qui sent la manière ; mais
ce défaut est racheté par les plus
émincntes qualités. Ses contempo-
rains se plurent à reconnaître sort
mérite transcendant ; et rien ne trou-
bla la gloire que ses ouvrages lui ac-
quirent de son vivant. Passionné pour
son art, il n'était heureux qu'en tra-
vaillant ; et il tenait encore le pin-
ceau quand la mort le fiappa , en
1 789. En 1 826 , l'Athénée de Van-
cluse, jaloux de consacrer la mé-
moire d'un artiste dont le génie fait
tant d'honneur à la ville d'Avi-
gnon y qui l'a vu naître , décida
qu'il serait donné un prix au meilleur
Eloge eu vers de Joseph Vernet. Le
prix fut décerné , le 20 oct. de cet-
te année , à M. Bignan; et V accessit
fut partagé entre MM. Paul Lacroix
VER
et Jouvct Desmarand. Une circons-
tance qui ajouta infiniment à l'inté-
rêt de cette soleimitë, c'est qu'elle
eut lieu eu présence de MM. Carie et
Horace Vernet , fils et petit - fils du
célèbre artiste , qui , pour tëmoiguer
leur reconnaissance à la ville d'Avi-
gnon , firent présent au musée de cet-
te ville de deux tableaux de leur
composition : le premier, de M.
Carie , repre'sente une Course de
chei'aux à Rome; et le second^ de
M. Horace, représente le Supplice
de Mazeppa , emporté par un che-
t>al sauvage. Le conseil municipal
et le musée ont offert, en retour^
à ces deux artistes qui soutiennent
d'une manière si éclatante la gloi-
re de leur nom , deux grandes ur-
nes d'argent, dont la ciselure re-
trace le sujet d'un tableau de chacun
d'eux. P — s.
VERNEUIL (Catherine- Hen-
riette DE Balzac d'Entraigues ,
marquise de), était fille de François
d'Entraigues., gouverneur d'Orléans ,
et de Marie Touchet , sa seconde
femme, qui avait été la maîtresse de
Charles IX. Sans être une beauté
parfaite, elle joignait à beaucoup
d'agréments , de l'esprit , de la
grâce et de l'enjouement. Après la
mort de la duchesse de Beaufort(Ga-
brielle d'Estiées ) , les courtisans
vantèrent tant à Henri IV les char-
mes de M^ie_ d'Entraigues , qu'il eut
la curiosité de la voir , et bientôt il
en devint éperdument amoureux.
Plus ambitieuse que tendre , elle ac-
crut la passion du roi par tous les
manèges de la coquetterie , et en ob-
tint, avec cent mille écus, la promesse
de l'épouser , si , dans l'année , elle
lui donnait un fils. Henri IV ayant
communiqué cette promesse à Sully ,
le ministre indigne la déchira ( Voy.
Sully , XLIV, '20^)5 mais aveuglé
VER
249
par son amour , le roi la récrivit et
se hâta de la porter à sa maîtresse.
Le tonnerre étant tombé dans la
chambre de M^^*-'. d'Entraigues, pen-
dant sa grossesse, la frayeur la fit ac-
coucher avant terme. Dès qu'elle fut
rétablie , elle se rendit à Lyon , pour
être plus rapprochée de son royal
amant j et elle y reçut l'hommage
des drapeaux conquis par Henri IV
dans la Maurienne, sur les troupes
du duc de Savoie. Informée que le
mariage de ce prince avec Marie de
Médicis venait d'être conclu , elle
quitta brusquement Lyon pour ne
point se trouver à l'entrée de la nou-
velle reine. Lorsque Henri IV la
rejoignit , elle l'accabla d'injures, et
il ne réussit à l'apaiser qu'en lui
donnant le marquisat de Verneuil.
Ce prince s'élant chargé de la ré-
concilier avec la reine, elle consentit
à venir habiter le Louvre, où elle ac-
coucha d'un fils (i) , un mois après
la naissance du dauphin ; l'année
suivante, elle eut une fille, qui fut
mariée à Bernard , duc d'Espernon.
L'austère probité de Sully ne pou-
vait manquer de déplaire à la mar-
quise de Verneuil , naturellement
avare et exigeante ; plus d'une fois
elle fut obligée d'entendre de la bou-
che du ministre de dures vérités , et
malgré son ascendant sur l'esprit du
roi , elle ne put le faire renvoyer. Il
était impossible que la reine etla mar-
quise de Verneuil vécussent en bonne
intelligence. C'étaient sans cesse de
nouvelles tracasseries , et Henri IV,
malgré tout son amour , ne trouvait
pas que la marquise eût toujours rai-
son. La reine ayant exigé de Henri
qu'il retirât la promesse de mariage
qu'il avait eu i'imprvidence de faire
(1) Gasion-Henri , d'abord ëvèque de Mel7. ^
puis duc de Verneuil, inorl fnus eiifaiils en i6il»v
35o
VER
à sa maîtresse , celle-ci refusa de la
rendre. Le roi, pique', lui reprocha
les liaisons plus que suspectes qu'elle
entretenait avec plusieurs courtisans;
mais au lieu de chercher à se justi-
fier , la njarquise prit à sou tour le
ton du reproche , et alla jusqu'à lui
dire qu'en devenant vieux, il devenait
déûant et soupçonneux ; qu'elle ne
pouvait pas vivre plus long- temps
avec lui; et elle se permit ensuite des
mots si piquants contre la reine, que
Henri fut sur le point de la souffleter
{F. les Ment, de Sulfy, liv. xvii). La
marquise dissimula son ressentiment ;
mais quelque temps api^ès elle fit de-
mander au roi la permission de se
retirer en Angleterre avec ses enfants.
Il y consentit , mais sous la condi-
tion qu'elle luirendiait cette promes-
se de mariage « qu'elle faisait , dit
» Mëzeray , sonner bien haut , la
» montrant à quiconque voulait la
» voir. » La marquise finit par la
donner, moyennant vingt mille ecus
qui lui furent compte's sur-le-champ ,
et l'espérance de la dignité de mare'-
chal pour son père. Quoiqu'elle n'eût
jamais aime dans Henri IV que le
souverain^ elle s'était toujours flattée
d'amener ce prince à l'épouser ; for-
cée d'y renoncer , elle osa conce-
voir l'idée de détx'ôner son amant ,
et devint l'ame d'une conspira-
tion, dont son père et le comte
d'Auvergne {Foy. Angoulème, II,
173 ) , son frère utérin , étaient les
principaux agents. Cette trame ayant
été découverte , le roi lui fit ôter ses
enfants , et la fit garder dans son
hôtel par le chevaher du guet. Henri,
toujours bon , lui envoya un de ses
gentilshommes pour lui offrir sa grâ-
ce; mais elle répondit : qu'elle n'a-
vait jamais offensé le roi , et que
quand il n'y avait point d'offense il
n'y échéait point de pardon. Cepen-
VER
dant l'affaire s'instruisait au parle-
ment. Ayant été mandée devant
les commissaires , le même jour que
le comte d'Auvergne^ elle s'excusa
d'obéir , sous le prétexte qu'elle ve-
nait d'être saignée , afin de savoir ce
que son frère aurait répondu. Lors-
que la marquise de Verueuil sut qu'il
avait tout rejeté sur elle, elle dit
qu'elle ne demandait au roi que trois
choses : une corde pour son frère, un
pardon pour son père et une justice
pour elle ( Voy. Hist. de de Thou ,
liv. i32 et i33 ). D'Entraigues et le
comte d'Auvergne furent condamnés
à mort. Quant à ce qui concernait la
marquise de Yerneuil , la cour or-
donna un plus ample informé , pen-
dant lequel elle resterait détenue à
l'abbaye de Beaumont - les - Tours.
Elle recourut alors à la clémence du
roi qui lui fit grâce entière , et à sa
considération commua la peine des
deux coupables en une détention.
Henri IV eut encore la faiblesse de
renouer avec la marquise , et ne se
guérit de l'amour qu'elle lui avait
inspiré qu'en formant une nouvelle
intrigue. Oubliée dès ce moment , elle
passa le reste de ses jours tantôt à
Verueuil , et tantôt à Paris , où elle
mourut le 9 février i633 , à l'âge de
cinquante ans. La demoiselle Co-
man , attachée à la reine Margue-
rite , chargea beaucoup madame
de Verneuil dans sa déposition ,
après l'assassinat de Henri IV; mais
ayant été condamnée pour faux té-
moignage à une réclusion perpé-
tuelle , on ne peut tirer de sa décla-
ration aucune preuve contre la mar-
quise. Dreux du Radier a recueilli
des détails sur la marquise de Ver-
neuil , tirés des auteurs contempo-
rains , dans les Anecdotes des reines
et régentes de France , iv, 274-
3o3, édition de 1764, in- 12. Le
VER
portrait de cette dame a e'té gravé
dans divers formats. W — s.
VERNEY (Pierre), médecin, était
né vers la fin du quinzième siècle à
Semur dans l'Auxois. A la tète des
deux opuscules dont on va parler ,
il prend le titre de professeur en
médecine et d'astropbilc ( astrolo-
gue ). On sait aussi qu'il résidait à
Metz. Les bibliotliécaires de Bour-
gogne et de Lorraine n'en font au-
cune mention. On a de lui : L Em-
manuel ; pronostication aphoristi-
que , personnelle et perpétuelle du
divin et maître des médecins , Hy~
pocras ( sic ) , compilée et translatée,
etc., Lyon, Leprince, sans date (vers
1 520 ) , in-4°. gotli. de huit feuillets,
très-rare. U. Le livre des principes,
prévisions ou pronostiques du divin
Hypocras , divisé en trois parties ou
particules ; avec la protestation et
serment que ledit Hypocras faisait
faire à ses disciples, traduit du latin ,
Lyon, P. de Sainte-Lucie, iSSg, in-
8°, de dix-neuf feuillets, non cbilfrés^
ibid. , Dolet, i542 , in-S», de 38 p.
Le traducteur l'a fait précéder d'une
vie abrégée d'Hippocrate , qu'il ter-
mine par ces mots : Priez pour lui
et pour moi. Le style de la seconde
édition a été retouché , sans doute ,
par Dolet. — Verney ( Pierre ) , mé-
decin , que l'on a confondu quelque-
fois avec le précédent, était né vers
1577 à Dole ; pendant quelques
années , il suivit les cours de la fa-
culté de Paris , où il reçut ses pre-
miers degrés , et revint ensuite ache-
ver ses études dans sa ville natale ,
où il prit le doctorat. Il fut député ,
vers i(3o6, à Venise, pour y voir con-
fectionner la thériaque , regardée
alors comme un prései'vatif assuré
contre la pesle. De retour à Dole , il
partagea son temps entre la pratique
de son art et l'étude de ranatoniie et
VER a5i
de la botanique. Il fit plusieurs voya-
ges pour se perfectionner dans la
connaissance des plantes. Dans une
de ses excursions, il rencontra le bo-
taniste P. Pcna (T. XXXIII, 307 )j
et il assure lui avoir entendu dire :
« Qu'il n'avait trouvé contrée où il
» y eût plus de remèdes et simples
» qu'en cette petite province du com-
» té de Bourgogne (i). » Pourvu de
la chaire de langue grecque à l'aca-
démie de Dole, il l'échangea bientôt
contre celle d'anatomie; et il se char-
gea de faire en même temps des
cours de matière médicale et de bo-
tanique. On ignore l'époque de sa
moi'tj mais il paraît certain qu'elle
eut lieu en 1 53o ; puisqu'on le voit
remplacé , dès l'année suivante, dans
la chaire d'anatomie par Claude
Laurens (2). Le seul ouvrage que l'on
connaisse de lui est : V Antidote apo-
logétic de la peste ; suivi d'un pe-
tit Traité latin : JDe recto sjrupi
de cassid usu epilogismus , Dole ,
1629, in - 8°. de 174 pages. Il
a laissé en manuscrit des Observa-
tions médicales (3) , et im gros Trai-
té de botanique , iu-fol. ( Voy. le
Parangon du lys sacré , par le P.
Rousselet , p. 65 ). W — s.
VERNIER (Pierre) est l'inven-
teur de l'instrument astronomique
qui porte son nom. Né, vers i58o,
à Ornans dans le comté de Bourgo-
gne , il fut initié de bonne heure dans
les sciences exactes, par Claude Ver-
nier, sou père, mathématicien très-
instruit. « Dès mes plus jeunesans, dit-
» il ( I ) , à l'imitation de feu mon père,
» je me suis étudié particulièrement
» à examiner toutes sortes d'instru-
(:) ylntidote apologélic , p. Ç)5.
(2) rieg. Ms. de l'université de Dole.
(3) Dans le Traité apologélic, p. gî , Verney
renvoie à la décade de ses observations De Vomi-
lione.
(i) Dédicace à l'infanl» l.'abclle-Clairc-Euge'nie.
ibi
VER
») ments, non - seulement par spé-
» culation , mais par pratique. » Ses
talents l'ayant fait connaître , il fut
employé, tant enFlandre qu'en Bour-
gogne , à diverses commissions qu'il
remplit d'une manière honorable.
Nomme' capitaine - commandant du
château d'Ornans , il fut , en outre ,
fait conseiller du roi d'Espagne _, et
directeur-go'ne'ral des monnaies au
comte' de Bourgogne. Lors de l'inva-
sion de cette province par les Fran-
çais, en i636, il fut adjoint au con-
seiller Petrey ( F. ce nom ) , et char-
gé de mettre la ville de Gray en état
de défense. Étant tombé malade peu
de temps après, il fut remplacé,
dans cette commission, par J.-Maur.
Tissot ( F. ce nom) , son beau-frère.
Il se fit transporter à Ornans; et il y
mourut le i4 septembre 1637 , dans
un âge peu avancé. On a de lui : La
Construction , l'usage et les pro-
priétés du quadrant nouveau de
mathématiques ; comme aussi la
construction de la table des sinus, de
minute en minute successivement^
par une seule maxime; de plus un
abrégé desdilcs tables , en une petite
demi-page, avec son usage; et fina-
lement la méthode de trouver les an-
gles d'un triangle , par la connais-
sance des côtés, et les côtés par les
angles , sans l'aide d'aucune table ,
Bruxelles, i63i , in- 8^. de 122 p.,
avec une fig. Cet ouvrage est très-
rare; mais Delambre en a donné l'a-
nalyse détaillée , dans son Histoire
de V astronomie jnoderne , 11, 119-
125. « Ce traité, dit l'auteur, ex-
» plique la construction, l'usage et
» les propriétés d'un instrument en
» tout admirable, de mon invention,
» et qui n'a jamais été vu. Il est tel-
5) lement nécessaire à la perfection
» des sciences mathématiques , et
» principalement à l'observalion des
VER
» mouvements du ciel (2) , à la cor-
» rection des longitudes et latitu-
» des des régions et aux mesures de
» la terre , que sans l'aide d'iceluy ,
» la science demeure manque (3j ,
» comme elle a été jusqu'à présent
» (4). » Cet instrument se compose
d'un quart de cercle , divisé en qua-
tre-vingt-dix degrés égaux , placé sur
un secteur mobile, partagé en trente
parties égales , et enfermé dans deux
lignes de foi , qui servent à vérifier
la justesse de la machine et l'exac-
titude des opérations. Quelques as-
tronomes avaient donné à cet in-
strument ingénieux le nom de No-
nius ( Foj. ce nom, XXXI ,354);
mais les réclamations de Lalande en
ont fait restituer la gloire au vérita-
ble inventeur. « Les améliorations ,
dit Delambre, faites à cet instru-
ment, sont une conséquence toute na-
turelle des inventions plus modernes.
Elles se réduisent à l'addition du mi-
croscope , et à la substitution d'une
lunette avec deux alidades. Ainsi il
doit, en toute justice, porter à ja-
mais le nom de Fernier. » En termi-
nant son ouvrage, Vernier dit « que
» si ce petit traité est bien reçu par
» les amateurs de la science , il s'é-
» vertuera à mettre au jour quelque
» chose de plus relevé. » Mais ses
occupations l'empêchèrent sans dou-
te de tenir sa promesse. On lui attri-
bue un Traité de l'artillerie , resté
manuscrit. On n'en connaît aucune
copie. W^ — s.
VERNIER (ThÉodobe) naquit,
le 28 juillet 1731 , à Lons-le-Saul-
nier, d'une famille de bourgeoisie.
Après avoir achevé ses humanités à
(7.) Ce passage semble prouver que c'est à tort
que Delambre dit que Tinventeiir n'a poiut cii
en vue les astronomes.
(3) C'est-à-dire uianchute , mcoinplcte.
(^) yivii au îcctcitr.
VER
Besançon , avec beaucoup de succès,
il se décida pour la profession d'a-
vocat; mais ses parents le destinant
à l'état ecclésiastique , il se vit forcé
de suivre en même temps les cours
de droit et de théologie. Ayant com-
battu long-temps le dcsir que son
père avait de le faire prêtre , pour
ne lui laisser aucun espoir, il entra
dans le corps de la petite gendarme-
rie à Lunéville. Quoiqu'il n'eût pas
une vocation prononcée pour les
armes , il sut concilier son goût pour
l'étude avec ses devoirs , et mériter
l'estime de ses chefs. Après quelques
campagnes , il revint à Lous-le-Saul-
nier; et dès son début dans la car-
rière du barreau , il se fit la réputa-
tion d'un habile jurisconsulte. Le
ministre Saint-Germain , son parent,
l'attira alors à Paris ; mais ne trou-
vant aucun avantage aux places qui
lui furent offertes, il se hâta de re-
tournera Lous-le-Saulnier pour y re-
prendre ses travaux de cabinet. Dé-
puté par le bailliage d'Aval , en i -jSc),
aux Etats-généraux , il devint mem-
bre de l'assemblée constituante, dont
il fut élu président au mois de sep-
tembre 1791. Pendant toute la durée
de cette assemblée, il s'occupa spé-
cialement des moyens propres à ré-
tablir l'ordre dans les finances ; lit ,
au nom des comités, un grand nom-
bre de rapports sur cette matière ,
ainsi que sur les subsistances , et dut
à la droiture de ses intentions , l'es-
time et les égards de tous les partis.
Le département du Jura l'élut à la
Convention. Lors du procès de Louis
A VI , il déclara qu'il ne se regardait
pas comme juge , et vota pour le
bannissement et pour l'appel au peu-
ple. Resté , par son caractère , étran-
ger aux factions qui divisèrent bien-
tôt la Convention , il rompit enfin le
silence , lorsque les chefs de la Mou-
VER 253
tagne eurent dévoilé le projet d'ex-
pulser de l'assemblée tous ceux qui
ne paraissaient pas disposés à secon-
der leurs projets sanguinaires; et^
montant à la tribune ( 1 3 avril 1 798),
après avoir rappelé son vote dans le
procès du roi, il ajouta : « Je suis un
de ces scélérats avec qui l'on ne veut
ni paix ni trêve; et comme je crains
d'échapper à cette noble proscrip-
tion , je viens me dénoncer jniblique-
ment. » Dans la discussion qui s'ou-
vrit, quelques jours après, sur l'éta-
blissement du tribunal révolutionnai-
re , il s'opposa de tout son pouvoir
à sa formation. Cependant il ne fut
point proscrit , au 3 1 mai , avec les
députés de la Gironde ( Fo;^\ Ver-
GNiAux); mais ayant protesté con-
tre cette journée j il fut décrété d'ar-
restation , avec soixante-douze de ses
collègues. Vernier se réfugia d'abord
dans le Jura. Craignant de compro-
mettre les amis qui lui donnaient
asile, il se retira dans le canton de
Zurich, dont les magistrats conçu-
rent tant d'estime pour lui , qu'ils lui
firent l'offre de lettres de bourgeoi-
sie. C'est alors que , cherchant à se
distraire , par l'étude, des malheurs
qui pesaient sur la France, il écrivit
son Traité des Passions , ouvrage
d'une philosophie douce , et entre-
pris uniquement dans la vue d'être
utile aux hommes, mais qui se res-
sent malheureusement de l'âge de
l'auteur. Rappelé dans le sein de la
Convention , par le décret du 8 dé-
cembre 1794? il ^t adopter diverses
mesures propres à rétablir le crédit
public et à diminuer les désastres de
la famine. Il présidait la Convention
dans les fameuses journées de prai-
rial (mai 1795), où quelques fac-
tieux , soutenus d'une partie des sec-
tions de Paris, tentèrent de rétablir
le régime de la terreur {F. Feraud).
254
VER
lixposé pendant plusieurs heures aux
insultes d'une populace furieuse , il
lui résista courageusement, et ne quit-
ta le fauteuil que quand ses forces fu-
rent épuisées par cette terrible lutte.
Il remit alors la présidence à Bois-
sy-d'Anglas ( V. ce nom , au Supplé-
ment ) ; mais il ne voulut point sortir
de la salle , malgré les instances de
ses collègues; et dès qu'il fut en état
de le reprendre, il réclama le fauteuil,
et l'occupa tant que dura le danger.
A la clôture de la Convention , Yer-
nier fut élu membre du conseil des
anciens pour son département. Il en
était président en 1796^ le jour an-
niversaire du 21 janvier; et en cette
qualité, il prononça le serment de
haine à la royauté , qu'il dut faire
précéder d'un discours analogue.
Après la journée du 18 brumaire, à
laquelle il eut beaucoup de part ,
il fut nommé sénateur. Appelé par
Buonaparte dans un de ses conseils
privés , Vernier y montra tant
d'opposition à ses projets, que le
premier consul ne jugea pas à propos
de lui demander à l'avenir son avis.
Aimant avec passion la vie de la
campagne, il profita des loisirs que
lui laissait sadisgi-acepour se retirer
à Villeneuve- Saint-George, près de
Paris ; et il y partagea son temps en-
tre l'étude et la société de quelques
amis. Ayant appris que la maison
qu'il habitait était celle qu'avait oc-
cupée Le Peletier ( Voy. ce nom,
XXXIII , 273 ) , contrôleur des
finances sous Louis XIV , il fit
réimprimer la Lettre de Le Pele-
tier àRollin, qui contient la des-
cription de cette maison, avec la
traduction et une nouvelle descrip-
tion de ce site enchanteur. Nommé,
lors de son institution, commandant
de la Légion - d'Honneur, il fut fait
comte, à l'époque de la création de
VER
la nouvelle noblesse. Tous ces titres
durent le flatter d'autant moins , que
veuf depuis long-temps, il n'avait
pas d'enfants, et qu'il ne pouvait es-
pérer de les transmettre. A la ren-
trée du roi, en 18 14, il fut appelé
à la chambre des pairs. N'ayant
point siégé pendant les cent jours,
il reprit son rang au second retour
du roi , et mourut à Paris le 6
février 1818, à l'âge de quatre-
vingt-sept ans. Depuis quelques an-
nées il avait perdu la vue ; mais
d'ailleurs il jouissait de toutes ses
facultés morales. Peu d'hommes ont
poussé plus loin que Vernier l'exer-
cice de la bienfaisance. Sa fortune
était cependant médiocre; mais il
trouva' constamment, dans une sage
économie , les moyens d'être utile. Il
était membre d'un grand nombre de
sociétés littéraires, On a de lui : I.
Eléments de finances , Paris, 1791,
in-8°. II. Caractères des passions ,
au physique et au moral, ibidem ,
1796 , in-8".; 20. éd., revue et aug-
mentée , ibid. , 1807, 2 vol. in -8''.
(t C'est, dit-il , le résultat de mes ré-
flexions , et plus encore de ma pro-
pre expérience; » mais il convient
qu'il a beaucoup emprunté à ses de-
vanciei's. III. Sur l'éducation, no-
tions générales qui peuvent et doi-
vent être adaptées à tous les degrés
d'instruction, ibid. , 1802 , iu-8°. de
4i pag. ; petit écrit très-substantiel,
et qui pourrait être médité utile-
ment par les instituteurs. V. Châ-
teau de Beaure^ard à Villeneuve-
Saint- Geor ge , ibid., 1807, in -8°.
de 48 pages V. Description de la,
maison de Montorient et de ses
points de vue , par son propriétaire ,
Lons-le-Saulnier, 1807 , in -8°. de
60 pag. Vernier avait habité cette
maison pendant sa jeunesse ; et il n'y
retournait jamais sans éprouver une
VER
vive émotion de plaisir. Quand il fui
revêtu du titre de comte, il y joignit
le nom de IMontorient, qui lui rap-
pelait les plus doux souvenirs. VI.
lies Délices de la vie champêtre,
ibid. , 1807 j in - S*'. C'est un choix
très-bien fait des morceaux les plus
agréables en vers et en prose sur la
vie delà campagne. W\. Lettre écri-
te du château de Beauregard à
M. , in- 12 , de 'II
pag., Paris, 1807. VIII. Notices et
obseri>ations pour préparer et faci-
liter la lecture des Essais de Mon-
taigne , ibid. , 1810,2 vol. in-8°. ;
ouvrage fort utile aux jeunes gens et
le seul de l'auteur qui paraisse desti-
né à lui survivre long -temps. IX.
Du bonheur individuel , considéré
au physique et au moral, dans ses
rapports avec les facultés et les con-
ditions humaines, ibid., 181 1, in-
8°. L'auteur place le bonheur dans
la modération et dans l'accomplisse-
ment de nos devoirs. X. Abrégé
analytique de la Fie et des ouvra-
ges de Se Ile que , ibid., 181 2, in-8°.
V' Eloge de Vernier , prononcé par
le comte de Richebourg , à la cham-
bre des pairs , est imprimé dans le
Moniteur du 16 février 1818. Son
portrait a été gravé in-4''- etin-8'.
V^— s.
VERNIER ( Jean ). F. Menes-
TRiER (Perrenin) , XXVIII , 291.
VERNINAC DE SAINT -MAÙR
( Raimond), né à Gourdon , dans le
Querci, en 1762, vint de bonne
licure à Paris , où il suivit la car-
rière du barreau , cherchant en mê-
me temps à se faire connaître par
des pièces de vers insérées dans les
journaux. Une ligure agréable, une
tournure distinguée , une mise élé-
gante accompagnée d'une certaine
dose de fatuité , pouvaient lui ser-
vir à se pousser dans le monde j
VER 255
mais sans la révolution, il est. pro-
bable qu'il n'aurait jamais pu , com-
me avocat , ni comme littérateur ,
s'élever au-dessus de la médiocrité.
Zélé partisan des idées nouvelles , il
ne joua cependant qu'un rôle obs-
cur jusqu'au i^^"". juiu 1791, épo-
que où le ministre Duport-Dutertre ,
son ami, le fît nommer, parle roi ,
l'un des trois commissaires - média-
teurs envoyés dans le comtat Vé-
naissin pour y rétablir la tranquil-
lité ( Foy. LescÈne des Maisons et
Mulot ). Ces commissaires parvin-
rent à mettre fin à la guerre^ non
moins atroce que ridicule ;, qui avait
lieu entre Avignon et Carpentras , et
à faire rentrer dans leurs foyers les
détachements de gardes nationales ,
fournis par les diverses communes
qui avaient pris parti dans cette dé-
plorable querelle; mais les efforts des
médiateurs échouèrent à Avignon. Ils
ne purent empêcher les brigands de
Vaucluse, aux ordres des Jourdan ,
des Duprat, des Mainvielle et des Ro-
vère, d'y rentrer en triomphe et d'y
braver la municipalité qui s'était op-
posée à leur départ, et qui avait refusé
de favoriser leurs pillages et leurs dé-
vastations. C'est à Verninac et à sa
dissidence avec ses collègues , qu'on
a généralement attribué, et non sans
raison , l'ascendant que la faction ré-
volutionnaire piit dès-lors sur le parti
de la municipalité, composé d'hom-
mes modérés et bien intentionnés, qui
ne desiraient la réunion de leur pays
à la France que comme un terme
à l'anarchie qui le désolait. Jeune et
dans la force des passions , il paraît
que Verninac se laissa séduire par
les charmes de la femme de Du-
prat , et que , des ce moment , il ap-
puya les prétentions des révolu-
tionnaires contre la numicipalité ,
que les deux autres médiateurs sou-
256
VER
tenaient par ces faibles moyens et
ces demi - mesures qui manquent
toujours leur effet dans les cir-
constances difliciles. Les mesures des
anarchistes furent plus promptes et
plus de'cisives. Ils parvinrent à dé-
sarmer leurs adversaires. Vei'ninac
ne rougit pas de compromettre son
caractère , en ligurant en personne
dans cette ope'ration. Il fit plus ; et
lorsque les démagogues eui-ent assuré
leur domination dans Avignon après
la fuite ou l'arrestation des citoyens
qui leur portaient ombrage, il accom-
pagna leurs députés à Paris ; et dans
un rapport lu , le lo sept. 1791 ,
à l'assemblée constituante, il défen-
dit ses amis, pallia les crimes qu'ils
avaient commis , rassura sur leurs
projets ultérieurs , sur les malheurs
qui devaient en résulter , et affaiblit
ainsi l'impression que venait de
produire le compte rendu par son
collègue Lescène des IMaisons, au
nom de la commission. L'ellet de
son rapport ayant été de retarder
l'envoi des nouveaux commissaires ,
chargés de mettre à exécution le dé-
cret qui réunissait Avignon et le
Gomtat à la France, il assuma , en
quelque sorte, la responsabilité des
massacres de la Glacière, qui ensan-
glantèrent cette ville , les 16 et 17
octobre suivant. Cette mission , dé-
but peu honorable de Verainac dans
les affaires publiques , fut le premier
échelon de sa fortune diplomatique^
tandis que ses deux collègues , qui
du moins l'avaient remplie loyale-
ment, furentvoués à l'obscuritéetà la
persécution. Nomméchargéd'affaires
de France en Suède , eu aviùl 1 7 92 , il
arriva à Stockholm, le 16 mai, deux
jours après les funérailles de Gus-
tave III. Quoique la mort de ce prin-
ce eût rendu la nouvelle cour de
Suède moins défavorable à la révo-
VER
lution française , Verninac n'y fut
pas bien accueilli d'abord, et il eut
à lutter contre de justes préventions
qui lui étaient personnelles. Il en
triompha par sa fermeté, et parvint
à y faire reconnaître le nouveau pa-
villon français. Mais le scandale que
causa en Europe l'arrivée d'un am-
bassadeur de Suède en France ( Voy.
Staël ) , six semaines après le sup-
phce de Louis XVI , obligea les deux
gouvernements à rappeler respective-
ment leurs ministres , vers le milieu
de i7f)3 , sans avoir terminé les né-
gociations d'un projet d'alliance,
Verninac fut alors nommé envoyé'
extraordinaire auprès de la Porte-
Othomane , où il remplaça Descor-
ches de Sainte -Croix, et fit son en-
trée à Constantinople le 26 avril
1 795. A sa première audience , il fut
précédé d'une musique militaire , et
escorté d'un détachement de troupes
françaises , la baïonnette au bout du
fusil , jusque dans la seconde cour
du sérail, oîi elles présentèrent les
armes au grand-vézir et aux divers
membres du divan; cérémonial inu-
sité jusqu'alors. D'autres innova-
tions signalèrent encore cette am-
bassade. Verninac est le premier
étranger qui ait fait imprimer et
distribuer une gazette dans sa lan-
gue à Constantinople. Le grand-
vézir lui donna le titre de citoyen
qu'il prononça en français ; le mot
n'ayant pu être traduit en turc. Cet
envoyé notifia à la Porte les traités
conclus avec la Prusse, la Hollande,
l'Espagne , etc. , et détermina l'en-
voi d'un ambassadeur permanent à
Paris , dans la personne de Séid-
Aly-EHendi ; mais traversé dans ses
négociations par les ministies d'An-
gleterre , de Russie et d'Autriche , il
ne put faire entrer Sélim III dans une
alliance avec la république française.
VER
Ayant sollicite son rappel , il eut
pour successeur Aujjert - Dubayct ,
et quitta Consfanlinople dans les
premiers jours de uovcuibre 1790.
Arrêté à INaples , et gardé à vue pen-
dant quelques mois , il n'arriva
eu France qu'en mai 1797. l^e 9
juin suivant, il fut reçu en grande
audience par le Directoire exécutif,
auquel il présenta un étendaid otlio-
raan et un diplôme de Selim III. Ce
fut peu de temps a])rès qu'il épousa
M'I*^. de Lacroix, iille du ministre des
relations extérieures. Dès la création
des préiectu.res , sous le gouverne-
ment consulaire, en février 1800,
il fut appelé à celle du Rhône , qu'il
administra avec sagesse et modéra-
tion. Nommé, au mois d'août 180 i ,
ministre plénipotentiaire en ilelvé-
tie, Verninac fut rappelé à Paris , en
octobre 1802, sous prétexte d'v as-
sister aux séances de ÏJCOJisulta h.cX-
vétiqne , réunie par les ordres de
Buonaparte. Mais comme en favori-
sant l'indépendance du Valais qui
s'était organisé en ré|niblique , sous
la protection de la France , il avait
contrarié les projets du premier
consul qui aurait voulu faire de ce
pays un nouveau département , il
tomba dans la disgrâce, et cessa
d'exercer des fonctions publiques.
En i8o5 , les Valaisans déclarè-
rent que Verninac avait bien mé-
rité de leur république, et lui accor-
dèrent à lui et a sa famille le titre
et les droits de citoyens du Va-
lais : ce témoignage de leur recon-
naissance acheva de lui nuire dans
l'esprit du dominateur de la Fran-
ce. Verninac fut élu , en 181 6, par
l'arrondissement de Gourdon, can-
didat à la seconde chambre légis-
lative; mais il ne lit point partie
de la députation. L'âge avait mûri
ses idées • et la vérité nous oblige de
XLVIII.
VER
2b'
dire qu'ayant eu occasion de le voir
chez lui, il nous fit l'aveu sincère de
ses anciens torts dans sa mission
d'Avignon, et ne témoigna pas moins
de regrets d'avoir coopéré à une ré-
volution qui n'avait abouti qu'à met-
tre la France sous un joug plus dur
que celui dont elle avait voulu s'af-
franchir. Verninac est mort, !e i'^'".
juin 1822 , dans une terre qu'il pos-
sédait, à Mansie , près d'Angou-
lême. On a de lui : I. Un Re-
cueil de poésies fiig;itwes , Paris,
1787 , in- 18. II. Recherches sur les
cours et les procédures criminelles
d' Angleterre , extraites des Com-
mcutaires de Blackstone sur les lois
anglaises, Paris, 1790, in-S". III.
Description physique et politique
du département du Rhône , Paris ,
1 8.-12, in-80. M. J. -B.Dumas, se-
crétaire perpétuel de l'académie de
Lyon , Y a lu^ le 29 mai 1826 , un
Eloge historique de R. Fcrninac ,
quia été imprimé dans le tome iv
des Archis^es historiques et sta-
tistiques du département du Rhô-
ne. Ce n'est point lui , comme
on l'a dit dans quelques biogra-
phies , mais un de ses frères ou sou
oncle , l'abbé Verninac de Saint-
Maur , vicaire général de Rhodez ,
qui prononça à Paris , le 17 février
178(5, V Oraison funèbre de Louis-
Philippe , duc d' Orléans , dans l'é-
glise du Val-de- Grâce , oij ce prin-
ce avait été enterré. Ce discours
fut analysé avec éloge dans le Mer-
cure Se France du 29 juillet 1786.
A T.
VERNIQUET (Edme), archi-
tecte, né le 9 octobre 1727 à Chà-
tillùn-sur-Seii!C, acheva ses études à
Dijon. Ses talents le firent prompte-
mcnt connaître, et lui méritèrent la
confiance de ses compatriotes. La
Bourgogne lui dut une foule d'égii-
a.îS
VER
ses, des châteaux, des pnnts , des
usines , etc. , et cette ])i-ovince n'offre
aucune construction de la même épo-
que qui réunisse au même degré
rélégancc, le bon goût et la solidité.
Appelé successivement dans le Mai-
ne, le Poitou, rile-dc-France, etc. ,
Verniquet y lit exécuter des travaux
importants. Laborieux et intègre, la
fortune qu'il acquit péniblement fut
le fruit de son esprit d'ordre et de
son économie. Ses amis le détermi-
nèrent en l'jn^. à se fixer ii Paris ,
où il acheta la charge de commissai-
re-voyer. Devenu par cette place ar-
chitecte du jardin du Roi, il réalisa
les projets que Buffon avait conçus
ponrportercetétablissementau point
de msgnilicence où nous !e voyons
maintenant Verniquet entreprit de
dresser un plan de Paris , sur une
éclielle d'une demi-ligne prour toise.
Ce travail immense lui coûta vingt-
huit ans de soins et d'applications.
]N'e pouvant opérer que la nuit sur le
terrain , à raison des embarras qui
obstruent les rues pendant le jour, il
employa pour l'aider jusqu'à soixan-
te ingénieurs , et plus de quatre-vingts
aides. Ce pian , composé de soixante-
douze feuilles grand-atlas, y compris
les cartouches et les cartes des opé-
rations tr;gonométriques , parut en
i-j^G. « Aucun plan de ville, dit La-
» iaiide , n'a jamais approché de la
» perfection de ce grand et beau
» plan » {Bibîiogr. astronomique ,
C)(^f\ '). C'est celui dont on s'est servi
pour tracer les alignements* nou-
veaux , et pour déterminer les chan-
gements et les embellissements qui
s'exécutent dans la capitale avec tant
de succès. Verniquet s'occupait en-
core de perfectionner ce travail , qui
suffiiait pour lui assurer une gloire
durable, quand il mourut, le 26 no-
vembre 1804. Vv' — s.
VER
VERNON (Edouard), amiral an-
glais, d'une ancienne familledu comté
de StaO'ord, naquit à Westmms-
tcr le 12 novembre i684- Son père,
qui était secrétaire d'état sous le rè-
gne de Guillaume et Marie , lui fit
donner une bonne éducation ; mais
il ne voulait pas qu'il entrât dans la
marine. Il y consentit cependant
lorsque le jeune Vernon en eut té-
moigné le désir; celui-ci s'occupa
dès -lors avec ardeur de l'étude des
sciences qui ont rapport au service
naval et à l'artillerie , et d y fit des
progrès rapides. Il commença sa car-
rière en 1702, sous l'amiral Hopson,
àl'époque où la flotte française, char-
gée d'escorter en Europe les galions
du Mexique , fut forcée de se réfugier
dans le port de Vigo ( Foj'. Cha-
teau-Regnaud, VIII , 272 ). II ser-
vit la même année dans une expédi-
tion qui fut envoyée aux Indes Occi-
dentales, sous le Commodore Walker;
et il se trouvait , en i 704 , sur la flotte
de sir George Rooke qui conduisait
à Lisbonne l'archiduc Charles , rival
dePhilippe V. Ce prince donna, de sa
propre main , à cette occasion , une
bague de prix et cent guinées au jeu-
ne oflicier de marine. Après avoir
pris part à la bataille navale de Ma-
laga, et commandé \cDelphin{ 1 7o5),
le Royal Oak {l'jo']) , el h Jersey
(1708), il fut envoyé aux Indes
Occidentales , comme contre-amiral,
sous sir Charles Wager , fit , selon
les écrivains anglais , des prises
importantes , et nuisit considérable-
ment au commerce des Français.
¥m 1715 , il commanda dans la
Baltique le vaisseau de guerre Vy4s-
sistance , et en 1 7 26 , le Grafton
dans les mêmes mers. A l'avènement
de George II , en 1727 , Vernon
fut nommé membre du parlement ,
et bientôt après envoyé à Gibraltar ,
VER
pour se réunir à sir Charles Wager.
Ce fut eu 1789 qu'il se fit particu-
lièremeut remarquer. Il était dans
son lit à Ghatham , lorsqu'un cour-
rier arriva à deux heures du matin.
Ayant appris que cet homme appor-
tait des dépêches de la plus haute
importance , il se leva , ouvrit le pa-
quet qui lui était adressé, y trouva
une commission de vice-amiral, et
l'ordre d'aller , avec une escadre
dont il était nommé commandant,
détruire les établissements espagnols
dans les Indes Occidentales , et de
se rendre immédiatement auprès du
roi. Après aA^oir reçu ses instruc-
tions , il mit à la voile le 23 juillet,
et arriva le 20 novembre suivant en
vue de Porto-BcUo , avec six vais-
seaux de guerre. Il commença , le
lendemain^ l'attaque de la ville, dont
il s'empara le 22 , après avoir éprou-
vé une vigoureuse résistance : un
nombre considérable de canons et
de mortiers , des munitions et deux
vaisseaux de ligne espagnols tombè-
rent également en son pouvoir. L'a-
miral Vernon fit sauter les fortifica-
tions , abandonna la ville , n'ayant
pas des forces de terre sutiisantes
pour la garder, et, avant de partir,
distribua à ses équipages dix mille
dollars qui avaient été envoyés à
Porto-Bello pour payer les troupes
espagnoles. Réuni, eu 174^ ? ^^ g^"
néral Wentworth , il fit une attaque
infructueuse contre Carthagène(i) ,
(1) On lit, dans le Siècle de f.ouh XIV ^ 4"^ 7
lorsque l'amir.il Vernon alla mellre le siège devant
Cartbagèue, les Anglais , qui crurent que rien ne
lui résisterait, se bâtèrent de célébrer la prise de
celteplace : de sorte que , dans le temps même que
Vernon en levait le siège, ils firent frapper une
médaille où l'on voyait le port et les environs de
Cartbagène, avec cette légende : Il a jiiis Carllia-
gène. Le revers représentait l'amiral Vernon, et
on y lisait ces mots : ,-Iu itîn^eitr de sa patrie^ Il y
a, ajoute l'auteur, beaucoup d'exemples de ces
médailles prématurées mii tromperaient la postéri-
té , si l'histoire, plus fidèle et plus exacte, ne pré-
venait pas de telles erreurs. M — G — B.
VER
25g
et, lorsque la révolte de 1745 écla-
ta , il fut employé à garder les cotes
des comtés de Kent et de Sussex , et
à empêcher les vaisseaux français
de pénétrer dans la Manche. Bientôt
après, des plaintes ayant été portées
contre lui , pour avoir désobéi aux
ordres des lords de l'amirauté , et
pour avoir forcé les hommes qu'il
commandait à un service trop péni-
ble , il fut rayé de la liste des ami-
raux : s'étant retiré, il ne se mêla plus
des alïaires publiques qu'en sa qua-
lité de membre de la chambre des
communes, où il représentaitlpswich.
Il mourut subitement dans sa terre
de Nacton, dans le SuiFolk , le 29
octobre 1757. L'amiral Vernon ,
dont Charnock, dans sa Biog. jia-
i'aL,iaille plus grand éloge, comme
marin brave et habile, et comme
homme plein d'honneur , a écrit
plusieurs Mémoires pour sa propre
défense ou pour soutenir ses opinions
particulières. Une Vie de ce marin ,
publiée en 1758, le présente comme
profondément versé dans la connais-
sance des classiques. D — z — s.
VERNON ( Gay de). F. Gay de
Vernon au Supplément.
VERNULiEUS ( Nicolas de
VERNULZ, en latin), littérateur es-
timable , était né le i o avril 1 583 à
Robelmout,dans le duché deLuxem-
bourg. Ayant achevé ses études avec
succès à Trêves et à Cologne , il ré-
solut de consacrer sa vie à l'ensei-
gnement. En 1608 , il fut nommé
professeur de rhétorique à Louvain.
Trois ans après , il joignit à cette
chaire celle d'éloquence à l'école pu-
blique des arts , dont le titulaire était
en même temps chanoine du chapitre
de Saint-Pierre. Malgré les soins
qu'exigeait de sa part ce double em-
ploi , il trouva le loisir d'étudier la
^ théologie , et , en 1618 , il se lit re-
17..
iGo
VER
cevoir iic€ncié. L'année suivante , le
coLie'gc dit de Luxembourg , fondé
par le docteur J. Myi ou IMyliiis ,
ay<iiit élc ouvert, VcniuLuiis eu fut
iiumijié recteur le pieraicr. En lô'jG,
il remplaça le savant Erjcius Pu-
tcanus ( Henri Dupuy ) , dans la
chaire latine du oollege des trois lan-
gues. L'empereur Ferdinand 111 le
nomma son historiographe , avec le
titre de conseiller aulique. Il mo-arut
le 6 janvier 1649, a l'âge de soixante-
six ans, et fut inhumé sans épitaphe
dans une des chapelles de l'église
Saint -Pieri'e , à côté de Puteaims ,
son prédécesseur et son ami. Ant.
Dave jirononça son oraison funèbre.
Vernuheus est un des professeurs qui
ont le plus contribue cà la réputation
de l'univer-iité de Louvaln dans le
dix-septième siècle. Il joignait à des
connaissances très -variées le talent
de mettre les idées les plus abstraites
à la portée des élèves ; et il s'expri-
mait avec une telle élégance , qu'il
faisait oublier le vice de sou organe
naturellement rauque et désagréable.
Ou assure que Ve-imdîeus avait le
travail si facile , qu'ii ne retouchait
jamais ses ouvrages. Le nombre en
est très-grand; Paquot donne les ti-
tres de cinquautc-un imprimés , et de
sept manuscrits. On doit se conten-
ter de citer ici les principaux : I.
Oratioiies , Loiivain, i6i4 et an-
nées sniv. , 3 vol. in- 12. biles eurent
beaucoup de succès, mais elles sont
complélemeut oubliées. II. De arie
dicendi libri 1res , ibid. , 1629 , iu-
1 2. Ce traité de rhétoi-ique , suivi
long-temps dans les collèges des
Pays-Bas , a été souvent réimprimé.
III. Institutionuin poUticaruvi li-
bri ir , ibid., 1624» in- 12. IV.
InstiliUiunum invralium libri ir ,
ibid. , iG25j in-12. Cetouviagc,
suivant Paquot , est un des meilleurs
VER
que l'on ait dans ce genre. V. Insli"
tiitinnum œconomicarum libri duo y
ibid. , 1626. in-12. Ces trois ouvra-
ges ont été réimprimés avec des no-
tes in-fol., en 1G47 et 1649. ^I*
AcadcmiaLovaniejisis ; ejus origo,
incrementiim , forma , magistra-
tus , facidtates , etc. , ibid., ''''-^-V?
in-4". , revue et continuée par Chr.
deLangendonch,ibid. , 1667, in-4°.
Cette Histoire de l'académie de Lou-
vain est moins estimée que les Fasti
Lovanieincs de \ alère André ( V.
ce nom , II , 1 20 ). VII. Tragœdiœ^
ibid., i65f), 2 vol. iu-12. Cette
édition est la plus complète • elle con-
tient quatorze pièces, la pluparttirées
de l'Histoire Sainte , ou des légen-
des pieuses du moyen âge. L'édition
de i63i , citée par M. Brunct, n'en
renferme que dix ( J^. le Manuel du
Libraire ). Les curieux doivent donc
donner la préférence à celle qu'on
vient d'indiquer ; le second volume
est précédé d'une Vie de l'auteur.
La tragédie de Jeanne d'Arc {Joan-
nes Darda ) , de Vernnlœus , fait
partie des diïïe'rentes éditions de son
Théâtre; elle a été imprimée sépa-
rément, Louvain,Dormalius , 1^29^
petit in-8". ; cette pièce seule est l'c-
cherchée en France plus que tout le
Théâtre de l'auteur. On peut consul-
ter pour plus de détails , outre les
Mémoires de ISiceron, tom. xxxiii,
38'j-9T , VHistoire littéraire des
Pays-Bas , par Paquot _, i, 328-33 ,
édit. in-fol. W — s.
VERNY (Charles (i) , poète
français , né à Besançon le 10 jan-
vier 1753, avait fait d'exccilcnles
études au collège de sa ville natale.
La lecture des meilleurs auteurs , et
surtout des poètes , développa de
rr. :i ><• iioiMm..ii chmics-ri
jam.iis pris qui; le premier non
VER
îionne heure son goût pour les lettres.
Il apprit, sans maître, l'anglais et
l'italien , et se rendit familiers les
chefs-d'œuvre écrits dans ces deux
langues. Oblige de prendre un e'tat ,
il entra dans les aides; mais indigne'
des vexations dont il était temom ,
sans pouvoir les empêcher , il se
démit de son emploi , et revint dans
sa famille. Quoique sou revenu fût
trcs-bornc, la simplicité de ses goûts
l'empccha de connaître les priva-
tions , et il sut trouver , au milieu
de ses livres, et entouré de ses amis,
un bonheur que ne donne pas l'opu-
lence. Sou attachement sincère aux
2)rincipes du christianisme l'avait
garanti de la contagion des idées
nouvelles (2); cependant il se mon-
tra favorable à la révolution , parce
qu'il n'y vit que la réforme des abus
dont il avait gémi. Lors de la guerre
avec l'empereur d'Autriche, il fut
employé dans les fourrages à l'ar-
mée du Rhin., et il le fut ensuite à
Paris dans les bureaux de l'adminis-
tration. Etranger à l'intrigue , et
satisfait de son modique traite-
ment , il ne songea jamais aux
moyens d'accroître sa fortune. La
culture des lettres avait fait le
charme de sa vie. Dans ses loisirs, il
s'occupait à revoir , à retoucher les
productions de sa jeunesse, et, cé-
dant aux désirs de ses amis , il se
disposait à les publier , quand il fut
atteint de la maladie à laquelle il suc-
comba le 12 janvier 1811, âgé de
cinquante-huit ans. Verny fut le meil-
leur des hommes. Ses ouvrages res-
pirent la morale la plus pure , les
sentiments les plus vertueux , et sa
conduite fut constamment eu har-
{-?.] il ne crai^uU pas de montrer son aversion
pour les drsolanles dooU'iiies de Diderot et des au-
tres philosnjilies , dans les notes de son poi me des
f' œux . et dans la première e'ditiou de lioxauc.
VErx 261
monie avec ses écrits. On a de lui .-
\. Idylles sentimentales , suivies de
mes vœux , Genève ( Besançon ) ,
1787 , in-80. On trouve dans les
Idylles de la sensibilité, de la grâce,
du naturel. En lisant ses descrip-
tions , on devine que le poète avait
sous les yeux les objets qu'il a dé-
peints. Mes Fœux sont un petit
poème en vers de dix syllabes, dont
il a puisé l'idée dans Horace, son
auteur favori. IL Roxane , poème
héroï-comique , en cinq chants , suivi
de Pièces fugitives ( Besançon ) ,
ï 788 , in-8". Le sujet de ce poème
est l'enlèvement d'un épagueul, ob-
jet de toutes les alFectious de la belle
Zémis. Il y a de l'imagination , des
détails heureux ; mais la critique
pourrait y relever des incorrections
et des traits de mauvais goût. Cette
édition ne s'étant pas débitée , l'au-
teur la reproduisit en 1795 avec
un nouveau frontispice ; mais il la
supprima • et ayant profité des con-
seils qu'il avait reçus , pour retou-
cher et rajeunir quelques détails de
son poème , il le fit réimprimer sé-
parément, Paris, 1809, in-i8. III.
Des Stances sur le i^ Juillet, 1 789,
in-8t>. et in- 12. IV. Le Départ d'un
volontaire du Jura , idylle , Besan-
çon , 1792, b\-%o. V. Des Dia-
logues, dans le genre de ceux de
Lucien , insérés dans V Almanach
des prosateurs. Il a laissé manus-
crite une Traduction en vers des
Odes d'Morace, terminée en 1787
(3) ; — les Quatre Saisons , poème
en vers de huit syllabes ; — un Re-
cueil à' Elégies ; — un Recueil de
Pièces fugitives , dont quelques-unes
ont paru dans V Almanach des Mu-
ses ; — Mes Promenades a la iriUc
et aux champs , ^ vol. ; — des Dia-
(3) Voy. liles f^cciix , note 16.
362
VER
logues en prose, 2 vol. j — une Tra-
duction du Voyage sentimental de
Sterne; — quelques Comédies en
prose, non représentées ; et enfin les
Deux Portraits, ope'ra comique,
dont un auteur connu a compose'
avec de le'gers changements une peti-
te comédie qu'il a fait jouer sous son
nom. Voy. une ^courte Notice sur
Vcrny , par M. Agniel , dans leiVbw-
vel Àlmanach des Muses , année
i8i2,pag. 254-56. W — s.
VERON ( François), conlrover-
siste très - distingué , naquit à Paris
vers 1575. Sa famille tenait à des
magistrats de la chambre des comp-
tes , et à des officiers de la maison
du roi. Il fît ses études dans le col-
lège des Jésuites , dont il embrassa
l'institut en lôgS, à l'âge de vingt
ans. Dans son cours de théologie , il
s'appliqua principalement à la con-
troverse et y réussit parfaitement. A
peine revêtu du sacerdoce , il par-
courut différentes provinces du royau-
me en qualité de missionnaire. Les
conversions se multiplièrent à sa voix :
des grands , des savants , des minis-
tres abjurèrent leurs erreurs et re-
tournèrent au sein de l'unité. Il eut
des conférences publiques avec les
plus célèbres ministres de l'Église ré-
formée, les confondit par ses raison-
nements , et les contraignit souvent
de s'avouer vaincus. Il sortit de la
société en iG'20, pour travailler avec
plus de liberté à la conversion des
protestants , et se livra à toute l'ar-
deur de son zèle , prêchant , dispu-
tant, écrivant sans cesse. Par lettres-
patentes du 19 mars 1622, le roi
l'autorisa à faire ses prédications
dans les places publiques , et à dis-
}nitcr avec tous ceux qui se présen-
teraient , sans pouvoir en être empê-
ché. Différentes assemblées du clergé
de France joignirent à l'autorisa-
VER
tiou royale la juridiction spirituelle
dont il avait besoin , et lui allouèrent
une pension de six cents livres , s'en-
gageant , en outre, à payer les frais
d'impression de ses livres. Il obtint
d'abord la cure de Saint - Brice ,
mais on crut bientôt qu'il serait plus
utile dans celle de Charenton , et le
chapitre de Saint-Marcel la lui don-
na ; ou bien il permuta l'une contre
l'autre , comme l'a dit dans le temps
un de ses antagonistes. Les fonctions
pastorales ne l'empêchèrent pas de
voyager , de tenir des conférences à
Saint-Germain-des-Prés , au collège
de Cambrai , et de publier divers ou-
vrages. Lorsque les querelles du jan-
sénisme commencèrent, le curé de
Charenton se prononça avec beau-
coup de chaleur contre les disciples
de l'évêque d'Yjîres. Il écrivit à cette
occasion le Bâillon des jansénistes ,
comme il avait écrit dans sa jeunesse
X Abrégé de Vartet méthode nouvelle
pour bâillonner les ministres ; ce
qui a fait dire que l'auteur méritait
le bâillon qu'il voulait mettre aux
autres {F. Drelincoxjrt et Jansse).
Véron mourut à Charenton le 6
décembre 1649. Ses principaux
ouvrages sont : I. Traité de la
puissance du pape , Paris, 1626,
in-8'\ On y trouve le passage sui-
vant : « Bien que l'Église ait juri-
•n diction sur les rois, cette puissance
» ne s'étend pas sur les royaumes.
» Les rois sont dans l'Église et non
» le royaume : il est donc hors du
» pouvoir de l'Église et du pape.
» C'est l'Église qui est dans le royau-
» me. Que s'ensuit -il de là ? C'est
» (\nc tant s'en faut que le pape ni
» l'Église aient rien à voir sur les
» royaumes , qu'au contraire les rois
» ont puissance sur l'Église, parce
» qu'elle est dans le royaume. » II.
De la primauté de l'Eglise , ou de
VER
la hiérarchie en icelle, Paris, 1 64 1 ,
in-8". L'auteur s'exprime véritable-
ment dans ce Traite' en bon théolo-
gien. \\\. Abrégé et résolution ana-
lytique de toutes les controverses ,
Paris, i63o, in-24. IV. Actes de
la conférence entre Véron et M.
Isaac Lecomte , d'une part, et MM.
Samuel Bochart et Jean Baille-
hache, ministres, de l'autre , Caeii,
1629 , in- 12, Un protestant deman-
dait à lin catholique , après cette
conférence, ce qu'il en pensait • celui-
ci re'poudit : « Pour vous dire la ve-
» rite , on ne peut pas assurer que
» notre savant soit pins savant que
» votre savant; mais en recompense
» notre ignorant est dix fois plus
1» Ignorant que votre ignorant. » V.
Le mojen de la paix chrétienne ,
Paris, lôip, in-8". ; ouvrage très-
curieux. VI. Lumières éi'ajigéli-
ques, Paris , 1646, in- 16. VII. Mé-
thode de traiter les controverses de
religion, Paris, i638, in -fol. Ce
livre , un des plus forts qui puissent
être opposes aux protestants , avait
été' imprimé vingt fois auparavant ,
à dater de 161 5 , en différents for-
mats , en divers pays , en trois ou
quatre langues , avec des additions
plus ou moins considérables , et
sous des titres un peu modifiés. La
plupart des livres du P. Véron, com-
posés avant 163-7 , ont été refondus
dans sa Méthode , ou n'en sont que
des analyses et des abrégés. VI tl.
Règle générale de la foi catholi-
que, Paris, 1645, in-fol. ; Lyon ,
i6']4,in-i2; Paris, 1826 , in- 16.
Cette édition contient une Notice dé-
taillée sur le P. Véron et sur ses ou-
vrages , par l'auteur de cet article.
La Bègle générale de la joi catho-
lique fut traduite en latin par les
jésuites d'Ingolstadt. Les frères Wa-
lerabourg y firent de très-légers chau-
VER
263
gements de forme , et la donnèrent ,
en I G8 1 , à la fin du second volume de
leurs Controverses. Elle fut réimpri-
mée à Louvain, en l'^oij à Paris ,
par les soins de Godescard, en i -^68,
in-i2;et, eu 1774^ dans le tome
troisième des Principes de la reli-
gion naturelle et révélée , du doc-
teur Hoock. L'original est préférable
à la traduction. L — b — e.
VÉRON ( Pierre-Antoine ) , as-
tronome , né aux Authieux-sur-Bu-
chy, en 1736, de parents peu fa-
vorisés de la fortune , manifesta de
bonne heure des dispositions pour les
mathématiques. Destiné par sou père
à l'état de jardinier, il se sentit
au-dessus d'une telle profession , et
se rendit à Rouen , chez un oncle ,
qui , frappé de son excellent juge-
ment , et approuvant son goût pour
la navigation , le fît inscrire dans les
classes de la marine , en 1757 , puis
lui donna un maître de mathématiques
et d'iiydrograpliie. Satisfait de ses
progrès , il l'envoya suivre un cours
au collège royal à Paris , sous La-
lande. Après avoir terminé ses études ,
Véron s'embarqua, en 1762, sur le
vaisseau le Diadème , d'où il passa
sur le Sceptre , et fut mis enfin,
comme pilote, en 1765 , à bord de
la Capricieuse , oii son savoir le fit
rechercher par M. de Charnières qui
remplissait sur ce bâtiment le grade
de garde-marine. Il inspira à cet offi-
cier le goût des observations astro-
nomiques appliquées à la navigation •
et celui-ci eut la franchise de recon-
naître les obligations qu'il avait à
Véron, dans le Mémoire qu'il publia
depuis (1767) sur un instrument
propre à mesurer la distance de la
lune aux étoiles , et qu'il nomma le
Mégamètre. Lorsqu'en 1766, Bou-
gainville, se disposant à faire le tour
du monde , manifesta le désir d'à-
V.64
VEK
voir avec lui un astronome pour
observer les longiludcs , le jeuiie
Yeron lui l'ut propose' et il l'accepta j
mais on ne put obtenir pour lui y
du duc de Praslin , alors ministre ,
que le titre de pilote avec une mo-
dique somme de douze cents francs
])our acheter des instruments. Eu
février 1 76"], Véron partit de Roche-
fort, sur la ilûte V Étoile qui mouilla,
le 10 juin suivant, à Rio- Janeiro, et
de là il passa à bord de la fre'j^ate la
Soudeuse qnemoutait Bougainville.
Ce navigateur , appréciant tout le
mérite du jeune astronome , l'admit
dans son intimité'. Ils cnlicrcnt, le
5 décembre 1 767 , dans le détroit de
Magellan, et eu sortirent le 26 jan-
vier, au bout de cinquante- quatre
jours de navigalioii ; passage d'au-
tant plus remarquable, qu'avant lui
des marins avaient attendu huit mois
sans pouvoir le franchir. Après di-
verses relâches , ou aborda , le 8
novembre 1768 , à rUe-de-Francc.
lîougaiuville , charmé des services
de Véron , lui fil présent d'une ])en-
dulc à secondes et d'un graphomètre
pour lever des plans. Quelque mo-
deste (pie fût ce jeune homme, sou ta-
lent le rccomma!:dait partout : il plut
par ses connaissances à M. Poivre ,
intendant de la colonie, qui l'engagea
à rester auprès de lui pour faire des ob-
servations aslronomiqr.es, dans le but
de déterminer lapos'tion de quelques
îles de la mer des Indes , et de suivre
inie expédition dans laqueiieil lui se-
rait utile, ainsi (|ue pour l'observa-
tion (lu passage de Venus sous le
disque du suJeil , (pii devait arriver
le 5 juiu 1769. Bougaiiiville permit
à Véron d'accepter ces oliies , et le
jeune astronome jirolila de ces cir-
constances afin de leudre sou voya-
ge encore plus utile aux progrès
des sciences. Il lui fut cependant
VER
inijiossilile de partira temps de l'IIe-
dc-t'rance pour aller observer le pas-
sage de Vénus; mais, ne pouvant,
rester inactit", il fit voile avec M. de
Trémignou pour les Moluques , sur
la corvette le Diligent. Avant son
départ , il adressa au duc de Praslin
une lettre détaillée , contenant les
observations qu'il avait faites sur
le dë.'roit de Magellan et dans la
mer du sud , à l'île de Cythère, ainsi
que les résultats de l'éclipsé de soleil
du 1 3 juillet 17O8, qu'il avait ob-
servée au sud de la partie de l'est
de la Nouvelle - Bretagne; ce qui
iixait la largeur de la Mer Pacifique
dans cette partie. 11 s'appliqua conti-
nuellement, dans le cours de ce grand
vovage , à l'observation des longi-
tudes en mer, par le moyen de l'oc-
tant à réflexion, auquel il com]itait
faire des additions qui l'auraient
perfectionné. 11 détermina aussi, par
le même moyen , la longitude de
toutes les terres ; mais son zèle ne
tarda pas à lui devenir funeste. M.
de Trémignou était allé beaucoup
plus loin qu'il n'avait d'abord l'csolu.
Véron , qui l'avait suivi, après de
nombreuses observations dans les
îles de Miudanao et de Lucon , abor-
da avec lui à Timor. Là , il voulut
descendre à terre pour faire des o!>-
servations plus suivies ; vainement
on lui représenta le danger au{juei il
s'exposait; il était dans toute la
vigueur de l'âge , et crut pouvoir
braver la maladie du pays ; mais il
en fut atteint et il y succomba dans
les premiers jours de mai 1770, à
peine âgé de trente-quatre ans. Vé-
r(jn méritait de sortir de l'oubli où
l'ont laissé tous les biographes, à
l'exception de M. Guilhert, son com-
patriote, à qui nous devons la con-
iiaissancedcs faits consignés dans cet-
te Notice j et uoîaiuuicnt de la lettre
VER
originale au duc de PrasHn , que
nous avons citée. M — g — r.
VÉRON. F. FORBONNAIS.
YÉRONÈSE(Paul). V. Caliari.
' VERPOORÏENN (Guildaume),
ne à Lubecli , dans le commencement
du dix-septième siècle , appartenait
à une famille protestante , qui avait
quitté les Pays-Bas^ pour se sous-
traire aux jiersécutions du duc d'Al-
Le. En i632 , il était surintendant
à Lubeck , d'où il fut appelé à Co-
bourg , pour y remplir les fonctions
de surmtcndant -général. Comme il
avait toute la confiance du duc Er-
nest , il lui insinua qu'il serait im-
portant pour le bien de la religion
réformée, quel'on établît un tribunal
de don/.e théologiens qui fût cbargé
d'examiner les questions difficiles, de
les décider j etd'éfouflér ainsi les dis-
sentions qui agitaient les différentes
sectes de la réforme. On aurait ainsi
ï'établi, dans les communions réfor-
mées , Iti principe de l'autorité qui
cependant avait fourni des motifs
apparents pour abandonner l'Église
catholique. Le prince goûta beau-
coup le projet; mais voulant, sur un
objet si imjiortant, consulter le Da-
nemark et la Suède , il envoya à
Copenhague et à Stockholm son
iils , le prince Albert, accompagné
de Verpoortenn , pour proposer et
discuter la mesure. Elle fut accueillie
àja cour de Stockholm; mais elle dé-
plut à celle de Dresde , (|ui y trouva
de grandes dilficultés. La plus forte
élaitquc ce tribunal n'auraitrcça son
autorité que des puissances terrestres
imxqueUes Jésus -Ciirist n'a point
conlié la mission de décider les ma-
tières qui tiennent à la foi. Verpoor-
tenn mourut à Cobourg , en iG85 ,
sans avoir vu ré;:ss!r son projet. —
ViiRrooRTENN ( Pliilippc-Théodore ) ,
iils du précc'deut, prcfciscurdc lan-
VER
•iGT)
gue grecque et de poésie , à l'univer-
sité de W^ittemberg et à Altdorf , né
à Cobourg, le 4 mai iGS-y , mourut
à Altdorf, le 3o décembre 1712. 11
a publié : L Bcgnum Salaminiuni
in Cypro , Cobourg, 17041 in-4".
IL De ducatihus in veleri Gcrma-
niœ re^no hœreditariis , ibid., 1 707,
in-4". IlL De peregrinonim apud
Grcpcos veteres conditioue ^ ibid.,
1708, in-4°. IV. Discrepantia Dei
et hominum de scholis judicia ^ ib. ,
1709, in -4". V. Ovidii Nasonis
Tristiimi Lihri V , et Epistolarum ex
Ponto Lihri IV , scholiis perpetuis
explanati, ibid., 17 12, in-8°. Voy.
Vita Philip , Theod. Ferpoortennii,
par Fischer , Cobourg , 1731, in-8"^'.
— Verpoortenn ( Albert-Menon ) ,
frère du précédent , né à Gotlia le
12 octobre 167^*, a rempli des fonc-
tions honorables dans l'instrnclioa
pubhque à Cobourg et à Dantzig. Il
mourut dans cette dernière ville , le
3 juin 1752 , n'ayant que depuis
quelques mois pris congé du collège
dont il était le recteur. Il parlait la
plupart des langues vivantes ; mais
û s'était surtout attaché à la littéra-
ture grecque. I! a publié : I. Com-
mentatio historica de Martino Bu-
cero , Cobourg , 1709 ^ iii-8*^. IL
Histoire de la ne forme , dans le
duché de Cobourg (allem.) ,ibid. ,
1722 , iu-8'^.Dans cet ouvrage , l'au-
teur remonte jusqu'au siècle où le
christianisme fut introduit en Frau-
conie. lîL Dissertationcs ad theo-
logiam , maxime exegeticam , et
philologiam sacram pertinentes , ad
illustranda varia velcris et 7iovi
Testamenti loca , ib. , 1738. G-Y.
VERRES ( C. LiciNius) , le plus
célèbre concussior.naire dont l'his-
toire fasse mention , naquit à Rome
d'une branche peu connue de l'an-
cienne et illustre famille Licinia. Il
26(5 VER
est probable, quoique les monuments
à l'appui nous manquent, que sa
naissance doit être portée à l'an 1 1 g
avant J.-C. , peut-être même aux
années 121 ou i'i7.. Sa jeunesse,
ainsi que celle de presque tous les fils
de patriciens, se passa au milieu d'in-
fâmes débauches , et au sein d'une
mollesse dont on commençait à faire
gloire , et qu'on nommait philoso-
phie. Verres se fit épicurien et ama-
teur de beaux tableaux , de statues ,
de bas-reliefs , etc. Arrivé à l'âge
viril , il se mit sur les rangs pour
briguer les charges publiques , et à
la faveur des troubles et de l'enthou-
siasme qu'il manifesta pour la cause
du peuple et la mémoire de Marius ,
il fut nommé questeur de Carbon ,
qui avait été consul deux ans aupara-
vant , et qui alors avait un comman-
dement dans la Gaule cisalpine (86
avant J.-C. ). Mais au bout de quel-
ques mois , feignant un grand zèle
pour la cause des optimates, il aban-
donna son général , et passa dans les
rangs ennemis , emportant la caisse
militaire. Ce crime était d'autant
plus horrible , que , d'après la dis-
cipline romaine , il y avait un lien en
quelque sorte paternel entre le con-
sul et son questeur. Aussi, tout en
profitant de l'infamie de Verres, Syl-
la ne lui témoigna ni estime _, ni con-
fiance ; il lui laissa seulement la
jouissance des sommes immenses
qu'il venait de s'approprier , et lui
abandonna , lors des proscriptions ,
les biens de quelques-unes de ses vic-
times (84 avant J.-C.) , faveur que
sans doute Verres mérita ou reconnut
par quelque insigne atrocité. Deux
ans après, sous le consulat du dicta-
teur et de Q. Métellus Pius , il passa
en Asie à la suite du proconsul Dola-
bella, avec le titre de son lieutenant,
et fut chargé de conduire la guerre
VER
contre les pirates. Pirate raille fois
plus audacieux que ceux qu'il était
chargé de poursuivre, il abusa de tous
les droits et de toutes les prérogatives
que lui conférait sa charge, pour pil-
ler impunément la province. A Si-
cyone , il exige du premier magistrat
une somme considérable , et sur son
refus il le fait brûler à demi dans un
brasier j à Milet, il s'empare d'un
vaisseau magnifique , le vend et en
garde le prix ; à Délos , à Samos , à
Ténédos , Athènes , Aspende , il dé-
pouille les temples de leurs orne-
ments, alléguant les besoins de l'é-
lat , mais se gardant bien de rien
faire entrer dans les coffres pu-
blics ; partout enfin il fait des
réquisitions de cordages , d'armes ,
de vivres , et permet à chaque ville
d'acheter , moj^ennant un don con-
venable , l'exemption du tribut qu'on
lui impose. S'il se fût borné à ces
déprédations ;, les alliés qu'il volait
impudemment lui eussent peut-être
pardonné. Mais à une insatiable cu-
pidité il joignait une horrible disso-
lution de mœurs et une inflexible
cruauté. Reçu à Lampsaque , ville
hors du département de Dolabella ,
il y devient éperdument amoureux
de la fille d'un riclie citoyen nommé
Philodamus , et donne ordre à ses
licteurs de l'enlever. La jeune fille
résiste ; son père , son frère , leurs
esclaves repoussent , les armes à la
main , les satellites du lieutenant ; le
peuple s'ameute ; un licteur est tué j
déjà la foule court à la maison qu'oc-
cupe Verres , l'investit , l'entoure de
bois ; la flamme va s'élever , et nulle
force humaine ne peut le sauver
quand les sollicitations des chevaliers
et des négociants romains apaisent
la multitude , et permettent au trem-
blant général de s'enfuir par une
ports secrète. Qui le croirait ? au
VER
bout de quelques jours ou informe
contre Philodamus j et Verres, avec
DolabcUa et tous ses officiers , siège
au banc des juges. L'innocence des
accuse's est reconnue par une pre-
mière sentence : Verres s'indigne,
exige un second jugement , intimide
le gouverneur de Bitliynie , Néron ,
et enfin extorque la condamnation à
mort des deux hommes qui ont ose'
l'arrêter dans ses tentatives crimi-
nelles, et tous deux subissent la peine
capitale au milieu de la place publi-
que de Laodicée. Tant de forfaits
n'empêchèrent pas que quelques an-
nées après ( 'jQ avant J.-C. ) , il ne fût
nomme' prêteur , et n'obtînt le plus
beau département, celui que les Ro-
mains nommaient la prëture de la
ville. Cette charge cminente qui le
mettait à la tcte de toute la justice
civile de Rome , et qu'il remplit sous
le consulat de Lucullus et de Pompée
( 75 avant J.-C), ne fut pour lui
qu'une occasion de commettre de
nouvelles exactions. Une courtisane
grecque , nommée Chélido, le gouver-
nait à son cré et décidait d'avance ,
d après son caprice ou son mteret ,
l'issue de toutes les procédures. Ainsi
il vendit la justice , depuis le commen-
cement jusqu'à la fin de sa préture:
sans cela eût - il suffi aux désirs
d'une femme encore plus insatiable
de richesses que de pouvoir ? Après
avoir donné, pendantun an, à Rome
et à l'Italie cet odieux spectacle , il
fut envoyé en Sicile avec le même
titre , et succéda à Caïus Sacerdos.
Il ne devait d'abord rester qu'un an
en charge ; mais des circonstances
particulières firent qu'il obtint à deux
reprises une prorogation , et que la
durée totale de son administration
fut de trois ans. Il en profita pour
multiplier les excès de tout genre , et
exécuter en grand ce qu'il avait huit
VER 267
ans auparavant ébauché en Asie.
Si à Rome , ni les lois , ni la pu-
blicité, ni les surveilla iices rivales du
sénat et du peuple , ne pouvaient ar-
rêter les prévarications d'un magis-
trat éhonté , que devait-il arriver
dans une province où le proconsul ,
le préteur possédaient plus de préro-
gatives et d'autorité que des rois , où
non-seulement la justice , mais en-
core les finances , les troupes de
terre et de mer , les approvisionne-
ments, l'administration entière étaient
concentrés dans ses mains? Il n'est
pas d'acte d'aA^arice , de libertinage ,
de barbarie et d'extravagance que le
maître éphémère de la Sicile ne se
plût à commettre. Les villes soumi-
ses à d'énormes contributions , les
sommes détournées de leur destina-
tion , les vaisseaux de guerre vi-
des de soldats et de munitions , les
exemptions de tout genre prodi-
guées à ceux qui pouvaient les ache-
ter, les flottes romaines prises par
suite de sa négligence , le pavil-
lon des pirates arboré en triomphe
dans les ports de Syracuse ; les in-
fortunés capitaines qui avaient été
vaincus , faute de soldats et faute de
vivres , exécutés impitoyablement au
milieu de la place publique j un ci-
toyen romain , un chevalier, crucifié
au bord de la mer , à la vue du dé-
troit et de la terre d'Italie ; enfin
les maisons et les temples dépouillés
de tous les ouvrages en or , en
argent , en marbre , en ivoire et
en bronze , et deux vaisseaux expé-
diés à Rome d'année en année pour
y transporter les richesses ravies à la
Sicile : tels sont les traits carac-
téristiques d'un gouvernement dont
la seule pensée suffirait pour dégoû-
tera jamais de tout ce qui se nomme
conquête, protectorat ou occupation.
Cependant le préteur se vit enfin
aG8
VER
Remplacé, et fut contraint de revenir
à Rome. Des accusaleiirs y étaient
arrives avant lui , et suliicilaiciit sa
puiiitiun, au nom de toute la Sicile
cl de toutes les [jrovinccs. Mais les
plaintes isole'es de ces provinciaux
ne produisaient que peu d'cflét. Le
peuple n'e'tait rien alors ; et les no-
bles, qui voulaient piller , chacun à
son tour , ces Lellcs contrées , et
qui les rej^ardaient comme autant
de inine3 inépuisables, se souciaient
peu de voir condamner celui qu'ils
brûlaient d'imiter. D'ailleurs i'au-
dacieux concussionnaire avait pour
lui ses richesses et la cupidité pu-
blique. II savait que Rome était
])leine de consciences à vendre , et
il avait de quoi les acheter. Il le
répétait partout , au Forum , au
théâtre et à ses ennemis comme
à ses amis. II se moquait de ces vo-
leurs timides qui volent à peine de
quoi vivre. Il se vantait d'avoir as-
sez amasse' par ses brigandages pour
ne pas être juridiquementdcclarë bri-
gand. 11 avait divise ses trois années
de larcins en trois parts , une pour
son avocat, une pour ses jnges et une
])our lui. Ces propos, souvent lances
dans le public , n'indignaient que quel-
ques h ommcs de bien ; et Verres pou-
vait se promettre, non - seulement
l'absolution , mais encore le consulat,
si les Siciliens n'eussent choisi pour
leur défenseur Cicéron. Cet orateur
était déjà connu par quelques plai-
doyers regardes comme des œuvres
d'éloquence et des actes de courage.
Animé par l'amour de la gloire,
par la haine du crime et de la
lâcheté, par l'espoir des honneurs
auxquels la faveur du peuple sem-
blait l'appeler , mais qu'il ne pou-
vait et ne voulait acquérir qu'en
les méritajjt par de grandes ac-
tions , Cicéron jura de venger la Si-
VER
cile. Cependant des obstacles de toute
espèce s'élevaient. Le premier fut
l'apparition d'un certain Q. Cteci-
lius, autrefois questeur de Verres,
qui contestaità Cicéron les fonctions
d'accusateur, ou quidu moinsvoulait
les exercer concurremment avec lui.
Cette question préjudicielle donna
matière à un procès préliminaii'e; et
le défenseur de la Sicile fut obligé de
plaider pour faire valoir le choix des
clients qui s'étaient adressés à lui , et
pour écarter cet homme de paille,
qui ne demandait à accuser Verres
que pour lui donner les moyens de
se faire absoudre. A force d'adresse
et de talent oratoire, il parvint à ga-
gner ce premier point; et les juges
lui déférèrent le titre d'accusateur. Il
s'agissait ensuite de recueillir des
jireuv^es légales. Pour cet eiTet , il fit
un voyage en Sicile; et grâce à son
activité, en cinquante jours il par-
courut la province , et en revint avec
une ample collection de pièces et de
mémoires , qu'il se hâta de rapporter
à Rome. Verres alors commença à
craindre , et réj)andit sourdement le
bruit qu'enfin Cicéron s'était laissé
gagner, et qu'il n'accuserait que pour
la forme; mais celui-ci détruisit sur-
le-champ ce soupçon injurieux , par
le soin qu'il mit à ne récuser parmi
les juges que ceux dont la réputation
était équivoque; de sorte que le tri-
bunal fut, sinon formé d'hommes
incorruptibles, du moins le mieux
composé qu'on eût vu depuis la dic-
tature de vSylla. Cependant un événe-
ment important ranima les espéran-
ces de Verres. Hortensius, sou dé-
fenseur, fut Jionimé consul avec Q.
Mélellus , à cpii Verx'ès avait acheté
un grand nombre de suHiages ; et
jicrsomie ne doutait que si l'on pou-
vait traîner raiiair^; eu longueur jus-
qu'à l'cnlréc eu charge des nouveaux
VER
magistrats, il ne fût absous. Aussitôt
(accronpreiitl sa résolution ; et renon-
çant à traiter avec étendue au Forum
une cause dont les détails ollraient le
plusbeaucliauipà l'éloquence, il pro-
duit , après un court exorde , les té-
moins et les pièces , disant seulement
de temps en temps un mot pour ex-
pliquer les faits et en tirer des induc-
tions. De cette manière, l'a'.ftire fut
bientôt instruite ; et la multitude
des témoins, jointe à l'atrocité des
faits , produisit une telle impression
snr l'auditoire, qu'Horlensius renon-
ça à prendre la parole pour répon-
dre, et donna à son client !e conseil
d'aller en exil. Verres obéit , et par-
tit, après avoir rendu aux Siciliens ,
comme donnnages et intérêts, qua-
rante-cinq millions de sesterces (en-
viron neuf millions de notre mon-
naie ). Gicéron en réclamait au reste
cent vingt. Lorsqu'il eut satisfait ain-
si à ce qu'il devait à ses clients et à
la république, l'orateur triomphant
songea à sa propre gloire ; et ne pou-
vant consentir à perdre un sujet aussi
magniliquc que l'énumération , l'ex-
posé et la j)rcuve des crimes de Ver-
res , il rédigea les cinq Mémoij-es
connus sous le nom de secundii Ac-
tio in Fcrrem, par opposition au
discours où il l'avait accablé de preu-
ves testimoniales et écrites , et que l'on
nomme prima Actio. Ces cinq ha-
rangues sont intitulées : De prœtiird
urhand , De Jurisdictione Siciliensi
ou Siciliensis , Frumetttaria , De
signis et De siippîiciis. Elles traitent,
la première , des prévarications de
Verres pendant qu'il exerçait la pré-
ture à Rome ; la seconde, de ces mê-
mes prévarications pendant les trois
années qu'il passa en Sicile ; la troi-
sième , des approvisionnements qu'il
avait négligé de faire, suit pour Ro-
me même, scit pour les flottes j la
VER ufjg
quatrième, des tableaux et statues
ravis en Sicile; la dernière enfin , des
condamnations capitales infligées
par le préteur. Les deux dernières
sont particulièrement remarquables
par la richesse des expressions , la
variété des tours et l'énergie du
style. La quatrième est du plus
haut intérêt pour l'histoire de l'art.
Elle a fourni à un auteur moder-
ne ( l'abbé Tréguier ) le sujet d'un
Mémoi'e très-curieux, intitulé Ga-
lerie de Ferres. Exilé en -js avant
J.-G. , Verres ne revint à Rome
qu'au bout de vingt - quatre ans ,
lors delà loi de César, qui rappela
tous les bannis; mais il ne jouit pas
long-temps de son bonheur. L'an 43,
sous le consulat d'Hirtius et de Vi-
bius , Antoine , triumvir et tout-
puissant , le pria de lui céder de
magnifiques vases de Corinthe. Ver-
res ayant eu l'imprudence de \fs
refuser fut proscrit. Le nom de
Verres , en latin , signifie porc ,
pourceau; ce qui a donné lieu à Gi-
céron de faire ou de rapporter d'as-
sez mauvais calembourgs, auxquels,
au reste, il faut avouer que le rap-
prochement entre le nom et les mœurs
du personnage prêtait merveilleuse-
ment. P — OT.
VERRI (Pierre), naquità Milan^
leiadéc. I7'i8, d'une famille noble,
et contribua beaucoup avec ses frè-
res à en augmenter l'illustration (i).
(i) Ce nom appartient en Italie à uu assez grand
nombre de familles sans ilhislratioii; mais il lant
eu excepter celie-ri , établie en LouibarJie dès le
seizième siècle. Gabriel Verri y père de Pierre ,
était nn des membres les plus recommandables
du se'uat milanais. Il joignait aux vertus du magis-
trat les talents de Tbomme de lettres. Il a laisse'
plusieurs ouvrages, dont l'objet et le litre prou-
vent qu'il ne séparait point ces deux qualités dans
le choix de ses compositions littéraires, toutes re-
latives aux intérêts de son pays. On a de lui deux
traites que les légistes italiens consultent avec fruit:
le premier. Sur Vori^iiic el les dévAcpjfineiilt du
droit public dans le Milaniiis ; le second , Sur la
réjbrntalion des litres et des armoiries. Ou cite ca-
270
VER
Parini , dont riroiiie sublime ^uait
au ridicule et au mépris l'oisive mol-
lesse des nobles milanais , désignait
Pierre Verri comme le modèle de la
vraie noblesse. Élève aux collèges de
Monza , de Rome et de Parme, lors-
qu'il revint dans sa patrie , il hésita
quelque temps sur le chois de la
carrière qu'il devait parcourir. Son
père, voulant lui faue embrasser celle
des lois, ce fut pour s'y soustraire
que le jeune ^ erri entra au service
d'Autriche, comme capitaine dans
le régiment Clérici. Il se trouva à la
bataille de Sorau , en Saxe. Il quitta
bientôt les armes, et revint dans sa
patrie. Ftant militaire, il avait com-
posé à Vienne des vers inartellia-
m ( alexandrins ) qui se ressentaient
im peu de l'harmonie du tambour
sur lequel ils avaierii été écrits.
Il avait aussi composé les Eléments
de commerce. A son l'Ctour , il
continua de s'occuper d'économie
politique et d'administration. Il
proposa des réformes sur les mon-
naies et sur les droits qui se per-
cevaient. Élu conseiller du gouverne-
ment, en 17G3 , il s'occupa de déli-
vrer sa pairie des fermiers-généraux.
I! attaqua de front ce mode de per-
cevoir l'impôt, si onéreux au pu-
blic ; il fallait du courage pour l'en-
treprendre , à une époque où les
trois fermiers du duché de Milan
étaient si puissants ( a ). Verri
dressa un Mémoire , où il expo-
sait cette funeste dilapidation et
les moyens d'y remédier , et il l'en-
corc soiï Histoire de la Lonibardie , ouvrage qu'il
n'avait pjs cru devoir publier, et doutle maittis-
crit existe d:ins les papiers de sa famille ; trait de
modestit! ou île prudence que l'on a vu renouveler
par ses entants , Pierre et Alexandre.
{1) Us gardèrent pendant vingt ans le bail des
fermes, parant cinq millions par an au gouverne-
meut, et. gaguant eux-mêmes trente-six millions.
Nous tirons cette évaluation des Ecrits inédits de
Vauteur, publiés à Lugaiio en i8i5.
VER
voya au prince de Kaunitz , ministre
de Marie-Thérèse. Cette souveraine
cherchait alors à tirer du duché de
Milan les moyens d'y entretenir une
cour. Le Mémoire de Verri vint très
à propos eu offrir d'une nature très-
économique , et qui, n'augmentant
en rien l'impôt , auraient obtenu
l'approbation publique. Verri fut
chargé de faire le bilan des reve-
nus et des dépenses de l'état. Ce nou-
veau trava^ confirma ce qu'il avait
avancé dans son écrit. Il fut nommé
conseiller ( 1^65 ) au conseil suprê-
me d'économie, qui approuva cette
réforme. Elle sulïit à l'entretien de
la cour de l'archiduc Ferdinand ,
qui vint s'établir à Milan. Ce fut
là le principal titre que Verri
eut à la reconnaissance de ses conci-
toyens. Il ne put s'empêcher d'en
éprouver de l'orgueil, et peut-être
ne s'en cachait-il pas assez. On l'en-
tendait répéter : J'ai délivré ma pa-
trie du joug des fermiers , aussi
souvent que Cicéron disait : J^ai
sauvé Borne de la conjuration de
Catilina. Pierre Verri était l'aine
d'une société choisie , dans laquelle
on remarquait les Beccaria , les Fri-
si, les Carli et son frère Alexandre.
Pendant deux ans ils publièrent en-
semble le Café (3), journal litté-
raire, que Zimmermann (4) préfé-
rait au Spectateur anglais d'Addi-
son , et qui en effet était fort supé-
rieur à l'état de la civilisation ita-
lienne rà cette époque. Sans les con-
seils de son ami Verri et ceux d'A-
lexandre , frère de celui-ci ( P^oj'.
ci - dessous ) , Beccaria n'aurait
point écrit son traité Des délits
et des peines (5). Ces occupations
(3) Bresoia , 1765-66 , 2 vol. in-4''. Ou en d(nina
ensuite deux autres éditions à Milan.
(4) De l'orgueil national.
(5) L'état déplorable des loi» criminelles dans
la Lombardie était souvent la matière des entre-
VER
étaient pour Verri un délasse-
ment des travaux plus sérieux
qu'exigeaient les différentes magis-
tratures dont il fut revêtu. En 1 77 i ,
il fut élu vice-président de la cham-
bre des comptes , et , en i -^ 83 , con-
seillcr-d'cîat. Il reçut la décoration
de l'ordre de Saint-Étienne , et fut
nommé conservateur de la société
patriotique fondée à Milan, par Ma-
rie-Thérèse , pour encourager l'a-
griculture, les arts et les manufac-
tures. L'activité qu'il déploya dans
toutes ces charges , et l'esprit de ré-
forme qu'il y porta, excitèrent con-
tre lui la mauvaise humeur de cette
foule de gens qui n'aiment point à
être troublés dans leurs habitudes.
Ils taxèrent son zèle de tracasserie et
de soif de popularité. Il triompha
de ces attaques ; mais en 1 786 , par
suite d'une nouvelle organisation du
duché de Milan, il perdit tous ses
emplois, et n'en obtint pas d'au-
tres. Il se retira à la campagne ,
où il passa tranquillement son tersps,
au sein de l'étude et d'une nombreu-
se famille , que deux femmes lui
avaient donnée. Dix années s'écou-
lèrent ainsi jusqu'à l'entrée des
Français à Milan , en i 796. Il fut
alors appelé à faire partie de la mu-
tiens de ciètts société philantropique. Alexan-
dre Vei-ri , qui était Protecteur des prison-
niers , rapportait des iatts affligeants. Ou enga-
gea Reccaria à méditer sur un tel sujet, et il
le promit sans peine. La seule difficulté elait
pour lui de rédiger ses pensées. Verri employa
le moyen suivant pour l'y forcer. Après les pro-
menades du soir qu'ils avaient coutume de faire
ensemble, Verri conduisait la société chez. lui. Là
chacun se livrait à ses propres travaux. lieccaria
ne pouvant plus causer avec personne, se raeltait
à écrire sur le sujet qui l'occupait. Bientôt excédé
de fatigue, il interrompait son travail , et lisait à
ses amis ce qu'il venait de composer. Pierre Ver-
ri, avant de se coucher, mettait au net tous les
soirs ce que Bcccaria avait écrit; et c'est ainsi que
fut compose le traité J^es ttélits ci des peines. Bec-
caria écrivait lui-même à Verri , que si le besoin
d'entretenir son amitié par le sentiment de l'esti-
me ne l'eût jias soutenu , l'amour de la gloire
seul n'aurait jamais snlli à vaincre son extrême
paresse. Verri fit publier le traité de sou ami , eh
il en prit la d.éfease lorsqu'il fiit nttaqué.
VER U71
nicipalité, et mourut d'apoplexie, a
l'hôtel-de-ville, le '2S juin 1797., Ses
principaux ouvrages sont : I. Dis-
corso sulV indole del piacere e del
dolore. Verri établit, dans cet ou-
vrage, que le plaisir n'est qu'une
cessation rapide de la douleur. Quoi-
que cette définition , énoncée d'une
manière aussi générale , soit fausse,
on trouve dans ce livre des aperçus
ingénieux et des vérités d'observa-
tion que l'auteur présente comme des
corollaires de son ])rincipe (6). Ou
lit , à la lin , un autre Discours sur
le bonheur. II, Meditazioni sulV
economia politica. Milan, i'77i,
Turin ,1801 jin-S'^. Cet ouvrage eut
sept éditions en moins de deux ans ,
etfuttraduit en français (7) et en alle-
mand. C'est le chef-d'œuvre de l'au-
teur, lia obtenu les suffrages des éco-
nomistes de tous les pays. M. Say ,
qui le cite souvent dans son Traité
d' économie politique , dit que Verri
s'est approciié plus que personne ,
avant 8mith , des véritables lois
qui dirigent la production et la
consommation des richesses. M. Mac-
culloch en parle aussi avec éloge ,
dans ses écrits et dans ses Leçons
d'économie politique. III. Riflessio-
id sulle Icggi vincolanti principal-
mente il commercio de' grani^ Mi-
lan , 1 -jgG , in- 8°. IV. Osservazioni
sulla tortura e singolarmente su gli
ejfetti che produsse ail' occasions
délie unzioni maie fiche , aile quali
si attrihui la pestilenza che dévas-
ta Milano l'anno i63o. V. Storia
(6) Couret de Villeneuve a donné une traduc-
tion de l'opuscule /Je la douliur et du plaisir,
in-17.. Mingard a publié en français Pensées sur
le twnlieiir , trad. de l'italien/i'j66, in-i!>.. A. B-T.
(7) Les Béflexions sur ^économie politique
ont été traduites en français par Ch. Mingard, 1773.
in-i?. , et avec un nouveau frontispice , 1779 , in -
12. Browne Dignan , qui donna , en 1776 , mi
Essai sur les principes politiques de l^éononiie pu-
blique , u'a fait que copier la fraduction de Min-
27^
VER
tli Milano, Milan, 1783, in - 4"-
L'auteur n'a publie que le premier vo-
lume de cette Histoire; le second l'a
été après sa mort, m 1 798. \ I. Me-
inorie avpartenenti alla vita edap;li
scritti di Paoh Frisi , Milan. VII.
Scritti inediti del conte Pietro Ver'
ri Milanese , Londres ( Lugano ) ,
i8u5, in -8". Ces écrits contiennent
des documents précieux sur l'admi-
nistration de la Lombardie et sur les
bommcs à qui elle l'ut successivement
couliée. Ou trouve dans ce recueil un
Dialogue entre Frédéric II et Vol-
taire, sur la révolution irançînsc.
\ erri a publié une foule d'autres
écrits , la plupart anonymes. Ils ont
presque tous pour objet de signaler
des abus. Voyez, pour plus de dé-
tails , Délia letteratura ilaliana
nella seconda rnetà del secolo xyin,
Ijrescia, i8cii , vol. 11. Ug — i.
VERRI (le comte Alexan-
dre), frère du précédent, naquit
à Milan en 1741? et lit ses pre-
mières études au collège de iMurate,
tenu par les pères Barnabites. I!
passa ensuite au collège impérial
de Saint- Alexandre, sous la con-
duite du père Sacchi , connu dès-lors
par plusieurs productions estima-
bles, et profondément versé dans la
connaissance des littératures grecque
et latine , dont il inspira facilement
le goût à son élève. Ce goût devint
une passion qu'il fallut modérer ou
plutôt distraire par les exercices du
corps , pour lesquels le jeune Verri
ne montrait ni moins de zèle ni
moins d'aptitude que pour les let-
tres. Doué d'une constitution ro-
buste et d'un caractère ardent, qui
en rendait les développements plus
dangereux , il eut néanmoins le bon-
heur de franchir les orages de la jeu-
nesse sans se livicr aux désordres
trop ordinaires des passions de cet
VER
âgcj et il a conservé cette modé-
ration pendant toute sa longue car-
rière. Chez lui les impressions les
plus violentes semblaient remonle-r
du cœur à l'imagination _, pour s'y
calmer. Il sut constamment en faire
plier la tyrannie sous la modéra-
tion de ses principes. Sans être
doué au même degré de l'impassibi-
lité philosophique, Verri fut, à beau-
coup d'égards , le Fontcnelle de l'I-
talie. Entré dans la carrière du bar-
reau , moins par sa détermination
personnelle , que par déférence aux
volontés de son père , il s'y montra,
dès le début, avec beaucoup d'éclat.
Au lieu du latin barbare et souvent
burlesque dont ses confrères al'li-
geaient les oreilles des juges et du
public^ le jeune avocat lit entendre
un iangagepur, correct , etdout l'.in-
cien Forum n'eût point dédaigné la
force et la noblesse. IM écoutent de la
législation civile et criminelle de son
pays, il entreprit, par un plan mé-
thodique et largement tracé, de re-
monter aux véritables sources du
droit public chez les dilîerents \i(ti\-
ples. A l'étude de Grotius^ de Puf-
fendorf et de iMontesquicu , il joignit
celle de quelques encyclopédistes ,
dont l'école exerça de bonne heure
sur lui une sorte de séduction , par
les principes généreux qu'il croyait
y apercevoir. Celte illusion lui élaiî
commune avec Renaud Carli , Pierre
Veni , son frète , Paul Frisi et le
marquis César Beccaria , qui com-
posaient sa société habituelle , pre-
mier berceau d'un.cci'cle philoso-
phique, connu dans le temps sous le
nom du Café. De concert avec ses
principaux memlires, Verri publia ,
sous le même titre, une feuille pério-
dique , qui fît quelque bruit eu Eu-
rope. On s'y proposait de réaliser ,
pour l'Italie, !e plan si heureusement
I
VER
exécute eu Angleterre , par Steele ,
Swift, Pope et Addisoii {T''oj. ces
noms). Outre des articles trcs-remar-
qiiables sur le Bonheur des anciens
Romains, surV Esprit de société, sur
Carnéade et Grotiiis , sur quelques
Sj sternes de droit public , etc. , Ver-
ri s'attacha , dans beaucoup d'au-
tres, à combattre cette classe de pé-
dants, qui, a toujours prêts, dit-il,
» à sacrifier l'énergie de ia pensée à
» la pureté grammaticale de la phra
») se, condamnent sans pitié, pour
» quelque inexactitude de syntaxe,
» un ouvrage rempli d'ailleurs de
» pensées neuves et utiles. » Lancé
dans la polémique littéraire, Verri
repoussa les attaques de l'Inferrigni
contre le Tasse, et prit la défense
d'Annibal Caro contre Castelvetro,
quoique celui - ci eût eu pour défen-
seur Muratori , à l'égard duquel Verri
jH'ol'cssait la plus haute estime j tant
il est vrai que dans la Bépuhlique
des lettres , plus que partout ailleurs,
l'irritation des amours -propres et le
hasard des positions brouillent sou-
vent des hommes faits pour s'esti-
mer. Tout eu faisant la guerre au ri-
gorisme importun de quelques gram-
mairiens , Verri poursuivait sans
relâche ses travaux philologiques ,
dans le but de rendre familières à la
prose italienne l'énergie, la conci-
sion, la sublimitéqu'elle avait rencon-
trées par exception, sous la plume de
Machiavel, de Boccace, de Muratori
et de quelques autres écrivains , qui
semblaient en avoir emporté le se-
cret. C'est dans leurs ouvrages, étu-
diés avec soin et savamment combi-
nés avec ceux des anciens , qu'il
puisa cette éloquence vive et pom-
peuse qui caractérise les productions
de son âge mûr. Vers l'an 1-^66 , il
suivit à Paris le marquis de Becca-
ria , dont les liaisons avec le baron
VER 273
d'Holbach fournirent à Verri l'occa-
sion de coimaître les principaux mem-
bres de cette coterie, alors si célèbre.
« Diderot , dit-il dans une de ses let-
» très , est la simplicité même et le
» meilleur des humains. Sa conver-
» sation est brûlante commesesécrits.
» D'Alembert vise à des succès de
» salon. Il est ouvert , sublime et bon
» homme tout à-la -fois. Helvétius
» offre sur son front l'empreinte du
» génie. Athlète robuste dans ses
)) écrits , il a , dans la société , la dou-
» ceur d'une femme. Marmontel et
» Morellet sont continuellement aux
» prises. En général , ces savants
» préfèrent une discussion franche,
» ouverte et sans cérémonie. On
» crie y on hurle comme des posse'-
» dés ', mais au fond on est de bonne
» foi , et d'une douceur admirable. »
On voit par cet échantillon de sa cor-
respondance que le jeune voyageur
était sous le charme philosophique.
Ce contact avec les chefs des ency-
clopédistes n'eut cependant d'au-
tre résultat pour lui que d'aug-
menter sou penchant naturel pour
l'indépendance, sans l'entraîner dans
aucun écart blâmable. Beccaria vou-
lut bientôt retourner à Milan ; mais
Verri , avide de nouvelles connais-
sauces, se rendit à Londres , oiî
il se perfectionna dans la langue
anglaise, par la lecture approfon-
die de Shakespeare , dont il tra-
duisit en prose plusieurs tragédies.
Rentré en Italie par Gênes, Livourne
et la Toscane , il en étudia les monu-
ments , et se dirigea vers Rome, qu'il
n'avait point encore vue. C'est en
découvrant, du sommet des Apen-
nins , les murs de la ville éternelle ,
qu'il éprouva l'enthousiasme dont il
s'est plu à décrire les transports dans
la préface des Nuits romaines. Il se
lia , dans cette capitale^ avec tous les
18
1^94 VÊR
hommes de mérite dans les sciences
et dans les arts , et y contracta , sous
des auspices plus tendres , une liaison
dont la mort seule devait rompre les
nœuds. Par ses rapports avec la mar-
quise de Boccapaduli , femme d'un
esprit orne' et d'un caractère aimable,
la maison du comte de Verri devint et
n'a pas cesse d'être, pendant cinquan-
te ans, le rendez- vous d'une société
choisie, que ne manquaient pas de
visiter les étrangers de distinction et
les princes mêmes qui faisaient quel-
que séjour dans Rome. C'est dans le
charme prolongé de cette existence
douce et brillante tout à-la-fois, qu'il
poursuivit jusqu'à la mort ses tra-
vaux littéraires. La tragédie eut son
premier hommage. Sur les plans de
Shakespeare et les récits de Machia-
vel , il composa sa Conjuration de
Milan, dont la catastrophe est ter-
rible , et dans laquelle l'auteur trace
avec une grande vigueur de pinceau
le caractère de Galéas Sforce. Le mé-
rite principal de cette tragédie con-
siste dans une fidélité de mœurs , de
caractères et de discours, que l'on
pourrait appeler vérité historico - po-
litique j mais elle pèche par la dureté
de la versification et par la roideur
du style. Ces défauts frappent moins
dans Panlhée y autre tragédie, se-
mée de belles scènes et de situations
touchantes, dont l'edét se trouve mal-
heureusement aftaibli par des lon-
gueurs et des incidents déplacés. D'a-
bord imprimées sous le titre dJ Es-
sais dramatiques ., ces deux pièces
furent ensuite jouées sur difïérents
théâtres d'Italie^ où elles n'obtinrent
qu'un succès équivoque. Verri eut le
bon esprit de passer condamnation
sur son insuffisance dramatique,, et
tourna ses efforts vers la littérature
grecque. Il s'exerça à traduire et à
commenter les classiques , eu ccm-
VER
mençant par Homère. Son jugement
sur ce père de l'cpopée, plein d'aper-
çus nouveaux , tient autant de la cri-
tique que del'enthousiasme, trait re-
marquable pour une imagination aus-
si naturellement poétique que la sien-
ne. « La superstition, dit-il, domine
» trop dans V Iliade ; la morale en
» est détestable. C'est un poème uni-
» que au monde, j'en conviens; mais
» pourquoi n'en soutient - on pas la
» lecture sans fatigue? Pourquoi ne
» l'achève-t-on pas sans quelque plai-
» sir ? » C'est d'après ces disposi-
tions que Verri conçut et qu'il exé-
cuta la malheureuse idée d'abréger
Homère. Qu'on tente un pareil es-
sai sur un auteur vulgaire; mais
livrer au public V Iliade mutilée,
n'est-ce pas dégrader l'ensemble
d'un chef - d'œuvre , sous prétexte
d'en réduire les dimensions? Aussi sa
traduction en prose italienne , d'ail-
leurs estimable par les notes dont il
l'a enrichie, n'a-t-elle pas trouvé
plus de lecteurs que ses blasphèmes
anti-homériques , renouvelés des La-
mothe et des Perrault , n'ont trouvé
de partisans. C'est avec plus de suc-
cès que Verri commenta la Cjropé-
die de Xénophon, dont il avait tiré
le sujet de sa Panthée, et qui par-
mi nous a fourni à Fénélon le mo-
dèle de sou Téléniaque. Après avoir
étudié la Vie de Cyrus , il passa à
celle d'Alexandre - le - Grand , et
prit pour guide Arrien, disciple
d'Épictète, écrivain plus judicieux
que Quinte - Curce , quoique par une
imitation trop marquée du style
d'Homère il ait jeté sur ses tableaux
une teinte romanesque. Verri conti-
nuait en même temps ses travaux sur
Eschine et sur Déraosthcne. « V^oilà ,
» dit-il à l'occasion des Philippi-
» ques, voilà de l'éloquence. J'aime
» cette manière simple de traiter les
VER
« grandes affaires. Dans l'orateur se
» montre le bon citoyen. Je place
» ces liaranpjiics , dans mon opinion,
» bien au-dessus de celles de la cou-
M ronne et de lu fausse amhassade ,
)' parce qu'elles roulent sur de plus
V grands intérêts, et qu'on n'y trouve
» rien debas. » Verri ne jeta pour ain-
si dire en passant qu'un coup-d'œil sur
Isocrate. Donnant plus de temps à
Lucien , il traduisit et commenta un
assez grand nombre de dialogues.
C'est dans les études de la littérature
grecque qu'il puisa l'idée du roman
de Sapho, ouvrage judicieusement
conçu , semé de scènes gracieuses et
de tableaux de mœurs pleins de vé-
rité , mais où se font remarquer trop
souvent la rcclierche des idées et
l'affectation du style j défauts qui
tiennent à la manière générale de
l'auteur , et qu'on reti'ouve , quoique
plus rarement , dans les Nuits ro-
maines. L'idée de faire parler les
morts entre eux et celle de les mettre
eu contact avec les vivants ne sont
pas nouvelles : mais en emprun-
tant l'une à Lucien, et l'autre au
Dante, qui lui-même l'avait prise à
Virgde, Verri a^ le premier, dans
un cadre brillant d'imagination et de
poésie , traité avec toute la sévérité
de l'histoii'e l'un des tableaux les
plus imposants qu'on puisse offrir
aux méditations de l'esprit humain.
C'est aux bords du Tibre que l'au-
teur évoque les ombres des anciens
Romains. Il les met en présence les
mis des autres pendant Six Nuits ,
divisées chacune en autant à' Entre-
tiens, que l'on peut regarder comme
les scènes d'un grand drame histori-
que dont Rome est le théâtre ; ses
destinées , le sujet; et ses grands hom-
mes, les acteurs. Les discussions so-
lennelles du sénat , les délibérations
du peuple, les orages des comices,
VER 275
la marche des conspirations , la lutte
entre les ordres de l'état, les brigues
publiques, l'art et le but des conquê-
tes, les ressorts cachés de la politi-
que, les moj'ens de corrujition et
d'intrigue , tout reprend dans des
discussions animées une seconde vie,
dont le rapprochement des divers
âges rend la singularité plus piquan-
te et le résultat plus instructif. On
respire dans ces discussions l'air des
temps héroïques , tempéré par les
influences d'une sage philosophie.
On y vit en quelque sorte avec les
antiques habitants de Rome, tant
l'auteur possède l'art de nous mettre
dans la confidence de leurs mœurs ,
de leurs caractères , de leurs préju-
gés, de leurs passions • de nous faire
descendre dans le détail de leurs ha-
bitudes domestiques , et de nous
insinuer dans leurs secrets de famille.
Pour avoir le droit de les faire agir
etparleravecce ton soutenu de vrai-
semblance locale, qui prête à l'illu-
sion tout l'empire de la vérité , l'au-
teur avait surtout étudié les Romains
dans la partie la plus pure de leur
gloire , dans cette belle littérature la-
tine, dont l'existence seule , en re-
gard de celle des Grecs , qui semblait
la rendre impossible, est un des ef-
forts les plus prodigieux de l'esprit
humain. Verri savait par cœur tous
les ouvrages de la haute latinité.
Pour tout autre, César, Tite-Live ,
Salluste, Cicéron, Tacite, peuvent
n'être que des livres que l'on consul-
te; pour lui c'étaient des personna-
ges avec qui l'on converse. On sent, à
la lecture de son ouvrage, que son
imagination , sans cesse occupée des
Romains , l'avait insensiblement ac-
coutumé à confondre l'h^-pothèse in-
génieuse-de leur résurrection avec
la conviction habituelle de leur exis-
tence. Il mêlait au sentiment actuel
18,.
9.-6 VER
de son être l'impression de cette
vie éteinte depuis deux mille ans,
dont il s'était fait d'abord une étude,
puis un plaisir, et enfin un Lesoin de
rajeunir les détails, Notre grand Cor-
neille n'a pas mieux saisi la ressem-
blance , n'a pas reproduit plus no-
blement la dignité de ses' héros. Le
caractère dominant des Nuits ro-
maines est une certaine poésie de
sentiments et de pensées , soutenue
par une diction noble, riclie, liar-
mcnicuse , qui prête à l'histoire le
pouvoir et les charmes de l'éloquence.
Sous la plume de l'auteur , la raison
s'anime par la vivacité des images ,
et par la justesse des comparaisons.
Il montre pour les dernières un pen-
chant îout-à-fait homérique j mais
l'abus tient de près à ce penchant
dans un auteur moderne. Vcrri n'au-
rait fait qu'ajouter au mérite de son
travail en se montrant plus avare
de ces comparaisons , très-justes eu
général, mais tirées du fond trop
uniforme de quelques objets de la
nature. L'auteur trop souvent aussi
sacrifie à son goût pour le ton so-
lennel de la phrase, pour l'imitation
de la période cicéronienne, et pour
l'harmonie , un peu tourmentée, du
style. Il n'a pas su non plus se tenir
assez en garde contre sa prédilection
ultramontaine pour les épithètes ,
qui le phis souvent bourdonnent à
l'oreille, sans rien dire à l'erprit. Sin-
cère admirateur de Démosthène et
fait pour l'imiter , il appartenait à
Verri de del)arrasser son meilleur
ouvrage d'un faux embonpoint de
diction , et de s'affranchir le pre-
mier des liens de la coutume. Ce
qui peut au reste le justifier en partie
à cet égard, c'est le but grammatical
de sa composition, destinée, comme il
le disait lui-même, à donner la robe
virile à la jirose italienne^cn la ma-
VER
riant avec la vigueur , la fermeté ,
l'abondance , les tours et les expres-
sions même de la langue latine. Sous
le rapport philologique , cet essai
n'a pas réuni , à la vérité , les suf-
frages de tous les gens de lettres en
Italie. Si les uns ont applaudi à
cette union des deux idiomes , un
assez grand nombre n'y a vu qu'un
mariage forcé , et presque un adul-
tère grammatical. Il n'en est pas
moins résulté, pour la littérature en
général , un très-bel ouvrage que la
France et les autres pays de l'Europe
se sont empressés de naturaliser par
de nombreuses traductions. C'est
sur le ton grave des Nuits ro-
maines que Y er ri aéciit sa belle pré-
face des Dits mémorables de Socra-
te , parGiacomelli (F. ce nom). Là ,
dans son adoration afTectueuse pour
la langue italienne , ii s'indigne de sa
complaisance à se laisser envahir par
le français, qu'il ne manque pas ,
néanmoins, par une contradiction
manifeste, d'accuser de pauvreté,
selon le préjugé de routine dont en
France même on a peine à secouer le
joug. Au reste ou ne voit pas trop
corament,dansson système de puris-
me exagéré , Yerri pourrait à son
tov\Tini.hiierV anarchie latine, qu'on
lui reproche, et les éloges que dans
la même préface il donne au célèbre
Alfieri , l'infracteur le plus audacieux
des règles , qui crut pouvoir en
briser le frein pour élever la poésie
italienne à une sublimité d'énergie
qu'elle n'avait pas encore connue.
La découverte d'un nouveau frag-
ment des amours de Daphnis et
Chloe\ faite, en 1810, par M.Paul
Courrier ,' T^. ce nom au Supplément)
dans la bibliothèque de Florence , en-
gagea le comte Verri à cntreprendi'e
la traduction entière de l'ouvrage. Il
s'appliqua à la rendre plus fidèle que
VER
celle d'AiinibalCaro, qui semble avoir
pris à tàclie d'amplifier Longiis ,
daus le ])ut très-blâmable de le reu-
drc licencieux. Le même Lougiis
avait vraisemblablement fourni à
Verri l'idée de sou roman A'Eros-
trate , dont l'autenr de cet article a
donne une traduction française. Là ,
s'olfrent, comme dans les Nuits ro-
maines , le luxe des epithètes, la
recherche affectée des tours poéti-
ques, et le jeu un peu trop fréquent
des antithèses et des contrastes. Mais
à côté de ces défauts , ou retrouve
aussi les qualités particulières au ta-
lent de i'autenr : un plan bien dessi-
ne, une mai'che rapide, des épisodes
natui'ellement amenés et pleins d'in-
térêt j des pensées profondes, et ^ par-
dessus tout, une raison fenne , une
morale pure et une sage indépcn-
danced'opinions. Recherchera l'aide
d'une fable iugénieuse les causes qui
ont porté un homme obscur à s'en-
flammer de la passion de la célé-
brité , pour se lancer par un grand
attentat dans la région des exis-
tences historiques , tel est le pro-
Ijlèrae que Verri s'est proposé de ré-
soudre daus la Vie d'Erostrale. Il
y a procédé avec tout le charme de
son talent , non par l'hypothèse ex-
péditive de la monomanie , à l'aide
de laquelle , sans les expliquer , on
voudrait aujourd'hui excuser tous les
crimes , mais par le développement
philosophique du désordre moral.
Pourquoi l'étude de l'homme , con-
sidéré dans ses passions , même les
plus absurdes , n'aurait - elle pas
aussi son scalpel et ses autopsies ?
En rapprochant de la Vie d'Eros-
trate l'eflrayant épisode du parri-
cide dans les Nuits romaines , on
peut saisir les vues de l'auteur dans
cette auatomie intellectuelle , à laquel-
le il soumet le cœur humain. Toujours
VER
•^77
philosophe lors même qu'il paraît
n'être que romancier , Verri indi-
que, sans la montrer, la part que
les intluences sociales peuvent avoir
dans les crimes des individus : ques-
tion délicate, qui touche à l'action
morale du gouvernement sur les peu-
ples. On ne sait si c'est k ce genre
d'appréciation philosophique qu'il
faut attribuer l'espèce de déconvenue
qui survint à VÉrostrate , en 1810.
Composé ou plutôt ébauché par Ver-
ri , dès 1780, cet ouvrage dormait
depuis trente ans dans son porte-
feuille , lorsque sur l'annonce d'un
prix de cinq cents écus romains, pro-
posé, au nom de Buonaparte, par
l'académie de la Crusca y l'auteur
acheva son ouvrage et l'envoya à
Florence. Les académiciens se pro-
noncèrent en sa faveur. Il fallait
le couronner , ou retirer le prix j
le prix fut retiré. Si VErostra-
te revint tête nue à son auteur ,
il échappa du moins aux mutila-
tions que vers la même époque la
censure faisait subir en France à la
première édition de la traduction des
Nuits romaines. On ne se fût pas
sans doute montré plus généreux
pour deux autres ouvrages de Verri,
qui par leur sujet étaient de nature à
armer contre lui toutes les suscepti-
bilités du despotisme. Nous voidons
parler d'une Histoire de la Révolu-
tion française, depuis l 'y 89 jusqu'au
consulat, et d'un Essai sur l'His-
toire générale d'Italie , depuis la
fondation de Rome jusqu'à nos
jours. Son but , dans ce dernier ou-
vr.ise , est moins de raconter les
faits que de remonter a leurs cau-
ses, et d'indiquer leui-s résultats , en
suivant la marche de l'esprit humain
pendant une période de vingt sicciOs.
Daus sa préférence pour l'histoire
particulière d'Italie, Verri croyaii
278 VER
obéir bien moins à un entraînement
naturel de patriotisme qu'à une con-
viction raisonnable delà supériorité'
que semblait lui offrir cette histoire
sur celle des autres peuples. îl voyait
là plus qu'ailleurs une certaine unité
de principes , d'actions et de con-
duite politique , d'où sortaient une
foule d'événements encbaîne's les uns
aux autres par l'influence générale
tle causes et d'effets réciproques. En
cliercliant les raisons qui avaient pri-
ve l'Italie d'une histoire générale ,
il croyait la trouver dans la crainte
long-temps imprimée aux esprits par
l'inquisition ; dans les préjugés du
peuple , et plus encore dans i'inîérct
des grands, presque Joujoursen lutte
n\ec la liberté publique. A l'appui
de ces observations , il citait les per-
sécutions dirigées contre les écrivains
<{ui avaient tcn'.é avant lui de rem-
plir le vide où se perdent les tradi-
tions italiennes. Il rappelait Gian-
none banni de Pergame , Serpi ,
poursuivi dans Venise, Muratori lui-
même , dans un siècle plus éclairé ,
ne devant qu'à Benoît XIV le repos
de ses derniers jours. C'est après
avoir dévoré et pour ainsi dire fondu
dans sa propre substance les pro-
ductions de ces écrivains , que Verri
mit la main à son Essai; il employa
cinq ans à l'écrire. On y trouve par-
tout un vif amour pour la patrie ,
un goût passionné pour la liberté, et
ime grande indépendance d'opinion.
Ces trois caractères de l'ouvrage
font assez présumer 'es motifs qui ,
<lu vivant de l'auteur , ont dû s'op-
poser à sa publication. Sous des rap-
ports divers , elle n'eût pas manqué
d'exciter contre Verri l'attention ,
la sévérité , peut-être même la persé-
'^'ition des gouvernements qui se sont,
de nos jours, succédé dans Rome.
Fier dans ses écrits , vrai dans ses
VER
sentiments , mais circonspect dans
sa conduite , Veiri ne manqua ja-
mais de subordonner , pour l'intérêt
de sa position personnelle , l'orgueil
de l'écrivain au repos de l'homme ,
et les prétentions du réformateur aux
devoirs du sujet. Gardons-nous pour-
tant de croire que sa modestie ne fût
qu'un calcul d'égoïsme ; il a prouvé
plus d'une fois qu'elle faisait partie
de son mérite , puisqu'elle ne se dé-
mentait pas même dans l'éclat des
succès. Il ne mit jamais son nom
à aucun de ses ouvrages. Les suf-
frages dont toute l'Italie honora
la publication de Sapho , en 1774 î
ceux plus brillants encore qu'obtin-
rent les Nuits romaines ne purent
le décider à déchirer le voile qui cou-
vrait le nom de leur auteur. Enor-
gueillie de ces nouvelles richesses ,
l'Italie promenait un soupçon hono-
rable sur ses meilleurs écrivains ,
sans pouvoir le fixer sur aucun. La
sagacité du poète Monti mit fin à ces
incertitudes. Convaincu de cette dou-
ble paternité, Verri ne balança point
à confier à son spirituel révélateur
le manuscrit du second volume des
Nuits romaines, circonstance qui fit
naître entre eux une baison dont rien
n'altéra jamais les rapports. Par un
privilège qui prouve à - la- fois la
bonté de son caractère et le bonheur
de sa vie , Verri conserva toujours
les amis qu'il s'était faits. Quoique
plus jjcune que Beccaria , c'est à ses
conseils , ainsi qu'à ceux de son frè-
re , Pierre Verri ( F. ce nom ci-
dessus), que le marquis philosophe
dut le courage de publier son ia.-
mciwTvaitédcs délits et despeineSj
qui lui valut quelques tracasseries et
une grande célébrité. Impassible à
toutes les attaques, Verri ne répon-
dait à la critique que par l'usage de
ses conseils , quand il les trouvait
VER
bons, et par le mépris de ses iu-
j lires, quelque peu me'ritc'es qu'elles
lassent. D'une réserve extrême en ce
([ui touche l'appréciation person-
nelle de ses contemporains , ce n'est
que dans le portrait d'Alfieii que
la vérité' a paru prendre une seule
fois, sous sa plume, les traits de
l'épigramme. En accusant ce grand
poète, dont il admire d'ailleurs le
génie , d'avoir été le tjran de la
meilleure des femmes , il s'est at-
tiré de la part de la comtesse d'AI-
baui une réclamation formelle , qui
place le public entre l'assertion d'un
galant homme, qui gémit sur le sort
d'une femme malheureuse , et le dé-
menti de cette même femme , qui re-
pousse un pareil intérêt , et traite
son malheur de chimère. Facile dans
ses habitudes , constant dans ses
liaisons , modéré dans ses juge-
ments , mais ferme dans ses prin-
cipes _, Verri a glissé avec un ra-
re bonheur à travers les troubles de
sa patrie, sans y prendre part. Pen-
seur libre , mais sujet fidèle sous les
papes- spectateur immobile, mais
résigné , dans les agitations d'ime ré-
publique éphémère , Verri se montra
tout Romain devant les usurpateurs
de Rome; il échappa toujours aux
séductions de Buonaparte ; et le
dominateur du Capitole ne put ajou-
ter à ses conquêtes l'auteur des Nuits
romaines. Depuis le rétablissement
du gouvernement pontifical^ Verri
poursuivait , dans les loisirs de l'é-
tude , et presque sans infirmités , sa
paisible carrière. Il la termina avec
la résignation d'un philosophe et la
piété d'un chrétien , le a3 septembre
1816, à l'âge de soixante - quinze
ans. Comme écrivain, Verri s'ollie
avec des défauts que nous avons si-
gnalés, et avec des qualités qui lui
assurent les suffrages de la postérité.
VER
279
iSa morale , toujours pure, se pré-
sente à l'esprit avec une teinte reli-
gieuse et poétique ; elle s'imprime
dans le cœur, comme un sentiment de
consolation et d'espérance. Sa pen-
sée , parfois neliuleuse et un peu for-
cée , n'a rien de bas et garde tou-
jours l'empreinte de l'esprit élevé qui
l'a conçue. Son expression brille de
hardiesse et de verve, lors même
qu'elle blesse , ce qui est rare , la
délicatesse du goût. Son style est, en
général , ce que le sujet exige. Ce
style est à lui : c'est son œuvre.
Entraîné par l'ambition de servir
de modèle , il a dédaigné d'en pren-
dre un lui - même , ou du moins
il l'a choisi hors des temps moder-
nes. C'est à Cicéron qu'il sacrifle -y
c'est sous ses auspices qu'il a voulu
fonder sa nouvelle école, en intro-
duisant dans la langue italienne les
mots, les tournures, le nombre et la
pompe de la période latine ; innova-
tion courageuse , qui a pour elle le
succès de ses propres ouvrages , mais
qui ne peut recevoir que du temps seul
le sceau d'une approbation générale.
On a du comte Verri : I. Uu grand
nombre d'articles philosopliiques et
littéraires , réunis dans un volume
in-i2, ayant pour titre : Bibliote-
ca scella di opère italiane an-
tiche e moderne , volume unico ,
in -12, Milan, 1818. II. Essai
sur r histoire géne'rale d' Italie ^ de-
puis la fondation de Rome jusqu'à
nos jours. L'auteur de cet article
prépare une traduction française de
cet ouvrage. III. Une Traduction en
prose italienne delà tragédie à'Ham-
let , de Shakespeare (inédite). IV.
La Conjuration de Milan, Panthée,
tragédies imprimées à Milan, sous
le titre à'Essais dramatiques. V.
17 Iliade d'Homère , abrégée , avec
des notes, pour l'intelligence du tex-
a8o
VER
te et la liaison des parties. VI. Ana-
lyse et Commentaire de la Cyropé-
die de Xénophon. VII, Commentai-
res , analyses et critiques des prin-
cipaux orateurs grecs. Vlll. Le
roman de Sapho , un vol. in - H**. II
existe une traduction française de
cet ouvrage par IM. Joly de Sa-
lins. IX. Les Nuits romaines au
tombeau des Scipions. Cet ouvra-
ge , depuis sa première publica-
tion, en i'^ 80, a eu, en Italie et en
France, plus de dix éditions en dif-
férents formats. Il en existe des tra-
ductions en allemand et en anglais ,
et des paraphrases partielles en vers
italiens. Une première traduction
française parut à Lausanne, eu 1796.
La troisième édition de celle qu'a pu-
bliée l'auteur de cet article a paru ,
en 1826, à Paris, 2 vol. in - 8°. ,
avec gravures. X. La préface des
Dits mémorables de Socrate , par
Giacomelli. XI. La Traduction ita-
lienne des Amours de Daphnis et
Chloé. XII. La Vie d'Érostrate,
que l'on trouve réunie, dans quel-
ques éditions italiennes, avecles Nuits
romaines. Il y a deux traductions
françaises de ce roman : l'une par
l'auteur de cet article , l'autre par un
anonyme. On peut consulter, pour
les particularités de la vie littéraire
de Verri , son Éloge funèbre , par
Ambroisc Levati , professeur au col-
lège impérial de Milan , imprimé
dans cette ville en 1818, et V Essai
mis en tête de la troisième édition
française des Nuits romaines, h-mz.
VERRI (Charles) , frère des pré-
cédents, né à Milan le 21 février
1743 , fit ses études cliezles Jésuites
à Parme. Sorti du collège , il s'a-
donna avec beaucoup d'ardeur aux
sciences naturelles , et surtout à l'a-
griculture. Sa réputation , comme
agronome y lui ouvrit les portes de
VER
la société des géorgophiles de Flo-
rence, de celle d'agriculture de îh-c-
scia, etc. Son goût pour la musiqr.e
et pour la peinture lui fit donner la
présidence de l'académie des beaux-
arts dans sa patrie. Passionné pour
le séjour de la campagne, il pas-
sa la moitié de sa vie dans ses
terres , méditant sur les moyens
d'améliorer l'agiiculture.Son exem-
]de et ses ouvrages contribuèrent
beaucoup à réveiller dans la classe
opulente de la capitale de la Lom-
bardie l'envie de diriger par elle-
même l'administration de sa fortune,
livrée auparavant à des agents igno-
rants ou infidèles. Charles Verri n'au-
rait pas renoncé à ces paisibles oc-
cupations , si Melzi , vice-président
de la république italienne , n'eût em-
ployé toute l'influence que l'amitié
et la parenté lui donnaient sur Verri,
pour qu'il acceptât , en 1802 , la
préfecture du département du Mêla
( Brescia ). Il exerça cette fonction
pendant trois ans, et s'en acquitta
de manière à mériter en même temps
l'approbation du gouvernement , et
l'estime de ses administrés. Toute la
population de Brescia lui témoigna
de Ails regrets , lorsqu'en i8o5 il
fut appelé au conseil d'état. Dans ce
nouvel emploi il s'occupa surtout
de l'administration des communes et
desétablissemeuts de bienfaisance. En
1808 , le vice-roi Eugène lui confia
une mission délicate, celle d'organiser
les trois départements de la Romagne,
qui venaient d'être réunis au royau-
me. Sa conduite ne fut pas moins sa-
ge , ni moins modérée dans cette cir-
constance, qu'elle ne l'avait été dans
les charges précédentes. En 1809 , il
fut nommé sénateur , et put jouir du
repos qui lui était d'autant plus né-
cessaire qu'une maladie de poitrine
le tourmentait de plus en plus. A la
VER
chute de Napoléon , Charles Verri
fut arrache' à sa retraite, et proclame'
président du gouvernement provi-
soire qui se forma à Milan. Il (it tout
pour apaiser les troubles qui sur-
vinrent dans cette capitale le 20
avril i8i4 , et se flatta un instant de
pouvoir rendre l'indépendance à sa
patrie ; mais ce bonheur ne lui était
pas réservé ; et , peu de jours après ,
son autorité fut remplacée par celle
du maréchal de Beilegarde. Rentré
dans la vie privée , il s'y livra de
nouveau à l'agriculture. N'ayant plus
qu'une vie languissante , il se rendait
aux eaux de Recûaro , lorsqu'il mou-
rut à Vérone, au mois de juillet 1823,
à l'âge de quatre-vingts ans. Les pay-
sans de ses terres , lorsqu'ils apprirent
sa mort^ voulurent aller chercher
son corps pour l'ensevelir au milieu
d'eux ; mais les neveux du comte
Verri lui élevèrent un monument dans
l'église de Saint - Bernardin , à Vé-
rone. Ses ouvrages sont : I. Sag-
gio sul modo di pj-opagare , ai-
levare e regolare i geisi. Après
les deux premières éditions de cet
essai , ^ ilvestri en donna une troi-
sième , revue et corrigée par l'au-
teur , Milan", 1818 , et une quatriè-
me, en 1828, toutes les deux dans la
Bihliot. sccltadi opère italiane. C'est
sur cette dernière édition que la tra-
duction française a été faite et pu-
bliée sous ce titre : V Art de culti-
ver les mûriers , traduit de V italien,
avec des notes , par F. Philibert
Fontaneilles, Lyon , i8a6,in-8o. La
méthode que l'auteur a suivie dans SCS
ouvrages d'agricaltuiT est celle des
anciens. Il donne d'abord des pré-
ceptes très -concis , comme des api; 0-
rismesj ensuite il entre dans des ex-
plications j tous ses avis sont fondés
sur sa propre expérience. On doit à
Verri l'invention des haies de mù-
VER
281
ricrs entrelacés. Cellenouvel'e espèce
de clôture qui entoure les champs
de la Haute -Lorabardie est d'un
produit extraordinaire , et elle leur
prête un aspect très - agréable. II.
Sulla coltivazione délie viti : Sag-^
gio di agricoltura pratica. Tandis
que Dandolo enseignait aux Italiens
à faire de meilleur vin , Verri leur
apprenait à en faire une plus grande
quantité. Cet Essai eut autant d'édi-
tions, et il est maintenant aussi clas-
sique en Lombardie que le précédent.
III. Osservazioni sul volume intito-
lato : Del cenacolo diLeonabdo
D.4 Vinci , LiB.ir, di Luigi Bossi
piTTORE , scritte etc. dal conte se-
natore Carlo Ferri , Milan , 1812.
Bossi fit une réponse à ces Observa-
tions, par des Lettere confidenziali
di B. S., etc., Milan, 1812, et
Verri fit encore une réplique. Cet
agriculteur a aussi écrit sur la culture
de la luzerne , et il a pris la défense
de son frère Alexandre , critiqué à
outrance dans !a Bibl. ital. au sujet
des3iFied'Erostrale. Voy. Leltcra
dcl conte Carlo Ferri , datée de
Nizza, 2 décembre 1816, dans la
Bill. ital. , février , 1817, n". xiv.
— Gabriel Vlrri , quatrième frère
des précédents , actuellement vivant,
est auteur d'une Histoire de l'Or-
dre de Malte. Ug— i.
VERRINA ( Jean - Baptiste ) ,
associé à Jean - Louis de Fiesque ,
dans sa conjuration contre les Doria,
était un homiiie d'un esprit ai'dent ,
qui jouissait d'un grand crédit dans
le parti popr.laire , a Gênes , et qui ,
fort riche lui-même , avait procuré
à Jean-Louis de Fiesque des sommes
immenses, pour acheter des galères
et easrner des partisans. C'est encore
lui qui avait rattache a Fiesqu.e tout
le parti populaire , jaloux aupara-
vant des nobles de toule dcnomina-
282
VER
tion. Mais pour lui rendre ces ser-
vices, Verrina s'était attire' la haine
de toute la noblesse, dont plusieurs
membres l'avaient traité d'une raa-
nièi'e injurieuse. Eu même temps
il s'était endetté au - delà de ses
moyens; et pour se tirer d'affaii'e, il
avait besoin d'une révolution dans
l'état. Ce fut Verriua qui engagea
Fiesque dans les entreprises les
plus hasardeuses, et qui traça pour
lui tout le plan de la conjuration
contre les deux Doria , en 1547;
mais lorsqu'en montant sur sa galère
Fiesque se fut noyé, Verrina, qui le
cherchait en vain, perdit courage.
li resta sur sa galère, au lieu de se
mettre à la tête des conjurés , au mo-
ment ou il fallait agir, et il causa
ainsi la ruine de tous ses associés.
Après s'être retiré à Montobbio,avec
les deux frères de Jean - Louis de
Fiesque , il y fut assiégé , fait prison-
nier, et il eut la tête tranchée.
VERRIUS FLACCUS ( M. ) , fa-
meux grammairien du siècle d'Au-
guste, llorissait vers l'an 10 de l'ère
chrétienne {Chroniq. d'Eusèhe).\{
était de très-basse naissance , et avait
été long - temps l'esclave de ce Ver-
rius Flaccus, connu par son habileté
dans la science du droit pontifical et
par l'amitié de Cicéron , qui fait
mention de lui dans sa Divination ,
liv. II, ch. 21 et 22. Quelques- uns
prétendent même qu'il fut esclave et
ensuite affranchi de l'empereur : mais
cette opinion est peu plausible; et
le nom seul de Verrius indique assez
que l'affranchi avait appartenu à un
membre de la famille Verria. De-
venu libre , il ouvrit à Rome une
école de grammaire, qui fut bientôt
la plus célèbre de la ville. 11 se dis-
tingua surtout par son mode d'ensei-
gnement et par l'iiisiitutiou des cou-
VER
cours littéraires entre ses disciples.
Le vainqueur recevait, ainsi qu'au-
jourd'hui, un prix, qui était or-
dinairement un ouvrage rare ou
curieux ( Voyez Suétone , De il-
lustr. grammat. , cap. xvii). Au-
guste nomma Verrius précepteur de
ses petits-fils (Caïuset Lucius Agrip-
pa , césars ) , et lui permit de s'éta-
blir dans son palais , avec toute sa
classe , mais à condition qu'il n'accep-
terait plus de nouveaux élèves. Ver-
rius enseigna donc dans l'atrium de
la maison de Catilina, qui alors fai-
sait partie du palais. Il recevait an-
nuellement de l'empereur cent mille
sesterces (environ i9,ooofr.).llmou-
rut extrêmement avancé en âge, sous
l'empire de Tibère. Suivant Suétone,
on lui éleva une statueàPréneste ,au
bas du Forum, dans un bâtiment hé-
micyclique , oîi étaient incrustées
douze tables de marbre, sur lesquel-
les était sculpté un Calendrier ro-
main , sous le titre de Fastes. Ce Ca-
lendrier, que Macrobe et Suétone ci-
tent quelquefois , avait été rédigé
par Verrius lui -même, sur l'ordre
d'Auguste. Quatre des tables ou plu-
tôt des fragments de tables qui le com-
posent ont été découverts en 1770,
et publiés par Foggini en 1779.
On trouve aussi ces fragments dans
le Suétone de Wolf, Leipzig, 1802,
4 vol. in -8°. Ils contiennent la plus
grande partie des mois de janvier ,
mars , avril et décembre , et répan-
dent un grand jour sur les Fastes
d'Ovide. Au lieu de Préneste, quel-
ques ci'itiques ont lu , sur les manus-
crits, Paravesle , et d'autres Prœ-
vesta. Ces derniers en ont fait
pro Veslœ , et ont conclu que
la statue de Verrius était à Rome,
près du temple de Vesta.Voy.Fune-
cius , De virili œtate linguœ la-
tines , Marspurg, 1727 , in-4°. On a
VER
aussi, mais à tort, attribué à Verriiis
la rédaction des marbres Capitolins,
trouvés à Ivome, en l547, «lu Fo-
rum , et qui contiennent la liste des
consuls, depuis l'an de Rome 270
jusqu'à rannce ^65 (de notre ère la
12*=. )• Mais on est revenu de celte
opinion^ témérairement avancée par
Onuplire Panviaio , et qui n'avait
d'autre base qu'une fausse interpré-
tation d'un passage de Suétone ( ib.,
cil. xvii), où il est question du Ca-
lendrier de Vcrrius. Onuplire avait
confondu les Fastes consulaires avec
les Fastes calendaires. Yerrius avait
encore composé plusieurs ouvrages ,
les uns sur l'histoire , les autres sur
la grammaire. Les plus connus sont :
Lihri rerum mcmorid dignarum;
— Saturnalia ; — De orthogra-
phia;— De ohscuris ( il faut sup-
pléer sans doute vocahulis ou lo-
cis), — et De vcrborum significa-
tione. Celui-ci était le plus considé-
rable de tons. Il nous en reste un ex-
trait fait vers le troisième, ou , se-
lon quelques-uns , vers le cinquième
siècle, par le grammairien Julius
Pompeius ( ou Pomponius ) Fes-
tus , extrait qui a encore été réduit à
de plus maigres proportions par
Patd le diacre , dans le troisième siè-
cle (^^. Festus, Jul. Pompeius). Ces
fragments ont été recueillis par De-
nis Godefroy, dans ses ^iictores lin-
guœlatinœ, p. 109. P-ot et W-s.
VERROCHTO (André), sculpteur,
né à Florence vers l'an 1423 , culti-
va d'abord les sciences , et particu-
lièrement la géométrie- mais désespé-
rant de tirer de cette étude les moyens
d'exister , il s'adonna à l'orfèvrerie,
art dans lequel il acquit bientôt une
telle réputation que le pape Sixte
IV l'appela à Rome, et le chargea
d'exécuter plusieurs ligures d'apô-
(.res en argent , dont il voulait déco-
VER
s83
rcr la chapelle pontificale. La vue des
statues antiques découvertes à cette
époque excita l'enthousiasme de
Verrochio pour la sculpture, dont il
avait reçu les premiers éléments de
Donatello , et il commença à s'exer-
cer dans cet art. Ses premiers essais
furent quelques figurines eu bronze ,
dont le succès fut si grand qu'il se
hasarda à travailler le marbre. Fran-
çois Tornabuoni lui confia l'exécu-
tion du mausoléequ'il voulait ériger à
sa femme. L'artiste y représenta cette
dame au moment de sa mort, accom-
pagnée de trois figures , exécutées
avec une grande habileté , et repré-
sentant les trois vertus tliéologales.
De retour à Florence , il lit une sta-
tue en bronze de David , qui existe
encore aujourd'hui dans une des sal-
les du palais Pitti , et nne statue de
la Fiergc placée sur le tombeau de
Leonardo Bruni d'Arezzo. Ilexécuta
ensuite le mausolée en bronze de Jean
et de Pierre de Médicis , que l'on
voit dans l'église de Saint- Laurent.
Parmi les ouvrages dus à son ciseau,
on distingue les deux excellentes sta-
tues en bronze , représentant Jésus-
Christ et saint Thomas qui lui tou-
che ses plaies , placées dans l'é-
glise d'Orsanraichcle de Florence.
Le seul reproche qu'on leur fait, c'est
que les draperies offrent des plis un
peu durs et trop multipliés. On avait
envoyé de Rome à Laurent le Ma-
gnifique un très-beau torse antique
avec une tête deMarsyas. Verrochio
y vit une occasion de faire bril-
ler son habileté dans l'arl de restau-
rer les ouvrages des anciens ; il res-
titua les bras , les cuisses et les jam-
bes qui manquaient ; et son ouvrage
ne fut pas jugé inférieur à ce qu'il
avait réparé. Il exécuta quelque
temps après deux têtes de bronze
de demi-relief, représentant Alexan-
384 VER
dre-le-Grand et Darius; et ces deux
ouvrages furent jugés dignes de fi-
gurer parmi plusieurs objets d'art
que Laurent de Mëdicis envoya au
fameux Matîiias Corvin , roi de Hon-
grie. Mais son œuvre capital fut la
statue équestre en bronze de Barto-
lommeo GoUeoni , que la seigneurie
de Venise fit élever sur la place de
Saint- Jean et Saint- Paul. Quelques
gentilshommes vénitiens qui favo-
risaient Vellauo de Padoue avaient
obtenu que ce dernier fondît la sta-
tue. Verrocbio qui avait déjà dispose
son modèle , indigné de cette injus-
tice , brisa la tête et une des jambes
du cheval, et quitta furtivement Ve-
nise. La seigneurie lui fit dire que
s'il remettait le pied sur le territoire
de la république il aurait la tête
tranchée. Il répondit qu'il se gar-
derait bien de s'y exposer , attendu
qu'on ne lui raccommoderait jamais
la tête aussi bien qu'il pourrait répa-
rer celle de son modèle , qu'il se sen-
tait capable de reproduire d'une ma-
nière plus parfaite encore. Cette ré-
ponse plut au sénat qui lui permit de
revenir. 11 s'empressa de profiter de
la permission, et s'occupa avec tant
d'activité de la fonte de sa statue ,
qu'il gagna une fluxion de poitrine
dont il mourut , en 1 488; avant d'a-
voir achevé de nettoyer son ouvrage.
Verrocliio ne se borna pas à la sculp-
ture , il cultiva aussi la peinture.
Vasari possédait de lui plusieurs
dessius représentant des têtes de
femmes , dont les principes se recon-
naissent dans LéonarddcViuci, qui fut
son élève. On connaît un tableau qu'il
a peint pour les religieux de Saint-
Dominique de Florence , et un Bap-
tême de Jésus-Christ , qu'il fit pour
l'église de San-Salvi. Léonard de
Vinci ayant peint entièrement dans
ce tableau un ange qui l'emportait en
VER
beauté sur tout le reste du tableau ,
Verrochio ne put supporter de se
voir surpasser par un jeune homme
à ses premiers pas dans la carriè-
re, et abandonna les pinceaux pour
i.e plus se livrer qu'à la sculplui'e.
Cet habile artiste était aussi un des
meilleurs musiciens de son temps.
Sou corps fat transporté à Floren-
ce par Loreuzo di Credi , son élè-
ve , qui lui fit donner une sépul-
ture honorable dans l'église deSaiut-
Ambroise. S'il ne donna point au
marbre la morbidesse que cette ma-
lièie reçut du ciseau de Donatello^
il surpassa tous ses contemporains
dans l'art de travailler le bronze, et
les siècles postérieurs peuvent dilti-
cilement lui opposer un artiste qui
l'ait égalé. Mais n'eîit-il point été
aussi habile, il mériterait d'échapper
à l'oubli pour avoir initié dans l'art
de la peinture Loreuzo di Credi,
Pierre Perugin, le maître de Ra-
phaël , et Léonard de Vinci. P — s.
VERRUE (Jeanne d'Albert de
LuYNES, comtesse de) , née le 1 8 sept.
lô-jOjSe fit une réputation par sou es-
prit, par son goût pour les curiosités,
etpar ses soupers. Son mari fut tué
à la bataille de Hochstet, en 1704,;
sa fille épousa le prince de Carignau.
Victor-Amédée II , duc de Savoie et
premier roi de Sardaigue , ne put
voir la comtesse de Verrue sans l'ai-
mer. Bientôt , favorite du prince ,
elle gouverna la cour et l'état : il
paraît que le roi ne s'en trouva pas
mieux; et , pendant les orages de son
règne, M"*-, de Verrue vint s'éta-
blir à Paris. Riche , et amie des plai-
sirs , de la philosophie et des arts ,
elle voulut avoir uue bibliothèque ,
un cabinet de tableaux et une cour
épicurienne de beaux - esprits. Elle
touchait au terme de sa vie , loi-squc
Voltaire publia (1736) le Mondain
VER
et ['apologie du luxe. Melon, qui
avait eîc secrétaire du régcut, et
qui dans son Essai politique sur
le commerce {\']'à!^) avait sérieu-
sement établi en système l'ingé-
nieux badinage de l'auteur d'Aizire ,
écrivit à la comtesse de Verrue : « Je
M vous regarde , Madame, comme
» un des grands exemples de cette
» vérité. Combien de familles snbsis-
» tent uniquement par la protection
» que vous donnez aux arts I Que
)) l'on cesse d'aimer les tabieau'i , les
« estampes , les curiosités en toute
» sorte de genres y voilà A'ingt mille
» hommes au moins, ruinés tout d'un
» couj) dans Paris , et qui sont for-
» ces d'aller chercher de l'emploi
5) chez l'étranger, w M"^*". de Verrue
pensait comme Voltaire :
Le luxe a des cliarracs puissants;
îl encourage les laleiiLs,
11 esl la gloire d'un euipire
Le liche esl îié pour beaucoup dépenser.
Elle dépensait , tous les ans , cent
mille francs en curiosités , et c'est
ce qui lui valait l'admiration et les
compliments de Melon. Elle fut l'a-
mie de Lafaye , dont Voltaire a dit
trop légèrement qu'il réunissait le
mérite d'Horace à celui de Pollion.
Un goût extrême pour les plaisirs ,
qui ne vieillit pas avec M'"*=. de Ver-
rue , l'avait fait surnommer Dame
de volupté. Elle laissa, par son tes-
tament , des legs à plusieurs philo-
sophes , et se composa elle-même
celte épitaphe :
Ci gU, dans une paix profonde ,
Celte dame de volupté ,
Qui , pour |>lus grande sûreté ,
Fit son paradis dans ce monde.
Elle mourut leiSuov. 1736, la mê-
me année où avait paru Xe Mondain.
La marquise de iSimiane écrivait, le
3 déc. , à M. d'Héricourt , en par-
iant de la mort peu chrétienne de la
oori:(esr.e de Verrue . de celle du duc
VER 285
d'Antin et de celle de Eussy-Rabu-
tin , evêque de Luçon , qui avait lé-
gué, par son testament, cent actions
du Mississipi à diverses personnes :
« Tant y a que nous n'en savons que
» trop, et quand onsait leurvie, on ne
)) se dit que trop les circonstances de
» leur mort , à moins de ces grâces
» finales de bon larron qui sont si
» rares qu'on ne doit pas y compter. »
M'"e. de Simiane ajoutait : « Saisie
» d'effroi à la nouvelle de toutes ces
» morts, j'ai mal reçu la pièce de M.
» do Voltaire peu chaste et peuchré-
» tienne ( le Mondain ) j je ne l'ai
» non-seulement pas lue , mais sur-
)) Ic-champ je l'ai jetée au feu. » Le
Catalogue des livres de la comtesse
de Verrue , rédigé par Gabriel Mar-
tin , 1737, in-8^\ , contient les suites
de pièces de théâtre et de romans
les plus considérables qu'un particu-
lier eût réunies avant le comte de
Pont de Vesie et la marquise de
Pompadour. Lorsque l'abbé Lenglet-
Dufresnoy fit paraître , en 1 734 , la
Bibliothèque des romans , la com-
tesse de Verrue s'était déjà occupée
d'un travail du même genre, ou elle
voulut compléter celui d'un écrivain
qui grossissait trop le nombre de ses
publications pour leur donner le degré
d'intérêt et d'utilité qu'elles auraient
pu recevoir. Le manuscrit de la com-
tesse de Verrueavait étéretrouvépar
le savant auteur du Dictionnaire des
anonymes , et il se proposait de s'en
servir pour donner une édition re-
fondue et corrigée de la Bibliothèque
des romans ( i ). — Verkue ( Barbe
DE ) , poète du treizième siècle , qui
vivait sous le règne de saint Louis.
(i) L'abljé Campion de Tcrsau avait aussi fait,
sur des caries, un supplément considérable au
catalogue donné par Lenglct-Dufresnoy. Je con-
serve ce travail, ainsi que l'exemplaire de la liibl.
des romain , qu'il avait préparé pour une nouvelle
286 VER
Des Stances de cette dame, tirées
(l'un manuscrit de rancitiine Liljlio-
thcque de Saint-Germain-des-Pres ,
out ete publiées da us la Décade phi-
losophique (an x)j on y trOi'.\'e des
tours auacre'ontiques , et des grâces
naïves, qui ont reru quelque altéra-
tion , quand Me'rard de Saint-Just et
Giraud ont voulu les traduire en lan-
gage moderne. MM. Roujauxet No-
dier ont donne une notice sur BarLe
Verrue , dans la dernière édition des
Poésies de Clotilde. V — ve.
VERSCHAFFELT ( le chevalier
Pierre de ) , sculpteur , connu eu
Italie sous le nom de Pietro Fiam-
min^o ou Pierre le Flamand^ na-
quit en 1710, à Gand , de parents
pauvres. Placé fort jeune chez un
sculpteur en bois, et ayant, en peu
de temps, surpasse' son maître, il vint
à Paris , où il e'tudia sous BoucLar-
don. De là il se rendit , en 173-;, à
Rome, où Benoît XIV lui confia
plusieurs travaux importants, et lui
lit faire son buste , puis sa statue en
marbre de grandeur naturelle. On
trouve à Rome, à Bologne, à Na-
ples et à Ancône, des productions de
Pietro Fiammingo , que les Italiens
placent parmi les chefs-d'œuvre de
la sculpture moderne. De Rome ,
Pierre passa à Londres , puis à
Mauheim pour y occuper la place
de directeur de l'académie des beaux-
arts , et celle de premier scidpteur
de la cour , auxquelles l'électeur
l'avait nommé. Pendant les quarante
dernières années de sa longue car-
rière , il a enrichi Manheim et
Schwetzingen des œuvres de son
génie créateur. Comme il avait des
connaissances en architectui'e , il di-
rigea les constructions que l'éieclcur
fit élever dans ces deux villes. Il
mourut à Manheim , eu 1793 , âgé de
quatre-vingt-trois ans , laissant^ à ce
VER
que l'on assure, des manuscrits pré-
cieux sur son art. Voyez la Fù^ du
chei'alier P. de Ferschajfell (ail.),
Manheim, 17O7 1 in-8". G — y.
VERSCHUURING (Henri), pein-
tre , né à Gorcum , était d'une com-
plexion si faible qu'il ne put suivre
la carrière des armes dans laquelle
son père s'était distingué* mais pres-
que au sortir duberccau, il manifesta
pour le dessin de rares dispositions,
que Govertz se plut à développer.
De chez ce maître , le jeune Henri
passa dans l'école que Jean Both
tenait à Utrecht , et ne tarda pas à
s'y distinguer. Il se rendit ensuite en
Italie- il habita successivement Ro-
me , Florence et Venise , dessinant
tout ce qui pouvait fortifier son ta-
lent , et il s'était déjà fait un nom
comme peintre d'histoire , lorsqu'on
le vit abandonner ce genre pour s'oc-
cuper exclusivement de peindre des
batailles. Il s'adonna particulière-
ment alors à l'étude des chevaux, et
après un séjour de cinq années en
Italie , parfaitement employées , il
se mit en route pour revenir en
Hollande. Arrivé à Paris , il y ren-
contra le lils du bourgmestre Mar-
seveen , qui l'engagea à retourner
avec lui à Rome. Après un nouveau
séjour de deux ans dans cette ville ,
il revint définitivement en Hollande.
En 1672, jaloux de se perfectionner,
il suivit l'armée hollandaise, dessi-
nant les campements , les armées en
bataille, les attaques, les sièges ,les
marches , etc. ; c'est ainsi qu'il par-
vint à donner à ses tableaux cette
vérité , cette exactitude , qui en font
le plus grand prix. Comme il tra-
vaillait avec assiduité , il a beau-
coup produit. Tous ses ouvrages rap-
pellent les études qu'il avait faites en
Italie. II en retrace les monuments
et les sites avec un rare bonheur.
VER
Mais les compositions clans lesquelles
il excelle sont les BalaiUcs , les
Attaques de voleur s, le Pillage des
villages par des soldats : elles bril-
lent par la vivacité ; les figures et
les animaux en sont correctement
dessine's et touches avec esprit. Le
plus remarquable de ses ouvrages re-
pre'sente un Parti bleu qui pille un
château : le maître de ce château est
lie' et garrotte' comme un criminel j
plusieurs chariots suivent avec des
meubles • la dame offre aux pillards
ses bijoux et son argenterie pour
sauver son mari. Tous les détails en
sont finis avec autant d'art que de
vérité. Ses dessins ne sont pas moins
précieux que ses tableaux , et se dis-
tinguent par l'intelligence et la faci-
lité du travail. Les habitants de
Gorcum , pleins d'estime pour son
talent et son caractère , le nommè-
rent bourgmestre de leur ville ; dans
cette place , il se fit chérir de tousses
administrés. Ayant été obligé d'en-
treprendre un petit voyage par mer,
une violente tempête submergea son
navire à deux lieues de Dordrecht;
personne n'échappa à ce naufrage
qui eut lieu le 26 avril 1690. On a
de ce peintre quatre eaux - fortes
gravées avec un sentiment et un es-
prit qui les rendent extrêmement
précieuses j mais elles sont d'une si
grande rareté, que Huber et Rost ,
dans le Manuel des amateurs de
l'art , n'ont pu en spécifier aucune.
Ce sont : L Une Déroute de cava-
lerie.W. Un Voyageur en manteau.
IIL Le Dogue couché. IV. Le Lé-
vrier debout. Ce sont des ébauches
très-spirituelics : les premières éprcu-
vesde la Déroute sont avant les tail-
les sur le cou du cheval du cavalier
portant un écusson. P — s.
VERSÉ ( Noël Aueert de ) , lit-
térateur et controversiste médiocre ,
VER 287
était né, vers le milieu du dix-septiè-
me siècle , aw Mans , de parents qui
ue négligèrent rien pour lui ju-ocurer
les avantages d'une bonne éducation.
Il se décida pour la profession de
médecin, et prit ses grades à la fa-
culté de Paris. Dès qu'il eut achevé
ses études y entraîné par son carac-
tère ardent et volage , il se rendit en
Hollande , et ayant embrassé le cal-
vinisme , il fut établi pasteur dans
les environs d'Amsterdam. S'étaut
lié, peu de temps après, avec Chris-
tophe Saud ( F. ce nom ) , fameux
socinien , alors correcteur d'impri-
merie , il ne larda pas à partager les
principes de son nouvel ami. Le con-
sistoire , sur les plaintes qui lui par-
vinrent, le suspendit de ses fonc-
tions. Loin de reconnaître ses torts ,
Aubert fit profession de socinianis-
mc _, et , ayant été reçu bourgeois
d'Amsterdam, obtint d'être agrégé au
collège de médecine. La pratique de
son art ne lui fournissant que de fai-
bles revenus , il se mit aux gages
d'un libraire, et concourut à la ré-
daction de divers j ournaux ( i ). Ayant
attaqué , dans quelques - uns de ses
écrits , l'intolérance et les visions du
minisire Jurieu ( Voy. ce nom ) ,
celui-ci le dénonça, dans un Factum,
à tous les souverains de l'Europe ,
comme un homme dangereux, con-
vaincu de blasphèmes et d'impureté.
Il est vrai que les mœurs d'Aubert
n'étaient pas très-régulières j mais
c'était la première fois que les prin-
ces et les rois étaient invités solennel-
lement à sévir contre des écarts de ce
genre. Aubert répondit vertement à
son adversaire (2) , et ne craignit
(i) D'Hpris le Icimoignage de lla^le , on esl cer-
tain fjue Veisé travaillait eu it)84 «t itiSf) aux iV<i«-
i'c/Z<-! solittes et choisies , feuille pciiudicjue d'Ams-
terdam,
(7.) Voiei le litre de sa réponse : Manifeste de
maille JS'oil Auhcil de Verse , docteur en inédeei-
u88
VEU
pas (l'aller le braver jusque dans
Rotterdam. A cette époque , i! s'était
»!ejà séparé des sociniens; et l'on pou-
vait prévoir qu'il n'attendait qu'une
circonstance favorahie pour rompre
ouvertement avec les protestants.
Ayant obtenu, vers i6f)o , la per-
mission de revenir en France , il
rentra dans le sein de l'Eglise ro-
maine, et reçut une pension du clergé
pour écrire contre ses co-religionnai-
res. Aubert passa les dernières années
d'une vie presque constamment agi-
tée , à Paris, et y mourut, eu 17 14,
sur la paroisse Saint-Benoît. Outre
une traduction française du premier
volume des Acta eriiditorum Lip-
siens. , qui n'a point été continuée, et
une version latine de V Histoire cri-
tique de l'Ancien- Testament^, par
llich. Simon (3). on cite de lui : I.
Réponse au Traité de M. de Me aux
(Bossuet), touchant la communion
des deux espèces , Cologne ( Ams-
terdam), t683 , in-i2. II. Le Pro-
testant pacifique , ou Traité de la
paix de l'Église , dans lequel on fait
voir, par les principes des réformés ,
que la foi de l'Eglise catholique ne
choque point les fondements du sa-
lut, et qu'ils doivent tolérer dans
leur communion tous les chrétiens
du monde , les socinicus et les qua-
kers mêmes, dont on explique la
religion, Amsterdam, 1684, in-12.
Cet ouvrage parut sous le nom de
Léon de la Guitonière ; il est di-
rigé principalement contre le Frê-
ne ^ et ci-devanl niinistre de la religion réformée ^
/roiirgeois d'Amsterdam, contre Vauteur anonyme
d'un libelle intitulé : Pactum pour denmnder jus-
lice aux puissances contre Noël Aubert. dit de
Versé, etc., 7 janvier 1687, 10-4°. de a4 pages.
Cette pièce doit être fort rare.
(3) Cette version, imprimée à Amsterdam, 1681,
in-4". 1 fnt faite sur rédition fautive d'Elzevier,
Pt d'ailleurs elle est défigurée par des additions du
traducteur. Voy. la Vie de llich. Simon, r-u lèle
iles Lrttreu choisies , p. 44-
VER
servatij àe Jurieii. L'auteur, suivant
Bayle, y montre beaucoup d'esprit, et
il n'est pas facile de détruire ses rai-
sonnements. III. h' Impie convaincu,
ou dissertation contre Spiuosa, dans
laquelle on réfute les fondements de
son athéisme , etc. , Amsterdam ,
1684, in-8"., livre singulier et re-
cherché des curieux. L'auteur pré-
tend y prouver que le système de
Spiuosa n'est qu'une conséquence
des principes de Descartes , du P.
PJalebranche , etc. IV. Histoire
du papisme , ibid. , i685 , i vol.
iu-i2. Cet ouvrage, traduit du latin
de J.-H. Heidegger ( V. ce nom),
est une réponse à V Histoire du cal-
vinisme du P. Maimbourg. V. Le
Nouveau jusioiinaire de Rotterdam,
ou examen des parallèles mystiques de
Jurieu , Cologne ( Amsterd. ) , i636,
in- 12, sous le nom de Théognoste de
Bérée. C'est l'ouvrage qui .mit en
fureur Jurieu. Il a été réimprimé ,
avec le suivant : VI. Le Tombeau
du socinianisme{[Ç) ,o\\ nouvelle mé-
thode d'expliquer le mystère de la
Trinité , Francfort ( Amsterdam ) ,
1687, in- 1 '2. VII. Traité de la li-
berté de conscience , ou de l'auto-
rité des souverams sur la religion
des peuples , Cologne ( Amsterdam ),
1687 , in- 16 , sous le nom de Léon
de la Guitonière. VIII. IJ Avocat
des protestants , ou Traité du schis-
me , dans lequel on justifie la sépa-
ration des protestants d'avec l'É-
glise, contre Nicole, Brueys etFer-
rand , Amsterdam, 1687 , in - 12.
IX. Les Trophées de Port-Royal,
renversés , ou défense de la foi des
six premiers siècles de l'Église, tou-
chant la Sainte-Eucharistie j contre
(4) Par une faute d'impression inconcevable ,
dans le Dictionnaire de Feller , cdit. de Paris ,
1SÏ4 , tom. XIII , p. 276 , cet ouvrage est désigné
son» le titre de Tombeau du christianisme.
VER
les sophismes d'Ar uauld , ib. , 1 088,
iii - i'2. X. La rentable clef de
l' yi pocaljpse ; ouvrage où en ict'u-
tant les systèmes qu'on a Làtis dessus
jusqu'ici l'on indique le A'éritable ;
et où l'on découvre en particulier
l'illusion des prédictions de J. F.
P. D, R. ( Jurieu , fans prophète de
Rotterdam) , Cologne (Amsterdam),
1690, in-i 2. L'auteur annonce cet
ouvrage comme l 'abrège d'un grand
travail qu'il publiera plus tard. XL
IJAnti-socinien, ou nouvelle apo-
logie de la foi catholique, Paris ,
1G9.2, m- 12. XII. La Clef de V Apo-
calypse de saint Jean , ou histoire
de l'Église chrétienne sous la qua-
trième monarchie^ ibid. , i^oi, 2
vol. in- 12. C^est le Traité qu'il pro-
mettait dans la préface de l'ouvrage
indiq.ué sous le n°. x. On attribue ,
mais sa us preuve, à Aubert de Versé,
le Mémoire sur Vinspiration des
livres sacrés , inséré dans les Senti-
ments des théologiens de Hollande
contre V Histoire critique de l'An-
cien- Testament de Rich. Simon ;
et le Platonisme dévoilé, livre rare
et curieux , dont l'auteur est Souve-
rain , ministre calviniste , sur le-
quel on n'a pas de renseignements.
"W— s.
VERSOIS ouVEESOR1S(Fau-
RE DE). F. Louis XI , XXV, i38 ,
note I.
VERSORIS ( Pierre de ) , avocat,
né à Paris , le 10 février i528 , de
Guillaume de Versoris , seigneur de
Garge , fut un des premiers orateurs
de son temps. Sa famille , noble et
originaire de Normandie, avait quit-
té la province environ quatre-vingts
ans auparavant, et s'était fixée à
Paris, en la personne de Jean Le
Tourneur, frère de son bisaïeul, au-
teur de plusieurs ouvrages écrits en
latin , et un des premiers docteurs de
XLVIII.
VER
289
l'uniATi-sité. Celui-ci appela près de
lui Frédéric , son neveu , le plaça
dans le barreau , et lui lit épouser
Jeanne Fournier, proche parente du
lieutenant-civil Charmolue. De Fré-
déric naquit Guillaume, père de celui
qui nous occupe en ce moment. Tous,
suivant l'usage en vogue à cette épo-
que, avaient substitué à leur nom de
Le Tourneur celui de Versoris _, du
mot latin versor , qui en est la tra-
duction. Guillaume de Versoris étant
mort à l'âge de vingt-cinq ans , son
fils , quoique destiné à être officier
en cour souveraine , fut élevé avec
trop peu de soin, ou du moins de sé-
vérité ; aussi dépensa-t-il en frivoli-
tés presque tout son bien , avant
d'avoir été reçu avocat. Mais sitôt
qu'il se vit presque dénué de ressour-
ces pécuniaires , il se livra avec ar-
deur au travail , et répara , par une
persévérance opiniâtre^ le temps qu'il
avait perdu. Ses connaissances et son
talent pour la parole le rendirent, en
peu d'années, un des oracles du bar-
reau. Il était recherché surtout dans
les causes difficiles ou gâtées pari'im-
péritie des autres avocats , et , il faut
le dire , dans les mauvaises causes.
Telle fut celle dont les Jésuites le
chargèrent en i564. L'université
avait accordé à ces religieux le droit
d'enseigner, mais à condition qu'ils
se conformeraient à ses lois , coutu-
mes et règlements , ce qu'ils négligè-
rent ou omirent bientôt de faire. De
là un procès entre l'université et
les pères de la compagnie de Jésus ,
tenant le coUégede Clermont à Paris.
Le célèbre Etienne Pasquier , ennemi
juré du nouvel institut , plaida con-
tre eux , et , entre plusieurs accusa-
tions , appuya sur le point qu'ils
étaient hors de l'université , et n'as-
piraient qu'à se faire les rivaux de
l'institution où ils s'étaient glissés
^9
i()o VEB
comme affiliés. « Notre université ,
disait l'orateur , est composée de se'-
culiers et de religieux : il faut être
tout uu ou tout autre ; nous n'y ad-
mettons point de métis S'ils
veulent vivre comme nos régents sé-
culiers , pourquoi donc font-ils des
vœux ? S'ils se publient religieux ,
qu'ils se tiennent comme les autres ,
clos et couverts dans leurs monas-
tères?. . . Davantage , il n'est permis
à tous régents séculiers de tenir classe,
qu'ils n'aient fait preuve de leurs
suiîisauce et capacité. S'est-il jamais
ti-oiivé un seul de nos jésuites qui ait
subi l'examen de notre université.^ »
Versoris , après avoir détruit les allé-
gations de médiocre importance, sut
glisser si adroitement sur le point oij
gisait toute la discussion , que la
cause fut appointée (avril i565),
ce qui était une véritable victoire
pour ses clients , puisque les choses
demeuraient in statu quo, et que les
Jésuites i-estaicnt en possession de
leur collège. Peu après ce triomphe^
Versoris quitta le barreau , ali il
avait acquis d'assez grandes riches-
ses qui, jointes aux domaines hérités
de ses pères, lui formaient un revenu
considérable. Cependant on avait en-
core recours à ses lumières pour les
consultations j et l'allluence des plai-
deurs autour de lui était si grande ,
que son antichambre était toujours
remplie de clients. Il devint , vers la
même époque, chef du conseil des
Guises et garde de leurs sceaux ; mais
il paraît qu'il s'occupait seulement
de leurs aflaires domestiques et civi-
les ^ sans prendre part aux cabales
au'ils formèrent et aux trames qu'ils
! iirdirent pour renverser les Valois
.: repousser les Bourbons; ce qui,
au rc'ste , n'empêchait pas qu'il ne
prévît et sans doute ne désirât se-
cre'tement une révolution qui avait
VER
pour elle tant de chances de proba-
bilité. Eu iS'jô , il fut député aux
états-généraux qui se tinrent à Blois,
et porta la parole pour le tiers -état.
11 mourut le ^5 décembre i588 ,
quelques heures après avoir appris
la nouvelle de l'assassinat du duc de
Guise. Il laissa , de Marg. Coi-
gnet sa femme , deux fils et deux
lilles. Frédéric , l'aîné , fut con-
seiller au parlement de Paris , le
second fut seigneur de Coulomiers ,
conseiller et secrétaire du roi. Son
petit - fils vivait à Orléans , an
commencement du dix-huitième siè-
cle. On peut consulter, sur Pierre de
Versoris , Ant. Loisel , Opuscules ,
pag. -75 1 , 752J Blanchard , Cata-
logue des conseillers de Paris; iMor-
nay , Feriœ foreuses , p. -^ 5 2, qui en
fait un éloge détaillé ; Duvair, Traite'
d'éloq. ( celui-ci le compare avec
Meugot); Bayle, tome m , p. 800
( édit. i-jiS), et surtout De Thou ,
et VHist. latine de Vuniv. de Paris,
sous les années 1 5(S3 , 64 , 65. On y
trouvera le plaidoyer de Versoris en
faveur des Jésuites, monument d'au-
tant plus pxécieux que c'est le seul
des ouvrages de l'auteur qui ait été
imprimé. Il en existe une édition par-
ticulière sous ce titre ; Plaidoyer
de feu maistre Pierre Fersoris ,
aduocat en parlement , pour les
prehstres et écoliers du collège de
Clermont , fondé en Vuniv. de Pa-
ris, demandeurs contre ladite unii^.
deffenderesse , mdxcijii , sans nom
de lieu , ni d'imprimeur. P — ot.
VERvSTEGAN (Richard), issu
d'une ancienne famille de la Guel-
dre, transplantée en Angleterre, sous
le règne de Henri Vil , naquit à
Londres vers le milieu du seizième
siècle. Il fut élevé à Oxford , oij il
s'appliqua spécialement à l'étude des
antiquités saxones et gothiques. Le
VER
refus qu'il fît de prêter le nouveau
serinent , lors du changement de
religion , l'obligea de se réfugier à
Anvers. Il y publia^ en 1587, Tliea-
irum crudelitatum hœrelicorum
nostri temporis, douze feuilles ni-4''.,
avec des gravures , trad. en français^
ibid. , 1 5b8 , in-4'*. On voit dans
cet ouvrage de quelle manière ceux
qui se plaignaient de la sévérité du
duc d'Âlbe avaient traite les catho-
liques. Il fut bien reçu des catholi-
ques, mais suscita à son auteur denom-
breux ennemis parmi les nouveauxrë-
formateurs. Verstegau seretii'a alors
à Paris , et n'y fut pas plus tran-
quille. L'ambassadeur d'Angleterre
l'y dénonça , à cause du portrait
odieux qu'il avait fait de la reine
Elisabeth , dans son ouvrage. 11 fut
mis en prison par ordre du roi , et
ne recouvra sa liberté qu'à la solli-
citation des chefs de la Ligue. Re-
venu à Anvers , il y continua ses
travaux qui le mirent en corres-
pondance avec les ])lus savants an-
tiquaires du temps , entre autres
avec Robert Cotton. On ne sait pas
plus l'année de sa mort que celle de
sa naissance. Outre l'ouvrage ci-
dessus , on a de Verstegan , en an-
glais : L Recherches pour retirer de
l'oubli tout ce qui concerne la na-
tion anglaise , Anvers , 1 6o5, in-4°. ;
Londres , i653 et -^4 ? in-8°. , avec
des gravures d'une grande beauté' ;
l'ouvrage était d'un très-haut prix.
IL Les divers gouvernements qui
se sont succédé en Angleterre ,
1G20 , en une grande feuille, avcjc
des gravures. III. Odes imitées des
sept psaumes de la pénitence , avec
différents poèmes , 1601. IV. Dialo-
gue sur la m,anière de bien mourir,
Anvers, i6o3 , in-S». C'est une tra-
duction de don Pierre de Luna.
T-D.
VER
291
VERT ( Dom Claudk de ) , sa-
vant liturgiste , ne à Paris le 4 octo-
bre 1645 , fit ses humanités à Nan-
terre , sous les chanoines réguliers ,
et à l'âge de seize ans embrassa la
règle de saint Benoît , au monastère
de Li - Huns en Santerre , diocèse
d'Amiens , de l'ordre de Cluny. Ses
supérieurs l'envoyèrent à Avignon
faire ses cours de philosophie et de
théologie ; et lorsqu'il les eut termi-
nés il visita l'Italie , sans autre but
que de satisfaire sa curiosité. Pen-
dant son séjour à Rome , il fut frap-
pé de l'éclat et de la pompe des cé-
rémonies du culte catholique, et il
forma le projet d'en rechei'cher l'o-
rigine. De retour à Li-Huns , il s'ap-
pliqua sans relâche à l'étude et lit
de rapides progrès dans la connais-
sance des anciens monuments.il con-
tribua beaucoup au rétablissement
des chapitres généraux , fit l'ouver-
ture de celui de 1676, par un dis-
cours , y fut élu trésorier , et chargé
avec D. Paul Rabusson de préparer
une édition du Bréviaire de l'ordre j
elle parut en 1G86, et devint bientôt
l'objet des plus violentes attaques
( Foj. Thiers) ; mais ce travail va-
lut à D. de Vert de nouvelles marques
d'estime de la part de ses confrères,
qui le renommèrent visiteur , puis
dédniteur de l'ordre dans la province
de France, Les divers emplois dont
il fut constamment revêtu ne laleuti-
rent point son ardeur pour l'étude.
En 1689, il publia la Traduction
de la règle de saint Bejioît , par
l'abbé dcRancé, ornée d'une préface
et de courtes, mais savantes notes. Il
en avait fait un Commentaire plus
étendu , dont l'impression était déjà
fort avancée j mais le bruit de sa mort
s'étant répandu pendant son absence,
l'imprimeur , jugeant que l'ouvrage
ne serait jamais achevé , en détruisit
ï9-
292
VER
toutes les fenilks ; et D. de Vert, qui
n'avait pas conserve de cojàe de son
travail , n'eut pas le courage de le
recommencer. Le ministre Jurieu
( For. ce nom ) ayant cile D. de
Vert comme partageant ses opinions
sur l'origine de quelques-unes des cé-
rémonies de la messe , celui-ci se vit
force d'expliquer ses ve'ritabies sen-
timents. C'est le sujet de sa Lettre à
Jurieu^ Paris, 1690, in-12. Elle
reçut l'approbation des plus savants
prélats , entre autres de Bjossuet qui
pressa I). de Vert d'exe'^îiier enîin
le projet qu'il annonçait depuis si
long-temps, d'éclaircir l'origine des
cérémonies de l'Église. 11 s'en occupa
dès-lors avec autant d'assiduité que
ses devoirs purent le lui permettre.
Nommé vicaire -général de l'ordre
en it)g4, il fut élu, l'année suivante,
prieur de Saint - Pierre d'Abbeville.
Il passa dans cette maison ses der-
nières années , partageant son temps
entre l'étude, la prière et les soins
du gouvernement. Il venait de met-
tre la dernière main à son grand ou-
vrage , quand il mourut subitement
d'ime colique le i/^"". mai 1708.
Ou a de lui : ï. Eclaircissements
sur la réformation du Bréviaire de
Clunj- , piemière Lettre { 1 ) , Paris ,
i6go , in-i2. Ce petit ouvrage , di-
visé en trois parties , contient l'ex-
plication des cérémonies de l'Eglise
dans la semaine siinte. II. Explica-
tion du chap. 48 de la règle de
saint Benoit , pour servir d'éclair-
cissement à la question des études
monastiques, par frère Colomban
(1693), in-ia (2). Il s'y déclare,
avec l'abbé de Rancé , contre les
(i) La suite n'a point paru.
(a) n en existe des exemplaires avec le titre sui-
vant : Réponse aux lellres écrites à M, l'xblié de
La Trappe^ pour servir fVé< laircifsemenl à la qu^f-
lion des fiiides moHOStiijuefi
VER
étiules monastiques ; mais on voit
cependant qu'il serait assez disposé
à approuver cette dérogation à la
règle. 111. Dissertation sur les mots
de messe et de communion , Paris ,
i6g4, in-12. C'est une réponse à
l'opuscule de D.MabilIon: Traité où
Von réfute la nouvelle explication
que quelques auteurs donnent aux
mots de messe et de communion ,
qui se trouvent dans la règle de
saint B eyioit , ^^lis , i6go, in-12.
D. de Vert y soutient, avec Saint-Cy-
ran et Lancelot, que le mot de messe
s'y ])rend pour tout l'office , et que
celui de communion n'y signilie pas
toujours la manducation réelle du
corps de J. - C. IV. Explication
simple , littérale et historique des
cérémonies de l'Eglise , Paris , 1 709-
i3 , 4 vol. in-S**., fîg. Les deux pre-
miers volumes , publiés en 1706 et
1707 , furent réimprimés en 1709 ,
avec des corrections et additions ;
les deux autres ne parurent qu'en
1718 ,par les soins du P. Desmolets,
qui les lit précéder d'un Eloge his-
torique de l'auteur , et joignit au
quatrième volume trois opuscules de
D.de Vert : la Lettre à Jurieu; les
Éclaircissements sur la réformation
du Bréviaire de Cluny , dont on a
parlé ; et enfin , V Explication des
cérémonies de la bénédiction d'une
ahhesse. Ce dernier écrit , im[)rimé
séparément à Amiens, d'une manière
furtive , avait ensuite paru dans les
Mémoires de Trévoux , septembre
1708. Le but de D. de Vert , dans
son grand ouvrage , est de montrer
que toutes les cérémonies de l'Eglise
ont une origine simple et naturelle ,
et qu'il n'est point nécessaire pour
les expliquer de recourir à l'allégo-
rie. Ce sentiment a été combattu vi-
vement ])ar l'évêque de Soissons ,
dans un écrit intitulé: Du véritable
VER
esprit de l'Eglise dans l'usage de
ses cérémonies ( Voj. Languet ,
XXTII , 3-0 ). L'ouvrage de D. de
Vert manque d'oidre , mais il y a
beaucoup d'érudition et de reclier-
cLes curieuses. Voy. son Éloge dans
les Mémoires de Trévoux , août
1708 ; et sa Vie dans les Mémoires
de Niccron , tome xi. Sou portrait
a été gravé in-8". W — s.
VERTOT (René AuBERT de) na-
quit, le i5 novembre 1655, au châ-
teau de Benetot dans le pays de Caux.
îl étaitle second fils d'un gentilhom-
me assez pauvre, mais allié à toutes
les grandes maisons de Normandie.
Son frère aîné, qui mourut jeune, et
sans laisser d'enfants, était cham-
bellan de Monsieur , frère de Louis
XIV. René de Vertot embrassa l'é-
tat ecclésiastique , non point par ar-
rangement de famille , mais par une
vocation A^éritable. Il avait fait ses
études au collège des Jésuites , à
Rouen. Une piété ardente, comme
les passions de cet âge, le détermina
à entrer au séminaire , du consente-
ment de ses parents. II y était depuis
deux ans , lorsque lout-à-coup il dis-
parut. Sa famille , ses amis le cher-
chèrent avec de vives inquiétu-
des. Au bout de six mois , on décou-
vrit qu'il s'était enfermé au cou-
vent des Capucins à Argentan. On fit
de vains efl'orts pour le détourner de
son dessein : il fit profession, et prit
le nom de frère Zacharic. En se li-
vrant à son zèle pieux, il ne risquait
pas moins que sa vie. Il avait eu ,
quelques années auparavant, un ab-
cès à la jambe : l'os avait été en par-
tie carié. Une opération cruelle avait
été nécessaire; un régime exact et des
précautions lui avaient été prescrits.
La règle sévère de l'ordre de S. -Fran-
çois, les jambes nues, le frottement
de la robe de bure , eui rut bientôt cn-
VER U93
venimé de nouveau son mal. Il con-
sentit à aller recevoir les soins de sa
famille. A forced'enpi'endre on le gué-
rit. Ses parents renouvelèrent alors
toutes leurs instances pour qu'il sor-
tît de l'ordre des Capucins. Des rap-
ports de médecins, des consultations
de Sorbonne, réussirent enfin à cal-
mer les scrupules du jeune religieux.
On obtint son consentement , et , ce
qui fut plus facile , un bref du
pape , pour l'autoriser à passer sous
une règle moins austère. Il entra dans
l'abbaye des Prcniontrés à Valscry.
Il avait alors vingt-deux ans. L'abbé
Colbert était à ce moment général
des Prcniontrés. Il entendit parler
de l'esprit et des talents du jeune
abbé de Vertot, l'appela près de lui,
le nomma son secrétaire , et peu
après lui conféra le prieuré de
Joyenval. Une règle de droit-canon
interdisait à tout religieux qui avait
obtenu la permission de passer d'un
ordre dans un autre la faculté d'y
posséder aucune charge ni bénéfice.
Les faveurs que le général venait
d'accorder à son protégé excitèrent
de grands murmures parmi les Pré-
montrés. Vainement un bref du pape
avait spécialement autorisé celle no-
mination. Le conseil provincial se
pourvut juridiquement contre le bref;
ctsansdes lettres du roi, il eût été dé-
claré nul et non avenu. Soit par un
scrupule que ne pouvaient dissiper
des actes d'autorité , soit ])ar amour
du repos , qu'il n'aurait ]ias trouvé
dans une abbaye où les moines l'au-
raient regardé comme un supérieur
imposé par force, l'abbé de Vertot se
démit sans délai de son prieuré, et
demanda une simple cure dépendante
de }'• rdrc, celle de Croissy -la -Ga-
renne , près de Marly. La enfin il
trouva le repos et le loisir. Sans né-
gliger en rien les devoirs d'un pas-
^94
VER
leur de canipa^ue, il se livra avec
goût à l'étude des lettres. Il e'tait en-
core peu connu ; mais il avait pour
amis Fontenelle et l'abbe de Saint-
Pierre , ses compatriotes. Leurs entre*
tiens et leur sufiraç;e l'encourageaieutj
2t ce fut d'eux qu'il reçut, à ce qu'on
assure , !e conseil d'écrire l'histoire.
En 1689 il fit imprimer son premier
ouvrage : Histoire de la conjuration
de Portugal. Ce livre eut tout aussi-
tôt nn grand succès, a Nous avons
lu, avec mon fils, la Conjuration
de Portugal , qui est fort belle, »
e'crivait M™e, de Sévigné peu après
la publication. Le P. Bouhours ,
le plus fameux critique du temps ,
assurait qu'il ne connaissait pas
en français un plus beau style.
« C'est une plume taillée pour écrire
la Vie de M. de Turenne, » disait
Bossuet au cardinal de Bouillon. La
révolution d'Angleterre , dont cha-
cun s'entretenait alors , et qui était
toute récente , jetait sur la Révolu-
tion de Portugal une sorte d'intérêt
du moment. Chacun trouvait des
allusions , bien que l'auteur n'y eût
nullement songé. Le succès ne l'eui-
vra point. Tout voisin qu'il était de
Paris , il n'en recherchait ni le bruit
ni les flatteries. Après avoir écrit
son livre, si quelque chose l'occupait
encore, disait-il, c'était le désir de
retourner dans sa province , dont il
regrettait le séjour. 11 sollicita et ob-
tint bientôt une autre cure , dans le
pays de Caux ; il en eut ensuite une
troisième, d'un assez gros revenu ,
aux portes de Rouen , qui, n'appar-
tenant pas aux Prémontrés, le tirait
complètement des liens du clergé ré-
gulier. Libre, riche et content, il
n'en travailla qu'avec plus d'ardeur.
Il aimait les livres, et maintenant
pouvait en acheter. Sept ans après
son premier ouvrage , il publia l'His-
VER
toire des révolutions de Suède , dont
les récits avaient plus de variété et
d'intérêt encore que la Révolution dp
Portugal. Gustave Wasa, proscrit ,
cachédansles mines de Suède, remon-
tant sur le trône par l'enthousiasme
qu'il iuspire à de pauvres paysans ,
était im tout autre personnage que
le secrétaire Pinto gagnant la cou-
ronne pour un maître irrésolu et in-
dolent. Le succès de ce second ouvra-
ge fut aussi très-grand. Cinq éditions
parurent coup sur coup , avec la mê-
me date. Il fut traduit en plusieurs
langues. La cour de Stockholm char-
gea son envoyé, qui partait pour la
France , de faire conuaissance avec
l'auteur, et de l'engager à composer
une Histoire générale de Suède. Cet
envoyé croyait , en arrivant à Paris,
trouver l'abbé de Vertot mêlé à tous
les gens de lettres , et répandu dans
le plus grand monde. Il fut sux-pris
d'apprendi-e que c'était un curé de
campagne , vivant eu province , et
dont les ouvrages seuls étaient con-
nus. Il advint de là que la négocia-
tion n'eut point de suite , et que l'ab-
bé de Vertot ne fit point l'office
d'historiographe de Suède. En 1701,
le roi donna une forme nouvelle à l'a-
cadémie des inscrijîtions et belles-
lettres , et augmenta le nombre de
ses membres. L'abbé de Vertot fut
nommé académicien associé. Il fut
flatté , mais embarrassé de cette
faveur. Le règlement exigeait rési-
dence : il aurait donc fallu quitter sa
cure; et l'abbé de Vertot n'avait pas
d'autre revenu que les trois mille
francs qu'il eu relirait. On lui faisait
bien espérer quelque grâce du roi j
mais il voulait une ressource plus as-
surée. Deux ans plus tard , il eût ac-
cepté volontiers , disait - il , parce
qu'alors il aurait eu le temps d'exer-
cice nécessaire pour obtenir une peu-
VER
sioQ sur sa cure. Ou ne devait donc
pas s'etonrier si , maigre' tout le désir
qu'il avait de se consacrer entière-
ment aux lettres , il cberchait à s'as-
surer le nécessaire ., non par faveur ,
mais par droit et selon la rigueur des
lois. Au reste, il promettait d'en-
voyer à l'académie des ouvrages qui
vaudraient mieux que sa personne.
Le ministre et l'académie se relâchè-
rent volontiers de la rigueur du rè-
glement. L'abbé de Vertot ne vint
siéger qu'en 1708. Ce fut le terme
d'une carrière qui, dans un cercle
e'troit et modeste, avait cependant
e'té diverse et agitée. Là finit ce
que, par allusion au titre de ses OEu-
vres historiques , on nommait les ré-
volutions de l'abbé de Vertot. En
1705 , il fut nommé académicien
pensionnaire; et dès - lors nul ne se
montra plus assidu ni plus zélé.
L'Histoire et les Mémoires de l'aca-
démie en font foi. Ils renferment
beaucoup de dissertations toutes re-
latives aux études habituelles de l'au-
teur , et surtout à l'histoire de Fran-
ce. Dans un des voyages qu'il faisait
parfois en Normandie, il fut amené
par un de ses amis au couvent de
Saint-Louis à Rouen , et il y vit Mll*^.
de Launay , qui fut depuis M»^*^. de
Staal. Cette jeune personne n'était
point belle; mais son caractère et
son esprit avaient beaucoup de char-
me. Elle était sans nulle fortune ; et
sa situation intéressait tous ceux qui
la connaissaient. L'abbé de Vertot se
prit d'une vive amitié pour elle.
Il avait près de soixante ans; et
son imagination était encore ardente
comme aux jours de sa jeunesse. Il
s'en allait parlant à cbacun du mé-
rite de Mil '^. de Launay , et en entre-
tenait jusqu'à ses libraires. Il voulait
placer sa petite fortune sur leurs
deux têtes. Enfin son empressement,
VER 295
quoique respectueux et retenu par les
bienséances de son âge et de sou état,
ne pouvait se cacher. MH"^ . de Launay
en fut plus embarrassée que flattée.
Toutefois il ne cessa point de lui
montrer constamment le plus tendre
intérêt. Elle rajiporte , dans ses Mé-
moires , une lettre de l'abbé de Ver-
tot , écrite du ton d'un homme
du monde, mais avec plus de légère-
té qu'on n'en supposerait en son-
geant à la pieuse ferveur de sa jeu-
nesse. « L'espérance de vous voir ,
dit-il , me fera passer par-dessus une
certaine pudeur de philosophie. » En
1710, il fit paraître un Traité de la
viouvance de Bretagne. Bien que no-
tre droit public n'empruntcit dès-lors
presque aucune autorité véritable aux
origines de la monarchie française ,
par une sorte de tradition , la plu-
])art des écrivains s'attachaient à re-
présenter le pouvoir royal comme
ayant toujours été central et univer-
sel. C'était un reste de la tendance
des communes à chercher auprès du
trône leur recours contre les domina-
tions féodales. Au contraire , le désir
de défendre leurs privilèges et un
cei'tain amour- propre de pays don-
naient à quelques provinces un es-
prit différent. Les Bretons , plus
que d'autres , aimaient à se présenter
plutôt comme liés que comme con-
fondus avec la monarchie française.
Leurs historiens se plaisaient à ra-
conter l'ancienne indépendance de
leur pays , et renouvelaient , pour
ainsi dire, les querelles que l'on avait
jadis vues s'élever à chaqueprestation
de foi et hommage des ducs de Bre-
tagne. Ce fut d'abord dans le sein de
l'académie que Vertot entreprit de ré-
futer les prétentions bretonnes. Sa
Dissertation ayant acquis quelque
publicité , il lui donna plus d'étendue.
La querelle s'anima. D'autres ccri-
a(j6
VER
vaiiîs y prirent part : les Bretons rc-
])li(juèrcnt. L'abbe' de Vertot porta ,
dans cette question, sa vivacité or-
dinaire. C'était à ses yeux comme
une rébellion de la Bretagne; d'au-
tant qu'il s'y éleva , à celte époque ,
et cela n'était pas rare , quelques
troubles contre des agents royaux.
De tout cela résulta, plusieurs an-
nées après, une Histoire complète de
l'établissement des Bretons dans les
Gaules. On examinerait aujourd'hui
la question plus froidement et avec
une critique plus éclairée ; ou n'y
porterait pas non plus cette habitude
de vouloir absolument trouver clans
les temps anciens les idées de droit,
d'ordre et de légitimité qui ne sont
guère d'usage à l'origine des empi-
res. C'est ainsi que l'abbé de Vertot ,
conti'C tous les témoignages et toutes
les apparences y a voulu établir l'u-
nion de la Bretagne avec la France
sous la première race ; mais alors
le livre parut à l'académie des ins-
criptions ne rien laisser à désirer:
et les Bretons passèrent pour bien et
dûment convaincus d'avoir été de
tout lenips sous la souveraineté du roi
de France ( i ). Ce n'était pas la prin-
cipale occupation de l'abbé de Ver-
lot. Son œuvre favorite, à laquelle
il travaillait avec le plus de goût et
de chaleur, c'était V Histoire des ré-
volutions de la république romaine.
Il ne faisait point de recherches nou-
velles sur l'histoire de Rome. Il ne
.s'efl'orçait point , comme on fait
maintenant, de découvrir à travers
la couleur épique dont la poésie , les
traditions , les historiens eux-mêmes
ont revêtu les annales de la maîtresse
(i) On ne doit pas passer sous silence la rdiiduile
inexplicable de Veilol . à l'ëgard de Fiinl , ij^'il
crut devoir dénoncer à l'autorité souveraine , pour
ilfs opinions émises, par cet écrivain, dans nu
<iisc(>iirs sur'l'C>,7g/;if des Français ( V. Kp.KnrT.
XVi , ,f| }. D-/,~s.
VER
du monde, quelles furent ses vérita-
bles origines , son état social , sou
gouvernement et ses lois aux diverses
époques. Il prit pour véritable cette
Rome telle que nos études classiques
l'ont créée dans notre imagination. De
plus grands esprits que l'abbé de Ver-
tot l'ont bien aussi adoptée pour base
de leurs vues politiques. D'ailleurs il
aimait à raconter et à peindre ; l'his-
toire lui apparaissait sous son aspect
dramatique. Il écrivit les révolutions
de Rome comme Corneille composait
ses tragédies, et il prenait la chose si
fort à cœur , qu'on le voyait fondre
en larmes à l'académie, en lisant le
discours de Véturie à Coriolan. Ain-
si c'est surtout le talent du récit qu'il
faut chercher dans son livre. Encore
ne doit- on pas espérer d'y retrouver '
la couleur clu temps et des lieux. Les
sentiments , les mœurs , les relations
sociales , tout prend un aspect mo-
derne, ainsi que dans une tragédie
du Théâtre- Français. C'était de la
sorte qu'on représentait, à cette épo-
que, soit l'antiquité, soit les contrées
étrangères. Les traductions étaient
même écrites dans ce système. De
nos jours , l'imagination se p'qît
aux tableaux qui ont toutes les
nuances locales, le costume original,
la naïveté des sentiments et du lan-
gage. Plus les objets sont représen-
tés différents de ce qui nous entoure ,
plus le peintre réussit à nous char-
mer. Il y a cent ans qu'il en était
tout autrement. Alors il semblait aux
auteurs qu'ils ne pourraient se faire
comprendre qu'en cherchant les ana-
logies qui rapprochaient les mœurs
antiques ou étrangères des mœurs de
leur temps et de leur pays. Ils tra-
duisaient en français , non pas seule-
ment les mots , mais les pensées et les
sentiments. Ils cherchaient à trans-
porter sur la scène moderne les pcr-
VEPx
sonuagcs antiques , tandis qu'à pré-
sent le spectateur moderne demande
à être conduit sur la scène antique.
Ces remarques ne sont donc jias une
critique des histoires de l'abbe' de
Vertot. Il fat conforme h son temps;
encore aujourd'hui , la vérité' de
SCS impressions , le naturel et la cha-
leur de sou langage , l'honorable in-
dépendance de ses jugements , nous
jbnt ccnoevoir les grands succès de
l'abbé de Vertot , et nous portent à
les ratifier. Les Révolutions romai-
nes, lorsqu'elles parurent,, en 17 iQ,
obtiment un applaudissement gé-
néral. Nous voyons qu'il ne fut
jias moindre en Angleterre qu'en
France. Lord Stanhope, ministre du
roi George I^r. ^ écrivit à l'abbé de
Vertot de la manière la plus flatteu-
se, et s'adressa à lui, comme à l'é-
crivain qui pourrait le mieux éclair-
cir les doutes qu'il avait sur la for-
mation du sénat de Rome. La répon-
se donne peu de lumières sur cette
question; mais une telle correspondan-
ce atteste la place que l'auteur avait
prise dans le monde littéraire. Aussi
ne doit-on pas s'étonner si l'ordre de
Malte, dont les annales sont si glo-
rieuses et chevaleresques, s'adressa
à lui pour le prier de les rédiger en
un corps complet d'histoire, il y
consentit. Ce devint le travail de sa
vieillesse et son ouvrage le plus éten-
du. 11 a beaucoup d'intérêt; mais cette
fois l'intérêt appartient peut-être plus
au sujet qu'à l'auteur. Cette imagi-
nation si vive et si brillante avait
vieilli. Sa facilité était devenue de la
])ratique,et l'inspiration s'était chan-
gée en habitude. D'ailleurs le goût
du temps n'avait pas encore déserté
la préoccupation classique des Grecs
et des Romains pour les souvenirs
du moyen âge et de la chevaîei'ie,
et l'alibé de Vertot ne se complut pas
VER
3<)7
dans oe récit autant que le ferait un
écrivain d'aujourd'hui. Toutefois
l'Histoire de l'Ordre de Malte est
bien si'.jiérieure aux ouvrages de
commande imposés à un historien ,
à titre d'ofîice. Elle est écrite avec
une liberté d'esprit également éloi-
gnée de cette complaisance ser-
vile pour toutes les puissances , si
commune parmi les historiens de
la fin du dix - septième siècle , et
du dénigrement dédaigneux de l'éco-
le philosophique. Pendant que l'ab-
bé de Vertot achevait ce long ouvra-
ge , il vit encore s'améliorer sa si-
tuation. Le duc d'Orléans j fils du ré-
gent, le nomma secrétaire-interprè-
te , puis secrétaire des commande-
ments de la princesse de Bade , qu'il
venait d'épouser. L'abbé de \ertot
eut un revenu considérable^ un loge-
ment au Palais-Royal ; et la dernièi'e
part de sa vie put se passer dans l'ai-
sance et le repos. Il n'avait jamais
songé à la fortune : elle vint le trou-
ver lorsqu'il eut atteint le seul but
que jamais il eût ambitionné, les
honneurs de l'esprit ; mais arrive
ainsi au terme de ses désirs, le sort
refusa à sa vieillesse la jouissance
de la santé. Depuis 1726 , époque où
il publia l'Histoire de Malte, il fut
accablé et alfaibb par de cruelles iu-
firmités. Les facultés de son es])rit
diminuèrentprogi'cssivemcnt. Il avait
bien encore le goût et la volonté de
se livrer aux travaux historiques.
Souvent il parlait des projets qu'il
avait conçus dans sa force et sa san-
té. Tantôt c'étaient les révolutions de
Pologne, d'autres fois les révolutions
de Carthage qu'il voulait écriic ;
mais il était trop languissant pour
se livrer à une occupation suivie.
On lui représentait qu'il ne pou-
vait plus ni lire ni écrire ; il ré-
pondait que dicter lui serait faci-
29» VEU
le , et que d'ailleurs il eu savait as-
sez pour n'avoir pas de nouvelles re-
cherches à faire. Effectivement sa
manière de composer n'avait jamais
dû lui donner le goût et le besoin d'u-
ne érudition minutieuse. L'histoire
e'tait pour lui , avant tout , une œu-
vre littéraire. Le scrupuleux détail
des faits lui importait moins que leur
effet dramatique ', il ne cherchait pas
non plus la vérité de couleur. Ainsi
il avait bien pu répoudre à ceux, qui
lui offi'aient des documents curieux sur
le siège de Rhodes : « Mon siège est
fait. » C'est ainsi que lorsque les fa-
cultés s'affaiblissent , elles laissent
apercevoir plus à plein ce qui leur
manquait , même lorsqu'elles étaient
fortes et actives. L'abbé de Vcrtot
mourut, le i5 juin 1735 , au Pa-
lais-Royal , âgé de près de 80 ans.
Sa Conjuration de Portugal n'avait
d'abord été qu'une composition his-
torique, conçue sur le modèle des
nombreuses Conjurations qui avaient
été à la mode dans le commencement
du règne de Louis XIV. Toutefois elle
était d'un ton plus simple , et sentait
moins le roman que la Conjuration
de Venise , par Saint-Réal. Encoura-
gé par le succès , l'abbé de Vertot
chercha dans la suite à lui donner
entièrement la forme d'un livre d'his-
toire. Il y ajouta quelques détails fort
abrégés sur la monarchie portugaise
et le règne d'Alphonse IV, fils de
Jean , duc de Bragance. Cette suite ,
où l'auteur rapporta des événe-
ments tout récents , est écrite sur un
ton de grande sincérité, sans pré-
caution ni ménagement pour un prin-
ce contemporain; cet Alphonse IV
n'était mort qu'en i683. Vingt ans
après la mort de l'abbé de Ver-
tot , on publia, sous son nom , deux
Traités , l'un sur l'origine de la cour
de Rome, l'autre sur l'élection auv
VER
évèchés et aux abbayes. Dans son
éloge , prononcé à l'académie des
inscriptions , où mention détaillée fut
faite de tous ses travaux, il n'est
point question de ces deux Mémoires.
Néanmoins leur authenticité n'est
pas contestée. On n'y trouve rien qui
ne puisse se lire partout où l'on a
traité de ces matières. Il semblerait
que ce sont des notes demandées ou
commandées par un ministre , dans
le moment de quelque brouillerie
passagère avec la cour de Rome. Du
reste , l'abbé de Vertot ne dérogeait
point à ses opinions accoutumées eu
écrivant contre les prétentions pon-
tificales. Souvent , dans son Histoire
de Malte et dans ses autres livres
d'histoire moderne, on trouve des
passages assez vifs contre la politi-
que et les usurpations du saint - siè-
ge. Dans le Mémoire sur les élec-
tions , non - seulement il sacrifie le
pouvoir papal à l'autorité des rois
de France, mais il est tout aussi peu
favorable à la liberté d'élection , et
la regarde, soit comme une conces-
sion royale , soit comme une usurpa-
tion. Les Dissertations de l'abbé de
Vertot , insérées dans le Recueil de
l'académie des inscriptions , sont
écrites dans un esprit judicieux et
éclairé , mais sont peu curieuses au-
jourd'hui , qu'on a progressivement
poussé beaucoup plus loin les recher-
ches sur l'histoire de l'ancienne Fran-
ce. Toutes s'y rapportent, hormis
un morceau sur Auguste , Agrippa
et Meceuas. Il avait rédigé, d'après
les documents que lui avait remis la
maison de Noallles , l'Histoire des
négociations d'Antoine - François et
de Gilles de Noailles , sous les règnes
des derniers Valois. L'abbé Millot ,
dans ses Mémoires du maréchal de
Noailles, dit qu'il a eu connaissance
de ce travail, qui était , dit- il, pré-
VER
cédé d'une Introduction historique ;
mais il n'a pas été publie' (i). A.
VERTRON ( Claude - Charles
GUYONNET de ) , littérateur mé-
diocre _, était né vers le milieu du
dix- septième siècle. Son père eut
l'honneur, en sa qualité de maire de
Nemours , de complimenter et de
loger la reine Christine de Suède, à
son passage dans cette ville, en i658
( Nouv. Pandore , i , 265 ) ; mais
depuis il acquit une charge de rece-
veur-général des tailles dans la géné-
ralité de Paris. Destiné par ses pa-
rents à la carrière delà magistrature,
Vertron , après avoir fréquenté quel-
que temps le barreau , acheta de
Bergeret ( i ) la place d'avocat-géné-
ral au parlement de Metz ; mais il
ne put exécuter les conditions du
traité. « Ma mauvaise santé , dit-il ,
» et ma méchante fortune se sont
1) opposées à l'ardeur que j'avais de
» parler en public (Préf. de la Pan-
T> dore). » Dès sa première jeunesse ,
il s'était fait connaître dans le monde
par son goût pour la littérature et
pour les arts d'agrément. « Je danse
» et touche le luth jolimentj je m'ex-
» plique quand il le faut en plusieurs
» langues • j'ai un grand défaut ,
» celui de n'aimer pas le jeu : en un
(i) n n'existe pas d'édition complète des OEu-
vres do Vertot. L'édition la plus complète de ses
OEiwres choisies a été publiée à Paris de 1819 à
i8îi , en 12 vol.in-8°. , qui comprennent : les trois
premiers , V Histoire des léi'oliitions de la répu-
Idiijue romaine ; le tome iV , V Histoire des révolu-
tions 'le Suède ; le tome V, V Histoire des résolu-
tions de Portugal , et cinq Discours ou morceaux
Acadéniitfues qui n'avaient point encore été rf-u-
nis en corps d'ouvrages ; les tomes VI à XII, V His-
toire de l'ordre des clievaliers de Malte. A. li — T.
(i) Jean-Louis Bergeret vendit sa place d'avo-
cat-général au parlement de Metz , pour occuper
celle de commis de Croissv, minislre-d'état. La
protection de toute la maison Oolbert le fit entrer
à l'académie française, en i685 , au préjudice de
Ménage. 11 mourut le Ç) octobre i6q4 i «t t'it pour
successeur à l'académie le bon abbé de Saint-
Pierre. Voy. VHisl. de l'acnd. frant. , p.ir l'abbé
d'Olivet, II, 3a6,édil. in iî.'
VER 299
» mot , je suis aimable, mais je plais
» plus de loin que de près {Nouv.
» Pandore , ii , i25 ). » Recherché
dans les cercles et les bureaux d'es-
prit , il sut mériter la protection du
duc de Saint-Aignan ( F. ce nom ,
XXXIX , 5o8 ) , qui le fit admettre
dans l'académie d'Arles , dont il était
le fondateur. L'académie de Nîmes
et celle des Ricovrati de Padoue sui-
virent cet exemple , et lui firent ex-
pédier des diplômes d'associé. Un
discours qu'il composa sur le Mérite
des dames vint ajouter bientôt à
sa réputation. « Mes amis , dit-il ,
» tous galants ( je n'en connais pas
» d'autres ) , publièrent ce petit ou-
» A^rage que je n'avais fait que pour
» divertir, pendant une demi-heure,
» une grande princesse , et auquel
» j'avais donné d'abord pour titre :
» LaMinen>e dauphine , que j'ai
» changé en celui àtPandore , après
» la mort de cette héroïne , qui ne
» devait jamais mourir ( Averlis-
» sèment). » Ce discours trouva des
partisans et des antagonistes , et dans
la lutte qui s'engagea , Vertron
montra tant de galanterie , que des
dames de province lui offrirent, en
témoignage de leur satisfaction , une
médaille d'argent portant une Mi-
nerve , et au revers une double cou-
ronne de laurier et d'olivier , avec
cette devise : Au protecteur du beau
sexe. Vertron nous apprend qu'il
avait eu l'honneur de parler plusieurs
fois dans les plus célèbres académies,
et particulièrement à l'académie
française ; et l'on voit que sa sur-
prise est grande de n'avoir pas été
appelé à siéger dans notre premier
corps littéraire. Un opuscule à la
louange de Louis XIV lui valut le
titre de son historiographe , tt il
assure qu'il ne perdit point de temps
pour entrer en fonctions. « Je fais ,
3oo
VER
» dit il , toute ma joie d'employer
» mon esprit et mon peu de snnlc à
» continuer en prose latine l'adrai-
» rab!e histoire de notre incompara-
» ble monarque. » 11 travaillait, dans
ses loisirs , avec l'abbé Saurin , à la
traduction en vers des hymnes de
Santeul ( Pandore , ii , 349 )• S'<^"
tant marié sur le retour de l'âge avec
une femme jeune et coquette , il fut,
malgré sa galanterie , l'époux le plus
insupportable. On assure ( V. le
Parnasse français de Titon du Til-
let, 558) qu'il était sur le point de
plaider en séparation quand il mou-
rut septuagénaire, à Paris, le 3o
novembre 1 7 i5. 11 avait été nommé,
depuis peu , chevalier des Ordres du
Mont-Carmel et de Saint- Lazare. On
connaît de lui : I. Parallèle de
Louis - le - Grand avec les princes
qui ont été nommés grands , Paris ,
i685, in- 12. Ce n'est pas, suivant
Bayle , la première preuve que Ver-
tron ait donnée de son éloquence et
de son esprit { Nouv. de la Répuh.
des Lettres , septembre y même an-
née ). Cet ouvrage reparut en 1686 ,
sous ce titre : Le Nouveau Pan-
théon ,ou le Rapport des divinités du
paganisme, des héros de l'antiqui-
té et des princes surnommés grands
aux vertus et aux actions de Louis
XIV. IL La Nouvelle Pandore ,
ou les Femmes illustres du règne de
Louis-le-Grand, Paris , 1 698 , a vol,
in- 12; il n'existe qu'une seule édi-
tion de cet ouvrage ; mais les librai-
res, pour tâcher de la débiter, l'ont
fait repai'aître , en l'joi , sous le ti-
ti'c de : Recueil de pièces acadé-
miques en prose et en vers , des
personnes illustres du règne de Louis-
le-Grand y sur la préférence des
sexes ; et en 1721 , sous celui de :
Les Femmes illustres du rèpie de
Louis-le-Grand y et sur la diU'érencc
VEll
des se:xes, avec des Lettres tendres
et des réponses sur divers sujets.
Cet ouvrage contient une foule de
sonnets , de devises , d'acrostiches y
de madrigaux , de lettres et de dis-
cours à la gloire des femmes y et à
la louange du roi. Toutes les pièces
ne sont pas de Vcrtron ; il en est un
assez grand nombre de plusieurs da-
mes, inconnues aujourd'hui , si l'on
en excepte M"^'^'. Deshoulières , Mli'=.
de Scudéry et M"^^. de la Suze. Il
est impossible de rien imaginer de
plus fade et de phis monotone que
cette suite presque interminable de
compliments. Quant au goûtde Ver-
tron , on peut l'apprécier par ces
deux vers :
Despréaiix , Pratlon el Perrault
Snnt tous trois favoris des neuf doctes Pucelles.
Quiconque peut placer ces trois écri-
vains sur la même ligne donne la
mesure de sou goiit et de son esprit.
III. Prières et ajfeclions pour ser-
vir d'exercice pendant la Sainte-
Messe , etc., Paris, 1728, in-J2,
lig. L'abbé Goujet fut l'éditeur de ce
volume , et l'enrichit d'une Préface.
IV. Des Vers latins, dans le Recueil
des OEuvres de Santeul. Il a laisse'
en manuscrit Nouv. trad. en vers
français d'une hymne en l'honneur
de saint Louis , des instructions de
ce prince à son fils , et des Litanies
royales. L'abbé de Rothelin en pos-
sédait une copie in-4". sur vélin. Ou-
tre une Histoire de Louis XIF en
latin et en français , il promettait le
Dictionnaire historique des con-
quêtes de ce prince, et quelques au-
tres ouvrages ; mais on ignore s'il les
a terminés. W — s.
VERTUE ( George ) , graveur et
antiquaire anglais, né à Londres, en
168+ y de parents catholiques , com-
mença par dessiner et graver pour
l'ornement des livres. La mort de
VER
son père fit peser sur lui le soin
d\nni famille assez nombreuse. Heu-
reusement ses premiers ouvrages
trouvèrent de l'encouragement. Le
talent distingue qu'il déploya en
gravant un portrait de l'arclievèque
Tillotson lui mëriia un protecteur
dans lord Somers. Le célèbre sir
Godfrey Kneller lui ouvrit l'entrée
de l'académie de peinture qu'il venait
d'instituer , et ce fut d'après un ta-
bleau de cet artiste que Vertue exe'-
ciita le portrait du roi George I'^'". ;
cette production eut un débit consi-
dérable. L'auteur joignait à l'amour
de sa pi'ofession iin vif pencliant
pour la recherche des monuments
antiques : dans cette vue , il ])aicou-
rut plusieurs provinces de l'Angle-
terre , souvent dans la compagnie de
quelque opulent seigneur ou d'un ami
qui partageait ses goûts , notam-
ment avec fïarley , comte d'Ox-
ford , Horace Walpole , lord Gole-
raine , l'historiographe Stephens ,
le comte de Leicester , l'antiquai-
re Roger Gale. Une ample mois-
son de dessins , d'observations , de
faits historiques , était le fruit de ces
excursions , car le voyageur consi-
gnait tout sur ses tablettes. H. Finch,
comte de Winch elsea , étant prési-
dent de la société des antiquaires , le
nomma graveur de ce corps savant ,
dont il était déjà membre. On cite
parmi les portraits sortis alors de
son burin Mat. Prior , Cortez , l'ar-
chevêque Warham d'après Hol-
bein , Marie Sluart d'après Zuc-
chero. En i'j3o parurent ses douze
portraits de poètes distingués ; et
cette série estimée fut suivie des por-
traits de Charles I'^'". et des royalis-
tes qui périrent pour sa cause ; avec
leurs caractères d'après Claren-
don. Le grand succès de V His-
toire d' Angleterre de Rapin-Thoy-
VER
3oi
ras , succès auquel l'esprit de parti
ne fut pas étranger , ayant engagé
les libraires à en publier une édition
nouvelle par livraisons hebdoma-
daires , Vertue se chargea de l'enri-
chir des images des rois , et d'autres
ornements. Ce travail l'occuj^a pen-
dant trois années. La mort de Fré-
déric , prince de Galles , devenu ré-
cemment son Mécène , lui porta un
coup sensible. L'affaiblissement de
sa vue et d'autres infirmités attristè-
rent encore sa vieillesse. Il mourut
en 1756, et fut inhumé dans le cloî-
tre de l'abbaye de Westminster. La
manière de ce graveur est un peu
froide , mais elle est vraie et correcte ;
dans des portraits historiques , il se
serait fait scrupule de laisser prendre
le moindre essor à son imagination.
H. Walpole a donné un catalogue
de ses estampes , au nombre de près
de cinq cents; après sa mort, cet
écrivain sj)irituel acheta la collec-
tion des notes et observations ma-
nuscrites (en quarante volumes), ras-
semblées parVertue, dans la vue d'en
former une histoire de l'art , et il en
composa un livre à-la-fois utile et
intéressant, piquant surtout par cette
teinte de philosophie qui le distingue.
Cet ouvrage parut en i^ôa , 5 vol.
in-4°. , sous ce titre : Anecdotes of
paiuting , etc. ( Anecdotes sur la
peinture en Angleterre , avec un
précis sur les principaux artistes ,
et des notes sur les autres arts ^
recueillies par M. George Vertue ) ;
il fut réimprimé en 17^2 , 5 vol.
in-8°. Nous en avons sous les yeux
une quatrième édition, 1786, 4 vol-
in-8''. , où se trouve aussi une His-
toire du goût moderne dans l'art
des Jardins. L.
VÉRUS {Aetius), césar, était
petit-fils de Ceïonius Commode, qui
fut consul l'an 78. Dans sa jeunesse ,
302
VER
il portait les noms de Luclus Aurë-
lius Ceïouius Commode. II acquit des
connaissances assez étendues dans les
lettres ; mais la faiblesse de sa com-
plexiou ne lui permit pas de s'ap-
pliquer aux exercices militaires. On
ignore les motifs qui décidèrent l'em-
pereur Adrien à le choisir pour son
successeur , en l'adoptant. Cette cé-
rémonie eut lieu en i35, et fut célé-
brée par des jeux daus le cirque , et
par des distributions abondantes au
peuple et aux soldats. Le jeune prin-
ce reçut alors les noms d'Aetius Vé-
rus. Nommé d'abord préteur, il fut,
peu de jours après, créé césar, et
envoyé gouverneur dans la Panno-
nie. il paraît que Vérus s'y conduisit
avec prudence ; et suivant Spartien ,
s'il n'acquit pas la réputation d'un
grand général , il obtint du moins
celle d'un bon ofticier. Il avait été
désigné consul pour l'an i36, et il
fut continué dans cette charge pour
l'année suivante. Etant revenu à Ro-
me pour complimenter l'empereur ,
il mourut subitement le i'^'". janvier
i38, et fut inhumé dans le tombeau
d'Adrien, avec la pompe réservée
aux obsèques des membres de la fa-
mille impériale. On dit qu'Adrien ,
prévoyant la mort prématurée de
Vérus, se repentit de l'avoir adopté.
Cependant ii lui décerna les honneurs
de l'apothéose, lui fit dresser partout
des statues colossales et bâtir des
temples daus quelques villes. Vérus
joignait à tous les avantages exté-
rieurs une éloquence mâle , de la
facilité à faire des vers , et des ta-
lents qui , s'il eût vécu , n'auraient
pas été inutiles à l'état. Mais il ai-
mait la parure , plus qu'il ne con-
vient à un homme , et il porta trop
loin le goût de la table et des plai-
sirs. On lui attribue différents raffine-
ments de luxe, et rintroduction, dans
VER
l'art culinaire des Romains , d'une
sorte de pâté , nommé tetrapharma-
que ou penlapharmaque, parce qu'il
était composé de quatre ou cinq sor-
tes de viandes. Ses auteurs favoris
étaient Ovideet Martial, qu'il appelait
sou \irgile, ce qui semble prouver
qu'il n'avait pas le goût très-pur.
Vérus avait épousé la fille de Nigri-
nus , mis à mort , en i tq , par or-
dre d'Adrien; il en eut im fils qui le
remplaça dans la faveur de ce prince
( F^oj-. l'article suivant ). On a la
Vie d'Aet. Vérus , par Spartien , l'un
des auteurs de V Histoire Auguste.
W— s.
VÉRUS ( Lucius - AuEELius ) ,
empereur , naquit à Rome le i5 dé-
cembre i3o , pendant la questure de
son père. Adrien, ayant adopté T.
Antonin ( V. ce nom) , l'obligea d'a-
dopter lui-même Marc - Aurèle et le
fils de Vérus, alors âgé de huit ans.
Ce jeune prince était bien fait de
corps; il avait, avec de la douceur,
beaucoup de franchise et de simpli-
cité; mais il tenait de son père un
goût très -vif pour les plaisirs et la
dissipation. Antonin lui donna les
maîtres ( i ) les plus habiles dans tous
les genres. Cependant il fit peu de
progrès dans l'étude des lettres et de
la philosophie. Il prit en i45 la
robe virile ; et en i53 il fut nommé
questeur , quoiqu'il n'eût pas encore
atteint l'âge fixé par les lois. Pen-
dant son exercice , il donna des jeux
au peuple, et parut dans le cirque ,
assis entre Antonin et Marc - Aurèle.
Désigné consul en 1 54 , il le fut une
seconde fois en i6i. Après la mort
(i) Caj)itolin nous a donné les noms des person-
nes chargées de IV'ducalîou de Vérus. Nicomède
fut son instituteur. Il eut pour niaitre de latin,
Scaurus ; de grec, Tclèphe, Hephcstion et Harpo-
cration ; pour la rhétorique, Apollonius-Discole ,
Celer Caninius, Hérode Altîcus et Cornel. Fron-
ton ; enfin pour la philosophie , Apollonius de
Chalcis , et Sextus, neveu de Plu! arque.
VER
d'Antonîn , le sénat déclara Marc-
Aurèle seul empereur j mais ce bon
prince s'empressa de créer son frère
adoptif ce'sar et auguste , et se l'as-
socia. Ve'rus , ëlevé dans le respect
pour Marc-Aurèle, lui montra d'a-
bord la plus grande déférence , et
parut vouloir le pi-endre pour modè-
le. Cachant sous une apparente gra-
vité son goût effréné pour les plaisirs
(2) , il affecta de rechei'cher la so-
ciété des savants et des philosoplies^
au point qu'il voulait toujours en
avoir quelques - uns près de lui. Il
déclara qu'il se regardait moins com-
me le collègue de Marc - Aurèle que
comme son lieutenant, et qu'il serait
toujours prêt à le seconder dans ses
vues pour le bien public. De son cô-
té, IMarc -Aurèle témoignait la plus
grande affection à Vérus j et pour res-
serrer les nœuds qui les unissaient ,
il lui promit sa fille Lucile en ma-
riage. Vologèse , roi des Partlies,
ayant déclaré la guerre aux Romains,
il fut convenu que Marc-Aurèle reste-
rait à Rome, et que Ve'rus irait pren-
dre le commandement de l'armée
destinée à combattre un ennemi re-
doutable. Marc-Aurèle accomjîagna
Ve'rus jusqu'à Capoue; mais dès que
celui-ci fut délivré de la surveillance
importune de son collègue , il s'a-
bandonna aux plaisirs de la table avec
un tel excès , qu'il tomba malade à
Canusium ( Canossa ) , où Marc-Au-
rèle vint le visiter. Après son réta-
blissement, il s'embarqua pour la
Grèce y visita Corinthe et Athènes,
et suivant les côtes de l'Asie , s'arrê-
ta dans toutes les villes, pour se li-
vrer à tous les divertissements. Lais-
sant à ses généraux le soin de la
guerre , il fixa sa résidence dans Au-
(i) Cependant, suivant Capitolin, il avait tant
de franchise dans le caractère qu'il ne pouvait en
aucune manière se déguiser.
VER
3o3
tioche, où il demeura quatre ans,
passant l'hiver à Laodicée et la saison
des chaleurs à Daphné, célèbre lieu
de prostitution. Deux fois seulement,
poussé par les conseillers que Marc-
Aurèle lui avait donnés , il s'avança
jusqu'au bord de l'Euphrate; mais
il revint aussitôt à Antioche, préten-
dant que de cette ville il pouri-ait
plus facilement veiller aux besoins
de l'armée. Marc-Aurèle, instruit de
sa conduite, jugea convenable de fai-
re partir Lucile pour l'Orient, ima-
ginant sans doute qu'une femme ai-
mable et jeune viendrait à bout de
captiver Ve'rus et de le ramener de
ses égarements. Vérus alla au-devant
de sa femme jusqu'à Éphèse (en 164),
moins par l'empressement de la voir
que par la crainte que Marc - Aurèle
n'eût accompagné sa fille. L'année
suivante ( i65 ) , la guen-e ayant été
terminée par la soumission des Par-
thes, Vérus, quittant à regret l'O-
rient, revint à Rome , triompher pour
des victoires qu'il n'avait pas rempor-
tées. Le sénat lui confiz-ma les titres
de Parthique , d'Arménique et de
Médique , qui lui avaient été donnés
par les soldats; mais on doit dire, à
la louange de Vérus, qu'il voulut les
partager avec Marc-Aurèle. Il ne ra-
menait de la Syrie qu'une troupe
d'histrions et de bateleurs; et on l'ac-
cusa d'en avoir rapporté le germe de
la peste qui de l'Italie étendit bien-
tôt ses ravages dans tout l'empire.
Depuis son retour, Vérus cessa de
montrer la même condescendance
pour son collègue. En quittant la ta-
ble modeste de Marc - Aurèle , il ve-
nait s'asseoir à un festin somptueux
qu'il avait fait préparer pour ses af-
franchis , compagnons ordinaires
de ses débauches (3); et il passait les
(3) Capitolin a décrit un festin de douze convi-
ves , donne par Ve'rus , et qui coilta six millions
3o4 VER
uuils à jouer aux clés ou à courir les
rues , dc'guisé , pour chercher des
aventures. Passionné pour les cour-
ses de chars, il se déclara pour la
faction des Verts , avec tant de par-
tialité , qu'un jour les Bleus lui en fi-
rent des reproches, sans être retenus
par la présence de Marc- Aurèle. Il
avait un cheval qu'il nomma Voi-
seau , sans doute à cause de sa légè-
reté. 11 le nourrissait de raisins secs
et de pistaches ; et il portait toujours
sa figure en or. Ce cheval étant mort,
Vérus lui fit élever un magnifique
mausolée. Sur la iin de l'année i6G,
les peuples du Nord ayant fait une
irruption dans la Panuonie , Marc-
Aurèle ne voulut pas laisser à sou
collègue la conduite de cette guerre.
Les deux empereurs se rendirent à
Aquilée j mais à leur arrivée , les
barbares, effrayés , demandèrent la
paixj et Vérus revint en hâte à Ro-
me , abandonnant à Marc - Aurèle le
soin de pourvoir à la sûreté de l'em-
pire. Vérus fut désigné consul, pour
la troisième fois, l'an 167. Deux an-
nées après, les barbares ayant re-
nouvelé leurs incursions dans la Pan-
nonie, les empereurs retournèrent à
Aquilée : mais la peste les chassa de
cette ville; et ils prirent le parti de
revenir à Rome passer l'hiver. Ils
étaient près d'Altinum (4), assis dans
le même char, lorsque Vérus fut frap-
pe' d'une apoplexie , dont il mourut
au bout de trois jours , vers la fin de
l'année 169 , à l'âge de trente - neuf
ans. Ses restes , conduits à Rome ,
furent déposés dans le tombeau d'A-
drien. Ce prince dut être peu regretté
de Marc -Aurèle ; mais les bruits qui
coururent que ce dernier avait hâté sa
mort n'ont pas besoin d'être démen-
<le sesterces , ou sept cent ciuqaante mille livres
Je notre loonuaie.
^'l) AUiuii , <faiu la piarcbeTrévisaue,
VER
tis. Vérus , par la licence de ses
mœurs, égala peut-être les empereurs
les plus débauchés (5). Cependant
ou ne doit point le comparer à Cali-
gula , à Néron , puisque l'histoire ne
lui reproche aucun acte de cruauté.
On a des médailles de ce prince dans
tous les métaux. Sa Vie , par J. Ca-
pitolin^Tun des auteurs de l'Histoire
Auguste, est écrite sans ordre , et pré-
sente des contradictions frappantes.
W— s.
VERVILLE. Voy. Bekoalde.
VERWEY ( Jean ) ou Puok-
BjEUs ( I ), savant humaniste , na-
quit, à Delft , en 164b. Il acheva
ses études à Utrecht , sous le célèbre
J. - G. Graevius , qui l'aima comme
un fils , et dont il reçut, dans la suite,
des preuves multipliées d'attache-
ment. Étant entré dans la carrière
de l'enseignement , il fut nommé rec-
teur du gymnase de Goude j mais il
ambitionnait de passer sur un plus
grand théâtre. Ou sait que, dès 1678,
il lit des démarches pour obtenir le
rectorat de Leyde ; sa demande fut
appuyée vivement par Nicolas Hein-
sius , son ami ; ce ne fut qu'eu ) 687
qu'il quitta Goude pour aller occu-
per à la Haye la place de recteur ,
et la chaire de langue grecque. Il
remplit ce double emploi d'une ma-
nière brillante, et mourut en 1692.
On a de lui : I. Medidla Aristarchi
Vossiarii, Goaàe, 1670, in-8°.; sou-
vent réimprimé. C'est un bon abrégé
de grammaire latine , tiré des ouvra-
ges deVossius , de Sanchez, deSciop-
pius, et de la méthode de Port-
Royal {V. Lancelot). II. IVoi'a
[5) C'est le jugement qu'on eu doit porter après
avoir lu Capitolin. Cependant le même historien
dit en commençant la Vie de Vérus : Ce prince ne
fut ni bon , ni mauvais; s'il ne brilla pas par des
■vertus , il ne se souilla pas non plus par des crimes.
(1) C'est la traduction de son nom en grec.
VER
via docendi grceca , etc., Goiide ,
1684 ou 1691 , in-8°. j ibid. , 1703,
avec V Index nomin. gnvcorum de
R. Kettel • Amsterdam , 1710. Cette
Grammaire a long-temps e'te' suivie
dans les écoles de Hollande. Verwey
préparait, dès 1678 , une édition du
Lexique d'ilcsycliius , pour laquelle
il avait reçu des secours, notamment
de Nicolas Heinsius et de Henri de
Valois. Quelques - unes de ses re-
marques ont ctc publie'es par Al-
berti dans son édition d'Hesychius
( P^oy. ce nom ). Dans le même
temps , il s'occupait de la rédac-
tion d'un Lexique s;rec , latin et
flamand , sur le plan de Vlndi-
culus universalis du P. Poraey ( V.
ce nom ) ; mais il ne paraît pas qu'il
l'ait terminé. On trouve trois- Let-
tres de Verwey à Nicoi. Heinsius,
dans le Sylloge epistolarum de Bur-
mann , 11 , 83o. W — s.
VERZASGÎIA (Bernard), ori-
ginaire (l'une famille deLocarno réfu-
giée pour cause de religion à Bâle ,
naquit dans cette ville en 1629, et
y mourut en 1680. H étudia la mé-
decine à Bàle , en Allemagne , en
Angleterre et en France , et il exerça
son art avec succès dans sa patrie ,
recherclié de plusieurs princes voi-
sins. H occupa des places de ma-
gistrature , ainsi que celle de pre-
mier médecin dans sa ville na-
tale. Il se fit connaître par son
Herbier ou Description des plantes,
avec fig. , publié en allemand à Bâle ,
en J678. On a encore de lui : I. Ri-
verius contractus , i663. II. Obsen>.
medicar. centuria , ^678, et plu-
sieurs Traités sur l'apoplexie et la
paralysie. U — i.
VERZOSA (i) (Jean ), littérateur
(1) Ou Berzosn, II est inscrit sous ces deux noms
dans la table du Catalogue de la Bibliothèque du
roi.
XLVIII.
VER
3o5
et poète distingue, naquit en iSaS,
à Saragosse , d'une famille honorable.
A l'âge de quinze ans il vint à Paris,
et y donna des leçons de langue grec-
que avec un tel succès, qu'il avait,
dit-on , jusqu'à mille auditeurs. La
guerre entre l'Espagne et la France
ayant été déclarée , tous les Espa-
gnols reçurent l'ordre de sortir du
royaume ; et Verzosa se rendit à
Louvain , où ses talents le fireiit
promptemen t connaître. Peu de tem ps
après , Charles-Quint le fît venir à
Ratisbonne et le chargea de di-
verses commissions dont il s'acquitta
très-bien. Il accompagna _, comme
secrétaire , Diego Hurtado de Men-
doza , l'un des ambassadeurs de
Charles-Quint au concile de Trente
(2). Mendoza ayant été nommé
gouverneur de Toscane , il le suivit
à Sienne , et ne négligea rien pour le
détourner de prendre des mesures
rigoureuses , qui finirent , comme il
l'avait prévu , par soulever les habi-
tants ( Fqy. Mendoza , XXVHI ,
284 ). Verzosa se trouvait en An-
gleterx'e , à l'époque de la conclusion
du mariage de Philippe II et de
Marie ( i554). De retour en Espa-
gne , il y fut employé par le ministre
Gonzale Pérez, puis attaché à l'am-
bassade de Rome. On lui donna !a
commission de rechercher dans les
archives du Vatican les titres cons-
tatant les droits de Philippe sur les
divers états qui formaient son im-
mense apanage. Il était occupé de
ce travail quand il mourut le 24 fé-
vrier i574> à l'âge de cinquante-i;n
ans. L'historien de Thon ( ZiV. Sq )
(9.) Le Dict. universel dit qu'il parut avec éclat
au concile de Trente ; mais il n'est point nommé
dans la liste des orateur.': de cette cclcbrc assem-
blée ; il y prononça seulement une harangue au
nom de Mendo7,a, et cet ambassadeur était Irop
instruit pour qu'on l'ait soupçonné d'avoir fni[
composer cette pièce par sou secrélaire.
20 ^
3o6
VER
loue la prudence et la capacité de
Verzosa. Il joignait à la connaissance
des langues anciennes et de plusieurs
langues modernes beaucoup de ta-
lent pour la poésie , et, ce qui n'est
pas aussi rare chez les gens de let-
tres qu'on ne cesse de le répé-
ter , une grande habileté pour les
affaires. On cite de lui : I. De lau-
dibus B. Pétri Jrbuesi , magistri
Epilce , carmen heroicum , Paris ,
1 544 ; Saragosse , 1 6 1 3. 11 n'avait
que seize ans quand il publia ce poè-
me sur le martyre de Pierre d'E-
pila. II. Liber de prosodiis grec-
cœ linguœ , Louvain, i544i in-8o.,
très-rare. La Bibliothèque du roi en
possède un exemplaire. III. Carmen
epicinium in navalem vicioriam
JoannisAustriaci , devicid ad Eclii-
nadas Turcarurn cZrt^^e^, Salaman-
que , i57'2. Ce poème ^ dans lequel
l'auteur célèbre la victoire rempor-
tée par D. Juan d'Autriche ( F. ce
nom ) à Lépante , a eu plusieurs édi-
tions ; mais il n'en est pas moins
très-rare. IV. Epistolarum libriir,
versibus scripti , Palerme , i575 ,
in-8°.j Alcala de Heuarès, 1677,
in-8^. , avec des commentaires de
l'auteur , de Louis de Terres , arche-
vêque de Mont-Réal , et du cardinal
de Granvelle. Les Espagnols met-
lent ces Epîtrcs à côté de celles
d'Horace. Il est sûr que Verzosa ,qui
s'y est évidemment proposé le poète
latin pour modèle, imite souvent
avec assez de bonheur la négligence
de sa versification , et la spirituelle
familiarité de son style. V. Charina
sive Amores, Amsterdam, ^1781 ,
in-i2, avec une préface d'Ignace
Affo del Rio, commissaire de la
marine espagnole , en Hollande.
Diego Dormer a recueiUides Lettres
et des Fers de Verzosa dans son
ouvrage intitulé : Progressas de la
VES
historia en el regno de Aragon ,
Saragosse , 1680, in-fol., pag. 548
et suiv (3). On sait qu'en i555 il ve-
nait de terminer un Commentaire
sur Tacite , et qu'il traduisait les 5a-
turnales de l'empereur Julien ( F.
Grég. Mayans, Spécimen Biblioth.
hispanœ , p. I25); mais ces deux
ouvrages n'ont point paru. Enfin il
avait entrepris une histoire du roi
Philippe II , que sa mort prématu-
rée l'empêcha de terminer. Outre les
auteurs déjà cités, on peut consul-
ter la Bibl. hispana d'Antonio.
Seelen a placé Verzosa dans son
livre De prœcocibus Eruditis, pag.
67. P— oTetW— s.
VES ALE (i)( André) naquità
Bruxelles, en i5i4, d'un apothicaire
attache au service de la princesse
Marguerite, tante de Charles-Quint,
et gouvernante des Pays-Bas. Avant
Vèsale, l'anatomie humaine méritait
à peine le nom de science, et c'est à
bon droit qu'il en est regardé comme,
le créateur. Chez les anciens le con-
tact ou même le seul aspect d'un
cadavre imprimait une souillure que
de nombreuses ablutions et une mul-
titude d'autres pratiques expiatoires
pouvaient à peine effacer. Dans le
moyen âge , la dissection d'une créa-
ture faite à l'image de Dieu pas-
sait pour une impiété digue du der-
(3) Les Lellrei sout en espagnol , et les 7 ers en
latin.
(i) C'estdeb ville de Wesel , au duché de Clè-
TCS, que la famille Vesale , qui en était ongiuaire,
a tiré son nom. L'exercice de la médecine était
comme héréditaire dans cette famille. Pierre Ve-
sale , lri.saieuî de celui qui fait le sujet de cet arti-
cle la pratiqua dans le quinzième siècle , et
publia des commeutaives sur Avieei.ne. Jeau
Vesale , son his»ïeul . lut niédecm de Marie de
BoursoRue, première femme de 1 empereur Maii-
milieu 1". , et professeur à l'universilë de Louvain.
liverard Vesale, son aïeul, joignait aux connaissan-
ces médicales celle des mathématiques ; outre
quelques traites sur cette dernière science on a
de lui des commentaires sur les livres de Kaii et
sur les quatre premières sections des apboris-
mes d'Hippocrale. Enfin sou perc ctait apolbcauc.
VES
nier supplice. Vainement , au temps
des re'publiques italiennes, Mundiirus,
professeur de médecine à Bologne ,
offrit ^ de 1 3 1 5 à 1 3 1 8 , le spectacle
nouveau de trois cadavres humains,
publiquement dissèques j le scandale
ne se re'péta point. Mundinus , lui-
même, effraye' par l'edit encore ré-
cent du pape Boniface VII , ne tira
point de ces dissections tout l'avan-
tage qu'elles semblaient lui promet-
tre. Cependant les ténèbres de la
barbarie devini-ent par degrés moins
épaisses. Les découvertes de la pou-
dre à canon , de l'imprimerie et du
Nouveau - Monde , laites en moins
d'un siècle, imprimèrent un nouveau
cours aux destinées de l'espèce liu-
maiue : les chefs de l'Église permi-
rent, allèrent même jusqu'à favori-
ser l'étude de cette partie de l'ana-
tomie , dont la connaissance est in-
dispensable aux peintres ainsi qu'aux
sculpteurs. Protégés par Jules II et
Léon X , Michel-Ange , Raphaël
d'Urbin , liéonard de Vinci dessi-
nèrent d'après natiire les muscles que
la peau seule recouvre ; mais celte
étude superficielle , suffisante aux
beaux-arts, était d'un faible avan-
tage pour la science. Au milieu de ce
mouvement général des esprits , qui
rend les premières années du seiziè-
me siècle si remarquables pour l'ob-
serva teur; lorsque la doctrine de l'exa-
men venait relever l'esprit humain
accablé depuis si long-temps sous le
joug de l'autorité^ Vesale naquit dans
la contrée de l'Europe qui partageait
alors avec l'Italie l'avantage d'être
la plus riche et la plus éclairée. Des-
tiné par ses parents à l'exercice de
la médecine , il se prit d'une telle
passion pour l'anatomie , qu'on le
voit , à Louvain d'abord , puis à
Paris , surmontant avec un courage
admirable tous les déçroûts et même
VES 3o7
tous les dangers alors attachés à ce'
genre de travaux, disputer leur proie
aux vautours , pour composer mi
squelette avec les os des individus
condamnés au dernier supplice. Pas-
sant des jours entiers soit au cime-
tière des Innocents , soit à la butte
de Montfaucon , au milieu des cada-
vres , il surpassa bientôt son maître
Gonthier d'Andernach {Voy. Jean
GoNTniER),qui n'hésita point à con-
fier la publication de ses ouvrages à
Vesale , à peine âgé de vingt-cinq
ans ; c'était en i538. Voyageant
ensuite , et passant de Baie en
Italie , il y fut précédé d'une telle
renommée , que les gouvernements
de ce pays s'efforcèrent de l'y re-
tenir par de grands avantages ,
et qu'il fut chargé d'enseigner pu-
bliquement l'anatomie ;, de i54o à
1544? d'abord, à Pavie , puis à
Bologne, et enfin à Pise. C'est dans
cet iiitervalle, en i543, que parut
à Bâie la première édition de sa
grande anatoniie, avec des planches
attribuées dans le temps au Titien.
Vesale était à peine âgé de vingt-huit
ans , et , selon l'expression de Sénac ,
il avait découvert un nouveau monde.
Pour la première fois en effet les or-
ganes de l'homme se trouvèrent dé-
crits, tandis que jusque-là on s'était
contenté d'anatomiser les singes , le
porc et d'autres animaux réputés
semblables à l'homme ; aussi l'ad-
miration fut universelle : de toutes
parts les élèves accouraient aux lieux
où professait Vesale : les maîtres
eux - mêmes descendaient de leurs
chaires désertes , et venaient grossir
la foule de ses auditeurs. Quelques-
uns toutefois ne voyaient point sans
envie un tel succès : Sylvius , entre
autres, sous prétexte de défendre Ga-
lien , poui'suivit Vesale au milieu de
ses triomphes , et soutenant , contre
20..
3o8
VES
rdviclcncc , que le ce'lchrc médecin
(le Pergame avait disséqué des ca-
davres iiutnains , s'oublia jusqu'à ce
misérable jeu de mots, heureusement
intraduisible, F^csalium non esie,sed
Vesanum. C'iarlcs-Quiiit , avcrtipar
la renommée j éleva Vcsale au poste
eminent de son premier mc'decin , et
l'appela près de lui. Enlevé à la
science , Vesalc quitta l'Italie , et
traversant Bâic , gratifia l'école de
médecine de cette ville d'un sque-
Iflte, don alors précieux , conservé
depuis avec une vénération religieuse.
L'écorce de kina, nouvellement dé-
couverte , avait rendu la santé au
puissant monarque j Vesale célébra
I es vertus du nouveau remède dans une
Lettre publiée à Ratisbonnc (i546),
ouvrage de critique bien plus que de
matière médicale ; car les observa-
tions relatives à l'écorce de kina, re-
gardée comme une racine , y tiennent
moins de place que sa défense con-
tre SCS adversaires, auxquels il prouve
snns réplique que les descriptions
de Galien ont été faites d'après des
singes , et non sur les organes de
l'homme, (compagnon de Charles-
Quint dans tous ses voyages , Vesalc
])assa au service de Philippe II ,
lorsque , dégoûté dos affaires et du
jnonde, sou maître abdiqua l'empire
pour finir ses jours dans là solitude.
Homme de cour, devenu à-peu-prcs
elt'anger à l'anatomie , il sortit mo-
mentanément d'un trop long sommeil
pour répondre à, Faliopc , dont l'a^
iiatômie, publiée èa i55i , renfer-
mait un grand nombre de découver-
tes, et indiquait plusieurs correc-
tions à haire dans celle de Vesalc. Dis-
ciple de ce grand maître, Faliopc ne
s'était ])oint écarté du respect qu'il lui
devait. Vcsale, en publiant sadi-fcnse,
parut, il faut l'avouer, au-dessous de
lui-mêmej c'estle jugement qu'en por-
VES
tent en ces termes ses deux illustres
éditeurs, Boërhaave et Albinus : Au-
licis ohnoxiiis, toliisohscfjuiis, hœret
cerchro , vera ncgat , sœpè minus
proha asscrit , etc. Cependant riche,
puissant et considéré à cette cour de
ÎMadrid où allhiaient les trésors du
Nouveau-Monde , et qui, à cette épo-
que, exerçait sur les autres états de
l'Europe une si grande influence, Ve-
sale jouis.'7jit de sa gloire et favori-
sait de tout son crédit l'étude de l'a-
natomie , autant du moius que cela
était possible en Espagne , à côté de
l'inquisition , et sous un prince tel
que Philîj)pc 11 , lorsqu'une accusa-
tion singulière vint le précipiter dans
l'abîine du malheur. On prétenrlit
qu'ouvrant le cadavre d'un gentil-
homme, dans le but de découvrir les
causes de la mort, le cœur avait
palpité sous le tranchant du scalpel ,
crime invraisemblable , que la mort
devait expier; et, chose inouïe, la
postérité, comme les contemporains,
n'a élevé aucun doute sur la réalite
du fait qui donna lieu à cette accusa-
tion absurde. Quels témoins en dépo-
sèrent.' Pour mettre le cœur à décou-
vert , il faut ouvrir la poitrine ,
couper les cartilages , scier les côtes,
enlever le sternum, l'aire, en un mot,
des incisions longues , profondes, et
bien capables derauimer la vie avant
que le cœur puisse être aperçu ,
])ar la division du péricarde. Afin
de donner (pielque vraisemblan-
ce à l'accusation , on peut supposer
que l'un des spectateurs penché, et
s'appuyant sur le cadavre, aura fait re-
fluer le sang veineux dans les oreillet-
tes ; un frémissement obscur , un
mouvement ondulatoire en résultant,
on aura vu dans cet ellct mécanique
(juelque signe de vie, et jeté un
cri d'effroi , répété par les ennemis
de Vesale , trop heureux de cette oc-
VES
casion de le perdre. Bientôt l'igno-
rance , l'envie et la mauvaise foi dc-
iiaturcrent le fait en l'exagcrantj
l'inquisition demanda la mort du
coupable , et les prières de Phi-
lippe H obtinrent difficilement ,
dit-on , que la peine fût commue'c en
un pe'lerinage à la Terre-Sainte. Ve-
sale s'achemina donc vers Jérusalem
de compagHÏe avec unMalatesta, ge'-
ne'raldes troupes de Venise. Ballotte
par des fortunes diverses durant ce
pe'rilleux voyage, il fut, à son retour,
jeté par la tempête sur les cotes de
l'île de Zaute, où il mourut de faim,
le i5 octobre 1 564' La republiquede
Venise l'appelait à l'université de
Padoue , veuve cette même année de
Gabriel Fallope , ravi par une mort
prématurée; en sorle que s'il fût re-
venu de son pélex'uiage Vcsale aurait
succède' à son élève dans la chaire
d'anatomie de l'université de Padoue,
que ces deux grands hommes ont
tant illustrée. S'il faut en croire Al-
binus et Boërhaave, auteurs de l'ex-
cellente biographie de Vesale , l'en-
fermée dans la j^réfacc de la collec-
tion complète de ses OEuvres , les
moines espagnols lui firent cruelle-
ment expier ses éternelles plaisante-
ries sur leur ignorance , leur costume
et leurs mœurs. Les inquisiteurs
saisirent avec avidité l'occasion of-
ferte pour se débarrasser d'un sa-
vant incommode. Comme Socratc
chez les anciens , et tant d'hommes
illustres parmi les modernes, Vesale
mourut donc victime de cette guerre
tantôt sourde et tantôt déclarée , que
les apôtres de l'erreur et du men-
songe firent de tout temps aux scru-
tateurs de la nature et de la vérité.
La grande aiiatomic de Vesale , De
corporis humani fahrlcd , libri rii ,
parut à Bàlc , pour la première fois,
en ij43, iu-foho. Une seconde txli-
VES 3o9
îion aivgmentéc, corrigée par l'auteur,
également avec figures , fut publiée
aussi à Baie, en 1 555. Depuis lors, cet
ouvrage a été plusieurs fois réimpri-
mé : à Venise , en 1 6o4 , à Lyon , en
^1602 , à Francfort, en i6o4 et en
i632, avec les planches originales ,
réduites, et d'autres fois sans plan-
ches j un grand nombre de ti-aduc-
tions en a été fait dans toutes les lan-
gues de l'Europe. Mais de toutes les
éditions des ouvrages de Vesale, au-
cune n'est plus exacte et plus complè-
te que celle qui a été publiée à Leyde,
en 17^5, par Hcrman Boërhaave et
Bernard Sigefred Albinus ; là se trou-
vent rassemblés tous les ouvrages de
l'auteur. Cette collection, en deux vo-
lumes in-folio avec figures , est sur-
tout précieuse par la préface dont
les illustres éditeurs l'ont ornée ; ou-
tre l'anatomie , elle renferme la Let-
tre publiée à Ratisbonue , en i546 ,
sous cetitre lEpistola adJoachimum
Roëlants, etc., rationem modumque
pro])iiiandi radicis chynœ decocti ,
quo niiper invictissimiis Carolus V
imperator usas est , perlractans , et
prœter alla quœdam, etc.; la Répon-
se à Fallope, écrite en i56i , et qui
parut à Venise, en i564, sous ce
titre : Aiiatomicanim Gabriclis Fal-
lopii ohservalionum examen , et en-
fin sa grande Chirurgie, Chinirgia
magna, libri m, compilation qu'un
Vénitien, Prosper Bogarucci, publiaà
Venise, en i568, quatre ans après
la mort de Vesale : ce grand nom fut ,
sans doute, alors employé à tromper
le public par une fraude dont, com-
me on voit, l'espèce n'est pas nou-
velle. B — c — D.
VESLING (Jean), célèfire ana-
tomiste, naquit en iSgS à Minden,
en Westphalie. Son père, qui vou-
lait lui donner une brillante éduca-
tion^ le conduisit à Vicime eu Au-
3io
VES
triclie , où le jeune Vesling termina,
avec succès, ses cours d'humanite's
et de philosophie. Il se rendit ensuite
à Padoue , pour se livrer à l'c'tude
de l'anatomie et de la physiologie.
En 162S, la république de Venise
ayantreluse' les fonds nécessaires aux
exercices anatomiqucs, Vesling par-
tit pour le Caire, avec le consul de
Venise , dont il était le médecin.
Après avoir parcouru l'Egypte, il
alla à Jérusalem , on il fut reçu
chevalier du Saint- Sépulcre. De re-
tour à Venise , Vesling fit des cours
particuliers d'anatomie et de bota-
nique , avec un tel succès , que les
élèves désertaient les écoles publiques
pour venir profiter de ses leçons. La
république s'empressa de faire l'ac-
quisition d'un homme aussi distin-
gué, et le nomma , en i632 , à la
première chaire d'anatomie, vacante
à l'université de Padoue. Quoiqu'il
fût un peu sourd , et qu'une sorte de
bégaiement l'empêchât de parler avec
aisance, on ajouta à ses fonctions
celles de professeur de chirurgie et
de botanique ; mais ne pouvant suf-
iîre à ce surcroît de travail , il de-
manda de remplir seulement la
chaire d'anatomie et de botanique ,
en conservant la direction du jardin.
Dans l'intention de rendre celui-ci
un des plus riches de l'Europe, il
sollicita et obtint, en 1648 , la per-
mission d'aller herboriser dans l'île
de Candie et quelques autres con-
trées du Levant. Après une abon-
dante moisson de plantes nouvelles
recueillies avec des peines excessi-
ves , il revint à Padoue , épuisé de
fatiguer, et y mourut prématuré-
ment, le 3o août i64o. Nous avons
de Vesling : I. De cognato anato-
viici et botanici studio oralio , Pa-
doue , i638, in - 4"- IL Observa-
iioncs et notce ad Prosperi Alpijii
VES
librum de planlis M^ypti, cum ad-
dilamento aliarum plantarum ejiis-
dcm regioiiis^ Fadoue, i638, in-
4**. ; Ray a profité de ce travail de
Vesling. III. Sj'ntagma anatomi-
ciim , publicis dissectionibus in ait-
ditorum usiini diligenter aptatum ,
Padoue, 1641 , in-4°v sans figures j
Francfort, i64i , in-i2j Padoue,
1647 , in-4°-, avec figures et de
nombreuses additions; ibid. , \^']'] ,
1728 , in-4''. ; Amsterdam , i65g,
in-4°. , par les soins de Gérard
Blaeu ,qui y fit beaucoup d'augmen-
tations, ibid., 1666, in-4".; Utrecht,
1696, in-4°- y traduit en allemand ,
Leyde , i65a, in-4'^. j Nuremberg,
1676, 1688, in-8<^. ; en hollandais,
Leyde, 1661, in-S". ; en anglais,
par Culpepper, Londres, i653 , in-
fol. ; en italien , Padoue, 1709, in-
fol. Ce précis anatomique a dû son
grand succès à l'exactitude qui se
remarque dans la description des
organes , non moins qu'au style très-
pur dans lequel il est écrit. Ves-
ling est le premier qui ait repré-
senté par le dessin les vaisseaux
lactés dans l'homme, et les quatre
veines pulmonaires j mais ses plan-
ches ne sont pas bonnes. IV. Cata-
logits plantarum horti patavini ,
Padoue, i64'2, 1644, in -12. V.
Opobalsami vcteribus cogniti vin-
dicice : accessit parœncsis ad rem
herbariam, Padoue, i644 5 i»-8°.
VI. Observaliones anatomicœ et épis ■
tolce medicœ , Copenhague , 1664 ,
in-B**. , avec la dissertation de T.
Bartholin , De insolitis partûs hu-
maniviis, la Haye, 1740, in-8\ Cet
écrit posthume de Vesling, publié par
les soins de Thomas Bartholin , con-
tient des faits curieux et des expérien-
ces intéressantes. Il y est question du
moyen artificiel dont se servent les
Égyptiens pour faire éclore les pou-
VES
lets sans le secours de l'incubation .
moyen qui consiste à placei* une
grande quantité d'œufs dans des
fours spacieux, que l'on chauffe à
une température égale à celle que
les poules communiquent aux œufs.
Vesling observa , presque en même
temps que Pecquet, le tronc com-
mun des vaisseaux lactés et lympha-
tiques. Le i3 mai 1649, il fit part
de cette découverte à T. Bartholin ,
et alors il ne pouvait avoir connais-
sance de celle de Pecquet ; car l'ou-
vrage de ce dernier ne parut qu'en
1 65 1 . Dans celte même année 1 649,
qui fut celle de sa mort , Vesbng
démontra les vaisseaux lactés du
mésentère et les lymphatiques de l'es-
tomac , en présence des docteurs
Bevilacqua et Grégoire Horstj mais
il ne connut point le véritable usage
du canal thorachique. R — d — n.
VESPASIANO , savant biblio-
phile , né , dans le quinzième siè-
cle, à Florence, exerçait l'état de
libraire en cette ville où son éru-
dition le faisait rechercher et esti-
mer de tous les amis des lettres. Ver-
sé dans l'hébreu . le çrrec et le latin ,
-1 • • ' I ^^ .'
Il connaissait tous les ouvrages mis
au jour dans ces différentes langues,
et les appréciait avec goût. Suivant
Sozomène de Pistoie, son contempo-
rain , les rois et les princes , les évê-
ques ctles souveraius pontifes avaient
Iréqucmmcnl recours à ses lumières.
11 fut employé par le grand-duc Cos-
me de Médicis à recueillir les livres et
les manuscrits qui formèrent le fonds
de la bibliothèque Laurentienne. On
a de Vespasiano : I. Les Fies de plu-
sieurs prélats , insérées dans Vltalia
sacra d'Ughelli. II. Celles des papes
Eugène IV et Nicolas V , qui ont été
publiées par Muratori , dans le tome
XXV des Rerum italicarum scripto-
res. III. Quelques autres Notices bio-
VES
3ii
graphiques, restées inédites, mais
citées par Tiraboschi , dans la Sto-
ria délia letteratura italiana. On
conservait à la bibliothèque Nani un
opuscule de Vespasiano : Lamento
di Italia , composé^ en i4^o, au
sujet de la prise d'Otrante par les
Turcs (Voy. le Catal. Nani, p. 3).
La bibliothèque Laurentienne possè-
de plusieurs Lettres adressées à Ves-
pasiano par les savants de son temps.
W— s.
VESPASIEN ( TiTvs Flavius
Fespasianus), dixième empereur
romain, naquit dans une bourgade
voisine de Rieti , le 1 7 novembre de
l'an de Rome 760 , cinq ans avant la
mort d'Auguste. Il eut pour aïeul
T. Flavius Pentro , qui , api:ès avoir
combattu à Pharsale , en qualité de
centurion dans l'armée de Pompée ,
se retira dans sa petite ville pour
exercer des fonctions analogues à
celles de commissaire- priseur. Le
père de Vespasien , T. Flavius
Sabinus, publicain en Asie, mé-
rita par sa douceur et son intégri-
té que plusieurs villes conservassent
son portrait avec celte inscription :
Au publicain honnête homme. Éle-
vé par son aïeule maternelle Tertul-
la , dans une petite métairie , près de
Cosa en Toscane, le jeune Vespasien
contracta ces habitudes d'une vie
simple et frugale qui firent de lui
tom-à-tour un excellent soldat, un
empereur sage et économe. Toujours
il chérit les lieux où il avait passé
son enfance : toujours il garda un
souvenir tendre de la modeste et vé-
nérable matrone qui avait guidé ses
premiers pas dans la vie. Parvenu
au trône , il ne voulut faire aucun
changement à la rustique habitation
qu'avait occupée TertuUa 5 et aux
jours de fête, ilbuvait dans une petite
tasse d'argeutqni lui avait apparlonu.
3l2
VES
Arrive au terme de sa paisible ado-
lescence, il ne formait d'autres vœux
que de passer ses jours dans une heu-
reuse me'diocritc; mais il fut pousse'
malgré lui dans les voies de l'ambi-
tion, par sa mère Vespasia Polla^
qui , lière du chemin rapide que fai-
sait dans la carrière des honneurs
T. Flavius Sabinus, son fils aîné', ne
cessait d'accabler de reproches le
jeune Vespasien, qu'elle traitait de
njalet de son frère (i). Il brigua
donc et obtint , non sans peine , l'cdi-
lité ( l'an de Rome 709 ) , et fut char-
ge', eu cette qualité , de la police de
la ville et du soin d'entretenir la
propreté des rues. Caligula, trouvant
qu'il s'acquittait de ses fonctions avec
négligence , lui fit jeter de la boue
sur sa robe j et dans la suite la flat-
terie ne manqua pas d'interpréter
cette mésaventure comme ayant été
le présage de la bonne fortune à la-
quelle Vespasien était parvenu. Il
fut ensuite préteur sous Caligula ,
dont il se ménagea la faveur par
toutes sortes de flatteries , jusqu'à
prendre la parole en plein sénat
pour se féliciter de l'honneur que lui
avait fait ce prince de l'admettre à
sa table. Il se déshonora aussi par
son mariage avec Domitia , qui avait
été la concubine d'uu chevalier ro-
main , et dont la naissance était si
équivoque qu'il fallut une sentence
judiciaire pour établir qu'elle était
de condition libre. C'est de Do-
mitia que naquirent Titus et Domi-
tien que les destins a])pe!aicut à oc-
cuper le trône impérial après leur
père. Sous le règne de Claude, Ves-
(i) Après avoir passe par toiiles les inagistiaUi-
res curules , Sabinus fut consiiï sul .stiinc sous
Néron , puis préfet de la ville. Les soldais qui , à
lauiortde Galba, disposaient de loulcs les places,
lu coulinnèrcQt dans cette dignité ( au de Kome
S9.0 ). A la mort d'Olhon , il fit prêter, par les
troui)es sous ses ordres, le serment de fidélité à
VilcMifs.
VES
pasien parvint par la protection de
rafTianchi Narcisse au commande-
ment d'une légion. Il flt d'abord la
guerre en Germauie , puis dans la
Grande-Bretagne^ que Jules-César
avait plutôt visitée que conquise.
Vespasien y livra trente combats ,
prit vingt villes , soumit diverses
peuplades , fit prisonniers plusieurs
rois bretons , et s'empara de l'île ap-
pelée Vectis ( Wight ). L'empereur
lui fit décerner , par le sénat , les or-
nements du triomphe , et dès-lors ,
selon Tacite, les destins montrèrent
au monde Vespasien (2). Il fut, bien-
tôt après , décoré du sacerdoce , puis
du consulat. La mort de Claude ar-
rêta les progrès de sa fortune. Pen-
dant les premières années du règne
de Néron , il vécut dans la retraite ,
ne cherchant qu'à se faire oublier
d'Agrippiue, à qui tous les amis de
Narcisse étaient odieux. Toutefois il
devint proconsul d'Afrique, à son
rang comme consulaire. Les histo-
riens ne s'accordent pas sur la manière
dont il se conduisit dans cette provin-
ce: si l'on en croit Tacite , il s'attira
lahaineet le mépris des peuples (8)5
d'après Suétone , il les gouverna avec
une intégrité parfaite. Mais ce der-
nier convient que, dans une sédi-
tion , la midtilude jeta des raves à la
tête du proconsul : il est difficile de
croire qu'un magistrat sans repro-
che eût été exposé à une pareille in-
sulte. Au reste _, il est certain qu'il
ne s'enrichit pas dans son procon-
sulat d'Afrique. Il en revint perdu
de dettes , et se vit obligé d'en-
gager tous ses biens à son frère
Sabinus , pour ne pas faire banque-
route. Il rétablit bientôt sa fortune
par d'indignes manœuvres qui lui
(7.) El motislraliis fatis Vespasianus (Agricol.).
(3") Pracoiisulaium.. , .Jamosum imiisumque éga-
rai ( Uist, Il , f)7 ).
VES
vahucut le eurnom de Maquipwn^
mais qui ne l'empêclièrent pas d'ob-
tenir quelque crédit à la cour de Né-
ron. Cependant , il finit par encourir
la disp;ràce du prince , parce qu'il eut
la maladresse de s'assoupir au théâ-
tre , dans le moment où l'empereur
occupait la scène. Yespasien fut
durement réprimandé par l'aifran-
chi Phébus , et il fallut les plus
vives sollicitations pour le sauvei*.
Cette leçon ne le corrigea pas :
lorsque Néron se rendit en Grè-
ce pour y disputer le prix dans
tous les Jeux. , l'inhabile courtisan
s'endormit encore une fois pen-
dant que le prince faisait entendre
sa voix d'wiîie : on le chassa de la
cour , il fut réduit à se cacher •: sa
perte paraissait inévitable ; et , selon
Tacite, il n'échappa que par l'as-
cendant de sa destinée (4). Dans sa
retraite, il s'attendait, à chaque ins-
tant , à voir arriver un émissaire du
tyran pour lui donner la mort, lors-
qu'à sa grande surprise il fut appelé
au commandement de l'armée desti-
née à l'éprimer la révolte des Juifs.
Ce chois s'explique par le besoin
qu'avait Néron tl'un général habile ,
mais dont l'importance politique ne
pût lui porter ombrage. Vespasieu
répondit parfiiteraent à ce qu'on at-
tendait de sa capacité. « C'était,
» dit Tacite, un guerrier infatigable,
» marchant toujours ci la tête des
» troupes , ti'açant lui-même son
» camp , nuit et jour observant l'en-
» nemi, et dans l'occasion combat-
» tant de sa personne, indilférent sur
» sa nourriture , se distinguant à
» peine du moindre soldat par ses
» vêtements et son extérieur ; enfin ,
» à la cupidité près, comparable aux
» anciens généraux. » Il entra d'a-
(')) Aunales, Uv. XVI, ch. 5,
VES
3i3
bord dans la Galilée , s'empara de
plusieurs villes , et fut dignement
secondé par Titus , son lils aîné
{V. Titus, XLVI, iG8 ) , et par
Titus Trajanus, père de l'empereur
Trajan. Yespasien aurait pu dès-lors
former le siège de Jérusalem; mais
il voulait auparavant, faire la con-
quête de toute la Judée, alin de tenir
cette ville formidable pour ainsi dire
cernée de toutes parts; il voulait
d'ailleurs laisser l'immense popula-
tion qui surchargeait celte capitale
se détruire par ses propres dissen-
tions. Ses olilciers étaient d'un avis
contraire : « Notre apparition de-
» vaut Jérusalem , leur dit-il y réu-
» nira tous les partis contre nous ;
» nous pouvons espérer de vaincre
» sans coup férir ; et une conquête
» qui est le fruit de la prudence m'a
» toujours paru préférable à celle
» dontlesarmes onttout l'honneur. »
Le moment était venu où, maître de
tout le pays, le prudent général n'a-
vait plus qu'à couronner ses exploits
par cette dernière conquête , lorsque
la nouvelle de la mort de Néron l'en-
gagea à ralentir ses efforts ( an de
Rome 820 ). Il était si loin de
songer à l'empire pour lui - mê-
me j qu'il s'empressa d'envoyer
Titus, son fils, oll'rir sa soumission
au nouvel empereur; mais la mort
pi'ompte de Galba , suivie de la lutte
engagée entre Othon et Vitellius,
ces deux rivaux également indignes
du troue , inspira aux légions de
l'Orient la pensée de suivre l'exem-
ple des armées d'Occident, qui trois
fois depuis la mort de Néron dispo-
sèrent de l'empire. Mucien , gouver-
neur delà Syrie, égalait, surpassait
peut-être le crédit de Yespasien*
mais loin d'aspirer au trône il aima
mieux en disposer en faveur de son
collègue. Tout conspirait alors à l'c-
3i4 VES
lëvation de la famille des Flayiens :
à Rome, après la mort de l'empereur
Othoii, le préfet du prétoire, Flavius
Sabimis, frère de Vespasieu, se vit
plutôt courtisé par Vitellius^ qu'il ne
le recherchait lui-même : en Egypte ,
en Chypre, en Grèce, les oracles
lie cessaient de prédire les hautes
destinées de Vespasien. Les Juifs ,
enfin, abusant des saintes Écritures ,
à l'exemple de l'historien Josè-
phe, appliquaient à ce vieux général
les prophéties relatives au Messie.
Titus accueillait avec confiance tou-
tes ces prédictions. L'enthousiasme
des soldats était d'ailleurs pour son
père et pour lui le plus sûr des ora-
cles. Dans cette circonstance, Vespa-
sien offrit au monde le spectacle uni-
que d'un homme qui se faisait vio-
lence pour accepter l'empire. Il
voulut que son armée prêtât serment
à Vitellius; et quand il eut prononcé
la formule, le silence fut unanime.
Assez long-temps encore, il résista
aux vœux de toute son armée et de
toutes les provinces de l'Orient. Il
puisait , dans son attachement pour
Sabinus , son frère, dans son amour
pour ses deux lîls , les principaux
motifs de celte honorable hésitation.
Il craignait de les exposer aux dan-
gers d'un projet dont on ne peut sor-
tir que par le succès ou par la mort.
Enfin, dans une assemblée nombreu-
se des amis de Vespasien , Miicien ,
par ses discours , emporta son con-
sentement. Le plan de conduite du
futur empereur fut conçu avec une
haute prévoyance. Titus devait res-
ter en Judée , avec une partie des lé-
gions de l'Orient j Mucien se porter
en Occident , à la tête d'une armée ,
pour attaquer les légions fidèles à
Vitellius j et Vespasien se rendre à
Alexandrie , afin de réduire , s'il en
était besoin, par la famine, l'Italie ,
VES
qui tirait ses subsistances de l'Égyj)-
te. Mais le bonheur surprenant de
Vespasien rendit superflues des me-
sures si sagement combinées. A peine
arrivé dans la capitale des Ptolé-
mées, le nouvel empereur fut salué
par le gouverneur de la province,
qui lui amena deux légions. Cette
proclamation eut lieu le i5 juillet
820 de Rome ( 69 de J.-C. ) , et c'est
de ce jour que Vespasien datait son
avènement. Tandis que Mucien mar-
chait vers le Danube, les légions qui
gardaient ce fleuve, sans attendre
son arrivée , décidèrent la querelle
en faveur de Vespasien. Sous la con-
duite d'AntoniusPrimus, elles batti-
rent, près de Crémone, les troupes
qui , peu de mois auparavant, avaient
donné l'empire à Vitellius ; mais les
détails de cette guerre civile trouvent
plus convenablement leur place dans
la notice sur cet empereur {T^oy. Vi-
tellius (Aulus) }. Si cette révolu-
tion fut prompte, elle ne laissa pas
d'être sanglante : entre autres victi-
mes illustres, elle coûta la vie au
frère aîné de Vespasien , qui était
préfet de Rome. Ce personnage au-
rait pu , après la défaite de Vitellius ,
s'offrir pour chef au peuple , et ter-
miner lui-même la guerre civile en
faveur de son frère. « Il convenait à
» Sabinus , dit Tacite , qu'un frère
» lui dût l'empire -, il convenait à
» Vespasien que personne n'effaçât
» son frère. » Sabinus, soit par jalou-
sie contre Vespasien , soit parce que
le sang et le carnage répugnaient à la
douceur de sou caractère, préféra
traiter de la paix. A la suite de plu-
sieurs conférences , il fit signer à Vi-
teUius un acte d'abdication. La popu-
lace de Rome , les partisans de Vitel-
lius, ne permirent pas à celui-ci
d'exécuter ses engagements. Il se
vit forcé de rentrer dans le palais
VES
impérial. Sabinus fut assiégé dans
le Capitule j et l'incendie de ce
lieu révéré assura le triomphe des
"Vitelliens. Une soldatesque furieuse
traîne le frère de Vespasien de-
vant Vitellius , qui , se rappelant
les généreux ménagements qu'a-
vait eus pour lui Sabinus , pendant
leurs fréquentes entrevues , le reçut
avec bonté; mais il ne put le sauver.
On trancha la tète à l'infortuné con-
sulaire, et son corps fut traîné aux
Gémonies. « Telle fut, dit Tacite,
la fin d'un homme qui certainement
n'était point sans mérite. Il avait
servi trente-cinq ans la république
avec une réputation brillante , à
l'armée et dans Rome. Son équité et
son désintéressement étaient irrépro-
chables ; seulement il parlait trop ,
et durant les sept années qu'il gou-
verna la Mœsie, et les douze ans
qu'il exerça la préfecture de Rome ,
c'est le seul défaut que la voix publi-
que lui ait reproché. Sur la fin de sa
vie, il parut à quelques-uns se com-
porter sans habileté et sans énergie ;
le phis grand nombre vit en lui un
homme modéré , qui voulait épar-
gner le sang de ses concitoyens ; et ce
qui n'est pas contredit , c'est qu'a-
vant l'élévation de Vespasien à l'em-
pire, Sabinus faisait toute la gloire
de leur famille. Sa mort fut agréable
à Mucien; et il est certain qu'elle fut
avantageuse à la tranquillité publi-
que , en ce qu'elle prévint la concur-
rence entre deux hommes , dont l'un
élait le frère , et l'autre se croyait
le collègue de Vespasien. » Le
meurtre de Vitellius suivit de près
l'assassinat de Sabinus. Autonius
Primus était maître de Rome : Do-
mitien , qui depuis le siège du Capi-
tole s'était dérobé à tous les regards,
se montra aux partisans de son pè-
re, dès qu'il n'y eut plus de danger.
VES
3i5
II fut proclamé César, et bientôt
après ^ le sénat décerna à Vespasien
tous les titres de la souveraine puis-
sance , par un décret fameux connu
sous le nom de loi rojale. Cet acte
se trouve en substance dans Tacite j
et pour qu'il ne restât aucun dou-
te sur ce fait, le temps a conser-
vé sur une table qu'on voit encore
au Capitole, un fragment de cette
loi. Le droit d'assembler le sénat,
de soumettre à ses délibérations cinq
objets dans ime seule séance , d'ap-
prouver ou de rejeter ses résolutions,
de proposer pour les emplois civils
et militaires , de prendre toutes les
mesures d'ordre ou d'utilité publi-
que , de déclarer la guerre, de faire
la paix , de conclure les traités, etc. j
tels étaient les principaux articles de
cette loi fameuse. On doit louer Ves-
pasien de n'avoir pas dédaigné de
paraître devoir au sénat une puissan-
ce qu'il ne devait réellement qu'à son
armée. Il répondit à ce décret par
une lettre, dans laquelle, s'expri-
raant avec une dignité modeste , il
promettait un gouvernement doux,
sage et conforme aux lois. Ce langa-
ge contrastait avec le despotisme in-
solent de Mucien , qui commençait
en tyran sanguinaire ce règne dont
Vespasien allait faire bénir les bien-
faits. Pendant toute l'année qui sui-
vit son avènement, le nouvel empe-
reur ne quitta point l'Orient. Mucien,
à Rome , ordonna quelques exécu-
tions sanglantes , que vraisembla-
blement Vespasien présent n'eût pomt
jugées nécessaires. Il fit périr le fils
de Vitellius encore enfant, et Cal-
purnius Galerianus, fils de ce Pison
qu'on avait voulu élever au trône à
la place de Néron ( Foy. Pison,
XXIV, 522 ). Le seul crime de Ga-
lerianus était son nom et les grâces
de sa jeunesse, selon Tacite, qui
3i6
VFS
étaient l'entretien du peuple. Un
auti'e membre de cette famille , L.
Pison , gouverneur dMlrique , fut
encore la victime de Mucien, qui
l'accusait , mais sans preuve , de
vouloir supplanter Vespasicn. Telle
était l'estime qu'on portail au carac-
tère de ce prince , que personne ne
lui attribua la moindre part à ces
mesures cruelles; tout l'odieux en re-
tomba sur Mucien. Il ne tint pis à
cet homme , qui s'arrogeait toute
l'autorité souveraine et n'en laissait
que le litre à Vespasien , que le nou-
veau règne ne fût celui des délateurs
qui remplissaient le sénat. Lorsque
cette compagnie voulut envoyer
vers l'empereur une députation char-
gée de lui remettre tous les pou-
voirs , ce fut en vain qu'Helvidius
Priscus , gendre de Thraséas , pro-
posa que les députés fussent dési-
gnés par les magistrats , et non par
le sort. « Il importe, disait- il, à
» l'honneur de la république et du
» prince, qu'on ne lui envoie que
» des hommes irréprochables. Vcs-
:> pasien a été l'ami de Thraséas et
» de Soranus; s'il ne convient pas de
» punir leurs accusateurs , il convient
» encore moins de les mettre en évi-
» dence dans une occasion d'éclat. Il
» estutile d'ailleurs queleprince soit
» averti, par les choix, du sénat, des
» sujets qu'il doit estimer, et de
» ceux qu'il doit craindre. » Dès
ce moment le sénat devint le théâ-
tre des discussions les plus animées:
les honnêtes gens appelaient sur
les délateurs une vengeance bien lé-
gitime; et Musonius ne la réclama
pas en vain contre Publius Ce-
ler , l'infâme accusateur de Soranus,
son ami. Gurtius Montanus, ainsi
qu'Helvidius Priscus , crurent le mo-
ment favorable pour réclamer le
châtiment d'Aquilius Regulus , le
VES
plus n>échant et le plus impudent,
(les hommes, et d'Eprius Marcel-
lus , le persécuteur de Thraséas ;
mais ces grands coupables restèrent
impunis. Domitien proposa d'oublier
les anciennes animosités, et de jeter
un voile sur le malheur des temps.
]Mucien,dans un long discours, opi-
na plus ouvertement en faveur des
délateurs; a et, selon Tacite, les pè-
» l'es conscrits, après avvirfait quel-
» ques pas vers la liberté , voyant
» l'obstacle , s'arrêtèrent. » La con-
duite de Mucien rendait les Pvo-
mains plus impatients de voir l'em-
pereur. Toutes les circonstances sem-
blaient se réunir pour qu'il leur
devînt plus cher. Il n'était venu à
Alexandrie que pour affamer Rome
et l'Italie, dans le cas où le parti de
Vitellius y triompherait. Loin d'a-
voir besoin de recourir à ce moyen
odieux , il apprit , à son arrivée ,
qu'Antonius Primus , avec lequel il
n'avait aucune liaison , avait vain-
cu jjour lui à Crémone , et l'avait fait
reconnaître empereur dans Rome.
Ainsi il dut son élévation à la guerre
civile , sans avoir eu le malheur de
la faire. Le prompt rétablissement
de la paix dans l'empire lui épar-
gna l'alternative fâcheuse d'un refus
mortifiant ou d'une coupable accep-
tation , lorsque les ambassadeurs de
Vologèse , roi des Parthes , vinrent à
Alexandrie lui offrir , de la part de
leur maître , un secours de 4o mille
hommes de cavalerie. Son premier
soin fut d'envoyer à Rome , soumise
à ses lois , des vaisseaux chargés des
blés d'Egypte. Ces subsistances ne
pouvaient arriver plus à propos ;
car, dans toute l'Italie , il n'y avait
plus de grains que pour dix jours-
La superstition romaine , qui avait
entouré de prodiges le berceau de la
puissance des Césars, ne manqua pas
VES
de consacrer l'élévation desFIariens.
Tacile , qui malgré sa gravité est
quelquefois crédule, raconte , d'après
des témoins oculaires et qui nont
plus , dit-il , d'intérêt à tromper ,
plusieurs prodiges qui annonçaient
la laveur du ciel, et je ne sais quelle
inclination des dieux pour Fespa-
sien. Selon lui, ce prince opéra ,
soit par son toucher , soit avec sa
salive , des guérisons miraculeuses.
Ge fut de la capitale des Ptolémées
qu'il envoya l'ordre de rétablir le
Gapilole qui venait d'être incendié.
La mauvaise conduite de Domitien
tror.blait le bonheur de son père ,
qui se vovait si glorieusement rem-
placé par Titus dans la conduite de
la guerre contre les Juifs ( V. Titus,
XLVI , 170)5 mais bien différent,
Domitien n'usait de l'influence que
lui donnait le rang de son père , que
pour se livrer aux débauches les plus
scandaleuses et aux caprices les plus
déréglés. En un seul jour , il s'avisa
de distribuer plus de vingt emplois
considérables , soit dans la capi-
tale , soit dans les provinces. Vespa-
sien , habitué à manier l'ironie , écri-
vit à son fils, en le remerciant de
ne lui ai'oir pas encore envoyé un
successeur. Au bout d'une année ( 5) ,
ce jnince, après avoir parcouru l'io-
nie et la Grèce, arriva par mer en
Italie. Tous les ordres de l'Etat l'at-
tendaient comme le restaurateur de
l'empire. On était généralement fa-
tigué de la domination de Mncicn.
Domitien s'était déjà fait connaître
assez pour se faire craindre. Toute
la route , depuis Brindes jusqu'à Ro-
me, éîail bordée d'une foule innom-
brable. Vespasien gagna tous les
(5) Proclame le i". i„;ilcl S9.0 de Rome, il
nVlait pas encore arrivé clans cette capitale le ai
juin 8îi , jour auquel fut posée la première pierre
du Capitole restauré.
VES 317
cœurs par la facilité de son abord,
et ]iar la simplicité de ses manières j
on lui savait gré de montrer, au lieu
du faste d'un empereur, la modestie
d'un magistrat qui se souvenait d'a-
voir eu des égaux. La tâche qu'il
avait à remplir était immense. Tou-
tes les parties de l'administration se
trouvaient dans un désordre allieux:
les prodigalités des règnes précédents
avaient tellement ruiné le trésor, qu'à
son avènement Vespasien lui-même
déclara qu'il ne fallait pas moins de
cinq nuUiards pour assurer l'existence
de l'empire. L'activité, l'économie ,
la fermeté du vieil empereur réparè-
rent tant de maux. Depuis un siècle
le serment militaire et la fidélité des
troupes semblaient appartenir exclu-
sivement à la famille des Césars. La
chute rapide de Galba , d'Othon et
de Vitellius as^ait appris à regarder
les empereurs d'une famille étrangère
à celle des Gésars, comme leurs créa-
tures et comme les instruments de leur
licence. Vespasien, né dans l'obscu-
rité et qui ne tirait aucun lustre de
ses ancêtres , eut besoin d'autant d'a-
dresse que de fermeté pour réprimer
ces dangereuses dispositions. Les
prétoriens d'ailleurs, et les légions
qui jusqu'au dernier moment étaient
demeurées fidèles à Vitellius , conser-
vaient un profond ressentiment de
leur défaite. Il cassa les plus mutins
et réduisit les auti'es à l'observation
de la plus exacte discipline. Quant
aux légions auxquelles il devait l'em-
pire , loin de les flatter par une molle
complaisance, il leur lit attendre
long-temps les récompenses d'usage.
Il réforma , en sa cpialité de censeur,
le sénat etl'ordre équestre, bannissant
de CCS deux corps les sujets indignes,
et les remplaçant par les hommes les
plus recommandablcs ; mais peut-
être nrodigua-t-il trop la prcraic-
P
3i8
VES
re dignité de l'empire, en portant
à quatre mille les familles sénato-
riales. Il créa plusieurs nouveaux
patriciens , et dans cette promotion ,
la dernière dont l'histoire romaine
fasse mention , on cite le vertueux
Agricola qui eut Tacite pour gendre,
Titus Trajanus, illustre général, père
de l'empereur Trajan, enfin Arrins
Antoninus, et Aunius Verus, dont l'un
fut aïeul maternel de l'empereur An-
tonin, et l'autre, de Marc-Aurèle.
Comme le cours de la justice avait été
long-temps interrompu, les tribunaux
se trouvaient dans l'impossibilité de
décider tous les procès dont ils étaient
surchargés. Une chambre de justice,
nommée par Vespasicn , décida , avec
autant de promptitude que d'équité ,
des contestations que les parties dé-
sespéraient de voir terminer. Il res-
taura les finances entièrement rui-
nées , soit en rétablissant comme
provinces des pays que Néron avait
déclarés bbres , entre autres la Grè-
ce • soit en remettant sur pied les
douanes , dont \ espasien haussa
les droits en même temps qu'il en
ajouta de nouveaux. Il créa aussi
des impôts de la classe de ceux que
les modernes appellent indirects. Les
Romains murmuraient ; ils taxaient
Yespasien d'avarice. Les étrangers
même ne l'épargnaient pas dans leurs
railleries. Les Alexandrins l'avaient
surnommé six oboles ; et ce trait fa-
meux de l'impôt sur les urines, dont
ce prince plaça , dit-on, le produit
sous le nez de Titus , en lui deman-
dant si cet argent sentait mauvais ,
nous paraît une satire allégorique ;
car on ne saurait concevoir la per-
ception d'un pareil droit. Au reste ,
sans ces impôts , il eût été impossi-
ble de rétablir la discipline dans l'ar-
mée, et l'ordre dans l'administration.
Les dépenses énormes que les eiupe-
VES
reurs étaient obligés de faire pour le
peuple et pour les soldats excédaient
de beaucoup les ressources légales.
Les citoyens romains étaient allran-
chis de toute espèce d'impôts : les
tributs ne portaient que sur les peu-
ples conquis ; et quand un empereur
n'était pas à-la-fois économe et ingé-
nieux à se procurer de l'argent, il
fallait qu'à l'exeinpie des Caligula ,
des Claude, des jNéron, il se créât
desressourcespar des condamnations
sanglantes toujours accompagnées de
la confiscation des biens (6;. Ce fut
donc la plus impérieuse nécessité qui
porta Yespasien à se procurer de
l'argent par des moyens qu'ona peine
à concevoir de la part d'un prince
d'ailleurs irréprochable. Sa justice
était vénale ; mais tous les historiens
conviennent que jamais il ne reçut
d'argent pour condamner un inno-
cent, bien qu'il en reçût quelquefois
pour absoudre un coupable. C'était
l'affranchie Céuis , concubine de l'em-
pereur, qui faisait, en sou nom, le
trafic de toutes les faveurs du pou-
voir. Souvent il ne rougissait pas de
s'en mêler lui-même. Un de ses offi-
ciers lui demandait une inteudance
pour un prétendu frère. L'empereur,
suspectant cette parenté , et se dou-
tant bien que la recommandation n'é-
tait pas désintéressée, mande le can-
didat, se fait compter la somme que
celui-ci avait promise à son protec-
teur , et lui donne l'emploi désiré.
L'officier , ignorant tout ce qui s'é-
tait passé, revient à la charge auprès
du prince : « Je te conseille de cher-
» cher un autre frère , lui dit Ves-
» pasien, car celui que tu croyais
» le tien est devenu le mien. » Com-
me il voyageait en litière , le conduc-
(6) Ce fait est élabli d'une manière peremploi-
re daps le Discours préliminaire en tète de ]a tra-
duction de Tacite , par Dureau de Lamalle.
VES
teur s'arrêta sous prétexte qu'une de
ses mules était déferrée : un plaideur
saisit ce moment pour présenter une
requête à l'empereur : celui-ci se dou-
ta du tour: «Combien as-tu gagné à
•0 ferrer ta mule?» dit-il au muletier.
Et il le força de partager. Ce mot
est devenu proverBe. Suétone pré-
tend que Vespasien employait à des-
sein dans les finances des Lommes
avides , afin d'avoir lieu , plus
tard , de confisquer le produit de
leurs exactions. « Ce sont , disait-il ,
» des éponges qu'il faut laisser rem-
» plir , pour les presser ensuite. » Il
faisait en quelque sorte parade de
son amour de l'argent. Les députés
d'une ville étant venus lui annoncer
que leurs concitoyens avaient voté
une somme considérable pour l'érec-
tion de sa statue : « Placez-la ici , dit
V Vespasien en tendant la main ,
» voici la base toute prête. » Cette
parole fut heureusement parodiée
aux funérailles de Vespasien. Un
boulï'ou qui, selon la coutume^ fai-
sait le personnage du défunt , de-
manda : « Combien les frais du
)) convoi ? — Dix mille sesterces ,
» lui répondit-on. — Donnez- moi
» vite cette somme, s'écria le bouf-
» fon, et jetez mon corps dans le
» Tibre. » Le bon emploi que Ves-
pasien faisait de l'argent de son tré-
sor peut, jusqu'à un certaui point ,
lui faire pardonner les moyens hon-
teux dont il usait pour le remplir ('y).
La libéralité d'un grand prince se
montrait dans les monuments qu'il
fît élever ; dans les routes qu'il fit
construire ; dans les secours qu'il
accordait , soit aux villes frappées
de quelque fléau , soit aux famil-
les ruinées par quelque désastre ;
dans les soins qu'il donnait à l'ins-
(7) Mulè partis pplimè «sus est ( Suétone ).
\ES 3ig
truction de la jeunesse, en instituant
des professeurs richement rétribués
par l'Etat ; enfin dans les encou-
ragements qu'il accordait aux poètes
et aux artistes. Parmi les monuments
dont il embellit Rome, on peut citer
un temple érigé à la Paix , un autre en
l'honneur de Claude , à qui il devait
sa fortune , enfin ce vaste et magni-
fique amphithéâtre qui subsiste en-
core sous le nom de Colisée. On a déj à
parlé de la restauration du Capitole.
Pour que nul citoyen ne se crût exempt
de travailler à ce monument , l'empe-
reur lui-même ne dédaigna pas d'em-
porter sur son dos les décombres
qui en obstruaient la place. Ennemi
de la fausse gloire , il fit graver sur
les édifices publics qu'il reconstrui-
sait, non pas son nom , mais celui
de leurs premiers auteurs. Pour de
telles dépenses, il ne connaissait pas
l'économie : il y voyait le double
avantage d'orner la capitale de l'em-
pire, et d'occuper les citoyens pau-
vres. Un ingénieur avait inventé une
machine pour transporter , à peu de
frais, au Capitole, des colonnes d'une
grandeur énorme. Vespasien loua l'in-
vention , récompensa généreusement
sou auteur; mais il ne voulut pas en
profiter : « Il faut, lui dit-il, que le
» menu peuple puisse gagner sa
» vie. » Rien n'était plus modique
que les dépenses personnelles de
ce prince. Il vivait sur le trône des
Césars avec toute la simplicité d'un
soldat : « En quoi il fit voir claire-
ment , observe Dion Cassius , que
quand il avait établi des impositions
sur le peuple, il n'avait point eu
d'autre intention que de pourvoir
aux nécessités publiques , sans cher-
cher à entretenir ses plaisirs. » Cet
esprit d'économie fut le caractère
distinctif des meilleurs empereurs
de Rome , entre autres , d'Auguste ,
320
VES
de Trajan , d'Antonin , de Marc-
Aurèle et de Pertinax. Avare de son
temps , prodigue de sa peine , Ves-
pasieii clait persuade que la vie d'un
empereur doit ê(re une vie toute de
travail; et dès la pointe du jour,
jusque bien avant dans la nuit, il
n^ëfait occupe que d'affaires pu-
bliques. Il ne se borna pas à fai-
re des lois contre le luxe de la ta-
ble et des habillements ; il donna
l'exemple : ses repas , ses vêtements
avaient toute la simplicité' antique.
Ledcsir déplaire et de ressembler au
prince , dit Tacite (8), lit plus que
les lois, les châtiments et la crainte;
et la reforme que Vespasien opéra
subsista encore sous Trajan. Il prit
aussi quelques mesures pour arrêter
l«s excès de cette honteuse déprava-
tion qui , depuis le règne de Tibère ,
avait ête autorisée par l'exemple
du prince. Cependant , tel e'tait le
relâchement de la morale chez les
Romains d'alors , que Vespasien put
passer pour un prince de mœurs sé-
vères , bien que chaque jour , au
retour de la promenade , il eût
coutume de passer quelques instants
soit avec Cénis , sa concubine , soit
avec quelque autre affranchie (9) j
mais ces plaisirs , peu délicats , ne
prenaient jamais sur le temps qu'il
consacrait aux affaires. Ennemi de
tout ce qui indiquait la mollesse , il
re'voqna un jeune officier qui s'était
présenté à lui couvert de parfums :
J'aimerais mieux , dit-il avec indi-
gnation, que vous sentissiez l'ail.
Loin de cherchera dissimuler la mé-
diocrité de son origine , il semblait
la mettre en évidence par son atta-
chement pour certains meubles de
famille , qu'il conservait précieuse-
(8) Annales , liv. III , cli. 55.
(q) Acciibanle aliijunpallacanim ijuus in defunc-
tœlocum Cii;nidi< pliirimaf cnnftitiieral (Suetoiie).
VES
ment , et qui attestaient la pauvreté
de ses ancêtres. Il trouva cepen-
dant des flatteurs pour lui fabriquer
une généalogie qui remontait jusqu'à
Hercule. Vespasien se moqua d'eux ,
et ce fut la seule récompense qu'ils
reçurent de leur adulation. 11 aimait
si peu la pompe des cérémonies, que
le jour qu'il triompha des Juifs avec
Titus , son lils , excédé de la lon-
gueur de cette solennité , il s'écria
avec une franchise pleine de bon-
homie : « Il me sied bien, à l'âge
» où je suis, d'avoir voulu me déco-
» rer du triomphe , comme si cet
» honneur n'était pas au-dessus de
» mes ancêtres et de moi I » Il mé-
prisait tellement la a anité des titres,
qu'ayant reçu de Vologèse une let-
tre avec cette suscription fastueuse :
Arsace , roi des rois, à Flavius
Vespasien , il suivit dans sa réponse
la même étiquette , et écrivit : Fla-
vius J^espasien , à Arsace , roi des
rois. Abordable pour tous ses sujets,
il abolit l'indigne coutume de fouiller
ceux qui approchaient l'empereur :
aucun garde n'interdisait l'entrée de
son palais. Il vivait familièrement
avec les sénateurs , les invitait à
sa table , et mangeait chez eux
sans cérémonie. Il témoigna toujours
la plus grande déférence pour le sé-
nat , et il se plut à conserver au
gouvernement impérial les formes ré-
publicaines. Jamais ces prédictions ^
ces présages sinistres qui, sous les
derniers empereurs , avaient causé la
mort de tant d'innocents , n'eurent
d'influence sur l'esprit de Vespasien.
Ou l'exhortait à se méfier de Métius
Pomponianus , né , disait-on, sous des
astres qui lui promettaient l'empire.
Vespasien, au lieu d'ordonner la mort
de cet homme , comme auraient fait
Claude , Néron ou Vitellius , le créa
consul, et dit à ceux qui cherchaient
VES
à refiraycr : «. S'il devient empereur,
» il se souviendra que je lui ai f.iit
» du bien. » Aucun prince ne fut
moins vindicatif , ni moins sangui-
naire. Les supplices lesplus justement
infliges l'allectaient jusqu'aux lar-
mes. Les combats des gladiateurs ,
spectacle si cher à tous les Romains,
n'avaient aucun cLarme pour lui. Il
dota magnifiquement la fille de Vitcl-
lius. L'affranchi Phëbus qui , sous
Ne'ron , avait offensé Vespasien dis-
gracie, en fut quitte pour une rail-
lerie, quand il se présenta, pour la
première fois , devant Vespasien
empereur. Ce prince ne s'olfensa
jamais de la plaisanterie ; affichait-
on contre lui quelque placard satiri-
que , comme c'était dès-lors l'usage
à Rome, il y répondait par une autre
satire, se défendant avec les mûiics
armes dont il était attaqué. Toutefois
certains philosophes le contraignirent
à des rigueurs bien éloignées de son
caractère : c'étaient des stoïciens qui,
confondant l'esprit de révolte avec
l'amour de la liberté , manifestaient
une aversion décidée pour la monar-
chie, et appelaient de tous leurs vœux
le retour de la république. Fort cir-
conspects sous les tyrans qui avaient
précédé Vespasien , Ils abusaient de
la douceur de ce prince, pour atta-
quer sans cesse par leurs discours sé-
ditieux les fondements d'une autorité
qu'ils auraient dû respecter et chérir.
Vespasien patienta long-temps ; mais
entraîné par les conseils de IMucien ,
plutôt que par son propre ressenti-
ment, il bannit de Rome tous les
stoïciens , à l'exception de Musonius
qui se distinguait des autres par une
conduite décente et réservée. Les deux
plus fougueux, Hostilius et Deme-
trius, furent relégués dans les Iles. Le
premier déclamait contre la monar-
chie, lorsqu'on vint lui annoncer sa
VES âai
condamnation: il n'en poursuivit pas
moins le cours de sa diatribe. Le
second refusa d'obéir j il aifecta mê-
me de se montrer à Vespasien , sans
le saluer : « Tu fais ton possible pour
» que je t'ôte la vie, dit le sage prin-
» ce; mais je ne tue point un chien
» qui aboie. » Il fut pourtant forcé
d'en venir à des rigueurs extrêmes
contre deux autres membres de cette
secte, qui étaient rentrés furtivement
dans Rome. Dlogène , l'un d'eux, osa
invectiver Titus en plein théâtre, sur
sa liaison avec Bérénice : il fut arrêté
et fustigé. Éras , son compagnon ,
croyant eu être quitte pour quelques
coups de verges, imita, surpassa
même l'insolence de Diogène. Il fut
jugé plus criminel que celui dont
l'exemple ne l'avait pas corrigé , et
eut la tête tranchée. L'exil et la mort
du sénateur Helvidius Priscus , gen-
dre de Thraséas, est un des souve-
nirs les plus fâcheux du règne de
Vespasien : on connaît peu les détails
de cette affaire , l'Histoire de Tacite
nous manquant dès les premières
années du règne de ce prince ; on
sait seulement qu'Helvidius Priscus ,
loin d'imiter la conduite noblement
réservée de son beau-père , sembla
par des bravades hors de saison
prendre à tâche d'insulter Vespasien.
Il lui refusait le titre de César :
étant préteur , il ne fit dans ses
actes aucune mention de l'empereur:
il lui résista souvent en face dans le
sénat avec un emportement qui pas-
sait toute mesure. Vespasien se lassa
de tant d'insolence : il finit par
se persuader que tous ces éclats ca-
chaient des desseins coupables con-
tre l'autorité impériale. Mucien , tou-
jours porté aux rigueurs despotiques,
ne manqua pas d'aigrir ces soup-
çons: à la première scène que renou-
vela l'audacietix sénateur , les tri-
21
3^î
VES
buns du peuple se saisirent de sa
personne ; il fut fait contre lui une
procédure dont on ignore les détails,
mais qui se termina par la déporta-
tion de l'accusé. Vespasien envoya
ensuite l'ordre de le tuer. Il s'était fait
violence pour en venir à cette extré-
mité; et bientôt il révoqua son ordre;
mais on lui fit croire qu'il était trop
tard , et Helvidius fut exécuté. Un
acte du règne de cet empereur qui
n'admet aucune apologie , c'est la
rigueur cruelle dont il usa envers
Epponine et Sabinus ( F. Epponinjl,
XIII, 217). Il versa, dit-on, des
larmes en prononçant la mort de
celte héroïne de l'amour conjugal^
et celle de son époux : il n'en est
alors que plus blâmable de n'avoir
pas, dans cette circonstance, con-
sti!té son cœur, plutôt qu'une politi-
que malentenduc. Ici, l'on ne peut
pas dire que Vespasien ait cédé aux
suggestions de Mucicn : ce général
était mort peu de temps auparavant.
La longanimité du prince avait été
plus d'une fois mise à l'épreuve par
ce sujet puissant , qui, prétendant lui
avoir donné l'empire, agissait d'égal
à égal avec Vespasien, qui voulait
bien le souffrir. La reconnaissance
était chez lui plus forte que le senti-
ment même légitime de sa dignité. Il
n'adressa jamais à Mucien qu'en se-
cret des reproches trop mérités : aux
yeux du public, ;il ne cessa de le
conabler de marques d'estime et d'af-
fection. Trois fois il le décora de la
pourpre coBsulaire.Ces relations avec
Muciou sont peut-être ce qu'il y a de
plus honorable dans la vie de Ves-
pasien : car trop d'exemples prou-
vent que des princes d'ailleurs esti-
mables n'ont jamais pu souffrir, dans
im sujet à qui ils devaient le tronc,
des prétentions a une reconnaissance
égale au bienfait. Il reste à indiquer
VES
les événements généraux du règne di"
Vespasien, et qui par conséquent ap-
partiennent à l'histoire. Ou y compte
trois guerres : 1°. celle des Juifs,
commencée sous Néron , et terminée
par Titus , l'an 82a de Rome , 7 1
de J.-C; 20. celle des Bataves et
des Gaulois, ayant pour chef Civilis
(/^. GiviLis {Claudius) ,Ylll, 5S'] ),
et qui , grâce à l'habileté de Cé-
réalis ( Fo^. Géréalis ( Petilius ) ^
VII , 534 ) , général de Vespasien ,
se termina par la soumission de ces
peuples ( an de Rome 821 , de J.-G.
70 ). Enfin l'expédition d'Agricola
( V. Agricola ( Cnœus Julius ), I ,
3o8 ) , dans la Grande-Bretagne j
commencée la dernière année du rè-
gne de Vespasien, et qui fut acheA'ée
l'an 85 de J.-G. , sous Domitien.
Sans parler de la soumission de la
Judée , Vespasien réduisit en provin-
ces romaines la Gomagène, partie
septentrionale de la Syrie , la Ly-
cie , la Pamphylie et la Cilicie , qui
formaient le royaume d'Antiochus
( an -js de J.-G.). A l'occasion de
quelques troubles qui s'élevèrent dans
la Grèce, que Néron avait rendue à la
liberté, Vespasien réunit pour jamais
ce pays à l'empire, et déclara que les
Grecs avaient désappris' à être li-
bres. Il traita de même Rhodes ,
Samos et les îles de la mer Egée ( an
de J.-G. 73 ). Ce prince avait dé-
passé sa soixante-neuvième année ,
et sa verte vieillesse semblait lui pro-
mettre encore d'assez longs jours ,
lorsqu'il fut attaqué de la maladie
qui le conduisit au tombeau , non
par de vives souffrances , mais par
un airaibiissement progressif. Con-
servant jusqu'au bout sa sérénité d'a-
me , il tournait en plaisanterie et les
présages , dont par un zèle malen-
tendu ses serviteurs cherchaient à
l'effrayer , et l'apothéose qui allait J
VES
Jui être décernée. « Je m'aperçois
» que je commence à devenir dieu , »
disait-il gaîment, à mesure que sa
situation devenait désespérée. IMalgré
son extrême langueur , il n'interrom-
pit pas un instant ses occupations ac-
coutumées : il vaquait aux afl'aires , il
donnait audience dans son lit; enfin,
se sentant défaillir , il fit un dernier
effort pour se lever _, disant qu'il
faut qu'un empereur vieure debout ;
puis , s'étant fait habiller , il ex-
pira entre les bras de ses officiers ,
le ^4 juiii de l'an de Rome 83o ( -yg
de J.-C. ) , après un règne de dix
ans. Il fut j depuis Auguste , le pre-
mier empereur qui ait réconcilié
avec la monaixliie le peuple ro-
main , fatigué de cinquante-six ans
de tyrannie. Seul entre les douze Cé-
sars, il finit de sa mort naturelle
( car celle d'Auguste même n'est pas
sans soupçon de poison )• seul enfin
il eut son fils pour successeur. Ou
possède plusieurs médailles et des
bustes de ce prince : il avait dans
les traits une contraction permanen-
te qui lui donnait l'air d'un homme
qui fait de violents dVorts. Suétone
rapporte à ce sujet une anecdote qui
prouve à quel point Vespasien tolé-
rait la plaisanterie ; mais on ne sau-
rait reproduire convenablement un
pareil trait dans notre langue (lo).
Outre Suétone , Dion Cassius, Auré-
lius Victor et Paul Or ose , ont écrit
avec plus ou moins de sécheresse le
règne de Vespasien. Ou peut lire sur
ce priuce une savante dissertation de
A.-G. Cramer , intitulée : D. Fespa-
sianus , sive de vitd et legisiatiùne
T. Flavii Fespasiani imp. com-
inentarius. D — r — r.
(»o) Slatuli fiiil quntlrali.. . . vullu veluti ci-
tentis. Undè quid^mi urbaiiorum non infacctè , si-
qnldernpetenti nt et iii se aliquid diccrel; fiicam,
iiiquil, f/iiitni lenliem çxuneraie drsieiis ( Suct.
VES 3a3
VESPUCCI ou VESPUCE. F.
Améric.
VESÏRIGIUS SPURINNA, gé-
néral et poète lyrique du premier
siècle de l'empire. Pendant la guerre
civile d'Othon et de VitelJius , il fut
chargé de défendre Placentia (Plai-
sance) contre Cécina^ lieutenant du
premier de ces princes ; et il déploya,
dans cette occasion, un courage et
une adresse rares. Cécina , repoussé ,
leva le siège, et rejoignit la seconde
aile de l'armée , commandée par Va-
lens. Sous Trajan , Vestricius se
distingua dans la Germanie , et réta-
blit dans ses états un roi des Bruc-
tères , chassé par ses sujets , et
qui était venu demander du se-
cours aux Romains. Ce succès lui
valut les insignes du triomphe et une
statue. Pendant ses instants de loisir,
il se livrait à la littérature^ et com-
posait des vers en grec et en latin.
Pline le Jeune ( iiv. m , Lettr. i )
vante la douceur et la gaîté de ses
poésies lyriques. On pense que c'est
a lui que Quintilien fait allusion dans
ces mots qui suivent l'éloge de Cas-
sius Bassus : « Les génies contempo-
rains le surpassent de beaucoup. »
On attribue vulgairement à Spurinna
quatre Odes, que Gaspard Barth pré-
tendit avoir trouvées à Rlarbourg ,
dans un vieux manuscrit , et qu'il
publia , en i6i3 , dans sa Collection
des Poetce latini venaiici et hucoli-
ci. On a soupçonné ce savant d'en
être l'auteur, et d'avoir voulu ainsi
mystifier le public : mais il semble
certain que Barth n'est coupable que
de s'être trompé, et que la découver-
te dont il se glorifie est bien réelle.
Resterait à fixer l'âge de ces quatre
morceaux. Nous pensons , que sans
être du siècle de Vespasien , ils re-
montent à une assez haute antiquité.
C'est du moins ce qu'indiquent les
334
VES
Lellciiisincs qui s'y rencontrent assez
fréquemment , et que les poètes bar-
bares du moyen âge n'ont jamais
connus. P — ot.
VESTRIS (Gaetano - Apoline-
Balthazar), célèbre danseur, na-
quit à Florence le i8 avril 1729.
Son vrai nom de famille était Vestri.
Étant foi't jeune , il reçut à Paris des
leçons du fameux. Duprc, et ne tar-
da pas à faire briller les plus heu-
reuses dispositions. Son début à l'O-
péra, en 1748, lui valut de nom-
breux applaudissements. Il fut reçu
en i''49' ^^ devint, en 1753, mem-
bre de l'académiede danse, qui avait
clé fondée par Louis XIV ( i ). De
fréquentes excursions à Stuttgard, où
le grand -duc de Wirtemberg avait
nn beau tbcàtre, procurèrent au jeu-
ne Vestris les moyens de s'exercer
avec une liberté qu'il ne trouvait pas
toujours à l'Opéra de Paris. Ses pro-
grès furent tels, qu'à la rctraitedcDu-
pré, il fut jugé digne de rcjuplaccr ce
fameux danseur, et qu'on le surnom-
ma à son tour le Dieu de la danse ,
litre que, dans l'ingénuité de sou
amour- propre, il se donna bientôt
lui-même, en prononçant toutefois
ces mots avec un accent italien, dont
on s'est plus d'une fois moqué. L'au-
teur du poème de la Déclamation
crut devoir jiayer son tribut d'éloges
au Dion dé la danse ; mais ce ne fut
pas sans l'cstriction :
Vcstriç, par le fini , le brillant de sps pas ,
Nous rappelle son maître et ne l'cclipse pi».
Noverre cependant accorde à Vestris
quelque avantage sur le grand Dupré.
« Il égala, dit-il, son maître en per-
fection , et le surpassa en variété et
eu goût. » Tout en admirant jusqu'à
l'enthousiasme les talents de Vestris,
qu'on appelait aussi le beau Fcstris,
(i) Ella u'esùte pku.
VES
parce que la nature l'avait doue' d'u-
ne riche taille et d'une figure noble ,
les habitués de l'Opéra ne se faisaient
aucun scrupule de le railler sur la
haute opinion qu'il avait de son mé-
rite. On prétendait qu'il se mettait
sans difficulté au nombre des trois
grands hommes du siècle; et même
que dans cet illustre triumvirat il
s'adjugeait la première place ( moi,
Voltaire et le grand Frédéric). On
ajouta qu'ayant un jour été applaudi
avec transport, il donna majestueu-
sement sa jambe à baiser à un jeune
élève qui lui exprimait une sorte d'a-
doration. Laharpe enfin rapporte
l'anecdote suivante, au sujet d'une
représentation au profit de la Capi-
tation. a II s'y passa une scène assez
» amusante. Le duc de Bourbon ar-
» riva au moment où Vestris dansait,
» On reçut le prince , qui est très-ai-
» mé, avec des battements de mains
» multipliés. Vestris prit pour lui
» tous les applaudissements, et rc-
» doubla ses ell'orts d'une manière si
» marquée^ que le public s'en aper-
» çuteten rit beaucoup. Vestris mê-
» me était si animé, qu'il dansait en-
» core après que les violons eurent
» cessé. » Ce grand homme du siè-
cle avait le titre et les émoluments
de maître de ballets; mais ses com-
positions chorégrajdiiques n'eurent
jamais beaucoup d'importance. Re-
tiré, en 1781, avec quatre mille cinq
cents francs de pension , il mourut à
Paris, le 27 septembre 1808, lais-
sant pour héritier de son nom et de
sa gloire un fils (2) , qui, après avoir
été à son tour le plus habile danseur
de l'Europe, est aujourd'hui pen-
sionnaire de l'académie royale de
musique. Vestris le père avait épou-
[■/. Au^uslt Vestris, pins connu d'aliord sous le
nom (le VcsIr'Allard , parce qu'il avait pour mère
Ml'<-\ Allard, daii.seuse du plus graud lucriie.
VES
se la ileinoiscilc Heïnel ( Aune - Fré-
dcriqne), dont les talents faisaient
les délices de la capitale. Novcrrc
parle de cette dame en termes flat-
teurs. « Elle ctoiina , dit- il , la ville
» et la cour. Le si'clte de ses con-
» tours , les charmes de sa figure , la
M perfection et la noblesse de sa dan-
» se, lui mëritci-ent de justes applau-
» disscments. » C'était surtout dans
le geme grave qu'elle éclipsait la plu-
part de ses rivales. Son talent avait
en cela beaucoup de rap])ort avec ce-
lui du célèbre danseur dont elle e'tait
la femme et l'élève. M™'=. Hcïnel-Ves-
tris était ne'e à Barcutli le 28 dé-
cembre 17 5?. Elle avait débuté à
l'Opéra le 20 février 1768. Elle mou-
rut en 1808, quelques mois avant
son mari. F. P — T.
VESTRIS (Marie -Rose Gour-
GAUD -DuGAxoN ) , actricc de la Co-
médie Française, née en 174^, était
fdled'un comédien , qui , ayant débu-
té avec quelque succès à Paris , dans
les valets, n'eut point assez de cré-
dit pour obtenir un ordre de ré-
ception. Elle avait pour frère l'ac-
teur comique Piigazou ( F. son arti-
cle), et pour sœur, une actrice du
même nom, qui joua quelque temps
au Théâtre Français les rôîcs de sou-
brcltes.Labeautéetî'espritdelajcîîne
Dugazon la firentrechercheren maria-
ge par un acteur médiocre de la Comé-
die Italienne ( Paco Vestris ) , qui
était frère de Vestris , l'im des plus
fameux danseurs de l'Opéra ( Foj.
l'article précédent ) ; et elle était
déjà mariée lorsqu'elle obtint l'or-
dre de débuter à la Comédie Fran-
çaise. Ce fut le 19 décembre 1768
qu'elle y parut pour la première fois.
Elle joua successivement les rôles
d'Aménaïde , d'Ariane , d'Idamé ,
de Zaïre ; et clic y obtint le plus
brillant succès , ainsi que dans
VES 3i5
1>lusieurs rôles de la haute comédie,
^c duc de Choiseul , alors ministre ,
lui fit, à cette occasion, présent d'u-
ne robe magnifique, qui donna lieu à
plus d'une conjecture , dont nous
n'avons point à vérifier la solidité.
Eeçue en 1 769 . elle continua de jus-
tifier l'accueil bienveillant du public;
mais des querelles extrêmement vi-
ves qu'elle eut , quelques années
après, avec la demoiselle Sainval aî-
née , sa rivale , lui firent éprouver
de nombreux désagréments. Il s'a-
gissait de plusieurs rôles, sur lesquels
ces deux actrices avaient d'égales
prétentions. L'autorité, et particu-
lièrement le duc de Duras, ])remier
gentilhomme de la chambre, prirent
parti pour ]M'"«. Vestris. Le public se
mêla de l'a (Taire , et soutuit la cause
de ISV^". Sainval. Enfin celte derniè-
re succomba , et reçut »n ordre
d'exil, qui ne servit qu'à envenimer
la haine de ses partisans contre
l'actrice triomphante. ]M™'=. Vestris
paya cher cette victoire. Il ne lui
fallut rien moins que toutes les res-
sources de son talent, pour lui fai-
re recouvrer, à la longue, la faveur
publique. Elle eut aussi , en 1783 ,
avec iiV^\ Sainval cadette, des dé-
mêlés auxquels le public prit beau-
coup d'intérêt. Il existe des lettres
imprimées de ces deux actrices ,
dont une fort injurieuse, et un mé-
moire à cousulter parlM^^''. Sainval,
qui est appuyé du sufTrage de Tron-
çon du Coudray. Il serait inutile de
raconter ici la part qu'elle fut en quel-
que sorte forcée de prendre aux dis-
sentions de la Comédie Française ,
dans les premières années de la révo-
lution. Elle suivit, dans ces circons-
tances, l'exemple de son frère Du-
gazon , qui passa, comme on sait,
au théâtre du Palais- Royal f plus
connu doDuis sotis le nom de Théâ-
3iG
VES
Ire de la Republique ) ; puis elle fut
comprise dans la réunion opcrcc par
k gouvernement, en 17095 et elle
mourut à Paris le 6 octobre i8o4,
peu de temps après avoir pris sa re-
traite , que l'airaiblissoment de ses
moyens avait rendue indispensable.
Peu d'actrices modernes ont établi,
ou, comme disent les comédiens, ont
crée plus de rôles tragiques. Leniic-
rc lui confia le rôle de la Veuve du
INIalabar ; De Belloy ccu\ d'iMiplié-
mie , dans Gaston et Hayard , et de
Gabriclle de Vergv; Cliamplort ce-
lui de lloxelanc, dans iMustapha et
Zéangii-; ^ oltaire celui d'Irène (i) ;
Diicis ceux d'Alceste , d'Helmonde
et de Frédégonde; Laliarpe ceux de
Melpomcne, dans les Muses rivales j
de Jeanne de Na|)les et de Vélurie;
Chénier ceux de Catherine de Médi-
cis, dans Charles IX, et d'Anne de
I)Ou!en, dans Henri VIII ■ et Legou-
véenlin , celui de Jocaslc, dans Etéo-
cle et Polynice. Le prodigieux ellet
qu'elle produisait dans l'agonie de
Gabrielle de Vergyestuu des faits les
plus remarquables dans les annales
du théâtre. Elle contribua beaucoup
aussi au succi-s do Macbeth , par la
beauté de sa pantomime, dans la
scène fantasmagorique , où Frédé-
gonde endormie va égorger son pro-
pre llls. M"'^. Vestris était d'une tail-
le moyenne , qu'elle savait rendre
imposante. Ses gestes avaient de la
grâce et de la noblesse 5 et la beauté
de ses bras trouvait encore plus d'ad-
mirateurs que celle de sa ligure. Sa
voix était assez sonore; mais lui gras-
saiement un peu âpre gâtait sa belle
prononciation. Du reste, elle avait
(i) Ce fut au suiel Jes corrections qne Vollairf
avait faites à ce râle , !iur la dnoande de l'actrici-,
i{ue cet haminc cclcbrc dit & M"*". Vestris : / om
t) irez, Madame ^ que j'nt Irayadlé pour vous toute
la nuit cunime nn jeune honimv.
VET
beaucoup d'art et de force • et il était
aisé de reconnaître les leçons de son
maître Lekain , dans les savantes
combinaisons de son jeu théâtral. Le-
kain malheureusement n'avait pu lui
donner sa sensibilité vive et pénétran-
te. Dans les dernières années de sa vie,
]Vjmc_ Vestris, qui avait joué avec
tant d'énergie ce qu'on nomme les
rôles cornéliens, n'avait plus conser-
vé de son beau talent qu'une correc-
tion froide et monotone. Cette actri-
ce recevait habituellement chez elle
des hommes de la plus haute distinc-
tion. La société des gens de lettres
avait orné son esprit; et on la citait
pour le bon goût de ses manières.
F. P— T.
VETERANI (le comte Frédéric),
l'un des meilleurs capitaines du dix-
septième siècle , était né dans le du-
ché d'Urbin vers i05o. Ayant em-
brassé jeune la profession des armes,
il entra colonel de cavalerie au ser-
vice de l'empereur Léopold, et se
distingua dans la guerre contre les
Turcs, en Hongrie. Ses talents rele-
vèrent au grade de feld-marécbal; et
dans la campagne de i(38(), il par-
tagea le commandement de l'armée
autrichienne. Le 9.0 octobre, il délit
le grand-vézir, qui marchait , avec
vingt cinq raille hommes , au secours
de Scgedin , et par cette victoire,
hâta la reddition de cette place im-
portante. Après un grand nombre
d'exploits, Veterani trouva la mort
des braves sur le champ de bataille,
en 1G95. A de grands talents mili-
taires il joignait beaucoup de désin-
téressement et une fidélité inviolable
à ses devoirs. Il avait laissé des Mé-
moires, écrits en italien , sur la
guerre de Hongrie , de i()83 à
i(j()4. Ils ont été publiés, pour la
première fois, à Leipzig, en 1771.
■ W— s.
VET
Vl'TRANlOjN , cm|)fmir, était
ne d:iiis la Hautc-Mœsic , triiiic fa-
mille (ibscnrc. Son éducation avait
e'ie lellonient ncp;ligc'c qu'il ne sut
jamais lire. Ayant choisi la piofcs-
siou des armes, il s'clcva , par sa
valeur , jusqu'au commandement
de la Pannonie. Vieilli dans les
camps , il avait contracte toutes
les liabiludes des soldats , qui l'ai-
maient comme leur père. Ayant
appris que Constant avait etc massa-
cre par Magnence ( V. ce nom) , il
jugea l'occasion favorable ]iour se
rendre lui-même indépendant , et se
lit décerner le titre d'Auguste, à Sir-
mich , le i^''. mars 35o. Aussitôt il
envoya des députes à Constance ,
alors occupe' contre les Perses, pour
bii faire part de son élection. Vetra-
nion lui annonçait (pi'il n'avait pris
le titre d'empereur que pour conser-
ver les provinces dont la garde lui
était coudée ; qu'il ne se reganlail
que connue son lieutenant , et finis-
sait jwr lui demander des secours
poiu' rdsister à Magnencc , leur en-
nemi commun. Constance , force de
dissimuler , feignit d'approuver la
• ouduilc de Vctratiion , et donna
l'ordre aux légions de Pannonie de se
réunir sous ses drapeaux. Cependant
Vctranion crut devoir se rapprocher
de Magnence , et ils envoyèrent de
nouveaux députés à l'empereur pour
l'engager à les confirmer l'un et
l'autre dans la possession des pro-
vinces qu'ils avaient usurpées. Ins-
truit que Constance s'avançait vers
la Dacic, à la tète d'une puissante ar-
mée , il voulut lui fermer le déllléde
Sucqucs; mais il fut prévenu par
l'empereur, et ne ]iouvant lui résister,
il s'abandonna a ses promesses. Les
deux armées se réunirent , et pendant
quelques jours , leurs chefs parurent
vivre dans la meilleure intelligence.
VKT 35t7
Le u5 décemljre, les detix empe-
reurs se rendirent ensemble dans la
jtlaine de Naisse , el se ]>Iaccrent
sur le même trône ,' au milieu du
camp. Alors Constance harangua les
troupes , séduites jiar ses largesses ,
et termina son allocution en décla-
rant : Que l'état ne peut être tran-
quille qu'avec un seul maître. Les
soldats aussitôt proclament Cons-
tance seul Auguste , et veulent fon-
dre sur Vetranion, jioiir le mettre en
pièces. Celui-ci, tout tremblant, se
jette aux pieds de Constance, et se
hâte de lui remettre le diadème el la
pourpre. L'empereur le relève , et le
prenant par la main pour le garantir
delà fureur des soldats, le conduit
dans sa tente , où il le fait asseoir à
sa table. Dès le lendemain , le vieux
géuéral partit jiour Priise , dans la
Bithynic , comblé des bienfaits de
l'empereur , et y coula ses jours dans
ruj)iilence. Loin de regretter le trône,
il lit souvent remercier l'empereur
de l'avoir allranchi de cet esclavage
qu'on nomme souveraineté ; l'enga-
geant, de bonne foi, à goûter lui-
même un bonheur qu'il savait pro-
curer aux autres. Vetranion était
chrétien. L'histoire loue sa piété et
sou immense charité pour les pau-
vres. 11 termina sa longue carrière
vers 350. Les médailles de ce prince,
qui n'avait porté la pourpre que dix
mois , ne peuvent être que très-rares ;
mais on en connaît dans tous les mé-
taux, /^qx. l'ouvrage deM.Mionnet,
Dudegréde rareté des Médailles ro-
maines , pour l'indication des revers
les plus recherchés des curieux.
W— s.
VETRONIUS-TURINUS, courti-
san de l'empereur Alexandre-Sévère,
n'est connu dans l'histoire que par
le châtiment qu'il subit pour avoir
abusé de la faveur prétendue de ce
33vS
VET
prince*. Ilouoré de la confiance d'A-
ioxaudre, il jouissait du privilège de
l'cutrclenir quelquefois eu particu-
lier. Exap;craut sou crédit, il tira des
sommes d'argcut de diOérenles per-
soDoes auxquelles il promettait d'aji-
puver leurs demandes auprès de
l'empereur. Alexandre, ayant eu qiiel-
(|iics soupçons de la conduite de
Velronius , voulut les eclaircir , et
s'ctant convaincu qu'il était réelle-
ment coupable le condamna à mort.
Ce luallicnreux fut attache à un po-
te.in , entoure de bois vert et de
j)aille mouillée, et on y mit le feu,
tandis qu'an héraut criait : Le ven-
deur (le fumée est puni par la fu-
mée. Le supplice de Velronius ,
rapporte par Lampridc ( fie d'A-
lexandre - Sévère ) , eut lieu vers
l'an 9.3o (i). \V — s.
\ ITTER (liOtis-RoDoi-PHE) , ne
à karlsberi; en Carintliie le uS août
1 765 , exerça d'abord la médecine à
^ icnnc, et fut nomme j)rofesseur de
physiologie etd'anatomic à l'univer-
bitcdc Cracovicj où il mourut le 10
oct. 180G, On a de lui : I. Descrip-
tion de tous les vaisseaux et nerfs
dans le corys humain, \ ienue, 170;),
in -8". 11. ^Youvelle doctrine sur les
muscles dans le corps humain, ^ icn-
nc, «7()i, in-8". m. y oui'elL; mé-
thode pour guérir les maladies hon-
teuses, Vienne, 1793 et i8o4, in-
8". IV. Leçons sur la physiologie ,
Vienne, 1794 et i8o5, 2 vol. in-8".
V. Aphorismes tirés de l'anatomie
pathologique , ^ ieune, i8o3, in-8''.
(>es cinq ouvrages ont paru en alle-
mand. I.c dernier, dans le(|uel l'au-
teur ramène les phénomènes de l'ana-
tomie pathologique à im corps de doc-
trine régulier, est celui qui lui a fait
( i^ r.t iioD p*i »io. ciimiiie le dit le Dirlionnai-
te ""/.• /<<-/, (niisqii'AleiaiidrcSpirTe av moula
»ur le IrOue qu'en »i ( /'. ALEXANDRE, I, 5ii).
VET
le plu.s d'honuenr. VI. De plicd se-
milunari in cor dis humani atrio si-
nistre nuperrimè détecta , Craco-
vie, 1804, in-8°. G — v.
VETTORI ou VITTORI (LÉo-
^ELLE ) , célèbre médecin italien , éga-
lement comiu sous les noms de Fic-
torius , de Fictoriis , ou Leonellus
Fat'entinus , c'tait ne, vers le milieu
du quinzième siècle, à Faenza dans
la Romagne. S'ctant établi , dans sa
jeunesse, à Bologne, il ne tarda pas
à méiJter le premier rang parmi les
médecins de cette ville. Dès i473,
il y professa la logique, la philoso-
phie et l'art médical , avec un succès
extraordinaire. Il mourut en i5'j»;o,
et fut inhumé dans l'église Saint-Do-
muiique. I/Alidossi (Z>«£for. Bolo-
gnes., luç),; cite ce professeur avec
clogc. Outre un Commentaire sur le
neuvième livre de Razi à Almanzor ,
qui contribua bcar.coup à sa célébri-
té ( Voy. Astruc, Malad. des fem-
mes ), on a de lui : 1. De a-griludi-
nibus infantium tractatus , lugols-
tadt, I 'JJ4 , in-8". 11. Praclica mc-
dicinalis , ibid. , i545, in - 4'*- Ces
deux Traités , publiés avec des notes
et des additions, par J. Kufncr, ont
été réimprimés plusieurs fois , dans
le seizième siècle , en France et en
Italie. Ils paraissent peu dignes au-
jourd'hui de la grande réputation de
leur auteur. Elevé dans une admira-
tion superstitieuse pour la doctrine
des médecins arabes, Vcttori n'a pas
su tirer le moindre avantage de la
lecture des médecins grecs , dont les
écrits commençaient à se répandre,
de son temps , en Italie. C'est à Triu-
cavelli [Foj. ce nom) qu'il était ré-
servé de remellre en honneur la doc-
trine d'Hippocrate et de ses disci-
ples, eu la prenant pour base de ses
leçons. — Vettori ( Benoît )» neveu
du précédent , et comme lui médecin,
VET
tînt cire envoyé fort jeune à Bolo-
gne, pour y suivre les cours de son
oncle, qui, selon toute apparence,
iiiî son premier maître. Ayant acquis
de bonne heure la réputation d'un
des meilleurs ])liilosopiies et des pitis
liabilcs médecins de son temps , il
fut a])peiedans les principales vdies
d'Italie, et y développa , dans l'exer-
cicedcson art, des talents supérieurs.
1! nous apprend lui - même qu'en
i534 il professait la médecine à l'a-
cadémie dePadouc ( i ). Six ans après,
il revint occuper une chaire à l'école
de Bologne , et sut faire proliter ses
élèves des observations qu'il devait
à une longue pratique. 11 j)artagea
les dernières années de sa vie entre
renseignement et la rédaction de ses
ouvrages , et mourut en 1 5(3 1 , âge de
quatre-vinglsans,èfant ne en l/|8i ,à
l*'acnza. Outre des Commentaires sur
les prognostics et les aphorismes
d'Hipnocrate, on a de ce médecin :
I. Compcndiiim de dotibus medici-
nuruin , l'adoue , 1 55o , in-8". ; réim-
prime dans un recueil d'Opuscules
sur le même sujet. II. Liher d/f mor-
ho pallie V ; huic anncctitur de cii-
ralioue phurilidis per sangtiinis
missionem liber ad Hippocratis et
Guleiii scopum , Florence , Torren-
tino, i55i , in-8^*. , avec 9 planch.,
belle et rare édition. L'ouvrage de
Vettori, sur le mal véne'rien , n'est
guère, suivant f»l. Poital {Jlist. de
l'analomie), qu'une paraphrase du
fameux Poème de Fracastor {F. ce
nom \ Il condamne, comme dange-
reux., l'emploi du merruie dans le
traitement de cette maladie; prescrit
les bains , la diète, un régime adou-
cissant. Ou trouve un extrait de cet
(i^ Ala lin de so!i traite Ve ••nmitnii- jileiir,U<li<.
(.C|>eiiilaut Pap.Tclippoli n'a fait aucune lucutiuu da
ce [>^olV»^eur d^iu .«on Jlislori^ gjmnas. Pata-
vini.
VET i-yx)
ouvrage daiis le recueil de Liiigini :
De morbo gallico omnia quce ex tant
( r. LuiGiM ) ; et Astnic eu a donné
l'analyse dans son Traité De morbis
Fenereis , \\\ , pag. 7 1 7 (-2}. 111. Mc-
dicinalia consilia ad varia morbo-
rum gênera , Venise, i55i , iu-4".,
ib. , 1 557 , iu-8". IV . Kmpyriea me-
dicina de ctirnndis //lor/^/i^ ibidem,
i555, in-8". Cet ouvrage, réimpri-
mé huit oudi\ fois , dans le sci/.ième
et même dans le dix-sejitiènie siècle ,
est celui qui fait le moins d'honneur
à Ben. Vettori. Il s'y montre trop
persuadé des propriétés médicales
que l'ignorance du vulgaire attribue
à certaines plantes et à divers com-
posés de matières animales. V. Prac-
tica magna de curandis morbis,
ibid. , rôOa, in-fol., 1 vol. Ce re-
cueil peut encore être consulté utile-
ment par les praticiens. W — s.
VETTORI ou VITTORIO (Fran-
çois) , médecin , était né , vers 1 485,
à Bergame. Après avoir appris de
son père, assez habile instituteur , les
premiers éléments des langues, il alla
continuer ses études à l'académie de
Padoue, et y lit de rapides progrès
dans tontes les sciences, mais parti-
culièrement dans la médecine. Il était
doué d'une mémoire si prodigieu-
se, que ses condisciples l'appelaient
Francesco délia Memoria. Nommé
professeur de philosophie à l'acadé-
mie de Padoue , il remplit cette chai-
re avec distinction , et employa ses
loisirs à la culture des lettres, sans
négliger la médecine, quoiqu'il ne
soit pas certain qu'il ait pratiqué cet
art. Outre des Coinmcntaircs sur
(a) Tous les bibliographes citent comme une
première édition de cet ou>Tagc l'opuscule De
moHio gallicn ^ iinpriuic sous le in>m de Vettori
dans un lirciieil sur celte matière, Jijle, i53ti , in-
4°. Mais Vettori déclare que rcl opuscule n'c-t
poiut de lui, et <(u'il n'a pu lui être atlribné que
par erreur, puisqu'-'Érepoque d- la puMicalion de
eo rot.Mieil il n'avait encore i iea écrit »ur ce snji t.
33o
VET
Platon, il en avait compose sur les
OEiivres de Galien et des autres raé-
dccins , qiii nous sont parvenues ;
mais tous ses manuscrits lurent dé-
truits, avec sa bibliothèque, dans
l'incendie de la maison qu'il habi-
tait, au mois de février i5i4 (O-
Cet accident n'abattit point son cou-
rage : il entreprit de le rc'parer; et
il est probable qu'il avait fort avan-
ce la traduction latine de Galien,
avec des notes, lorsqu'il écrivit à
Sadolet que son intention était de se
démettre de sa chaire, et d'aller à Ro-
me solliciter du souverain pontife
des secours pour l'impression de son
ouvrage. Sadolet le détourna de ce
projet. Quelques auteurs prétendent
«(ue Vettori passa de la chaire de
philosophie à celle de médecine théo-
rique ; mais on n'en trouve aucune
trace dans les registres de l'académie
de Padoue. Il mourut en cette ville >
non en i5'i3 , comme le dit Papado-
poli ( Ifist. pjmnas. Patavin. , i ,
•îÇ)i ) , mais au mois de février 1 5iS.
Vettori dut à ses talents l'amitié du
lie inbo , de Sadolet et des principaux
littérafcurs d'Italie. On trouve, sur
cet écrivain, une Notice exacte et
détaillée, dans la Storia ilcUa leltc-
ratttra italiana de Tiraboschi , vu ,
679. W— s.
VETTORI, en latin Fictariiis
f PiKRRK ) , l'un des nieillrurs crili-
•pies de son temps et le restaurateur
de rélo(|uencc en Italie , était né le
I I juillet i4r)9, '■' Fli>i'cnce, de pa-
rents patriciens. Dès sa première jeu-
nesse , il cultiva les lettres grecques
et latines et les mathématiques, et
laissa bientôt derrière lui tous ses
maîtres. Ayant achevé ses éludes , il
se rendit à Pisc pour y faire son
:•> Vny. la né.iu,ut J'Alpxanaie .rA|.lir.><liM> .
I'-"' Alilï Maouce, au i>riiice de Oarpi , Allierli-
Piu.
VET
cours de droit ; mais l'air de cette
ville étant contraire à sa santé , il
revint à Florence , et se maria , par
le conseil de sa mère , quoiqu'il n'eût
que dix-huit ans. En i522, il accom-
pagna Paul \ettori , son parent,
commandant des galères de l'Eglise ,
chargé d'aller en Espagne prendre
le pape Adrien VI pour le transpor-
ter à Rome. Étant tombé malade à
Barcelone, il mit à prolit sa conva-
lescence pour visiter une partie de la
Catalogne et les provinces voisines ,
et il y recueillit une foule d'inscrip-
tions antiques. A peine était-il de re-
tour , qu'il suivit à Rome François
Vettori , l'un des d(f|)utés envoyés
par la seigneurie de Florence pour
complimenter le pape Clément Vil
sur son élection. Le séjour qu'il lit cà
Rome accrut sa passion pour les an-
tiquités , et lui facili^la les moyens
de se lier avec plusieurs savants ar-
chéologues. Le rang qu'occupait Vet-
tori ne lui permettait pas de rester
étranger aux partis qui divisaient
alors Florence. Il se déclara contre
l?s Médicis dont il redoutait l'am-
bition , et les combattit de la plume
et de l'épée. L'événement ayant trahi
ses vd'ux , il se retira dans un de ses
domaines et y partagea ses loisirs
entre la culture de ses champs et
l'étude de la philosophie. Il revint à
Florence en i53/| ; mais la mort
tragique du duc Alexandre de Mé-
dicis ( Voy. ce nom ) lui faisant
craindre de uouveaux troubles, i!
partit pour Rome , avec le dessein
de s'y jixer. Legrand-dnc Cosme de
Médicis, qui connaissait ses talents ,
le rappela l'année suivante (i53'S)
à Florence , et le nomma professeur
d'éloquence grecque et latine , avec
1:11 traitement de trois cents écus.
\ cllori remplit cette chaire de la
manière la plus brillante. On vit ac-
VET
courir à ses leçons , de toutes les
parties de l'Italie, un nombre pro-
digieux d'élèves , et il eut la gloire
de former presque tous les savants
({iii répandirent tant d'éclat sur cette
patrie des lettres , dans le seizième
siècle. En i5.jCi, il fut élu, par accla-
mation, consul de l'académie flo-
rentine; mais il n'accepta cet hon-
neur que malgré lui, et le garda peu
de temps. Choisi par son souverain ,
en i55o, pour aller féliciter le pape
Jules m sur son avènement au tronc
pontifical , il en reçut l'accueil le plus
distingué. Le pape le fit chevalier ,
joignit à ce titre celui de comie , et
lui accorda les privilèges les plus
flatteurs. Eu i553 , il fut nommé
membre du sénat de Florence ; et
Cosme accompagna cet honneur de
témoignages particuliers d'estime et
d'ail'ection. Le cardinal Cervoni , de-
venu pape sous le nom de Marcel II,
s'empressa d'appeler à Rome Vet-
tori , qu'il se proposait d'élever aux
premiers emplois. Mais ce pontife
étant mort quelques jours après son
élection^ Vettori revint à Florence.
Bologne, Venise et plusieurs souve-
rains tentèrent alors de l'attirer par
les offres les plus avantageuses ; mais
rien ne put le décider à quitter sa
chaire d'éloquence et de morale. 11
la remplit avec un zèle infatigable, et
comblé de gloire et d'honneurs mou-
rut à Florence le 18 décembre i58j.
Ses obsèques furent célébrées avec
pompe dans l'église du Saint-Esprit;
et le 27 janvier suivant , Léon. Sal-
viati , l'un de ses élèves , y prononça
son oraison funèluc. Il est presque im-
possible, dit Tiraboschi {Storia délia
letteratiira iial. ,rii , i5i4etsuiv.),
de se faire une juste idée de tous les
travaux de Vettori, comme philolo-
gue et comme critique. Dans ce siè-
cle de l'érudition , aucun savant n'a
V^ J3i
rendu plus de services aux lettres
grecques et latines. Outre une belle
et rare édition des OEiivrcs de Cicé-
ron, Venise, Giunti , 1 534-37, 4
vol. in-fol. , on doit à Vettori des
éditions corrigées d'après les manus-
crits , des auteurs à^ agriculture , de
Térence , de ^ arron , de Sallustc ,
de I'jE /('C/re d'Euripide, de Porphy-
re, de Michel d'Ephèse , de Démé-
trius dePhalèrc, de Piaton,deXéno-
phon, d'Hipparque de Bithynie, de
Denys d'Halicarnasse , etc. Il a eu
part à la publication des Pandectes
jloreniincs{roy. Lel. Torelli). Ses
autres ouvrages sont : I. Des Com-
mentaires foit estimés sur la Bhé-
toriquc , la Poétique , la Politique
et la Morale d'Aristote, Florence,
Giunti, 1548-73-76-84, 4 vol. in-
fol. II. Sur le Traité de V élocution
de Démétrius de Phalère , avec une
version latine , ibid., i5C2 , in-fol.
III. Délie lodi e délia coltivazione
degli ulivi ^ ibid., iSfJf), in-4". J
1574 , in-4"- , avec des additions
de l'auteur. Ce Traité de l'olivier
est un ouvrage excellent pour le fond
comme pour le style; il a été réim-
primé plusieurs fois avec celui de
J. Vettorio Soderini : Délia colti-
vazione délie viti. L'un et l'autre
font partie de la collection des Clas-
siques de Milan. Parmi les éditions
de l'opuscule de Vettori, on dis-
tingue celle de Florence, 1622,
qui comprend aussi le Traité de
Davanzati sur la culture de la vigne
et de quelques autres arbres ; 17 '8^
in - 4"^'- •. avec les notes de Biau-
chini de Prato ; et 176^, avec les
notes de Bianchini et de Domin.
IManni. IV. F'ariarum lectionum
libri xxxviii , Florence, i582 ,
in - fol. Cet ouvrage , dans le
genre des Nuits attiqucs d'Aulu-
Gclle , contient l'examen critique
33î #£1
d'une inûnitc de passages d'auteurs
grecs et latins , cl prouve le soin
Avcc. lequel Vettori les avait etudic's.
V. Epislolarum libri x; Orationes
xiiri ; liber de LaucUbus Joannœ
Austriacœ , Florence, i58G, in-fol.,
rare et recherché. On doit au savant
Bandini ( T'oy. ce nom ) une Vie
de rettori , exacte et détaillée. Im-
primée d'abord en italien, F^ivourne,
i-jSO, in-4"- de 04 pa;;. , elle a été
traduite en latin par l'auteur , à la
tète de> Claronnn ItalonimctGer-
manurum epistolœ ad P. rictorium,
Florence, 1758, in-4"^. Ou en trou-
ve l'analyse dans le Journal étran-
ç,er , août 1757, i75-2i3. Le por-
trait de Vettori a été {^ravé plusieurs
fois dans divers formats ; et les qua-
tre médailles frappées en son hon-
neur sont fij^uroes dans le Muscutn
MazzuchelUanum , i , pî.po et 91.
W— s'.
VF.TTORI (A>r.E), médecin ita-
lien , sur lequel les biographes natio-
naux n'oirrent que des renseigne-
ments incomplets. On conjecture qu'd
florissait à Rome dans le dix-septiè-
me siècle, et qii'il y mourut avant
l'aïuiéc 1G40. On a de lui : I. De
palpitatione cordis , fractura cns-
taruin , aliisque a/Jeclioriibus B.
Philippi Nerii , Rome, iGi3, in 4".
Il s'est proposé , dans cet ouvrage ,
de confirmer la vérité des faits attes-
tés par Gallonio {F", ce nom); mais
il est difllcilc de leur donner une ex-
plication natin-elle. II. Conmltatio-
ne<; medicœ , ibid. , i64o , in-folio.
L'auteur était mort avant la publica-
tion de ce volume. Vincent INIanucci,
l'un de ses amis , en fut l'éditeur. —
Vettori (Victor) , poète et médecin,
était né, le ii décembre 1697 , à Or-
liglia dans le Mantouan. Ayant ache-
vé M's cours avec succès , il reçut le
laurier doctoral , cl partagea *a vie
VET
outre la pratique de son art et la cul-
turc des lettres. Ses Rime, qui se dis-
tinguent par la pureté du style et la
sagesse des pensées, lui ouvrirent les
portes des principales académies de
l'Italie. Il mourut ,à iMantoue le 8
janvier 17G3. On cite de lui : un Re-
cueil de ])ocsies ( Piacevoli rime ) ,
Milan , 1 744 ' '"■•^"- 1 réimprimé plu-
sieurs fois j et une Histoire de la fiè-
vre, Mantoue, 175G, in-8". Victor,
marié deux fois, avait eu vingt-cinq
enfants , dont la plupart moururent
en bas âge. Parmi ceux qui lui sur-
vécurent , quelques - uns cultivèrent
la poésie, à sou exemple, mais non
pas avec le même succès. W — s.
VETTORI (François), en latin
Vicloriiis , célèbre antiquaire , était
né, dans les premières années du dix-
huitième siiclc , à Rome, d'une fa-
mille patricienne. S'étant attaché de
bonne heure à l'étude des monuments
que cotte ville oll're en si grand nom-
bre, il acquit une grande habileté
dans l'art de lire les inscriptions,
ainsi que dans la numismatique et
la glyptographie. L'académie étrus-
que l'avant admis dans son sein ,
les principales sociétés littéraires d'I-
talie imitèrent cet exemple. Il possé-
dait un caliinot précieux , dont il se
plaisait à faire lui- même les hon-
neurs aux étrangers et aux amateurs.
Ses talents lui méritèrent l'estime du
pape Clément XIV, qui le nomma
directeur du musée du Vatican. Il
mourut en 177^ à l'àg* de soixante-
huit ans. Il a piîblié un grand nombre
de Dissertations , parmi lesquelles on
citera 1rs suivantes ,• I. Numus aii-
reus veterum christiannrum , com-
mentario explicalus , adjcctis sa-
cris alinuibus monumentis , Rome,
1787, m -4"- IL II fiorino d'oro
anlico illustralo , Florence, 17^8,
in-4". , fig. III. Dissertatio {.',lj'pto-
VET
graphica , sii>e gemmœ duce vetus-
tissimœ cmblcmatibus , et ç^rœco
art i fi ris iiomine inùgnatœ _, (juce
extant Roniœ in viuseo Fictorio ,
fixjflicatœ et illustratœ , Rome ,
1789 , in-4°., fig. IV. De vclustute
et forma inono^rammatis nominis
Jesii Dissertatio , antiquis cmblc-
matibus ex Fictorio museo reserta,
ibid. , ^"j^'J y i»-4". V. Eyistola de
musei Fictorii emblematc et de
nonnullis numismatibus Alcxandri
Severi , sccuudis curis exjdanatis ,
ibid, , 1747 t in-4"' ^'^'^ explication
des médailles d'Alexandre - Sévère
ayant ete critiquée, il entreprit de la
justifier dans l'opuscule suivant: VI.
Dissertatio apoloç^etica de quibus-
dam Alexandri Severi numismati-
bus , ibid., 1749, in-4"- Vil. Del
cullo di Cibele presso gli antichi ,
Dissertazione colla (piale s'illustra
un statuctta di marmo Pario , del
museo Fettori , il)id., 1753, in-4'^.,
lig. W— s.
VÉTURIE. F. ConioLAN.
VÊTUS ou LE VIEIL (Jean),
littérateur et homme d'état , était
ne , dans le sei/.ièmc siècle , à Saint-
Amour ( I ), petite ville de Bourgogne.
Ayant achevé avec succès ses éludes
dans sa province, il vint à Paris,
et remplit quelque temps les fonc-
tions de régent au collège d'Autun ,
et ensuite dans celui du cardinal Le-
moinc. 11 n'était entré dans la car-
rière de renseignement que pour se
procurer les moyens défaire ses cours
de jurisprudence et de médecine. Dès
qu'il les eut terminés, il prit ses gra-
des dans ces deux facultés. Gilles
Bourdin, procureur- général du par-
ti) Vi lus lions apprend lui-même le lieu de sa
naissance, » I» tèlc de son ouvrage cité n°. III. Ce-
pendant tous les biographes , même le P. Niceron ,
se contentent de le faire Frauc-coiulois , sur le té-
luoii^iHigfl de Gilbert Cousin , qui le qualiUe nosiras.
VET 333
lement, dont il avait su mériter la
bienveillance , en se chargeant de l'é-
ducation de son lils, lui facilita l'ac-
qiu'sition d'uiie place de secrétaire
du roi. Il s'attacha depuis au cardi-
nal de Lorraine j et ce prélat , lui
ayant reconnu de la capacité, l'em-
ploya dans diliérenlcs négociations
en Allemagne. En récompense de ses
services , il obtint nue cliarge de
conseiller au parlement de Bourgo-
gne, le 9 juillet iJ(i9; avant d'en
prendre possession il retourna en
Allemagne, par ordre du roi Char-
les IX , et il s'acquitta de cette
nouvelle mission avec le même succès.
H fut installé conseiller à Dijon le 10
janvier iS'ji, mais cinq jours après,
il donna sa démission, et revint à
Paris exercer sa charge de secrétaire
du roi. Nommé maître des requêtes
ordinaires en 1.J73 , il reçut en
i58i des lettres de noblesse; et peu
de temps après, il fut pourvu de la
charge de pré.sidcnt au parlement de
Bretagne. La reconnaissance que Vê-
tus devait aux princes de Lorr.iinc
l'engagea dans le parti de la Ligvie.
En 1 589 , le duc de Mayenne le choi-
sit pour faire partie du conseil que
ce prince venait d'instituer pour
régir le royaume. Dans ces temps
malheureux, il paraît qu'il se con-
duisit avec modération ; du moins
les écrits contemporains ne lui re-
prochent aucun acte de rigueur. Il
vivait encore en i^yS; mais force'
sans doute de quitter Paris, après
l'entrée de Henri IV, il tomba dans
une telle obscurité qu'on ignore l'é-
poque de sa mort. Outre la Préface
d'une Réponse de F. Baudouin à Cal-
vin ( F. Baudouin ) , et la Traduc-
tion latine des Lettres au roi de
France Charles IX , contenant les
actions et propos de M. de Gujse
( F. Garles , VII , 1 4'2 ) , on a de J.
3"> /
VEZ
Vctus : \. De obilu Caroli Qiiinti
impcratoris oratio . Paris, i55ç),
iii - 4'». de 3'2 pag. II. Orationes in
medicinœ co'mmendationem tit in
i^ratiam octodecim medicœ laureœ
cavdidatorum instilutœ, etc.,ibid.,
i56o, in-8". L'abLe Goujet en a tiré
quelques détails pour son Histoire
du collège rayai de France. 111.
Déjeuse première de la religion et
du roi contre les pernicieuses fac-
tions et entrejfrises de Calvin , Bèze
et autres leurs complices , conjurés
et rebelles , ibid. , 1 562 , in -8". Vê-
tus publia cet ouvrage en français et
on latin. IV. Apologia contra ca-
lumnias Th. Bezce in jurisconsultos
et omne jus , Verdun , i 56 \ , in-8°.
V. Négociations du sieur J. Fétus,
em'(y}'è par Charles , cardinal de
Lorraine ^ èvèt/ue de Metz, arche-
l'èquc de Reims , à la ville d'Augs-
bourg , depuis le (i janvier jus-
qu'en mai i566 , in -fol. Ce manus-
crit est conservé à la bibliollicque du
Roi, fonds Dupuy, n<^. 544- 0"
trouve une Notice historique sur ce
personnage diius les Mémoires dclSi-
ceron , xxxiv, 3f)4 -99. W — s.
VEYSSlÈRE.r. LicRozK.
VEZZOZI (Antoine-Framçois),
savant biographe, était ne vers lyoS,
dans Arczzo, d'une famille patri-
cienne. Après avoir achevé ses pre-
mières études avec succès , il em-
brassa la vie religieuse dans la con-
grégation des clercs réguliers con-
nus sous le nom de Thc'atins ( Foj-.
saint Gaétan ) j et ayant employé
ses loisirs à perfectionner ses con-
naissances dans l'histoire et la phi-
lologie, il s'y rendit fort habile. En-
voyé, jiar ses supciieurs , ,1 Rome,
ses talents l'y firent connaître d'une
manière avantageuse. Le savant pré-
lat Hottari (F. ce nom, V, 25j )
s'étaut dérais de la chaire d'histoire
VEZ
ecclésiastique au collège de la Sa-
jiience , le P. A ezzo/.i fut désigné
pour le remplacer , et sans égaler son
prédécesseur, il adoucit du moins
les regrets qu'occasionnait sa perte.
Nommé membre de la consulte
chargée de l'examen des candidats à
l'épiscopat , la prudence qu'il sut
mettre dans l'exercice de ses fonc-
tions lui concilia l'estime et la bien-
veillance des membres les plus dis-
tincués du sacré colU'"c. 11 fut icvctu
de divers autres emplois honorables,
et enfin élu supérieur-général de son
ordre. Le pape Clément XllI, ap-
préciant le mérite et les vertus du P.
Vezzozi , se proposait de l'élever aux
premières dignités ecclésiastiques ;
mais le modeste religieux supplia le
pontife de lui permettre de retourner
dans son cloître achever une vie par-
tagée entre la pratique de ses de-
voirs et l'étude. Il parvint à im âge
avancé, et mourut en 1785, dans
le couventde Saint-Sylvestre, m mon-
te Cavallo, regretté de tous ceux qui
l'avaient connu. C'est à lui qu'on doit
l'édition des OEupres du cardinal
J.-Mar. Tommasi ( Foyez ce nom ,
XLVI, 223), Rome, i747-^'Oi 'i
vol. in-4°- Le tome viii est précédé
d'imc excellente Notice de l'éditeur
sur la vie et les écrits du cardinal
Tommasi. Parmi les autres ouvrages
du P. Vezzozi on cite : \. De lau-
dibus Leonis X oratio , habita in
archigj'mnasio romano , Rome ,
i';52,in-4".ll. I scnttori de' chie-
rici regolari detti Teatini , Rome,
1780, 2 vol. in- 4''. L'auteur a ))ro-
fité des recherches de ses devanciers,
et surtout de la Bibliotheca thcatina
du P. Silos, qui s'arrête à l'aniicc
i665; mais il n'en a pas moins fait
un ouvrage entièrement no.if, |)ar le
grand nombre de notes et de correc-
tions ajoutées à la première partie
VIA
de son travail, qu'il a continue jus-
qu'à l'époque oii il écrivait. Cet ou-
vrage, l'uu des meilleurs eu ce fleure,
donne une place au P. Vczzozi parmi
les biographes les plus consciencieux
et les plus utiles. W — s.
VIAIXNES (Dom Thierry Fa-
NiiiR ou Fagnier de ), bcucdictin de
la congrégation de Saint -Vannes ,
naquit le 18 mars iGSf), à Cliàlons-
sur-Marne , de pareuts distingues , et
reçut au baptême le nom de Joseph.
Celui de Thierry, suivant l'usage de
la congrégation de Saint- Vannes , lui
fut donne à sou entrée en religion. Il
lit ses humanités et sa philosophie
chez les Jésuites. Un goût décide
])our le genre de vie qu'on menait
dans l'ordre de Saint-Benoît , et pour
les études qui y étaient cultivées, lui
ht désirer d'embrasser cet état. Il
était l'aîné de sa famille. Elle eut de
la peine à consentir à celte résolu-
lion. Il entra au noviciat à Saint-
Pierre de Cliâlons^ au mois de mai
i(3'y6 , et fit profession le i3 juin de
l'année suivante. Quoiqu'il eût fait
de fort bonnes études , ou lui ht re-
commencer sa philosophie et son
cours de théologie. Envoyé , en
1G80, par ses supérieurs à Saint-
Vincent de Metz , il obtint d'eux de
passer à l'abbaye de Bcaulicu en Ar-
gonne , où le savant dom Barthélerai
Senocy avait établi et présidait une
académie. Ces académies étaient des
réunions de jeunes religieux qui ,
sous la direction d'un ancien, renom-
mé par son savoir et son habileté ,
se formaient aux grandes études ec-
clésiastiques. Il y avait alors plusieurs
de ces académies dans la congréga-
tion. Dom Tliicny fut dans la
suite charge d'en ]irésidcr quel-
ques-unes. En i683, il revint à
<".li;llons , et y fut ordonné prêtre par
M. de Noaillc.s qui en était éyêque.
VIA
335
Il j)arlagca alors ses occupations en-
tre l'élude et la prédication , pour
laquelle on dit qu'il avait des dispo-
sitions. Il enseigna aussi dans dif-
férentes maisons de la congréga-
tion , entre autres à Verdun , où il
se concilia l'estime de l'évêque.Dom
Thieriy avait du talent; il s'était
fait un fonds d'un grand nombre
de belles et utiles connaissances. Il
était irréprochable dans ses mceurs;
mais , né avec un esprit inquiet et
un caractère brouillon et remuant ,
ayant à peine trente ans il avait
été exilé à l'abbaye de Saint-Mi-
chel, en Thiérache, pour avoir con-
trarié ses supérieurs dans quelques
changements. La part qu'il prit aux
discussions du jansénisme , dont il
avait chaudement adopté les opi-
nions , et le peu de ménagement
qu'il mit dans sa conduite j sa
tète ardente qui l'entraînait souvent
au-delà des bornes , lui occasionnè-
rent beaucoup de disgrâces. Il se dé-
clara appelant et réappcLint de la
bulle Uni^enitus au futur concile,
et fut à deux reprises enfermé au
château de Vincenncs. La deuxième
fois il n'en sortit qu'à la mort de
Louis XIV ; encore ne jouit-il jjas
long-temps de sa liberté. Aimant
mieux s'exposer à tout que de cesser
de soutenir hautement ses opiiuons ,
il se ht exiler à l'abbaye de Poul-
tières , diocèse de Langres , et bien-
tôt après bannir du royaume. Il se
retira à l'abbaye de Saint-Guislain ,
en Hainaut. Forcé d'en sortir , il alla
à Bruxelles, et de là chez les Bénédic-
tins de Wlierbeeck , près Louvain.
Enfin , il chercha un asile en Hol-
lande , et mourut à Rh)^l^vick , près
d'Utrecht , le 3i octobre 1735.
C'était un homme dont les talents
et l'érudition auraient pu être uti-
les à l'éiilise et à l'état , si l'es-
336
VIA
prit de parti ue les avait détour-
nes de l'emploi qu'où devrait tou-
jours en faire. Des ouvrages dont
Thierry est l'auteur , et qui la plu-
part sout anonymes, on connaît : I.
IJ Impiété reconnue , contre une thèse
soutenue à Caen, Coloç^ne , 1693 :
cet écrit fut imprimé à l'insu de son
auteur. II. Problème ecclésiastique
proposé à M. l'abbé Boilcau de V ar-
chevêché : A qui doit-on croire , de
messire Louis-Antoine de Noaillcs,
e'vcque de Chàlons, en i6gS (ap-
prouvant les Réjlexions morales
du P. Quesnel ) , ou de messire
Louis- Antoine de Noailles , arche-
vêque de Paris, en 1696 ( condam-
nant V Exposition de la Foi, par
Barcos ), 1698, in-i'2. Lorsque
cet ouviage parut, il fut générale-
ment attribué aux Jésuites ; on ac-
cusa le P. Daniel , qui chercha à
s'en justifier et qu'on ne crut pas , et
surtout le P. Doucin d'en être les
auteurs. Presque tous nos Diction-
naires historiques l'attribuent à ce
dernier : on sait aujourd'hui , à n'en
point douter, qu'il est de dom Thier-
ry, et lui-même, dit le chancelier
d'Agucsseau dans ses Mémoires , en
a fait l'aveu. Cet écrit , au reste , est
composé avec tant d'art, quebicn des
Jésuites s'y méprirent, et qu'un P.
Sobastre , jésuite flamand, s'en ren-
dit l'éditeur. Dom Gerberon , de la
congrégation de Saiut-Maur , n'eii
fut point dupe , et y reconnut telle-
ment ses propres sentiments, qu''il
en composa une apologie. Un arrêt
du parlement de Paris, du i4 janvier
169g, condamna le Problème k être
bi'ûlé. IIL Acta omnia congregor-
tioniim et disputationum quœ , co-
ram Clémente F III et Paulo F,sunt
cclebratain congregatione deAuxi-
liis , Louvain, 1 702, in-fol. A la tête
deoet ouvrage se trouve ime préface,
VIA
supprimée dans quelques exemplai-
res^ à cause de l'aigreur qui y règne
contre les Jésuites. L'auteur y traite
de la vie et des écrits de Thomas
Lemos, dominicain espagnol , qui fut
admis et parut avec assez d'éclat
dans ces congrégations. Quant au
corps de l'ouvrage, dom Thierry
rapporte les questions et les réponses
qui ont été faites , et en général tout
ce qui s'est passé dans cette congré-
gation. IV. Edmundi Richcrii libel-
lus de ecclesiasticd et politicd po-
testate , cum demonstratione : le
Dictionnaire des Anonymes obser-
vequeM.Adry a vu le manuscrit sur
lequel cette édition fut donnée. Il
avait appartenu à un chanoine de
Troves nommé Breyer. L — y.
VlAL DU GLAIRBOIS ( Honore-
SÉDASTitN ) , directeur de l'école des
ingénieurs de vaisseaux et chef du gé-
nie maritime à Brest, naquit à Paris
le 27 mars 1733. A l'âge de dix-sept
ans, il eutra dans la marine, et ser-
vit en qualité de volontaire et de lieu-
tenant sur divers bâtiments du com-
merce. En 1754, il passa, comme
fusilier, dans le régiment de Vaube-
court, infanterie. Il y servit dans dif-
férents grades, jusqu'au mois de juin
1777, où il rentra dans la marine,
en qualité de sous-ingénieur. Les ta-
lents qu il déploya dans la construc-
tion navale ne tardèrent pas à le por-
ter au rang d'ingc'uieur-constructcur
en chef, qu'il obtint en 1 793. Nommé
successivement directeur des cons-
tructions au port de Lorient, puis
chef du quatrième arrondissement
forestier à Rouen, le zèle et la supé-
riorité dont il fît preuve dans ces
fonctions fixèrent sur lui l'atten-
tion du chef du gouvernement, qui
le nomma , eu 1801 , directeur de
l'école spéciale du génie, au port de
Brest; emploi qu'il consci-va jusqu'au
VIA
mois d'août 1810, époque à laquelle
son grand âge et de longues fatigues
le forcèrent à se retirer du service.
Vial du Clairbois est mort à Brest ,
le 20 décembre 18 16. On a de lui :
I. Essai géométrique et pratique
sur l'architecture navale , Brest ,
1776, 3 tomes en un vol. in -8".,
fig. II. Traité élémentaire de la
construction des vaisseaux , à Vu-
sage des élèves de la marine , Pa-
ris, 1787-1*305, 2 vol. in-4'^'., lig.
III. Une Traduction du Traité de la
construction desvaisseaux, de Cliap-
man, avec des notes , Brest, 1781 ,
in-4"., fig. Vial du Clairbois fut un
des principaux collaborateurs de
l'Encyclopédie metliodi([ue. Le Dis-
cours préliminaire et le Tableau ana-
lytique qui précède la partie marine
sont de l-^i. H — q — iv.
VI AL ART DE HERSE ( Félix ) ,
e'yèque de Cliàlons-sur Marne, ne à
Paris en i6o3, était fils d'un con-
seiller au parlement. Sa mère , Char-
lotte de Liguy, fut une des plus zé-
lées coopératrices de saint Vincent de
Paul. Restée veuve de bonne heure,
elle veilla elle-même à l'éducation
de son fils , qui entra dans l'état ec-
clésiastique, et prit en TG381e bonnet
de docteur de la maison de Navar-
l'e. En 1640, Vialart , déjà abbé
de Pébrac , fut fait coadjuteur de
Cliàlons , sur le refus de l'abbé Olier.
L'évèque de Cliâlons étant mort peu
après cette nomination , le coadjuteur
devint titulaire de ce siège , mcme
avant d'avoir reçu ses bulles de coad-
juteur. 11 fut sacré en 1642, et se
proposa saint Cliarles Borromée pour
modèle. Il établit un séminaire, lui
assigna des revenus ; et pour mieux
surveiller cet établissement , il alla y
demeurer lui-même, et y passa \es
vingt dernières années de sa vie. Le
pauvre et le riche avaient un égal ac-
XLVIII.
VIA 337
ces auprès de lui; et les Protestants
même étaient touchés de sa vertu.
Il en fit entrer plusieurs dans le sein
de l'Église. Une mission qu'il donna
à sou diocèse , en 1666 et lôG'' , eut
les plus grands fruits. Il avait appelé
de tous côtés de pieux et zélés ou-
vriers ; et lui-inême était à leur tête ,
donnant l'exemple , réformant les
abus , et pour\ oyant généreusement
à toutes les dépenses. Par ses soins ,
un collège fut établi à Vitry; trois
communautés dé filles se formèrent à
Cliàlons , poiu- les écoles- et de sa-
ges institutrices furent distribuées
dans le diocèse. T/institutiou des con-
férences ecclésiastiques , la tenue de
diliérents synodci>, des visites pasto-
rales , de sages règlements , marquè-
rent son épiscopat. Dans une inva-
sion de troupes ennemies , les gens
de la campagne s'étant réfugiés de
toutes parts à Chapons, l'évèque leur
procura les moyens de subsistance.
11 mourut le 10 juin 1680, ayant
laisse, par son testament, tout son
bien aux pauvres. Cet évêque avait
été un des principaux médiateurs
dans l'afTaire du Formulaire. Son
diocèse hii dut un Rituel, publié
en 1 ()49 , des Ordonnances , Man-
dements et Lettres pastorales pour
le rétablissement de la discipline,
pour les visites , pour l'adminis-
tration des sacrements, etc. Un cure'
du diocèse , Pierre Garnier, avait
composé un Recueil des principaux
faits de sa vie. Cet ouvrage est resté
manuscrit. P — c — t.
VIALART. /^.Charles DE Saint-
Paul et Saint-Morys.
VIALLET. Tor. FiALETTi.
VL\NEouV1AN(FrançoisVan),
théologien de Louvain, né à Bruxel-
les le 3 oct. iGiô , étudia au collège
du pape Adrien VI à Louvain , et fut
appelé, comme directeur , au sémi-
22
338
VIA
iiaire de Malincs. Il c\crça quelque
temps les fouctious du ministère à
Bruxelles, et retourna ensuite à Lou-
vain, où il fut fait président du col-
lège du pape. Son zèle dans cette pla-
ce justifia ce chois. Après l'avoir
remplie long-temps avec assiduité ,
Van Viane donna sa démission, et
continua de demeurer d.ius le collège,
sans emploi. En 'G'j'j, l'université
de Louvain le chargea d'aller à Ro-
me, avec Lupus et Sleyaërt, pour y
déférer des propositions de morale
relâchée, qui furent en cllet condam-
nées en 16-9. On approuva aussi des
censures, portées àLpuvain et à Douai,
contre la doctrine de I^ssius. \ an
Viane revint à Louvain , et y mou-
rut le 5 scptcmltre i(>()3. Ou a de lui
un gros Traité latin : De. ordiiie amo-
ris , Louvain , iGH.ï , in- 8". ; un au-
tre Traité : De pratià, qui n'a pas
été imprimé ; mais il s'en est ré-
pandu de nombreuses copies. —
Matthieu Van Viane, son frère,
aussi théologien , était un homme la-
horieux et désintéressé, qui refusa
les places et les honneurs, pour se
livrrr à l'étude. Il mourut à Louvain,
dans le collège du pape, le i(3 no-
vembre iGôJJ, n'étant âgé que de
quarante ans. On ne connaît de lui
«jue deux, écrits en latui : l'un est une
prohibition du livre de Caramuel ,
faite par l'archevêque de Malines ,
en 1655 ; et l'autre est un opuscule
sur l'ignorance du droit naturel, que
Nicole a traduit en françaiselaccom-
pagné d'une préface et de notes.
P — C— T.
VIANI ( Anton-Mari A ), pein-
tre , surnommé le Vianmo , né à Cré-
mone vers 1 540 , fut élève des Caïu-
pi , et sut s'.Tpproprier leur manière.
La frise qui orne la grande galerie
du palais des ducs de Mantoue est
absolument dans leur style. Ce sont
VIA
des groupes d'enfants du caracièie
le plus gracieux , peints en clair obs-
cur sur un fond d'or et séparés en-
tre eux par des festons de fleurs et
de fruits. C'est également dans le
style des Campi qu'il exécuta plu-
sieurs tableaux lires de l'Histoire
sainte , et dont les plus remar-
quables sont le Saint Michel que
l'on voit dansl'église de Sainte-Agnès,
et le Paradis qui décore celle des
Ursulines. Le duc de Mantoue, Vin-
cent de Gonz-acrue , l'accueillit avec
distinction à sa cour, et se l'attacha
en qualité de peintre ; après la mort
de ce prince , Viani fut également
au service de ses trois successeurs.il
s'établit avec toute sa famille à Man-
toue , où il mourut dans un âge as-
sez avancé. — Jean Viani , peintre,
né à Bologne en i 536 , fut élève de
Flaminio i'orre et condisciple du
Pa>;inelli ; c'est seulement par con-
jecture que l'on avance qu'il aida ce
dernier dans ses travaux. Ce fut un
peintre remjdi de science , et qui n'est
inférieur , sous le rapport du dessin ,
à aucun de ceux qui suivirent la mê-
me école que lui. 11 ne négligea
rien pour perfectionner son talent ;
dessinant sans relâche d'après le
nu , et étudiant l'anatomic jus-
qu'à la fin de ses jours. A un savoir
aussi solide il sut joindre la beauté
des formes , la pastosité du coloris ,
la grâce des mouvements , la légère-
té des draperies. Ses études d'après
nature furent immenses j il recher-
chait en tout le vrai qu'il savait em-
bellir d'après l'exemple ou du Torre
ou du Giùde. Le tableau plein de
délicatesse de Saint Jean de Dieu ,
qui décore l'hôpital des Buonfratelli
à Bologne, est dû à son pinceau.
Dans le vestibule des Servitcs , il re-
présenta , sur une des Imiettes ,
Saint Philippe Benizi porté an.
VIA
ciel par deux auges. La face ,
l'essor (lu Licnhcureiix expriment la
vraie idée de la bcatitudc ; et quoi-
que le Cignani ait peint en regard un
autre sujet, le tableau de \'iani sou-
tient dignement le paralllle. Les
peintures qu'il a faites dans d'autres
lunettes du même vestibule n'ont point
excite la même admiration , et il
])eut être mis au rang de ces artistes
qui ne parviennent à marcher de
pair avec les ])lus habiles maîtres,
(pi'eii travaillant leurs ouvrages avec
bien plus de soin ijue ne le font ordi-
nairement ces derniers. Le Viani
mourut en i-joc. Il dirigea une éco-
le rivale de celle du Cignani , et de
laquelle sont sortis une foule d'ar-
tistes distinguc's ; son fils Dominique
en fut directeur après lui. — Do-
minique Viani , îils et c'Iève du
j)rccc'dent , naquit à Bologne en
1GG8. (ïuidalotti a écrit la vie de ce
])oiiilre , et lui accorde un talent su-
périeur à celui de son père ; mais ce
jugement n'a point ctè conlirmè par
les véritables connaisseurs. Le Iils
n'a point atteint à ce degré d'exacti-
tude , et encore moins à cette no-
blesse de dessin qui distinguent le pè-
re , et il lui est inférieur également
dans la vérité', la variété et lebrillant
du coloris. Cependant il eut peut-
être plus de grandiose dans ses con-
tours , une touche plus fière et ap-
prochante de celle du Guerchin j un
goût d'ornement plus somptueux et
plus dans le génie des Vénitiens dont
il étudia avec succès les chefs-d'œu-
vre à Venise. C'est de lui qu'est le
Saint Antoine convertissant iinHé-
térodoxe au moyen d'un miracle ,
que l'on admire dans l'église du
Saint-Esprit de Bergame j tableau
surprenant , et que Rotari et Tie-
polo ont célébré comme un ouvrage
nsigne j et peut-être le Viani n'a-t-
VIA 339
il laissé dans Bologne aucun ouvra-
ge d'un mérite aussi remarquable.
Cependant on vante cxtiêmement le
Jufiiler peint sur cuivre , l'un des
ornements de la galerie Ratta. Le
Viani parcourut une partie de VI-
talie , laissant partout des preuves
de sou talent. 11 mourut à Pistoie en
171 1 , âgé seulement de quarante-
trois ans. P — s.
VIANI (George), numismate,
né en i-^Ga , cultiva d'abord les
belles-lettres et la poésie , et publia ,
à l'âge de vingt-deux ans , un petit
Recueil de vers , et peu de temps
après ( 1788 ) un drame sur la
mort de Socrate, en société avec
deux de ses amis , Gaspard Mollo et
Sauli : c'est une critique ingénieuse
d'Allieri , qui n'avait point encore
familiarisé avec l'âpretéde son style
des oreilles accoutumées à la dou-
ceur et à la mélodie de Métastase ,
et qui a dû plus tard à ce défaut
même une partie de sa gloire dra-
mati(jue. jNlais ce ne sont pas ces
productions qui ont fait la renommée
de Viani : il s'est acquis des titres
plus positifs à l'estime des amis des
lettres. Il abandonna la littérature
pour se livrer à l'étude de la numis-
matique. Voyant que l'ancienne nu-
mismatique avait été assez ample-
ment cultivée, iUustrée par d'habiles
écrivains _, et notamment, pour ne
parler que des modernes,par Eckelet
Neumanu, dontles travaux, ainsi que
ceux de leurs prédécesseurs, avaient
encore été perfectionnés et améliorés
tout récemment par Scstini , Viai:i
s'occupa de la numismatique qui est
moins éloignée de nous , c'est-à-
dire , de celle du moyen âge. Il se
mit à lire et à comparer tout ce
qui a été spécialement écrit par Carli
et par Zannetti ; et il y trouva am-
ple matière à des corrections et aug-
Vtu VIA
jncutations : tics-lors ses trav,iu\ eu-
rent ])oui' but principal de faire des
additionsà Zannctti. Dans cette vue,
noa-seulcraent il dut parcourir et exa-
miner tout ce (pi'on avait déjà écrit
iirles monnaiesd'Italie;maiss'étant
jïourvu d'liistoires,de diplômes, et de
tous les imprimés ou manuscrits utiles
à son desseiu , il entra eu correspon
dancc avec tous les directeurs des
monnaies, et doiuia commission aux
lettrés, négociants tt à ses amis , de
lui procurer toutes sortes de vieilles
monnaies d'Italie qu'd achetià tous
j)rix , portant à un tel exci-s la ma-
nie de rendre sa collection aussi
nombreuse et au^si complèlc qwc
possd)lc, que celte ambition le ré
duisit souvent au dénuement le plus
absolu. Il ne mit pas moins d'ap-
plication cl de zèle à bien observer
1( s monuments , à eu tirer des des-
sins. Il disait gaîraent : « Je n'ai
» qu'un a-il ; il avait perdu l'autre];
H mais je vois plus clair que ceux
» qui en ont deux. •> L'étude de la
numismatique «lu moyen âge ofliu-
une partie plus iiitercssanle que
r.jni'iennc : c'est la valeur monétaire,
pour laquelle on doit observer les
divers caraclcre.s de l'impre.-sion, la
qualité du métal, et la valeur in-
trinsèque ; le crédit des monnaies
dans les diflcrcnls temps et dans les
dillérenles places. Viani était parfai-
tement instruit de tout cela, cl il fut
souvent consulté par les ministres
des llnancesde divers gouvernements;
})ar les directeurs des monnaies cl les
négociants. Quant à la par tic érudite,
c'est-à-dire a la science numisma-
tique considérée comme monumeiit
de l'Histoire, elle lui fournit de nom-
breux documents sur les principautés
rt sur divers États et villes d'ilalie ,
ainsi que sur celles des familles qui eu-
rent réellement ou qui s'arrogcrenl
VIA
le droit de battre monnaie. Son pre-
mier essai dans cette science fut :
Meinorie délia famiglia Cibo, e dél-
ie moTietc di Massa di Litnigiana ^
Pise, 1H08, in-4". , avec quatorze
planches , contenant les empreintes
de cent vingt-huit moimaies, frappées,
depuis I jog, par les piiuces de cette
famille : ouvrage nouveau par son
sujet, dont on admira généralement
l'érudition et l'exactitude. L'auteur
promit de publier dans un second
volume les monuments diplomati-
ques inédits; mais il ne put aller au-
delà de la sixième feuille , et c'est
une perte pour l'histoire. Ce volume
avait pour titre : appendice ai Di-
plomi cd allri moniimenti citalinel-
Ic Mcmoric dclla famiglia Cibo , e
délie monde di Massa di Luni-
giana. \,n partie imprimée contient
onze documents , des années [)Qi à
iSi-j. Tout en se livrant avec une
ardeur infatigable à son principal
travail sur l'ouvrage de Zannctti ,
Viani réveillait de temps en temps les
espérances des érudits , par la pu-
blication de quelques opuscules sur
des sujets peu connus. C'est à co
genre d'écrits qu'appartient celui
Délia Zccca,e délie monele di Pis-
toja. 11 traita ce sujet à l'occasiondc
questicuisqui lui furent adressées par
l'abbé Sébastien Ciampi , sur la va-
leur et l'e^ipère de monnaie courant»^
à Pistoie , du douzième au quator
zième siècle. La première édition en
fut jointe à l'ouvrage de Ciampi , in-
titule : Nolizie inédite dalla sacres-
tia Pistoiese, etc., Florence, 1800.
L'auteur en lit, en 1810 , une réim-
pression qu'd enrichit de nouvelles
notes , et de sa réponse à quelques
dillicultcs proposées par des savants
pisloieiis. Une autre preuve des pro-
fondes connaissances de Viani est
l'extrait d'un travail numismatique
VIA
lin cumlc Galeaui Na[)ioiie de Coc-
cauato, sur quelques monnaies du
Piémont , insère' , en l8i5 , dans la
collection dos Opuscules scientifi-
ques et littéraires de Florence ,
XVII, p. io'2. L'opinion desaç^rande
capacité dans ces inatiîrcs était si
bien c'tablie , que l'académie de Liic-
((ues ayant forme le projet de re-
cueillir des Mémoires j)our une
Histoire universelle de l'ctat luc-
<Iuois ( dont plusieurs volumes ont
etc publiés dcj>uis ) , chargea
Viani de la compilation des Notices
concernant l'établissement de la
ÎMonuaie , et les monnaies de Luc-
ques. Personne plus que lui n'était
capable de bien remplir une jjareillc
t.Iclie.Ce travail enUaildans le plan
de son grand ouvrage ; mais la com-
mission spéciale qu'il avait reçue
exigeait un travail plus particulier
et plus étendu. Pendant qu'il s'occu-
pait de son grand ouvrage sur Zan-
nctti , Viani fut enlevé au monde sa-
vant le 2déc. 18 iG, après avoir reçu
les secours de la religion. 11 était
sorli de son lit un instant aupara-
vant, et ayant ouvert son secrétaire,
il avait envoyé des papiers à divers
amis , avec celte inscription : Gior-
gio Plani suinta , restiluiscc e
muore. Il avait disposé, par son tes-
tament, de la vente de son musée, et
prescrit qu'elle eût lieu par classes ,
préférant pour chacune les ama-
teurs respectifs (ju'il indiqua nomina-
tivement. Il laissa ses écrits de tout
genre et ses papiers anciens à son
ami, le chapelain Ranieri Zuchelli ;
et sa correspondance numismatique et
littéraire à Sébastien Ciampi, Voici
la liste de ses ouvrages imprimés : I.
Saggio poetico , Londres (Final ) ,
1784, iu-4". II. Glicera , Berlin
( Lucqiies), 1785 , in-80. III. Me-
morie délia famiglia Ciho e délie
VIA 341
Monde di Massa di Lunigiuna ,
Pise , 1808, iii-4"-;. fig- IV. Me-
morie d'unn Moue ta inédit a délia
Repuhlica di Pisa , Pise , 1 809 ,
fig. Ou retrou\c ce Mémoire dans le
Recueil intitulé : Pisa illustrata , t.
I , p. 47G. V. Lettera intorno aile
Monete, ed alla Zeccfl di Pistoja,
Pise, 181 3, in-8"., lig. VI. ï^is-
tratto d'un Opéra Nnmisniatica di
S. E. il Sign. Conte Gian-Francesco
Galeani Napione , Florence, 181 3,
in-8'\ VII. Diverses Poésies et des
morceaux de Prose, insérés dans
dilférenls recueils , et publiés sépa-
rément. 11 a laissé en manuscrit des
descriptionsdes monnaies d'un grand
nombre de villes d'Italie ; des notices
sur les princes et seigneurs d'Italie
qui lireiil battre monnaie; sur les
familles italiennes qui s'en arrogè-
rent le droit ; siu- l'histoire des
monnaies modernes de la Sardaigne;
sur des archives généralcsdont l'éta-
blissement fut projeté par la prin-
cesse deLucques et dePiombino; sur
la distribution et la conservation du
cabinet nuiuisinatique de la même
princessejsur l'Histoire des monnaies
modernes de Parme , etc. Ces détails
sont tirés d'une Notice sur la Fie
littéraire et les écrits mmiismati-
qucs de George T'iani , ))ubliéc, en
181 7, à Florence, parSéb. Ciampi,
l'un des exécuteurs testamentaires
de ce célèbre numismate. M-g-r.
VIARD ou WIART était un
sim|ile frère convers delà Chartreuse
de Lngiiy , près de Châtillou-sur-
Seine. Se croyant apjielé à une
vie plus austère que celle qu'on
Y menait , il demanda à ses supé-
rieurs la permission de sortir du mo-
nastère pour suivre cette vocation.
Il choisit pour sa retraite une vallée
profonde , située au milieu d'une
épaisse forêt, appelée le Fal-des-
34a VIA
Chcux , à-peu-près à la distance de
deux lieues de Luguy. Là il se logea
dans une caverne , et se livra à des
austérités extraordinaires. Découvert
par des gens du pays , il se vit bien-
tôt l'objet d'une célébrité' qu'il n'a-
vait pas chercbéc. Son nom parvint
jusqu'au duc de Bourgogne qui ,
ïfrappé de ce qu'on disait de ce genre
de vie , daigna visiter le nouvel er-
mite, et voulut Lien aller quelquefois
s'entretenir avec lui. Une guerre
étant survenue , le prince , sur le
point de livrer bataille , fit vœu de
Làlir un monastère dans le lieu ha-
bité par Viard, s'il revenait vain-
queur. Il remporta la victoire , et
accomplit son vœu. Des disciples
vinrent se joindre à Viard , il se for-
ma une communauté -, on adopta une
règle , et d'autres établissements
ayant embrassé le même institut , il
en résulta une nouvelle société qui prit
le nom d' Ordre du ral-dcs-Choux ,
du lieu où elle avait commence. KlJe
fut ensuite approuvée par les papes
Innocent III et llonorius III. Telle
est la tradition du pays au sujet de
Viard, et de la fondation de cet
ordre. Telle est aussi l'origine que
lui donne Fleury d'après des Mémoi-
res manuscrits ( i ), Suivant cette ver-
sion , Viard serait arrivé au Val-dcs-
Clioux le deuxièm.e jour de uov.
I if)3 : « Ce que, y est-il dit, porte
une ancienne inscription de l'égli-
se. » Mais des monuments qu'on y
voyait encore aux derniers temps
ne permettent pas d'attribuer à
Viard la fondation de cet ordre , et
renversent par conséquent tous les
fondements de cctie tradition vul-
gaire. Il en résulte bien que le Val-
des-Choux fut fondé par un duc de
Bourgogne du nom d'Eudes, mais fort
(') H in. fcelif. , toaxa XY, IWrt ■:] , chap. /jo
VIA
antérieurement à la date indiquée ])ar
Fleury. Le premier supérieur de ce
monastère se nommait Gui ( Guido),
et le deuxième Humbert. C'est ce
qu'attestent les deux vers suivants ,
inscrits sur leurs tombeaux , qu'on
voyait encore dans l'église avant la
révolution :
f/ic duo iuni fratres caput ordini.s el prolopalres ,
iftiUloet Humhefius : sit Christusutrique miserîuim
L'inscription d'ailleurs citée par Fleu-
ry ne porte point la date de 1 193 ,
Kiais celle de i.2Ç)3, de cent ans moins
ancienne. Dom Martcnne et dom Du-
rand , qui visitèrent le Val-des-
Choux eu i-joSjCtqui nous four-
nissent ces renseignements, ont con-
servé cette inscription dans leur
Voyage littéraire (2) , et elle est con-
çue ainsi qu'il suit : M. CCXCIII,
Quarto nonas noi'embris , inlravit
frater JFiardus in chorum Fallis
CauJium. Il y avait donc déjà envi-
ron cent ans qu'il existait au Val-des-
CI10UX un monastère entièrement
organisé, ayant uue église, un cliœur
( chorum ) , et des religieux qui y fai-
saient l'oftioe, lorsque Viard y arri-
va. Il se peut qu'il s'y soit distingué
par la sainteté de sa vie , et qu'il ait
mérité que son nom passât à la pos-
térité j mais il ne paraît pas qu'il ait
en rien participé a la fondation
Cependant les auteurs du GalUa
christiana la lui attribuent aussi (3).
Mais embarrassés des deux tombeaux
de Gui et Humbert , et des expres-
sions caput ordinis et protopatres ,
ils supposent que Gui et Viard ,
Guido seu Viardus , ne sont qu'un
seul et même personnage, supposition
absolument gratuite^ qui ne les sauve
{■>■) Pag. ai3.
(3| Toiii. IV , col. ••!^•t. Le Gallia christiana
n'ayant été imprimé qa en J^îS, tt le Voyage lit-
téraire publié en i"»^ i "" s'étonne que les auteurs
dupremier tic ces ouvrages n'aient pas profité «le»
observations de leurs coiifrcrcs.
VIA
pas de la difficulté de l'expression
intravit in chorum , laquelle ne peut
s'appliquer qu'à un établissement déjà
existant. L'ordre du Val-des-Clioux
avait environ trente maisons dans la
Bourgogne. Le prieur du monastère,
qui ne prenait point d'autre titre, en
était le supérieur-général. La règle
qu'on y observait n'était ni celle des
chartreux , ni celle de Cîteaux , quoi-
que le cardinal de Vitry lui attribue
celle-ci; c'était un compose des règles
de ces deux ordres et de celui de
Saint-Benoît. L'habit de ces religieux
était blanc , et ressemblait à celui des
chartreux pour la forme , à quelque
diirérence près. Leur vie était aus-
tère. Ils avaient le travail des mains^
vivaient de la culture de leurs vastes
jardins, et de quelques terres qui les
avoisinaicnt.Ilsnc recevaient de reli-
gieux qu'autant qu'ils pouvaient en
nournr , pour n'être à charge à per-
sonne. L'ordre avait cessé d'exister
avant la révolution. L'abbaye de
Sept-Fons , de l'étroite observance
de Cîteaux , avait envoyé au Val-des-
Choux une colonie qui y résida jus-
qu'à la suppression des établissements
religieux. L — y.
VIARD ( le comte Pierre-Joseph
Ut) , géuéral autrichien , né , en 1 655,
à Bitch , où son père était comman-
dant pour le duc de Lorraine, suivit,
dès sa jeunesse, dans son expédition,
le duc Charles V , surnommé \ejléau
des Othomans , et se fit remarquer
par un grand courage dans les guer-
res de Hongrie et contre les Turcs.
Il passa par tous les grades , et par-
vint à celui de feld-maréclial- lieute-
nant: fut créé baron , et ensuite com-
te de l'empire. Ce fut surtout aux
journées de Péterwaradin et de Bel-
grade qu'il se distingua. Il comman-
dait l'aile gauche de l'armée impé-
riale à la première de ces deux ba-
VI A
341
tailles; et il contribua beaucoup à la
victoire, en chargeant en flanc la ca-
valerie des Turcs, dans un moment
où elle paraissait victorieuse. Il fit
faire à sa troupe, devant Belgrade,
un mouvement qui ne fut pas moins
décisif; et le prince Eugène l'en féli-
cita hautement, en présence de tout
son état -major. Ce brave général
avait servi sous trois empereurs, et
il s'était trouvé à plus de cinquante
batailles ou combats, tant en Hon-
grie qu'en Allemagne ^ contre les
Turcs. Il mourut à Chisbourg en
Transilvanie , le 23 avril 1718, sans
avoir été marié. M — d j.
VI AS (B^\LTHASAR de), poète la-
lin, naquit à Marseille le 19 sep-
tembre 1587. Son père ( Jacques de
Vias ) , conseiller et maître des re-
quètcsde Catherine de Médicis, ayant
été banni pour son dévouement à l'au-
torité royale , se réfugia à Pise , où
sa femme le rejoignit avec leur fils ,
et ne revint à Marseille que lorsque
cette ville eut secoué le joug des Li-
gueurs {T. LiEERTAT, XIV, 4-^9 )•
Dès sa première jeunesse, Balthasar
montra des dispositions surprenantes
pour la poésie latine. A dix-neuf ans,
il publia, sous le titre A! Henricœa ,
le Recueil de ses essais , dont Henri
IV avait accepté la dédicace. Malgré
son penchant pour les lettres, il étu-
dia le droit ; et après avoir terminé
ses cours , il se fit recevoir docteur
à l'université d'Aix : mais il ne fré-
quenta point le barreau ; et la pro-
messe d'une place dans la magistratu-
re ne put le résoudre à sacrifier ses
goûts pour la retraite et pour l'étude.
Il partagea son temps entre la culture
de la poésie , la numismatique et l'as-
tronomie. Ami du savant Peiresc ( F.
ce nom), à son exemple, il s'occupa
de recueillir les débiis d'antiquités,
et parvint à former un cabinet pré-
344
VIA
cieiix. Désigne , par l'estime publi-
que , à la place d'assesseur de Mar-
seille , il assista , en cette qualité ,
aux états - généraux de 1G14. Il
fut pourvu , sur la démission de son
père, en 1(127, de la place de con-
sul à Alger; mais il obtint l'autori-
sation de la faire exercer par un dé-
légué. L'année suivante , Louis XIII
le nomma gentilliomme de sa cliam-
bre, et plus tard conscillcrd'état. Los
dilTcrcnls Recueils de vers publiés
par Vias avâëcut étendu sa réputa-
tion jusque dans les j)ays étrangers.
Ix; pape Urbain VIII voulut l'attirer
à Rome; mais rien ne put décider
Vias à quitter sa jialrie. Un jour, à
souj)er, chez Rulll , l 'historien de
Provence, Vias égaya la compagnie
aux dépens du P. de Saint - Louis ,
dont le |)oème ^enaitde paraître. Le
P. de iSaint - Louis se vengea de ses
plaisanteries par une douzaine d'a-
nagrammos( /'. Sai>t-Louis). Vias
avoua qu'il avait pris la liberté de se
moquer du poème admirable de la
Madeleine ; mais il prétendit que la
faute en était moins à lui qu'à la
cuisinière, qui l'avait mis de mau-
vaise humeur, en lui servant un dé-
testable potage. « Je vous la livre ,
» ajouta-t-il , afin que vous vous ven-
» giez sur elle de mon crime. Kl le
» s^ appcWe Elisabeth de Sainl-Mar-
» cel, nom qui contient presque lou-
» tes les lettres de l'alphabet, et sur
» lequel vous pourrez faire, non pas
» une, mais trente douzaines d'ana-
» grammes , si vous le voulez. » Vias
mourut à Marseille, en 1GO7 , à l'âge
de quatre-vingts ans. Sun cabinet fut
vendu pir ses héritiers; et ses ma-
nuscritslomhèrent entre les mains d'i-
gnorants (jui les ont laissé |)enlre. Il
avait beaucoup d'espiil c! de facilité
pour la poésie; mais il a faitun emploi
>i fréqueiil «]< la Tible , que son style
VIA
en est quelquefois obscur. Outre une
Oraison funèhreàcWcim IV, et quel-
ques Harangues, on a de lui : I. Hen-
ricœa, Aix, i6o0, in - 4". II. As-
trœœ Apolo^ia , ibid., 1609, in-4°.
C'est un éloge en vers du fameux ro-
man de d'Urfé ( F. ce nom ). III.
Genialis Erato, ubiprœcepta Chiro-
nis ad Ludovicum XIII, Paris,
i6io, in-4<'. IV. Silvce regiœ, qui-
bus sclecti francorum annalium et
])olitioris liUcratura; Jlores inse-
runtur , Paris, i(>u3, in-4". V. Prt-
nt'^ricus ad papa m Urbarmm oc-
tavuni , Aix, 1G.28, in -4". VI. fiu-
pella obsessa et expeditio in Ita-
liam , Aix, iGiS. VII. /« iV^tco/.-
Cl. Fabricium de Peircsc Epice-
dion, Marseille, 1642, in - 4". Ce
Poème , de (piatre à cinq mille vers ,
suil'irait, suivant le P. liougcrel,
pour assurer à l'auteur une pla-
ce honorable sur notre Parnasse la-
lin. VIll. Charitunilibrilres, Paris,
iGGo, in - 4"- C'est un Recueil àl'i-
dylles. Le fronlisj)icc est décoré du
j)ortrait de Vias, en médaillon, sou-
tenu par les Grâces. On trouve, à la
(in du volume , une Epilre de \ ias à
U femme de Jean Piarclay, qu'il avait
reçue , en iGiG, à son passage à
Marseille ; et la Réponse de Rarclay,
au nom de sa femme. Ces deux piè-
ces avaient été imprimées séparé-
ment, à Paris, 1G17 , in^"- Un des
Recueils de Peiresc , possédé par de
Boze , contient des Notes de Vias
sur les monnaies turques, et une
Lettre curieuse sur cette matière.
On sait qu'il avait entrepris, à la
demande d'Urbam VIII , un Poème
sur la découverte du Nouveau-
Mdv.deet de nouveaux astres ; mais
on ignore s'il eut le temps de le
teiniiner. Voy. VÉloçi^eCif Vias, par
liougerel , dans les Mémoires pour
servir à V histoire de plusieurs lioni-
VIB
mes illustres de Provence, 174-
202. W — s.
VIAUD. F. Théophile.
VIBIUS SERENUS (C.) fut un
des Romains qui , sous le rèpjnc de
Tibère , se livrèrent à l'odieux mé-
tier de délateur. Il porta la parole
devant le sénat dans l'allairc de
Libon , et contribua beaucoup à la
mort de ce malheureux. N'ayant pas
e'tc récompense autant cpi'il le desi-
rait de cette action infâme , il eut
l'audace de s'en plaindre amèrement
dans une lettre qu'il adressa à l'em-
pereur. Tibère conserva Idfcg-tcmps
un secret ressentiment de cette in-
jure; et huit ans plus tard , lorsque
\ ibius fut lui-mtme dénonce par son
propre iils , pour avoir conspire
contre le prince , bien que l'accu-
sation fût sans aucune preuve ni
vraisemblance, et que le délateur
eût e'tc' confondu et poursuivi par le
peuple , indif;nc' d'un crime aussi
moiistrueux, Tibère, (pii nourrissait
une vieille haine contre l'accu-sc' , ne
permit pas qu'il fut complètement
absous. Il le lit renvoyer ou exil
dans l'île d'Âmorgus, oii il avait déjà
passe' plusieurs années, pour des actes
de cruauté et de tyrannie commis
dans la Bctique, lorsqu'il en était
proconsul. Les historiens ont fait
une peinture bien remarquable du
spectacle qu'oiliit , en présence des
juges, Vibius chargé de cliaiues et
accusé par son fils , vêtu de ses plus
beaux habits , montrant une auda-
ce et une assurance qui contras-
taient singulièrement avec la fai-
blesse et l'abattement du vieil-
lard. Celui-ci mourut dans l'exil.
— Vibius-Crispus , célèbre orateur,
acquit à Rome, sous le règne de Né-
ron, une grande influence par ses
talents oratoires. Cependant il ne put
empêcher que sou frère , qui avait
VIB
345
été intendant de l'emporcur en Mau-
ritanie , ne fût condamne' comme con-
cussionnaire ; il parvint .seulement à
faire adoucir la peiue; mais |)lus
tard , sons le règne d'Othon , il se
vengea en faisant condamner le dé-
lateur de son frère, bien que lui-
même eût fait aussi cet infâme mé-
tier et qu'il s'y fût considérablement
enrichi. C'était , dit Tacite, un hom-
me plus célèbre par ses talents , son
crédit et ses richesses , que par sa
probité , inter claros m agis giiàm
intcr honos. Courtisan fort adroit ,
Vibius-Crispus traversa heureuse-
ment les règnes des empereurs les
plus :,anguinaires. Il était de toutes
les orgies de Vitellius ; et il fut gra-
vement incommodé des suites d'une
indigestion {jui le dispensa d'y retour-
ner. Ce fut à cette occasion qu'il dit
gaîment : « Je serais mort , si je n'é-
» tais tombé malade. » Sous Domi-
tien, il redoubla de complaisance etde
bassesses. Juvénal en fait un portrait
assez curieux dans sa quatrième .sa-
tire, (i C'était , dit-il , un agréable
» vieillard , capable de donner de
» bous conseils à l'empereur , s'il
» n'y avait eu rien à risquer; mais
)> peu disposé à sacrifier sa vie pour
» la défense du juste et de l'injuste.»
Ce fut par une telle prudence que
Vibius se maintint eu sûreté et mê-
me en crédit sous des tyrans auprès
desquels , suivant le témoignage de
Juvénal, une conversation sur la pluie
et le beau temps suffisait quelquefois
pour perdre leurs meilleurs amis. Il
parvint ain.si à l'âge de quatre-vingts
ans , et vécut toujours dans les plai-
sirs et la prospérité. Ce fut lui qui
dit ce mot plaisant à quelqu'un qui lui
demandait si Domitieu était seul dans
sou cabinet : « Il n'y a personne ;
» pas mrine une mouche » ( Foy.
DoMIÏltN ). M— D j.
^^e viB
VIBIUS - SEQUESTER, ancien
géographe, sur lequel on n'a que des
renseignements incomplets. D'après
son nom , on conjecture qu'il était Ro-
main; mais on ne peut pas assurer
qu'il descendît de l'illustre famille
Vibia , connue dans l'histoire. L'é-
poque où florissait Vibius est incer-
taine. Le savant Oberlin n'a pas cru
pouvoir la fixer d'une manière pré-
cise , puisqu'il se contente de dire
que Vibius a vécu du cinquième au
septième siècle. On a, sOus son nom,
nn opuscule intitulé : Dejlaminibus,
fontihus y lacuhus , nemurihus , pa-
ludibus , montibits , gcjitibus , quo-
rum apiid poêlas fit mcntio. C'est
une espèce de table alphabétique des
noms de fleuves, fontaines, lacs,
forets , etc. 11 l'avait rédigée pour
faciliter l'intelligence des poètes à
son fils Virgilius , auquel i! l'adresse
par une comte Épître. Ce travail ne
suppose pas beaucoup de critique ni
d'érudition ; cependant il ne lais-
se pas que d'èlre utile. Boccace l'a
inis à contribution pour son Traité
De montibus , sylvis , etc. ( V. Boc-
cace ) j mais il a eu le tort de ne pas
même nommer l'auteur, auquel il
faisait de si larges emprunts. La
première édition de l'ojniscule de
Vibius est celle de Rome , Jacq. Ma-
zochius, ou Jean de Beziken , i5o5,
die X mcTisis maii , in - 40. Elle
est si rare que le savant Oberlin n'a-
vait jamais pu la trouver; et il nous
apprend que son devancier Fr. Kes-
sel n'avait pas été plus heureux (i).
L'opuscule de Vibius a été réimpri-
mé , avec Solin, Pesaro , 1 5 1 2 , in-
VIB
fol. (a); et depuis, avec Pomponius
Mêla et les anciens géographes , Ve-
nise, Aide, i5i8 (3); Florence,
Giunti, iSig et i526, in- 8°. Uu
anonyme le reproduisit à Lyon, i53g,
in-80. , d'après un ancien manuscrit,
avec Marcianus Capella , V Itiné-
raire d'Antonin, P. Victor et Ds-
nys. A cette édition succéda celle de
Bàle, 1675, in-i 2; elle est ducaux
soins de Jos. Simler, qui y joignit
quelques anciens opuscules de géo-
graphie, tels que \ Itinéraire de Ru-
tilius, etc. L'édition de Toulouse,
i6i5, in^°., par Maussac ( V. ce
nom), contient, eu outre, l'opuscule
de Plutarque : De fluviorum et mon-
tium nominihus , et celui de Psellus :
De lapiduni virtutibus. Enfin Fr.
ïlessel publia une édition séparée de
Vibius, Rotterdam, i^ 1 1 , petit in-
8°. , enrichie de variantes , d'un
petit appendice tiré d'un ancien ma-
nuscrit , et de notes très-amples. L'é-
dition la plus récente de Vibius est
celle qu'a ])ubliée Oberlin , Stras-
bourg, 1778 , in-8'\, revue et corri-
gée sur six manuscrits. Aux notes des
anciens commentateurs , Hessel ,
Claudius , Reland, Pauw, etc., l'é-
diteur a joint les siennes, et celles que
Sainte - Croix avait bien voulu lui
commimiqucr. W s.
VIBORG ( Érich Nissen ), célè-
bre vétérinaire danois , naquit dans
le duché de Sleswick le 5 avril
1759. Son père ^ ministre protestant
dans le bailliage d'Abenraa , lui don-
na la première i>istruction classique,
et l'envoya , en 1777,3 l'université
de Copenhague, où le jeune Viborg ,
fï' Oberlin Ji'a point connu celle e'diliou , ni la
(0 11 en existait un cicuiplaire dans la MLlio- reimprcssiou des Giunti , iSîfJ.
llifcpie de (".revenu»; elle est indiquée dans son (3) Et non pas i5i4 , comme le dit Cberîin, «jui
Cntalogiie, n». S^.iJ. Celte rnrisjime édition fut roujecture «pie c'est par erreur cpie Gronove a eue
adjugée avec celle 'de Fr. Hessel , et UD troisième l'édition Aldine sous la dalc de i.ïiS. Voyei.li»
«juvrage, pour le juii de 3 florins. l'rolégomines de son (édition de Vibius , p. XUl.
VIB
qui ne voulait point être à charge à
sa famille, donna , pendant six ans,
des leçons particulières qui suffirent
à ses besoins. Se destinant , d'après
le vœu de ses parents, à l'elat ecclé-
siastique , et ayant suivi les cours de
théologie, il iit , dans l'étude des
langues orientales , des progrès qui
furent remarqués. Mais une certaine
timidité lui faisant craindre d'é-
chouer, quand il serait obligé de pa-
raître en chaire , il renonça à son
premier projet j et d'après l'avis de
ses maîtres , il suivit les cours de
physique, de mathématiques, et sur-
tout ceux d'histoire naturelle. Sur les
instances du professeur Abildgaard ,
il s'attacha à l'étude de la science vé-
térinaire , jusque-là très - négligée
en Danemark. Il y fit des progrès
si rapides ^ qu'en i-jSS il remporta le
prix que l'académie des sciences de
Copenhague avait destiné pour le
meilleur ouvrage sur l'eudiométrie.
Ses premiers essais , comme auteur,
furent : I. Tentamen Eudiometriœ
perfections, Copenhague, 1784. II.
Mémoire botanique et économique
sur l'ora;e ( en danois ) , Copenha-
gue , l'-Sy ;, in-4°. Ce Traité a été
traduit en allemand avec des notes ,
Copenhague , 1802 , in-4°. III. In-
fluence du sable mouvant (danois)^
Copenhague , 1787 , in-S". Ces deux
dernières dissertations furent égale-
ment couronnées par l'académie des
sciences , et c'est par la troisième ,
sur les Sables mouvants {Flug-Sand)
que l'auteur annonça les services
qu'il devait rendre à sa patrie ,
en proposant aux habitants du Da-
nemark les moyens de prévenir
ou d'éloigner un fléau qui jus-
(jue-là avait désolé les côtes du
Jutland , sans que l'on siît comment
y remédier. Le gouvernement danois,
voyant combien Vil>org pourrait lui
VIB
347
être utile , le fit voyager à ses frais
pendant trois ans. 11 parcourut
successiv^ement l'Allemagne , l'An-
gleterre et la France. Il était dans
cette dernière contrée en 1789, et il
y fut témoin des premières scènes de
la révolution , qui firent sur lui une
vive impression. Il visita néanmoins
avec beaucoup de soin les écoles
d'Alfort etdeLyon; etrctourna dans
sa patrie, emportant une richecoUcc-
tion de renseicrncmcntset d'observa-
tions utiles. On le nomma alors pro-
fesscurà l'école vétérinaire de Copen-
hague, et inspecteur général du Flug-
Sand ou des sables mouvants. Ce iut
Viborg qui , en cette dernière quali-
té, proposa et rédigea la sage ordon-
nance que le roi rendit , en 1 79^2 ,
sur les moyens d'éloigner ce fléau.
En 1 796 , Viborg fut envoyé avec
le directeur des haras en Pologne ,
en Ukraine et en Rloldavie , pour vi-
siter les établissements de ces con-
trées, si renommées pour les chevaux
qu'elles élèvent ; ils devaient choisir
des étalons et des poulinières. Abild-
gaard étant mort en 1801 , Viborg
fut nommé à sa place directeur
de l'école vétérinaire et de tous
les étabhssements qui ont rapport
à cette branche de l'administra-
tion publique. Enfin il fut fait con-
seiller d'état et chevalier de l'or-
dre de Dannebrog. Doué d'une acti-
vité peu commune , et voulant rem-
plir exactement tous ses devoirs , il
succomba à tant de fatigues le 25
septembre 1822. Ses autres écrits
sont : IV. Vertus nuisibles et salu-
taires de Vif ( ail. ) ;, Copenhague,
1788. V. Description des plantes
que l'on peut élever dans les terres
sablonneuses, et de leur utilitépour
arrêter les sables mouvants sur les
côtes occidentales du Jutland ( en
danois et ail.) , Ccpcuhaguc , 1789,
3/{S
VIB
in-S*^. , avec planches. Celle disser-
tation , irapriinc'e aux fiais du gou-
vernement , fut dislribuc'c aux liabi-
tauls du Jutland. VI. Sur l'école
rojale vélérmaire di' Danemark ;
essai d'un livre élémentaire sur les
plantes indigènes , à Vusaqe des
élèves de cette école (danois) , Co-
penhague, i70'2, in-S**. VII. Rè-
glements relatifs aux haras dans le
pajs de Hanovre danois), i7<^9,
in-H". Vni. Recueil de disserta-
tions pour les médecins vétérinaires
et pour les econom« (danois cl ail.) ,
Copenhague, 179'"), y. vol. iu-8".
Dans le jnemier volninc nous avons
remarque la Iroisiî-me dissertation
sur l'école vétérinaire de Danemark. ,
sur son organisation , comparée avec
les établissements des autres pays.
Dans le second volume, on trouve des
détails intéressants sur les bergeries
et haras de dillercntes contrées. \jc
\olunicest termine jiar une disserta-
tion sur le terrible Flug-Sand. La
mer dépose sur les côtes oceidenta
les du Jutland un sable d'une ex-
trême leiniite, cpii , lorsqu'il est des-
séche , s'élève, au premier coup de
vent, comme luj nuage épais qui pc-
nitre dans les dcmeines des liabi-
lanls , s'insinue dans leurs habille-
ments , dans leurs yeux, et couvre
leurs chaTups cl leurs moissons. L'au-
teur a indique ks moyens de réta-
blir la végétation dans les terrains
soumis à l'empire du Flu^-Sand, et
son nom sera à jamais boni en Dane-
mark. l'S.. Sur les bergeries, dans
les duchés de Slcswick et de JIols-
<6'm i^danois), Co]>enliaguc, 1797 , x
vol. in-8''. X. Beata ruris otia ,
fungis danicis impensa à Thcodoro
flotmskiold , Copenhague, 1799,
in-H'\ XI. De vi venenatd nucis
vomicœ , Copenhague, «SoOjiu-S".
Xll. Sfruthio cdsuarins , unato
VIB
misé à l'école vétérinaire, Copen-
hague, 1800 , in-8". XIII. Comment
peut-on , par la voie d'injection ,
faire entrer des médicaments dans
lei veines de l'animal (ail.), dans
les Archives du Nord , 1 80 1 . XIV.
Essai sur la méthode d'inoculer la
morve aux hêtes{d\\.). Archives du
Nord, 1801. XV. EJJet (pie cer-
tairws plantes du nord peuvent pro-
duire sur les bêtes , ibid. XVI.
Preuve que la petite vérole est une
maladie commune aux bêtes et aux
hommes , d'après des expériences
faites à l'école vétérinaire , Copen-
hague, 1801. XVII. Essais sur les
efjèls de l'Arnita et de la gomme
arabique , que l'on fait entrer dans
les %>eines des animaux par voie
d'injection (ail.;, .Vrchivesdu Nord,
1 80 1 . X\ III . Livre élémentaire de
l'histoire naturelle (ail.), Copen-
hague, 1802, in-8". XIX. Expé-
riences faites sur les ejfets de l'Ar-
nica montana , sur ceux de V A-
guli du Brésil et du Cavia Aguti
( danois) , Copenhague, i8ou. XX.
Sur les effets opposés du salpêtre ,
et des différents sels que l'on fait
entrer dans les 7>eines des ani-
maux par voie d'injection ( ail. ) ,
Arch. du Nord, i8o3. XXI. Mé-
thode d'instruction que l'on suit
dans l'école vétérinaire de Dane-
mark (ail.) , Tubiiigue , 1804.
XXII. Réponses à différentes ques-
tions qui ont rapport à la castra-
tion des animaux (ail.) , ib. , i8o5.
XXIII. Sur la Flora danica , dans
le Muséum de Scandinavie , 1806.
XXIV.iS;/r les différentes espèces
de pommes de terre , sur les de-
grés de leur maturité ( ail. ) , Kiel ,
1807. XXV. Travaux de la so-
ciété rojalc vétérinaire , Copen-
hague, 1808. XXW. Sur la fiè-
vre injlammaloire maligne et son
VÏB
traitement (ail.), Carlsrulic, 181 ?..
XXVI I. Traitement des vers dans
les chevaux, ibid. , 1812. XXVIIl.
Sur la fougère que l'on croit faus-
sement nuisible aux chevaux et
aux hetes à cornes ( ail. ) , ibid.
XXIX. De l'hémorragie dans les
chevaux , quand elle vient des
poumons , et manière de l'arrêter
par des fumigations de vinaigre
( ail. ) , ibid. XXX. Sur l'épidémie
qui s'est élevée en ^'t^\f\ dans les
duchés de Sleswick et dellolstein;
instructions adressées aux habi-
tants (ail.) , Gluckstadl et SIeswick ,
iii-4". XXXI. Mémoire sur l'é-
ducation et l'emploi du porc, ou-
vrage couronné par la société d'a-
griculture du département de la
Seine. Voyez ses Mémoires, Paris ,
181 4. XXXI 1. Analyse des tra
vaux de la société rojalc vétéri-
naire de Copenhague , second rap-
port , Copenhague, 181 5, 111-4".
XX Kl II. Travaux de la même
école , jusqu'en 1817 (ail. ), Mu-
nich, 1817, in-8». XXXIV. Nou-
veau rapport sur la même école ,
avec un supplément sur la littéra-
ture vétérinaire ( ail. ) . Copenha-
gue, 1819. XXXV. Collection de
traités sur l'art vétérinaire ( da-
nois ) , Copeuhaguc, 1820, i*^'.
vol. , in-S''. Cette ])ublication fut
entreprise par C. Viborg , frère
du savant a qui cet article est con-
sacre, et qui, après sa mort, lui
succéda dans la direction de l'ccole
vétérinaire. Ce premier volume , le
seul qui ait paru jusqu'à présent,
contient , dans l'introduction , la Vie
de Viborg ( Erich ), la liste de ses
ouvrages ( i , avec celle des sociétés
(1) D'après celle Noiice, Viborp avait public
iusqu'àla fin de i8i() cent vingt-neuf dissertation.»
ou traites sur l'.Vrt vétérinaire , en latiu, en fran-
r»n , en allemand et en danois.
Vie 349
savantes qui l'avaient reçu dans leur
sein. Depuis 1787 jusiju'au 3i Octo-
bre 1819, il avait été agrégé par
jilusde trente, entre autres, par l'ins-
titut de France, par la société d'a-
griculture et l'écoîe de médecine de
Paris. Les traités insérés dans ce
premier volume ont surtout raj)port
aux dillr'rentcs races de brebis , à la
manière de les élever. On y trouve
aussi des Lettres très-intéressantes
qu'Abildgaard écrivait de ^Fadrid à
l'auteur, on 1794 , stir les trouj)eau\
d'Kspagne. XXXVI. Bibliothèqui
h l'usage des médecins (danois) ,
Copenhague, i8>.ià 1824, 9vol.
in-8". XXX Vil. Le cheval , consi-
déré dans ses formes extérieures
(danois, Copenliaguc, 1821 , iu-8"^.
Ce traitt' est un de cc\\\ que Viborg
compo'^a dans son lit, peu de temps
avant sa mort. XXXVIII. Guide
pour soigner les étalons , les pouli-
nières et les poulains, jusqu'à ce
qu'ils aient atteint leur cinquième
année ( danois ) , Copenhague ,
18U4, in-8". Voyez sur ce savant:
i". Dictionnaire de littérature da-
noise et septentrionale , par Nié-
rup (danois), tom. 11. p. 607 et
suiv. ; 5". Notice biographique sur
Érich Nissen Tlborg , recueillie
par C. Viborg, son frère , dauois' .
Copenhague, i8'^.3. G — y.
Vie (Dominique de), seigneur
d'Ermenonville , d'une ancienne fa-
mille de Guienne, fut l'im des ser-
viteurs les plus dévoués de Henri IV.
Dans sa Jeunesse , il porta le nom de
Sarred,(]in était ceiiu de sa mère; et
ayant embrassé la profession des ar-
mes il se signala dans les guerres de
religion. Son attachement pour la
cause royale le rendit suspect au duc
de Mayenne j mais les injustices et
les dégoûts qu'il éprouvait ne pu-
rent l'écarter de son devoir. Il re-
35o
Vie
çut deux blessures, on i586, l'une à
la cuisse, au sic'ge de Sainte-Baseille,
et l'autre à la jambe , devant le fort
de Seine, près de Chorgis. Cette der-
nière blessure ne lui permettant plus
de monter à cheval , il vint à Char-
tres , où il resta trois ans, dans un
état continuel de soullrances. L'his-
torien de Thou, son ami, le voyant
dësespc'rc de ne pouvoir offrir ses ser-
vices an roi contre la Liç;ue, lui con-
seilla de se faire couper la jambe. Il
suivit ce conseil, recouvra prompte-
ment ses forces, et se hâta de rejoin-
dre l'armëe royale. De Vie se couvrit
de "loire à la bataille d'Ivry. Henri
IV , pour le recompenser de sa con-
duite dans cette journée , lui permit
d'ajouter à ses armes luie fleur de lis
dans un champ d'azur. Nomme gou-
verneur de Saint-Denis (janv. i Sgi ),
il n'y était que depuis quelques j ours ,
quand cette ville fut surprise par le
chevalier d'Aumale. Éveille par le
bruit des soldats , il rassemble ses
domestiques , donne l'ordre de sonner
la charge, et se précipite sur les as-
saillants, résolu de trouver une mort
glorieuse en combattant; mais d'Au-
male {F. ce nom, 111, 69) ayant
été tué des le premier choc , ses
soldats elVrayés s'enfuirent dans le
plus grand désordre. De Vie contri-
bua beaucoup à la reddition de Pa-
ris , en éclairant , sur leurs véritables
intérêts , les habitants qu'il avait l'oc-
casion de voir et d'entretenir. Le roi
le nomma gouverneur de la Bas-
tille; mais il obtint néanmoins la
permission de suivre l'armée eu Pi-
cardie. Il fit entrer ( iSqS) un con-
voi de vivres dans Cambrai , sous le
canon des Espagnols ; et on ne peut
douter que , si ses conseils eussent
été mieux, suivis , cette ville n'eût été
conservée. Après la prise d'Amiens
(1597), il resta dans cette place.
Vie
avec une forte garnison. En 1602, il
fut nommé gouverneur de Calais et
vice -amiral. Chargé de transpor-
ter à Douvi'es les personnes qui
devaient accompagner Sully en An-
gleterre , il remplit sa mission ,
et se trouvant en vue du vaisseau
anglais monté par Sully, il fit le-
ver le pavillon de France , et le sa-
lua d'un coup de canon. Le capitai-
ne anglais furieux donna l'ordre de
tirer sur le vaisseau de de Vie, a ju-
» rant qu'il ne souffrirait aucun pa-
» villon en la mer Océanc que celui
» d'Angleterre. » De Vie , cédant
aux ordres de Sully, ne put tirer
vengeance de cet affront, et regagna
Calais. L'année suivante ( i6o4 ), il
fut envové, comme ambassadeur ex-
traordinaire, près des ligues grises,
et ayant renouvelé les anciennes ca-
pitulations, il revint dans son gou-
vernement. La ville de Calais lui dut
de nouvelles forùfications. Il s'était
fait chérir des habitants , par sa dou-
ceur et par sou extrême obligeance.
Aprèsla mortde HenriIV,il fut nom-
mé , par la régente , conseiller-d'état.
S'étant rendu à Paris , pour remplir
les devoirs de cette charge, en passant
pai' la rue delà Ferronnerie, il fut
saisi d'une douleur si vive, à la vue
de l'endroit oii son bon maître avait
été assassiné, qu'à peine put - il re-
tourner chez lui; et il mourut, le
lendemain, dimanche, 1 5 août 1610.
On conserve à la bibliothèque du roi
plusieurs Lettres écrites par de Vie ,
jiendant son ambassade en Suisse.
On peut consulter, pour les détails,
le Journal de Henri IF et les Mé-
moires de Sully , ainsi que V Histoire
de de ïhou. W — s.
Vie ( Dom Claude de ) , béné-
dictin de la congrégation de Saint-
Maur , naquit, en 1670, à Sorèze,
diocèse de Lavaur, et à l'âge de dix-
vie
sept ans enlm dans le monastère
de la Daurade , à Toulouse. Ayant
achevé' ses études , il enseigna la
rhétorique au collège deSaint-Sever,
nouvellement fonde; et, en i-yoi , il
fut choisi pour accompagner à Rome
le procureur-gcnéral de la congréga-
tion. Son séjour en cette ville le mit
à même de rendre des services à ses
confrères , pour lesquels il colla-
tionna les principaux manuscrits de
la bibliothèque du Vatican. De re-
tour en France, il fut associé à Dom
Vaissette , qui venait d'entreprendre
Y Histoire générale du Languedoc ,
et il eut beaucoup de part aux deux
premiers volumes de ce grand ou-
vrage ( Voy. Vaissette, XLVIJ ,
264 ). Les liaisons qu'il avait
conservées avec plusieurs personna-
ges éminents décidèrent ses supé-
rieurs à le renvoyer à Rome avec le
titre de procureur -général , et il
s'occupait des préparatifs de son dé-
part , lorsqu'il mourut subitement
à l'abbaye de Saint-Germain-des-
Prés , le 'il> janvier 1734. Le seul ou-
vrage que l'on ait de dom de Vie est
la Traduction latine de la Fie de
Mahillon, par Ruinart [F. ce nom),
Padoue, i7i4,in-4°. Dom Vaissette
a publié l'Éloge de cet estimable re-
ligieux dans le Mercure de France ,
mars 1734 , d'où il a passé dans le
tome XIX de la Bibliothèque fran-
çaise , par Du Sauzeî. — Vie ( Gé-
rard de) , chanoine à Carcassonne ,
dans le dix-septième siècle , a donné
en latin une Chronologie historique
des évéques de cette ville, 1667,
in-fol. W — s.
VICAIRE (Philippe), né à Caen
le 24 décembre i G89, ayant embras-
sé l'état ecclésiastique , prit ses gra-
des dans l'université de cette ville, et
y fut reçu docteur de la faculté de
théologie, de laquelle, par la suite,
Vie
35 1
il devint doyen. Il y fut aussi pour-
vu de la cure de Saint -Pierre, l'une
des principales paroisses de Caen.
Il était fort attaché aux Jésuites,
et prit une part très - active dans
les querelles qui s'élevèrent, de son
temps, au sujet de la bulle Uni-
genitus , qu'il soutint avec chaleur.
Il paraît que cette ardeur , poussée
un peu loin, déplut au parlement de
Rouen , lequel ^ le 1 7 février 1719,
rendit contre lui un arrêt qui le pri-
vait de toutes ses places, et qui lui
ôtait tout droit de suflrage dans les
délibérations de l'université. Aidé
néanmoins de l'autorité du roi, il
parvint à s'y faire réintégrer, rentra
dans ses fonctions, et fut remis en
possession de tous ses droits. Une au-
tre tourmente l'attendait plus tard.
L'abbé Chauvelin ayant dénoncé, le
17 avril 1761 , les constitutions des
Jésuites , plusieurs arrêts furent ren-
dus dans le courant de 17G2 contre
la société , par les dilTérentes cours du
royaume, et entre autres par le par-
lement de Rouen. Cet arrêt ayant été
présenté à Vicaire, comme doyen de
la faculté de théologie , il refusa de
l'inscrire sur ses registres. Aussitôt il
fut mandé à Rouen , pour y rendre
compte de sa conduite, et fut de nou-
veau privé de toutes ses fonctions ,
dans lesquelles il ne paraît pas qu'il
soit jamais rentré. C'était d'ailleurs
un homme estimable et un ecclésias-
tique zélé. Sa paroisse était bieu gou-
vernée. Il prêchait avec succès, et
travaillait à la conversion des protes-
tants , dont plusieurs rentrèrent, par
ses soins , dans le sein de l'Église. On
a de lui : I. Discours sur la nais-
sance de Mgr. le Dauphin , Caeo ,
1729 , in - l^o. II. Oraison funè-
bre du cardinal de Fleurjy , i743 ,
in -4". IIÎ. Demandes d'un pro-
testant , faites à M. le curé de ***,
35i
Vie
avec les réponses, 1766, \n-ii. IV.
Exposition fidèle et preuves solides
de la doctrine catholique , adres-
sées aux protestants , etc., Caen,
1770, 4 vol. in-i'2. L'abbe Vicaire
mourut le 7 avril 1775, L — y.
VICAT (Béat-Phiuppe) naquit
à Aigle, ville du pays de \ aud, en
1715, et mourut en 1770. 11 se dis-
tingua , dans un âge tendre, par ses
talentselparsonapplicalion.lletudia
le droit, les belles -lettres et la phi-
losophie, à Bâle et à Lausanne; ob-
tint une chaire de droit dans cette
dernière ville , et refusa alors celle
qui lui fut oiT'erte à l'université d'Her-
born. Ses ouvrages sont très-nom-
brcur j nous ne citerons que les
principaux : I. Prœlectio de suc-
cessionc lestamentarid , ex jure na-
turali, cii'ili et statutario , 17 fH.
II. Ilacfiprechl comment, de ijisii-
tut. juris civilis Justinianei , avec
des notes, 174^, -i vol. in-fol. III.
Focabnlarium juris utriusque .
7759, 3 vol. IV. Une Traduction de-
là Défense de S. Remo contre Gè-
nes , 1753, à la réquisition des
Remois, que sa réputation engagea
à lui envoyer un de leurs m.igistrats
charge de l'inviter à composer cet
ouvrage. V. Une e'dition des Me-
moric spettanti alla vita di Ira
P aolo, servit a , 17(30, VI. Une édi-
tion des OEuvres complètes de BjU'
kershoek , supérieure à toutes les
précédentes. Vil. Les Libertés de
l'Église helvétique , traduit de
l'allemand , 1770, avec une pré-
face intéressante. Comme biblio-
thécaire de Lausanne, il a soigné
le Catalogue de la bibliothèque ,
imprime en i 768. Parmi les manus-
crits qu'il a laissés, on distingue un
Cours de droit naturel fort étendu ,
et qu'il avait destiné à l'impression.
— Son épouse, Catherine -Elisabeth
Vie
CunxAT , naquit en 1 7 12 , et mourut jjk
en 1772. Son goût la porta à la cul- •
ture dos abeilles ; et elle y fit des dé-
couTcrtcs intéressantes. Elle ajouta
beaucoup à celles de Réaumur et de
Faîteau, par des obserA'ations neuves,
et qui attirèrent l'attention des con-
naisseurs. La société économique de
Berne , ay;int reçu ses Mémoires
(imprimés dans le cinquiime volume
de sa collection allemande ) , s'em-
pressa de l'agréger. Celles de Du-
blin , de Lu'îace , de Bienne et de Lau-
sanne suivirent cet exemple. Elle ré-
digea aussi des observationssur lama-
nicre de tirer un grand parti des étou-
pes de lin et de la ritle; sur l'art de
faire éclore les poulets , et de favori-
ser la multiplication des pigeons, et
siu" les vers à soie; sur l'incidwtion
et la formation du cœur dans le pou-
let , observalion> dont Haller (it le
plus grand cas. Ce qui lui a acquis le
plus de réputation, ce fut une nou-
velle construction de ruches , supé-
rieure à toutes les précédentes, et une
méthode de faire des essaims artili-
ciels , qui lui a mérité , après sa mort,
la prime que la société économique
de Berne avait promise pour cette
découverte. U — i.
VICAT f Philippe- Rodolphe ),
médecin , fri-re cadet du précédent ,
naquit à Payerne en 1720. Après
avoir achevé ses études à Gbttingue,
sous la direction de l'illustre Haller,
il visita l'Allemagne et la Pologuc ,
où il s'arrêta quelque temps pour
observer la maladie singulière con-
nue sous le nom de Plique polonaise.
De retour dans sa ville natale, il par-
tagea ses loisirs entre la pratique de
son art et l'étude des sciences natu-
relles. Haller sel'associa pour la pu-
blication des u4rtis mcdicœ princi-
pes ^ et il surveilla depuis l'impres-
sion de quelques ouvrages de ^ son
vie
maître , dont il a donné une table gé-
nérale. Vicat mourut à Lausanne,
eu 1783, laissant la réputation d'un
habile praticien. Il jouissait, comme
médecin , d'une pension de la ville de
Payerne. Il était membre correspon-
dant de l'académie royale de Gotlin-
gue , de ia société médicale helvéti-
que, etc. On a de lui : I. Mémoire
sur la Pliquc polonaise , Lausanne,
l'j'jS, in-S"*. IL Histoire des plan-
tes vénéneuses de la 5H/55e , rédigée
d'après Haller , Yverdun, 177G, 1
vol. in-H». , fig. ; elle est estimée. III.
Matière médicale . tirée de l'ouvra-
ge dellaller : Stirpium ijidigenarum
Helvetiœ historia ; avec beaucoup
d'additions, Berne, 1776, 2 vol.
in-8". ; nouvelle édition sous ce titre :
Histoire des plantes suisses, ibid. ,
1791, 2 vol. iu-B". Cet ouvrage est
traduiten allemand. IV. Supplément
au Dictionnaire d'histoire naturelle
de Valmont de Bomare, Lausanne,
1778 , in-8". ; outre quelques arti-
cles nouveaux, ce volume contient
une table raisonuc'e et systématique
des articles d'histoire naturelle ; et
trois tables de malici e médicale ,
l'une , des remèdes internes; l'autre,
des remèdes externes, et la troisième,
des remèdes rangés sous les noms
des maladies auxquelles ils convien-
nent. Celte dernière table finit au
mot petite -vérole ; mais l'auteur en
promettait la suite dans un second
volume, qui n'a point paru. V. De-
lectus ohservationum practicarum
ex diario clinico desumptaruni ,
ibid., 1780, in-S". , trad. en alle-
mand, par Ch.'^F. Niceus , Leipzig,
T793 , grand in-8". VI. Observations
et dissertations de médecine prati-
que , publiées on forme de lettres ,
trad. du latin de Tissot, ib., T780,
"x vol. in-12; reproduits en T784,
daas le recueil des Œuvres de Tis-
XLVIIT,
Vie 353
sot, dont ils forment les tomes r et
VI. C'est la traduction des Epistolœ
medico-practicœ ( F". Tissot). Le
traducteur y a réuni quelques pièces
sur le Raphania , ou maladie attri-
buée à l'usage du seigle ergoté , tirées
de la Bibliothèque allemande de
médecine , de J.-Clém. Tade. VII.
Mémoire sur le gaz , et principale-
ment sur le gaz méphitique dit air
fixe, trad. du latin de J.-Fréd. Cor-
vinus, avec deux autres Mémoires
analogues , l'un de Bergmann , et
l'autre de Crell , ibid. , 1 788 , 3 part.
in-8'\ W — s.
VIGECOMES. roj. ViscoNTi
( JoSEPiI ).
VICENTE ( GiL ) , le plus ancien
et le plus célèbre des poètes comiques
portugais , naquit , suivant les uns ,
à Guimaraens , suivant d'autres à
Barccllos ; et d'après le plus grand
nombre à Lisbonne. On ne connaît
pas plus exactement l'année que le
lieu de sa naissance. Toutefois , on
peut la déterminer avec assez de pro-
babilité, à l'aide des dates par les-
quelles il a lui-même indiqué l'époque
de la composition d'un grand nom-
bre de ses pièces dramatiques. On sait
que la première est de l'année i Son. ;
il ne pouvait guère avoir alors plus
de vingt à vingt-deux ans, ce qui re-
porterait l'année de sa naissance vers
1480 ; comme l'époque de sa mort
est de 1557 , il aurait vécu soixante-
quinze ou soixante-dix-sept ans. Mal-
gré l'ancienneté et la popularité des
ouvrages dramatiques de Gil Vi-
cente, les Portugais n'élèvent au-
cune prétention sur la priorité de
leur théâtre national. Sans parler
de l'Italie, où , sur la fin du quin-
zième siècle , Ange Polilien , Arios-
te, le cardinal Bibiena , Machia-
vel et P. Aretin avaient fait , pour
renouveler la tragédie et la comédie
23
354 Vie
anliquc5:,(lesctrortsdontla renommée
ue parvint jamais au poète portu-
gais; deux pays voisins, la France et
l'Espagne , étaient entres avec hon-
neur dans la roule du drame national,
seul plaisir de l'esprit qui j)ut émou-
voir vivement cette socit'tc nouvelle
qui y retrouvait ses habitudes, ses
goûts et ses croyances. Dès la fin du
treizième siècle^ Adam de le Halle ,
plus connu sous le nom du Bossu
d'Arras , avait obtenu une brillante
réputation par son Giru ou drame
cbarmantdc Bobin et yiarkm , et par
plusieurs autres du mime génie, l^a
farce si gaie et si naturelle de VAi'o-
cat Patelin est de la première
moitié du qinnzièmc sil-cle ; et Jean
Michel se rendit fort célèbre à la mê-
me époque, par salragédie de la ï'ie
de JciitS'Christ. En Espagne , le
spirituel marquis de Villena avait fait
représenter, dès i^x'i, à la cour
d'Aragon, une comédie allégorique, à
l'occasion des fêtes du mariage de
Ferdinand I*""". ; et sur la (in de ce
siècle les Cislillans possédaient les
compositions dramatiques de Juan
de la Encuia , qui furent représentées
ensuite sur le théâtre de Ferdinand
et d'Isabelle. Toutefois les pastora-
les d'Adam de le Halle, du marquis
de Villena , et de Juan de la Eiicuia ,
paraissent avoir eu peu d'influence
sur le talent dramatique de Gil Vi-
cente. Les deu\ seuls auteurs espa-
gnols avec lesquels il ait quelque res-
semblance sont Bartolomeo Ter-
res îs'aharro, et Lope de Rueda , ses
contemporains , auxquels il ne doit
r.rn. Il paraît n'avoir connu que les
auteurs français. Son drame inti-
tulé : Brève summario da liistoria
de Deos desdc o principiodo mundo
atc a resurreicao de Christo , ollie
plusieurs traits de ressemblance avec
la Vie de Jésus-Christ^ par Michel ;
Vie
et les couplets insérés à la fin de
plusieurs de ses pièces indiquent
d'ailleurs combien notre théâtre lui
était familier , et quelle estime il eu
faisait. Mais si plusieurs autres na-
tions ont devancé les Portugais daus
la carrière dramatique, aucun au-
teur , jusqu'à Gil Vicente j n'avait
exclusivement consacré ses talents au
perfectionnement de ce genre , et
n'a^ ait ubtcim ces succès répétés et
durables , qui ont assuré son in-
fluence, non-seulement sur les au-
teurs dramatiques de sa nation, mais
aussi sur ceux des nations étrangè-
res. On ne retrouve avant lui, dans
les autres pays , (pic des essais iso-
lés , et heureux quelquefois. Avec
lui le drame national s'élève au pre-
mier rang des cum])osilions littérai-
res ; sa marche se régularise un peu ;
ses dillércntes parties apprennent à
se coordonner mieux entre elles , et
un slvleharmouicuxctnalurel achève
de graver dans les esprits l'imjjres-
sion vive que la variété des caractè-
res et l'intérêt de la fable ont com-
mence' à produire sur les spectateurs.
Gil Vicente venait de terminer ses
études de jurisprudence à l'université
de Lisbonne , lorsqu'à l'occasion de
la naissance de Jean III, lils de la
reine Marie , il composa une sorte de
monologue pastoral en douze stances,
qui fut récité, en présence de la reine
Béatrice et de la duchesse de Bra-
gance , le '] juin i5o2, s<;cond jour
de la naissance de l'infant. Get essai
pastoral , alors nouveau , plut telle-
ment à Béatrice, qu'elle pria l'auteur
de vouloir bien le lui réciter de nou-
veau pour la fêle de Noël, à l'occa-
sion de la naissance de Jésus-Christ.
Gil Vicente écrivit à ce sujet un nou-
veau poème pastoral , non jilus sous
la forme de monologue , mais en y
introduisant six bergers. Ce second
vie
essai lui ayant acquis une grande rc'-
pulatioii , il aljaiidonna lout-à-1'ait la
jiiiispnuloncc , pour se livrer exclu-
sivement à un genre devenu popu-
laire. La Bible ( en y comprenant les
1 ivres apocryplies alors si répandus),
dans l'étude de latpielle il était fort
verse, et les romans de chevalerie
faisaient tout lefondsdeson érudition,
et lui fournissaient tous les sujets de
ses compositions. C'est en traitant
ces sujets, si familiers à ses auditeurs^
que, sans imiterses prédécesseurs, et
sans connaître rien des auteurs grecs
et latins , il lit pendant sa vie les de-
lices des deux cours si polies d'É-
mauuel et de Jean III ; et après sa
mort, delà cour pluscultiveode Sebas-
tien. Le premier , il fixa le goût du pu-
blic pour les représentations draraa-
ticpies , et montra à l'Europe (pi'il
n'était plus possible de captiver l'at-
tention desspectateurs par des imita-
tions serviles et des tiaduclions des
anciens auteurs grecs et latins. 11 éta-
blit un théâtre national , qui a survé-
cu à toutes les tentatives faites dans
les siècles suivants pour le sou-
mettre à un joug étranger. 11 fut le
maître de Lope de Vega , et par sa
vérité , son esprit comique et la fécon-
dité de son invention , il exerça une
influence puissante et immédiate sur
les théâtres de l'Espagne , de l'Italie,
de l'Angleterre et de la France. On
sait que le célèbre Érasme apprit le
portugais, uniquemeat pour être en
état de le lire, et le déclara, après l'a-
voir lu , supérieur à l'idée qu'il s'en
était faite avant de le connaître. On
chercherait en vain dans ses drames
la régularité de formes exigée
par les critiques français; on n'y
trouve pas même la division eu
actes. Le mètre est aussi divers que
la marche de la fable ; et il in-
troduit, selon sa fantaisie, un ou
VIC
355
plusieurs couplets, tantôt au com-
mencement , tantôt au milieu et tan-
tôt à la lin. On peut bien croire qu'il
n'y faOt pas chercher non plus l'unité
de temps, d'action et de lieu. \J Auto
intitulé : Brcve summario da his-
toria de Dcos , a pour interlocuteurs
des personnages qui ont vécu dans
des temps fort éloignés, et s'y trou-
vent néanmoins rapprochés sur la
même scène. Ce sont , par exemple,
Adam et Eve , Job, Abraham , Da-
vid, saint Jean-Baptiste et Jésus-
Christ. La comédie de Biibéna n'est
autre chose qu'un roman dialogué.
Ccsmena , héroïne de la pièce, pa-
raît d'abord nouvellement née ; puis
gardant les troupeaux; puis enlevée
à quinze ans et portée en Crète ; là ,
adoptée j)ar une noble dame , et en-
lin mariée à un prince de Syrie qui
était venu incognito visiter la belle.
Les acteurs viennent et partent quand
bon semble au poète. Les épisodes
n'ont aucun rapport au sujet; le
mètre est tantôt eudécasyllabique ,
et tantôt en stances ; la langue mê-
me est tantôt portugaise et tantôt cas-
tillane; et enfin pour achever la con-
fusion, les anges y paraissent à côté
des quatre saisons, et Jupiter vient
adorer la crèche où repose le Dieu
chrétien nouveau-né. Au reste, ce mé-
lange du sacré et du profane édifiait
alors les assistants; et on voyait mê-
me avec recueillement, dans une de
ses pièces, un moine revenu de l'en-
fer répéter une sorte d'invitation
amoureuse , qu'il avait l'habitude de
réciter dans le monde , et prêcher
un sermon , dont le texte est : omnia
vincit amor. La piété des fidèles
en était si peu blessée , que pres-
que tous les ouvrages de Gil Vicente
ont été représentés à l'occasion des
solennités de Noël ou de la Pas-
sion, comme une suite de la céré-
23..
35G
VIG
monii' de la messe, dans les égli-
ses et dans les chapelles. Quelques-
unes eut cte' reprësenLccs dans la
chambre de la rciue àMarie. Gil
Vicente, ses dciix fils Gil et Luis,
et sa fille Paula, y jouaient en per-
sonne. Le prince Jean , depuis le roi
Jean III , ligure mèine dans une de
ses comédies , où il s'agissait de dé-
cider laquelle des deux, filles d'un
marchand de Burgos devait épouser
un prince étranger, si amoureux de
toutes deux , qu'il ne savait pour la-
quelle se décider. Ces pièces lurent
re[)resen{ces souvent dans d'autres
lieux publics ; et l'on apprend , en
les lisant, que les acteurs jouaient
alors sur un ampliillie-àtre clcve' au-
dessus des spectateurs ; qu'il y avait
des changements de décorations, opé-
rés à l'aide de rideaux ; et que mnnc
on avait le secours de qurlcpies ma-
chines, reste des anciennes moinc-
ries ou pantomimes en usage dans les
grandes solennités nationales. IMalgrc
tout le elesordrc de ses plans et ce
mc-langc de tous les siècles et de tous
les cultes, les esprits les plus préve-
nus , qui jiourrout avoir le plaisir do
le lire daits l'original, seront forces
d'avouer (pic la richesse prodigieuse
de sou invention , la vivacité et la
vérité ele son dialogue, la suavité et
l'harmonie poétique de son langage,
la beauté de ses allégories, la grâce
et la délicatesse comique qui brillent
partout dans ses elrames, et surtout
dans ses Autos et flans ses farces ,
justifient l'enthousiasme qu'il a ins-
piré à ses compatriotes. 11 s'écou-
la trente - quatre ans depuis la com-
position de son jucinier ouvrage, en
i5oîi, jusqu'à l'année i53(i, où il
termina sa brilKinte carrière drama-
tique par un de ses plus piquants
ouvrages , la comédie intitulée : Flo-
rrata d'en^anos. Il vécut encore
Vie
jusqu'à l'année i557, où s'étaut ren-
du avec la cour à Évora, il y termi-
na ses jours à l'âge d'environ soixan-
te-dix-sept ans. Ses restes ont été dé-
posés dans le couvent de Saint-Fran-
çois de cette yillc. Il eut de sa femme,
Blanche Bczerra , trois enfants : Gil
Vicente, Luis Vicente et Paula Vi-
cente. Gil se distingua aussi dans la
poésie; mais s'étaut fait militaire, il
mourut en combattant daus l'Inde.
Parmi beaucoup d'af/f05 qu'il a écrits,
on cite comme le meilleur : D. Luis
de los Turcos. Paula se distingua
aussi par ses talents pour la poésie;
et elle se fit beaucoup admirer par
la grâce et le naturel avec lesquels
elle représentait les ouvrages de son
père. Ce fut sou second fils ^ Luis Vi-
cente , qui lut l'éditeur de ses ouvra-
ges. Aucun n'avait été imprimé pen-
elant sa vie; mais il les avait laissés
la ])lupart écrits de sa propre main.
Luis Vicente y ajouta ceux qui res-
taient , et les fit imprimer en un mê-
me volume, avec quelques autres de
son frère, à Coïmbrc et à Lisbonne ,
par Jean Alvarez, en i56i et iSG'i,
en un volume in - fol. Ce volume a
pour titre : Compilacao de todaslas
ohms de Gil Viccnle ; o quai se
reparle en sinco livras , o primeiro
de iodas suas causas de dcvacain ;
o segundo as comedias ; o terceiro
as tra^icomedias ; o quarto as far-
cas; a quinto as ohras meudas, Lis-
bonne , par .Toao Alvres, i562, in-
fol.; c'est-à-dire: Collection drtoirtes
lesOEuvrcs de Gil Vicente, divisées
en cinq livres. Le premier contient les
OEuvics de dévotion ; le second les
comédies; le troisième les tragi - co-
médies ; le quatrième les farces; le
cinquième les petites pièces, La pre-
mière partie, intitulée OEuvres de
dévotion , se compose de dix-sept au-
tos ; la seconde de quatre coméelies ;
vie
la troisième de dix Iragi - comédies ;
la quatrième de onze iarcesj la cin-
quième de couplets et autres petites
pièces. Une grande partie des ou-
vrages dramatiques portent l'indi-
cation du lieu et la date de l'an-
née où ils ont c'tc représentes. Une
antre édition, plus correcte que la
première, a ëtc publiée, en i586,
in -4"., par André Lobato; elle
forme deux cent quatre-vingt-un
feuillets. Plusieurs des ouvrages
dramatiques ont ëtc imprimes sé-
parément ; tels sont : Auto de
Amadis de Gaula , Lisbonne ,
Vicente AIvres , i586, in -4". j au-
tre édition, aussi à Lisbonne, cliez
Domingos de Fonccca, 1612, iu^"-
Cet auto avait ctc' mis à l'index par
l'inquisition espagnole; mais l'inqui-
sition portugaise le permit avec quel-
ques corrections; Auto da Barcado
infemo , Lisbonne, iGaS ; autre
édition, Évora, imprimerie de l'u-
niversité, lô-- 1 , in-4". ; Auto de D.
Duardos, Lisbonne , Vicente AIvres,
iGi3, in^". ; autre édition, Lisbon-
ne, Ant. Alvres, i634; autre, Bra-
ga, chez Fructuozo de Basto , 162^,
in-4". ; Auto do Juiz de Bejra, Lis-
bonne, Ant. AlviTs, i(J3o, in -4".;
Triunfo do infemo, comédie, Lis-
bonne , Alicliel Carvallio , i6i3,
in- 4". ; Auto da Donzella da torre
ou dofidalgo Portuguez , Lisbonne ,
Ant. Alvres, i643, in -4". Malgré
ces diverses réimpressions , il est fort
dilllcile aujourd'hui de se procurer
quelques - unes de ses pièces isolées ;
et il est impossible d'obtenir , à au-
cun prix, ses OEuvres complètes.
Ou n'en connaît que quelques exem-
plaires , çà et là dans les grandes bi-
bliothèques. Celle de l'université de
Gottingue en possède un exemplai-
re ; celle de l'université de Coimbre
un autre; la bibliothèque des nobles
vîc 357
et une bibliothè(|ue publique de
Lisbonne en possèdent chacune un
autre. Un grand nombre d'exem-
plaires auront sans doute été perdus
dans le grand tremblement de terre
de Lisbonne ; et comme on n'en a
fait aucune édition depuis, les re-
clierches des bibliophiles les plus cu-
rieux ne peuvent obtenir aucun ré-
sultat. Ayant le dessein d'en publier
moi - même une édition à Paris, afin
de sauver d'un oubli, f't peut-cire d'un
anéantissement complet, ce poète dra-
matique si éminent , j'ai été obbgé
d'en iaire faire une copie sur un des
exemplaires de la bibliothèque publi-
que de Lisbonne. Ce n'est pas le seul
des auteurs classiques portugais qui
soit devenu si rare qu'on est obligé
d'en faire faire des copies. Le nouvel
essor quene peuvent manquer de pren-
dre les sciences et les arts en Portu-
gal , quand le tumulte des guerres ci-
viles ou étrangères sera passé , fera
sans doute multiplier les ouvrages
classiques du pays; et les Portugais
se hâteront d'enlever cette gloire aux
étrangers. Bu — n.
VICHARD( CÉSAR). To/.Saint-
Rkal.
VICIIMANN ( BovBRHARD ), né
à Rica en i-8Ci, fit ses études en
Allemagne, dans les universités de
Gottingue, d'Iéna et d'HeidcIberg.
Il s'était voué d'abord à la médeci-
ne; mais ayant échoué dans le trai-
tement d'un malade dont il avait
fort à cœur la guérison, il renonça
à cette profession , pour se livrer
tout entier à l'étude de l'histoire et
delà géographie. Après un court sé-
jour dans sa patrie, en 1808, il se
rendit à Saint-Pétersbourg , oi!i il fut
successivement professeur d'histoire
et de statistique, préceptruv des jeu-
nes princes de Wurtemberg , et se-
crétaire du comte de Roman zof.
358
Vie
De retour à Riga, en 1817, avec le
titre de directeur des écoles de Cour-
lande , qui lui fut confère par le gou-
veniement , il résolut d'y fonder un
musée national à l'instar de ceux de
Lemberg et de Pest; et il avait for-
me , à cet effet , une bibliothèque de
plus de trois mille volumes , compo-
sée uniquement de manuscrits et
d'ouvrages en diverses langues , tous
relatifs à la Russie ; mais ce projet
ayant manqué , il vendit sa' riche
collection au prince Labanof-Ros-
tOAVski , pour quinze mille roubles.
Trois ans plus tard , en 1820, il re-
Douvela la même tentative à Saint-
Pétersbourg , mais avec aussi peu de
succès ; et sa nouvelle collection échut
à la bibliothèque de l'ètat-major de
l'empereur Alexantlre , pour la som-
me de dix raille roubles. Vichmann
mourut à Saint-Pétersbourg, en
1822. Il a écrit en allemand la plu-
part de ses ouvrages ; voici la liste
des principaux : I. Tableau de la
monarchie russe, Leipzig, 181 3.
Cet extrait de celui de Hassel , dont
Vichmann a fait disparaître les er-
reurs, contient les notions les plus
complètes qui aient été publiées rela-
tivement à la statistique de la Russie.
II. Sur l'élection au trône de Mi-
chel Romanof, Leipzig, 1820 : tra-
duction d'une pièce comprise dans
la collection dite d-es Papiers d'État,
publiée par le comte Romanzof.
III. Collection d'ouvrages inédits
relatifs à l'histoire ancienne de la
Bussie, tom. i'^''., Berlin, 1820.
IV. Musée national russe , Riga ,
1820 : c'est le plan de l'établisse-
ment dont nous avons parlé , et dont
le projet n'a point reçu d'exécution.
V. aperçu chronologique de l'his-
toire moderne russe, Leipzig, 1821,
2 vol. : cette production, la plus im-
portante de celles qu'a publiées l'au-
VIC
leur , est un manuel indispensable
pour ceux qui étudient l'histoire de
la Russie. Vichmann était un des
rédacteurs de la ISouvelle Encyclo-
pédie , publiée à Leipzig , des Ar-
chives du Nord , journal russe , et de
plusieurs journaux allemands. M-G-R.
VICHNOU-SARMA est le nom
d'un bralirae auquel est attribuée la
compositiond'un Recueil d'apologues
célèbre, connu depuis long-temps , en
Europe , sous le titre de Fables de
Pilpaj ou Bidpai , mais dont l'ori-
ginal , écrit en langue sarascrite ,
porte le nom de Pantcha-tantra ou
P antckopacliyana , et a donné nais-
sance à deux autres ouvrages écrits
dans la même langue, le Cat'ham-
rita-nidhi qui n'a jamais été publié,
et le Hitopadesa. Ce dernier a été
traduit eu anglais par W. Jones, et
cette traduction se trouve dans le
xiiie, volume de ses OEuvresjil a en-
core été traduit dans la même langue
par M. Charles Wilkins , et publié
à Bath , en i '^87 , in-8°. , sous ce ti-
tre : Tlielleetopades of Feeshnoo-
Sarma , in a séries of connected
fables , etc. , et le texte samscrit a
été imprimé plus tard , d'abord à
Serampore , en 1806 , avec une in-
troduction due à M. H. T. Cole-
brooke , et ensuite à Londres , en
1810, par M. Wilkins. L'auteur du
Hitopadesa reconnaît lui-même, à
la fin de sa préface, qu'il a puisé les
matériaux de son ouvrage dans le
Pantcha - tantra et dans d'autres
écrits. Vo\\YWniç.u\' àuCat'hamrita-
nidhi , il déclare positivement qu'il
n'a fait qu'abréger le Pantcha-
tantra , sans rien changer au fond
de l'ouvrage , ni à l'ordre des apolo-
gues dont il se compose. Quant aux
rapports et aux dillérences qui exis-
tent entre le Pantcha-tantra et le
Hitopadesa , il faut, pour s'en faire
vie
une juste idée , lire l'introduclion
mise par M. Colebrooke à la tête de
la première édition du texte sams-
cril du dernier de ces deux ouvrages,
et un Mémoire de RI. Horace Hay-
man Wilson , secrétaire de la so-
ciété asiatique du Bengale , publié
dans le tome i*"'. du Recneil intitulé :
Transactions of the royal Asiatic
Society of Great-Britain and Ire-
land. Les recherclics de ces deux, sa-
vants ont prouvé que c'est I e Pantcha-
tantra qui a fourni à Burzouyéh la
plus grande partie des matériaux.
<ju'il a traduits en pelilwi , par l'or-
dre du roi de Perse Kliosrou Nou-
schirwan , et intitulés Livre de Ca-
lila et Dimna , et qui ont ensuite
passé , sous divers noms , dans les
langues les plus répandues de l'O-
rient , et dans toutes les langues de
l'Europe. Parmi les noms que ce
livre a portés dans l'Orient , d'Her-
bclot et beaucoup de savants aprcs
lui ont compris celui de Djavidan-
khired ou Sagesse étemelle , qui ap-
partient à un livre totalement diffé-
rent ; et cette erreur a clé x-épétée mê-
me dans cette Biographie imivcrselle
( F". Burzouyéh ). L'auteur du pré-
sent article a tracé, avec plus d'exacti-
tude qu'on ne l'avait fait auparavant,
l'histoire du livre de Calila et Dim-
na , et des principales traductions
de ce même livre , dans un Mémoire
placé à la tête de l'édition qu'il a
publiée à Paris , en ï8i6 , du texte
arabe de ce Recueil d'apologues , et
dans diverses Notices insérées dans
les tomes viii et ix des Notices et
extraits des manuscrits de la biblio-
thèque du roi. M. l'abbé Dubois a
donné à Paris , en 1826 , une Xra-
duction française du Prt«fc/irt-îanfra,
faite d'après diverses versions écrites
dans quelques-uns des idiomes vul-
gaires de l'Inde. Ou peut consulter
Vie 559
sur cette traduction le Journal des Sa-
vants , cahier d'août 182G. Pour eu
revenir à Fichnou-Sarma , on ne sait
ni à quelle époque il a écrit, ni même
si c'est un personnage historique , ou
un nom supposé. Le Recueil qu'on
lui attribue a été, dit-on, composé
par lui pour l'inîtruction de trois
jeunes princes , dont l'éducation lui
avait été confiée par le roi leur père.
Ce cadre est sans doute une fiction de
l'auteur du Fantcha-tantra , copiée
par celui à qui l'on doit le Hitopa-
desa , et il est vraisemblable qu'il en
est de même du nom de Vichnou-
Sarma. Peut-être le Pantcha-tantra
n'est-il lui-même qu'une nouvelle ré-
daction d'apologues plus anciens.
S.n. S — Y.
VI CI AN A (Martin), historien
espagnol, sur lequel on n'a pu se pro-
curer que des renseignements très-iu-
complets.Né,versle commencement
du seizième siècle , dans le royaume
de Valence , il forma de bonne heu-
re le projet d'en écrire l'hi.'itoire,
et s'occupa pendant quarante -six
ans de recueillir les matériaux néces-
saires et de les mettre en ordre. Cet
ouvrage parut enfin sous ce titre :
Cronicadela inclita ciudaddeVa-
lencia , in-foL, 4 parties. Des motifs
que l'on ne peut pas même soupçon-
ner, mais sans doute très-graves, en
firent supprimer le premier volume,
avec tant de soin , dit Laserna de San-
tander , qu'on peut aujourd'hui le
compter comme le livre le plus rare
qui soit au monde. Cette partie de
l'ouvrage de Viciana se trouve ce-
pendant en manuscrit dans quelques
bibliothèques de l'Espagne. On doit
regretter qne Santander ait négligé
de faire connaître les raisons d'une
proscription si rigoureuse. Ce savant
possédait dan.s sa bibliothèque la
troisième et la quatrième partie de
36o
Vie
l'Histoire de Viciara , Valcuce et
Barcelone , 1 564*66 , i vol. in - fol.
{F. son Catalogue , n*'. 4642.). Elle
passe, dit-il, pour très-exacte. W-s.
VICO ( Jean de ) , prince de Vi-
tcrbe et d'Orviète , dans le quator-
7.icmc siècle , portait le titre de pré-
fet de Rome, par un droit hérédi-
taire dans sa famille. Comme chef
du parti Gibc'in, il profita du séjour
des papes à Avignon pour se faire
accorder la souveraineté de presque
toutes les villes du jiatrimoine de
Saint- Pierre. ViterLe , Orviète ,
Trani , Amèli,Narui, IMarta et Ca-
nmo lui étaient soumises j son (ils ré-
sidait pour lui à Orviète , tandis qu'il
avait fait de Viterbe la capitale de
ses états : mais il gouvernait avec
imc extrême dureté des peuples tou-
jours prêts à se révolter. Clément
VI l'avait excomuiunié le i"", juillet
i359. , comme un tyran usurpateur
des Étals de l'Église. AlLornox , lé-
gat d'Innocent VI , mit en même
temps le siège au mois de mai i354,
devant \ ileibe et devant Orviète.
.Jean de Vico fut obligé de se rendre
à discrétion , de remettre en liberté
toutes les villes qu'il avait soumises ,
et de se contenter du gouvernement
de Coniclo, Cività-Vecchia et Res-
parapano, (|ui lui fut coudé par le
légat. Le préfet Jean de Vico demeu-
ra vingt-un ans d.ms un état d'abais-
sement ; enfin , la guerre entre les
Florentins et le pape lui donna , en
i3--5, l'occasion de rasseinbier ses
anciens partisans; ils avaient oublié
la sévérité de son gouvernement , et
se souvenaient seulement de ses vic-
toires ; au mois de novembre, ils lui
ouvrirent les portes de Viterbe, et
peu après celles de sa citadelle : alors
la maison de Vico recommença à ré-
gner dans le patrimoine de Sainl-
Pierrc. S. S— 1.
Vie
VICO ( Enej. ) , antiquaire et gra-
veur, naquit à Parme au commen-
cement du seizième siècle. Il passe
pour avoir été le premier qui ait
écrit en Italie sur la science numis-
matique , ou du moins qui ait essaye
de l'assujétir à des règles. Élève de
Marc- Antoine et de Raphaël, il fit
des progrès rapides dans l'art de la
gravure. I.egraud-ducCosme I*^"". de
Médicis l'appela à Florence, où il gra-
va les plus licllcs pointures de Michel-
Ange, ainsi que les portraits de Char-
les-Quint, de Henri II, roi de Fran-
ce, de Jean de Médicis et de sou fils,
de Benibo , de l'Arioste , etc. Il pas-
sa de Florence à Venise et à Ferrare.
II fut le premier qui grava la fameu-
se table d'Isis(f^ PiGNORius). De re-
tour à Parme, en i554, il publia les
médailles d'or, d'argent et de bron-
ze des douze Césars, gravées et ex-
pliquées par lui {Omnium Cœsarum
vcrissimce imagines ex anUtjuis nu-
mismalis dcsumptœ , in-4"0' Cet
ouvrage a été réimprimé à Rome, en
iGi4 et en i-jSo. La dernière édition
est enrichie de nouveaux dessins , par
F. Bellori ; de uoiivelles explications
et de notes savantes, par l'abbé Valo-
rio. En 1 505, Vico publia, à Venise,
ses Discorsisoprà le medaglie (réim-
jirimés à Venise, i558; à Paris ,
1G19; à Parme, 1G91 ). Son dernier
ouvrage : Imagine dclle donne Au-
guste , parut à Venise en i557.
L'année suivante , il fut traduit en
latin, par Natale Conti. Cette tra-
duction a été jointe aux Discorsi, et
réimprimée avec des notes de Duval,
Paris, 1619. L'éditeur a traduit en
latin et mis à la fin de ce volume une
Vie de Jules César , par Vico. C'est
le commencement d'une Histoire des
Césars que le savant artiste avait en-
trcjirise, et qu'il ne put achever. On
a accusé Vico d'avoir fait d'iraagi-
vie
nation les portraits de la plupart des
imperatiices romaines; mais si ce
reproche était fonde, il ne pourrait
tomber que sur Fulvio Orsini dont
Vico avoue avoir suivi l'ouvrage
( Illustrium imagines ). Suivant
Huber et Rost {Manuel des curieux
et des amateurs de l'art ) , Enca
Vico mourut à Fcrrarc , probable-
ment avant i5Go. — On a encore
de Vico : Monumenta aliquot an-
tùjuorum ex ^cmmis et cavieis in-
cisa , Rome , in - fol. , sans date.
Reliquœ augustaruni imagines nunc
primùni à Jac. Franco in lu-
cemeditœ , ya-l\°. , sans date (peut-
être ouvrage posthume de Vico), f^.
la Vie de Sebastien Erizzo. L'au-
teur de cet article a trouve la plu-
part de ces renseignements dans une
note manuscrite de M. le marquis
de Paulray, conservée à la biblio-
thèque de l'Arsenal ; et il n'a eu
qu'à en vérifier l'exactitude.
J. M— T.
VICO ( Francesco de ), historien
espagnol , originaire de la Sardai-
gne, était d'une des premières fa-
milles de ce pays. Son mérite l'e'leva
aux principales dignités de la mo-
narchie, et il devint, sous Philip-
pe IV, conseiller-d'ctat et chef de la
chancellerie du royaume d'Aragon
et de celui de Sardaigne. Il acquit
les fiefs de Juani, Surio, Sanaysi ,
Sor, Soléminis , etc., qui depuis
un grand nombre d'années appar-
tenaient à la couronne , et étaient
administrés au nom du roi. Il est
connu princi]ialement par son His-
toire générale de Vile et du royau-
me de Sardaigne , Barcelone, Lo-
renzo Deu , iGSq. Elle embrasse
tous les événements , à partir des
époques les plus reculées jusqu'au
temps où il écrivait , et elle est divi-
sée eu sept parties. Dans la première
Vie 36i
se trouve une description complète
de la Sardaigne, de ses provinces et
de ses villes , avec des généralités sur
le caractère des habitants, l'impor-
tance politique de l'île et les consé-
quences nécessaires de sa position
maritime entre l'Italie et l'Espagne.
La seconde est consacrée au récit
des guerres entre les Carthagmois et
les Romains, qui s'en disputèrent la
possession. La troi^ème contient
l'histoire de l'établissement du chris-
tianisme , et généralement tout ce qui
se passa dans cette île depuis Auguste
jusqu'à l'an 768, époque à laquelle
Charlcmague la donna au saint-siége.
Les événements qui suivirent cette
donation jusqu'en 1297 rcinplis-
sent le livre suivant. Dans le cin-
quième est racontée la lin de l'his-
toire politique dejiuis l'inféodation
de la Sardaigne en faveur de Don
Jayme II ,roi d'Aragon (1297), jus-
qu'à l'époque où l'auteur écrivait.
Le sixième ne contient que l'his-
toire ecclésiastique et la liste des
c'vèques de la Sardaigne. Le septiè-
me se compose du résumé des in-
féodations particulières. Le style
de l'ouvrage est pur et élégant j
mais n'a pas de vigueur. Vico man-
que aussi de critique, et n'examine
point avec assez de sagacité les
ttVDnuments qui lui servent d'auto-
rités. Un auteur sarde , appelé
Gazano , ministre d'état à Cagliari^
a public en italien une Histoire de
Sardaigne , 1777 , a vol. in-4''. ,
bien supérieure à celle de Vico ,
qu'il ne daigne pas nommer dans
sa préface. Nous en avons deux pu-
bliées en français , et qui donnent de
grands détails. L'une est de M. Azu-
ni , Paris , 1801 , a vol. in-8°. , fig.
et carte ; l'autre est de M. Mimant ^
consul de France eu Sardaigne, Pa-
rks , i8a5 , 1 vol, in 8°. P — ot.
36:
Vie
VICO ( Jean-Baptiste ) , juriste ,
pliilosopbe, liistorien et critique , na-
quit à Naples en 1668, et y mourut
en 1744' ^i ''on ne considère que les
circonstances matérielles de sa vie,
elle ne peut inspirer d'autre intérêt
que celui de la pitié. 11 ne sortit point
de sa patrie, ne s'éleva f;ucre au-des-
sus de la condition médiocre où il
était né , vécut et mourut pauvre.
Fils d'un petit libraire , et obligé de
bonne beure de soutenir sa famille ,
pendant neuf ans jnécepteur des ne-
veux de l'évcque d'Iscbia , Vico pro-
fessa quarante ans la rhétorique à
l'université de Naples. Il avait refu-
sé d'entrer dans les ordres , et s'était
marié; c'est pcul-ètre ce qui l'arrêta
dans sa carrière. Il se présenta au
concours pour une chaire de droit,
et il échoua. 11 fut souvent chargé
par les vice -rois espa5:;nols et autri-
chiens de faii'e des discours, des ins-
criptions latines , sans en retirer le
moindre avantage. 11 dédia son prin-
cipal ouvrage au cardinal Laurent
Corsini, depuis pape sous le nom
de Clément XII, et ne reçut de lui
que quelques lettres flatteuses. MaK-
licureux par son indigence, malheu-
reux par les désordres ou les infir-
mités de ses enfants , il souffrit cruel-
lement , dans ses dernières années ,
d'un ulcère à la gorge , et mourut
lorsque le roi de Naples venait de le
nommer son historiographe. L'in-
fortune le poursuivit même après la:
mort. Ses restes deraeui-èrcnl négli-
gés et ignorés jusqu'en i '^89 , où un
de ses fils lui fit graver une simple
épit.ipbc. Son nom est encore pres-
que ignoré en - deçà des Alpes; et si
l'Italie le révère, c'est comme un dieu
inconnu (i). Toutefois lorsqu'on jette
(i) Pourqiie crll** n^sertion iic soit point inexac-
t« , il fiul reiunDaitic un (ris-pelil uot-ilirc d'no-
Borulilcs eicïptions. t'or. la iîo de cet arlicle
Vie
les yeux sur le IMémoire qu'il a lui-
même écrit sur sa vie , ces malheurs
obscurs s'ennoblissent de tout ce que
présente de sublime l'invincible dé-
veloppement du génie à travers les
obstacles de la fortune. La vie de Vi-
co n'est que la préparation , l'exécu-
tion et lc])erfectiounement d'un grand
ouvrage. Il est curieux de voir chaque
théorie, chaque caractère du génie de
l'auteur résulter de telle lecture, de
tel événement. Le morceau dans le-
quel il nous a fait connaître la mar-
che de ses études et le progrès de ses
idées , n'est point un de ces romans où
les philosophes exposent un système
sous une forme historique. La route
de Vico est trop sinueuse pour qu'on
puisse la supposer tracée d'avance.
Dans une retraite de neuf années, l'é-
tude du droit le conduisit à celle de
la philosophie et de la théologie ;
il y joignit la lecture assidue des poè-
tes latins et italiens, celle du Dante
surtout, dont il sentait seul le génie,
à cette époque de mauvais goût et
d'affectation. Un heureux instinct l'a-
vait averti de bonne beure de laisser
les commentateurs et les critiques ,
pour s'attacher aux originaux. Dans
la philosophie, son maître fut Pla-
ton , auquel il associa bientôt l'auteur
du Novum organum. L'inspiration
de ces puissants génies, la variété de
ses études et les rapports innombra-
bles qu'il saisissait entre elles , éveil-
lèrent dans son esprit l'idée d'un vaste
système , qui réunirait et fondrait en-
semblctou tes les connaissances quiont
l'homme pour objet; qui rapproche-
. rait l'une de l'autre l'histoire des faits
et celle des langues, en les éclairant
toutes deux par une critique nouvelle,
et qui accorderait la philosophie et
l'histoire, la science et la religion.
Il devait trouver un grand obstacle
dans l'esprit essentiellement analyti-
vie
que du siècle, qui semblait de'coiira-
ger tout effort que l'on tenterait pour
recomposer la science. Mais l'Italie
e'tait restée au poiut de de'part; pen-
dant que l'Angleterre et la France
suivaient l'impulsion de Descartes,
d'autant plus fidèles à sa me'thode,
qu'elles la tournaient contre ses sys-
tèmes, l'Italie était encore soumise
au carte'sianisnie. Un génie vraiment
italien ne pouvait se soumettre à cet-
te autre conquête de l'Italie par les
e'trangers. Vico osa attaquer le car-
te'sianisme , non - seulement dans sa
partie dogmatique , qui conservait
peu de crédit, mais dans son esprit
et dans sa méthode. Il faut voir, dans
Je discours où il compare la méthode
d'enseignement suivie par les moder-
nes à celle des anciens(2), avec quel-
le sagacité il marque les inconvé-
nients de la première. Nulle part les
abus de la philosophie moderne n'ont
été attaqués avec plus de force et de
modération. Mais en même temps ce
grand esprit, loin de se ranger par-
mi les détracteurs aveugles de la ré-
forme cartésienne, en reconnaît lui-
même le bienfait. Il voyait de trop
haut pour se contenter d'aucune so-
lution incomplète. « Nous devons
» beaucoup à Descartes , qui a établi
» le sens individuel pour règ'e du
» vrai. C'était un esclavage trop avi-
» lissant que de faire tout reposer
» sur l'autorité. Nous lui devons
» beaucoup, pour avoir voulu sou-
» mettre la pensée à la méthode.
» L'ordre des scolastiques n'était
» qu'un désordre. Mais vouloir que
» le jugement de l'individu règne
(») II y propose le problème suivant : Ne pour-
rait-on pas animer d'un mt'iiie esprit tout le savoir
divJD et hiimaiu , de sorte que les sciences se don-
nassent la maiu , pour ainsi dire, et qu'une nni-
versilé d'aujourd'hui reprcst'iitàt un Platon ou un
Arisloli', avec tout le savoir que nous avons de
plus que les anciens?
Vie
363
» seul , vouloir tout assujétir à la mé-
)) thode géométrique, c'est tomber
» dans l'excès opposé. Il serait temps
» désormais de prendre un moyen
» terme , de suivre le jugement indi-
» viduel , mais avec les égards dus à
» l'autorité; d'employer la méthode,
» mais une méthode diverse, selon la
» nature des choses. » Celui qui assi-
gnait à la vérité le double critérium
du sens individuel et du sens com-
mun , se trouvait des - lors dans une
l'oute à part. Les ouvrages qu'il a
publiés depuis n'ont plus un carac-
tère polémique. Ce sont des discours
publics , des opuscules , oi!i il établit
séparément les opinions diverses qu'il
devait plus tard réunir dans son
grand système. L'un de ces opuscu-
les est intitulé : Essai d'un sjstcme
de jurisprudence , dans lequel le
droit civil des Romains serait expli-
qué par les révolutions de leur gou-
vernement. Dans un autre , il entre-
prend de prouver que la sagesse ita-
lienne des temps les plus reculés peut
se découvrir dans les étjmologies
latines. C'est un traité complet de
métaphysique, trouvé dans l'histoi-
re d'une langue. Rien de plus ingé-
nieux et de plus profond que ses ré-
flexions sur la signification identique
des mots verum et factura dans
l'ancienne langue latine, sur le sens
d'intelligere , cogitare , dividere ,
minuere , genus etj'orma , verum et
œquum , causa et negotium , etc.
Ce livre est celui dont il a le moins
profité dans sa Scienza nuova. L'u-
nité manquait encore aux recherches
de Vico , lorsqu'il lut le grand ou-
vrage de Grotius. « Grotius rattache
au droit universel la philosophie et
la théologie , en les appuyant toutes
deux sur l'histoire des faits vrais ou
fabuleux et sur celîe des langues. »
Celle lecture lixa ses idées, et déter-
364
Vie
mina la conception de son système.
Dans un discours prononcé en 1 7 19,
il traita le sujet suivant : a Les élé-
n ments de tout le savoir divin et
» humain peuvent se réduire à trois :
« comiaître , vouloir , pouvoir. Le
» principe unique eu est l'intelligence.
» L'œil de l'intelligence , c'est -à-
w dire la raison , reçoit de Dieu la
» lumière du vrai éternel. Toute scien-
» ce vient de Dieu , retourne à Dieu ,
» est en Dieu. » Et il se chargeait de
pi'ouver la fausseté de tout ce qui s'é-
carterait de cette doctrine. S'étant
mis ainsi dans l'heureuse nécessité
d'exposer toutes ses idées, il ne tarda
pas à piibher deux essais intitulés :
Unité de principe du droit univer-
sel ^ Harmonie de la science du ju-
risconsulte [de constantid jurispru-
dentis , c'est-à-dire , accord de la
philosophie et de la philologie ) ,
1721. Peu après, il fit paraître des
notes sur ces deux ouvrages , dans
lesquels il appliquait à Homère la
critique nouvelle dont il y avait ex-
jîosé les principes. Cependant ces
opuscules divers ne formaient pas un
même corps de doctrine 5 il entreprit
de \es fondre en un seul ouvrage qui
parut en i yaS , sous le titre de Prin-
cipes d'une science nouvelle , rela-
tive à la nature commune des na-
tions , au moyen desquels on dé-
couvre de nouveaux principes du
droit naturel des gens. Cette pre-
mière édition de la Science nouvelle
doit aussi être regardée comme le
dernier mot de l'auteur, si l'on con-
sidère le fond des idées. Mais il en
a entièrement changé la forme dans
les autres éditions publiées de son
vivant. Dans la première, il suit en-
core une marche analytique j elle est
infiniment supérieure pour la clarté.
Néanmoins c'est dans celles de 1 7 3o
et de 1744 <liie l'on a toujours cher-
VIG
che' de préférence le génie de Vico.
Il y débute par des axiomes, en dé-
duit toutes les idées particulières , et
s'efforce de suivre une méthode géo-
métrique que le sujet ne comporte
pas toujours. Malgré l'obscui'ilé qui
en résulte, malgré l'emploi continuel
d'une terminologie bizarre que l'au-
teur néglige souvent d'expliquer , il
y a dans l'ensemble du système, pré-
senté de cette manière, une grandeur
imposante , et une sombre poésie
qui fait penser à celle du Dante. Le
frontispice de l'ouvrage est une sorte
de représentation allégorique du sys-
tème de la Science nouvelle. L'expli-
cation de ce frontispice, en quax-aiite
pages, est le morceau le plus obscur
de l'ouvrage , et semble mise tout ex-
près <à l'entrée pour le fermer au
plus grand nombre des lecteurs. —
Le premier livre contient les princi-
pes. On ne peut déterminer quelles
lois observe la civilisation dans son
développement , sans remonter à
son origine. Vico essaie d'abord
de prouver la nécessité de suivre,
dans cette recherche, une nouvelle
méthode , par l'insuffisance et la
contradiction de tout ce que les au-
teui's profanes ont dit sur l'histoire
ancienne jusqu'à la seconde guerre
punique. Dans le premier chapitre,
il jette en passant les fondements
d'une critique nouvelle : 1°. la ci-
vilisation de chaque peuple a été
son propre ouvrage, sans commu-
nication du dehors; 2°. on a exa-
géré la sagesse ou la puissance des
premiers peuples ; 3°. on a pris ,
pour des individus , des êtres al-
légoriques ou collectifs ( Hercule ,
Hermès ). Le scepticisme histori-
que de l'Allemagne est ici devancé
d'un siècle : on trouve déjà expri-
més dans l'ouvrage de Vico les
doutes de Wolf sur l'existence d'Ho-
vie
mère, et ceux de M. Niebulir sur
les premiers siècles de l'histoire ro-
maine. Après avoir c'carté les pre'ju-
gcs qui obstruaient le champ de l'his-
toire, il expose , sous la forme d'axio-
mes, les vèrite's générales cjui font la
base de son système. Nous essaierons
de les résumer. Dans cette variété
infinie d'actions et de pensées , de
mœurs et de langues , que nous pré-
sente l'histoire de l'homme , nous
retrouvons souvent les mêmes traits,
les mêmes caractères. Les nations les
plus éloignées par les temps et par
les lieux suivent dans leurs révolu-
tions politiques , dans celles du lan-
gage , une marche singulièrement
analogue. Dégager les phénomènes
réguliers des accidentels, et détermi-
ner les lois générales qui régissent
les premiers; tracer l'histoire univer-
selle, éternelle, qui se produit dans
le temps sous la forme des histoires
particulières ; décrire le cercle idéal
dans lequel tourne le monde réel ,
voilà l'objet de la nouvelle science ;
elle est tout à-la-fois la philosophie
et l'histoire de l'humanité. Elle tire
son unité de la religion j principe
producteur et conservateur de la so-
ciété. Jusqu'ici on n'a parlé que de
théologie naturelle ; la Science nou-
velle est une théologie sociale, une
démonstration historique de la pro-
vidence j une histoire des décrets
par lesquels , à l'insu des hommes ,
et souvent malgré eux , elle a gou-
verné la grande cité du genre hu-
main. Cette science a un but prati-
que ; une fois constituée , elle nous
mettrait à même de mesurer la car-
rière que parcourent les peuples dans
leurs progrès et leur décadence, de
calculer les âges de la vie des na-
tions. Alors on connaîtrait les moyens
par lesquels une société peut s'élever
ou se ramener au plus haut degré
Vie
365
de civilisation dont elle soit suscep-
tible. La Science nouvelle puise à
deux sources : la philosophie , la
philologie. La philosophie contem-
ple le vrai par la raison j la philo-
logie observe le réel ; c'est la science
des faits et des langues. La philo-
sophie doit appuyer ses théories
sur la certitude des faits; la philolo-
gie emprunter à la philosophie ses
théories pour élever les faits au ca-
ractère de vérités universelles. Quelle
philosophie sera féconde? celle qui
relèvera , qui dirigera l'homme dé-
chu et toujours débile, sans l'arra-
cher à sa nature , sans l'abandonner
à sa corruption. Vico ferme donc
l'école de la Science nouvelle aux
Stoïciens et aux Épicuriens ; il l'ou-
vre aux Platoniciens-, parce qu'ils
sont d'accord avec tous les le'sisla-
... °
teurs sur les trois prmcipes fonda-
mentaux de son système : existen-
ce d'une providence divine ; né-
cessité de modérer les passions et
d'en faire des vertus humaines; im-
mortalité de l'àme. Ces trois vérités
philosophiques répondent à autant
de faits historiques : institution uni-
verselledes religions , des mariages et
des sépultures... Le sens communes!
le critérium au moyen duquel on peut
découvrir dans la mobilité du réel
le caractère immuable du vrai. L'ac-
cord général du sens commun des
peuples constitue la sagesse du gen-
re humain. L'unité de la pensée hu-
maine , reconnue sous la double for-
me des actions et du langage, résout
le grand problème de la sociabilité
de l'homme , qui a tant embarrassé
les philosophes; et si Tonne trouvait
point le nœud délié, Vico le tranche-
rait d'un mot : Nulle chose ne j'este
long-temps hors de son état natu-
rel j l'homme est sociable , faisc\uil
reste en société. Dans le développe-
366 Vie
meut de la société humaine, dausla
inarciie de la civilisation , on peut
di.stinp;uer trois âges , trois périodes :
âge divui*bu tbéocratique, âge hé-
roïque, âge humain ou civilisé. A
cette division répond celle des temps
obscur, fabuleux, historique. C'est
surtout dans l'histoire des langues
que l'exactitude de celte classifica-
tion est manifeste. Celle que nous
parlons a dû être précédée par une
langue métaphorique et poétique , et
celle-ci par une langue hiéroglyphi-
que ou sacrée. Vice s'occupe princi-
j)alemcnt des deux premières pério-
des. — Second livre, De la sagesse
poétique. Frappe de l'idée que l'ad-
miration exagérée pour la sagesse
des premiers âges est le plus grand
obstacle aux progrès de la philoso-
phie de l'histoire , il examine com-
ment les peuples des temps poétiques
imaginèrent la nature qu'ils ne pou-
vaient connaître encore. Il passe eu
revue toutes les idées que les pre-
miers hommes se firent sur la logi-
que et la morale, sur l'économie do-
mestique et politique, sur la physi-
que , la cosmographie et l'astrono-
mie, sur la chronologie et la géogra-
phie... Les fondateurs de la société
sont pour lui ces cyclopes dont parle
Homère , ces géants par lesquels com-
mence l'histoire profane aussi bien
que l'histoire sacrée. Après le délu-
ge, les premiers hommes , excepté
les patriarches ancêtres du peuple de
Dieu , durent revenir à la vie sauva-
ge , et par l'effet de l'éducation la
plus dure , reprirent la taille gigan-
tesque des hommes antédiluviens , et
retombèrent dans l'état sauvage. Qui
pouvait dire comment s'éveillerait
la pensée humaine ? Mais le ton-
nerre s'est fait entendre , ses terri-
bles effets sont remarqués : les géants
effrayés reconnaissent pour la pre-
Vie
mière fois une puissance supérieure ^
et la nomment Jupiter; ainsi , dans les
traditions de tous les peuples , Jupi-
ter terrasse les géants. C'est l'origi-
ne de l'idolâtrie , fille de la crédulité,
et non de l'imposture _, comme on l'a
tant répété. L'idolâtrie fut néces-
saire au monde , sous le rapport so-
cial : quelle autre puissance que celle
d'une religion pleine de terreurs au-
rait dompté le stupide orgueil de la
force , qui jusque-là isolait les indi-
vidus ? sous le rapport religieux :
ne fallait-il pas que l'homme passât
par cette religion des sens, pour ar-
river à celle de la raison , et de cel-
le-ci à la religion de la foi? Sembla-
bles aux enfants qui jugent de tout
d'après eux-mêmes , les premiers
hommes firent de toute la nature un
vaste corps auimé, passionné comme
eux. Us parlaient souvent par signes j
ils pensèrent que les éclairs et la fou-
dre étaient les signes de cet être ter-
rible. L'intelligence de cette langue
mystérieuse devint une science, sous
les noms dedivination,théologiemys-
tique, mythologie, muse. Peu -à- peu
tous les phénomènes de la nature, tous
les rapports de la nature à l'homme,
ou des hommes entre eux , devinrent
autant de divinités. Dieu dans sa pure
intelligence crée les êtres par cela
qu'il les connaît : les premiers hom-
mes , puissants de leur ignorance ,
créaient à leur manière par la force
d'une imagination, si je puis le dire,
toute matérielle. Poète veut dire
créateur ; ils étaient donc poètes ,
et telle fut la sublimité de leurs con-
ceptions qu'ils s'en épouvantèrent
eux-mêmes , et tombèrent tremblants
devant leur ouvrage: Fingunt si-
mul creduntque. Ici se placerait
une explication très-systématique de
la mythologie grecque et latine.
Pour ne point juger cette partie du
VIG
système avec une iajuste sévérité, il
faut se rappeler qu'an temps deVico
la science mythologique était encore
frappée de stérilité par l'opinion an-
cienne qui ne voyait que des démons
dans les dieux du paganisme , ou
renfermée dans le système presque
aussi infécond de l'apotliéose. Vico
est un des premiers qui aient consi-
déré ces divinités comme autant de
symboles d'idées abstraites. C'est
pour cette poésie divine qui créait et
expliquait le monde invisible , qu'on
inventa le nom de Sagesse , revendi-
qué ensuite par la philosophie. En
effet, la poésie était déjà pour les
premiers âges une philosophie sans
abstraction, toute d'imagination et
de sentiment. Ce que les philosophes
comprirent dans la suite , les poètes
l'avaient senti ; et si , comme le dit
l'école , Bien nest dans l'intelli-
gence qui n'ait été dans le sens, les
poètes furent le sens du genre hu-
main, les philosophes en furent l'm-
telligence. Les signes par lesquels
les hommes commencèrent à expri-
mer leurs pensées furent les objets
mêmes qu'ils avaient divmisés. Pour
dire la mer , ils la montraient de la
main ; plus tard ils dirent Neptune.
C'est Za langue des dieux dont parle
Homère. Les noms des trente mille
dieux latins recueillis jiar Varron,
ceux des Grecs non moins nom-
breux , formaient le vocabulaire di-
vin de ces deux peuples. Toutes les
nations barbares ont été forcées de
parler d'abord par actions, d'écrire
en hiéroglyphes, enattendant qu'elles
se formassent un meilleur systè-
me de langage et d'écriture. La lan-
gue héroïque employa pour noms
communs des noms propres ou des
noms de peuples. Les anciens Ro-
mains disaient un Tarentin pour un
homme parfumé. Tous les peuples
Vie 367
de l'antiquité dirent un Hercule pour
un héros. Cette tendance des hommes
à placer des types idéaux sous des
noms propres , a rempli de diiiicul-
tés et de contradictions apparentes
les commencements del'histoire. Ces
tj'pes ont été pris pour des individus.
Ainsi toutes les découvertes des an-
ciens Égyptiens appartiennent à un
Hermès ; la première constitution de
Rome , même dans cette partie mo-
rale qui semble le produit des habi-
tudes , sort tout armée de la tête de
Romulus ; tous les exploits , tous les
travaux de la Grèce héroïque com-
posent la vie d'Hercule ; Homère en-
lin nous apparaît seul sur le passage
des temps héroïques à ceux de l'his-
toire , comme le représentant d'une
civilisation tout entière. Considérez
les noms d'Hermès , de Romulus ,
d'Hercule et d'Homère, comme les
expressions de tel caractère national
à telle époque , comme désignant
les types de l'esprit inventif chez les
Egyptiens , de la société romaine
dans son origine, de l'héroïsme grec,
de la poésie populaire des premiers
âges chez la môme nation , alors les
dilHcultés disparaissent , les contra-
dictions s'expliquent ; une clarté im-
mense luit dans la ténébreuse anti-
quité ( Koj. le livre m ). Vico res-
titue aux masses tout ce dont on fai-
sait honneur au génie de quelques
individus. La poésie surtout lui
semble l'œuvre des peuples. Il la
considère comme une nécessité pour
l'esprit humain dans les âges bar-
bares. Le nombre musical et poéti-
que est naturel à l'homme ; les bè-
gues s'essaient à parler en chantant ;
dans la passion , la voix s'altère et
approche du chant. Partout les vers
précédèrent la prose. Les tours ne
vinrent que de la difficulté de s'ex-
primer , les épisodes de l'inhabileté
368
Vie
qui ue sait pas distinguer et écarter
les choses qui ne vont pas au but. —
L'origine de la religion , de la poésie
et des langues étant découverte ,
uous connaissons celle de la société
païenne. Les poèmes d'Homère en
sont le principal monument. Joi-
gnez-y l'histoire des premiers siècles
de Rome, qui nous présente le meil-
leur commentaire de l'histoire fabu-
leuse des Grecs. Le commencement
de la religion fut celui de la société.
Les géants effrayés par la foudre, qui
leur révèle uns puissance supérieure,
se réfugient dans les cavernes. L'état
bestial finit avec leurs courses vaga-
bondes -y ils s'assurent d'un asile ré-
gulier , ils y retiennent une compa-
gne par la force, et la famille a com-
mencé. Les premiers pères de fa-
mille sont les premiers prêtres ; et
comme la religion compose encore
toute la sagesse , les premiers sages;
maîtres absolus de leur famille , ils
sont aussi les premiers rois. Mais ces
rois absolus dj la famille obéissent
eux-mêmes aux puissances divines ,
dont ils interprètent les ordres à
leurs femmes , à leurs enfants ; et
comme alors il n'y a point d'action
qui ne soit soumise à un Dieu , le
gouvernement est en effet théocra-
tique. Bientôt la famille ne se com-
posa pas seulement des individus
liés par le sang. Les malheureux qui
étaient restés dans la promiscuité des
biens et des femmes , et dans les que-
relles qu'elle produisait , voulant
échapper aux insultes des violents ,
recoururent aux autels des forts, si-
tués sur les hauteurs. Ces autels fu-
rent les premiers asiles, vêtus urbes
condentium consiliinn , dit Ïite-Li-
ve» Les forts tuaient les violents , et
protégeaient les réfugiés. Lssusde Ju-
piter, c'est-à-dire nés sous ses aus-
pices, ils étaient héros par la nais-
VIC
sance et par la vertu. Ainsi se for-
ma le caractère idéal de l'Hercule
antique. Les héros étaient des Héra-
clides y enfants d'Hercule , comme les
sages étaient appelés enfants de la
sagesse, etc. Les nouveaux -venus,
conduits dans la société par l'intérêt,
non par la religion, ne partagèrent
pas les prérogatives des héros, par-
ticulièrement celle du mariage so-
lennel. Ils avaient été reçus à condi-
tion de servir leiws défenseurs com-
me esclaves ; mais devenus nom-
breux, ils s'indignèrent de leur abais-
sement, et demandèrent une part de
ces terres qu'ils cultivaient. Partout
où les héros furent vaincus , ils leur
cédèrent des terres qui devaient tou-
jours relever d'eux. Ce fut la pre-
mière loi agraire et l'origine des
client elles et des fiefs. — Livre iii^
De'couverte du véritable Homère.
Ce livre n'est qu'un appendice du
précédent. Qu'est une application de la
méthode que l'auteur y a suivie, au
plus ancien auteur du paganisme, à
celui qu'on a regardé comme le fonda-
teur de la civilisation grecque, et, par
suite, de celle de l'Europe. Vico en-
treprend de prouver : i^, qu'Homè-
re n'a pas été philosophe; 2°. qu'il
a vécu pendant plus de quatre siè-
cles ; 3". que toutes les villes de la
Grèce ont eu raison de le revendi-
quer pour citoyen ; 4°' ^l^'il 3 été par
conséquent non pas un individu ,
mais un être collectif, un symbole du
peuple grec , racontant sa propre his-
toire dans des chants nationaux. —
Livre iv. Du cours que suit Vhistoi-
re des nations. Le défaut de ce livre
est la multiplicité des subdivisions.
L'auteur y récapitule ce qu'il a dit
au second livre , en ajoutant quelques
développements. Il insiste plus par-
ticulièrement sur l'histoire du droit
civil. Dans cette histoire , nous
vie
trouvons toutes les vicissitudes de celle
des gouvernements . C'est ce que n'ont
point vu la plupart des jurisconsul-
tes. Ils négligent trop souvent de nous
montrer les rapports des lois avec les
révolutions politiques. Ainsi ils nous
présentent les faits isoles de leurs
causes. Demandez - leur pourquoi la
jiu'isprudence antique des Romains
fut entourée de tant de solennités, de
tant de mystères. Ils ne savent qu'ac-
cuser l'imposture des patriciens. An
premier âge, le droit et la raison,
c'est ce qui est ordonné d'en - haut ,
c'est ce que les dieux ont révélé par
les auspices , par les oracles et au-
tres signes matériels. La jurispruden-
ce , la science de ce droit, ne peut
être que la connaissance des rites re-
ligieux • la justice est tout entière dans
l'observation de certaines pratique^ ,
de certaines cérémonies. De là le res-
pect superstitieux des Romains pour
lesacta légitima. C\\ezenx,\esiioces,
le testament étaient ditsy^/^fa, lorsque
les cérémonies i-equises avaient été
accomplies. Le premier tribunal fut
celui des dieux j c'est à eux qu'en
appelaient ceux qui recevaient quel-
que tort , ce sont eux qu'ils invo-
quaient comme témoins et comme
juges. Quand les jugements de la re-
ligion se régularisèrent, les coupables
furent dévoués , anathcmatisés • sur
celte sentence , ils devaient être mis
à mort. On la prononçait contre un
peuple aussi bien que contre un indi-
vidu j les guerres {pura etpia hella )
étaient des jugements de Dieu. Les
Lérauts qui les déclaraient dévouaient
les ennemis, et appelaient leurs dieux
Lors de leurs murs ; les vaincus
étaient considérés comme sans dieux ;
les rois traînés derrière le char des
triomphateurs romains étaient offerts
dans le Capitole à JupiterFérétrien,
etdelà imraolés.Les duels furent ecco-
xcvm.
Vie 359
renne espèce de jugement des dieux.
Ils offraient seuls un moyen d'empê-
cher que les guerres individuelles ne
s'éternisassent. Le Droit héroïque
dut être celui de la force. La violence
des héros ne connaissait qu'un seid
frein : le respect de la parole. Une
fois jii'ononcée , la parole était pour
eux sainte comme la religion , im-
muable comme le passé {/as , fa-
tum , defari). Aux actes religieux
qui composaient seuls toute la jus-
tice de l'âge divin , et qu'on pour-
rait appeler formules cVactiojis ,
succédèrent desformules parlées. Les
secondes héritèrent du respect qu'on
avait eu pour les premières, et la su-
perstition de ces formules fut inflexi-
ble , impitoyable : Uti lijigud nun-
cupassit , ita jus esta ( douze tables ).
Agamemnon a prononcé qu'il immo-
lerait sa fille ; il faut qu'il l'immole.
Ne crions pas comme Lucrèce , tan-
tùm relligio potiiit suadere malo-
Tum! Il fallait cette hoi-rible fidé-
lité à la parole dans ces temps de
violence; la faiblesse soumise à la
force avait à craindre de moins ses
caprices. L'équité de cet âge n'est
donc pas l'équité naturelle , mais
l'équité civile ; elle est dans la juris-
prudence ce que la raison d'état est
en politique, un principe d'utilité,
de consei'vation pour la société. A
mesure que les démocraties et les
monarchies remplacent les aristocra-
ties héroïques, l'importance de la loi
civile domine de plus en plus celle de
la loi politique. Dans celles-ci les in-
térêts privés des citoyens étaient ren-
fermés dans les intérêts publics; sous
les gouvernements humains , princi-
palement sous les monarchies , les
intérêts publics n'occupent les esprits
qu'à propos des intérêts prives ;
d'ailleurs les mœurs s'adoucissant ,
les affections particulières en prennent
24
370 vie
d'autant pins de force , et remplacent
le patriotisme. Sous les gouvcrnc-
raenls des.âges civilisés, rëg.ililc que
la nature a mise entre les hommes en
leur donnant l'uitelligence, caractère
essentiel de l'iuimanite' , est consa-
crée dans l'cgalifc civile et politique.
Les citoyens sont égaux, d'abord
comme souverains de la cité, ensuite
comme sujets d'un monarque , qui ,
distingué seul entre tous, leur dicte
les mêmes lois. Fondées sur la pro-
tection des faibles , les monarchies
doivent être gouvernées d'une ma-
nière po])ulaire. Le prince établit
l'égalité, au moins dans l'obéissance ;
il humilie les grands, et leur abaisse-
ment est déjà une liberté pour les pe-
tits. Revêtu d'un pouvoir sans bornes,
il consulte non la loi, maisl'éqnite
naturelle. Aussi la monarchie est-elle
le gouvernement le plus conforme à
la nature , dans les temps delà civi-
lisation la plus avaîicée. Les monar-
ques se glorilicntdu titre de cléments,
et rendent les peines moins sévères ;
ils diminuent cette terrible puissance
paternelle des premiers âges. La
bienveillance de la loi descend jus-
qu'aux esclaves; les ennemis mêmes
sont mieux traités, les vaincus con-
servent des droits. Celui de citoyen,
dont les républi<[ues étaient si ava-
res , est prodigué; et le pienx Anto-
nin vent , selon le mot d'Alexandre,
que le monde soit une seule cité.
Voilà toute la vie politique et civile
des nations, tant qu'elles conservent
leur indépendance. Elles passent suc-
cessivement sous trois gouvernements.
La législation divine fonde la monar-
chie domestique , et commence Vhu-
manitè ; la législation héroïque ou
aristocratique forme la cité, et limite
les abus de la force; la législation
populaire consacre dans la société
Icgalilc naturelle; la monarchie en-
VIC
fin doit arrêter l'anarchie , cl la cor-
ruption publique qui l'a produite.
Quand ce remède est impuissant , il
en vient inévitablement du dehors (
un autre plus elUcace. Le peuple I
corrompu était esclave de ses
passions eflVénces ; il devient es-
clave d'une nation meilleure qui le
soumet par les armes , et le salive en
le soumettant. Car ce sont deux lois
naturelles : qui ne peut se gouver-
ner , obéira , et , aux meilleurs V em-
pire du inonde. Que si un peuple
n'était secoiu'u dans sa dépravation
ni par la monarchie , ni par la con-
quête, il se dissoudrait de lui-même,
la providence le disperserait dans la
solitude, et le ])liénix de la société
renaîtrait bientôt de ses cendres.
C'est après ces épurations sévères
que Dieu renouvela la société euro-
péenne, sur les ruines de l'empire
romain. La plu]>art des preuves
historiques données jusqu'ici par
l'auteur , à l'appui de ses jiriiicipes ,
étant empruntées à l'antiquité , la
Science nouvelle v.c mériterait pas le
nom d'histoire éternelle de l'huma-
nité, s'il ne montrait que les carac-
tères observés dans les temps anti-
ques se sont reproduits, en grande
partie , dans ceux du moyen âge,
— C'est ce qu'il entreprend de faire
dans le cinquième et dernier livre :
Relourdes mcmcs révolutions, lors-
que les sociétés détruites se relè-
vent de leurs ruines. La conclusion
de la Science nouvelle est que le
monde social est l'œuvre du libredé-
veloppernenl des facultés humaines;
mais que ce monde n'en est pas moins
sorti d'iuîc intelligence, souvent con-
traire, et toujours siipérieurc aux
fins particulières que les hommes
s'étaient proposées ; la providence
ne nous force point par des lois po-
sitives ; mais se sert, pour nous gou-
VIG
vfvner, des usages que nous sui-
vons librement. La Science nouvelle
fui attaquée par les Protestants et
par les Catholiques. Tandis qu'un
Daraiano Romauo accusait le systè-
me de Vico d'être contraire à la re-
ligion , le Journal de Leipzig inserait
nu article envoyé par un autre com-
patriote de Vico , dans lequel on lui
reprochait d'avoir approprié son
système au goût de l'Eglise romai-
7ie. L'accusation de Dami.uio a été re-
produite en i8.ii , par M. Colange-
lo, et quelques admirateurs de Vico
l'ont involonlairemcut appuyée. Ils
ontprétcudu qu'il avait obscurci son
livre à dessein, pour le faire passer
à la censure. Les personues qui ont
le plus étudié Vico, MM. de A. et
Jannclli, n'ajoutent aucune foi à cette
tradition^ et la lecture du livre suf-
lit pour la réfuter. Quoi qu'il en
soit, on peut conjecturer qu'une ac-
cusation si grave troubla les derniè-
res années du mal lieu reux Vico.
« Vous êtes , écrit-il à un ami puis-
sant, du petit nombre des hommes
éclairés qui souticnuent la Science
nouvelle par l'autorité de leurs lu-
mières , et sous la protection des-
quels l'auteur accablé par la for-
tune conserve encore la vie, la pa-
trie et la liberté. » 11 opposa à ces
persécutions et à tant d'autres mal-
heurs unadmirablc courage. « Qu'elle
soit à jamais louée, dit-il dans une
autre lettre, cette providence qui,
lors même qu'elle semble à nos fai-
bles yeux mie justice sévère , n'est
qu'amour et que bonté I Depuis que
j'ai fait mon grand ouvrage, je sens
que j'ai revêtu un nouvel homme. Je
n'éprouve plus la tentation de décla-
mer contre le mauvais goût du siè-
cle , puisque, en me repoussant de la
place que je demandais , il m'a don-
né l'occasion de composer la Science
VIG 371
nouvelle. Le dirai-je? je me trompe
peut-être, mais je voudrais bien ne
pas me tromper : la composition de
cet ouvrage m'a animé d'un esprit
héroïque qui me met au-dessus de la
crainte de la mort et des calomnies
de mes rivaux. Je me sens assis sur
une roche de diamant , quand je son-
ge au jugement de Dieu, qui fait jus-
tice au génie par l'estime du sage !...
1 7 26. » Voici la liste des écrits de Vi-
co : I. Cinque libri di Gianibattisla
Vico de'priucipj d'una scienza nuo-
va d'intorno alla comune natura
délie nazioni , JNaples , 1725 (dé-
diés au cardinal Laurent Gorsini, de-
puis Glément XII ); entièrement re-
fondus dans l'édition de 1780, laquel
le a été considérablement augmentée
en 1744- L'obscurité et la confusion
que présente cette dernière édition
ne peuvent étonner, lorsqu'on sait
comment elle fut ])ubliée. L'auteur
arrivait au terme de sa vie et de ses
malheurs; depuis plusieurs mois il
avait perdu conna:ssance. Il paraît
que son (ils , Geiinaro Vico, rassem-
bla les notes qu'il avait pu dicter
depuis l'édition de 1730 , et les in-
tercala à la suite des passages aux-
quels elles se rapportaient le mieux,
sans entreprendre de les fondre avec
le texte auquel il n'osait toucher. La
première édition a été réimprimée
en 1817, à Naples , par les soins de
M. Salvatore (iallotti. La dernière
l'a été en 1801 , à Milan, à Na-
ples, eni8ii et eu 18 if>. Elle a été
traduite en allemand , par W. - E.
Weber, Leipzig , 1822 ; et en fran-
çais (avec quelques retranchements),
sous le titre de Principes de la phi-
losophie de l'histoire, traduits de
la Scienza nuova de J. - B. Vico ,
précédés d'un Discours sur le sys-
tème et la vie de l'auteur , par J.
Michelet , 1827. II. De antiquissi-
•>4..
375 Vie
7nti Italorum sapientid ex ori^ini-
bus linv,uœ latinœ eruenda , 1710;
traduit en italien, liSiG, Milan, Ul.
Fila ili MarcscAallo Antonio Ca-
rajfa, 1716. lY. De uno juris uni-
fersi principio , i-jai. V. De cons-
tantid jurisprudantis , i «j 2 1 , VI.
Pour compléter celle liste, nous n'aii-
ronsqu'ii suivre Veditcui- des opuscu-
les de Vico. ÎM. Carlanlonio de Rosa ,
marquis de Villa-lxosa , les a recueil-
lis en 4 vol. in-8"., Naples, 1818.
Nous n'avons trouve qu'une omission
dans ce recueil, c'est celle de quel-
ques notes faites par Vico sur l'Art
poétique d'Horace. Ces notes, peu re-
marquables, ne portent point de da-
te. Elles ont cte publiées rccenimcnl.
Le premier volume du Recued des
opu>cules contient plusieurs écrits
en prose italienne. J^c plus curieux
osl un Mémoire de Vico sur sa
vie. L'estimable éditeur , descen-
dant d'un protecteur de Vico , y
a joint une addition de l'auteur
qu'il a rclrouvc'e dans ses papiers ,
et a complète la Vie de Vico, d'a-
près les deftails que lui a transmis le
fils même de ce grand homme. Le
second V4>lume renicrme quelques
opuscules et un grand nombre de let-
tres, en italien. Le principal opuscule
est la Repense à un article du jour-
nal littéraire d'Italie. C'est là q'iil
juge Descartcsavcc l'impartialité que
nous avons adinircc plus haut. Dans
deux Lettres que contient aussi ce
volume ( au P. de Vitri , 1 -jaG , et
h D. Francescp Solla , 1729) , il at-
taque la reforme cirlesienne, et m
général l'esprit du dis-huitième siè-
cle , souvent avec humeur , mais
toujours d'une manière éloquente.
Deux morceaux sur le Dante ne sont
pas moins ciaieux.Ony trouve l'opi-
nion re])roduitc par Monti, que l'au-
trur de Ja divine Comédie est plus
Vie
admirable encore dans le Purgatoii^ 1
et le Paradis , que dans cet Enfer si ^
exclusivement admiré. Dans le troi-
sième volume des opuscules , Vico
odVe une preuve que le génie philo-
sophique n'exclut point celui de la j
poésie ; mallieurcnsement son talent a
a été trop souvent entravé par l'msi-
gnifiancedessujels oiliciels qu'il trai-
tait. Le quatrième volume renferme ce \
que Vico a écrit en latin. La vigueur 1
et l'originalité avec lesquelles il s'ex-
primait en cotte langue eussent lait la
gloire d'un savant ordinaire. De
nostri lemporis studiorum ratiune
oratio ad litterarum studiosani ju-
venlulem , hahita in R. Neap. Aca-
depiid, 1738; déjà mentionné. Ora-
tio cujus ar^umentum,hosle7nhosti
infensioreni infe.stioremcjue qûàin.
stultum sihi esse neminem , 1708.
De nunle heroicd oratio habita in
R. Neap. Academid , 173'.^; admi-
rable d'éloquence et de poésie, f'ici»
P^indiciœ , sive notœ in acta erudi- |
toruni Lipsiensia mensis augusli 1
anni !']'>■'] , ubi inter nova litlera-
ria urmni e.vtat de ejus libre cujus-
tilulus, Prinsipj d'una scienza nuo-
va , etc. , 1 7*^9. Les autres morceaux
contenus dans ce volume sont moins
remarquables. Les pièces inédites pu-
bliées en 1818, par M. Antonia
Gioidano', se trouvent toutes dans
le Recueil des opuscules. Nous don-
nerons ici l'indication des auteurs
qui ont imité, attaqué ou sim.plernent
mcnlionnéVico. En Italie: Damiano
Romano. Genovesi. Cuoco. Mario ^
Pagano { Essais politiques). Du ni., j
Cesarotti. l\irini. Signorelîi. Roma- '
gnosi. ïalia. Colangelo. Enfin M.
(^alaldo Jannelli , que nous regar-
dons comme le seul disciple légitime
de Vico {Essai sur la nature et la
nécessité de la science des choses-
ci histoires humaines , 1817). Foj'
vie
aussi Biblioleca analiiica , passim.
Eu France : Journal de Trévoux ,
i-jîô , septembre. Bibliothèque an-
cienne et moderne de Leclerc ,torae
XVIII. M, Salli dans son Éloge de
Filangicri, et dans la Revue encjcl. ,
tomes II, VI, vu. Traduction des
Mémoires sur Naples , du comte
Orioir, tomes iv , v. En Allemagne :
lierder et Wolf ( Musée des scien-
ces , etc., tome i ). Aucun Anglais ,
aucun Écossais^ que je sache , n'a
fait mention de Vice, si ce n'est
l'auteur d'une brochure récente sur
l'ëtat des études en Allemagne et en
Italie. . J. M— T.
VICOMTERIEDESAINT-
SAMSON ( Louis DE La ) , l'un des
révolutionnaires de France les plus
exaltés, naquit en \']'i'-i, lit d'assez
bonnes études , et vint se mêler à la
foule des écrivains toujours si nom-
breux dans la capitale , où leur mé-
diocrité les condamne à une existen-
ce d'autant plus pénible , qu'ils y
sont témoins des plus brillantes pros-
pérités. La Vicomtene concourut ,
en 1779, pour l'Éloge de Voltaire ,
qui était proposé par l'académie fran-
çaise, maisi) n'obtint pas même une
mention , et s'en consola en faisant
imprimer ses vers , auxquels il joi-
gnit une lettre que le grand Frédéric
avait eu la bonté de lui adresser.
Rien de tout cela ne put le faire re-
marquer; et il était encore jierdu
dans la foule , lorsque la révolution
éclata. Il en embrassa la cause
avec beaucoup d'ardeur, et publia
dès les premiers troubles ( 1789)
une ode intitulée La Liberté , qui,
malgré son exagération, ne fut pas
même aperçue au milieu de la pro-
digieuse quantité d'écrits de tous les
genres que les événements faisaient
éclore. Les deux brochures qu'il fit
ensuite imprimer , la première sous
Vie
ln%
QQ titre : Du peuple et des rois,
1790, in-8".; et la seconde, intitu-
lée : Les droits du peuple sur l'as-
semblée nationale, 1791 , in-S*^. , eu-
rent à-peu-près le même sort. Voulant
à tout prix qu'on parlât de lui, et
voyant le pouvoir royal tombé dans
le dernier avilissement, La Vicomte-
rie mit au jour un autre ouvrage qu'il
intitula : Crimes des rois de France ,
depuis Clovis jusqu'à Louis X FI,
in-H". , 1791. Le litre seul de cette
compilation lui fit obtenir un grand
succès; elle fut traduite aussitôt en
Allemagne et en Angleterre; l'auteur,
encom-agépar ce succès , publia l'an-
née suivante les Crimes des papes ,
I vol. in-80.; et, à son exemple, on
imprima les Crimes des reines , les
Crimes des empereurs ^ etc. ( f^oy.
Prudhomme, dans la Biographie des
hommes vivants ). La Vicomterie
fut dès-lors un des coryphées du
parti républicain. Il concourut de
toutes ses facultés à la révolution
du 10 août 1792 ; et se livrant
de plus en plus aux illusions de ce
temps-là, il imagiua que les Fran-
çais pouvaient être gouvernés san?*
payer de conlribMtions , et publia
une nouvelle brochure intitulée : La
république sans impôts, 179'? , in-
8". , cpii ajouta beaucoup à sa popu-
larité. Il fut nommé député à la Con-
vention nationale par la ville de Pa-
ris. Ce ne fut encore que par l'exa-
gération de ses principes , qu'il put
se faire remarquer dans cette assem-
blée. Dès le commencement , il y
prononça un discours Sur le procès
de Louis Xri, dans lequel il se dé-
clara ouvertement pour la condam-
nation , et qu'il fit imprimer avant
même que ce procès fût commencé.
II vota ensuite pour la mort de ce
prince, contre l'appel au peuple et
contre le sursis. Norams après le 3i
374 Vie
mai 1793 membre du comité de
surctc générale . il eut part à toutes
les opérations du régime de la ter-
reur, jusqu'à la révolution du i^tlier-
midor. Deux jours après cet événe-
ment, un raccusa de s'être absenté
du comité et même de la Conven-
tion , tant que la victoire avait paru
incertaine. 11 prononça à la tribune
nue apologie , dans laquelle il se dé-
clara hautement contre le tyran, qui
venait de tomber; ajoutant que c'é-
tait à tort qu'on l'avait accusé de
faire partie de In caste justement
proscrite , cfui traînait chez l'ctran-
s^er son orgueil et sa misère. Cette
fois La Vicumlerie en fut quitte pour
être exclus du comité de sûreté gé-
nérale. Quelque temps après , il pré-
senta à la Convention un rapport
sur la morale calculée , dans lequel
il manifesta le matérialisme le plus
])Ositif. Après avoir attaqué Pufen-
dorf et saint Augustin, Grotiiis et
saint Jérôme, il soutint que l'idée
d'un Dieu rémunérateur et vengeur
est fausse , que la race humaine
est éternelle , et sa conclusion fut
d'inviter les savants à donner une
échelle graduelle des crimes et des
tourments qu'ils entraînent après
eux sur la terre , vu quils ne doivent
pas être punis dans un autre monde.
Ce discours, où La Yicomlerie dé-
ploya une sorte d'éloquence et même
une érudition assez rare dans ce
temps-là , fut très - applaudi , mais
ne put lui rendre son ancien crédit.
C'était le temps où l'on attaquait suc-
cessivement tous les chefs de la ty-
rannie décemvirale, et surtout les
membres des anciens comités. Le dé-
puté Gouly accusa La Vicomterie ,
dans la séance du 9 prairial au m
( 28 mai 1795 ), d'avoir pris part
à la révolte du 1'^'^. de ce mois. Il
fut décrète d'accusation et arrêté;
Vie
mais il réussit à s'évader, obtint de
rester chez lui avec des gardes , et
fut amnistié quelques mois après.
N'ayant pas été compris dans la
réélection des deux tiers de conven-
tionnels, il ne fit plus partie d'aucu-
ne assemblée, et mena dès-lors une
vie fort obscure , vivant d'un emploi
subalterne dans la régie du timbre.
Il mourut à Pans, en 1809. Ce dé-
magogue, en apparence si fougueux,
et qui eut part à tant de proscrip-
ticns et d'événements sanguinaires,
était cependant un homme faible et
timidej et l'on ne peut pas douter
que sous un gouvernement fort et
bien dirigé, il ne fûl resté ti'ès-paisi-
ble et très-soumis. La réponse sui-
vante qu'il lit après le 9 thermidor
à son collègue Legendre , qui lui re-
prochait l'arrestation de Danton, le
peint assez bien : « Ma foi , Robes-
» pierre avait un tel empire -sur ses
» collègues, que moi, en mon parli-
» culier, j'hésitais pour me rendre
» aux assemblées qui réunissaient le
» comité de sûreté générale à celui
» de salut public, dans la crainte de
» mr trouver avec lui. Un jour nous
» fûmes convoqués pour entendre nu
» rapport , sans savoir sur quelle
» matière. Nous voilà réunis ; Saint-
» Just tire de sa pociie des papiers :
» quelle est notre surprise d'entendre
» le rapport contre Danton et autres I
» Le discours était si séduisant ,
» Saint-Just le débita avec tant d'â-
» me!.... Après la lecture, on de-
» monda si quehju'un voulait parler.
» NonI noni On mit l'arrestation
» aux voix , et elle fut décrétée una-
» nimcment. » M — d j.
VICQ-D'AZYR (Félix) , médecin
et anatomistc célèbre , écrivain élo-
quent , naquit à Valogue , en 1748 ,
d'un médecin estimé de cette ville. Les
conseils de son père le déterminèrent
VIG
à se livrer à la même profession , et
il se rendit , en i^GS , à Paris , oii
il se livra avec aideur à l'ëtude
Je toutes les parties de cet art im-
ineuse , et des sciences qui lui ser-
A'ciit d'auxiliaires. L'analoniie et
la physiologie fixèrent particuliè-
rement son goût; et en «773,
après avoir termine sa licence, il ou-
vrit une école de médecine, ou cours
d'aiiatomie humaine , éclairée par
sa comparaison avec celle des ani-
maux. Le succès de cet enseignement
fut très-grand, non-sculemcif ta cause
de tout ce que le jeune professeur
mon;raJt de connaissances, mais sur-
tout à cause de rciégance, dç la clar-
té et de la chaleur qu'il savait met-
tre dans son exposition. On rapporte
que celte réputation naissante éveilla
la jalousie de quelques médecins, qui
parvinrent à lui faire refuser l'usage
de la salle de la Faculté. Antoine
Petit, professeurd'anatoniie, au Jar-
din du Roi, qui lui- môme avait une
grande réputation comme savant et
comme orateur, le choisit alors pour
faire des leçons à sa place ; et sur ce
nouveau théâtre Vicq-d'Azyr n'eut ni
moins de succès , ni plus de bonheur.
Petit aurait voulu liu ménager la sur-
vivance de sa chaire ; mais il ne put y
réussir. BulFon préféra M. Portai ^
Vicq-d'Azyr fut réduit à faire des
leçons particulières dans sa propre
demeure , et les talents nombreux
dont il donnait des preuves seraient
peut-être demeurés long-temps stéri-
les pour sa fortune, si un hasard sin-
gulier ne lui eût procuré un protec-
teur zélé dans le célèbre Daubenton.
Une jeune personne, nièce de la fem-
me de ce naturaliste , passant avec
sa mère devant la maison de Vicq-
d'Azyr, y fut prise d'un évanouisse-
ment. Ou appela ce médecin pour lui
donner des secours j et cet accident
VIG
3t5
fut l'origine d'une liaison qui se ter-
mina par un mariage. Dès-lors Dau-
benton procura à Vicq - d'Azyr les
moyens d'étendre ses recherches à
des animaux étrangers j et les Mé-
moires oîi le jeune anatomiste les
consigna lui procurèrent, en 1774,
l'entrée à l'académie des sciences.
Il y acquit l'estime et l'amitié de
Lassonne , premier médecin du
roi , qui résolut de l'employer dans
les parties d'administration atta-
chées alors à cette place, et qui
l'envoya, nommément en 177^,
porter des secouis à qi;elqiies provin-
ces du raidi, ravagées par une cpi-
zootie mei'.rtrière. Le projet de don-
ner plus de régidarilé à ce genre de
secours, celui de faire constater plus
positivement les propriétés des eaux
minérales, qui étaient aussi dans ses
attributions, conduisirent Lassonne
à l'idée de conlier ce travail à une
commission j et petit à petit il en vint
à celle de créer une société qui tra-
vaillerait au perfectionnement de tou-
tes les parties de la médecine. Cette
société fut établie en 1776; etVicq-
d'Azvr , avec qui Lassonne en avait
concerté le plan , en fut nommé se-
crétaire perpétuel. Mais cette épo-
que , si favorable à sa renommée, fut
aussi pour lui celle des désagréments
les plus vifs. La Faculté, jalouse de
ce nouveau corps, qu'elle regardait
comme un rival dangereux, prit Vicq-
d'Azyr pour principal objet de sa hai-
ne, et il fut accablé d'injures et de ca-
lomnies dans les pamphlets que pu
blicrent ceux des docteurs de la Fa-
culté qui n'avaient pas été appelés
à faire partie de la société. Cepen-
dant les grands travaux de cette com-
pagnie , leur utilité évidente , le
talent et l'activité que Vicq-d'Azyr
montra dans ses fonctions , l'empor-
tèrent sur l'injustice de leurs de'trac-
37^ Vie
tenrs. Les éloges qu'il fit des princi-
paux membres de la société, écrits
avec intérêt , souvent avec éloquen-
ce, lui concilièrent les suffrages les
plus honorables. On y remarqua
une grande étendue de connaissances,
un jugement sain, de la sensibilité ,
et un grand talent de peindre les
hommes. I/attcntion que la société
avait eue de nuninicr parmi ses ho-
noraires des auteurs célcbics dans
les scirnccs naturelles , el même des
magistrats et des liommcs d'État que
leurs fonctions metlaicnl en raj)port
avec la médecine , procura à son
secrétaire l'occasion de célébrer d'au-
tres personnages que des médecins ,
et de s'élever à des considérations du
genre le plus varié ; la botanique, la
chimie , l'administration , la plus
haute politique elles-mêmes purent
devenir les objets de ses réflexions,
lorsqu'il eut à |)arler de Linna-us , de
Bergman , de Vergennes et de Fran-
klin ; et il prit un tel rang parmi
nos meilleurs écrivains, que l'acadé-
mie française , en i 788 , le choisit
avec l'applaudissement gc'néial du
public pour succéder à Ikillbn. Son
discours de réception est un des plus
pleins et des plus élégants qui aient
été prononces dans des occasions
semblables. Il y apprécie BuU'ou
«ous tous les rapports, et le peint
d'une manière également fi-appante ,
comme philosophe , comme natura-
liste et comme écrivain. Les travaux
jiurcment scientifiq.ies de Vicq-d'A-
zyr ioiit nombreux el importants :
ils embrassent des sujets très-divers
de médecine , d'art vétérinaire etsur-
tout d'auatomic , tant humaine que
comparée. Il avait présenté à l'a-
cadcmie des sciences , dès la lin de
1773 , ses premiers Mémoires pour
servir à l'histoire anatomique des
poissons , cl sur l'auatomie des oi-
VIC
seaux, comparée à celle del'homme.
Devenu membre de cette compagnie,
il y lut la suite de ce travail en 1774
et y joignit un Mémoire sur les
usages et la structure des quatre
extrémités dans l'homme et les qua-
drupèdes; en 1777 , un autre sur
l'organe de l'oi.ïe, dans les qua-
tre classes d'animaux vertébrés •
en 1779, deux sur les organes do
la voix: en 1781 , une anatomie
du mandrill, et de quelques autres
singes; et en 1784, des observations
sur les t-lavicules et les os clavicu-
laires. Ces écrits sont imprimés dans
les Recueils de l'académie ; ils offrent
presque tous des observations neu-
ves pour le temps, et des vues ingé-
nieuses , mais sans s'élever à toute
la généralité , ni entreB dans tout le
détail que ces matièrescomportaient.
Sa myologie des oiseaux en est la
partie la plus neuve, et celle qui est
encore demeurée la plus utile; vers la
fin de sa vie , il s'occupait de leur
génération. On a de lui, dans le Bulle-
tin de la société philomatique de
lygS, des observations sur ce que
devient le jaune de l'œuf après l'in-
cubation , et une description des or-
ganes génitaux du canard. Pendant
le même temps , Vicq-d'Azyr com-
mençait sur l'anatomic de l'homme
des recherches plus suivies ; il donna,
en 1781 , des observations sur la jio-
sition des testicules dans l'embryon ;
mais il s'attachait particulicicment
au système nerveux. En 1777 , il
avait donné une description des nerfs
de la 'i'^". et de la S"»*^. paire. En
1781 , il lut quatre Mémoires sur
la structure du cerveau elde la moel-
le épinière , et sur l'origine des nerfs,
où il ajouta plusieurs faits à ce que
l'on connaissait déjà de ces organes
compliqués. Ces écrits sont égale-
ment insérés parmi les Mémoires de
vie
racade'raic j mais leurs résultats ,
ainsi que ceux de beaucoup d'autres
observations sur le même sujet, sont
consignés dans un ouvrage que Vicq-
d'Azyr commença à publier en 1786,
sous le titre de Traité (Vanatomie
et de physiologie, avec des plan-
clies coloriées, in - fol. Il devait,
comme le titre l'annonce , y décrire
et y représenter tous les organes de
l'homme ; mais il n'a pu traiter que
de l'encépliale, et n'est pas même
arrivé à la moelle épinière ni à la dis-
tribution des nerfs , et encore moins
aux organes des sens. Tel qu'il est
demeuré, cet ouvrage forme un vo-
hime in - folio , assez fort , contenant
trente - cinq planches imprimées en
couleur, avec des explications très-
délaillées, etuue histoire critique des
figures données sur le mèjne sujet ,
par les anatomistes précédents. Le
tout est précédé de Discours sur l'a-
natomie en général , écrits avec élé-
gance , et qui présentent cette science
sous des points de vue pins élevés et
plus philosophiques que le commun
des écrivains sur cette matière n'a-
vait coutume de le faire. L'auteur
y rappelle sans cesse à l'anatomie
comparée, qui , à cette époque, était
presque tombée eu oubli dans l'école
de Paris. Il eut occasion de s'en oc-
cuper ex professa , dans l'ouvrage
qu'il entreprit pour l'Enryclopédic
méthodique, et dont il publia le se-
cond volume en 1 "92 , sous le titre
de Système anatomique des qua-
drupèdes. Le premier , qui devait
paraître plus tôt, n'a pas même été
commencé par lui. L'auteur, après
y avoir indiqué, dans !e discours
préliminaire, d'une manière à la vé-
rité encore assez imparfaite, même
pour l'époque , les rapports des prin-
cipales familles du règne animal, et
les espèces dont il lui paraît plus im-
VIC
077
portant d'étudier l'anatomie, y trace
le plan d'après lequel les anàtomies
particulières pourraient être faites •
et ce plan est si détaillé, qu'il n'y
aurait pas moins de treize cent tren-
te-neuf points ou circonstances d'or-
ganisation à examiner et à décrire
dans chaque espèce. Il fait ensuite
l'application de ce plan à un certain
nombre d'espèces, choisies parmi les
quadrumanes et les rongeurs, et ran-
gées d'après une méthode que Dau-
benton lui avait fournie. Mais on con-
çoit qu'il est obligé d'y laisser en
blanc la pliqiart de ces nombres, et
que beaucoup de ceux qu'il a rem-
plis n'ont pu l'être que par des faits
ejnpruntés à d'autres anatomistes.
D'ailleurs les répétitions innombra-
bles qu'entraînait cette manière de
décrire, auraient rendu l'ouvrage, si
on avait voulu le conduire jilus loin,
d'une longueur insupportable. L'au-
teur cherche à y remédier par des
résumes qu'il place à la fin de chaque
famille, et qui piéscntent, mais tou-
jours d'après le même ordre de nu-
méros, ce que les espèces de cette
famille ont de commun. Cette partie
de l'Encyclopédie méthodique a été
continuée récemment , mais sur un
plan beaucoup plus abrégé, par IM.
llippolyte Cloquet, qui y a suppléé
aussi le premier volume , et l'a rem-
pli, conformément à ce que Vic<j-
d'Azyr avait annoncé, par un Dic-
tionnaire raisonne des termes d'ana-
tomie et de physiologie, appliqués
principalejnent à l'anatomie de l'hom-
me. Ses Mémoires de médecine pro-
prement dite et d'aï t vétérinaire ne
sont ni aussi nombreux ni aussi im-
portants. En 1774 5 7^ 6176, lors
de ses missions contre l'épizootie du
midi , il publia une multitude d'ins-
tructions sur les moyens de préser-
ver les bestiaux de la contagion, de
378
VIG
les traiter lorsqu'ils en sont atteints,
et de desinfecter les cuirs de ceux
qui en sont morts. Il cii a donné le
résume général en 1781 , 2 vol. in-
8«>. , sous le titre de Médecine des
bétes à cornes. Il faut avouer que
sou remède universel n'était pas con-
solaMt; il consistait presque toujours
à assommer les J)êtes infectées. Pen-
d.int uu certain temps , professeur
d'an;itomic cumparéc à l'ocole vété-
rinaire d'Alfort , il a contribué à y
inspirer le goût des reclicrclies scien-
tifiques. Il acte l'éditeur du Diction-
naire de Médecine de l'Hucyclopé-
die méthodique, composé par une
société de vingt médecins. Les arti-
cles Adustion , Acupuncture et Ai-
guillon, qui sont de lui, ollient des
idées nouvelles et lumineuses. Il a
tradiu't de l'italien , mais avec des
cliangements et des additions , le trai-
té de Fiattoli sur les dangers des sé-
pultures (i778,in-r.O. Vicq-d'Azyr
n'était pas étranger à la chirurgie; et
il a donné, dans le Recueil de la so-
ciété de médecine , des iMémoires sur
la section de îa trachée, sur la taille
latérale de la pierre, et sur la fistule
lacrymale. Ses éloges des méde-
cins sont remplis de réflexions et de
vues utiles sur l'art. On assure qu'il
était devenu bon praticien , et que ses
anciens ennemis avaient fini par lui
rendre hommage sur ce jxjint. 11 suc-
céda , en 1 78") , à Lassonne, dans sa
]dacc de premier médecin de la rei-
ne, et obtint en même temps la sur-
vivance de celle de premier médecin
du roi, qui fut donnée à Lemonnierj
bien que ses liaisons avec Condor-
cet et d'autres philosophes l'eussent
rendu suspect à la cour, les rapports
habituels que ses fonctions lui don-
naient avec la reine , objet principal
des soupçons et de lu haine des révo-
lutionnaires , et l'admiration qu'il
\IC
professait pour elle ,Iuiattirèrentaus-
si l'animadversion du parti qui ren-
versa le trône; et l'on assure que les
craintes qu'il en conçut contribuèrent
à la maladie qui l'emporta. Il paraît
néanmoins que des sa jeunesse il
avait été attaqué de crachements de
sang, et que les travaux continuels
auxquels il se livrait avaient miné
depuis long-temps sa santé. Il avait
reconnu lui-même, depuis quelque
tcnps , qu'il était atteint d'un ané-
vrisme; mais ayant été obligé d'as-
sister à la cérémonie où Robespierre
proclama l'Etre-Suprème , la fatigue
qii'il éprouva donna une nouvelle
énergie à ces causes de destruction ;
et il mourut d'une inflammation de
jioitrine, le 20 juin 1704? '^g*^ ■"'Cn-
lémeut de quarante - six ans. MM.
iMoreau de la Sarthe et Lemonley
ont publié des Éloges historiques de
Vicq - d'Azyr, le premier en i 797 y.
et le second en 182G. M. Morcau a
donné une édition de ses OEuvres ,
^n(j vol. in-8*^. , et un Atlas in-
4". , Paris, i8o5. Les trois pre-
miers contiennent les Eloges ; les
trois autres ses écrits anatomiques et
physiologiques; mais ces deux re-
cueils sont incomplets , le second sur-
tout , où manquent plu'-ieurs Mémoi-
res , et où ceux, qui s'y trouvent sont
mutilés en divers endroits. C-v-r.
VICTOIRE ( Louise- TuÉaisE ),
fille de Louis XV, naquit à Versail-
les le 1 1 mai 1733 , passa, ainsi que
sa sœur aînée ( V. Adélaïde, I, 2 1 2),
la plus grande partie de sa vie à la
cour , et y fut respectée pour sa pieté
et la pureté de ses mœurs. Le dévoue-
ment filial de cette princesse fut
célèbre, à l'époque de la mort de
Louis XV. Jamais petite - vérole ne
s'était montrée avec des symptômes
plus elfrayanls. Madame Victoire ,
qui n'avait pas eu cette maladie, vou-
vie
lut s'enfermer avec sou père , pour
lui donner ses soins. Elle l'ut atteinte
du mal qu'elle avait brave , mais fut
sauvée de ses dangers. La séparation
d'avecle reste de sa famille, à laquelle
cette circonstance la condamna , fut
peut-être funeste à la monarchie.
Consultée par le roi sou neveu, elle
l'avait engagé à rappeler à la tète de
ses conseils un homme d'une austère
vertu , d'une profonde capacité , au-
quel le feu roi avait accorde une juste
confiance, le comte de Machault. La
dépcclie qui l'appelait à Versailles
allait être remise au courrier, lors-
qu'une intrigue de cour lit substituer
à son noui celui de M. de Haurepas.
On sait trop quelle influence eut ce
choix sur les destinées de la France.
Après la mort de leur père, Mada-
me Victoire et Madame Adélaïde
continuèrent à vivre dans l'union la
plus touchante, au château de Belle-
vue , sans cesse occupées de bienfai-
sance et d'œuvrcs de piéle', jusqu'au
moment où les premiers troubles de
la révolution vinrent interrompre
leur repos. Obligées de fuir devant
la populace venue pour assaillir leur
paisible demeure, elles s'en éloignè-
rent à la hâte , dans la nuit du 1 9 fé-
vrier i-jgi , se dirigeant vers l'Ita-
lie. Ce ne fut qu'après avoir été arrê-
tées plusieurs fois sur leur route,
qu'elles arrivèrent enfin dans les
Etats du l'oi de Sardaigne, où elles
furent reçues avec tout l'empresse-
ment qu'elles devaient attendre d'un
prince qui tenait par tant de liens a
la France. Elles se rendirent ensuite
à Rome, où elles ne furent pas moins
bien accueillies par le pape Pie VI.
Ces princesses séjournèrent plusieurs
années dans la capitale du monde
chrétien ; et elles y édifièrent tous les
habitants par leur résignation et leur
touchante piété. Elles ne s'éloignè-
VIC 379
rent de celte ville que lorsque les ar-
mées républicaines s'en approchè-
rent, en 1798. S'étant alors rendues
à Naples , elles y furent comblées ,
par le roi et la reine, de tous les té-
moignages d'intérêt et d'airection.
Après un séjour d'un an dans le
beau palais de Cascrte , il leur
fallut encore prendre la fuite devant
les armées des républicains. C'est
dans la Relation du tw}'a{i^c de Mes-
dames, donuée par M. de Chastcl-
lux, en 18 iG, qu'on doit lire les dé-
tails de tous les dangers , de toutes
les fatigues, de toutes les soulfrauces
que ces deux malheureuses princes-
ses eurent à supporter, au milieu de
l'hiver le plus rigoureux, dans une
marche et une navigation de plus de
quatre mois. Madame Victoire ne
put résister à tant de maux; elle y
succomba le 8 juin 1799, quelques
jours après sou débarquement à
Tries te, et six mois avant sa sœur
aînée. Madame Adélaïde. La mê-
me tombe réunit dans la cathédrale
de celte ville deux sœurs qui ne s'é-
taient pas quittées un seul jour pen-
dant leur vie. Après le rétablissement
de leur maison sur le trône de Fran-
ce, le roi Louis XVIII fit apporter
eu France leurs dépouilles mortel-
les; et elles furent déposées dans
le caveau royal de Saint-Denis, eu
janvier 1817. M — d j.
VICTOR ( Saint ), d'une famille
de l>L'irseille, servait dans les armées
romaines, loisqu'il fut arrêté comme
chrétien, pendant la persécution de
Dioclétien et de Masimien. Ni les
liromcsses , ni les menaces ne purent
lui faire abjurer sa foi : il renversa
même un petit autel qu'on avait ap-
porté devant lui en le pressant de
sacrifier aux idoles. Après avoir
enduré plusieurs tourments , il eut la
têle tranchée le 21 juillet 3o3. Les
38o
Vie
abbayes de Saint- Victor à Marseille
et à Paris furent bâties sous son in-
vocation. On trouve une relation du
martyi-e de saint Victor dans les
supplc'nients au Cartophjlax de Ca-
ve, piiblie's par Colomiès ( /^o/. ce
nom , IX , 3 1 1 ), Londres, if>86 ,
in-S». P — BT.
VICTOR 1er, (Saint) , pape , Afri-
cain de nation, succéda à saint Elcu-
thère, le j8 juillet iSf). Il condam-
na et excommunia Tlicodore de By-
zance , qui niait la divinité' de J. -C.
Cette beiësic n'était ])as nouvelle , et
désola encore long-temps l'Église
chrétienne. 11 s'occupa ensuite de
fixer le jour de la célébration de la
fête de Pâques. Les usages dilléraient
à cet égard. 11 n'y avait cependant
d'autre dilllculté que celle de savoir
si ce serait le quatorzième jour de la
lune de mai's , ou le dimanche qui
suivrait ce quatorzième jour. Cette
dernière opinion prévalut dans un
concile que saint Victor assembla à
Rome, et l'usage en a été constam-
ment observé ( V. l'art. Gregoiue,
XIII). Cette décision fut pareille-
ment prise dans d'autres conciles :
les églises d'Asie furent les seules qui
résistèrent ; le pape voulait les ex-
communier ; mais saint Irc'uée mo-
déra son zèle, eu lui représentant
qu'il ne fallait pas retranche]- de l'É-
glise universelle un si grand nombre
d'autres églises , pour cet attache-
ment à leur ancienne coutume. Saint
Victor mourut martyr peu de temps
après , le a8 juillet 19-^ , et eut saint
Zéphiriupour successeur. D — s.
VICTOR II ( GÉBEHARD , pape ,
sous le nom de), était évêque d'Eichs-
tet, et parent de l'empereur Henri III.
Il fut élu le 1 3 avril io55,près d'unan
après la mort de saint Léon IX. Les
Romains, incertains sur leur choix,
avaient envoyé^ Hildebrand à l'em-
VÎC
pereur , pour le prier de leur indi-
quer celui qu'il désirerait voir nom-
mer. L'empereur eut de la peine à se
sépaier de Gébehard, qui lui ét;iit
utile dans ses conseils; et Gebehard
quittait à regret un poste érainent ,
où il jouissait de toute la faveur du
monarque ; mais Hildebrand l'em-
porta , et ramena Victor à Rome,
où il fut reçu avec honneur. Fieury,
sur la foi de Lambei't, auteur grave
du temps , raconte : « Qu'un sous-
» diacre voulant faire mourir le pape
» mit du poison dans le calice : le
» pape , ne pouvant se lever après la
» consécration, se prosterna avec le
» peuple pour demander à Dieu de
» lui en découvrir la cause. Aussitôt
» l'empoisonneur fut saisi du démoa ,
•» et le pape connaissant le crime ,
» fit enfermer le calice dans un au-
)) tel avec le sang de Notrc-Scigii€ur ,
» pour le garder à perpétuité avec les
» reliques. Puis , il se prosterna de
» nouveau en prière, jusqu'à ce que
» le sous-diacre fût délivré. » Victor
envoya, la même année, Hildebrand,
légat eu France , pour réprimer la
simonie qui faisait partout les plus
grands ravages. En io56 , il ftt un
vovage eu Saxe , pour y trouver
l'empereur, qu'il vit à Goeslas. Il ré-
concilia l'impératrice Agnes avec le
roi Baudouin , comte de Hesden , et
Godefroy , duc de Lorraine , et pa-
cifia le royaume autant qu'il lui fut
possible. Ensuite il retourna en Ita-
lie , et mourut en Toscane, le 21
juillet ICO*] , après avoir occupé le
saint - siège deux ans et trois mois.
Il eut pour successeur Etienne IX.
D— s.
VICTOR III , élu pape, le :4
mai 10B6, après la mort de Gré-
goire VII, se nommait Didier, et
descendait d'une illustre famille de
Bénéventj il avait été nommé ablîé
vie
du Moiit-Cassin en loSn, envoyé
coiuiiie Icgal à Constanliiiople en
io58 , et enCm cardinal en loSg.
Il s'était retire' dans son abbaye pen-
dant les troiib'.es excites par l'anti-
pape Giiibert, lorsque les Normands
le prièrent de se mettre à leur tète ,
pour tàolier de conclure !a paix avec
Grégoire VII et Henri. Didier vit le
roi , et lui parla avec une fermeté'
que le prince ne put s'empêcher de
respecter; car Didier était l'im des
plus grands pcisonnages du siècle où
il vivait. L'estime qu'il avait inspi-
re'e lui lit déférer le pontificat su-
prême; mais il opposa la plus grande
résistance. Ce ne fut qu'au bout d'nn
an qu'il consentit à exercer ses fonc-
tions, L'anti-pape ( V. Guibert) ,
secondé par quelques Romains, par-
vint à se rendre maître de l'église de
Saint-Pierre, et Victor se retira de
nouveau dans son monastère. Pressé
du désir d'abattre les Sarrasins , il
ordonna la levée d'une armée formi-
dable, qui lit la conquête deMe'dia,
et tua cent mille ennemis ; ce qui
passa pour un miracle. Le pape son-
gea bientôt après à sévir contre
l'anti - pape , qu'd fit analliémati-
ser dans un concile. Pendant les
premières sessions , il tomba dange-
reusement malade , et retourna au
!R"ont-Cassin: sentant sa fin appro-
clier, il fit promettre aux cvêques et
aux cardinaux qui l'avaient suivi
d'élire à sa jilace l'évcque d'Ostie.
Au bout de trois jours, le i5 sept.
1 086 , il mourut , après quatre
mois de pontiHcat. Il avait c.'é
vngt-neuf ans abbé du Mont-Cassin ,
dont il fit rebâtir l'église avec ma-
gnificence. On a de ce pape trois
volumes de dialogues sur les mii-a-
racles de saint Benoît, et autres
moines du Mont-Cassin. Il eut pour
successeur Urbain IL D — s.
VIC
38 1
VICTOR , anti-pape. F. Innocent
Il , pape.
VICTOR (Fz^r/f/x), tyran,
doit uniquement à ce titre la place
qu'il tient dans l'histoire. Fils de Ma-
xime ( F. ce nom , ^W\\ , 5IS8 ) ,
il fut créé César et Auguste par son
père , en 383. Lorsque Maxime eut
résolu de porter la guerre eu Italie ,
il laissa , suivant quelques auteurs, à
Victor le commandement des Gaules;
majs comme ce pnnce était eiicore
fort jeune, il l'entoura sans doute de
généraux dont les talents et l'expé-
rience devaient suppléer à son inca-
pacité. La raine du fils suivit de
quelques jours celle de son père. (1
fut rais à mort par ordre de Théo-
dose, au mois de septembre 388. On
a des médailles de Victor, en or, en
argent et en petit-bronze; mais elles
sont très-rares. W — s.
VICTOR ou VICTORINUS
( Claudius - MAr.ius) , rhéteur et
poète, vivait à Marseille, dans le
commencement du cinquième siècle.
Il a laissé trois livres de vers hexa-
mètres , qu'il adresse à son fils ^-
tnerius , et dans lesquels il raconte
l'histoire de la Genèse , depuis la
création jusqu'à la destruction de
Sodome. A la suite, se trouve une
Epître en vers , contre les mœurs
corrompues de son siècle, adressée à
l'abbé Salomon , et dans laquelle Vic-
tor fait un tableau assez curieux des
ravages qu'avaient naguère exercés
dans les Gaules les Vandales et au-
tres peuples barbares. On lui attri-
bue deux antres Poèmes, qui sont de
Victorin , évèque de Petaw , au troi-
sième siècle. Victor mourut sous Va-
icntinien III , vers /po, Z.
VICTOR, VICTORIN ou VIG-
TORIUS ( MjniJNUs), matliéma-
ticien , était né dans l'Aquitaine,
et suivant quelques auteurs, à Li-
38a Vie
moges. Etant aile demeurer à Ro-
me, on conjecture qu'il y remplit les
fonctions de la cle'ricatiire. L'cpoque
à laquelle devait se célébrer la fête
de Pâques continuait d'èlre entre les
églises le sujet de fre'quentes diflicui-
tcs. A la prière d'Hilaire, archidia-
cre de Rome , Victor se chargea d'a-
viser aux moyens de prévenir le re-
loifr de ce désordre. En multipliant
le cvcie lunaire des Grecs , de dix-
neuf ans , par le cycle solaire de
vingt-huit ans, il fit un nouveau ca-
non pascal . qui , de son nom , fut ap-
pelé victorin. Ce canon , qu'il
acheva l'an 4^7 , fut adopté par les
églises d'Occident. Mais dès le siè-
cle suivant, Victor de Capoue en
ayant démontré les erreurs, l'Eglise
de Rome en abandonna l'usage , qui
se maintint plus long-temps en Fran-
ce. Le canon de Victor a été publié
par le P. Gilles Boucher, jésuite,
avec une explication, sous ce titre :
De doctrind temporum sii'e Com-
mentarius in Fictorii Aquitani et
aliorum canones paschales , Anvers,
i633 ou 1634, in-folio. On trouve
une Notice sur Victor dans V Histoi-
re littéraire de la France , n , 4^4"
28, W— s.
VICTOR , évèque de Vite , dans
la Byzacène, et non diUtique, com-
me on l'a cru long-temps sur l'auto-
rité de quelques manuscrits , floris-
saitdans le cinquième siècle. Enve-
loppé dans la persécution suscitée
en 483, par Huuneric, roi des Van-
dales , couh-e les catholiques , il se
vit forcé d'abandonner son siège et
se retira, suivant les uns , à Constan-
tinople , et selon d'autres auteurs ,
dans l'Epire. On ignore l'époque de
sa mort, mais elle ne peut ctie que
postérieure à l'année 487. L'Église
romaine l'a placé parmi les confes-
.«^eurs , et son nom est iu';crit dans le
Vie
Martyrologe au 23 août. Durant
son exil , Victor composa l'histoire
de l'Église d'Afrique, depuis l'inva-
sion des Vandales , sous ce titre :
Ilistoria persecutiojiis vandalicœ
siveafricanœ sub Genserico et Hun-
nerico Fandalorum regibus. Pu-
bliée pour la première fois à Colo-
gne , en 1537 , in - 8°. , par Beatus
Rlienanus , elle l'a été depuis par
Reinh. Lorichius , Fr. Baudouin , le
P. Cliiiïïet, etc. L'édition la plus es-
timée et la plus complète est celle
que l'on doit au savant D. Ruinart ,
Paris, i()94, iu-8t'. ; il l'a fait suivre
d'un commentaire très -intéressant.
L'Histoue de Victor est bien écrite ;
le style en est correct , simple et at-
tachant. On y trouve les exemples et
les sentiments de la plus héroïque
piété. Elle a été traduite en français
par Franc, de Belleforest, en i5(j3 ;
et par Arnauid d'Andilly , en 1664 j
en flamand , Anvers , 1 568 , in-S». ,
et en anglais, i6o5. On attribue à
Victor de Vite les Actes du martyre
de Libérât et de ses compagnons , à
Carthagc. Surius les a publiés dans
les P'itœ sanctorum au 17 août ;
et D. Ruinart les a recueillis dans
son édition de Victor , avec une Ho-
mélie à la louange de saint Cypricn,
et une Notice des provinces et des
villes d'Afrique , mise au jour par le
P.Sirmond; maissuivant les meilleurs
critiques , ces deux derniers opus-
cules ne sont pas de l'évêque de
Vite. Outre les différentes histoires
des écrivains ecclésiastiques , on peut
consulter pour plus de détails : Dis
sertation sur Fictor de Vite , aUec
uns nouvelle Vie de cet évêque fpar
D. Liron), Paris, 1708, in- 12 de
ICI p. — Victor, évêque de Tu-
nes ou Tunones en Afrique, vivait
dans le sixième siècle. Le zèle qu'il
montra pour la défense des trois
vie
chapitres ( Foj. Facundus , XIV ,
82 ;, et Vigile , pape ) lui fit
éprouver les traitements les plus
rigoureux. Battu , mis en prison ,
exilé , renfermé clans diiïéreuts
monastères , rien ne pr.t ébranler
sa constance. On conjecture qu'il
finit ses jours dans un couvent à
Constantinoiile , vers 56G. Suivant
Isidore de SéxiWeiDe scriplorib. ec-
clesiast.y ch. ^5 ), Victor de Tunes
était l'auteur d'une Chronique uni-
verselle. Ce qui nous reste de ce
grand ouvrage commence à l'année
544 , où finit la Chronique de saint
Prosper ( Voy. ce nom) , et s'étend
jusqu'en 565. Victor s'altaclie prin-
cipalement à ce qui concerne l'héré-
sie d'Eutychès et l'alTaire des trois
chapitres 5 mais il ne laisse pas de
rapporter plusieurs faits importants
pour l'histoire générale de l'Église.
Canisius a publié celte Chronique
dans les Antiquœ lectiones ; Jos.
Scaliger_, dans le Thesaur. tempo-
rum , à la suite d'Eusébe ; et Andr.
Schott , dans VHispania illustrata ,
IV, 117. On attribue encore à Vic-
tor deîunes un Traite de Pœniten-
tid , inséré par les Bénédictins dans
y Appendice au tome 11 de leur édi-
tion des OEuvres àç^sAinX Ambroise.
Fabricius , dans sa Bihl. msd. et
infini, latinitat. , cite , comme de
Victor , un opuscule : Pro defen-
sione triuni Capilulorum liber umis;
mais il ne dit pas s'il est imprimé ;
peut-être n'est-ce qu'un extrait de sa
Chronique par un auteur plus récent.
W— s.
VICTOR-AMÉ 1". F. Savoie ,
XL, 552.
VICTOR-AMÉDÉE II, duc de
Savoie, ensuite roi de Sicile, puisde
Sa rdaigne, était né, le 14 mai i665,
de Charles-Emanuel II et de Jeanne-
Marie de Nemours. Tî succéda , le 12
VIC 383
juin 1672 , à son père. Sa mère con-
serva la régence pendant cinq ans; et
elle sut se maintenir libre et neutre ,
malgré les intrigues des deux cours
de France et d'Espagne. Lorsque
Victor - Amédée fut parvenu à l'âge
de quinze ans , elle voulut le marier
à l'infante de Portugal, sa nièce, qui
semblait devoir lui apporter cette
couronne en héritage. La France
secondait de tout son crédit cette
négociation , persuadée qu'un prince
de Savoie , roi de Portugal , ne se-
rait pas moins attaché à la France
qu'un prince français. En 1680, les
Portugais donnèrent leur consente-
ment ; mais les seigneurs et les états
de Savoie et de Piémont réclamèrent
à haute voix contre un mariage qui de-
vait leur ôter leur souverain, en lui fai-
sant porter une couronne royale. A
la manière dont les vice -rois espa-
gnols gouvernaient IVaples et Milan,
on pouvait prévoir quel serait le sort
de la Savoie, sous un vice-roi portu-
gais. La duchesse ne tint aucun comp-
te de ces remontrances; mais un jour
qu'elle était sortie de Turin , les no-
bles se jetèrent aux pieds de son fils,
en le suppliant de se tenir en garde
contre les intrigues de sa mère , et de
sedélier deson ambition, qui le per-
drait aussi bien qu'eux. Victor-Amé-
dée parut ému , et promit de ne point
accomplir ce mariage : il fit plus, il
signa, à leur demande, un ordre d'ar-
rêter sa mère, et delà condinre dans
une forteresse; mais à peine la du-
chesse était-elle de retour auprès de
lui, qu'il lui avoua sa faiblesse, et
que s'étant fortifié de quelques com-
pagnies de soldats français, en gar-
nison à Pignerol , il fit arrêter les no-
bles qui lui avaient donné ce conseil
(les marquis de Pianezze et de Para-
la). Cependant comme il ne leur fit
point leur procès . comme il feignit
384 Vie
d'èrre raalacîe , pour ne point aller eu
Portugal , et qu'il rompit le mariage
contesté, plutôt que de mécontenter
ses peuples, plusieurs ont cru que ces
mouvements mêmes avaient été ar-
rangés secrètement par la régente ^
pour se dégager de sa parole, sans
ofl'enser ni la France , qui voulait ce
mariage, ni l'Espagne, qui s'y op-
posait. Victor-Amédée épousa ensui-
te, le g avril i68/|., Aune, iille de
Philippe, duc d'Orléans, frère de
Louis XIV. Le roi de France avait
désiré ce mariage , pour raffermir
dans son p-trti Victor-Amédée, qui
montrait déjà plus d'inclination pour
la maison d'Autriclie. Mais depuis
long-temps les liens du sang n'cmpê-
chaienl point les princes d'Kurope
de se faire la guerre; ils les obli-
geaient seulement à se témoigner de
vains égards au milieu de leurs hos-
tilités. Victor - Amédée voyait avec
impatience les Français maîtres du
fort Barraux, qui leur ouvrait la Sa-
voie; de Piguerol, qui assurait leur
eutrée en Piémout ; de Casai , qui
ieiir donnait la domination du Mont-
ferrat. Il avait recommencé la guerre
que son père avait faite aux Barbets
ou Vaudois , ses sujets; et sous ce
prétexte , il avait levé des troupes.
En même temps il était secrète-
ment entré en négociation avec le
duc de Bavière et Guillaume, roi
d'Angleterre. Sa correspondance avec
ces eunerais de la France excita les
soupçons de Louis XIV, qui, au
printemps de 1690 , fît entrer en Pié-
mont, avec dix-huit mille hommes,
Catinat, alors gouverneur de Casai,
et demanda les forteresses de Turin
et de Verrue, comme gages de l'at-
tachement du duc. Victor-Amédée,
déterminé à rejeter ces conditions
houleuses, chercha à gagner du temps
en négociant , pour que le gouverneur
Vie
du Milanais pîit lui amener des se-
cours. En même temps il conclut une
ligue, le 3 juin 1690 , avec le roi
d'Espagne ; le 4 j"i'i ? ^"vec l'empe-
reur, et le 20 octobre, avec l'Angle-
terre et la Hollande (i). Un secours
de troupes et un subside de trente
mille écus par mois étaient les condi-
tions de celte quadruple alliance. Six
mille chevaux et huit mille fantas-
sins lui arrivèrent du Milanais. Le
prince Eugène, petit-fiîs de Thomas
de Savoie - Cariguan, âgé de vingt-
six ans, fut chargé de commander
( i) 1/3 France attentive siirvcHIait les démarches
du jeune prince. On sut ù Versailles (|uc dans un
voyage de plaisir fait ti Venise, pendant le carnav-
val de i(i80, Viclor-Ainedée avait eu des entre-
vues avec quelques députés de la ligue d'Augs-
boiirg ; il n'en lallut pas davantage pour rendre
ses dispnsilions suspecles. Louis XIV résolut alors
de le d<'sariuer , pour qu'il ne put embrasser d'au-
tre parti que le sien. 11 lui demanda quelques-uns
de ses régiments d'infanterie pour être imployé»
en Flandre contre l'empereur. Virtor-Amedce ,
qui n'était point en mesure de lever le masque,
dcsline à regret trois de ses régiments d'infai'lrrie
pour la Flandre, bientôt le roi de Fraure exige de
lui d'autres troupes ]>our servir avec les siennes
contre les Huguenots des Cévennes. En même
temps Catinat, déboucliant des montagnes du Daur
phiné, vient famper à Avillane , et somme le duc
de Savoie d'envoyer près de lui un ministre-d'c-
lat chargé d'euteudrc les volontés du roi de Fran-
ce. Il ne s'agissait de rien moins que de jomdre
sur-le-champ la totalité des troupes de Savoie à
l'armée fVauraise, et de lui livrer le château de
Verrue el la citadelle de Turin pour places de sû-
reté. t,e ministre piémontais oUrit de la part de
son maître une ligne défensive propre a garantir .t
la France les forteresses de Piguerol el de Casai,
obicl d'iuquiétudes du ri>i de France; mais ( ali-
nat fut inflexible. Le ministre envoyé en toute bâte
à Pari.s, pour prévenir uneruplure ou du moins
pour la retarder, ne put obtenir une audience.
Alors le duc donna ordre au coaite de brandis,
son plénipotentiaire à Milan , d'ari-èler avec les
confédérés d'Augsbourg une alliance qu'il avait
jusqu'alors diltéré de eouclure. Le traité fut signe
le 3 juin i6i)i>. 11 mit fiu à soixante ans d'une paix
non interrompue entre les maisons de .Savoie et de
Fraure. Victor voulut faii'e connaître lui même à sa
cour la résolution qu'il venait de prendre; passant
de son cabinet dans la chambre de parade où la
noblesse s'était jetée en fouie, il annonia d'un air
fier et d'une voix élevée ses griefs ccintre la Frin-
ce , et combien il comptait sur le 7.èle de sa
brave noblesse, el sur le dévoueinenl de son peu-
ple. Les tnéines communications furent faites au
public par uu manifeste. L'exaltation fut géné-
rale parmi le peuple, au point qu'il fallut dé-
sarmer dans ce premier moment tout ce qui n'était
ni soldat ni milicieu , alln d'empêcher que cette
guerre n« commençât par de» vêpres siciliennes.
B—r.
vie
les troupes impériales , tandis que
Victor- Ame'de'e, son cousin, était
geue'ralissime des armées alliées. Le
duc n'avait encore jamais vu de com-
bat. Il commandait une armée as-
sez nombreuse , mais presque toute
composée de uomœlles levées. Avec
elles il osa, le i8 août 1690, atta-
quer Catinat, qui se lotirait. Tombé
dans une embuscade au milieu de ma-
rais impraticables , près de l'abbaye
de La Stafiarde, il soutint vaillam-
ment le combat pendant cinq hem-es,
avec les vieilles bandes allemandes et
espagnoles. Ses liabiîs furent percés
d'i'.ne balle; et il eut un cheval tué
sous lui : mais toutes ses nouvelles
recrues prirent 'a Fuite; et après avoir
perdu cinq mille hommes, huit piè-
ces de canon et trente-six. drapeaux,
il se retira vers Garignan. Catinat ,
profitant de sa victoire, s'empara de
iSaluces , Fossano , Savigliano et de
Suze,qui capitula le i4 nov. Victor-
Amédéeavail proposé, pour dégager
cette place importante, de marcher
à l'instant même contre Pignerol •
mais son avis ,1e seul raisonnable, ne
fut point suivi. D'autres troupes fran-
çaises envahirent la iSavoie, à la ré-
serve de Montmeillau , qui demeura
bloqué; et l'on crut voir le duc tou-
cher à sa ruine dernière : mais ce
prince courageux rejeta fièrement les
ouvertures d accommodement qui lui
étaient faites par l'entremise du pape.
Il rassembla ses soldats , demanda
des renforts aux Espagnols; et avec
une armée de vin<ït mille hommes, il
se trouva de nouveau en état d'arrê-
ter les progrès de Catinat. Celui - ci
soumit, en i6gi , Nice, Montalban,
Villcfranche, Savigliano, Carmagnole
et Rivoli (2). Le prince Eugène lit le-
(5^ Vlcloi-Ame'dée voyaol du haul de l:i culline
de Turin les flammes dévorer le château de Rivo-
XLvni.
VIC
385
ver aux Français le siège de Coni. Il
reprit ensuite Carmagnole,Savigliano
et Rivoli. Catinat abandonna de lui-
même Sahicrs , Savigliano et Fossa-
no ; mais Montmcillan , bravement
défendu par le marquis de Bagnasco,
fut enfin rendu aux Français le 10
décembre 1691. Dans la campa-
gne de 1692, Victor-Amédée voulut
porter la guerre en France. Il péné-
tra dans leDauphiné par Guillestre,
Embrun et Gap; mais les Allemands,
dont son armée était en partie com-
posée, et qui avaient compté que les
Protestants se joindraient à eux, sou-
levèrent tous les esprits par leurs
cruautés ;, en brûlant toutes les villes
où ils purent ])énétrer. Déjà leur po-
sition devenait dangereuse, lorsque
Victor-Amédée fut atteint de la peti-
te-vérole. Il se fit reporter en litière,
d'abord à Coni et ensuite à Tu-
fin. Son armée se retira par divers
points au travers des Alpes. Une fiè-
vre d'une nature dangereuse vint à la
suite de la petite- vérole; et l'armée
des alliés, dont on avait attendu de
grandes choses , fut retenue dans l'i-
naction pendant toute la campagne.
La maladie du duc de Savoie sus-
pendit encore l'activité de ce prince
pendant le commencement de la cam-
pagne de 1G93; mais le 3o juillet,
il entreprit le siège de Sainte-Brigide,
qu'il prit le i4 août; il bombarda
ensuite Pignerol. Le maréchal de Ca-
tinat, qui pendant ce temps avait
renforcé son armée , vint l'attaquer
à Orbazzano, le 4 octobre , et le con-
traignit à la retraite, après le com-
bat le plus meurtrier (3). Mais la dé-
li , sa demeure favorite, dit à ceux qui l'entou-
raient etqui déploraient une si grande perte : « Eli '.
» plût à Dieu que tous mes palais fussent ainsi re-
» duits en cendres , et que l'ennemi épargnât les
>i cabanes de mes paysans ! » B — p.
(3) Catinat, qui avait reçu des renforts conside'-
raljîes, marcha pour comlialtre les alliés retrau-
chc's près du village de Piossasque^ entre Avilla-
25
386
Vie
faite du duc ne lui fil point abandon-
ner ses alliés. Il rejeta avec ferniclé
toutes les propositions de paix que
lui fit faii-e la France; et il pourvut
à la défense de ses places. Ce fut ainsi
qu'il empêcha Catinat , pendant toute
lacampagnede 1694, de s'approcher
de Casai et do Montferrat, bloqués
par les allies. L'amiral anglais Rus-
sel , en menaçant d'im débarquoucut
tantôt Nice et tantôt la Provence, oc-
cupa ce maréchal l'année suivante ;
et Victor-Amédée se présenta devant
Casai , au milieu de juin 169.') , avec
le marquis de Legane/,, gouverneur
de Milan, le prince Eugène, général
de l'empereur , et lord GalloAvay ,
général anglais. La tranchée fut ou-
verte le 26 juin ; et dès le 9 juillet ,
le marquis de Crénau , qui comman-
dail à (lasal, fut réduit à capituler,
ou peut-être , d'après des conventions
'iccrètes , rendit à \ ictor- Amédée ,
pour le duc de IMantoue, une forte-
resse que le Savoyard n'aurait pas
vue avec plus de plaisir entre les
mains des Espagnols que des Fran-
çais. Aussi prétendit-on qu'au siège
de Casai les canons n'étaient point
chargés, et que l'attaque, comme la
défense , avait été concertée d'a-
vance (4). Victor- Amédée ;, délivre
ne et Vigii?iol. I,n eul lieu , le /) oclo)>rc i(if)3 , lo
célî'hre bataille dr Qlni-higlia eu la Marsaillu , une
de colles qui oui le plus ciinriiliuo .Ma lépulaliou
de ('aliuul. Quoique les allies fussent siipeVii'urs on
nombre et dans une bonnes piisiliun , leur défaite
fut entière : ils perdirent dix mille bommes TjO
duc de Savoie perdit deux de ses meilleurs géné-
raux, les marquis l'arolla et Pallavitiui, el lui-
même courut les plus grands dangers. H — p.
(4) Voici , d'après les documents historiques les
S lus récents et les plus authentiques , ce qu'il y a
c réel au sujet delà reddition de Casai. Ferdi-
nand, duc de Maulouc, prince voluptueux, avait
vendu Casai à la France, et ilaurait de même enga-
ge' tous ses lilats pour satisfaire ît ses plaisirs. Les
puissances de l'Italie, et surtout le duc de Savoie,
avaient élé.iustemeul alarmi's de voir celte inq>or-
tantc forteresse entio les mains d'un potentat tel
que Louis XIV. Battu ii la Marsaille, Victor n'é-
tait plus eu mesure d'exiger la cession pure et sim-
ple de Casai , comme il aurait pu le faire deux ans
Vie
de l'inquiétude que lui donnait Casai,
songeait déjà .sérieu .sèment à changer
de parti. Le pape Innocent XII
l'exhortait à la paix par des brefs
publics; mais on pensait que plus se-
crètement il secondait les négocia-
tions de la France. Au mois de mars
1696, le duc lit un pèlerinage à No-
tre-Dame de Lorretlo ; et comme on
ne le croyait point as.sez dévot pour
n'avoir que la religion en vue dans
ce voyage, on supposa qu'il s'v était
rendu pour rencontrer tut négocia
teur français, qu'on assurait s'y trou-
ver en habit religieux. Ces inirigiie.-
demeurèrent quelque temps secrètes;
et le traité ostensible ne fut signé que
le 29 aoilt , par le comte de Tcssé ,
]iour la France , et le marquis do
Saint-Thomas, premier ministre du
duc, pour la Savoie. IMarie-Adélaïde,
lille aîncc de Victor - Amédée, fu!_
promise en mariage au duc de Rour
gogne, fils aîné du dauphin. La Sa
voie , Nice et Villcfranche furent res
tituées au duc; et quatre millions de
francs lui fiuent payés en dédomma-
gement de ses pertes. Avant de pu-
blier ce traité, C^atinat offrit aux al-
liés , au nom de son maître, la neu
tralité de l'Italie. Tous , à l'excep
lion du duc de Savoie, leur généra ■
lissime, refusèrent cette proposition,
Touscrièrcntàla trahison, en voyant
qu'il insistait pour l'accepter; mais
leurs clameurs furent encore plus
auparavant ; «nais recherché secrètement par la
France, qui cm|>loyail toute .sorte de i;ioyens pour
diviser ses cimemis, il obtint la destruction d<
cette place, lin conséquence, 31. de Crcnau, com-
mandant français à Casai, eul pour in.strucliou
secrète de cesser do s'y défendre, dès qu'il aurait
pu obtenir des alliés l'entière démolition de la
place, et la remise du sol au duc de Manloue. Ou
fut bientôt d'accord. Les assie^iés ne sortirent
eu vertu de la capitulation, qu'après avoir dénuili
tous les ouvi-agcs intérieurs. Les- assié^^eants ne se
retinrent cpi'après avoir abattu et rase les ouvra-
ges du dehors. Ainsi-disparut , sajjji qu'il y eût été
fait une seule brèche , la forteresse de (^asal , la
plus renommée de l'Italie. B — P.
vie
fortes et plus légitimes , lorsque , le
it) septembre , Victor-Amëdoc réunit
ses troupes à celles de France, dont
il forma, par cette jonction, une ar-
mée de cinquante mille hommes,
qu'il alla commander avec le titre
de généralissime du roi de France.
Tl alla d'abord mettre le siège de-
vant Valencej el cette entrcpiisc dé-
termina les marquis de Manslield
et de Lcganez à accepter la neutra-
lité de l'Italie , au nom de l'em-
pereur et du roi d'Espagne. Cet-
te neutralité servit de préliminaires
à la paix de Uysvvick, conclue le 20
septembre 1697. Mais cette paix ne
pouvait pas être de longue duiée.
L'extinction tle la maison d'Espagne
pai-aissait déjà procliaine; et dès que
sou héritagesrraitdisj)uté entre l'Au-
triche et la France, le duc de Savoie
ne pouvait éviter d'être entraîné dans
la guerre. En ell'et la mort de Char-
les II, survemie le i^'. novembre
I 700, ébranla de nouveau toute l'Eu-
rope. Victor- Amédée vit aussi dans
cet événement une occasion d'auc-
menlersa puissance; mais il se trou-
vait entouré de troupes françaises _,
tandis que les Autrichiens étaient
éloignés. Il embrassa doncle parti du
plus fort , avec une apparence de con-
tentement , et donna sa seconde lille ,
Marie- Louise, au roi Philippe V. Il
prit le titre de généralissime des ai-
mées française et espagnole, et pro-
mit huit mille fantassins et deux mille
cinq cents chevaux, moyennant un
subside de cinquante mille écus par
mois. Catinat arriva, en avril 1701,
avecl'armée française à Turin; et Vil-
leroi vintl'y joindre aumilieu del'été.
Ce dernier attaqua le prince Eugène
à Chiarî, et fut battu le i*=i'. sept.
( V. ViLLEROi ). Victor - Amédée fit
preuve de courage et d'habileté dans
cette bataille , oîi il eut un cheval tue'
Vie
Ba-
sons lui , et courut de grands dan-
gers, en couvrant la retraite, à la tê-
te de sa cavalerie. Ses habits furent
percés d'une balle (5). Un devin lui
avait prédit une partie de ces événe-
ments; el dès-lors il eut une grande
foi dans l'astrologie. On ne peut dou-
ter (pie Victor-Ainédée ne se fût en-
gagé malgré lui dans la ligue avec Li
France et l'Espagne. 11 \'oyait avec
elfroi la maison de Bourbon resserrer
ses États entre le Dauphiné et le Mi-
lanais, et quoiqu'il eût marié ses deux
filles au duc de Bourgogne et à
Philippe V, il entra eu négociations
avec la maison d'Autriche et les puis-
sauces maritimes. La cour de France
fut avertie de ses menées; et le duc
de Vendôme reçut ordre de faire dé-
sarmer les troupes du duc de Savoie,
qui étaient sous ses ordres , au nom-
bre de quatre mille hommes (6). Le
(5) ?fos liislorieijs , luul eu faisant eiilpiidi e qii'n
celte bataille Victor-Amédee dépinva J'iiitrepidile
qui lui était ualurelle, disent qu'il applaudit eu
.-ecret au Irionjphe que favorisait sa politique pai-
liculiore. Ce qui est hors de doute, c'est que Vil-
leroi . liattu pur sa projjrf- laute , inspirait a Louis
XI V des soupçoiis injurieux contre sou allie, l'ac
Tablait lui-même de dégoûts , pensant , dit Voltai-
re, qu'un favori de Louis XI V était beaucoup
plus que le souverain d'un état médiocre. Telle
(■lait sa présomption insolente, qu'en parlant de
Viclor-Amédée, il afteclait de l'appeler ^Monsieur
de Savoie. B — P.
(6) Cette opération fut exécutée près de Man-
toue, le 9.8 septembre 1705 , sans aucune ré-
sistance. Louis XIV avait écrit au duc de
.Savoie le billet suivant : « Monsieur , puisque
i) la religion, l'honneur de votre propre signature
)i ne servent de rien entre nous, j'envoie mou
» cousin, le duc de Vendôme, pour vous expli-
» quer mes volontés; il vous donnera vingt-quatre
)> heures pour vous décider. » Le duc repondit
dans le même nombre de lignes : « Sire, les mena-
» ces ne m'épouvantent point ; je prendrai les me-
» sures qui me convieudrontle mieux relativement
» à riudigne procède dont on a usé envers mes
» troupes. Je n'ai que faire de mieux m'expliquer
)i et ne veux entendre aucunes propositions. » Il
n'y avait réellenient aucun traité de signé avec la
cour de Vienne, lorsque cette violence fut exercée
envers les troupes du duc de Savoie; mais on ne
peut douter qu'il n'eùtentamé des négociations avec
les ennemis delà France. Lorsque la rupture écla-
ta lroi.s mois plus tard , Louis XIV publia une es-
pèce de manifeste sous le titre de Lettre du roi d'
France an pape Clément X/, où l'on en trouve
tous les détails. Il est probable que ce fut par or-
25..
388 Vie
duc de Savoie, irrite' de cet afiront ,
lit jjarder à vue les ambassadeurs
de France et d'Espagne, arrêter tous
les Français qui traversaient ses Etats,
et saisir tous les magasins qu'ils y
avaient établis. Les ÎMe'moires du
temps rapportent qu'il arrêta ainsi ,
contre le droit des gens , plus de
Français que Vendôme ne lui avait
desarme' de soldats. Le 8 novembre,
il conclut une alliance avec l'empereur
Léopold , la Hollande et l' Angleterre j
on lui promit le INIontferrat avec
Alexandrie , Valence , la Valsesia et
la Lomelline, ainsi qu'un subside de
quatre-vingt mille ducats par mois,
pendant la duie'e de la guerre. Le
comte Gui de Staliremberg réussit ,
par une marche liardieet inattendue,
à lui amener l'armce impériale , le 1 3
janvier 1704 , et à lui donner tme
cavalerie dont il était dépourvu. Le
duc de Vendôme , qui recevait des
renforts plus considérables encore ,
put entreprendre et terminer plusieurs
sièges, sans que Victor-Ame'dce se
sentît assez fort pour l'interrompre.
Ce prince laissa prendre successive-
ment Verceil , Suse, la Bninctte ,
Yvre'e, Aosle et le fort de Baid.
Au milieu d'octobre^ Vendôme com-
mença le siège de Verrue . forte-
resse sur le Pô, qu'on croyait impre-
nable. Long -temps le duc de Sa-
voie se maintint à Crescentino, de
l'autre côte du fleuve , pour ra-
fraîchir la garnison ; il en fut enJin
chasse par Vendôme , le i*^''. mars
fjOÎ) , et le 10 du même mois Ver-
rue fut obligée de se rendre. En Sa-
voie, Montmeillan bloque depuis ])l us
d'un an se rendit enfin, et cette for-
teresse fut démantelée. Le château de
Nice étail assiégé par le maréchal de
dre du même prince que l'uii |)nl>lia en IVani e, ù
la Dicme éprtfne, un vulumeiulilult:: Inlii^ms se-
crit.s du duc de Xavdie. B — P.
VIG
Berwick; après cinquante-cinq jours
de tranchée ouverte , le marquis de
Garraglio, qui y commandait , capi-
tula (4 janvier 170G), et ce cliâteau
fut rase. Le duc de La Feuillade fai-
sait d'immenses préparatifs pour le
siège de Turin. Victor-Amédc'e , qui
voyait tomber successivement toutes
ses forteresses, et qui ne pouvait
douter que Louis XIV n'eût dessein
de le ruiner pour jamais , envoya
toute sa famille à Gênes, et lui-mê-
me, après avoir pourvu Turin de
tout ce qui était nécessaire à cette
capitale j)Our soutenir un long siège,
alla s'établir à Coni , afin d'être en
état de pourvoir à sa délivrance. Le
comte Dauu et le marquis de Carra-
glio étaient chargés de la défense de
Turin ; deux cents bouches à feu
portaient la désolation dans cette
ville. La Feuillade cependant , au
lieu de presser le siège, poursuivait
le duc de Savoie , qui , s'échappant
de retraite en retraite , alla enfin se
confier à la fidélité de ces mêmes
Barbets , ou protestants de la vallée
de Luzerne, que lui-même et ses an-
cêtres avaient si cruellement persé-
cutés. Cependant le prince Eugène
était descendu en Italie avec l'ai-méc
impériale pour secourir Turin; mais
arrêté par Vendôme à Monlecbiaro,
il ne pouvait aj^procher. Louis XIV
ayant chargé Vendôme de comman-
der l'armée de Flandre , le remplaça
en Italie par le duc d'Orléans , La
Feuillade et Marchin. Le prince Eu-
gène profita de l'hésitation que cau-
sait ce déplacement ; il passa l'Adige
à la Pettorana , le 6 juillet, et le Pô
à Polesulla , le 1 7 du même mois.
Eemontant ensuite sur la droite de
ce fleuve, tandis que les Français en
suivaient la gauche , il rencontra , sur
la fin d'août, le duc de Savoiequi con-
duisait tout ce qui lui restait de trou.
YIC
pcs réglées. S'étant réunis, ils surpri-
rent dans la vallée de Suse un convoi
français qui leur fournit les vivres et
les muuilions dont ils commençaient
à manquer ; et le 7 septembre, ils
attaquèrent les Français dans leurs
retranchements. L'obstination du ma-
réchal dcMarchin , qui voulutattcn-
drc l'attaque dans les lignes , fut
cause de la ruine de l'armée fran-
çaise ( T. Orléans, XXXII, 108).
l.e nombre des morts , des prison-
niers , des canons , des étendards , la
richesse du butin de tout genre , ren-
dirent cette victoire aussi utile que
glorieuse (7). Victor-Araédée recou-
(^) On regardai! eu France l.i chute de celte ca -
]MUile comme le deutiueinent force de la guerre,
i.ouis XIV desirait , avec une espèce de passion ,
do voir détruit ce dernier asile d'un prince assez
iiudacieux , dans le sein inenie de riufortuue, pour
liravcr sa puissance. Tout fut prodigue' pour accé-
Itrer les travaux du siège : jamais , dit le marquis
do l'euquières ,o» n'avait fait d'aussi grands pré-
)niralifs. Victor-Amïdce , de son côte , n'avait
épargne aucune précaution pour la défense de sa
• apitale. Il y travailla nuit et jour pendant plu-
sieurs mois. Dès le commencement du siège , il
offrit dans son palais un asile à tous ceux dont les
maisons étaient exposées au feu de ï'eunemi ; il ne
cessa de se montrer partout où il y avait quelque
danger. Sa conteuauce hardie et son visage serein
donnaient de l'assurance ■ïux moins intrépides. Les
\nlonlaires aflluaient dans la milice bourgeoise.
Les ligues n'emhrassant point en entier la colline
ni le pont du Pô, le duc, à la tète d'un petit
corps d'élite, sortait lui-nièinc chaque jour dans
].i camjiagiie pour inquiéter les nssiègeanls. Il
f..t au comhle de ses vceux quand il vit le ma-
ri chai de La Fcuillade ahandonner le siège pour
so mettre à sa poursuite , dans l'espoir de se
saisir de sa personne. Siir de lui ècha|)per par la
célérité de ses mouvements , il l'enlraina de Mont-
carlier à Carignan, dcf.ari^nan à Carmagnole, puis
dans les montagnes de Mondovi , dans celles de t"o-
ni et de Saluccs, où les Français perdirent l'espoir
de l'atteindre. Dans ces excursions , Victor-Aïuè-
dèe parvint à Jeter des secours dans les places de
Ca'ui , de Ceva et deCherasco, qui tenaient encore
et ({u'il empêcha de succomber. Près de Cavours ,
il se vit enveloppé par un coi'ps considérable sous
les ordres du marquis d'Aubeterre , cl auquel il
cul de la peine à échapper. Le maréchal de La
Feuilladc , après trois semaines de courses inuti-
les, rentra dans ses ligues, et le duc, le même
jour, rentra daus Turin , d'où il ne tarda pas à
sortir pour harceler encore son adversaire. 11
alla de nouveau se poster à Bibiana., au débou-
ché de Ja vallée de Luzerne , où le duc de
La Feuillade courut après lui ; mais le prince se
jela dans les montagnes , dont il connaissait les
moindres détours. <'/cst ainsi f]u'il ralentit les
progrîs du siège de Turin. Mais les vivres s'épui-
ïuiout dans nue ville aussi por.uleu'e; la désertion
Vie 389
vra en peu de temps la plus grande
partie de ses États et de ses forte-
resses. Chivas, Yvrée , Trino, Ver-
rue, Crescentino, Asti et Verceil ou-
vrirent leurs portes ; Alexandrie se
rendit le -m octobre, et Casai le i6
novembre; tandis que le prince Eu-
gène soumettait le Milanais à l'archi-
duc, qui prenait le nom de Charles
III d'Espagne. Valence , la Lomel-
lineet la Valsesia furent ensuite aban-
données au duc de Savoie , en exécu-
tion des traités ; et Louis XIV, pen-
dant l'espérancede recouvrer l'Italie ,
en retira ses troupes par une capitu-
lation signée à Milan, le i3 mars
1707. Le duc de Savoie et le prince
Eugène, voulant à leur tour porter
la guerre dans le pays ennemi , desi-
raient pénétrer en France par le Dau-
phiné. Les xiuglais les obligi-rent à
diriger leur attaque sur Toulon. Vic-
y faisait des progrès parmi les troupes suisses
et allemandes ; eniin , des maladies inquiétantes
commençaient à s'y manifester. Juillet venait de
linir, et le duc ne pouvait plus attendre son salut
que d'un prompt secours. Il savait que le prince
tngène cherchait par tous les moyens à se (aire
jour pour le délivrer. Mais quarante mille Français
iusc[u'alors victorieux lui l'ermaient le chemin.
Entin, par une manœuvre subtile autant que rapi-
de, ce générai de l'empereur traverse l'Adige et
le Po , puis fiiant entre ce di^rnier fleuve et le pied
de l'Apennin, il arrive au Tanaro le 28 août ,
et le traverse sur des ponts cjue le duc de Savoie
venait de faire construire. Victor-Aniédée s'était
avancé* lui-même .\ sa rencontre , pour lui peindre
le véritable élat des choses , et se concerter sur ce
qui restait à faire. Il était temps d'arriver; de
larges trèches avaient donne lieu h des attaques
furieuses, et Turin était aux abois. Tons les veux
V èlaieut tourn»-s sur la colline de Superga , où de-
vaient paraître U's signaux de secours. Ou les aper-
çut enfin le 4 sept. Parvenus sur ces hauteurs,
les deux princes , embrassant d'un conp-d'œil la
position de leurs ennemis, arrêtèrent aussitôt leur
plan. Il fut convenu que l'armée, forte de quarante
mille contiiallants , passerait le leudemaiu le Pô
sur deux ponts, et qu'elle irait tourner les lignes
et livrer bataille ( A- nr. EUGÈNE, XIII , 486 , et
Orléans, XXXII, 108 "1. Le jour même de leur
victoire, le duc de Savoie et le prince Eugène en-
trèrent dans Turin, au son de^ cloches, au bruit
du canon et aux acclamations d'un peuple ivre de
joie. Us allèrent descendre à l'église métropolitai-
ne de Saint-Jean , où l'archevêque entonna le Te
Deum. Victor-Amédée, reconnaissant la protection
du ciel , fonda des solennités annuelles jiour le
jour (le la N.ilivitédc la Vierge, où ce grand triom-
phe avait clé obtenu. B — P.
Sqo
Vie
tor-Amcdée parut devant cette place ,
le a6 juillet 1707; mais le marëclial
de Tesse' avait si bien pourvu à sa
de'fense , que les allies , après avoir
perdu beaucoup de monde, furent
force's de se retirer. Avant la fin de
la campagne , ils prirent encore la
ville et le château de Suse. L'empe-
reur avait promis de joindre Vigc-
vano et son territoire .nix Etats de
Savoie ; mais depuis qu'il se voyait
niaîtrc du Milanais , il ne voulait
])lus en abandonner aucune portion.
D'autre part, Victor-Anicdée décla-
ra ,au commencement de 17 08, qu'il
n'entrerait point en campagne avant
d'être satisfait. Cependant les An-
glais et les Hollandais le dc'terminè-
lent enfin à se mettre à la tète de
son arrae'e, au milieu de juillet; il fit
d'abord une tentative sur la fron-
tière de France (8) ; puis il se diri-
gea sur les forteresses de la Perouse ,
Exiles et Fe'uestrclles , qu'il enleva
foutes trois aux Français, après un
sie'ge assez court. Pendant l'année
1709 , de plus en plus mécontent de
la cour de Vienne , il ne fit aucune
entreprise importante ; le comte
Daun s'avança bien en Savoie , jus-
qu'à Annecy; mais il repassa les
mouls à l'approclie de l'hiver. Ce
même gênerai voulut, en 17 10, pé-
nétrer dans le Dauphine par la vallée
de Barcelonctte, et il fut arrêté jiar
le maréchal de Rerwirk. La campa-
gne de 171 1 se termina d'une ma-
nière tout aussi peu concluante ; la
Savoie fut envahie pendant l'été, par
(8) Virtor-Ami'dcc, ayant à sa (Imposition nn
(orps de Iroupcs .iii(rip|)icnnp-i ji)inl à srsPiéuion-
l^iis, néutilra danii le Haut-Daii|jhini', et faillit sur-
l'rcndrc Itriatirnn ; mais le niarcclial d<> Villars ,
•(•il lui i-(jiit i)|>|iiisi , l<- <urra êe rcniror en Pic-
mont. Il r<>ndil nii'-nii! sa rciraitc du Dnupliinc
aussi liasardcusc <|uc l'nvail élr ccllo ili- I'r<ivi-ncc
Tannée <l'nn|iaravaiil , ce qui lit dire ^ Vitlor-Aïuc-
occ, i/u'il iiail aisé il'enlrrr m Fmnrf , mais fu'il
•'lail tligfiiilr :!',■,) sorln R p.
VÎC
les Autrichiens , et évacuée à l'ap-
proche de l'automne. Victor-Amé-
dée ne faisait plus d'efforts pour
seconder ses alliés. La reine d'An-
gleterre ( Anne ) voulut profiler ,
en 17 12, de son mécontentement
pour l'entraîner dans une paix
séparée , et elle lui offrit le royau-
me de Sicile. Victor-Amédée , qui
ambitionnait par-dessus tout le ti-
tre de roi, voulant devoir cette cou-
ronne au consentement de toutes les
])uissanccs, envoya ses ambassadeurs
au congrès d'Utrcch t. Le traité qui fut
signé dans cette ville, le 11 janvier
1710 , lui assura la restitution de la
Savoie , des vallées de Pragèles ,
d'Exilés et Fénestrelles , du château
Dauphin et du comté de Nice; enfin
Philippe V lui céda l'île et le royau-
me de Sicile , et il le reconnut pour
son successeur , s'il ne laissait pas
de descendants légitimes. Ces conven-
tions furent confirmées parles traités
de Madrid , du i o j uin , et d'Utrecht,
du i3 août 171 3 (9). Le -z-i seplem-
(<)) I/An(;lflcrrc niPttàit alors l'élévation de ce
prince au rîinjî de ses combinaisons politiques ;
elle consenlail m^mejk lui abandonner l'Espagne
et les Indes , si l'bilippe V préférait conserver se»
droits à la ronronne de France , pourvu toutefois
qnc le duc se désist'il des anciens étals de sa l'a-
niille. Louis XIV, alors mnllraité parla forlune,
voyant la inonarcbîc espagnole prt'S d'ccbajipcr h
son pelit-lila, n'était pas éloigne de consentir ù ce
dernier projet. Sur .■•a réponse, la reine Anne man-
da auprès dVilc le comte IHafl'ei, l'un des minis-
Ir.s (lu duc de Savoie au congrès d'Utrecht , et
lui proniil de faire édioir :i son ina'rlre la moitié
de l'birilage de Cbarles-Quinl. Elle lit plus, elle
signa d'avance avec lui un traite de coiuincrcc en-
tre l'Aiiglelerre et l'Espagne. Ce traité devait être
rendu piililit d!'S (pic Viclor-Amédée aurait débar-
(|Ué dans son nouveau royaume, on devait le trans-
)>orli-r une Oolle anglaise. 7\Tais bientôt tout cban-
j:;ea de face. La victoire abandomia les drapeaux
des ennemis de la France; la divi9i(>n se mil par-
mi eux. Alors le niiuittrc piémontais voyant qu'il
fallait renoncer à l'espoir brillant dont on avait
flatte son maître , se réduisit Si demander pour lui
I3 Sicile , dont il semblait que la reine d'Angleterre
pouT.iit encore di.-^poser. Anne saisit avec ardeur
Celle iilée, et s'engagea par écrit à iirocurer an
dur de Savoie le di'domaiageinent ipi il indi(|nail.
Loiii.s XIV eût mieux abué voir Viclor-Amédér
roi de l.oinbardie aux dqiens de l'Aiilricbe. Eiiiin
•111 priiilenip> d< i-it l'ut conclue la paix d'IJ
vie
brc (le la mcmc .iiuic'c. Victui-Aïuc-
ilcc [Hil solciiiiclleineiit à Turin le
nlro de loi de Sicde , et dunna celui
de duc de Savoie à ^oii lils aînc ,
Victor- Ame'dee , déjà [iriuce de Pie-
iiiuiit. I/amiral anglais Jeniiings le
conduisit à Paicnue . où il débarqua
le lo octobre, et où ii fut couroiuié
avec la nouvelle reine , le '.'/i décem-
bre , j)ar rarclievi(|ue de Palcrme.
Cette acquisition était plus glorieuse
pour la malsou de Savoie qu'avan-
tageuse à ses sujets ; le transport de
la cour dans une île lointaine avait
cause une dépense Irès-considcrablc
quiaggrava le fardeatides impositions
sur le Piémont, au moment oîi la paix
devait taire espérer quelque adou-
cissement. Ensuite Victor - Ame'dc'e
voulutmaintenir la [)rcrogative roya-
le et les anciennes constitutions qui
rendaient cette île presque indépen-
dante de la cour de Rome ; d'autre
part, le cierge et les ordres religieux
soutenaient les prétentions du paj)e.
Victor-Amcdce exila tous ceux qui
ne voulincnt pas se soumettre au
tribunal ccclësiaslicpie, qu'on nom-
mait de la Monarchie, établi des le
temps du roi Roger. Clément XI
abolit ce tribimal , fulmina des cen-
tres contre les agents dii pouvoir
souverain , et mil sous l'interdit plu-
sieurs églises de Sicile. Plus de qua-
tre cents ecclésiastiques se réfugièrent
a Rome ; les cours de Versailles et
de Madrid , qui soutenaient Victor-
liL-elil , prolude du tiHiU- de KasUdt , qui mit tin
raiiiii'c suivante aux longs et sanglants débats éle-
vés puur la succession d'Espagne. Le duc de Sa-
voie y gagna l'île de Sicile, à laquelle était altacbe
le titie de roi , objet de son ambition ; et il l'ut re-
mis eu possession de tout ce que la France lui
avait enlevé depuis dix ans. Toutes ces concessions
étaient dune grande importance pour sa maison.
Son territoire iul considérablement agrandi du cô-
té du Oauphiué et du côté de la Lombardie ; et ce
Moiitferrat, cause d<: tant d'-' guerres, lui fut re-
mis tout entier. Uulin , son droit éventuel h la
Lourouuc d'Espagne lut sokuuellemeut reconnu.
lî— p.
Vie 391
Amc'dée , ne purent faire Uéchir le
pontife obstiné. Pendant que le nou-
veau roi luttait contre ces diflicultc's,
il eut le mallieur , le •).'>. juin i^iS,
de perdre , par la petite-vérole, son
lils aîné , nommé , comme lui, Vic-
tor-.\médée • et comme les devins
l'avaient assuré qu'il guérirait , il
tourna toute sa colère contre les mé-
decins , qui avaient laissé perdre une
vie que les astres voulaient conser-
ver. Son second lils , Cliarles-Éma-
nuel , prit alors le litre de prince de
Piémont. Cependant le cardinal Al-
beroni, ayant rendu à l'Espagne mie
vigueur inattendue , s'efi'orçait de
recouvrer })ar les armes ou par
des trahisons les parties de l'an-
cienne monarcliie espagnole que
le traite d'Utrecht avait ôte'es à
Philippe V.' Au mois d'août 1717,
sa flotte conquit la Sardaigne sur
les impériaux. Dans l'hiver qui sui-
vit , il négocia avec Victor- Amé-
dée pour attaquer de concert le Mila-
nais. Mais cette négociation n'avait
d'autre but que d'endormir ce mo-
narque dans une faus.se confiance. Le
3o juin 1718,1a Hotte espagnole pa-
rut devant Palermc ; cette ville fut
obligée de se rendre immédiatement ,
le château ne tint pas long-temps;
Catine et Messine furent prises en-
suite. Victor- Amc'dée , hors d'état
de défendre le royaume qui lui avait
été donné , reconrut à l'empereur et
aux puissances maritimes. Le pre-
mier nevouhit point combattre pour
l'avantage d'autiui ; il demanda que
la Sicile lui fût rendue pour être
réunie au royaume de Naples , et il
offrit seulement, en échange, à Vic-
tor-Amédée , ses prétentions sur la
Sardaigne. Ce monarque fut obligé
d'accepter cet échange désavanta-
geux, et il entra dans la quadruple
alliance contre l'Espagne ,avec l'eiu-
392
vie
pereiir, la France et l'AngleteiTC.
Cependant il eut peu de part aux
événements militaires j la Sicile, que
ses ge'ne'raux avaient perdue, fui re-
couvrée par ceux de l'empereur, et
la disgrâce d'Alberoni ayant disposé
Philippe V à la paix , il accepta le
traité de Londres ou la quadruple
alliance , par une déclaration faite à
la Haye le i-j février \']io. A.u mois
d'août, l'île de Sardaigne fut consi-
gnée au roi Victor- Amcdée par le
j)rince d'Ottaiano , qui l'avait reçue
des Espagnols au nom de l'empe-
reur. En ï'jii , Victor-Amédée ma-
ria son fds unique à la ])rinc('sse Pa-
latine Anne-Christine de Sullzbachj
et cette princesse étant morte le 12
mars suivant, il le rcmaria^en 1724,
à Polixènc-Christine de Hesse-Rliein-
sfcld. Le 25 mars de la même an-
née , il perdit sa mère qui était par-
venue à r<àge de quatre-vingts ans.
Les différends entre ce prince et la
cour de Rome, qu'avait fait naître
la juridiction pontilicale en Sicile,
ne furent accommodés qu'en 1727
par le marquis d'Orraea, le plus ha-
bile ministre du roi de Sardaigne.
Du reste, ce monarque évitait de
prendre ])art aux négociations qui
jiouvaicnt amener une nouvelle guer-
re. St renfermant dans les soins de
l'administration , il avait donné à ses
Elats un corps de lois nouvelles ; il
avait fondé une université à Turin ,
et réforïnc en même temps toutes les
écoles inférieures 5 il avait mis ses
finances dans un ordre'admirable,
])rotégé le comrh'éixe et fiit fleurir
les arts, embëfli^^a capitale , et ren-
du inexpugnabtb , par d'immenses
travaux, la forteresse de la Bru-
nette (ip), loi squ'cnfm, parvenu à
(<o^On ])edt dire que clanj l'erl du gouverne-
mont irilq'rieur ce^^-iufcc u'.a paf *t^ fi|rp^té. Il
iivall Iirriic (Je sejit mill'ioiis (le iivenus, fnul de
Vie
l'âge de soixante-quatre ans, il exé-
cuta , le 3 septembre 1730 , un pro-
jet que l'on a cru formé des long-
temps. Il abdiqua , en faveur de son
lils Charles-Émanuel , la couronne
qu'il avait portée avec tant de gloire.
On a prétendu que cette abdication
fut la suite des embarras où l'avait
jeté sa politique flottante entre la
France et l'Autriche, et que s'étant
trop pressé de conclure des traités,
qu'il étaitde sonintérctdenepas exé-
cuter, il se trouva pris dans ses pro-
pres pièges , et ne put sortir de l'em-
barras où il s'était placéque par cette
résolution désespérée. La fausseté de
cette assertion a été établie récem-
ment par des écrivains aussi graves
que bien informés. Rien d'ailleurs de
semblable ne se trouve indiqué dans
lesdépèchesoriginalesdeVictor-Amé-
dée à ses ministres à Paris, à Vienne
et à Londres, à l'époque dont il s'ar
git. Trois souverains, dans un inter-
valle assez rapproché , avaient ab-
diqué la couronne : Christine, Casi-
mir et Philippe V. Victor-Amédée,
par imitation , peut-être, ou par sa-
tiété du pouvoir, résolut aussi d'ab-
diquer cette couronne royale, objet
depuis si long-temps de l'ambition
de sa famille. Une autre résolution
de sa part fut comme le prélude de
celle-là. Veuf depuis quatre ans , il
la «âge adiiiiiiiKlraliuii de sou pJre, et tout en je-
tant les fondciuuut.s d'iuie amélioration prugressi-
ve, il doubla ce icveuu, A la vérité, depuis une
quamulaine d'années, l'élat s'était agrandi d'un
tiers , et la population s'était accrue dans une
()ru|)ortiuu plus grande encore. Il accorda aux la-
iricjnes de draps et aux perleclioiincinents des
soies de grauds enrourageinents , et fil venir à
grands frais, surtout de la Hollande, des ouvriers
qui portèrent l'industrie au plus haut degré dans
set états. Il lit composer un code de lois très-sages,
qui reçut Sun nom ; et il soumit la noblesse à l'é-
gale répartiliou des im|M'its ( /''. ObMEA ). Sis rè-
glements sur l'instruction publique ranimèrent
J'amour des études s^dides. Quoiqu'il ne fut pas
savant, il protégeait les sciences et les lettres; il
aimait les artistes i^ conceptions liardics. Uulin,
Victor-Amedré louda à Tnriii le collège des pro-
vinces, rétablit celui des nobles , et mit sur-
tout beaucoup de soins a relever l'université. It-v.
vie
ne voulut ni rester sans compagne ,
ni clicrclicr une nouvelle épouse dans
une maison souveraine. A l'irailation
de Louis XIV , que, maigre leur ini-
uiilie , il aimait à prendre pour mo-
dèle , il épousa secrètement la veuve
du comte de Saint-Sébastien , fille
d'honneur de lareine-mcre,qui avait
été l'objet de ses premières inclina-
tions. Cette dame avait été créée
dame d'honneur de la princesse de
Piémont , et logée près des apparte-
ments du roi. Remplie de finesse et
de dextérité , elle prit alors sur lui
un grand ascendant, et il l'épousa le
2 août , un mois avant son abdica-
tion. Elle était âgée de cinquante ans.
Victor-Amédée ayant appelé son fils^
lui déclara son dessein d'abdiquer.
Gharlos-Emanuol , étonné, se jette à
ses genoux et le conjure de changer
de résolution ; mais Victor est iné-
branlable; et ces témoignages de res-
pect filial ne font.quc l'allcrmir dans
son projet. 11 a choisi pour modè-
le l'eiupereur Charlcs-Quint , et il
veut que le même cérémonial soit
observé pour son abdication. Le 3
sept. 1730, il mande au château de
P.ivoli le chevalier de l'Annonciade,
lesministrcs;, les présidents des cours
souveraines et tous les grands, sans
que personne, hors le prince de Pié-
mont et le marquis del lîorgo ,
soit informé de l'objet de cette convo-
cation extraordinaire. L'assemblée
formée, le roi prescrit le silence , et
le marquis de! Borgo lit à haute
voix l'acte par lequel Victor-Amédée
renonce au ti'one elx'omet le pouvoir
souverain h Charles-Emanucl son fils
unique , ordonnant à tous ses sujets
de lui obéir. Celte déclaration était
établie sur les mêmes motifs qu'avait
allégués Charles-Quint : l'àgeavancé,
des mdispositious, le désir de mettre
[\n intervalle entre les sollicitudes du
Vie
393
trône cl la mort. Toute l'assemblée
resta frappée d'étoiniemcnt;quelques-
ufls fondirent en larmes; car ce prin-
ce, redouté de tous ses sujets, était ai-
mé de plusieurs. Après avoir déployé
dans cette dernière scène de son rè-
gne l'air solennel et fier qui lui était
naturel , il ne témoigna plus que de
l'alFabilité à tous ceux qui l'entou-
raient , parlant à tous les grands ,
et ne les entretenant que de la fi-
délité qu'ils devaient à leur nou-
veau roi. Passant ensuite dans l'ap-
partement delà princesse de Piémont
qu'il déclara reine, il lui présenta la
comtesse de Saint-Sebastien : « Ma
» fille, lui dit-il, je vous préseule
» une dame qui veut bien se sacrifier
» pour moi. Je vous prie d'avoir des
» égards pourelleetpour sa famille.»
Il ne se réserva pour lui-raime qu'un
revenu de cinquante mille écus , et il
donna le marquisat de Spino à la
comtesse de Saint-Seijastien , qui en
prit le nom. Il partit dès le 4 septem-
bre pour la Savoie qu'il avait choisie
pour sa retraite , n'ayant qu'un seul
attelage, quatre valets de pied, un va-
let de chambre et deux cuisiniers.
C'est assez, disait-il, pour un gentil-
homme de province. Au moment de
son départ , Charles - Émauuel lui
témoigna de nouveau le désir que son
abdication ne fut pas absolue: «Mon
» fils , répondit Victor - Amédée ,
» l'autorité suprême ne souffre aucun
» partage. Je pourrais désapjirouver
» ce que vous feriez, et ceseraitmal-
» il vaut mieux n'y plus penser. »
A son arrivée en Savoie , Victor-
Amédée occupa d'abord la maison
de campagne du marquis du Villars ,
à Saint- Alban, près de Chambéri.
Le jeune roi se fit long-temps uu de-
voir de lui rendre compte jour par
jour des aHaiics du gouvernement ;
il envoya même plus d'une fois ses
394
Vie
ministres au-delà des monts pour
conférer avec lui, et prendre son avisj
mais cette respectueuse de'férencc eut
bientôt un terme ( V. Ormea ).
Cliarles-Emanuel alla deux fois fai-
re visite à son père. La seconde de
ces visites fut courte; il le trouva
soucieux et embarrasse'. Cependant
il attribua ce cliaugement aux suites
d'une attaque d'apoplexie , essuyée
récemment par le vieillard. Il le
quitta au bout de trois jours pour se
rendre avec la reine aux eaux d'É-
vians , où il comptait passer quel-
ques semaines. Victor, déjà fatigue'
du poids de son oisiveté , et à qui la
marquise de Spino , femme pleine
d'ambition, avait fait naître l'idée
de se ressaisir du gouvernement ,
prend tout-à-coup la résolution de
profilerderabseucedii jeune roi, pour
le prévenir à Turin , et se remettre
en possession du trône. Au mo-
ment où il allait partir furtivement ,
un jeime ecclésiastique appelé Mi-
chon , qui avait ]iar hasard en-
tendu une conversation entre le roi
Victor et la marquise , était allé en
toute diligence instruire le roi Cliar-
les à Evians. Le jeune monarque ,
une heure après l'avis reçu, monte à
cheval , accompagné d'une suite peu
nombreuse , traverse le petit Saint-
Bernard , et arrive dans sa capitale
le jour même où son père descendait
au château de Rivoli. Victor entendit
des hauteurs d'Avillane le canon
qui annonçait l'arrivée de son Çih ,
et il en fut vivement troublé. Le len-
demain Charles- EmanucI se rendit
auprès de lui. Celte entrevue des deux
rois fut embarrassée, et même un
peu triste de part et d'autre. Victor-
Amédée s'étant plaint que l'air de la
Savoie était contraire à sa santé, son
lils ordonna sur-le-cliamj) que le
château de Munlcalicr fût [)réparé
Vie
pour le recevoir. Là toute la cour
alla , par ordre du roi Charles , lui
rendre ses hommages. Mais il fit
^en même temps observer toutes les
actions et toutes les démarches de
son père , et l'on reconnut bien-
tôt qu'un dessein profond agitait
celui-ci. Ou fut surtout frappé
du changement qui s'était opéré
dans les manières de la marquise de
Spino. Lorsqu'elle alla voir la reine,
elle prit un fauteuil pareil à celui de
cette princesse. Victor, voulant con-
naître les dispositions des principaux
de la cour, alla jusqu'à demander
au ministre del Borgo l'acte de son
abdication, le chargeant de notifier
à son fils sa détermination de repren-
dre les rênes du gouvernement. Le
ministre , plein de confusion et d'em-
barras , mais n'osant s'exposer par
un refus aux emportements du vieux
monarque , promit de lui rap|)orter
cet acte le lendemain. Mais à peine
fut-il parti , que Victor se repentit
de s'être ainsi ouvert. A minuit, pre-
nant tout-à-coup une détermination
nouvelle , il monte à cheval , suivi
d'un seul domestique , et va se pré-
senter à la porte de la citadelle qu'il
veut se faire ouvrir. Le gouverneur,
baron de Saint-Remi, refuse nette-
ment de l'introduire. Trompé dans
son attente , le prince retourne à
Montcalicr plein de dépit , au mo-
ment même où, sur la déclaration du
marquis del Borgo , le roi assemble
ses ministres et tous les grands. Tout
est déclaré dans ce conseil , et
il est décidé, d'une voix unanime ,
qu'il faut s'assurer de la personne de
Victor-Amédée. Le roi , les larmes
aux yeux, et d'une main tremblante,
signe l'ordre que le marquis d'Or-
mea va mettre à exécution. 11 est
précédé par une compagnie de gre-
nadiers que commande le comte de la
vie
Pérousej d'autres troupes investissent
le château de Montcalier. On monte
le grand escalier, ou enfonce les por-
tes, et l'on se saisit de tous les gens
de service ; enfin on pe'nctre Jaiis la
chambre où le roi était au lit avec
la marquise de Spino , qui s'élance
demi-nue vers une porte pour s'é-
chapper. On l'arrête , on la jette
dans un carrosse qui prend au galop
la route du château de Ceva , es-
corté par cinquante dragons. Tout ce
bruit n'a pu éveiller le roi Victor ,
dont le sommeil était habituellement
presque léthargiipie. Le chevalier de
Solar s'empare de son e'pe'e qui se
trouvait sur une table, pendant que le
comte de la Pérouse ouvrant les ri-
deaux de son lit , et l'éveillant, non
sans peine , lui déclare qu'il a ordre
de l'arrêter , et lui présente cet oi'dre
signé de la main de son fils. Le vieil-
lard entre en fureur , apostrophe
ceux qui l'entourent et refuse de
s'habiller. On l'enlève ^ on le porte
enveloppé dans ses couvertures jus-
qu'au carrosse qui l'attendait dans
la cour, et il y est jeté au milieu d'un
groupe d'officiers et de soldats. A
la vue de leur ancien maître tombé
dans un tel abaissement, ceux-ci
commençaient à murmurer , quand
le comte de la Pérouse s'écrie : « De
» par le roi , silence , sous peine de
» mort. )) Les cris cessent ; on double
le pas: Victor reconnaît dans la cour
un des régiments de dragons qui s'é-
tait autrefois distingué sous ses
yeux ; il veut le haranguer : un rou-
lement des tambours couvre sa voix.
11 est jeté non sans peine dans le car-
rosse , et les troupes , formant tout
autour une espèce de bataillon carré,
prennent lentement le chemin du
château de Rivoli. Ce prince passa
plusieurs mois dans cette espèce de
prison . gardé très - rigoureusement.
Vie
ogj
Les accès de colère auxquels il
se livra les premiers jours faisant
craindre qu'il n'attentât à sa vie ,
on ne laissait à sa portée lien qui
pût le blesser, ou qui pût lui fournir
les moyens d'écrire ; et ses gardes, ses
domestiques curent l'ordre de ne ré-
pondre à ses questions que par une
profonde inclination de tête. Lors-
qu'il devint un peu plus calme, la
surveillance fut moins sévère ; et sur
la demande qu'il en fit., on le recon-
duisit au château de Montcalier. II
finit par se résigner; mais il resta si-
lencieux et triste. On fit tout pour
adoucir l'amertume de sa situation;
plusieurs personnes furent destinées
à lui tenir compagnie , et on lu; ren-
dit la marquise de Spino, On lui
fournit des livres , mais on ne lui
communiquait aucune nouvelle ; on
ne lui permettait pas la lecture des
gazettes. Toute sa curiosité, pendant
les préludes delà guerre de 1733 , se
lixa sur l'établissement de l'infant
don Philippe en Italie. Quand le
chevalier Salmatoris, qui ne le quitta
qu'à la mort , eut la permission de
lui apprendre cet événement , il s'é-
cria : « 0 1 ma maison ! ils ont signé
« ta perte. » Victor-Amédée ne re-
vit jamais son fils. Il mourut ta Mont-
calier , le 3i octobre 3732 , dans de
grands sentiments de piété. Sa fem-
me s'enferma dans un couvent de
religieuses à Carignan. Ce prince
était réellement né pour gouverner.
L'amour de son devoir , l'habitude
et la facilité du travail lui rendaient
cette tâche aisée. Sa passion domi-
nante était de tout voir , de tout
régler par lui-même , de tout faire
céder à ses vues et à ses opinions ; il
voulait surtout , et c'était sa plus
grande ajubition, qu'on ne pût attri-
buer qu'à lui seul la bonne conduite
des alFaires , et le succès des entre-
39<>
Vie
jaisesles plusdilliciles. Ilavaitreçu
(le la nature, au plus liant degré,
l'amour de l'ordre cl l'esprit de de'-
la il. Essentiellement économe , il mit
long -temps l'économie à la mode
dans toutes les classes de la nation.
Une de ses maximes politiques était
qu'il faut toujours s'elVorcer de tirer
quelque profit du mal qu'on ne peut
empêcher. Très-exact à remplir ses
devoirs, il exigeait de tout le monde
la même ponctualité. Dans un voyage
qu'il lit à Cliambéri , il convoqua
le sénat sous sa présidence ; et s'ctaut
aperçu de quelque négligence de la
j)art de plusieurs sénateurs il les
destitua impitoyablejuent. D'une
taille moyenne, mais svelte et bien
j)risc, il avait un port libre et fier,
(MIC pliy^iouoniic animée , et des
traits prononces. Il était sobre et
simple dans ses habits. Comme la
plupart (les princes de son temps ,
il eut des maitiesses ; mais il ne se
laissa dominer par aucune d'elles.
Plus habile politique que grand géné-
ral , il n'a brillé à la guerre que par
sa valeur personnelle; mais il sut
toujours réparer, par les ruses et
l'habileté de sa diplomatie, les suites
de ses défaites; et après le règne le
plus agité, après avoir vu tant de
fois sa puissance dans le plus grand
danger, il est resté dans l'histoire le
plus grand prince de sa race, et ce-
lui qui a le plus eilicacement conlri-
])ué à son élévation. S. S — i.
VICTOR-AMÉDKE III . roi de
Sardaigne, (ils de Charles -Émanucl
JII , naquit à Turin, le ^>(Jjuin ly-iO,
<t de bonne heure charma le roi son
])èic par la vivacité de son esprit et
ia facilité de ses études. Il s'énonçait
tt .-ii;'issait avec grâce , manifestant
du goût jiour la belle littérature;
mais en inOmc teiu]!S il montrait
une trop grande facilité de caTaclcre,
Vie
et trop de bienveillance pour la mc'-
diocrité. Il fit, en 174^, sa pre-
mière campagne à coté de son père ,
et figura aux batailles de Coni et de
Bassignana. Son penchant décidé
pour le militaire fit croire qu'il au-
rait l'esprit guerrier de ses ancêtres.
Ce jeune prince était aimé géne'rale-
ment à cause de sa bonté et de sou
affaliilité ; mais le rôle de prince hé-
réditaire n'en fut que plus didicilc
pour lui , sous un roi jaloux, de son
autorité. Victor-Amédéc soutint ce
rôle jusqu'à quarante-sept ans, sans
s'écarter du moindre de ses devoirs.
Son mariage avec l'infante d'Espa-
gne , lille de Philippe V, eut lieu en
vertu d'un des articles secrets du
traité d'Aix-la-Chapelle. Il porta le
titre de duc de Savoie jusqu'à son
avènement au trône, où il monta le
■j.o février J773. Religieux, tempé-
rant , cxom]>t de tout vice , le nou-
veau roi s'était montré constamment
fils respectueux , bon père et bon
époux. A peine eut-il saisi le sceptre,
qu'il s'occupa de grandes innova-
lions dans l'organisation de ses trou-
pes. Vingt ans de paix avaient im-
primé à l'armée piémontaisc un as-
pect presque gothique, et des usages
qui ne convenaient ])liis à la tactique
nouvelle. lnij)alient de mellrc ses
Slans à exécution , \ ictor - Amédée
onna , en 177O, une nouvelle orga-
uisation à ses troupes; et après treize
annéesd'épreuve il la changea une se-
conde fois , en 178O. Toutefois, cette
armée, qu'on pouvait porter aisément
à quarante- cinq mille hommes en
temps de guerre , n'avait encore
ni règles de discipline fixes , ni
principes de tactique , ni habitude
des grands mouvements stratégiques.
L'Europe jouissait, il est vrai_, d'une
tranquillité ])arfaitc; et tout annon-
çait à Victor- Ainc'iiée mi règne aussi
vie
paisiljlo. Vonljin mettre à profit cet
liciireiiKraljiU' et consacrer son ri-giie
à (les e'tablisscracnts utiles, il éleva
la forteresse de Saint - \ ictor de
Torlone, sur les fondements jetés
])ar Charles - Quint ; il acheva la
citadelle d'Alexandrie , érigea une
académie royale des sciences , l'aca-
démie de sculpture et de peinture*
fit bâtir l'observatoire de Turin,
éclairer avec niagmliccnce les rues
de cette capitale , et établit hors de
son enceinte, sous le nom de Cériota-
jilu'S , des scpultuies publiques. La
viliedeNice, dont il repara et creusa
le port , doubla , par ses soins , d'e'-
tendue et de population, de même
que Carouge aux portes de Genève.
Fonder ainsi aux deux extrémités de
ses Etats deux villes nouvelles , deux
colonies florissantes, était un dessein
qui flattait singulicrcnient l'araour-
])ropre de ce prince. A Cliambe'ri , il
fit relever l'ancien palais ducal et
bâtir un ihcàtie. Il cndjcllitles bains
d'Aix , éleva , à grands frais, des di-
gues pour retenirdans leurs lilsTArvc
et le Rhône , et abolit les péages dans
toute la Savoie. Cette province ,
berceau de sa famille, fixait parlicu-
lirreraeut son attention. Il y fit un
voyage en i 7^5, avec la reine et ses
enfants , à l'occasion du mariage du
prince de Piémont, héritier du trône,
Jl Acnait de marier deux de ses filles
aux frèresde Louis XVI, et le prince
de Piémont à une sœur de ce monar-
que. Victor- Ame'dée, en visitant le
])lu:; ancien patrimoine de sa famille,
entendit retentir autour de lui les bc-
ne'dictious des peuples, et en fut vi-
vement c'mu. En Piémont, les cœurs
e'taieiif moins ouverts aux sentiments
afîectucux. On n'y vit pas sans pei-
ne Victor- Aniedce se jeter sans re-
serve dans les bras d'une puissance
qui tant de fois avait mis sa mai-
VIC 397
son au linrd du précipice. On y
disait hautement que les sommes
prodiguées en Savoie et à Nice ne
feraient, en cas de rupture, qu'exci-
ter davantage les Français à s'en ren-
dre maîtres; que ce qu'on y semait
serait moissonné par d'autres mains.
On blâmait aussi les profusions du
roi : il ne restait rien, disait-on , de
l'épargne laissée par son père. Deux
millions de dot, donnés par la Fran-
ce à la princesse de Piémont, n'a-
vaient pas sufll pour les frais de no-
ces! Leroiy avait ajoutédeux autres
millions , prix de la vente de J'hôtel
des Célestins à Lyon, qui était une
ancienne propriété de la maison
de Savoie. A ces murmures , à ces
conjectures sinistres, l'histoire doit
opposer des faits honorables. Vic-
tor-Amédée n'avait fait peser sur
son peuple aucun nouvel impôt
onéreux ; ses billets d'état circu-
laient au pair, non-seulement en
Piémont, mais en Savoie, où leur
cours n'était point obligatoire : ou
les prenait même pour comptant à
Lyon, qui tirait du Piémont les soies
nécessaires à ses manufactures. En
un mot , le crédit du gouvernement
sarde (-tait resté intact ; et jamais l'a-
griculluri" et le commerce n'avaient
déployé autant d'activité en Piémont,
à Kice et « n Savoie. Ainsi ce ne fu-
rent point les fautes de Victor-Amé-
déequi el^ranlèrent son trône; ce fut
une commotion étrangère ; ce fut une
fatalité qu'il ne lui était guère possi-
ble de prévoir ni de conjurer. A peine
la révolution française eut-elle éclate,
que l'un des frères de Louis XVI ,
fuvant devant les fureurs populaires,
vint, avec son épouse, se réfugier à
la cour de Turin. Ce prince fut bien-
tôt suivi de ses enfants , de son frè-
re et d'iui grand nombre de gentils-
hommes fiançais. Victor - Amédée
398
Vie
ilc'tcstait les principes , et surtout les
premiers résultats de cette rcvolu-
liou. 11 reliisa de recevoir pour am-
hassadcur M. de Scmoiiville, qui lui
l'ut envoyé' par ses premiers moteurs,
et se vovaut bientôt menacé, il fit
passer des renforts en Savoie et à Ni-
ce. Quand il vit la révolution deve-
nir dangereuse et menaçante pour ses
provinces limitrophes , il y lit pas-
ser, au printemps de i -jQ'^ , de nou-
velles troupes, mais en trop petit nom-
bre [tour résister à une agression, et
trop nombreuses pour ne pas annon-
cer des desseins hostiles. Cepen-
dant ni Victor- A medéc ni les autres
rois qui devaient se coaliser n'é-
taient prcts cà soutenir la guerre ; et
déjà ils allaient être prévenus par
leurs ennemis. Vers la lin de septem-
bre, la Savoie et le comté de Nice
furent envahis, cl la ville d'OneilIe
saccagée. La retraite des troupes sar-
des fut précipitée et même honteuse-
Le roi en fut navré de douleur. Il ve-
nait , dans l'espace d'un mois , de
perdre un quart de ses Etals. Aucun
traité ne lui promettait l'assistance de
l'Autriclic ni les subsides de l'Angle-
terre. Forcé de mendier les secours
de ces deux puissances , il se trouvait
à leur merci , avec un trésor vide et
des troupes découragées. Les parties
de son territoire occupées étaiciil tel-
lement atteintes de la conlaîrion ré-
A olutionnauc , qu elles sollicitèrent
leur réunion à la France^ et qu'aus-
sitôt la nouvelle république fran-
çaise se vit accrue de deux dépar-
tements. Déterminé à sauver à tout
prix ce qui lui restait de ses États ,
Victor- A médée se bonA d'abord
à défendre les montagnes, et pres-
sa vivement l'Autriche de venir à
son secours • mais il trouva cette
)iuissance froide et parcimonieuse.
H ne put en obtejiir qu'un corps
Vie
auxiliaire de six mille hommes.
N'ayant , par suite d'une paix
do quarante - quatre ans non inter-
rompue, ni soldats ni olliciers expé-
rimentés, il se vit forcé de confier la
direction de ses forces ta des généraux
autrichiens , qui en eurent à-peu-prcs
la disposition absolue. D'un autre
côté , rAi.'gletcrrc se bornait à lui
promettre un subside annuel de deux
cent mille livres sterling , pendant la
durée de la guerre, et sous la condition
d'une augmentation dans son armée.
Voyant qu'il lui fallait tirer de son
jiropre fonds ses moyens de défense ,
Victor - Émanuel se hâta de mettre
toute sou armée sur le pied de guer-
re. Il leva de nouveaux réjriments
suisses , jiorta son artillerie à cinq
mille hommes , et ajouta à ses
troupes légères plus de trois raille
partisans. Il forma de tous ces élé-
ments une force nationale de soi-
xante mille hommes, qu'animait uu
excellent esprit. On rétablit, dans
les Hautes- Alpes, une partie des re-
tranchements élevés dans la gueri ■■
de 1743. Jamais d'ailleurs les forte
resscs du Piémont n'a v;i ient été si bie: 1
pourvues. L'arsenal de Turin parai>-
sail inépuisable. Enfin, au commen-
cement de 1793, Victor - Amédéc
put contempler avec quelque sécurité
la réunion de ses moyens de résis-
laucc. Le mauvais résultat de l'ex-
pédition française dirigée contre l'île
de Sardaigne lui parut d'un heureux
augure. Les circonstances générales
ne le favorisaient pas moins. Le sup-
plice de Louis XV l venait de soulever
la majeure partie de l'Europe j et,
la Convention nationale se hâtant de
proclamer l'indépendance des peu-
ples, l'Angleterre , l'Espagne , Na-
ples , la Hollande et l'AlIctnagne al-
laient unir leurs armes à la Prusse
et à l'Autriche, pour repousser une
vie
lello provocation. Encourage par
celte coalition^ eu appareucc si re
floutahic, \ ictor - Àmedc'c résolut
(l'af;ir oiïcnsivcmcul. D.jà les trou-
pes sardes s'étaient siguale'cs par une
résistance hrillantedans plusieurs oc-
casions, surtout à Rausel à Lauliiion,
où les généraux français lirunet et
.Serrurier avaient cto repoussés. Mais
leplau ollensif poiu- leconquërirà-la-
f'ois le duciie de Savoie et le comte
de Nice ne répondit pas à l'heureux
début de la cainpa<:,nc. Le gcnéial en
thef" autrichien, baron de Vins . ne
se mit eu luouvenicut qu'au mois
d'août. Nice ou Supcrga ( i ) , c'cst-
.i-dirc la Fictoirc ou la. mort ! s'é-
( ria , en partant pour l'ajinec. Vie-
for -Amcdee, encore rempli d'ar-
deur maigre les glaces de 1 iigc.
Mais il lui manquait le talent mili-
taire et l'énergie politique de ses an-
«ètres. A la merci des générau\ au-
trichiens, qui dirigeaient la guerre
du Piémont , il les vit avec douleur
laisser tiiomplier en dcliuitive, de
même ({u'en Flandre et sur le Rliin ,
les armes de la nouvelle république.
Les iuvasions en Savoie et dans le
comté de Nice n'étant ni soute-
nues ni poussées avec vigueur, Lyon
et Toulon retombèrent sous le joug
ilu pouvoir révolutionnaire ; et dé-
jà V ictor- Amédée dut se repentir de
s'être abandonne trop aveuglément
auK vues d'un général aussi présomp-
tueux que le baron de Vins. On ne
|)ouvait douter , d'après des avis
certains, que les Français n'eussent le
projet de prendre à leur tour l'ollén-
sive pour s'introduire eu Piémont
par les montagnes de Nice et par les
sources du Tauaro. En tournant les
positions que Victor-Aïuédée défen-
dait depuis deux ans . ils pouvaient
lovale
is Ju Saiilaiguc.
Vie 3ç)(,
fairctomber eu un instantdcs moyens
de résistance que le vain appui delà
neutralité de Gênes rendait tout-à-
fail illusoires. Au lieu île parer à ce
danger pressant , on trouva plus
commode à Turin de se rej)oscr sur
cette neutralité et sur la ligne de Sa-
vourges , qui, garnie par sept mille
hommes , embrassait le bassin de
Tende. Le G avril 1794, nne atta-
que générale eut lieu, de la part des
Français , sur tout le front de la li-
gue, et d'innombrables coups de ca-
non se lireut entendre. Ce bruit n'a-
vait pour objet que de masquer un
grand mouvement cpii s'exécutait eii
arrière le long du bord do la mer .
dans la direction de Gènes. La plus
grande partie de l'armée française
prit a gauche vers le pont de Novi .
par lequel on entre dans la vallée du
Tanaro,ctde celle-ci dans le cœur dti
Piémont. Ces nouvelles répandirent
bientôt l'elfroi dans Turin : déjà mê-
me , à la suite des premières attaques,
toute la vallée du Tauaro venait
d'être abandonnée par les Austro-
Sardes, qui s'étaient repliés sous le
fortdeCeva. La reddition de Sa-
vourges , qui ouvrit ses portes à la
première sommation, vint augmenter
la terreur. Cent mille Français cou
vraient déjà les sommités des mon-
tagnes ; car en même temps qu'ils
s'étaient emparés du col de Tende et
des vallées du Tauaro , ils avaient
occupé la plupart des cols des Al])es
occidentales. La position retranchée
du petit Saint-Bernard ven-iit d'être
enlevée de même que celle du Mont-
Cenis , et du fort de Mirabouc , au
sommetde la vallée de Luzerne. Leur
armée principale, forte de quarante
mille hommes, qui , de la vallée du
Tanaro , menaçait le Moulferrat et
l'Albcsan, l'ecevait chaque joui" des
renforts. Les A uslro - Sardes n'a-
4oo
vie
valent à lui opposer que viiigl-cinq
mille hommes, poste's entre Ceva et
Dcmoiit , mais qui furent renforces
par dix raille Autrichiens. A celte
actiA'ite' des Français, pour se ren-
dre maîtres de toutes les sommités ,
succéda une immobilité subite. On
pensa qu'ils attendaient, pour se pré-
cipiter dans la plaine , le signal des
traîtres , leurs alllliés _, en Piémont ,
déconcertés par la fermeté de la cour
de Turin , qui lit passer par les ar-
mes les deux commandants des forts
de Savourges et de Mirabouc. l^a
nouvelle de la chute de Robespierre
vint tout éclaircir : le coup fata' , tjui
menarail le Piémont, resta suspen-
du. Les Français , à la suite de
quelques actions sans résultat, quoi- ,
que assez vives , se bornèrent à éloi-
gner les Austro-Sardes de Savouc ,
et à s'assurer la possession de toutes
les avenues de Nice, de Savone et de
Gênes. Des neiges pre'coces forcèrent
les deux partis à prendre lenr quar-
tier d'hiver de bonne heure. Quoique
Victor - Amédée fût dans une posi-
tion plus resserrée que celle de l'an-
née précédente , il dut se féliciter
d'avoir vu l'euncmi obligé de se re-
tirer malgré la supériorité do ses for-
ces, et sans avoir pu se rendre maî-
tre d'aucune de ses places fortes.
Après trois ans de guerre, le Pié-
mont se trouvait encore intact; mais
les principales causes de cet avantage
n'étaient dues qu'a l'indécision des
généraux français , à la chute de Ro-
bespierre et à la découverte de quel-
ques complots intérieurs. La secte
révululiounaire avait des alllliés en
Piémont, dans toutes les classes de
la société , à l'exception des paysans
et des soldats, dont les sentiments
affectueux, pour la personne du roi
étaient hors de doute. C'était dans
la classe moyenne , et même parmi
Vie
la noblesse , que Victor-Amédée trou-
vait le plus de censeurs et de mécon-
tents; et c'était surtout pour défen-
dre les biens et les prérogatives de
cette classe d'hommes ingrats et
pervers qu'il avait donné aux no-
bles et aux riches l'exemple des
privations personnelles, en envoyant
sa vaisselle à la monnaie, en faisant
fermer son théâtre, et en vendant
ses équipages de chasse. Il n'avait
épargné , à l'armée , ni sa jiersonnc
ni ses (ils ; et, pendant qu'il ex-
posait sa tête vénérable aux ha-
sards de la guerre, les princesses,
ses brus , ensevelies dans une jiro-
fonde retraite , n'avaient cessé d'in-
voquer le ciel |ioiir le salut de l'Etat,
ipar des prières et des bonnes œuvres.
Mais le danger devenait chaque jour
j)his pressant; et la cour de Vienne
elle-même tremblait de voir le Mi-
lanais envahi. Alors elle envoya quel-
ques renforts, mais que ses généraux
inhabiles ne surent pas employer.
Ils n'obtinient , après un assez
brillant début , en 179^, à la tète
de soixante-cinq raille hommes , que
des succès partiels et Insignifiants;
et pourtant leurs forces surpassaient
d'un tiers celles des Français. La
campagne allait se prolonger ainsi
dans de petits faits d'armes ou dans
une entière immobilité , quand , le
•i4 novembre, le général Schérer,
dont l'armée s'était augmentée de
toutCN les forces dirigées auparavant
contre l'Espagne, prit l'oirensivc sur
toute la ligne, et gagna sur le baron
de Vins la bataille de Loano. Satis-
fait d'avoir rétabli ses communica-
tions avec Gênes, Schérer prit ses
quartiers d'hiver dans la vallée du
Tanaro et dans la Haute-Bormida ,
reportant ainsi son armée dans la
inême position qu'elle occupait à l'ou-
verture de la campagne. Si en France
I
vie
on le Llàma de n'avoir pas nse plus
complctcnicnt de la victoire, le ba-
ron de Vins fut blànie' plus vivement
encore, et avec plus de raison, pour
avoir termine par une défaite et une
retraite honteuse une campagne qui
avait donné tant d'espérances. Ainsi
tout espoir d'être sauvé par l'Autri-
che fut perdu ; et l'esprit public
déclina sensiblement à Turin. On y
soutenait ouvertement que le roi n"a-
vait plus qu'à suivre l'exemple don-
né par ri">spae;ne , la ïuscaue et la
Prusse, qui venaient de conclure avec
la république française leur paix sé-
parée. Celte opinion fut exprimée
même en présence du roi , et il y eut
dès - lors dans son conseil , comme
dans tous les autres cabinets , le
jiarti de la paix et le parti de la
guerre. Le premier s'apj)uyait sur
quelques ouvertures faites par ie mi-
nistre français à Gènes i'^), mais qui
n'étaient pas susceptibles d'une né-
gociation sérieuse. Le parti de la
guerre l'ayant emporté, on conclut
qu'il valait mieux, comme dit Ma-
chiavel , céder à la force qu'à la peur
de la force. On venait d'ailleurs d'ê-
tre informé à fond des desseins de
la France, résolue de frapper cette
année, en Italie, un couj) décisif. Le
roi, en conséquence, lit partir pour
Vienne le baron de Latour et le mar-
quis de Saint - Marsan, chargés de
déclarer à l'empereur qu'il se verrait
obligé de pi'cter l'oreille aux ouver-
tures de l'ennemi commun, si les al-
liés ne venaient pas à son secours ,
avec des moyens proportionnés à
l'imminence du danger. Le roi ne né-
gligea pas de solliciter l'assistance
des petites puissances de l'Italie, les
pressant de concourir à la défense
commune, au moins par quelques
(ï! M. Viil^.1-.
XXV m.
Vie 4oi
subsides. Le pape promit , mais n'eut
le temps de rien elicrtner. Le roi de
Naples annonça vingt mille hommes,
et il n'envoya que deux mille che-
vaux : mais de grands renforts arri-
vèrent d'Allemagne j et le général de
Vins fut remplacé par le baron de
Beaulieu , dont la réputation militai-
re était mieux établie. Le nouveau
général et le baron de Colli , com-
mandant les troupes piémontaises ,
se concertèrent, et formèrent le pro-
jet de couper h ligne de l'ennemi sur
le point de wSavone. IMais ce projet
fut bientôt déconcerté par l'impé-
tuosité du nouveau chef de l'armée
française. C'était lîuonaparle, qui,
prenant lui-même l'oiïcnsive, força
le passage dos Apennins, après plu-
sieurs combats; sépara les Autri-
chiens des >ardes, et poussant ces
derniers l'épée d.ms les reins , sur la
route de Céva et de Mondovi , arriva
aux portes de Cherasco, et vint me-
nacer Turin. Celte incroyable célé-
rité porta (lans la capitale la cons-
ternation et l'elfroi. Dans ce moment
de désordre et de confusion , Cheras-
co, avec deux mille hommes de gar-
nison, soutenus au-dehors par diiré-
rents corps d'armée, et oilrant un
point important de ralliement et de
résistance , ouvrit ses portes sans
coup férir. Beaulieu , qui venait en
toute hâte ])Our réparer l'énorme
faute de s'être sépare de son allié,
rebroussa chemin, abandonnant le
Piémont à lui-même. On ne peut pas
douter que dans cette occasion l'éva-
cuation précipitée de Cherasco n'ait
été préparée par les partisans de la
paix ou les adhérents secrets de la
France. Le roi, voyant l'abattement
général , et circouA'enu d'ailleurs par
des conseils perfides, enjoignit au
chef de son armée de se replier sons
les murs de Turin; et il envova pro-
2(3 "
402
VIG
poser au général Buonaparte une sus-
pension d'armes. Il ne pouvait l'ob-
tenir qu'en niellant sa couronne à la
merci de la France révolutionnaire.
C'était oublier entièrement l'exemple
de ses aïeux , qui , dans des guerres les
plus malheureuses , avaient évité soi-
gneusement de se placer sous le joug
de la France ou de l'Autriche. D'ail-
leurs rien n'était encore désespéré.
Pas une forteresse n'était au pouvoir
de l'armée française. Elle ne venait
de pénétrer en Piémont que par un
étroit dédié, elle manquait de grosse
artillerie ; et cette première invasion
n'était véritablement qu'une sur-
prise. Si, ralliant ses troupes et
armant sa capitale, le roi, secondé
par les princes ses fils, se fût replié
en hâte vers le Tésin, donnant par-
tout le signal de la résistance, nul
doute que la masse de la nation pié-
montaiscne se fût armée pour la pa-
trie; et quel exemple c'eût été pour
le reste de l'Italie ! En admettant mê-
me que le Piémont eût été occupé, le
roi tôt ou lard l'aurait recouvré, à
l'aide de ses alliés et de son peuple
fidèle (3). Il oublia trop prompte-
ment qu'il avait souvent répété , à
son départ de Turin pour se rendre à
l'armée de Nice, en i7<)3, qu'il s'en-
sevelirait plutôt , comme Priam , sous
les ruines de son palais que de con-
clure aucun traité avec les révolu-
tionnaires. Mais la crise était trop
forte pour Viclor-Amédée. Il céda à
des conseils pusillanimes et qui de-
vaient le perdre. La suspension d'hos-
tili-ës ne fut obtenue qu'en livrant à
Buonaparte, pour places de sûreté,
Coni et Tortonc. Dès le lendemain ,
(3^ NtitaniTiiRiil en '70'-l > «^poQue où sn présence
eût rtfjouf les pi'iijci.sdi' l'Auliiciiesar le Piémont,
et prévenu peut-èlre les fatales conséquences du
luecoiitenteDient de la Russie, qui voulait rétablir
le roi Je .Sai daigne, et qui en avait d.*niic l'ordre
à son scnénUcn chef Souwarow (f^oj: ce nom ).
VIC
ce général, certain d'avoir désarme'
le Piémont, se mita la poursuite des
Autrichiens. A compter de l'armisti-
ce , Viclor-Amédée, environné de
troupes françaises dans sa capitale ,
fut en butte à toutes les rigueurs, à
toutes les violences du Dii'cctoire de
la république française; et ce gou-
vernement nouveau lui imposa des
lois plusdiuTS, des conditions plus
sévères que jamais prince de la mai-
son de Savoie n'en avait subi , dans
aucun temps , de la part des rois de
France. Le cœur de Victor- Amédée
en fut navré de tristesse ; et ses peu-
ples partagèrent sa douleur. On était
consterné ; on gémissait du présent,
on tremblaitpourravcnir. Ce malheu-
reux prince ne survécut que six mois
à cette funeste capitulation. La fin de
sa vie fut troublée par des réformes
affligeantes, par de cruels embarras
de finances ; et les derniers jours d'un
règne si long-temps prospère s'écou-
lèrent dans les larmes et les humilia-
tions de tous les genres. Frappé d'u-
ne attaque d'apoplexie à ftlontca-
lier ,1e 1 5 octobre 1 79(1 , il mourut
le lendemain, sans avoir repris con-
naissance, et fut enterré à Superga,
où reposaient ses ancêtres. Ce prince,
qui n'eut jamais ni maîtresse ni fa-
voris , vécut toujours dans une union
parfaite avec la reine son épouse. II
survécut de plusieurs années à celte
princesse , et composa l'épitaphe qui
devait être gravée sur son tombeau.
Il eut d'elle cinq fils et quatre filles,
savoir : Charles-Éinanuel, prince de
Piémont, qui lui succéda {Vojez ce
nom , au Supplément ) ; Victor-Éina-
nucl V , duc d'Aosle, dont l'article
suit: Charles-Félix, aujourd'hui ré-
gnant; enfin le duc de IMoiîtferrat
et le comle de Maurienue. De ces
princes, Charles-Félix est le seul vi-
vant. B — p.
VIG
YICTOR-Éi.IANUEL I"'. , II ,
III et IV. Foy. Savoie,
VlCTOa-ÉMA^UHL V {Gas-
TON- JtAN-NEPOMUcÈ>E ) , roi dc
Sardaij^iie, (ils |)iiîiicde Victor-Ame-
dee lir, et de Marie- Antuinette-
Ferdiiiaiide, iulaute d'Espagne, ne
le 'i!\ juillet 1759, reçut en naissant
le nom de duc d'Aoste. Ce prince
eut mie jeunesse grave, montia de
bonne heure un poncliant décide
pour les armes , et fut jnomu , dès
1780, au grade de capitaine général.
Ce fut lui qui commanda toujours
les camps d'exercice que le roi for-
mait assez souvent, surtout vers la
fin de son régne. Le prince de Pic-
mont, héiilier de la courunne. qui
s'était uni à la sœur de Louis XVI ,
n'ayant jiuint d'enfant, le roi son-
gea à marier le duc d'Aosle. La
main de IMarie-ïliérése d'Autriclic,
fille de l'arcliiduc Ferdinand, gou-
verneur du >Iilanai3. fut oblenuejet
le second fils de Victor - Amédée
épousa cette princesse le i\ avril
1789. Tout prospérait dans la mo-
naicliie piémon{aise,et le vieux mo-
narque semblait devoir finir sa carriè-
re dans une profonde paix, lorsque la
révolution IVt-.ncaise vint troubler le
repos de tous les États. Leduc d'Aos-
te se prononça lortcment contre les
novateurs ;et placé a la tète des trou-
pes sardes il dirigea leurs premiers
efforts contre les Français , en 1 792.
Lors(pi'il fut question l'année sui-
vante de reprendre la Savoie et le
comté de Nice, il fut mis à la tète
du corps d'armée qui , de concert
avec la division du major-général
autrichien Strasoido , devait agir sur
le \ ar , dans la direction de Nice ,
tandis que le duc de Monlferrat pé-
nétrerait en Savoie, par la vallée
d'Aoste et par le Mout-Ceuis. A la
première apparitioii du duc d'Aoste,
VIC 4o3
tout plia devant lui. Dirigeant en
personne l'attaque du village de
Gillette , il passa le col de Vial ,
côtoya les limites orientales de la
Provence, enleva les postes de Del-
terre et de Boyon , et se présenta
aux bouches du Var. Mais il ne fut
pas soutenu par de fortes réserves,
comme il l'avait demandé. Cepen-
dant il venait de battre les Français
à Gandola , et , coupant leur aile
droite , il était sur le point de re-
prendre Nice ; mais le comte de
Saint-André, qui devait s'emparer
du poste d'Utele , fut repoussé , et
cet échec mit le duc d'Aoste dans la
nécessité d'opérer sa retraite. C'é-
taient surtout les lenteurs du général
autrichien de Vins qui avaient don-
né le temps aux républicains de se
rallier et d'opposer une résistance à
laquelle on ne s'était ])as attendu.
Dès-lors les hostilités dans les Alpes
maritimes reprirent le caractère
qu'elles avaient eu précédemment ,
celui d'une guerre de chicane. L'of-
fensive n'eut pas plus de succès en
Savoie; et l'on vit ainsi s'évanouir
tous les projets d'une campagne qui
pouvait être décisive par les moyens
extraordinaires qu'avait réunis le roi
de Sardaigne, et par la détresse 011
se trouvaient les républicains fran-
çais attaqués à -la-fois sur tous les
points et par toutes les puissances.
La campagne de 1794 ^^^ encore
plus fâcheuse , puisque les Français
furent sur le point de pénétrer en
Piémont, par la vallée du Tanaroj
et le duc d'Aoste y eut d'autant
moins d'occasions de signaler son
courage que les généraux autrichiens
rég'èreut seuls les opérations. Ce-
pendant vers le mois d'août 1 795 ,
le baron dc Vins engagea ce prince à
tenter une diversion au IMont- Genè-
vre, pour erapêclier les troupes fran-
26..
4o4 VTC
çaiscR (le refluer contre lui du cote
de Savonc. Quoique bien combinée ,
cette attaque encore tardive n'eut
aucun succès. Le ^4 novembre , le
gênerai Sclicrer ç;agna sur le baron
de Vins la bataille de Loauo, où les
troupes piemontaises seules ne furent
point entamc'es. Déjà le faisceau de
la coalition ciu-opéenne était rompu
par la défection de l'Espagne , de la
Prusse et de la Toscane. Mais Vic-
tor-Amcdee restait inébranlable dans
son alliance avec l'Autrirlie. Des
renforts considérables allaient lui
arriver d'Allemagne. On était même
convenu à la cour de Tinin de reje-
ter le système funeste des cordons ,
et enfin d'acir en masse. Mais l'in-
vasion subite de Buonapartc vmt
tout déconcerter. Par une suite de
mouvements rapides et d'actions
aussi heureuses que bien combinées ,
franchissant les Apennins, ce géné-
ral sépara les Austro-Sardes, inonda
la plaine, et vint aux portes de Tu-
rin dicter à Victor- A médée les con-
ditions d'une paix désastreuse. En
vain le duc d'Aoste opina fortement
dans le conseil pour la continuation
de la guerre. Six mois plus tard,
Victor-Amédée descendit au tom-
beau , léguant sa couronne mutilée
et brisée au prince de Piémont, qui ,
le iG octobre 1796. prit le nom de
Cliarles-Emanuel IV {F", ce nom au
Supplément ). Subjugué , opprimé
par la France, le nouveau roi con-
courut forcement à la conquête du
reste de l'Italie par les Français;
mais vers la fin de 1798, et à la
veille d'une nouvelle guerre, ceux-
ci résolurent de le dépouiller entière-
ment et de le forcer d'abdiquer.
C'était moins le roi qu'ils redou-
taient que son frère le duc d'Aoste ;
ce prince ayant toujours été repré-
senté commo opposé à la paix , et
Vie
nourrissant une haine implacable
contre la France républicaine. Ils le
croyaient même capable de tenter
quelque grande entreprise. L'ordre
d'arrêter le roi avec toute sa famille,
s'il se refusait à souscrire son abdi-
cation , venait d'être donné. Le géné-
ral Clausel , chargé par le général
eu chef Joubcrt de cette mission dé-
licate, voulut d'abord s'assurer de
la personne du duc d'Aoste, mais
sur les représentations du roi et de
la reine il n'insista plus • il exigea
seulement que le duc souscrivît lui-
même l'abdication de son frère • ce
que le prince fit en ces termes : « Je
» garantis que je ne porterai aucun
)) empêchement au présent acte. »
Dès-lors le roi et sa famille furent
libresdese retirer en Sardaigne. Dans
l'intervalle, le gouvernement français
avait décidé que le roi , le duc d'Aoste
et les autres princes , ses frères , se-
raient conduits prisonniers en Fran-
ce ; mais quand cet ordre arriva ,
déjà toute la famille royale était aux
portes de Parme. De là le roi et les
princes se dirigèrent sur Florence ,
où le grand-duc leur fit l'accueil que
réclamaient à-la-fois leur rang et
leurs malheurs. Au commencement
de 1799, Victor-Éraanuel partit de
Livourne pour la Sardaigne avec
ses frères, et il arriva le 3 mars en
vue de Cagliari. Là il fit une pro-
testation publique contre les violen-
ces qui l'avaient contraint d'aban-
donner ses Etats du continent. Le
gouvernement français irrité d'a-
voir laissé échapper de pareils ota-
ges présenta , dans une espèce de
manifeste, le duc d'Aoste comme un
aulrr Vieux de la montagne^ n'ayant
pas cessé d'ordonner l'assassinat des
Français à des bandes de sicaires
qu'il dirigeait. En 1799, les Austro-
Russes s'étanl emparés du Piémont,
VIG
le duc d'Aoste quitta l'île de Sardai-
gnc et vint en Italie avec le roi , son
iVcre , qui se flattait de rentrer à
ïiirin ; mais il en fut autrement:
l'Autriche lit occuper le Piémont
en son nom. Devenu ainsi le jouet
d'une politique ambitieuse , Cliarles-
Émanuel , dégoûté du monde , abdi-
qua, en 1802, le trône de Sardai-
gnc , oîi fut appelé' le duc d'Aoste ,
sous le nom de Victor-Émanuel V.
Ce prince qui avait habite successi-
vement Florence , Rome et Naples,
resta dans ce royaume , et ne vint
habiter la Sardaigne qu'au mois de
février 1806. 11 lit alors éclater ,
dans l'étroite sphère de ses États, cet
esprit d'humanité et de justice inhé-
rent aux princes de sa race. Il afVec-
tionnait singulièrement l'île de Sar-
daigne , et pendant tout le temps
de sa résidence , il ne cessa d'y per-
fectionner l'administration et d'amé-
liorer le sort du peuple. De nombreux
c'dils y régularisèrent la police et as-
surèrent l'ordre et la tranquillité. Un
conseil suprême de révision et une
commission d'amortissement pour
l'extinction des dettes de l'État fu-
rent créés. La culture des oliviers ,
des mûriers, celle des prairies artifi-
cielles furent encouragées. L'île fut
divisée en quinze départements à la
tête de chacun desquels le roi mit un
préfet. Victor-Émanuel , suivant ses
anciens goûts , mit beaucoup d'im-
portance à se créer une armée : il
forma six régiments de cavalerie et
quinze régiments d'infanterie pro-
vinciale , donnant également des
soins à la marine, pour laquelle il fit
de nouveaux règlements. Mais ces
essais d'améliorations n'eurent pas
tout le succès qu'il eu espérait. Eji
perdant le Piémont, ce prince avait
perdu la meilleure partie de ses reve-
aus , et l'île de Sardaigne olFrait peu
VIG
4oi)
de ressources. Quoique sa neutralité
eût été rccoiinue, le renouvellement
de la guerre entre l'Angleterre et la
France le plaça dans des inquié-
tudes continuelles. Ne pouvant se
soutenir que par les subsides de
l'Angleterre , Victor - Émanuel mit
toute sa politique à conserver sou
indépendance j arec un petit nom-
bre de soldats, il se maintint dans
son île, tandis que les trônes les
plus élevés s'écx'oulaieut devant
les armées de Napoléon. Mais tout-
à - coup cet homme extraordinai-
re vint offrir , par sa chute , un des
plus grands exemples des vicissi-
tudes de la fortune. Les rois ligués
et victorieux jugèrent enfin qu'ils ne
pouvaient rétablir l'ordre en Kuropc
que sur les anciennes bases ', et , par
le traité de Paris , Victor-Fiinanuel
recouvra une partie de la Savoie , le
comté de Nice , le Montferrat , le
Piémont, et toute cette partie de la
Lombardie qu'avaient acquiseVictor-
Amédée II , et son fils Gharles Ema-
nuel. Laissant la reine eu Sardaigne
avec le titre de régente, ceprincevint
dans ses États de terre ferme , et fit
sa rentrée à Turin _, le 20 mai i8i/p
La restauration inattendue de la mo-
narchie piémontaisc llatta le juste
orgueil de la nation , et combla ses
vœux. A l'arrivée de son roi le plus
vif enthousiasme se manifesta. Victor-
Émanuel retrouvait plus que l'héri-
tage de ses pères j à peine eut-il re-
passé les monts , que le congrès de
Vienne lui donna le pays de Gênes.
Ce prince marqua son rétablisse-
ment par des actes d'une véritable
restauration politique. Il reconnut
les dettes abolies par les gouverne-
ments révolutionnaires , et restitua
les biens et les rentes aux corpora-
tions. Sa sollicitude se tourna ensuite
vers ceux de ses sujets qiù l'avaient
4o6
Vie
suivi dans son exil _, après avoir com-
battu pour sa couronne. Unc'dit (ixa
rindomnitc qu'obtinrent tous les c'mi-
grcs dépouilles dans le comte de
Nice et la Savoie, et la plupart des
emplois turent confiés à des liomnies
restés fidèles; du reste, le gouverne-
ment l'ut rétjbli sur ses anciennes
bases. 11 n'y eut d'exception que
pour le pays de Gênes , où le roi se
réserva de faire des modifications
assorties aux mœurs et aux besoins
d'un peuple que des concessions im-
pcriantes , en malière de commerce,
ne pouvaient consoler de la perte de
son indépendance. Une armée toute
nouvelle l'ut organisée; les places , le
matériel de l'artillerie qui avaient
disparu , furent successivement re-
créés sans nouveaux impôts et sans
emprunt. Ainsi Turin, naîruèresiécre
u une préfecture frauçaise, et leroyau-
me de Piémont , depuis quiuze ans
ellaccde la carte de l'Europe , repa-
rurent avec leur ancienne splendeur,
leurs institutions , leur culte , leur
noblesse, leur armée, leurs finances,
leur administration. Quatre millions
et demi d'habitants, sur un sol gé-
néralement feitilc où la grande pro-
priété avait conservé son influence,
formaient la Itase de la puissance
piémontaise. Turin futembelli, agran-
di; et de su|)erbes routes s'ouvrirent
dans toutes les directions. Enfin , le
monarque,qui avait j)ris fraucliement
la morale pour base de son gou-
vernement , s'était déclaré le reslau-
raleur des droits nationaux , le chef
de sa noblesse et le père de ses pén-
ibles. 11 plaça , il est vrai, de préfé-
rence, auprès de lui, tous ses an-
ciens serviteurs ; mais en bon roi il
accueillit tous ceux que les circons-
tances ou même leur penchant avaient
jeté dans le parti révolutionnaire, et
qui semblaient revenir de bonne foi.
VIG
Si son pouvoir resta absolu, comme
celui de ses pères, sa justice n'en lut
jias moins éclairée, ni son adminis-
tration moins paternelle. Sous les
rapports politiques , son cabinet avait
recommencé son existence par des
contestations avec l'Autriche , et le
voisinage de cette puissance lui sem-
blait déjà plus importun que celui de
la France. Mais tout-à-coup l'Euro-
pe retomba dans ses anciennes agi-
tations. Buonaparte, échappé de l'île
d'Eibe , s'était remis à la tête de la
nation française, et déjà il menaçait
la tranquillité de tous les Etats. Les
troupes sardes se combinnnt aussitôt
avec les Autrichiens prirent l'ollcn-
sive vers Chanibéri et Grenoble. Le
même mouvement qui renversa bien-
tôt Murât et Huonapartc reporta les
rois de France et de jNaples sur leurs
trônes, etrailermit sur lesien Victor-
Emanuel. La France lui rendit parle
second traité de Paris la partie de la
Savoie qu'elle avait conservée par
celui de 1814. Ses droits de ])rotec-
tion sur la principauté de Monaco
furent aussi transférés à Victor-Éma-
nuel. Deux cent mille âmes ren-
trèrent ainsi sous la puissance sarde,
et tout marcha bientôt dans cette
monarchie vers le bonheur et la
prospérité. Il y eut , celte même an-
née, entre le cabinet de Turin et
celui de Vienne , des négociations
pour raccom])lissement de l'article
du traité de Vienne, par lequel les
places fortes du Piémont et delà Sa-
voie devaient être rétablies. Soit né-
gligence , soit défaut de moyens , les
travaux avançaient peu; on résolut
de leur imprimer plus d'activité.
Mais au milieu de tous les éléments
d'une prospérité générale , une sorte
de mal-aise et de fermentation tra-
vaillait tout le corps social euro-
péen 'y il était évident que toutes les
VIG
factions nées dans le sein de la révo-
lution française venaient de se rc'or-
ganisci' dans les contrées où l'on
avait l'ctabli les anciens gouverne-
ments. Vers la fin de 1819, le si-
gnal fut donné en Espagne , et des le
i«''. de janvier iBio l'étendard
d'une révolte militaire y fut arboré.
Le plan général consistait à abaisser
les rois , sous prétexte de réformes
et en les soumettant au joug d'une
constitution démocratique , sembla-
ble à celle qui avait conduit Louis
XVI à l'écliafaud. La contagion s'é-
tait étendue dans le Piémont , sur-
tout parmi les jeiuies militaires tou-
jours plus accessibles à des iunova-
tions. A les entendre , ce royaume
était sans législation fixe et dans une
espèce de barbarie. Du reste, Victor-
Émanuel n'était point éloigné de se
prêter à des améliorations qui n'eus-
sent pas détruit la monarchie dans
ses bases. Dès le mois de février
1821 , le comte de Balbe, ministre de
l'intérieur, soumit au conseil un pro-
jet de législation nouvelle , et le roi
rendit un édit très-remarquable par
lequel , rappelant l'exeniple de ses
ancêtres, attentifs à consulter l'expé-
rience et les vœux de ses peuples, il dé-
clarait sa résolution d'introduire des
améliorations dans la législation. Par
ce même édit, il créa une junte supé-
rieure , chargée d'examiner les lois
existantes, les projets déjà proposés,
et ceux qu'elle pourrait recevoir, pour
en faire un corps d'institutions con-
formes aux besoins du peuple et aux
lumières du siècle; enfin, par une pu-
blication ultérieure du 3 mars, tous
les magistrats et toutes les autorités
du royaume furent invités à seconder
la junte de leurs lumières. Mais était-
il prudent de mettre la main à des
réparations au moment même où l'on
voyait l'édifice ébranlé? Les plus fi-
VIC 407
dèles serviteurs de la couronne étaient
partagés sur cette question. Selon de
très-bons esprits, l'ordonnance royale
préparatoire des reformations allait
ouvrir en Italie la carrière des révolu-
tions qu'elle était destinée à préve-
nir. Il y eut encore quelques muis de
calme. Au commenc<bent d'août,
l'ambassadeur d'Espagne demanda
la main de la princesse Marie-Thé-
rèse , seconde fille du roi, pour l'in-
fant Charles-Louis , prince hérédi-
taire de Lucques. Ce mariage fut cé-
lébré par procuration , à Turin , le
1 5 août. Le roi, voulant conduire lui-
même la jeune princesse à son époux,
s'embarqua le i*^"". septembre à Gê-
nes , et, après avoir passé quelques
jours à Lucques, il revint dans sa
capitale. Partout il fut accueilli par
des témoignages de respect et d'a-
mour; mais au milieu de ces accla-
mations on distingua des cris précur-
seurs de l'orage, qui déjà avait
éclaté eu Esp;igne , en Portugal ,
et à l'extrémité méridionale de l'I-
talie. La jeunesse piémontaise prê-
tait l'oreille à des suggestions étran-
gères ; et tout annonçait que des
mouvements semblables allaient s'o-
pérer à Turin. Cependant le roi avait
ordonné à ses ministres d'examiner
et de suivre le projet qui devait ap-
porter des changements à la législa-
tion et à quelques branches du gou-
vernement ; et depuis le mois de
novembre le travail était suivi avec
beaucoup d'assiduité. Mais tandis
qu'on travaillait ainsi à réparer l'an-
cien édifice, les révolutionnaires pres-
sés par le besoin d'opérer une diver-
sion eu faveur des Carhonari de Na-
ples, que l'Autriche menaçait de toute
sa puissance , mirent tout en usage
pour faire éclater la sédition. Des
écrits virulents furent répandus , et
l'on y représenta les armes de l'Au-
4o8 Vie
triche comme deslinëes à asicrvir
l'Italie ; ou rappela des souvenirs
qui lie pouvaieut manquer d'aigrir
tous les esprits- euliii on s'cllbrça
d'irriter le roi lui-même contre la
cour de Vienne. Mais Victor-Ema-
nuel était trop religieux observateur
des traites. j|ps factieux , ne pouvant
se flatter de l'entraîner dans des de-
marciies hostiles contre ses alliés ^
curent recours à d'autres moyens.
Ce fut au coiimicncemeut de janvier
i8.ii que l'alUliation j)iémontaise
prit la forme d'une véritable conju-
ration j elle eut deux branches prin-
cipales : celle des partisans de la
Charte française avec une chambre
des ])airs^ et celle des partisans d'une
révolution à l'espagnole , avec une
chambre unique et un fantôme de roi,
sur les mêmes bases et avec les mê-
mes cléments qu'à Mddrid, à Naples
et à Lisbonne. Cette dernière secte ,
plus nombreuse , ayant pour elle les
sociétés secrètes , ue pouvait man-
quer de l'emjjorter. Le parti aristo-
cratique ou celui des deux, cham-
bres lui était inférieur , non en
talents ni eu ricliesses , mais en au-
dace et en activité. Ce parti était
d'ailleurs contrarié par les roya-
listes ennemis de toute forme consti-
tutionnelle. Les conciliabules , les
conférences mystérieuses , les intri-
gues scmulti|)liaicnt; il était évident
que l'ou touchait à une crise ; le gou-
vernement seul ne voyait rien e! n'en-
tendait rien. C'est le sort de tous les es-
])rits timides dans de pareilles crises;
tous les conseils , toutes les repré-
sentations deviennent inutiles. Sans
s'en douter, le gouvernement piémon-
tais se trouvait déjà placé sur le
penchant d'un abî}ue. Le 1 1 janvier,
jI y eut jiarmi les étudiants de l'uni-
ycrsitc un premier mouvement (|ui
lui réprimé par kb troupes. Le peu-
VIC
pie n'y prit aucune part ; mais cet
événement laissa dans les esprits nu
levain d'irritation qui se développa
lors de la mission du comte de liub-
na ; ou crut ce général autrichien
chargé de demander l'occupation de
qiielcjues forteresses et d'autres ga-
ranties au moment où l'armée autri-
chienne allait s'enfoncer dans la pé-
ninsule. Le gouvernement de Sardai-
gnc en était là , lorsqu'il reçut du ca-
binet français les premiers avis sur
la trame qui s'ourdissait entre Pa-
ris , Turin , Madrid et Naples, On a
expliqué la sollicitude que témoigna
la police française en iaveiir d'une
monarchie étrangère et absolue, par
le dépit de voir que l'intrigue , char-
gée de faire prévaloir à Turin la
Charte française allait être devan-
cée par la conjuration des carbo-
nari. En ellét , tandis qu'à Paris,
on faisait tout pour imjioser la Char-
te française à Victor - Éraanuel , les
démocrates gagnaient le vitesse , et
déjouaicnttous ces plans. Le marquis
de Priez, le chevalier de Perron et le
prince de La Cisterna, gravement
compromis dans les communications
faites à la cour de Turin , furent
arrêtés , .et la saisie d'une partie
de leurs ])apiers fit découvrir quel-
ques (ils de la trame. Comment tous
ces renseignements n'éclairèrent -ils
pas le gouvernement piémontais ?
et s'il fût éclairé, comment ne prit-il
aucune mesure eJlicacc ? La conspi-
ration n'était plus dqutcuse ; elle
se poursuivait ouvertement, et les
ministres de Victor-Emanuel étaient
seuls dans le doute et l'hésitation.
L'Autriche avait en elïét demande
quelques garanties, taudis que son
armée allait marcher contre les ré-
voliilionnaires de ]Na])!is. Le roi,
plein de conliancc dans l'antique fi-
dclilé de ses sujets, persuadé qu'il
))Oiivuit compter sur celle de ses
1rouj)cs et de tant d'ollicicrs qui lui
deviiieiit tout, ri'hesila j)as de ré-
pondre qu'il était certain de leur
obéissance , el que l'opération de Na-
ples ne serait pas troublée. Il est
faux, du reste, que ce prince se
fût oblige envers l'Autriclie à n'in-
troduire aucune nouvfauîe dans ses
États. Cependant la découverte de
quelques-uns des fils de la trame
devint uu vif stimulant pour les
conspirateurs ; el ils se concertèrent
dans des conciliabules pour ne plus
dille'rer l'exjilosion. Sur le refus du
ç,éuérA GiillenQ;a de se mettre à la
Icte du mouvement, quatre des prin-
cipaux meneurs , Santa-Rusa , Colle-
guo , Lisio et Charles Asinari, firent
au prince de Carignan (G mars) Ja
proposition directe de forcer le roi
Victor- Émanuel à faire des conces-
sions, c'est-à-dire à chanç];er la forme
du gouvernement et à déclarer la guer-
re à l'Autriche. Le mouvement devait
s'elTectuer le lendemain; mais le prin-
ce alia , dit-on , révéler la conjura-
tion au roi, sans pourtant lui nom-
mer les coupables, et il prit des me-
sures telles qu'il fit avorter, ce j our-là,
le complot. Toutefois, comme ses i-a-
miflcalious s'étendaient à Alexandrie,
aucun obstacle ne l'empêcha d'écla-
ter dans cette ville ; et dans la soirée
du 9 mars les conjures s'emparèrent
de la citadelle, y arborèrent l'eteu-
dard de la révolte , et proclamèrent
la constitution d'Espagne. A la pre-
mière nouvelle de celte insurrection ,
Victor-Emanuel se rendit de Mont-
calier à Turin , et il convoqua ses
ministres et son conseil. Après une
longue délibération , ou rédige^^fce
déclaration royale dout l'objet jmii-
cipal était de démentir les bruits
l'épandus par les chefs de la sédi-
tion , et d'après lesquels l'Autri-
Vie 4orj
che aurait demandé le licenciement
des troupes et l'occupation des forte-
resses. L'intention du roi était de se
mettre à la tête de .sa garde , de la
garnison de Turin et de marcher
sur Alexandrie, regardée comme le
point central de l'insurrection. La
garnison de Turin avait pris les ar-
mes , elle garnissait la place Royale
et celle du château ; toutes les
trouj)es paraissaient dans les meil-
leures dispositions. Les habitants ,
sachantquele roi devait se présenter
à elles, se jjortèrent en foule sut la
place du château, afin d'accueillir
leur souverain par des acclamations.
Le 1 1 mars , tous les ordres étaient
donnés pour celte revue, lorsqu'un
rassemblement d'étudiants et de car-
bonari se forma hors de la Porte-
Meuve , et se joignit à une compa-
gnie de la légion légère, qui donna le
signal de la défection. Cependant tout
ce rassemblement , qui se porta sur
Saint -Salvaire près de Turin, ne
s'élevait pas à trois cents hommes,
mal armés. L'apparition des troupes
de la garnison aurait sufu pour le
disperser. Ou pouvait disposer du
régiment de Piémont , parfaitement
sûr , qui était à cheval , sur la place
du château. Déjà le chevalier deRe-
vel , gouverneur de Turin , avait or-
donné aux carabiniers et à des déta-
chements des gardes démarcher à la
Porte-Neuve , dans l'intention d'atta-
quer les factieux. Le gouverneur et
toute la ville espéraient que le roi
monterait à cheval et viendrait se
mofitrer à ses troupes ; mais tout-
à-coup la porte du palais est fermée,
le prince ne monte plus à che-
val , et avant que le gouverneur
]>ût se porter vers le rassemlde-
mcnt, les carabiniers et les autres
troupes ont reçu l'ordre de rétro-
grader. Qui retint le roi ? Qui liii
4io VIG
donna le conseil de se tenir enfermé
dans son palais ? fut-ce l'incapacité ,
la faiblesse , ou nne sollicitude troj)
vive pour la personne du monarque?
Ce qu'il y a de sûr , c'est que ceux,
qui retinrent ainsi Victor-Émanucl fu-
rent la cause immédiate dr. ti'iom-
plie momentané de la révolution j ils
îui'ent des conseillers lâches ou per-
fides , si, pour le dissuader d'agir ,
ils profitèrent des dispositions de
ce prince qui , de même que Louis
XVI , ne voulait pas verser le
sang de ses sujets. Toutefois les
rassemblements de la Porte-Neuve ,
voyant que le peuple ne répondait
point à leur appel , et s'ellrayant
de la seule immobilité des régi-
ments fidèles y se dirigèrent sur
Alexandrie , oîi les rebelles avaient
leur centre de ralliement. Le seul
parti à prendre pour le monarque
était évidemment alors de marclier
contre ce foyer de révolte ; mais on
craignait que le petit nombre d'Au-
trichiens disponibles ne, suffit pas
contre l'explosion de cette fureur de
révolution qui fermentait depuis trois
ans en Italie ; on crut que la dé-
fection était générale. Dans le conseil
le ministre de la guerre, Alexandre de
Saluées , fut d'avis qu'on déterminât
le prince deCarignan à prendre , vis-
à-vis des troupes , une altitude déci-
sive et propre à repousser les insinua-
tions des conspirateurs sur les dis-
positions de l'héritier du trône. Ce
fut alors que le marquis de Saint-
Marsan, ministre des affaires étran-
gères , arri\a de Laybach , où étaient
réunis les monarques de la Sainte-
Alliance ; il rendit compte au roi de
leurrésolution unanime décomprimer
par la force des armes tous les révo-
lutionnaires , et de faire marcher sur
Naples une armée imposante. Dès ce
moment , tout le conseil fut d'accord
Vie
sur le parti qu'il y avait à prendre.
Le roi l'adopta; car il pouvait enco-
re tout ce qu'on eût jugé nécessaire
au salut de la monarchie. Sur l'avis
de ses ministres , il parut dans la fer-
me intention de se porter, avec la
plus grande partie de la garnison de
Turin , sur Asti , et de Là sur Alexan-
drie. Toutes les dispositions furent
faites en conséquence^ dans la nuit
du 1 1 au 12 mars ; et l'on rédigea
deux déclarations que le roi signa ;
mais les conspirateurs , qui savaient
tout ce qui se jiassait dans le conseil,
agissaient aussi de leur côté. Dans
cette même nuit, la capitale se rem-
plit de fauteurs et d'instruments de
troubles; et le lendemain , l'aspect de
Turin parut tout-à-fait changé. Ce-
pendant le véritable peuple de cette
ville était encore le même. Les pre-
miers moteurs auraient voulu une
constitution à la manière française ^
c'est-à-dire, deux chambres et la pai-
rie ; mais voyant leur peu de consis-
tance, l'inutilité de leurs tentatives et
la fidélitédcs Piémontais , ils aggravè-
rent leurs torts, en s'alliant aux car-
bonari. Ainsi renforcé , en présence
d'un gouvernement irrésolu , timide,
le parti de la rébellion se montra
plus audacieux ; et tout sembla déses-
péré. La garnison de la citadelle
ayant été formée par des traîtres, les
factieux s'étaient concertés dans la
nuit, pour y arborer l'étendard de
la révolte. Le lendemain, vers midi,
au moment où les deux déclarations
royales allaient paraître , le canon
annonça la surprise de la citadelle ;
et le trône de Victor - Émanuel fut
renversé. Le commandant Desgen-
cy^fcrictime de sa fidélité, était tom-
bé ^us le fer des assassins. Les trou-
pes , qui n'étaient pas dans le com-
plot, surprises et comprimées, ne
purent pas même faire usage de leurs
vie
armes. La crainte cliime'rique d'ex-
poser sa capitale au bombarclcment,
et de taire répandre ic sanp; de ses
sujets, remplissait dès-lors tontes les
pensées dn monarque. Qu'on se re-
présente la citadelle tombée au pou-
voir des factieux, la populace dans
la rue Neuve, et la révolte prenant
un caractère menaçant. Ce fut alors
que l'on décida , dans le conseil , que
les deux jsroclamations royales ne
seraient pas afllclices. Déjà les fac-
tieux avaient signilic qu'ils voulaient
la constitution d'Espagne et la
guerre, avec V Autriche. Le roi ne
pouvait se soumettre à de pareilles
conditioi]s. Persuade , d'un autre cô-
te , que sa résistance amènerait les
plus grands mallieurs, il eut recours
à l'abdication. Selon l'auteur de la
relation de la Révolution piémon-
taise et l'un des plus importants
personna.ges qui y aient liguië(i),
cette abdication perdit l'État ; et
le prince fut trompe par de mau-
vais conseillers. Trahi par ceux
mêmes qu'il venait de combler de
bienfaits , et ne voulant pas pro-
mettre ce qu'il n'avait nulle intention
de tenir, ce que réprouvait sa cons-
cience, Victor - Emanuel renonça à
une couronne qu'il n'aurait continué
déporter que pour autoriser la guer-
re, l'envaliissement de ses états et le
malheur de ses sujets. L'heureuse
absence du duc de Genevois , son
frère (2), qui s'était rendu au -de-
vant du roi de Naples, à Modène, et
l'incident fortuit qui suspendit son
retour , sauvèrent la monarchie pié-
montaiso. Le roi jugea que son ab-
dication conservait les droits de la
couronne; que si au contraire il ne
se dépouillait pas d'un simulacre de
(i) Le comte de Saulorre de Santa-Rosa.
(2) Cbarles-Felix , aujourd'hui roi régnant.
Vie 4ii
royauté, que s'il s'avilissait par des
concessions et des promesses, s'il s'a-
baissc'iit à feindre, il servirait d'ins-
trument et d'appui à la révolte. Ce
fut par tous ces motifs que Victor-
Émanuel signa, le 12 mars i8'2i ,1a
minute de son abdication. Ses ser-
viteurs lui représenté iTut alors la
nécessité d'avoir à sa disposition une
somme d'argent; et ils î'engagèient
même à doubler celle dont il de-
vait se pourvoir. Le ministre des fi-
nances lui présenta l'ordre à cet ef-
fet. Minuit était sonné : J'ai abdi-
qué, dit-il; je n ai plus le pouvoir
de signer. On lui représenta que la
minute n'était point l'acte lui-même j
que d'ailleurs , puisqu'il ne le signe-
rait que le 1 3, ou devait lui faire porter
cette date. Alors seulement il consen-
tit à ordonnancer le mandat du tré-
sor destiné cà son usage. Dans l'ab-
sence du duc de Genevois, il nomma
le prince de Carignan régent du royau-
me , ne se réservant que le titre
de roi et une pension d'un millioa
de livres. Dès que l'acte fut signé,
le souverneur de Turin et tous les
ministres , sans en excepter un seul ,
prirent de concert la résolution de se
démettre de leurs charges. Un petit
nombre de serviteurs fidèles n'avait
pas quitté le palais pendant les jour-
nées du 1 1 et du 1 2 mars. Ils avaient
veillé pendant deux nuits entières
auprès du cabinet du roi, dans l'at-
tente de sa résolution. Ils ne purent
que lui faire connaître leur dévoue-
ment ; et le 1 3 mars , à cinq heures du
matin , ils l'accompagnèrent à son
carrosse , en versant des larmes. « Ce
» n'est pas une émigration, leur dit-
)) il ; je reviendrai ])armi vous, com-
» me au temps où j'étais le duc
» d'Aoste, et je n'aurai plus les soins,
» les peines du trône. » Il s'éloigna
de Turin avec la reine , deux prin-
4r2 VIG
cesses et une suite d'environ vingt
voitures , sous l'escorte d'un régi-
ment de cavalerie, commande' par le
gênerai Gifflenga , et dans l'intention
de se rendre à Nice. Le voyage fut
retarde par une indisposition qui le
retint à Tende, à Sospello et à Les-
carena. Ce prince recueillit sur son
passage de nombreux témoignages
de douleur et de respect. Décide à
entrer dans Nice sans bruit et sans
éclat, il y arriva le u i mars , à onze
heures du soir. Sa seule présence y
contint les révolutionnaires , qui s'a-
gitaient pour se mettre en rapport
avec ceux de Turin et d'Alexandrie.
Déjà son abdication avait déconcerté
les chefs de l'insurrection. Tout en
cédant à leins vœux , le prince de
Carignan avait envoyé , par des cour-
riers, sa soumission au duc de Gene-
vois. Ce prince accepta la couronne;
mais il diiFéra de prendre le titre de
roi jusqu'à ce que son frère, placé
dans une situation parfaitement li-
bre, pût lui faire connaître que telle
était réellement sa volonté. On sait
que si la contre- révolution se fit en-
suite, en moins de cinq jours, à Tu-
rin, ce fut parce que Charles -Félix
osa regarder la révolte en face , et
qu'il encouragea franchement la fi-
délité. Victor - Émanuel , persistant
dans son premier dessein , et se fon-
dant sur les mêmes motifs, confirma
son abdication, le 19 avril, par un
acte nouveau , dont il ne fat plus
possible de suspecter la sincérité. Ce
fut alors seulement que le frère de ce
prince , cédant à un vœu si librement
et si positivement exprimé, notifia
son avènement. Victor -Émanuel ne
resta pas long - temps à Nice : il se
rendit d'abord à Modène ; et dès l'an-
née suivante ( le 8 juin 1B22 ) , il ar-
riva subitement à Turin. Les deux
souverains étaient seuls dans le secret
Vie
de ce voyage. Charles -Félix alla au-
devant de lui jusqu'à Montcalier j et
l'entrevue fut extrêmement touchante.
Victor-Émanuel alla habiter le châ-
teau de Montcalier; et ce fut dans
cette paisible retraite qu'il passa les
dernières années de sa vie. 11 y mou-
rut le 10 janvier î8'i/|., après quel-
ques jours d'une maladie dont les
symptômes s'aggravèrent subitement.
Tous les honneurs de la souveraineté
furent rendus à sa dépouille mortelle-
et elle fut déposée dans la basilique
royale de la Superga, Charles -Félix
pleura sincèrement sur la tombe d'un
frère qui avait mieux aimé lui céder
ses droits que de fléchir devant la ré-
volte. B — p.
VICTORIA (Don Vincent),
peintre, né à Valence en iG58, re-
çut dans cette ville les premiers élé-
ments de l'art dans lequel il devait
se faire une grande réputation. Le
besoin de perfectionner son talent
le conduisit à Rome, oîi il entra
dans l'école de Carie Waratle. Ne
se bornant pas à profiter des le-
çons de cet habile maîti'e , il y
joignit l'étude de l'anatomie , de
l'antique et des plus beaux ouvra-
ges de Raphaël. Il devint aussi
profond dans la science des antiqui-
tés, qu'habile dans l'art de la pein-
tui-e, et les érudits de son temps lui
accordèrent leur estime, La délica-
tesse de son goût , sou savoir et l'a-
mabilité de son caractère lui acqui-
rent l'amitié de ce que Rome renfer-
mait à cette époque de personnages
les plus recommauJables. Les pein-
tures dont il orna diverses églises de
Rome consolidèrent sa réputation ,
et notamment le tableau qui décore
l'église des religieuses de la Concep-
tion , au Champ de Mars , que l'on
a souvent attribué à Carie Maratte.
Sa réputation se répandit bientôt
VIG
dans toute l'Italie, et lui attira la
faveur du grand-duc de Toscane,
Côine III , qui le nomma son peintre
et exigea qu'il fît son propre portrait
pour être placé dans le cabinet des
jicintrcs célèbres , qui fait partie de
Ja grande galerie de Florence. Ayant
oljtenu, pour récompense de ses tra-
vaux, un riche canonicat à Xativa ,
près Valence, il revint dans sa pa-
trie, et choisit pour asile une char-
mante maison de campagne , peu
éloignée de la ville; il l'embellit de
])eintures, et y forma une galerie
d'objets d'art, de tableaux et de
dessins précieux. Lorsque Malvasia
publia son ouvrage , la Felsina
Pittrice , Victoria crut devoir en-
treprendre la défense de Raphaël
et de l'école romaine , que l'auteur
avait trop souvent sacrifiés aux Car-
ra ches et à l'école bolonaise. Cette
réfutation , qu'il publia sous le titre
d' Osseivazioni sopra il libro dcdlcc
Felsina Pittrice , se compose d'une
série de lettres adressées à ses amis
depuis le i5 mars jusqu'au 3 octo-
bre i6']g. C'est en vain que Zanotti
entreprit de le combattre; la victoi-
re demeura à Victoria , qui avait
pour lui l'avantage de la vérité et
de la raison. Cependant le souvenir
de Rome le poursuivait jusque dans
la paisible retraite qu'il s'était choi-
sie ; il ne put résister au désir de revoir
cette ville. Le pape , pour reconnaî-
tre son mérite, le nomma son anti-
quaire; et il vit les artistes, les sa-
vants et les plus habiles professeurs
se faire un devoir de le consulter.
Non content de cultiver les arts du
dessin, il s'essaya avec succès à faire
des vers , et dans ses loisirs il s'oc-
cupait d'iuic Histoire de la pein-
ture, que la mort l'empêcha de ter-
miner. Pour apprécier son mérite ,
comme peintre, il faut avoir vu les
Vie
4i3
ouvrages dont il a enrichi , en Espa-
gne , Valence, Morella et Forçai.
Quant à ceux que possède l'Italie, en
grand nombre , on les a souvent fait
passer pour être de Carie Maratte ;
c'esjt assez dire quel est leur mérite.
Victoria est très - recommandable
par son talent pour peindre le por-
trait. Il grava , pour le grand-duc de
Toscane, le célèbre tableau de Ra-
phaël, connu sous le nom de la Vier-
ge de Foligno. Cette estampe est ex-
trêmement rare. On lui doit encore
deux autres pièces gravées d'après
les deux beaux tableaux de Cire Fer-
ri , qui représentent la Cèrie et lajRe-
surrection de Jésus-Christ. Cet artis-
te ^ qui faithonneuràl'école espagno-
le, mourut à Rome en 1712. P — s.
VICTORIN ( M. PiAuroNWs
FiCTORINUS ÀUGVSTUS ) ;, l'un
des trente tyrans, était fils de la cé-
lèbre Vietorine ( F. ce nom , ci-des-
sous ). Il fut associé par Posthume à
l'empire . vers la fin de l'année 264 ,
et ce choix fut confirmé par l'armée.
Après la mort de Posthume et de
Loblien , il resta seul maître des
Gaules ; et son autorité s'étendit en
Espagne et dans la Grande-Bre-
tagne. Il repoussa toutes les atta-
ques de Gallien, et il aurait sans
doute affermi son pouvoir , si le goût
excessif qu'il avait pour les fem-
mes ne l'eût entraîné dans des
désordres qui causèrent sa chute.
Un greffier , nommé Atficius, dont
il avait outragé l'épouse , parvint à
faire partager son ressentiment aux
soldats , et Victorin fut tué dans une
sédition , au commencement de l'an
'>.68. Un passage de Trébellius Pol-
lioK ( Hist. des trente tyrans ) don-
ne une haute idée des qualités de ce
personnage. On lecoraparait,dit-ii , à
Trajan,pour le courage; à Mare. An-
tonin , pour la clémence ; à Ncrva ,
4i4
Vie
pour la gravité ; à Vespasien , pour
l'cconomie; et enfin à Pcrtinax et à
Sévère, pour l'amonrde.'a discipline.
Victuriu , son lils ,lui fit décerner les
honneurs divins;(lu moins ou peut le
conjecturer d'après quelt[iies nic4ail-
lesde ce prince, ([ui représentent une
aputlieose. — Victorin ( L. Aure-
lius Piauvonius rictorinus y/ugits-
tus ) , lils du précédenl, fut déclaré
Auguste [)ar son pi-re , et proclamé
eiu[)crcur par les logions stationnées
à Cologne, après la mort decelui-ci;
mais quelques jours plus tard il lut
massacré dans une nouvelle sédition ,
et in liiimé près de son père. Trébclhus
Polliou dit qu'on voyait leurs tom-
beaux près de Cologne, couverts de
petites tables de marbre, dont l'une
portait cette inscription : Ici repo-
sent les deux tyrans f'iclorins. On
a des médailles du père, dans tous
les métaux ; mais on n'en connaît
du lils qu'en billon et en peiit bronze.
W— s.
VIGTORIN DE FELlUli, lim
des plus cclibiesinstituteursquel'Ita-
lie ait produits au quinzième siècle ,
était ne vers 1379, dans la ville dont
il prit le nom , de parents honnêtes,
mais si pauvres, qu'ds mampiaient
souvent des choses les plus nécessai-
res. Ayant été envoyé dans sa jeu-
uesse a Padoue, pour y faire ses étu-
des, il se rendit très-habile dans la
grammaire , la dialectique et la |)hi-
losophie. 11 voulut acquérir des con-
naissances dans les mathématiques,
et suivit quelque temps les leçons
d'un certain Biaise Pelacani ; mais
ne pouvant pas acquitter la faible ré-
tribution que ce maître exigeait de
ses élèves, il prit le parti d'étudier seul
cette science , et il v tildes progrès as-
sez grands pour donner de la jalou-
sie à Pelacani même. Il apprit le
grec de Guarin de Vérone ( Foy. ce
Vie
nom ), et il en reçut tant de preuves
de bienveillance, qu'il conserva toute
sa vie pour lui l'attachement d'un
fils pour son père. Les talents de
Victoriu lui méritèrent, en y^ii , la
double ch;iire do rhétorique et de
phi'osophic à l'université de Padoue;
mais impatienté de ne pouvoir pas
corriger ses élèves de leurs habitudes
vicieuses , il rés'gna cet emploi , dès
l'année suivante , et se rendit à Ve-
nise, où il établit une école qui fut
bientôt très-IVéquenlée. En 14^5,
.lean-Fraiiçoi?de Gouzigue , seigneur
de iMauloue , l'appela dans celte ville
pour soigner l'eduealion de ses en-
fants. Ce prince assigna un traite-
ment honorable à Victorin , et lui
donna la jouissance d'une maison
commode et assez va:ite pour qu'il
]>ût y loger avec ses écoliers, dont
le nombre s'accroissait chaque jour.
L'école de Victorin ;i) devint si
célèbre, qu'on y vit accoiu'ir une
fouie d'élives de toutes les parties de
l'Italie, de la France, de l'Allema-
gne et même de la Grèce. Il s'associa
les maîtres les plus habiles dans tous
les genres , et parvint de cette ma-
nière à réunir tous les moyens imagi-
nables d'instruction pour les let-
tres, pour les sciences et pour les
beaux-arts. Il ne se bornait point à
cultiver l'esprit de ses élèves; il s'at-
tachait à former leur caractère , à
développe)- leurs dispositions bien-
faisantes , et à leur inspirer l'amour
du bon et de l'honnête. Il reprenait
avec douceur ceux qui s'éc;. riaient
de leurs devoirs , et , j oignant '?. beau-
coup de patience une grande ferme-
té , il travaillait sans cesse à com-
battre leurs mauvais penchants , en
Cl) J'or. la nulice lue sur cel établissement, par
le chevalier Viucent AoUuori , à l'académie de
Gcorgophilcs de Floreocc, le lo avril lii'iiRevue
enrycl. , XVIH , i5 , et XIX , ï3i ).
vie
même temps qu'il leur offrait dans sa
propreconduite le modèle parfait de
loute.s les vertus. Sa table clail simple
et frugale, mais servie abondam-
meut. 11 mangeait avec ses élèves ,
plaçant près de lui les plus dociles ,
sans distinction de rang ni de fortu-
ne. Il nourrissait et entretenait à ses
frais (2) ceux dont les parents étaient
pauvres. Chaque année il consacrait
ses bénéfices à soulager des malheu-
reux , à doter des (illcs vertueuses , à
racheter des captifs. A peine, dit Ti-
raboschi , peut-on croire ([ue, dans
un siècle encore grossier, il se soit
trouvé un homme tel que Victorin.
Ce digne maître fut enlevé aux let-
tres et à ses élèves , le i février i 447»
à l'âge de soixante-huit ans. 11 ne
laissait pas de quoi fournir aux frais
de ses obsèques ; mais tous les habi-
tants de Mantoue s'empressèrent d'y
contribuer, et il fut inhumé avec
pompe dans l'église di San Spirito.
Le Prendilacqua , l'un de ses élèves
et son meilleur biographe, assure
qu'il avait composé dans sa jeunesse
des poésies latines et italiennes; mais
il n'en reste aucun fragment. On ne
connaît de lui qu'une seule Lettre
adressée au savant Traversari , plus
connu sous le nom d'Ambroise le
Camaldule , son ami. Le P. iNIitta-
relli l'a publiée, en 1779, dans le
Catalogue des manuscrits de la bi-
bliothèque de Saint' Michel , pag.
1207. Tous les contemporains de
Victorin ne donnent pas moins d'élo-
ges à ses talents qu'à son caractère
et à ses vertus; mais son premier ti-
tre de gloire sera toujours d'avoir
formé un si grand nombre d'élèves
(î) Saxolin ou Sassu'jlo , 1 in des elèies de Vic-
lorin , donne des détails louclmut? sur les soins
qu'il en recevait, dans nne Lrllre à Lcion. Dali,
publiée par D. Maiii.M. dans I' fmnUssim. collec-
lio, III, 84:?.
Vie 4i5
distingués, parmi lesquels nous cite-
rons seulement George de Trcbizon-
di;, Tliéod. (iaza , J. Andréa, l'évê-
que d'Alerie, et Jacq. Cassiani ou
de San-Cassiano, de Crémone, qui
lui succéda dans la direction de son
école. George de Trebizonde lui dé-
dia son opuscule : De artificio cice-
ronianœ orationis pro Q. Li^ario
(3). L'évèque d'Alerie a payé un
juste tribut d'éloges à sa mémoire,
dans la dédicace de son édition de
TiteLive (/^). Ou peut consulter,
pour plus de détails, la Fie de Vic-
torin , par Prendilacqua , publiée
avec des notes, par Jacq. IMorelli.
Tiraboschi en a donné l'extrait dans
la Storia délia Ici ter at. it al. , vi,
ioi(i-'i3. VV — s.
VICTORINE {AvBELiA Victo-
r.ixj Pu, Feux , Aveu ST a) , im-
pératrice dans les Gaules, était,
suivant quelques auteurs, la sœur de
Posthume. Douée de qualités que la
nature accorde rarement à son sexe,
elle signala sa valeur contre Gallien ,
et sut mériter la confiance des sol-
dats qui lui décernèrent le titre de
mère des camps {Mater castrorum).
Elle se fit déclarer Auguste , et enga-
gea Posthume à s'associer Victorin
son fils ( Voy. le nom ci- dessus ).
Après la mort de Victorin , elle fit
reconnaître son petit-fils empereur ;
mais le jeune prince ayant subi le
sort de son père , elle disposa de
l'empire des Gaules en faveur de Ma-
rius , et ensuite de Tétricus. Cette
princesse mourut au milieu de l'an
a68 , laissant une réputation égale à
(3) On trouve cette dtdicace. dans la Bibliolh.
Smilli., ■>,'. paît. , CL\X.
(4) Celte édition cCaal tris-rare, on ne sera peut-
être pas iàthe de savoir que la dédicace a élé re-
produite par Smitb , dans le Catalo^. de sa liihlio-
thèque. ■>'. r-rt. LXXXIl; et par le card. Oueri-
ni , dans J' Ipp^-dne à li fie du pape Paul 11 , et
dansson traité : Z>e o^/ .'■■<>,• ariptor. ediliondius ,
i5o.
4i6 vie
celle de Zpnobie(/^. ce nom) avec qui
J'iiistoire l'a comparée. Trëbellius
PoHion l'a comptée parmi les trente
tvrans qui se disputèrent l'empire,
sous leri'gnede Gallieujmaisil n'ap-
jircnd aucune particularité' de la vie
de cette princesse : on battit , dit-il ,
à soncmj)rcinle,dcs monnaies de cui-
vre, d'or et d'argent dont le coin exis-
te encore aujourd'hui ( vers 3oo ) a
Trêves. Cependant les médailles de
Victorine sont fort rares. D'Knnery
en possédait en pf'tit bronze, qui la
représentent la tète couverte d'un cas-
que , avec la légende imp. ï'ictoria
auç,. : au revers , raif;le tenant la fou-
dre , les ailes déployées , et su-dessus
le mot Consecralio. Voy. V Histoire
(les empereurs par Beauvais, II,
(i5. W— s.
VICTORINUS {Fahius Ma-
nius ), orateur, rhéteur et {grammai-
rien du (piatrième siècle , naquit en
Afrique, et sans doute étudia à Car-
tilage , professa long-temps à Rome
avec beaucoup d'éclat, et mourut
sous Valentiiiien et Valens , en i'jo.
Il fut pa'ien pendant la plus grande
partie de sa vie ; et il se convertit
enfin au christianisme ( f^oj'. Saint
Augustin, Confcss. , liv. viii ,i,5,
1 1 ; , circonstance qui sans doute
contribua à lui ouvrir la route des
honneurs ; car s'il faut en croire la
plupart des manuscrits où après les
mots Fab. Murii f'ictorini , on lit :
r. Coss. ou viri consiilaris , on ne
jicut guère se dispenser d'admettre
quenotrcgrammairien aitgcrelc con-
sulat. IiC titre de consulaire était
souvent donné à des gouverneurs de
diocèse ou de province qui n'avaient
jamais porté celui de consul ; mais
on doit remarquer que ceux-ci dans
la langue administrative étaient qua-
lifiés de consiihirt-s et non pas de
viri corasi/iarei, distinction que pré-
VÎC
senteraicnt naturellement aussi en
français les expressions de consu-
laire et personnage consulaire.
D'un autre côté, comme le nom de
iNIarius Victorinus ne se rencontre
point dans les Fastes , on doit con-
clure qu'il avait été consul subro-
gé , distinction honorifique bien
moins recherchée que la ]>lace de
consul en litre , mais par là mcmc
plus en harmonie avec la naissance
et les antécédents du grammairien.
On peut remarquer a ce propos
que le nom de Fabius est sans d.oute
une con uption de celui de Flavius.
Kn elVet, outre que l'adulation avait
rendu commun le nom de Flavius ,
qui était celui de Constance-Chlore ,
Constantin , Ctmstant , Constance
II, etc. , et qu'il y a pre<=que homo-
nymie entre les mots Fabius et Fla-
vius (en grec surtout où ils s'écrivent
«l'alto; , <l>âÇ., et <I'/â'^'f.oç , <l').âo. ) ,
un grammairien attaché par état à
la régularité minutieuse de toutes
les parties de l'idiome romain devait
tenir à avoir le prœnoinen , le jio-
tiicn et Vagnomen anciennement
usités. Or , Flavius était devenu par
l'usage vm véritable prénom , tandis
que Fabius était resté le nom d'une
famille. Observons cependant que
quelques manuscrits doiment , on ne
sait il est vrai sur quelle autorité, le
jwénom de Caïus h notre auteur; de
>orte (|u'alors il aurait deux noms
de fanidle , anomalie que justifient
plusieurs exemples, entre aulres ce-
lui du célèbre Q. Fannius Khcnmius
Palœmon. Quant à ceux qin écrivent
Maximus rictoriiuis , soit qu'ils
admettent deux grammairiens du
nom de Victorinus , soit qu'ils n'en
admettent qu'un , il est facile non-
seulement de les convaincre d'er-
reur ]xir l'uniformité presque corn
plcte des manuscrits où on lit
vie
Marins , mais encore d'assigner la
cause de cette erreur occasionnée
d'abord par la ressemblance des
noms et c-nsuile par l'habitude de
joindre au nom de Fabius celui de
Maximus , parce que les Maxi-
mes étaient une des branches les
])his dlustres do la f.imillc F.ibius.
JNous avons de Viotorinus phisiciirs
ouvrages parmi lesquels ceux qui
roulent sur la grammaire et les let-
tres occupent !e ])remier rang : 1.
Un Traite , en iv livres , de la Pro-
nonciation, de l'Orthographe et de la
Versilicalion , intitule ordinairement
De orlkographià , carminé hcroicu ,
rations metroriim, ou De re graïu-
maticd , orlh. , carni. lier. , rat.
inetr. lib. ir , Tubiug. , iSS^ , in-H'^.
(e'dit. de Joach.Camerarius) i584,
in-H*^. ( imprime avec ïerentianus
Maurus ) et dans les Gramniiilici
antiijui de Putsch, i6o5, iu-4". ,
]). 1939. Celui-ci est un de ceux qui
admettent à tort deux Victorinus ,
l'un qu'ils nomment Marins , l'autre
auquel ils donnent le surnom de Maxi-
mus. Ce Traite' a aussi été publié à
Eàle, i^s-j, iu-8". ; mais sous le
titre de : De enuncialiune littcra-
rum , orthographia et metris conii-
cis. II. Des Commentaires sur les li-
vres de l'Invention de (.icéron ( Ex-
pos ilio in Ciceronis Rhet. sive de
inventione libros u) , Milan, Ant.
Zarotti, 1474? in-fol. ; Paris, As-
censius, i5oS, iu-fol., ibid. , Kob.
Eslicnne, i537,in-4". ; avec Asco-
uiusl'édianus, Venise, i5'2 2,in-8 '.;
dans la collection des Rhéteurs de
Pithou , Paris , iSgg , in-4<-". , page
■J9 , ou page lou, edit. de Cappe-
ronnicr , Sliasbourg, 175G, in-4".
Les autres écrits actuellement subsis-
tants sont : II j. Un Traité de la
Trinité contre les Ariens , en iv li-
vres. IV. Un Traité contre le ma-
XLvni.
Vie 417
nichéen Justin. V. Un Traité sur le
commencement du jour ( en latin De
principio diei ou Deprincipioprimœ
diei. Ces deux Ouvrages ont été im-
primés, Paris, Sirmoud, i(i3o,in-8o.
VI. Un Traité de la génération du
Verbe ^ contre l'arien Candide ( et
non , comme le disent quelipies-uns ,
Candiduni Arianiun) , publié avec
\(i'iCoiici'ptioni'S (\.c Jacq. Zicgier sur
la (jenèse, Baie, i5.>,8, in-fyl. , et
i54o, puis dans rilcré.siulogicd'Hé-
rold , pag. 1 7 I , cl lesOrthodoxogra-
phes, iôSj, jtag. 4^1» enfin dans
Kiviuus ( pag. 238) , qui le joint au
Traité de Candide, imprimé, pag.
2>.3 et suiv. Le P. Mabillon a publié
également (^««aZc5, t. VI, p. i53,
édit. nouv. ) l'ouviage de Candide
et sa réfutation. Selon Ziegler, les iv
livres sur la Trinité ne sont que la
suite de celte réfutation. Vil. Une
Traduction de V Introduction {Isa-
gages) de For/dn re, etc. VIII. Un
Poème d'environ six cents vers héroï-
ques sur la mort des sept Machabées
et de leur mère ( dans Kivinus , avec
notes, pag. 1G7, et parmi les poètes
chrétiens publiés par G. Fabricius ,
i5G4). Ce poème est aussi attribué
à un certain INictarius. IX. Trois
Hymnes sur la Trinité, ou, selon
d'autres , Trois Hymnes sur la né-
cessité d'admettre la consubstan-
tialité ( de IJorioiisio recipitndo )
dansRivinus, Gotha , i(i5'2, iu-8''.,
pag. U08. Ces titres, ainsi portés sur
lousles Catalogues, sont faulifs. L'ou-
vrage contient Trois II j urnes , et
une Dissertation sur la consubstan-
tialité. Les hvmncs sont en prose et
trcspiates; la Dissertation i-^lvii\n\.i-
tieiise etpédanlc.^qne ; mais elle prou-
ve , ce qui est le premier de tous les
mérites. Ces quatre morceaux , ainsi
que le Traité contre les Ariens, le
livre contre Justin , le De principio
2-].
4i8
vie
(iiei, et le pocmc sur les Macliabees
se trouvent aussi dans le tome iv de
la grande bibliollicquc des Pères,
Lyon, 16-75. Rivinus {Prœjat. ad
scripta duorum Fictorinorum ) s'c-
touue que l'on n'y ait pas insère le
Traité de la Génération duVtrhe.
11 paraît que Vicforiuus avait com-
pose lui commentaire sur les Lettres
de saint Paul ( Saint Jcrôme ) , et
des syllogismes hypothëliques ( Gas-
siodore, DialccHifiie). P — ot.
VICTOUIUS. Foy. Vi£ttori.
VICTOUIUS {Marianiis). Voy.
Victor.
VIGTRICIUS (Saint) , cvêque
de Rouen et patron des marins , na-
quit dans les Gaules vers l'an 33o ,
et fut d'abord soldat dans les armées
romaines. Ayant embrasse le cliris-
tianisnic , il fut condamne à avoir la
tête tranchée; mais au moment de
l'exécution , si l'on en croit saint
Paulin , le bourreau fut frappe de
cécité miraculeusement. Yictricius
obtint alors sa grâce , et alla vivre
dans la retraite. 11 prêcha ensuite
dans le jiays des Morins et des
Ncrviens (la Flandre et la Picardie),
et fut nommé évêquc de Rouen en
385. Il fut l'ami de saint Martin de
Tours. Ayant été accusé d'errer dans
la foi, il alla se justifier à Rome
auprès du pape Innocent r'"". , et re-
çut de ce pontife un recueil des ca-
nons et dèf.rcts suivis par l'Kglise
romaine. Yictricius passa en Angle-
terre vers l'an 394 , pour y rétablir
la paix tle l'Eglise troublée ])ar des
liérésies. Il mourut en l'an 4'o. Sa
fête est célébrée le ig d'août. L'abbé
Lebeuf a tiré du monastère de Saint-
Gall un ouvrage de ce saint, intitidé
De laudc sanclorum , qu'il a fait
imprimer avec de savantes notes. Z.
VIGUGNA Y ZU^ZO (don B-n-
NAWDO DJi), quarante-sixième évcquc
Vie
desGanaries , naquit àLogrono, vers
l'an lO'iq , d'une des meilleures fa-
milles de la Gastille. Membre de la
collégiale de Saint-lldephouse d'Al-
cala, en i()G5, il en devint recteur
quatre ans après, et fut nommé in-
quisiteur de LogroMO et abbé de San-
tillanc. Il succéda, en 169 1 , à Bar-
tliélemi Ximcnoz , évoque des Gana-
rics, mort l'année précédente , et ar-
riva au port de Luz de Ganaria le
i*^"". août i69'4. Il trouva son diocèse
déchiré par de violentes et scanda-
leuses altercations entre les religieux
et les séculiers. Les points en litige
n'avaient aucuu rapport au dogme :
il ne s'agissait que de savoir à qui
devaient appartenir les droits perçus
pour les funérailles des enfants et au-
tres cérémonies. Ges contestations ,
fort nuisibles , déversaient quelque
chose d'odieux sur le clergé, Dou
Bcrnardo de Yicugna s'occupa sur-
le-champ de remédier au mal ; et
malgré la faiblesse de sa santé , il vi-
sita successivement les six îles qui en-
tourent la Grande-Ganarie, suivi de
quatre icsuilcs, auxquels il avaitper-
mis de fonder une maison dans son
diocèse. Ges courses, qui durèrent
près de huit ans , eurent le succès le
plus complet; et non -seulement il
apaisa les querelles, mais encorepar
sou exemple autant que par ses pré-
ceptes il ranima la piété et le zèle
de la religion chez les Ganariotes.
Quelques années après , il quitta
de nouveau la Grandc-Ganarie, pour
se transporter à Ténériire ; mais bien-
tôt les fréquents et horribles trem-
blements de terre qui précédèrent
l'irruption du volcan de Guimar , en |
1705, l'obligèrent de se réfugier à ;
Orutava. Les progrès du fléau forcè-
rent bientôt les habitants de cette vil-
le d'abandonner leurs maisons^ et de
b'ciifuir au hasard. L'cvcquc, acca-
VID
Lie de chagrins et d'années , se fit
transporter dans une chaumière; et
ce fut là qu'il mourut, le 3 i janvier,
nuivcrsellcmcnt regretté. Il fi:t enter-
ré au couvent de la Conception d'O-
rotava. Voyez Viei'a , JVotic. de la
Hist. ^cn. de las isl. Can. , tome iv,
p. 149- 156. P — OT.
VIDA ( Marc - Jérôme ) , né à
Crémone, en i4po (1), de parents
nobles ,mais peu favorisés de la for-
tune , étudia avec beaucoup de dis-
tinction à Padoue , à Bologne , à
Mantoue , et tut admis , fort jeune ,
dans la congrégation des chanoines
réguliers de Saint-Marc. Il en sortit
peu de temps après , et se rendit à
Rome , où il devint chanoine de
Saiul-Jcau de Latran. Son premier
essai en poésie latine lui valut la
faveur de Léon X qui lui donna le
pjieuré de Saint - Silveslre , près
de Tivoli , afin qu'il pût consacrer
tout sou temps aux lettres. Pen-
dant quatorze ans de séjour qu'il fit
dans ce lieu de délices , Vida com-
posa la Cliristiade , qui lui avait été
demandée par Léon X , et qui ne
fut terminée que sous Clément VII.
Ce pontife lui donna;, en i532,
pour récompense de son poème ,
1 évèché d'Albe sur le Tanaro. Paul
III , successeur de Clément VII ,
voulait transférer Vida à l'évècliéde
Crémone ; mais la mort du pontife
fit évanouir ce projet. Ainsi Vida
fut irrévocablement fixé sur le siège
épiscopal d'Albe, qu'il occupa avec
honneur, et où il mourut le li"] sep-
tembre i5G6; son corps fut enterré
dans la cathédrale. Sa patrie lui
consacra un monument funèbre et
des inscriptions qui rappelaient le
souvenir de ses vertus et de ses bien-
(>") Le 1'. Niceron le fait naîlrp on i/i'o, cl niou-
rli- à qualie-vingt-feize nus L'abbc de Latour ,
Ivaducteur de ia Christiada , le fait uaitre en iSo;.
VID 419
faits. A l'époque de la prise et du
sac de la ville d'Albe par les Fran-
çais sur les Imj)ériaux , Vida donna
des preuves d'une rare valeur. Il
contribua puissamment à arracher
cette conqut'te aux vainqueurs ; et ,
ce qui convient mieux à un évèque ,
il se fit remarquer au concile de
Trente, où il accompagna les légats
du saint- siège. Nous avons de lui :
I. Scacchia ludus (jeu des échecs),
Rome , 1 52n , in-4". , traduit en ita-
lien par Masdeu et Pindemonîe ; et
en français par Desmasurcs ( Fqy.
ce nom ) , et par M. Levée , avec
d'autres ouvrages de Vida, 1809 ,
in-8". Le critique Dussault a dit , dans
ses ^-énnalcs littéraires , qu'il aimait
autant lire Philidor. Tous ceux qui
aiment ia poésie latine s'inscriront
eu faux contre un jugement qui ne
peut être que celui d'un joueur d'é-
checs. On assigne à ce poème le se-
cond rang parmi ceux de Vida ( V^.
Roman, XXXVIII, 495). Plusieurs
critiques anglais , Warton entre au-
tres , font un grand éloge de la clar-
té et de l'élégance qui y régnent. IL
Poeticorum libri très , Rome, i S'^n,
iii-4'^. ; Oxford , 1723 , in-4<^. Le P.
Oudin , jésuite , a fait sur ce poème
des notes estimées. L'abbé Batteux
l'a traduit en français et l'a joint
aux poétiques d'Aristote , d'Horace
et de Boileau , sous le titre des Qua-
tre poétiques ^ Paris, 1771 , 2 vol.
in-8**. et in- 12. Voici ce qu'en pense
ce traducteur : « L'Art poétique de
)) Vida , que Jules Scaliger préfère
)) à celui d'Horace , est écrit avec
» autant de méthode et de jugement
» que d'élégance et de goût. Il est
» divisé en trois chants : dans le
» premier , l'auteur traite de l'édu-
» cation du poète , de la manière de
» lui former le goût et l'oreille; il
» indique les auteurs qu'il doit lire ;
■21..
4^o
VID
» après quoi , il crayonne eu peu
M de mots l'origine ot Ihistnire de
» la poésie ; dans le second , il parle
» de l'invention des choses et de leur
» disposiiioUj surtout dans l'épopée,
» qu'il semble avoir en en vue dans
» son ouvrage, qui n'est proprement
» que la pratique de Virgile réduite
» eo an ou en ])rincipcs ; dans le
» troisième , il traite de l'eiocution
» poétique, sur laquelle il donne des
» détails très-inslructils j il y traite
» surtout de l'harmonie imitativedcs
» vers , avec une clarté et une pie-
») cision qu'on ne trouve point mè-
» me cliex ceux qui en ont écrit en
» prose.... Son ouvrage est , d'un
» bout à l'autre , uu tissu de fleius.
» Mais sentant qu'Arisîotc et Horace
)) sullisaieut ])onr gouverner le gé-
» nie , autant (pi'il peut l'être , il
» s'est borne à éveiller le goût poé-
» ti((ue des jeunes gens et à le former
» sur les grands modiles. » \,\4rt
puéliqiitt de Vida a été traduit plus
récemment , en vers , par MM. Bar-
rau, i'~-oS et 1810, in-8'\ et Va-
l.int uj. On lui reproche d'avoir dé-
précie llomcre. Les Anglais ont deux
tiadurtioiis de la Poétique , l'une
par Pitt, l'autre, plus récente, accom-
pagnée de notes, par Hampson. On
voit dans le journal de Modène,
tome XIX, pag. 1 58 , un article
de lirabosclii sur le manuscrit au-
tographe de la Poétique , q;ii mon-
tre combien elle awiil coûté de tra-
vail a son auteur ( Foy. Giraldi ,
XVII, 439 ). m/ Bombraim
libri duo, Lyon et Bàle, ijS-; ,
tratbiil eu français par MM. Crignou
et Levée (3). C'est le meilleur ou-
\i] La traducliun de M. Valant a Hé pablie<>
siiu» r«" titre : /.'cUuiotion ilu poète , poone imité
Ue ^ ida , Paris , i8i4 . iii-i>.
fî") La traduction de M. Crignon a été publiée
«" 178I). in-ii , et crWe d<- M. Levée en iSirj,
iu-8<>. , «Tec le teite eu regard.
VlD
vrage de Vida , le plus correct , le
plus châtié , le plus fort de poé^ie ,
au jugement de tout le monde , et
surtout des Italiens. IV. Christiados
libri sex , Crémone, i535 , in-4''. ,
traduit en italien par le chanoine
Charles Ercolani ; Macerata, 179^ ;
en espagnol , par Cordero, Anvers ,
1 554 ; en anglais, 1771 ; en alle-
mand , par Millier, 181 1 ; en fran-
çais, par l'abbé Souquet de Lalour,
avec le texte en regard , et une pré-
face sur la Vie et les ouvragesde Vi-
da , Paris, 1820 , in-8'' Celte der-
nière traduction , très-estnnable sous
plusieurs rapports, sont un peu le tra-
vail et la contrainte. Si l'on en croit
le traducteur , qui a soin de re-
cueillir tous les éloges accordés à la
Chrisliadc , ce poème serait un ou-
vrage admirable , et presque sans dé-
fauts. Mais, outre qu'il faut se défier
de l'engouement des traducteurs, il
serait facile d'oj)poser à tous ces élo-
ges une masse imposante de critiques
plus sévères et j)liis justes. Au sur-
plus, malgré ses défauts, la Cliria-
^/ay/^* étincelle de beautés du premier
ordre ; on avait lien de s'étonner
qu'un tel ouvrage n'eût pas encore
paru dans notre langue , et c'est un
véritable service rendu à notre litté-
r.iturc, que de l'avoir acclimaté en
France. Plusieurs passages de la
Christiade paraissent avoir été imi-
tés par Miltun , dans le Paradis
perdu. Un auteur estimable, Bar-
thélemi Botta, a publié, en 1569,
à Pavie , un commentaire utile pour
ceux qui voudront lire ce poème.
V. Hj mni de rébus divinis , Lou-
vain , 1 5 J2 , in-4''. Ces hymnes , au
nombre de trente-sept , sont moins,
des hymnes d'après nos idées actuel-
les , dit M. de Latour^ que des ins-
tructions sur nos mystères , ou des
traits de la vie des i>aints , embellis
VI D
de conleiirs poétiques, qui leur don-
nent un nouvel intérêt et les gravent
dans la mémoire. VI. Carmimim li-
ber. Ce Recueil de petites poe'sies
renferme trois Égligues , cinq Odes,
deux Épîtres,uneÉIc'gie sur la mort
des parents de Vida , et des Epi-
crammes. MM. Brunel et Levée ont
traduit en français quelques-unes de
ces pièces. Vil. Dialoi^i de reipu-
blicœ dipnitate , lib. x , Crémone ,
i556 , in-Ho. Les entretiens de Vida
avec les cardinai:x Cervin , Poliis et
del ÎNÎonte , avec Flaminius etPriuli,
pendant la tenue du eonrilp de Trente,
font le snipt de ces Dialnsnes. L'e-
vcqup d'Albo s'e'fnit jusque-là montré
grand po'-te , dirent les Ita'ieus, ot ,
dans rot ouvrage, il prouve (ju'il est
excellent prosateur. VTÎÎ. Discorsi
contra gU ahitanti ai Pavia , Paris ,
iSGi , in 8°. , rare. Les villes de
Crémone et de Pavie se disputaient
la préséance ; la cause fut portée au
sénat de Milan. Les habitants de Cré-
mone remirent leur défense entre les
mains de leur compatriote Vida ,
qui composa, à cette occasion , les
trois Discours dont il est question ;
ils fiu'ent réimprimés à Venise , en
T76'J, sous ce titre: Cremnrtensium
orationes très advcrsùs Papienses
in cnntrnvcrsid principatûs. TX.
Constitutions synodales , lettres ,
etc. La plupart de ces ouvrat^es ont
été recueillis dans la belle édition de
Padoue , \"Z\ , i vol. in- 4''. Les
poésies ont été imprimées à Crémo-
ne , t55o , 1 vol. in-8o. ; à Oxford ,
l'js^ , 4 "^ol. in-S". , avec de belles
gravures, lyîS et f-33 , 3 vol. in-8^.
Ces diverses éditions , à l'exception
de celle de Crémone , sont enrlcliies
d'une Vie de l'évêque d'Albe , assez
incomplète ; celle de Padoue renfer-
me , en outre , un Eloge de Vida ,
par Jérôme Faballi , et !e Catalogue
VID
i'ix
des éditions de ses poésies. Le P.
Vairani, dominicain, a donne une
Notice sur ce prélat dans ses Cre-
monensium Monnmenta , Rome ,
1778; il a public aussi des opus-
cules inédits de la jeunesse de Vida.
Il existe encore une autre \ le de ce
poète, par Tadisi . Bergamc, 1788,
qui mérite d'rfre lue. On peut en
dire autant de trois Discours , com-
posés par le jésuite iVIarclieselli, pour
la défense de Jérôme Vida contre
un journal littéraire, Padoue, 1 775.
Nous ne devons pas oublier la sa-
vante préf.ice que M. l'abbé de La-
tour a mise en tète de sa traduc-
i;ou de la Christiade. L — b — e.
VIDAL ( PiuRRE ) . troubadour
provençal, fut l'iui des poètes les
plus célibrcs ot des hommes les plus
extiavagantsde son temps. Fils d'un
pelletier de Toulouse, il annonça
dès sa première jeunesse des talents
qui devaient l'élever au-dessus de
son pèie. Il joignait au mérite de
faire de jobs vers une voix agréa-
ble, riiumeur enjouée et une grande
vivacité d'esprit. Ces qualités lui va-
lurent de nombreux succès près des
femmes ; mais amant léger et indis-
cret , il se plaisait à raconter les aven-
tures galantes dont il était le héros.
Ayant eu l'imprudence de mêler
dans ses récits une dame de Saint-
Gilles , le mari , qui n'entendait pas
raillerie sur tout ce qui touchait à
l'honneur, lui fit fendre, selon les
tms , ou , selon d'autres , percer la
langue. Un chevalier no^?mé Hugues
de Baux accueillit le malheureux
troubadour et le fit giiérir. Vidal re-
prit bientôt, avec sa bonne hujueur,
le cours de ses galanteries. Épris des
charmes de la vicomtesse de "Mar-
seille, il la céleTora dans ses vers sous
le nom à' Audiema . ou plutôt de
Na Fiena. Cette dame feignait
4-12
VID
d'cnconragcr sa passion; mais im
jour Vidal la surprit endormie , cl
eut rinsolcnccdcprofiterde son som-
meil pour lui ravir un baiser. Le
vicomte, averti par les cris de sa
femme, essaya de l'apaiser; mais
elle déclara qu'elle ne voulait plus
s'exposer à de pareilles insultes , et
Vidal fut oblige de s'éloigner. Il se
rendit d'abord à Gènes ; et d'après
quelques passages de ses poésies , on
peut conjecturer qu'il eut à se plain-
dre des habitants de cette ville. De
là le troubadour vint dans le Mont-
fcrrat , puis en Lombardic et à Mi-
lan où il reçut un meilleur accueil.
1! partit pour la Palestine, à la suite
du roi Richard, selon l'abbé iMillqt ,
ou du marquis de iMontferrat qu'il a
célébré dans ses vers. Ce fut dans ce
voyage qu'il acheva de perdre la rai-
son. 11 se crut un héros ^ xm cheva-
lier invincible , et remplit ses chan-
sons de fanfaronnades guerrières. Ou
lui lit épouser, d;ins 1 île de Cyprc,
une jeune Grecque, qu'on lui dit être
la nièce de rcmpcreur d'Orient et
l'héritière de ses droits. Dès ce mo-
ment, il se persuada qu'il était em-
pereur, et revêtu des ornements im-
périaux, il ne marcha plus sans faire
porter un Irène devant lui. Les dé-
sasties de la troisièmp croisade fu-
rent le terme de sa graudeur imagi-
naire. Il revint en Provence, laissant
sa femme en Orient, du moins l'his-
toire n'en fait plus aucune mention.
Ayant appris , à son arrivée ^ la
mort de Kaimond , comte de Toulou-
se, pour témoigner la douleur qu'il
en éprouvait, il laissa croître sa bar-
be et ses ongles , fit raser la Icte à
ses domestiques et couper les oreilles
et la queue à ses chevaux. Alphonse
II , roi d'Aragon, engagea Vidal à
quitter le deuil. 11 obéit, composa
de nouvelles cliausons , cl s'engagea
VID
bientôt dans un nouvel amour. Sa
maîtresse était une dame de Carcas-
sonnc , nommée Louve ( Loha ) de
Penaulier. Le galant troubadour ,
pour lui prouver sa passion , prit le
nom de Loup, mit un loup dans ses
armes et se revêtit d'une peau de loup.
Ce déguisement lui fit courir le plus
grand danger. Les bergers du voi-
sinage , feignant de le prendre pour
un loup , le poursuivirent avec leurs
chiens , dont les morsures le mirent
dans un état déplorable. Si l'on pou-
vait eu croire INIichel de Nostradamus
(f'ies des poètes provençaux , 99 ) ,
Vidal , sur la fin de sa vie, aurait
repris le projet rie conquérir l'empi-
re d'Orient, et dans ce dessein aurait
fait un second voyage d'oulre-mer.
Mais il paraît certain que les bontés
d'Alphonse III, roi d'Aragon, le
fîxi'rent à la cour de ce prince , et
qu'il y mourut vers l'an 1200 (i).
Les manuscrits qui nous restent des
poètes provençaux contiennent en-
viron (jo pièces de P. Vidal. L'abbé
Millot a donné l'analyse et des ex-
traits des plus intéressantes dans son
Histoire fies Troubadours , .11 , u8 J -
309. M. Raynouai'd en a publié neuf
daus son Choix des poésies des trou-
badours, ni, 3i8-9ii; jv, 23, io5-
iio, II 8-21 et 186. Ce sont des
chansons amoureuses , un tenson
avec iJlacas , trois pièces sur les croi-
sades, et un sirventc historique. La
vie de ce troubadour , en provençal ,
insérée dans le tome v, 334-49^ of-
fre de nombreux fragments des au-
tres pièces de Vidal , notamment du
poème mal intitulé ]iar Jean de No-
tre-Dame : De la inaneira de retir-
ccr la lengua. Ce poème , de jilus
de 1800 vers , est le plus long et le
(i) J. il<3 Nolre-|Damc recule la mort iIp P. Vi-
dal jusqu'en isïf); mais ccUe date est cviVlcraraonL
VID
meilleur ouvrage de Vidal; il con-
tient de sages avis sur la coudiiilc
que doit tenir un troid^adour avec
les princes et les grands, (iingiicne
en a donne l'analyse dans la Vie de
P. Vidal , dont il a enrichi le tome
XV de Vllisloirc littéraire de la
France ( V^. D. Rivet ). C'est la plus
intéressante qu'on ait de ce poète ,
et c'est celle dont on s'est servi sur-
tout pour la rédaction de cet article.
W— s.
VIDAL (Raymond), de Besaudun ,
troubadour provençal , sur lequel on
n'a ])oint de renseignements. Millot
regrette qu'aucun auteur n'ait fait
mention de ce poète , digue cepen-
dant d'être connu. 11 lut , dit-il ,
peut-être le lils du fameux Pierre
Vidal qui paraît avoir réside' quel-
que temps à Besaudun. L'abbe ÎUvc
aurait bien voulu prouver que Ray-
mond était le père ou l'aïeul de
Pierre , afin de faire remonter jus-
qu'au onzième siècle l'époque où la
langue provençale eut ses rJgles
fixées par une grammaire ; mais il
avoue qu'aucun monument n'appuie
cette conjecture ( ^oy. la Chasse
aux Bibliographes, 235). Bastero
fait Raymond l'auteur d'une Gram-
maire et d'une Poétique { Voj. la
Crusca proveiizale , Rome , 1724 ■>
pag. ii4)î iiucun autre bibliogra-
phe n'a parle de la Poétique. Ce
pourrait cire le même ouvrage que
la Grammaire dont I\I. Raynouard
a public le prologue ( Choix de poé-
sies, II, i52 ). Les manuscrits dont
s'est servi l'acade'micicn français
contiennent quatre pièces de ce trou-
badour. Millot a donne l'analyse de
deux Nouvelles de Raymond, l'u-
ne intitulée : de la Patience en
amour; et l'autre , le Jaloux châ-
tié [ Tlist. des trouhad. , ni, '277-
3oy ). M. Rayaouard a public la se-
VID 4^3
conde dans son Choix de poésies ,
v , 397. — Vidal (Arnaud), poète,
de Castelnaudary , mérite une place
dans notre histoire littéraire , parce
qu'il est le premier qui ait remporté
la violette d'or , au collège de la
Gaie science , établi à Toulouse ,
ve^i3;t3 ( Voy. P.Cano). Ce pris
lui fut adjuge solennellement, le i<='.
mars i3.i4, pour un poème en l'hon-
neur de la Vierge , que l'on conserve
dans les reçristres de l'académie de
Toulouse : dans le courant de la mê-
me année, Arnaud fut crcë docteur
en gaie science , pour avoir fait un
nouveau cantique en l'honneur de la
Vierge. Voy. Mémoire pour servir à,
l'Histoire des jeux jloraux , par
Poitevin-Pcitavi , i4. Le Diction-
naire universel confond Arnaud avec
Pierre Vidal, en disant qu'il eut la
langue fendue pour avoir inédit d'une
dame, et que dans sa vieillesse il fit
un ouvrage sur V Art de retenir la
langue. Foj. ci-dessus l'art. Pierre
Vidal. W— s.
VIDAL DE NIMES , avocat du
roi à la sénéchaussée de ce nom , de
i499 '• ï^ï7 > ^5' auteur d'un ou-
vrage de jurisprudence , intitule' :
Tractatus insignis et prœclarus de
collalionibus , qui fut d'abord inséré
dans un Recueil de Traités sur les
Successions , Cologne , 1 56ç) , iu-fol. ,
et ensuite dans la grande collection
imprimée, eu iSSS, à Venise ;, 18
vol. in-fol. , sous ce titre : Tractatus
universi juris. Le travail de Vidal a
Ions-temps ioui d'une grande estime.
° ^ ^ V. S.L.
VIDAL ( Jacques ), surnomme le
Fieux, peintre d'histoire , né à Val-
maseda en 1 583, fut destiné par ses
parents à l'état ecclésiastique; mais
les études nécessaires à cet état ne
l'empêchaient pas de se livrer en mé-
mo temps à la peinture. Il se rendit
424
VID
à Rorae, pour y obtenir une preTien-
de; et la vue continuelle des chefs-
d'œuvre que renferme cette ville ne
fit qu'accroître son goût pour son art.
Il s'y adonna avec une nouvelle ar-
deur; et après avoir fait de rapides
progrès, d revint dans sa pa^ie
et se fixa à Sévilîe , où il exeWa
plusieurs ouvrages remarquables
par la conection du dessin et la
beauté de la couleur. On distingue
particulicrenieiiî deux tableaux re-
présentant, l'un un Christ, l'autre
une Fierté, qui furent placés, en
i6i3 . dans la cathédrale de Séville,
par une délibération particulière du
chapitre. Les dessins qu'il a laissés
sont une nouvelle preuve de ses ta-
lents. II eût acquis une réputation
bien plus grande encore , si imc mort
prématurée ne l'eût enlevé à l'âge de
trente ans, le i3 décembre 161'). II
était chanoine de la cathédrale de Sé-
ville.— Jacques Vidal de Liendo ,
neveu et élève du précédent, et sur-
nommé le Jeune , pour le distinguer
de son oncle, naquit également à Val-
maseda , en 1602. II alla à Rome,
pour y obtenir aus.;i une prébende;
et les travaux auxquels il s'y livra
perfectionnant ses premières études, il
parvint à surpasser son raaîîre et son
oncle. De retour en Espagnz, il fit,
pour la sacristie de la cathédrale de
Valence, plusieurs tableaux repré-
sentant le Christ , la fierté , Saint
Jean l'Évanç^éliste , la Madeleine ,
Sainte Catherine , Sainte Inès ,
Saint Jean-Baptiste et Saint Pier-
re, apôtre. I.e f.iîtc est couronné par
une brileropic du tableau de Raphaël,
que l'on voit au Musée du Louvre, et
dont le sujet est V Archange saint
Michel victorieux du démon. Cet
ouvrage capital, dont les figures sont
de grandeur naturelle , établit la
réputation de Vidal; mais il était
VID
dans la destine'e de l'oncle et du ne-
veu de mourir avant d'avoir atteint
le terme ordinaire de la vie. Il mou-
rut à Sévilîe, âgé seulement de qua-
rante-six ans, le 9 août 164?$, lais-
sant ime précieuse collection de ta-
bleaux , de dessins et d'estampes. —
Denis Vidal, peintre, né à Valence,
en 1670, se rendit à Madrid , où il
reçut les leçons d'Antoine Palomino.
De retour à Valence, il y fut chargé
de plusieurs travaux importants,
dont il s'acquitta d'une manière ho-
norable. Ayant obtenu, en 1(^97, la
peinture à fresque des voûtes de l'é-
glise Saint-Nicolas, il profita du sé-
jour de son maître Palomino à Va-
lence pour lui demander ses conseils.
Il en obtint un croquis qu'il mit à
exécution. Cette grande entreprise
représente divers événements de la
vie de saint Nicolas de Barri et de
saint Pierre martyr, patron de la
cathédrale. Le succès avec lequel il
l'exécuta le fit charger de la peinture
de I4 voûte de la chapelle de Notre-
Dame-de-Bon-Secours, qui depuis a
été détruite. A Teruel , on lui confia
la peinture de la voûte du couvent
des religieuses de Sainte -Claire, et
celle du monument de la Semaine-
Saiute, dans la cathédrale. Il avait
été appelé à Tortose , pour y orner
de ses peintures la chapelle de No-
tre-Dame; mais il mourut avant d'a-
voir terminé cet ouvrage. On conser-
ve encore plusieurs beaux ouvrages
de lui à Vivel et à Gompanar. P-s.
VIDAL TBartuelemi), médecin,
naquit à Martigues , petite ville de
Provence , le 3 septembre I74ï«
Après avoir achevé ses cours à la fa-
culté de Montpellier, il reçut le doc-
torat, et pratiqua sou art dans sa
ville natale, avec un succès qui fit
désirer à ses amis de le voir sur un
plus grand théâtre. Cédant à leurs
VID
instances , il vint s'établir à Marseil-
le en i-jSSjct dès l'année suivante
il fut admis à l'académie des scien-
ces, ainsi qu'à la société médicale de
cette ville , qui le choisit pour secré-
taire. Il partagea tous ses instants
entre les devoirs de son état et ceux
que lui imposait le titre d'académi-
cien. L'allaiblissemcnt de sa santé ,
causé par une maladie de poitrine ,
ne ralentit point son zèle. Chargé du
service des pauvres dans sou quar-
tier, il ne cessa de leur porter, cha-
que jour, des soins et des consola-
tions, tant qu'il eut la force de mar-
cher. II mourut à Marseille, le 3o
décembre i8o5, à l'Age de soixante-
cinq ans, laissant la réputation d'un
habile praticien et d'un excellent ob-
servateur. Vidal a été le principal
collaborateur de Paul {V. ce nom,
XXXIII, i83) pour l'analyse et la
traduction des Recueils des acadé-
mies de Turin , de Bolocrne et de Ber-
Jin. Outre plusieurs Mémoires et Ob-
servations, dans les volumes de l'a-
cadémie de Marseille , on cite de lui :
I. Dissertation sur la lèpre de Mar-
tigues , dans les Mémoires de la so-
ciété royale de médecine. II. Essai
sur le gaz animal, considéré dans
les maladies, Marseille, 1809, in-
8°. , publié par Achard. Cet ouvrage
est intéressant et curieux. Desessart
en a doimé l'analyse détaillée, dans
le Journal de médecine de Sédillot,
XXXIV, 422. On trouve une Notice
sur Vidal, par Achard , dans le Ma-
gasin encyclopédique , m, 25 1-56.
W— s.
yiDEL (Louis), fds d'un mé-
decin de Briançon qui a le premier
e'crit contre Nostradamus , naquit
dans cette ville , en 1 598 , et fut suc-
cessivement secrétaire des ducs de
Lesdiguières,deCréqui, et du maré-
chal de l'Hôpital. N'ayant pas su se
VID
425
conserver les bonnes grâces de ses
maîtres , ni s'enricliir à leur service,
il alla donner des leçons de géogra-
phie, de langues, et composer divers
écrits à Grenoble , oii il mourut en
i6'j5. Ses ouvrages sont : I. His-
toire du duc de Lesdiguières , bien
érrite, mais en stvie d'éloge , iG(j(3 ,
in-i2. II. Le Promenoir de la
reine à Compiègne , 1641 , in- 12.
III. La Méchante, histoire amou-
reuse, 1624, in-S"^. IV. Des Tra-
duclions ; on lui attribue des aug-
incntations aux annotations de
Théodore Godefroy , sur l'Histoire
du chevalier Bajard , dans l'édilioD
de Grenoble, i()5i , in-4°. D'au-
tres pensent qu'elles sont du prési-
dent de Boissière. T — d.
VIDELER ou VIDILLER
(Reinmau), minnesinger du trei-
zième siècle , issu d'une famille no-
ble de l'Alsace ou de la wSouabe, vi-
vait à la cour de Léopold VII, duc
d'Autriche , et suivit ce prince dans
son expélition de la Terre-Sainte,
en 12 17. Léopold étant mort en
i25o , Videler chanta son bienfai-
teur dans ses Complaintes. On a de
lui des poésies publiées dans le Re-
cueil de Manessen , Zurich , 1758.
Ce recueil a été tiré de la Bibliothèque
royale de Paris. Les poésies de Vi-
deler , qui se trouvent aussi dans la
bibliothèque du Vatican , touchent
et entraînent par la finesse, le ton natu-
rel de la pensée j par l'élégance et la
douce modulation de la poésie. Il dut
aux accents de sa lyre le surnom
sous lequel il est connu ; Videler ou
Vidiller signifiant un musicien, dans
la langue de ces anciens trouba-
dours. Il eut un fds appelé Reinmar
II , ou Reinmar le jeune. Né dans le
château que son père avait sur les
bords du Rhin , il fut élevé près de
lui à la cour du duc d'Autriche. Pins
4^6
VID
tard il vint à celle de Prze'myslas
III, roi de Boliême, troisième des
Oltocares , et il y fut très-consideré,
ainsi qu'à la cour de Louis-le-Se'vère,
duc de Bavière. Ses poésies, recueil-
lies par INIanessen , semblent, parla
richesse des pensées, la vérité des
images, et la finesse du sentiment.
Lien au-dessus du siècle où elles furent
composées. G — y.
VIDUS VIDIUS(GwDO GuiDi,
plus connu sous le nom latinisé de )
(i), célèbre médecin, naquit à Flo-
rence , dans les premières années
du seizième siècle , d'une famille
patricienne. Ayant achevé ses étu-
des et pris ses degrés , il exerça de
' la manière la plus brillante l'art de
guérir dans sa patrie. Cédant aux
sollicitations de Louis Alamanni {f.
ce nom ) , son compatriote , il vint en
France où \\ reçut un accueil distin-
gué de François 1'='". Ce prince le re-
vclit de la charge de son premier
médecin , vacante par la mort de
Guill. Copp. ( F. ce nom), et créa
pour lui la place de lecteur eu méde-
cine au collège royal , fondé récem-
ment. Vidus ouvrit son cours en
1 542 , et sa réputation attira bien-
tôt à ses leçons une foule d'auditeurs
de toutes les contrées. Les médecins
de Paris , loin de s'en montrer ja-
loux , furent les premiers à rendre
justice à son rare mérite , en le
])riant de joindre à son cours de mé-
decine un cours d'anatomie. Sa re-
nommée était si grande que ses con-
temporains ont dit de lui :
f' idiis venit, J^idus vidit, J'iduf ■vieil (a).
François I^"". le combla de bienfaits ;
à son traitement comme médecin et
comme professeur ^ il joignit plu-
(1) Suivant l'aUUr Ooii)et et Éloy, "iou vérjlaîilc
nom sc-ail J'allai- f'idtiro.
(ï) Guillaume Duval , Hisl. du colUga roy<d.
VID
sieurs bénéfices dont les revenus le
rendirent un des particuliers les plus
opulents de son temps (3). 11 fit ser-
vir sa fortune à perfectionner ses
connaissances , et visita la Finance et
l'Italie pour s'entretenir avec les sa-
vants , et consulter les manuscrits
des anciens auteurs de médecine.
Après la mort de François I'=''.
( 1 547 ) , Vidus se démit de sa chaire
au collège royal , où il fut remplacé
par Jacques Sylvius ou Dubois ( F.
ce nom ) , et revint à Florence , rap-
pelé par le grand -duc Côme de
Médicis , qui le fit son premier mé-
deriu. L'académie florentine s'em-
pressa de l'inscrire au nombre de
ses membres , et il eu fut élu consul
pour l'année i553. Nommé profes-
seur de philosophie et ensuite de
médecine à l'université de Pise, il y
remplit cette dernière chaire pendant
vingt ans avec le plus grand succès, et
mourut le 26 mai iSGg. Ses restes
rapportés à Florence y furent ense-
velis avec pompe dans l'église de la
Nunzinta. Vidus avait également ap-
profondi toutes les branches de l'art
de guérir , et il n'était pas moins La-
bile comme chirurgien que comme
médecin. Les ouvrages qu'il a laisse's
sont très-nombreux. Vidus Vidius ,
son neveu , médecin de la reine dj^
France , et professeur à Pisc _, les a
recueillis en 3 vol. , Venise , Giunti,
161 4- Cette édition a été reproduite
à. Francfort, 162G, iG45 et 1667.
Le premier volume contient les Ins-
titutiojis médicales , et deux Traités
relatifs à VHjgiène ; le second , la
Thérapeutique , et un Traité des
Fièvres ; le troisième , un Traité des,
(3) De ce que Vidus possiîdall des be'urlices , on
en a conrlii qu'il liait eccléfiastiqu'»; ma'S op sait
qu'j ce' te ipoque le roi di5|)<>sail dc-s ahliayes e^
faveur des personnes qui avaient rendu des servi-
ces à rttal.
VID
Aliments , un autre de Matière mé-
dicale , la Traduction latine des
Chirurgiens grecs , avec des Com-
mentaires, et enlln sept livres à^ A-
natomie. Ce dernier ouvrage est ac-
compagne de soixante-dix-luiit plan-
ches , grave'es grossièrement et peu
fidèles. Vidus avait publie la Tra-
duction latine des anciens chirurgiens
grecs ^ Paris, i544i in-fol. Cette
belle et rare e'dition est de'die'e à
François I*^'". On y trouve deux li-
vres d'Oribase , traduits par Vidus ,
sur un manuscrit de la JJibliotlièque
du roi ( V. Oribase , XXXII ^ 69 ).
Fi-ançois Lefèvre de Bourges a tra-
duit le Commentaire de Vidtis sur
la chirurgie d'Hippocratc , Paris ,
i555 , in-ïa. Les ouvrages anatomi-
ques de Vidus n'ont été publiés qu'a-
près ceux de Vesale et de Fallope ',
et il a profité des travaux de ses de-
vanciers, sans indiquer les emprunts
qu'il leur a faits. Ainsi l'on ne peut
assigner avec exactitude les décou-
vertes dont il est l'auteur. Suivant
M. Portai ( Histoire de V anatomie ,
1 , 5i)i ), Vidus a mieux décrit les
vertèbres que ne l'avait fait aucun
de ses prédécesseurs. Sa descrip-
tion des cartilages , celle des liga-
ments, son explication du cœur,
du cerveau et de l'œil , méritent
encore d'être consultées. M. Por-
tai revendique pour Viflus la décou-
verte des tubercules , des valvules ,
attribuée, par Morgagni {Adversar.
anatomie. ) , à César Arantiiis ( F'.
ce nom , 11^ 355 ). OalreV Histoire
de l'anatomie, i, SSg-gp, on peut
consulter sur Vidus la Notice que
Salviniluia consacrée àaxïÛQsFasti
consolari delV accadem.fioreniina ,
p. 1 15 ; son éloge dans les Illustri
Toscani, tome iv ; V Histoire du
Collège Rojal, par l'abbé Goujct ,
m , 1-8^ édit. iu-r.i ; la Storia
VIE 427
délia letterat. ital. de Tirabosclii ,
VII , C77. W — s.
VIEIL ou VIEL ( PiERUE Le ) ,
né à Paris , le 8 février 1 708 , d'une
famille originaire de Normandie ,
qui s'y distinguait depuis pKis de
deux siècles à peindre sur le verre ,
se fit connaître en 1734 , par le
rétablissement des belles vitres du
charnier de Saint-Etienne du Mont ,
et manifesta encore son talent dans
la réparation de celles de l'église de
Saint-Victor. Cet habile artiste mou-
rut le 23 février 1772. Quelque flo-
rissant qu'ait été en Europe , pten-
dant plus de six siècles , l'art de
peindre sur verre , Le Vieil est le seul
qui en ait approfondi toutes les par-
ties , et qui ait su en réunir dans un
Traité l'histoire et la pratique ; ce
Traité ne parut qu'apiès sa mort ,
sous ce titre : Y Art de la peinture
sur verre et de la vitrerie , Paris ,
1774, in-fol., avec treize planches.
On lui attribue aussi un Essai sur la
peinture en mosaïque , Paris ^ 1 768,
in- 12, ouvrage rempli de recher-
ches utiles et souvent très-agréables.
— Vieil ( Guillaume Le ) , proba-
blement de la même famille que lo
précédent, naquità Rouen vers 1675.
Il était, du côté matex'nel, petit-
fils de Jean Jouvenet, qui lui en-
seigna les éléments du dessin. Il se
livra ensuite avec succès à la pein-
ture sur verre. S'étant rendu à Pa-
ris, il peignit les vitraux de l'église
des Blancs-Manteaux , et fut chargé
par Mausard de peindre ceux de la
chapelle du château de Versailles.
On cite , comme son clief-d'œuvre ,
un panneau représentant le pape Pie
V _, d'après le tableau de Jean An-
dré , dominicain. Guillaume Le Vieil
mourut à Paris en 1731, C. T — y.
VIEIL (Jean Le). Vojez\%,-
ÏUS.
4^8 VIE
VIEILLARDBOISMARTIN
(Antoine), avocat, né à Paris en
1745, entra de bonne heure au par-
lement de Rouen , et s'y distingua
par le zèle avec lequel il défendit un
grand nombre de personnes accusées
de crimes capitaux. L'affaire P'^erdu-
re à laquelle il consacra quatre années
de soins, excita vivement l'intérêt du
public. Il s'agissait dans cette cause,
comme dans celle de Calas ^ d'une
accusation d'infanticide. Un père et
Quatre enfants, présentés comme ses
complices, étaient oubliés depuis six,
ans dans les prisons de Rouen j Vieil-
lard vint à bout de faire prononcer
leur absolution , le 9 décembre i -^89,
par un jugement des requêtes de
l'hôtel au souverain , qui cassait un
arrêt rendu par le parlement de
Rouen. Au commencement de la ré-
volution , le bouleversement de l'or-
dre judiciaire engagea Vieillard à se
retirer à Sainl-Lo , auprès de sa fa-
mille. Il fut élu maire de cette ville
en 1790; et l'on dut à ses soins la
création de la place d'armes, qui en
est le princi]ial ornement. Il fut
nommé, l'année suivante, accusa-
teur public près du tribunal cri-
minel de Coutances ; et la vigueur
avec laquelle il poursuivit la répres-
sion des désordres, préludes du ren-
versement du trône , excita contre lui
deshaijies qui,a])rès le 10 aoijt, l'o-
bligèrent à rentrer dans la vie pri-
vée. Au 21 janvier, il porta publi-
quement le deuil de Louis XVI , et
fut néanmoins réélu maire de Saint-
Lô , en février 1793. La fermeté de
son administration y maintint l'or-
dre et la sûreté^ jusque vers la fin
de cette année, oîi il fut destitué par
un proconsul , auquel il avait été dé-
noncé comme fédéraliste. Elu haut-
juré à la cour de Vendôme en 1797,
sa nomination fut annulée au 18 fruc-
VIE
tidor. A l'e'poque de l'organisation de
l'ordre judiciaire, en 1800, il fut
nommé commissaire du gouverne-
ment près du tribunal civil de Saint-
Lô. En 181 1, il fut rappelé, pour la
troisième fois , aux fonctions de mai- *
re,et il les j'cmplissait encore lorsqu'il
mourut en fév. 181 5. lia publié, sur
des matières civiles et criminelles , un.
grand nombre de Mémoires, dont
les plus connus sont ceux qui con-
cernent l'alFaire Verdure : le pre-
mier, imprime en 1787 , à Rouen,
et le second en 1789, à Paris. On y
trouve une grande force de logique |
et cette chaleur de sentiment qui vient ,
de la conviction. Vieillard était
doué d'une facilité d'élocution très-
remarquable. Ses travaux au bari'eau |
et dans l'administration ne l'avaient "
pas empêché de se livrer à la culture
des lettres. On a de lui trois tragé-
dies : I. Almanzor , représenté à
Uoueu , en 1771; imprimé à Caen.
II. Blanchard ou le Siège de Rouen,
représenté dans la même ville , en
1775, et repris, en 1793 , avec de
grands changements , Saint - Lô ,
1793. m. Thérainène ou Athènes
sauvée, non représenté, Saint-Lo,
an IV ( 1796 ). Cette dernière pièce
offre , sous d'autres noms , le tableau
du 9 thermidor. Ces ouvrages laissent
sans doute à désirer, sous le rapport
des effets du théâtre; mais ils sont
régulièrement conduits , et se distin-
guent par le naturel et la facilité du
style. Le fils aîné de Vieillard , connu
T)ar diverses productions littéraires ,
est l'un des conservateurs de la bi-
bliothèque de l'Arsenal. Z.
VIEILLEVILLE ( François de
ScEPEAUX, sire, et depuis maréchal
de)^ né, en iSog, d'une famille an-
cienne et puissante de l'Anjou, fut
élevé comme enfant d'honneur dans
la maison de Louise de Savoie, mère
VIE
de François !'='"_ . mais ayant été
outrage par le maître - d'hôtel de
cette princesse , il le provoqua en
duel et le tua. Après ce coup (jui ne
fut pas tenu pour mauvais , dit l'au-
teur de ses Mémoires , il alla joindre
en Italie le maréchal de Lautrec,
dont il était parent. La renommée
toute récente des exploits de Bayard,
éveillant les nobles dispositions dont
la nature l'avait doué , Vieilleville
se proposa dès ce moment pour mo-
dèle le Chevalier sans peur et sans
reproche ; et comme lui hrave et
désintéressé , il aima mieux îjagner
à son souverain le prince de Melphe,
tombé entre ses mains comme pri-
sonnier, que de tirer de lui une ran-
çon de soixante mille ducats , qui ne
lui pouvaient faillir. Parmi les bra-
ves dont les armées françaises étaient
alors remplies, C/mfe/gneraxe, Vieil
leville et Bourdillon, disait-on, sont
les trois hardis compagnons. Lors-
qu^iprès s'être distingué dans la
guerre de Provence, et rendu maître
d'Avignon, le jeune guerrier rejoi-
gnit la cour : « Approchez de
vioi , gentille Jleur de chevalerie ,
lui dit le monarque , et parez ce
coup de votre roi , le faisant ainsi
chevalier d'épée, mais non pas de
l'ordre , qui alors ne se donnait
guà vieux capitaines, w Un tel
prince ne pouvait rencontrer que
vaillance et dévouement ; mais à
ces qualités Vieilleville joignait la
prudence , l'habileté dans lesallaires,
l'équité , le désintéressement. A la
mort du comte de Chàteaubriant , il
refusa sa compagnie qui lui était of-
ferte par François I*^^'. « Je ne l'ai
» point encore méritée , dit-il au roi;
» je veux que vous me la donniez le
» jour d'une bataille , après m'avoir
» vu dans l'action : aujourd'hui ce
» choix n'honorerait ni vous ni moi;
VIE
429
» vous auriez fait une grâce au pa-
» rent de Chàteaubriant , je veux
» que vos bienfaits rendent justice à
» "Vieilleville. « Plus tard , François
I<=''. , eu le présentant au duc d'Or-
léans , son second fds , depuis Henri
II, auquel il avait le projet de l'atta-
cher , dit au jeune prince : « Il 11 a pas
plus d'âge que vous , vojez ce quil
a déjà fait. » A la bataille de Céri-
solles, Vieilleville contint l'ardeur du
jeune comte d'Enghien qui, avec la
même bravoure que Gaston de Foix ,
aurait eu probablement le même sort.
Dans la répression des troubles qui
agitèrent la Guicnne et l'Angoumois,
il s'occupa constamment d'adoucir
les rigueurs du connétable de Mont-
morenci. A Bordeaux , il sauva ,
comme Bayard , l'honneur des filles
de son hôte ; et lorsqu'on lui pro-
posa une part dans les confisca-
tions exercées sur ces malheureuses
provinces , il refusa , ne voulant pas
pour vingt mille écus se charger des
malédictions d'une infinité de fem-
mes , de filles et de petits enfants ; et
tirant sa dague il la fourra dans
l'endroit du brevet où son nom était
écrit. Le maréchal de Saint-André,
qui était meilleur courtisan que Vieil-
leville , le supplanta dans la faveur
de Henri II, sans lui ôter cependant
la confiance que méritaient ses talents
et sa droiture. Appelé aux conseils ,
il ouvrit l'avis de mettre un terme
aux envahissements de Charles-Quint
en Allemagne par l'occupation des
Trois-Evêchés, et répondit aux ob-
jections tirées de l'état des finances
par l'offre de sa vaisselle. Metz,'Toul
et Verdun ouvrirent leurs portes, en
i5'j2. Vieilleville voulait qu'elles ne
fussent occupées qu'à titre de protec-
tion , pour ne pas alarmer les au-
tres villes d'Allemagne , et cet avis
n'ayant pas été adopté il refusa le
43n
VIE
gouvernement d'^ Metz. La f:;loirc de
de'fcudre cette VilJe fut par là lései-
Tce au duc de Guise , mais Vieille-
ville qui, en barcelantremiemi, avait
puissammeut contribué à la levée du
siège, après s'être emparé de Pont-
à-Mou3son , eut encore la plus jiran-
de part a la prise de Thionville. Il
fut un des principaux négociateurs du
traité deCateau-Cambresis, en iSSg,
etsans se mêler aux intrigues qui agi-
tèrent la cour après la mort de
Henri II , il combattit les protestants
comme des sujets i-ebelles , mais sans
s'abandonner aux fureurs des haines
de parti qui égaraient alors presque
tous les esprits. Cette modération si
opposée à l'esprit du temps ne l'est
pas moins au courage emporté dont,
à l'approche de la vieillesse, il re-
nouvela l'exemple donné par lui au
sortir de l'enfance: Après avoir reçu
le bâton de maréchal, en i562,
Vieilleville fut envoyé en IS^ormau-
die , pour apaiser les troubles qui ,
dans ces temps de calamités , écla-
taient comme autant d'incendies
dans toutes les parties de la France.
Les difficultés qui s'élevèient entre
M. de Villebon, gouverneur doPiouen,
et lui, amenèrent une scène assez vi-
ve pour que l'un et l'autre tirassent
réj)ée; ma is du premier coup celle du
maréchal abattit le bras de son ad-
versaire. Cet acte d'emportement at-
tii'a de grands désagréments à son
auteur ; la populace de Rouen se
souleva contre lui, et les accusations
de partialité en faveur des protes-
tants ne lui furent pas épargnées.
Après la paix d'Amboise , ce fut le
maréchal de Vieilleville qui conseilla
et conduisit l'expédition contre le
Havre ; à sa voix les chefs catholi-
ques et protestants , se souvenant
qu'ils étaient Français , se réunirent
pour enlever à l'Angleterre cette
VIE
porte que Coligni lui avait iivre'c.
Lorsqu'après la funeste bataille de
Saint - Denis , Charles IX deman-
da au maréchal auquel des deux
partis il pensait que la victoire
dût être attribuée , il répondit : « 5/-
re , Votre Majesté ne Va point ga-
gnée, encore moins le prince de Con-
dé : ce a été le roi d'Espagne j »
et il ajouta que la perte de tout ce
que la France avait de plus valeu-
reux en chefs et en soldats assurait
pour long-temps le repos des Pays-
Bas. La mort du connétable de Mont-
raorenci rendant vacante la premiè-
re dignité de l'état, ce fut sur Vieil-
leville que Charles IX jeta les yeux
pour la remplir. L'auteur de ses Mé-
moires affirme même qu'il y fut pro-
mu par le roi , en présence des prin-
ces et des grands du royaume- mais
le maréchal, qui probablement con-
naissait les intentions de la reme-
mère , refusa une si haute faveur ,
en conseillant au roi de nommer le
duc d'Anjou lieutenant -général du
royaume. Honoré de la confiance du
monarque qui l'avait chargé, en qua-
lité de son ambassadeur en Angle-
terre et en Allemagne, des affaires
les plus importantes ; bien vu de la
jeune reine Isabelle d'Autriche, dont
il avait le premier négocié le maria-
ge ; comptant sur la durée de la paix
qui avait été conclue en 1-^70, le
maréchal de Vieilleville esjjérait
jouir avec quelque repos des digni-
tés et de l'ascendant qu'il avait si
noblement acquis, lorsqu'il moui'ut
empoisonné à l'instant même où une
A'isite du roi, dans son château de
Duretal , venait de mettre le comble
à ses honneurs, eu iS^i. Il n'était
âgé que de soixante-deux ans. Les
Mémoires de Vieille-ville, écrits par
Carloix, son secrétaire , dans un
style très-pur et très-rapide pour le
VIE
temps, semblent aussi avoir etc faits
à l'imitation de ceux du loyal ser-
i'iteur qui a lédigë les Mémoires du
chevalier Bayard. Ils out été publiés
pour la première fois en in5'],eu
cinq volumes in-i3 , commentés
par le P. Griffet, jésuite, qui en a
rajeuni le style,- les a éclaircis par
des Notes , où il relève les fau-
tes de généalogie et les erreurs de
date. Les éditeurs de la Collection
des Mémoires relatifs à l'histoire
de France, eu les insérant dans leur
recueil, se sont appliqués à les con-
cilier avec les autres écrits du temps.
Malgré tout ce travail , Garnier n'a
cru y voir qu'un tissu de bévues
grossières et de faussetés manifestes ,
qu'il relève dans le quarante-deuxiè-
me volume des Mémoires de l'acadé-
mie des inscriptions. Il reconnaît
néanmoins qu'il y a des cas , quoique
en petit nombre, où cet écrivain par-
tial et pi'csque romancier est mieux
instruit et plus d'accord avec les ti-
tres que nos historiens les pins re-
nommés. Il ne se j^erd point dans un
déluge de petits soins. Il peint le roi,
les ministres , les favoris, les intérêts
ou les fiassions qui partageaient la
cour. C'est sur ce théâtre qu'il pro-
duit son héros, et toujoui's dans les
premiers rangs. Ces Mémoires , quoi-
que remplis d'expressions gauloises
et surannéeS;, offrent une certaine fraî-
cheur de coloris et d'images , cette
naiveté de style , cet abandon , cette
négligence qui plaisent dans les ou-
vrages de cette espèce. On y trouve
même quelquefois des tournures origi-
nales et i)iquantes , des coups de pin-
ceau mâles et hardis. Ces Mémoires
ont été réimprimée récemment dans
la Collection de Petitot. M — s — n.
VlEIRAouVlEYRA^SÉBASTiEN),
missionnaire portugais , naquit en
ïS^o, à Castro d'Aire, diocèse de
VIE
43i
Lamego. A l'âge de seize ans , il em-
brassa la règle de saint Ignace, et se
disposa, par la prière et l'étude , à
porter l'Évangile dans les Indes. S'é-
tant embarqué pour le Japon , en
1602, il se signala pendant plusieurs
années par son zèle pour la propa-
gation de la foi. Un ordre de l'em-
pereur , en le reléguant à Manille ,
interrompit le cours de ses prédica-
tions ; mais il rentra bientôt au Ja-
pon , et il continua de se dévouer au
service des nouveaux chrétiens , dont
le nombre s'accroissait chaque jour.
Rappelé par ses supérieurs à Macao^
il fut envoyé à Rome pour rendre
compte au souverain pontife de l'é-
tat des missions des Indes. Pendant
son absence sa tête fut mise à prix ,
et il fut obligé de se déguiser en ma-
telot chinois pour rentrer au Japon ,
où il resta quelque temps caché.
Mais avant été nommé vice-provin-
cial et administrateur de l'évêché, il
se trouva dans la nécessité de braver
tous les dangers pour remplir les de-
voirs que lui imposait ce double ti-
tre. Il fut bientôt découvert , et con-
duit devant l'empereur à Yedo. Le
prince lui commanda de renoncer à
Jésus-Christ j mais il répondit qu'il
ne trahirait point un maître dont il
n'avait reçu que des bienfaits depuis
soiianîe-trois ans , pour obéir à ce-
lui qu'il ne connaissait que par ses
rigueurs. L'empereur, irrité, le fit
appliquer à la torture j voyant que
les supplices ne pouvaient point
ébranler sa constance, il le fit sus-
pendre par les pieds dans une fosse,
les mains liées derrière le dos. On re-
trouva le P. Vieira vivant au bout
de trois jours, et il termina sa vie
sur un bûcher , le 6 juin i634 . On a
de lui quelques Lettres daus le Re-
cueil des Missions , année i6i3.
W— s.
43'2 VIE
YIEIRA ou YIEYRA { Antoine ),
célèbre prédicateur, et, au jugement
des critiques portugais , l'un des
meilleurs écrivains de celte nation ,
naquit à Lisbonne le 6 février 1G08.
Conduit eu bas âge au Brésil , où
sou père s'établit avec sa famille , il
fit ses premières études au collège de
Eahia , sous la direction des Jésuites.
11 annonçait si peu de dispositions
pour les lettres , que ses maîtres au-
gurèrent ffii'il ne serait jamais q;i'un
sujet médiocre ; mais il finit par
surmonter les obstacles que la nature
semblait avoir mis au développe-
ment de son intelligence ; et ayant
embrassé la règle de saint Ignace
en iG'2'2 , il fut envoyé au noviciat à
Sau-Salvador, où, âans l'espace de
deux années , il lit des progrès si ra-
pides, que par une décision très-
remarquable SOS supérieurs le dis-
pensèrent de suivre les cours de
théolo;;ie [ i ). Resté maître de choisir
entre les systèmes de l'école celui
qu'il jugeait le meilleur , il composa
pour son instruction difTérents trai-
tés , qui furent trouvés excellents ,
et qu'il expliqua depuis au collège
de Baliia. Le vice-roi du Brésil ayant
achevé de soumettre ce vaste pays ,
résolut, en i()4i , d'envoyer son fils
à Lisbonne porter cette agréable
nouvelle, et le P. Vieyra fut désigné
pour l'accompagner. I>e roi Jean IV,
charmé de son talent pour la chaire^
le nomma son piédicatcur. Dans
les conversations qu'il avait avec
Yieyra , ce prince lui ayant reconnu
un génie propre auxallaires, le char-
gea de différentes négociations en
Angleterre, en Hollande, en France,
et enfin à Rome. 11 revint à Lis-
bonne, en 1049. Le roi^ satisfait de
(i) CeUe décisioD, dit le V. Oudin , paraîtra
bien extraordinaire ^ ceux qui connaissent J es lua-
ges des jésuites.
VIE
ses services, voulut l'en récompenser
par un évèclié qu'il le pressa d'ac-
cepter. Yieyra demanda pour toute
faveur la permission de retourner au
Brésil , accomplir le vœu qu'il avait
fait de se consacrer à l'instruction
des sauvages , mais il ne put l'obtenir
qu'en i65.2. Les Jésuites de Portugal
ne formaient qu'une ser.le province.
Le roi décida qu'elle serait partagée.
On soupçonna Yieyia d'avoir con-
seillé cette mesure , et il fut question
de l'exclure de la société comme uii
novateur. Vieyra profita de celte cir-
constance pour représenter au roi
qu'il ue pouvait prolonger davantage
son séjour en Portugal ; et il s'em-
barqua le 20 novembre , emmenant
avec lui des missionnaires au Brésil.
Dès l'année suivante , il revint à Lis-
bonne plaider la cause des sauvages
duMaraguan, que les colons portu-
gais enlevaient de leurs habitations ,
et réduisaient eu esclavage. Tout ce
qu'il demandait lui fut accordé •
mais le roi employa de nouveaux
eiforts pour le retenir à sa cour , et
il ne put retourner au Brésil qu'en
i(J55.Cefut alors que, se livrant tout
entier à son zèle apostolique, il par-
vint , en moins de six ans , à civi-
liser plus de six cents lieues de pays,
où il fit régner, avec l'Evangile , les
arts utiles et la liberté. Les colons
portugais, indignés des obstacles que
le P, Vieyra mettait à leurs pré-
tentions criminelles et à leur cupi-
dité, ne songeaient qu'aux moyens de
s'en dcbarri.sser. En 1G61 , ils l'em-
barquèrent avec ses confrères sur un
vaisseau qui faisait voile pour Lis-
bonne , .sous prétexte que les mission-
naires s'entendaient avec les Hollan-
dais , pour enlever le Brésil au Portu-
gal. Cette accu.salion ridicule ne pou-
vait avoir aucune suite. Au roi Jean
lY avait succédé Alphonse YI. Le
VIE
P.Vieyra lut consulte par la régente,
sur les mesures à prendre pour éloi-
gner de la cour les jer.nes seigneurs
qui s'étaient emparés de l'esprit du
nouveau roi (2). D'après son avis ,
tous les favoris d'AIplionse lurent
exiles ■ mais ceux-ci redevenus les
inaîires, par une de ces révolutions si
communes dans les cours , llrcnt re-
léguer le P. Vieyra à Porto , puis à
Coïmbre, où il fut mis entre les mains
de rnupiisition , accusé d'avoir énon-
cé, dans la chaire, f/es propositions
condamnées par l'Eglise, Arrêté le
2 octobre i665, il resta vingt-six.
mois dans les prisons du baint-
Oilice , et ne recouvra la liberté que
lo '^4 décembre iGGn. 11 fallait que
son innocence fût bien démontrée ,
puiscpi'on n'exigea de lui aucune ré-
tractation , et qu'il fut même dispen-
sé d'assister a la cérémonie de r<zf/fo-
da-ffi. En l'ifJQ , sui' la demande de
la reine Cliristine, il reçut de sou
général l'invitation de se rendre à
Kome. Il obéit, et l'accueil que lui
(ircnt le souverain ponlife et les
membres les plus distingués du sacré
collège dut être un dédommagement
des injustices qu'il venait d'éprouver
en Portugal . La reine Ciluisfine, char-
mée de plus en plus de ses manières
et de son esprit, désira se l'attacher
avec le titre de son confesseur; mais
l'état de sa santé l'obligea de retour-
ner, en iC-jS, à Lisbonne, respirer
l'air natal. Avant son départ, le pape
Clément X lui prodigua les marques
du plus tendre intérêt , et lui remit
un bref qui défendait aux inquisiteurs
portugais de prendre connaissance à
l'avenir de ce qui concernait Vieyra.
{■>-) Ija remontrance que le P. Vieyra fit an roi,
pour rengainer àéloiguei- ses fd\oris, a elc traduite
eu Iraurais et ioséi-ee dans la Relation des trouble'
arrivés à la cour de Portugal, pai- Fremonl-d'A-
blanconrt (f . FrÉmoNt ).
XI.VIIl.
VIE 433
Christine tenta de le faire revenir à
Rome , en 1678; mais il s'en excusa
sur son âge. Dès que ses forces le
lui permirent , il se hâta de retour-
ner au Brésil. Nommé supérieur
général de la mission du Maragnan,
il fut élu , en i(j88, visiteur de la
province du Brésil , charge qui lui
donnait l'autorité de choisir dans les
diirérentes maisons les sujets pro-
pres aux missions. Il passa \cs der-
nières années de sa vie au collège de
Bahia , occupé de préparer une
édition de ses Sermons, dont quel-
ques-uns avaient déjà été publiés,
mais sur des copies défectueuses. Il
conserva jusqu'à la fin toute la vi-
gueur de son esprit, et mourut le 18
j.iillet 1697, à l'âge de quatre-vingt-
neuf ans. Ses obsèques furent célé-
brées avec une pompe extraordi-
naire. Ses compatriotes l'ont nommé
quelquefois le Cicéron Lusitanien :
et si l'on fait grâce dans ses Sermons
à quelques bizarreries qui tiennent à
l'esprit du temps et du pays qu'il
habitait, il mérite, sous quelques
rapports , cette honorable dénomi-
nation. Correa de Serra , qui avait
de l'estime pour son caractère et pour
son talent , devait nous donner une
Notice détaillée sur ce prédicateur ;
la mort de notre collaborateur nous
a privés d'un morceau historique qui
ne pouvait manquer d'être fort cu-
rieux. Le Recueil des œuvres du P.
Vieyra , imprimé à Lisbonne , de
1679a 17 18, forme i5 vol. in-4''.j
les treize premiers ne contiennent que
des Sermons ; à la fin du quator-
zième, on a réuni quelques Opus-
cules : Dissertation sur les larmes
d'Heraclite , lue à une assemblée de
savants, dans le palais de la reine
Christine^ et insérée dans un Recueil
de Discours italiens • Discours sur
une comète , observée à Bahia , en
aS
434
VIE
i(x)4 ; Lettre ail roi Alphonse^I .
sur les missions du Marngnan ;
elle est pleine de détails intéres-
sants sur cette contrée alors peu
connue; Remarques critiques sur
l'ouvrage du P. Diego Lopez : Har-
Ttionia Scripturœ f/iVm^( Lisbonne ,
1646, in-fol.), et sur la troisième
partie de V Histoire des Dominicains
en Portugal, par le P. Louis de
^ousa, et quelques Lettres. Le tome
quinzième est intitule : Ilistoria de
future, etc. C'est l'iiistoire antici-
pée du Portugal, lequel, suivant
l'autour, ne peut manquer de for-
mer un jour le cinquième empire du
monde ^3). Les Sermons du P. Vieyra
ont cte traduits plusieuis fois en es-
pagnol , en italien et en latin ; mais
on ne possède en français que quel-
ques-uns de ses Discours traduits par
le P. Verjus ( V. ce nom ). L'abon-
dance , l'imagination, et les autres
qualités qui font duP. Vieyra l'un des
premiers écrivains de sa nation , ne
peuvent raclielcr à nos yeux le d«i-
faut de goût qu'on remarque dans
toutes ses compositions. Il a laisse'
manuscrits des Commentaires sur
les tragédies de Se'nèque , ouvrage
de sa jeunesse ; sur le JAvre de Josué
et sur le Cantique des Cantiques ;
enfin Clavis prophetarum , ouvrage
important , aucpiel il travailla cin-
quante ans , et qu'il n'eut pas le
temps de terminer (4). Le P. Oudiu
a donne sur son confrère une Notice
très- détaillée dans les Mémoires de
Niccron , xxxiv , cino-'-5. W-s.
VIEL ou DE VEIL ( Chari.es-
Mabie de), fdsd'un juif deiVJetz,
(3) On ne trouve pas clans le recueil de ses nn-
vres le Calé.cliinne en six langues, qu'il composa
pour la mission da Maragnan.
[i)) Le Dictionnaire iinit-ersel dit fjue la Clinis
prophetarum fnl imnrimceà Rome, en i-aS, in-.'i".
Il serait bien singulier que le P. Oudin nViit pas
connu cette édition; et nous n'avons trouvé cet
ouvrage cita dam aucun catalogue.
VIE
naquit dans cette ville , et y fut
e'ieve' dans la religion judaïque ,
qu'il suivit jusqu'à la mort de son
père. Bossuet , alors jeune , chanoine
et archidiacre de l'église de Metz ,
y prêchait , et lie' assez intimement
avec Paul Ferry , qui vêtait ministre,
y faisait des conférences de controver-
ses , à la suite desquelles eurent lieu
plusieurs conversions de protestants
et même de juifs ( f^or. Ferry ,
XIV, 484). De Veil fut une des
conquêtes du jeune théologien, devenu
depuis si célèbre. Il ne se borna pas
à quitter la religion judaïque pour
embrasser le catholicisme, il voulut
se faire religieux , et entra chez les
Augustins. Les biographes ne disent
point s'il y fit profession ; mais il est
certain qu'il en sortit , et (pi'il se
présenta à Sainte - Geneviève , pour
être admis dans cette congrégation
de chanoines réguliers. Son admis-
sion y éprouva des dillicultcs, parce
qu'un statut de la congrégation ne
permettait point de recevoir des
religieux qui avaient porté l'habit
d'un autre ordre. Le crédit de Bos-
suet leva cet obstacle. De Veil fut re-
çu , et après sa profession envoyé
par les supérieurs à Angers , à l'ab-
bavc de Toussaint, pour y faire ses
études dans l'université. Après ses
cours de théologie , il soutint , d'une
manière brillante, la thise de Teji-
tatife, préliminaire au baccalauréat.
Il entra ensuite en licence , carrière
qu'il fournit avec non moins d'hon-
neur. En i<J72 ^ il publia nu
Commentaire sur les évangiles de
saint Matthieu et de saint Marc. Le
17 avril 1(3^4 > il soutint la thè-
se nommée Majeure, qu'il dédia
au célèbre docteur Antoine Ar-
n.iuld. Moréri nous a conservé le
titre de celle dédicace, conçu en ces
termes : Clarissimo Ecclesiœ Christi
VIE
sacerdoti, D. A. Amaldo , docton
Sorbonico , apostolicœ sedis since-
ro ac relif^iosissiino cultorc , stu-
diosissimo Ecclesiœ unitatis et dis-
ciplinœ , novitatis prophance ac
hereticœ pravitatis debellatori in~
victissiino , orthodoxœ veritatis , et
semel traditœ fidei vindici acerri-
mo , ac defensori fortissimo. Sa
licence finie, de Veil prit le bonnet
de docteur et professa pendant quel-
que temps la théologie à Angers ,
dans les écoles publiques. Ayant été'
pourvu du prieuré-cure de Saint-
Ambroise, dans la ville de Meluii , il
^ q'iitta sa chaire pour ce bénélicc. Il
en était en possession et le desservait
ea iG-jQ, lorsque tout-à-coup , sans
que rien eût pu faire prévoir cette dé-
fection, il passa en Angleterre, oii il
abjura le catholicisme et embrassa
la communion anglicane. Cette apos-
tasie ne fut pas son dernier mot. Dès
l'année suivante, il quitta cette com-
munion pour se faire anabaptiste,
épousa la lille d'un homme de cette
secte , en embrassa et en soutint les
erreurs. La faculté de théologie d'An-
gers , informée de ces faits , l'ex-
clut de son sein par un décret du 9
janvier 1680. Suivant Moréri , cet
homme variable mourut dans le cou-
rant de la même année. 11 s'était mis
à exercer la médecine pour subsis-
ter; et, de tous ses puissants amis ,
Tillotsonseul lui resta iidèle. De Veil
est un des premiers qui se déclarèrent
contre V Histoire critique du Vieux
Testament de Richard Simon ( F.
ce nom , XLII , 38o ) , dans une
lettre adressée à Robert Boyle , en
i6'j8, et à laquelle Simon fit une
réponse sous le pseudonyme de R.
de l'Isle. Ces deux lettres ont été
réimprimées à la suite de V Histoire
critique du Vieux Testament , édit.
de Rotterdam, i685. Les ouvrages
VIE 435
de Charles -Marie de Veil sont : I.
Commentaire sur l'Evangile de
saint Matthieu et sur celui de saint
Marc , Angers , i6'j4 , in-4"- ; Lon-
dres . 1678, in-8". Au sens littéral
de l'Évangile , l'auteur a ajouté plu-
. sieurs questions de théologie et d'his-
toire, sur le pain azyme, la dernière
pàque de Jésus-Christ, le mélange
de l'eau et du vin dans la cène , etc.
Dans l'édition de Londres il a sup-
primé ce qui était favorable à l'Église
romaine. II. Un Commentaire sur
Joël , Paris , 1676 , in-i2; il y ex-
plique ce prophète par l'Écriture
même, et enrichit le sens littéral de
beaucoup de remarques tirées des
saints Pères , des interprètes , des
mœurs et du langage des Hébreux,
dont il avait une parfaite connais-
sance, m. Un Commentaire sur
le Cantique des Cantiques , sous
le titre suivant : Explicatio Cantici
Canticorum , ex ipsis Scripturœ fon-
tibus , Hebrœorum ritibus et idio-
matis, veterum et recentiorum mo-
numentis eriifa, Paris, 167 4' ^^T^,
in- 12; Londres , lô'jg, in-8°. IV.
Explicatio litteralis duodecim pro-
phetarum minorum, hondres, 1680,
in-8°. V. ActaSS. apostolorum, ad
litteram explicata, Londres, 1684,
iu-8<'. j il eu donna lui-même une
version en anglais. La plupart de
ces ouvrages ont obtenu Je suffrage
des savants , et tous sont distingués
par l'érudition. DomCalmet en parle
avec éloge. — Viel ou de Veil
( Louis Compiègne de ) , frère du
précédent , fut aussi converti par
Bossuet , devint interprète du roi
pour les langues oi'ientales , et imita
son aîné dans sa défection , en em-
brassaut la religion protestante. On
a de lui : Catechismus Judœorum
in disputatione et dialogo magistri
et discipuliy eu hébreu et en latin,
28..
436
VIE
167g; Franeker, 1G90, in 8°. lia
Iradiiit en latin quelques livres de
Maimouide, dont l'un regarde les
Cérémonies , Paris , i66n , in- isi ,
etl'autre le Culte divin ^ ibid., i6'^8,
in-40.Il y a joint de savantes remar-
ques. Il a traduit aussi d'Abarba-
nel en latin : un commentaire sur
le Lévitiqiie , Londres , 1 683 , in-
4°. — Bayle fait mention d'un Fré-
déric Ragstat de fFeile, rabbin alle-
mand, qui, fort jeune encore, quitta
le judaïsme pour embrasser la com-
munion reformée , fut baptisé à Clè-
ves , et y reçut le nom de Frédéric ,
qui était celui de l'électeur de Bran-
debourg. 11 fut miuistre en Hol-
lande, et il publia, à l'âge de vingt-
cinq ans , un livre contre les Juifs ,
intitulé : Theatnim lucidum , exhi-
bens verum Messiam , Dominuni
nostrum Jesum Christutn , cjusque
honorem defendens , contra accu-
sationes Judceonmi , Amsterdam ,
167 I , in- 12. 11 ne faut pas le con-
fondre avec les précédents , dont
toutefois il était coutempoi'ain, et
avec lesquels il a des conformités.
L— Y.
V I EL ( EïiEN>E - Bernard-
Alexandre ) , prêtre , né à la Nou-
velle-Orléans , le 3i octobre 1786,
est mort le 16 décembre i8'2i, au
collège de Juilly oii jadis il avait
fait ses études , où il exerça douze
ans les pénibles fonctions de pré-
fet, et où depuis 181 5 il s'était
choisi une retraite. Membre de la
congrégation de l'Oratoire , il avait
consacré plus de trente années à
l'éducation de la jeunesse. Quand
cette congrégation fut dissoute , il
passa à la Louisiane, et se lit chérir
des habitants du poste des Atac-
Apas j mais la France était sa vraie
patrie. En 1812, ily revint, rappelé
par les vœux de ses anciens élèves ,
VIE
restés tous ses amis. Six d'entre eux
avaient, en son absence, fait imprimer
sa traduction en vers latins du Télé-
maque, et la lui avaient dédiée, sous
ce titre : Telemachiados libri xxir ^
Didot, i8o8, in- 12. MM. Creuzé de
Lessert, Eyriès, Durant , Saiverte
aîné, Arnault et Eusèbe Saiverte,
avaient fait les frais de cette édition,
dont le dernier surveilla l'exécution.
On trouve à la Bibliothèque royale
deux autres traductions latines, bien
inférieures , du chef-d'œuvre de Fé-
nélon, l'une par un anonyme, l'au-
tre par Joseph -Claude Destouches.
Viel publia, en i8i4j une seconde
édition , qu'il leur dédia à son tour.
En 1816, sous le titre de Miscella-
nea latiTio-gallica , il offrit au pu-
blic , avec quelques opuscules en
vers latins, une traduction française
de V Art jwétic/ue et de deux autres
épîlres d'Horace, traduction fidèle
et distinguée par la découverte de
plusieurs sens nouvcriux plus pi-
quants , plus exacts, plus conformes
au génie du poète latin. R — t.
VIEL (Cuarlls-François) , ar-
chitecte , né à Paris le 21 juin
1745, fit ses études au collège de
Beauvais , et se livra particulière-
ment aux mathématiques. Cependant
cette science lui paraissait dange-
reuse pour l'architecture , en ce que
par elle on démontre comme certain
ce qui n'est souvent qu'hypothétique.
Il préférait l'étude de la physique ,
dont les résultats sont pins assurés.
Devenu élève de Chalgrin , il dé-
buta dans la carrière de l'architec-
ture par son magnifique projet d'un
monument consacré à l'histc.ire na-
turelle , projet qui fut vivement ap-
prouA'é par Bulion , et daus lequel
il reproduisait , par une superbe co-
lonnade, tout le luxe de l'architec-
ture grecque et romaine. On lui dut
VIE
ensuite !e Mont-de-Piëtç , édifice re-
marquable par le style monumental
de SCS nombreux corps de bâtiments
et leur belle exécution ; puis l'hôpi-
tal Cocbin, que distinguent son or-
donnance, sou acrage, sa distribu-
tion et tous les accessoires qui le
rendent commode ; l'établissement
de la pharmacie centrale dans les
bâtiments des Miraraiounes;le grand
bâtiment de la Pitic , dont on ad-
mire la façade imposante et les
belles et sages proportions; le grand
amphithéâtre de l'Hôtel-Dieu, si dif-
ficile à établir dans un espace si
étroit et si incommode ; enfin , le
grand égout de Bicêtre, ouvrage qui,
par les dillicultés vaincues , la soli-
dité d'une savante construction, peut
être comparé aux plus fameux tra-
vaux des Romains. Viel fut encore
l'architecte d'une foule d'autres tra-
vaux particuliers, tels que la tribiuie
de l'orgue de Saint-Jacques-du-Haut-
Pas , et le perron du château de
Bellegarde, et il fut pendant quarante
ans architecte des hospices de Paris.
Il proicssa toujours beaucoup d'es-
time pour son maître Chalgrin , et
ce fut lui qui prononça , après sa
mort, son Kloge historique qui a été
imprimé. Mais ce qui le distingue
plus particulièrement , c'est qu'il
fut un habile écrivain , et qu'il sut
parler de son art en homme de
lettres. 11 mourut à Paris le i*^''.
déc. i8ig. Ses OEuvres se compo-
sent de divers écrits publiés d'abord
séparément : I. Lettre sur Varchi-
tectiire des anciens et celle des mo-
dernes , 1 78 1 -87 , in-80. II. Projet,
plan et élévation d'un monument
consacré à l'histoire naturelle ,
dédié à M. le comte de BuJJon ,
1780, in-4''. m. Observation phi-
losophique sur l'usage d'exposer
les ouvrages de peinture et de
VIE 437
sculpture, 1788, in-8'\ \N. Dé-
cadence de r architecture à la fin
du dix-huitième siècle , i8oo, in-
4". V. De la construction des édi-
fices publics sa?is l'emjdoi du fer ,
180 3^ in- 4°' VI. Des anciennes
études de V architecture , 1809 ,
in-4". VII. Moyens pour la restau-
ration des ])iliers du dôme du Pan-
théon , 1797, in-4'^-' 1812, in-4''.
VllI. Principes de l'ordonnance et
de la construction des bâtiments ,
tome !•='■. , 1797 , tome S*'., i8i4 ,
etc. Barbier lui attribue nn ouvrage
philosophique, intitulé : Dissertation
sur les cornes antiques et moder-
nes, 1786, in-8^. On trouve une
notice nécrologique sur Viel dans
les Annales des arts , troisième an-
née, tome v^ n". 6 , 1820 , et une
notice de ses ouvrages dans le Jour-
nal de la librairie. F. P — t.
VIEL. Fojez Vieil.
VIELLART (RE^É- Louis -Ma-
rie), naquit à Reims en 1754. Son
père, jurisconsulte distingué et pro-
cureur fiscal général au bailliage du-
cal , ne négligea rien pour son édu-
cation. En 1772, le jeune Viellart
vint à Paris , pour se perfectionner
dans l'étude de la jurisprudence; et
le i '2 décembre 1774, i' f^it '"^Ç" avo-
cat au parlement j mais la faiblesse
de son tempérament ne lui permet-
tant pas de suivre cette carrière , il
reviut à Reims, fut pourvu de la char-
ge d'avocat du roi au présidial, qu'il
vendit en 1782, quand l'archevê-
que le fit lieutenant du bailliage du-
cal. Lors de l'émeute qui eut lieu à
Reims , les 1 1 et 1 2 mars 1 789, Viel-
lart montra un grand courage. Des
attroupements avaient déjà pillé des
farines; et la force armée ne pouvait
réprimer le désordre. Ce magistrat
arrive seul , revêtu de son costume ^
monte sur une voiture chargée de fa
438
VIE
nne , et s'ëcrie qu'on ri enlèvera les
farines qu'après lui avoir arraché
la vie. Aussitôt les plus mutins se tai-
sent; et rallroupement se disperse.
En 1789, Viellart fut député par le
tiers-état de sa province aux états-
généraux, où il siégea au côté droit,
et vota avec la majorité. 11 fit sou-
vent des rapports sur les troubles de
l'intérieur , sur l'insubordination des
régiments, et provoqua des mesures
de rigueur contre les prêtres inser-
mentés. En 1 790, il fut nomme mem-
bre du tribunal de cassation, par les
électeurs du département de la Mar-
ne. Plus tard, il fut choisi, avec
Bailly, pour aller exercer les fonc-
tions du ministère public près la
liaute-cour de \'endôme j et il les
remplit avec autant de courage que
de fermeté {Voyez Babeuf). Dans
le même temps, il fut un des concur-
rents pour la place que Letourneur
laissa vacante au Directoire; mais
M. Bartliéleray l'emporta. Viellart
fut privé de son emploi à la haute-
cour, après la révolution du i<S fruc-
tidor ( 4 sept. 1797); et il n'eut
plus d'autre occupation que celle de
son cabinet d'avocat. Après le 18
brumaire (octobre 1799) , il fut nom-
mé juge à la cour de cassation, et
ensuite président de la section crimi-
nelle. Il concourut très -efficacement
à la rédaction des Codes civil et cri-
minel, fut nommé commandant de
la Légion-d'Honneur et l'un des cinq
inspecteurs-généraux de l'université,
chargé de diriger et de surveiller les
écoles de droit. Il mourut à Paris le
23 février 1809. Viellart a publié un
écrit intitulé : Opinion présentée
au comité des droits Jéodaux , sur
l'abolition des justices seiiineuria-
les et des droits qui en dérivent ,
1790, in-8*>. , imprimerie natio-
nale. L — c — j.
VIE
VIEN ( Joseph - Marie), peintre
célèbre du dernier siècle, né à Mont-
pellier le 18 juin 1716, annonça de
bonne heure sa vocation pour les arts
du dessin. A peine âgé de dix ans, il
coj)ia si habilement , à l'encre de la
Chine, l'estampe du Serpent d'ai-
rain, d'après Lebrun, qu'on se dé-
cida à le placer chez un ])eintre de
portraits, nommé Legrand.On y re-
marquait ses progrès rapides, lors-
que sa famille jugea convenable de
les interrompre, pour le faire en-
trer dans l'étude d'un procureur. Ne
se sentant aucun goût pour la chi-
cane , il abandonna cette carrière , et
entra dans une manufacture de faïen-
ce, où il fut chargé de colorier les
sujets dont on ornait alors ces sortes
de poteries. Enfin , ayant appris d'un
artiste distingué de sa ville natale les
])remiers princijirs de la peinture à
l'iiuilc, il partit en 174^ pour Pa-
ris, où il obtint, six mois après, une
médailled'encourageraent.Vien avait
alors vingt - cinq ans. Dépourvu de
fortune , il fit alternativement des es-
quisses pour les marchands du pont
Notre-Dame , et des académies pour
les concours. Son zèle infatigable ne
demeura pas sans récompense. Une
première médaille d'abord , et, l'an-
née suivante , un premier prix de
])rinture, attirèrent sur lui les regards
du public. Il était déjà supérieur à
presque tous ses rivaux , lorsqu'il par-
tit pour Rome, aux frais du gouverne-
ment. Trop enthousiasmé de son art
pour rester un moment oisif, il ht,
durant la traversée , une superbe es-
quisse du Massacre des Innocents; et
à peine arrivé à Rome, il y compo-
sa plusieurs tableaux de grande di-
mension , avec une célérité d'autant
plus remarquable qu'elle ne lui fit
jamais sacrifier la correction. Admi-
rateur passionné de l'antique , il ne
VIE
ueyigc.'i point, [tour s'y livrer, ce
qu'il .'jppdait les leçons du modèle
Mvaut; et ce l'ut eu combinant avec
une juste mesure ces deux genres d'c-
tudes qu'il se prépara à devenir le
premier peintre d'histoire de son
temps. Nous ne le suivrons pas dans
ses excursions à Florence, à Naples,
à Venise et dans toutes les villes d'I-
talie , où il y avait des chels-d'œuvre
digne-, de son attention. A peine de
retour à Paris, il fut reçu à l'acadé-
mie de ])eiuture et de sculpture, d'a-
bord en qualilé à' agréé , suivant l'u-
sage , ensuite comme académicien,
et six semaines après, comme pro-
fesseur. Sa réputation s'éleva si haut
que les souverains de l'Europe , no-
tamment le roi de Danemark et l'ini-
f>ératrice de Russie, se disputèrent
'avantage de se l'aHaclier, tant par
des travaux généreusement payés
que par des oftres de places et de pen-
sions. Il refusa constamment de ven-
dre sou talent aux couis étrangères-
et il présenta bientôt à l'admiration
de ses concitoyens son Suint Denis
prêchant dans les Gaules. Placé
dans l'église de Saiut-Roch , oii il est
encore , ce grand tableau partagea
avec celui de la Peste des Ardents
(par Doyen) les sull'rages des connais-
seurs. Ce fut même dans le public et
dans les journaux le sujet d'une con-
troverse animée. Quelques jeunes
gens s'enflammèrent pour le rival de
Vien d'un enthousiasme qui était eu
partie justifié par la hardiesse d'une
composition théâtrale , dont le grand
effet faisait excuser les nombreux dé-
fauts. D'autres amateurs ( et ce fut
le j)lus gi'and nombre) préférèrent à
la brûlante exagération de Doyen la
sage, la savante , l'harmonieuse com-
position du peintre de SaiiitDenis. Di-
derot, que sa prédilection connue pour
tout ce qui était outré dans les arts
VIE
43o
n'avait pas icuda ( iitièreincnluiju>lc
envers le talent de V ion , s'exprime en
ces termes sur lesdeux tableaux : « Les
compositions sont comme le carac-
tère des deux hommes : Vien est
large , sage comme le Dominiquin.
De belles tètes, un dessin rorrcct,
de beaux pieds, de belles mains, des
draperies jetées, des expressions sim-
ples et naturelles j rien de tourmen-
té, rien de recherché, ni dans les
détails, ni dans l'ordonnance. C'est
le plus beau repos; plus on le re-
garde, plus on se plaît à le regai-
der. Il tient à-la-lbis du Dominiquin
et de Lesueur. Vien vous enchaîne
et vous laisse tout le temps de l'exa-
miner. Doyen , d'un ell'et plus pi-
quant (i) pour l'œil , semble lui dire
de se dépêcher de peur que l'im-
pression d'un objet venant à détruire
l'impression d'un autre, avant que
d'avoir embrassé le tout, le charme
ne s'évanouisse. Vien a toutes les
parties qui caractérisent un grand
faiseur: rien n'y est négligé- c'est
pour des jeunes gens une source de
bennes études. Si j'étais leur pro-
fesseur , je leur dirais : Allez à Saint-
Roch , regardez la Prédication de
saint Denis , laissez-vous en pénétrer;
mais passez vite devant le tableau
des Ardents; c'est un jet sublime de
tête que vous n'êtes pas en état d'imi-
ter. » Nous sommes entrés dans ce
détail au sujet de la Prédication de
saint Denis, parce qu'elle est non-
seulement l'un des meilleurs tableaux
de Vien , mais encore celui de tous
qui caractérise le mieux son talent.
Peu de temps après le succès de ce
grand ouvrage, l'auteur obtint, pres-
que à-la-fois, les récompenses les plus
flatteuses. Elu recteur de l'académie
(■■l /'/yii i:ii ii'tst i>a5 le mol : c'est plus frnppatt
>{u'il Ullait dire •
440
VIE
de peinture , puis membre de celle
d'arcliitertiire, puis charge de diri-
ger en France les élèves prole'ges
par le roi, il se vit a])pelc,fn 1771 ,
n la direction de l'école de Rome; et,
ayant obtenu une augmentation de
pension pour les élèves de cet éta-
blissement , il se rendit de nouveau
dans la capitale du monde clircticn
où il fut accueilli avec une haute
distinction. Le roi lui envoya pres-
que aussitôt le cordon de Saint- .Mi-
chel , en le dispensant de remplir les
formalités prescrites pour la récep-
tion. Les soin.'» assidus qu'il donna
aux exercices desespensiomiaires,et
l'idée qu'il eut d'exposer tous les ans
à Rome . dans une galerie publique ,
les travaux de ces jeunes gens, eu-
rent, ainsi que ses propres exemples,
la plus heureuse iniluence sur le re-
tour de l'ècolc française aux vrais
principes de la peinture. Revenu à
JParis, en 1781 , Vien contiuiia de
travailler comme s'il n'eût rien per-
du de sa jeunesse , et plusieurs de
ses ouvrages furent honorablement
remarques aux expositions publiques
du Louvre. Le roi le nomma son
premier peintre, en 1788; mais
Vien ne devait pas long-temps por-
ter ce titre liouorable; la révolution
lui ayant fait perdre ses places et
ses honoraires, il ne lui resta plus ,
pour soutenir sa famille, que le fruit
de ses épargnes, et cette ressource
était à la veille de lui manquer ,
quand le premier consul l'appela au
sénat-conservateur, oîi , peu de temps
après , il reçut .successivement les ti-
tres de comte et de commandant de
la Légion -d'Honneur. Ce vénérable
■vieillard mourut à Paris, le 27 mars
ÏH09, à l'âge de quatre-vingt-treize
ans. Six mois avant .sa mort, il s'oc-
cupait encore de peinture , et plus
particulièrement de sujets gracieux ,
VIE
tels que des scènes anacréontiques ,
des arabesques , des vases de fleurs ,
où les restes d'un beau talent étaient
faciles à reconnaître. C'est de son
atelier que sont sortis la plupart des
peintres dont s'enorgueillit le dix-
iieuvième siècle. Il fut le maître de
David et de Vincent ; et l'on sait
combien ceux-ci firent , à leur tour ,
d'excellents élèves ( tels que les Gi-
rodet , les Gérard, les Gros, les
IMeynicr, les Thévenin ). Ceux qui
considèrent David comme le régé-
nératcur de la peinture en Fran-
ce oublient donc bien injustement
son respectable maître. Tout le
monde sait que le fameux pein-
tre des Horaces avait deb\ilé par
des ouvrages maniérés , comme
ceux de ÏJoucher , son parent ,
dont il avait reçu les premiè-
res leçons , et que Vien, à qui il
s'attacha ensuite , eut quelque peine
à le faire entrer dans la loute du
vrai. Nous avons sous les \eux une
lettre que David écrivait de Rome à
Vien, le i(3 août 1785 , et dans la-
quelle nous trouvons ce témoignage
irrécusable. « Il faut qu'avant de
» linir, je vous dise combien votre
» mémoire est chère aux Romains.
» C'est surtout quand INI. Lagrénée
» a expo.sé son tableau que j'en ai
» été témoin. Combien ils m'en di-
» sent tous les jours sur votre comp-
» te , et qu'ils savent bien apprécier
» le rang que vous tenez dans la
» peinture ! mais c'est moi qui le
» sais mieux , ayant reçu vos le-
» cons ; car, s' il y a quelque chose
» de passable dans mon tableau ,
» c'est , comme j'ai eu l'honneur de
» vous le dire , c'est quil est fait
» dans votre goût. Adieu, mon cher
» maître , etc. » Sans doute les
élèves de Vien, et les élèves de .ses
élèves , l'ont surpassé dans quelques
VIE
j)arlics ; mais ils n'ont dû ces avan-
tages qu'à la pi'atiqiic de ses leçons et
à la méditation de ses bons ouvra-
ges. En récapitulant ses productions,
sans compter les dessins et les ébau-
ches, on a trouve un total de cent
soixanle-dix-ncuf tableaux , parmi
lesquels on estime j)articulièreiiient
ia Prédication de saint Denis, dont
nous avons parle, V Ermite endormi
( ouvrage de sa jeunesse , exécute à
Rome , d'après nature), Saint Ger-
main , e\'i'(jiic d'Aiixerrc , Saint
Grégoire , pape , Saint Louis re-
mettant lu régence à Blanche de
Castillc , Mars s' arrachant des
bras de frémis , f émis blessée par
Diomède , Hector excitant Paris
à s'armer pour la défense de
Troie , une Jeune Grecque com-
parant son sein naissant à un bou-
ton de rose , les Adieux d' Hector
et d'AndronuKjue ( grande machine
qu'il composa à soixante-quinze ans),
la Marchande d'amours , etc. Ou
a , en outre , de ce peintre un bon
nombre d'eaux-fortes , notamment
le sujet de Loth et ses fdles . d'après
J.-F. Detroy; et une suite de trente
planches représentant les divers ha-
bdlements d'une grande mascarade
à la turque, ([ui fut exécutée à Rome
en 174^ pai' les pensionnaires de
l'académie royale de France. La
sagesse, la correction furent les qua-
lités essentielles et distmctivesde son
talent. A force de chercher la sim-
plicité, il tomba souvent dans le
froid, quelquefois même dans le roi-
de; mais pour l'ordonnance d'un
grand sujet, pour l'observation des
formes de la nature , pour l'entente
des lumières, la fermeté et la fraîcheur
du pinceau , et le bel accord des
couleurs , les ouvrages de son âge
mûr jouiront toujours de l'estime
des artistes. Il a été plus d'une fois
VIE
441
ccleliré par les poètes ses contempo-
rains. On lit surtout avec plaisir l'É-
pîlrc (pie lui adressa Ducis : c'est une
pièce de vers , où les principaux
ouvrages de ^ ien et de ses élèves
sont très-poétiquement décrits et ca-
ractérisés. Une notice sur sa vie et sur
ses ouvrages a été inséréedans le Ma-
gasin encyclopédique , novembre
1809. Le portrait de Vieu a été
gravé par S.-C. Miger, ainsi queson
Ermite endormi. — iM'"*^. VitN (Ma-
rie Reboul) , son épouse et son élève ,
eut aussi, comme peintre, un talent
très-remarquable ; elle excellait dans
ce qu'on appelle improprement l'imi-
tation de la nature morte. On a
d'elle , outre des oiseaux et des co-
quillages capables de faire illusion ,
des Heurs d'une rare beauté , qui
donnèrent souvent à son Jieareux
mari le sujet de dire : Elle les ré-
pand sur ma vie. Celte dame , dont
les charmants ouvrages sont encore
recherchés avec empressement, mou-
rut endéc. i8o5, âgée de soixante-
dix-sept ans. Elle avait eu de son
mariage avec le Nestor de l'école
française nn fds qui cultive avec
agrément l'art de la peinture , et
dont l'épouse , M"^'^. Céleste Vien ,
s'est avantageusement annoncée dans
la littérature par une traduction d'A-
nacréon. F. P — t.
VIENNE (Jean de) , amiral de
France , naquit, vers 1 34'^ , d'une fa-
mille illustre , et à laquelle, sui-
vant Guichenon , les anciens comtes
de Bour^osne ont donné l'origine. Il
entra d-uis la carrière des armes, des
sa plus tendre jeunesse, et fit d'abord
la guerre en Flandre. Nommé com-
mandant de Calais, après ia malheu-
reuse bataille de Creci , il eut à dé-
fendre cette place en i347 , contre le
vainqueur Edouard III. Ce fut dans
ce siège mémorable que se déploya
44'^
VIE
avec tant d'énergie le courage des
habitauls, et surtout celui d'Eusta-
clie ( I ). Jean de Vienne n'y montra
p.is moins de valeur ; ce ne fut
qu'à la dernière extrémité, et après
avoir résisté pendant un an , qu'il
ouvrit les portes de la place ( roy.
Edouard III ). Il parut avec
beaucoup d'éclat dans toutes les
g'ierres que Charles V eut à soutenir
contre les Anglais; et ce prince lui
donna pour récompense le gouverne-
ment de Honflcur , en iS-jo. Il le
nomma ensuite lieutenant de roi dans
la iJasse-Normandie , et enfin amiral
de France, sur la démission du vi-
comte de Narboimc , qui le premier
avait possédé cette charge à titre
d'olllce. Jean de Vieinie dirigea , en
iB-j-y, plusieurs expéditions contre
r.Vnglctrrre , et s'étant joint à la
Hotte du Castillan Eernand Saussct,
il lit une descente dins le comté de
Kent , et surprit la ville de Hyc qu'il
biùlaet mit au pillage. Ayant tour-
né sur les côtes de l'îie Britan-
nique , il fit successivement éprouver
le même sort aux villes d'flastings ,
de Portsmouth , de Plymouth ,
à l'île de Wigth , et revint en
France chargé de butin. L'année
suivante , il contribua à la prise de
plusieurs villes de la Normandie, et
se signala , en i38j>. , à la bataille de
Rosbec , gagnée sur les Flamands.
Trois ans j)lus tard, il fut chargé de
faire équiper, au port de l'Écluse,
une formidable armée navale , des-
tinée à une descente en Angleter-
re ; mais par les intrigues du duc
de Bourgogne , cette descente , dont
la menace avait porté l'ellVoi dans
e cœur de tous les Anglais , ne fut
pas même tentée, et .lean de Vienne
qui s'était rendu en Ecosse, avec un
y,) If Ir-il ,1.- ,l.»,„i.-.iiciil dT.u^liMl.o .Ifl C»
lais • «le coiiiealr por U plupart de» liistoriciis.
VIE
faible secours de quinze cents hom-
mes, se vit obligé de revenir sans a voir
pu tenter rien d'important. On prétend
que la conduite licencieuse de quel-
ques jeunes Français , et même celle
de Jean de Vienne envers la sœur du
roi , ayant excité l'indignation des
Ecossais, les forradc quitter cepavs
à la hâte ; mais l'âge avancé de
l'amiral ne permet guère de croire à
ce récit. Il est plus probable que les
Écossais, voyant le petit nombre des
Français venus à leur secours, se hâ-
tèrent de faire la jiaix avec les An-
glais , et qu'alors Jean de Vienne et
ses compagnons n'eurent plus d'au-
tre parti à prendre que celui de la
retraite. Toujours infatigable , ce
vieux guerrier porta ensuite les armes
en Espagne. En i3<S8, et l'année sui-
vante , il accompagna le duc de Bour-
bon en Barbarie, etsetroiiva au siège
de Carthagèiie. Eidin , eu i3()(),il
se joignit aux jeunes seigneurs fran-
çais qui marchaient au secours du
roi de Hongrie contre les Turcs, et
mourut glorieusement à la bataille de
Nicopolis ,où il commandait l'avanl-
gardc ( a(3 sept, i SqO ). Ee sire de
Coucy , contre l'avis duquel Philippe
d'Artois obtint de livrer la bataille ,
ayant deinaïulé à de Vienne ce qu'il
convenait de faire : « Sire de Coucy ,
répondit le brave amiral , là où la
vérité et la raison ne j>eul e'ire
ouïe.ilcoTU'ient qiic oultre cuidancc
règne, et puisque le comte d'Eu
se veut combattre , il faut que Jious
le servions. » Guillaume de Vienne,
son père , mettait toute sa vanité à
lui avoir donné le jour , et il fit mo-
destement mettre sur sa tombe : Ci-
pit le père de Jean de Vienne.
Le corps de l'amiral fut rapporté à
rabbaycdeBellevenue, diocèse de Be-
sançon , où l'on voyait naguère son
tombeau. Françoisede Vienne , épou-
vie;
sp du duc (le la Viciiville, morte en
i()(j(), a Ole le dernier lejctuii de
cette brandie de l'illustre famille de
Vienne, dont quelques individus ont
cependant encore la prétention de
descendre. M — oj.
VIENNE ( Guillaume de) , snr-
nornme' le Sage, naquit vers la fin
du ([iiatorziènie siècle , de la luùne
laniille que le précèdent. 11 servit
avec beaucoup de zèle le duc de
I3ourp;o{;uc, Jean, qui le nomma son
cliandjcilan et le lit son Iieuteuant-
g;eneral au siège de Calais , en le
cliargeant de garder les frontières de
la Picardie. Guillaume de Vienne fut
blesse en i/joG, dans une rencontre
près du château d'Ardrcs. Maigre
son zèle pour la maison de Bourgo-
gne , il fut nomme, en i4o8 , grand-
cliambellan du dauphin de Eranee ,
et plus tard chargé d'aller prendre
le gouvei neraent du Languedoc, en la
place du duc de Berry. 11 était en la
compagnie de Jean , duc de Bour-
gogne, lorsque ce princç fut tué à
Montereau , en \f\iç) , et il y de-
meura prisonnier. Rendu à la liberté,
il resta constamment attaché au ser-
vice du duc Philippe do Bourgogne,
qui le combla de ses bienfaits , et le
nomma premier chevalier de la Toi-
son d'Or, lors de l'institution de cet
ordre, en i4'*-9- Guillaume de Vienne
mourut en 1^34. M — n j.
VIENNE fDE\ Fof. Devienne.
VIENNET ( Jacques - Joseph ) ,
né en Languedoc le i4 avril 17^4,
d'une famille originaire d'Italie, en-
tra fort jeune dans la carrière des ar-
mes , et fit la guerre de Sept - Ans ,
comme sous -lieutenant au régiment
de Languedoc , où trois de ses cousins
étaient olliciers , et son oncle aide-
major. Ce corps ayant été licencié à
la paix, Vicnnet vécut dans la re-
traite jusqu'à l'époque de la révolu-
VIE 44;*
tien. Il fut alors nommé oH'icier mu-
nicipal à Bé/.icrs , puis député du
département de l'Hérault à l'Assem-
blée législative et à la Convention
nationale. 11 parla peu dans ces deux
Assemblées; mais il y vota toujours
avec les hommes les plus sages. Dans
le procès du roi. il s'exprima ainsi
sur la question de compétence : «....
» Je crois avoir prouvé que Louis
» n'a cessé d'être roi qu'a l'époque
» où vous avez aboli la royauté. Je
» crois encore qu'il ne peut être jugé
» comme homme J'ai toujours
» pensé qu'une assemblée de législa-
» teiirs ne pouvait s'ériger eu tribu-
» nal judiciaire; que le même corps
» ne pouvait à-la-fois exercer la jus-
» tice et faire des lois; que cette cu-
» raulation de pouvoirs serait une
» monstruosité » Vieniiet vota
ensuite pour l'appel au peuple, pour
la réclusion et pour le sursis. Pen-
dant tout le reste de la session con-
ventionnelle , cet homme coura-
geux ne cessa de lutter contre le
parti le plus exalté et le plus san-
guinaire. Il renversa un jour Ma-
rat de la tribune, et fut, le lende-
main, dénoncé dans le journal de
ce démagogue, comme un ennemi
de la nation et un royaliste. Il
réussit, par son zèle et son cou-
rage , à ])réserver son département
d'une partie des calamités qui allli-
Ceaient la France, et iiarvint à en
écarter la terrible commission d U-
range, (\m s'apprêtait à venir y ré-
pandre le sang des gens de bien ,
après en avoir fait couler des torrents
dans les départements de Vaucluse et
du Gard. En sa qualité d'ancien oflî-
cierde cavalerie, Viennet fut charge
de la remonte des troupes , et (it preu-
ve , dans cet emploi délicat , de
la plus austère ]>robité. Il jiassa en
1790 au Conseil des anciens, et se
444
VIE
retira dans ses foyei-s en î^qS, plus
pauvre et non moins vertueux qu'il
en était paiti, neut ans auparavant.
Il mourut dans sa paisible retraite
le l'.i août 18.4 j. — Son frère, Es-
prit ViENNET, fut, pendant quarante
ans, cure de la paroisse de Saint-
Merry à Paris. Il prêta , en 1790, le
serment à la constitution civile du
dor^c- mais il refusa d'être cvèque
constitutionnel de Paris, disant qu'il
n'occuperait jamais un sicj^e dont le
titulaire était vivant. Il mourut en
1 79G, fort regretté de ses paroissiens,
et après avoir fondé un hospice dans
le cloître même de son église. — M.
Jean-Pons-Guillaumc Viennet, au-
teur dramatique , est (ils et neveu des
précédents (Voy. la Biographie des
hommes vivants). M — d j.
VIERA Y CL.WIJO (don Jo-
seph de), physicien cl historien, né
dans les îles Canaries, vers l'an 1708,
d'une famille noble , originaire de
Madère, mais peu favorisée de la for-
tune , fut envoyé par ses parents à
Madrid, poin- y achever ses éludes.
Il embrassa l'état ecclésiastique, et
fut choisi, quelques années après,
pour élever le marquis de Vise , avec
lequel il voyagea en Italie et en Fran-
ce. Ils assistèrent à Paris, en 1780,
au cours de physique expérimentale
de Sigaud- Lafont; et Yicra eut oc-
casion d'y faire remarquer ses con-
naissances dans cette science. De re-
tour à Madrid, oii il fut nomme ar-
chidiacre de Fuente-Ventura , il s'oc-
cupa principalement de projiagcr le
goût et l'étude des sciences physiques
et mathématiques, en formant des
élèves qui s'y distinguèrent. Viera
s'était fait connaître comme poète et
comme orateur, par un Poème di-
dcictique sur les vents non varia-
bles, en quatre chants, Madrid,
i 780 , in-40. , et par V Éloge de Phi-
VIE
lippe V et celui de don Alfonse Tos-
tado, qui, eu 1779 et 1782, rem-
portèrent les prix proposés par l'a-
cadémie royale de Saint- Ferdinand.
Chargé par le gouverneuient , dès
l'année ' 770 , d'écrire l'Histoire des
îles Canaries, il la jîublia sous ce ti-
tre : Noticias de la hisloria gênerai
de las islas Canarias , ou Descrip-
tion géographique de ces îles, origine,
caractère et mœurs de leurs anciens
habitants, avec les Vics'des grands
hommes qu'elles ont produits , et une
Notice des événements opérés dans les
derniers siècles, Madrid, 1772 à
1783, 4 vol. in- 4". Cette Histoire
estimable est écrite avec exactitude
et impartialité. Viera mourut en
1799. Outre les ouvrages que nous
avons cités, ou a de lui : 1. Un Poè-
me sur la machine aérostatique ,
Madrid, 1 788. W. Eléments dephy-
sique et de chimie, Madrid, 1784,
in-4". 111. Eléments de géométrie
et de mathématiques , ibid., 1788,
in-4". IV. Traité de l'équilibre, ib.,
1788, in -"4". V. Histoire des îles
Maiorque et M inorque , Madrid,
1789, in-8'\ Toutes ces productions
annoncent nne érudition aussi vaste
que variée. L'auteur a laissé encore
divers manuscrits. A — x.
VIETE ( François ) , célèbre
mathématicien , ne' en i54o , à
Fontenai-Ie-Comîe , fut donc d'un
génie capalile de pénétrer tout ce
qu'il y a de plus obscur et de plus
dillicile dans les sciences abstraites.
L'application avec laquelle il se li-
vra aux mathématiques était si pro-
fonde , qu'il j)assait quelquefois trois
jours de suite dans son cabinet, ne pre-
nant denourriture et de sommeil que
ce qui lui était absolument nécessaire
pour se soutenir, sans quitter pour
cela ni son bureau , ni son fauteuil ,
ni même son attitude. Ce fut ainsi
VIE
qu'il laissa promptcincnt derrière lui
tous ceux qui l'avaient précède dans
cette carrière. Ses découvertes dans
V Analjse mathentatiqiie , qui l'ont
fait regarder comme l'un des prin-
cipaux fondateurs de cette science ,
sont : I", d'avoir étendu le calcul al-
gébri([ue aux quantités connues qu'il
désigna par des lettres ; 2". d'a-
voir imaginé presque toutes les trans-
formations des équations, aussi bien
que les différents usages qu'on en
peut faire pour rendre plus simples
les équations proposées ; 3°. d'avoir
donné une mélliodc pour reconnaître
par la comparaison de deux équa-
tions , qui ne dilléreraientque par les
signes j quel rapport il y a entre
chacun des coèllicients , qui leur
sont communs ,et les racines de l'une
et de l'autre ; 4"- d'avoir su faire
usage des découvertes précédentes ,
pour résoudre généralement les équa-
tions du troisième et même du qua-
trième degré ; 5°. la formation des
équations composées par leurs ra-
cines simples, lorsqu'elles sont toutes
positives; (i». la résolution numéri-
que des équations , à l'imitation des
extractions des racines numériques.
C'est la plus considérable de ses dé-
couvertes. C'est encore lui qui a en-
seigné la méthode pour construire
géométriquement les équations. On
lui doit aussi la géométrie des sec-
tions angulaires. Les savants anglais
Harriot, Pell , Ougli tred , Wdilis , qui
ont excellé dans l'analyse mathéma-
tique , s'accordent tous à placer
François Yiète au premier rang des
inventeurs de cette science. Newton
adopta aussi les principes de sa mé-
thode exégétique. Ils consistent à
rechercher immédiatement les diffé-
rentes parties de chaque racine ,
sans recourir aux transformations
inapplicables de Cardan et Tarta-
VIK 445
glia. Ce qui caractérise les ouvrages
de Viète , c'est la justesse et la pro-
fondeur des vues. Il n'a point résolu
les questions les plus difficiles de
l'analyse algébrique; mais il a mon-
tré le premier la route que l'on doit
suivre pour les résoudre. L'histoire
des sciences ne le séparera point de
Descartes et de Newton. « L'algè-
» bre n'était encore qu'un art in-
» génieux , borné à la recherche
» des nombres , a dit un de nos sa-
» vants les plus distingués ( i) ; il en
)) montra toute l'étendue , et substi-
» tua des expressions générales à des
» résultats particuliers. Viète, qui
» avait médité profondément sur la
» nature de l'algèbre , vit que le ca-
» ractère principal de cette science
» consiste à énoncer ces rapports.
» Newton exprima depuis la même
«pensée lorsqu'il définit l'algèbre ,
» l'arithmétique universelle. Lcsprc-
î> raières conséquences de cette vue
» générale de Viète sont l'appli-
» cation qu'il fît lui-même de son
» Analjse spécieuse à la géométrie,
» et la théorie des lignes courbes,
» due à Descartes , idée capitale et
» féconde, qui sert de foudeinent à
)) l'analyse des fonctions , et devint
» I origine des plus sublimes décou-
» vertes. Elle donna lieu de regarder
» Descartes comme le premier auteur
» de l'application de l'algèbre à la
» géométrie; mais cette découverte
» appartient à Victe; car il résolvait
•» les questions de géométrie par l'a-
» nalyse algébrique , et déduisait des
t) solutions les constructions géoraé-
» triques. Ces recherches le condui-
» sirent à la théorie des sections an-
» guiaires , et il forma les équations
» générales qui expriment les valeurs
)) des cordes. C'est dans cette théo-
(i) M. Fourier , de l'académie des .«cienres.
446
VIE
» rie qu'il pnisa l'explication inat-
» tendue de la dililcultë propre au
» cas irréductible. Il ramena la re-
w cherche des racines à une question
» de sjéomëtrie , ce que Raphaël Bom-
» belli avait déjà entrevu ; et il ap-
>) prit à trouver les racines dans les
■» tables trigonoraëtriqucs. On ne
» pouvait dans cette question para-
» doxale rien découvrir de plus dë-
\ » cisif et de plus clair. Victe posa
» aussi les fondements de la llicorie
» des équations alç^ëbriqnes ; car il
» apprit à former les coëlîlcienlsdcs
» puissances successives de l'incon-
» nue; et il n'y a aucune propriété
» générale qui ne dérive de ce princi-
» pe. » On peut ajouter à cetclogeque
Vièle eut aussi le mérite de découvrir
le sixi'ine théorème des triangles
sphëriques rectangles. Quatre seule-
ment étaient connus des Grecs . Geber
trouva le cinquième; Joachim Rhé-
ticus trouva lesixièmecn même temps
que Victe, et le publia quelques an-
nées plus tard dans V Opiis palati-
Tiîzm.Le mathématicien français avait
acquis une si grande facilité pour
résoudre les problèmes les plus dif-
ficiles , qu'Adi'ien Romain en ayant
proposé un de ce genre à tous les
mathématiciens de TEuropc , Viè-
te lui en envoya la solution avec
des corrections et des augmentations,
et lui proposa à son tour un problème
qu'il ne put résoudre que mécani-
quement. Ce savant Allemand , sur-
pris de la sagacité de l' OEdipe fran-
çais j part aussitôt de Wurtsbourg,
en Franconie , pour faire connaissan -
ce avec lui , et vient le trouver dans
sa patrie, '•ans s'arrêtera Paris, d'où
une maladie l'a vaitforcéde s'éloigner
pour respirer l'air natal. Ils passè-
rent un mois ensemble, et se séparè-
I ent pénétrés d'admiration l'un pour
l'autre. Viète défraya son nouvel ami
VIE
jusqu'à la frontière du royaume. Jo-
sepii .Scaliger s'était flatté d'.ivoir
trouyc\AQuadratitre du Ct'rcle;\ ille
releva les erreurs et les paralogismes
de cette prétendue découverte. La
fierté du prince de Vérone le prit
d'abord sur le haut ton qui lui était
naturel ; mais quand il eut mieux
connu la supériorité de son adver-
saire , il lui rendit un juste tribut
d'estime , et se consola de sa défaite
par le mérite du vainqueur. Les Es-
pagnols, voulant alors établir entre
les membres ëpars de leur vaste mo- i
narchie une communication qui ne i
pût pas être interceptée, avaient
imaginé des caractères de conven-
tion, qu'ils variaient même de temps
en temps , alin de déconcerter tous
ceux qui seraient tentés de suivre !es
traces de leur correspondance. Ce
chillre , couiposé de plus de cin-
quante ligures, leur fut d'une merveil-
leuse utilité pendant nos guerres ci-
viles. \ iète ayant été chargé par le
roi d'eu découvrir la clef, y parvint
facilement, et trouva même le moyen
de le suivre dans toutes ses varia-
tions. La France profita pendant
deux ans de celte découverte. La
cour d'Espagne, déconcertée, accusa
celle de France d'avoir le diable et
des sorciers a ses gages; elle s'en
plaignit à Rome , Viète y fut traduit
comme un né^romanl et \m magi-
cien; ce qui prêta beaucoup à rire.
Dans SOS dernières années, il travailla
sur le Calendrier c^réç^orien , et y
découvrit plusieurs fautes que d'au-
tres avaient déjà remarquées avant
lui. Il en dressa un nouveau , acco m-
modëaux fêtes etaux rites de l'Eglise
romaine; le mit au jour en iGoo,
et le présenta au cardinal Aldobran-
diiii , qui était alors en France.
Maisia courde Rome, opiniâtrement
attachée aux usages qu'elle a une fois
VIE
adoptes, ne chanj^jca licn à sa mé-
thode j et il ne résulta pour les pei-
nes du mathématicien français autre
chose que les déclamations de Cla-
vius contre sa personne et ses ou-
vrages. Cette querelle aurait même
e'të poussée plus loin , si la mort de
Vièle , arrivée en i6o3 , n'y eût
mis fin. C'était un homme sim])le ,
modeste, sol)re , dc'sintcrcssc. Il fut
l'ami du président de Thou _, et par-
ticipa ans. affaires publiques comme
maître des requêtes. Son ouvraged'a-
ualyse,où il expose, pour la première
fois, une des théories les plus profon-
des et les plus abstraites que l'esprit
humain ait inventées, est dédie à une
femme illustre, Catherine de Parthe-
nay , princesse tle Rolian , sa bien-
faitrice et son amie, qui excella dans
toutes les sciences, et qui ollrit au
milieu des troubles civils un modèle
héroïque de courage et de vertu. Je
vous (lois , lui e'crit-il , la vie et la
liberté ; et ce que f ai de plus cher
que la vie , je vous le dois encore.
Le fruit de mes veilles vous appar-
tient, Fos conseils ni ont porté vers
est art sublime , dont tous les se-
crets vous sont connus. Ses ouvrages
e'taient devenus .extrêmement rares ,
parce que, les faisant imprimera ses
dépens , il ne les livrait au public
que par la distribution qu'il eu fai-
sait à ses amis , et à ceux qui enten-
daient les matières qu'il y traitait.
François Schooten, aidé par Jacques
Golius , et par le P. Mersenne , les
recueillit en un vol. in-fol. , Leyde,
1046. On n'y trouve pas ceux qui
ont pour titre : Canon mathemati-
cus , imprimé en iS-jg, Harnioni-
cum cœleste , ni quelques autres
fragments. Z.
VIEUSSENS (Raymond),
médecin-anatomiste , né, en i64i,
dans un village du Roucrgue , ap-
VIE
447
particnt à l'ccolc de Montpellier,
bien qu'il n'ait rempli dans cette
ville que les fonctions de médecin de
l'hôpital Saint-Éloy. Ce fut naturel-
lement sur les parties du corps hu-
main les moins délicates et les plus
faciles à découvrir , que s'exercèrent
les premiers anatomistes : les os ,
les muscles , les viscères de la
poitrine et du bas-ventre furent le
principal sujet des travaux de Vesa-
le , de Faliope, d'Euslachi et des
autres créateurs de l'anatomie. Un
siècle plus tard , Thomas Willis ,
par son traité sur l'anatomie du cer-
veau et des nerfs , ouvrit une nou-
velle carrière ; mais le Traité de
Wilhs appartenait plutôt à l'anato-
mie des animaux qu'à l'anatomie
humaine , taudis que le principal
ouvrage de Vieussens , publié ,
pour la première fois, à Lyon en
i()8i), malgré son titre trop am-
bitieux de Névrographie universelle,
Nevrographia universalis , n'ollie
que la description du cerveau, de
la moelle de l'épine et des nerfs de
l'homuic , mais incomparablement
plus ample et ])lus fidèle que tout
ce qu'on avait fait jusqu'à celte épo-
que. Le mérite de Vieussens ne con-
siste pas seulement dans une exposi-
tion plus méthodique et plus exacte
de l'appareil nerveux; il fait connaî-
tre plusieurs circonstances aupara-
vant ignorées de l'organisation du
cerveau et de la moelle de l'épine , et
donne de cette dernière partie la plus
juste idée. Contre le sentiment d'Hip-
pocrate et deGalien , adopté jusqu'à
nos jours , Vieussens enseigne que la
moelle épinière ne doit pas être re-
gardée comme une production du
cerveau , qu'elle existe par elle-même
et indépendamment de ce viscère,
car elle ne diminue point progressi-
vement à mesure qu'elle s'en éloigne ,
448
VIE
mais présente, au contraire, dans les
divers points de sa lonj^ueiir, des
renflements dont le volume est pro-
portionne à la grosseur des nerfs qui
en parlent, ou plutôt qui s'y ren-
dent. Une planche assez bien gravée
( Tabula XX ) oflre l'image par-
faite de cette disposition dont la
connaissance est, comme on voit,
antérieure deplusd'un siècle aux tra-
vaux de nos contemporains. Yieus-
sens, ainsi que Willis , a senti toute
l'importance altaclice à l'étude ana-
tomique de cet appareil singulier, au
moyeu duquel les animaux et l'hom-
me se mettent en rapport avec les
objets extérieurs , éprouvent des
sensations, se les rappellent, les
combinent entre elles et prennent les
diverses déterminations que le besoin
de se conserver leur suggère. Toute-
fois de nos jours seulement l'on a
bien compris (|uc la premiire chose
à faire, dans l'étude de ers facultés
admirables , est de connaître avec
exactitude la nature de l'instrument
au moyen duquel elles s'exercent ,
afin de voir s'il n'existerait pas un
rapport constant, calculable et né-
cessaire entre la disposition anato-
minue de l'organe et les fonctions qui
lui sont confiées. Ces recherches sui-
vies de toutes parts avec une ardeur
qui n'a rien d'égal , sinon l'imiior-
tancc des résultats obtenus, et l'im-
poi tance plus grande encore des ré-
sultats qu'on espère , ont appris dé-
jà que l'instnimcnt de la volonté' et
des idées, variable comme l'intelli-
gence départie aux diverses espèces
animales , le système nerveux et cé-
rébral , présente des différences de
conformation , de volume , d'arran-
gement , de proportions , etc. , etc. ,
aussi nombreuses que l'étendue de
i'intelbgence et l'énergie de la volon-
té. 11 est également reconnu que c'est
VIE
toujours par l'extension et la multi-
plication des surfaces, au moven de
plicatures , que la force des appareils
médullaires ou nerveux se trouve
augmentée par un mécanisme en tout
semblable à celui dont usent les phy-
siciens dans la fabrication des appa-
reils électromoteurs. C'est là que se
trouve la clef ou l'explication véri-
table des phénomènes de la vie , si
dillérents ,au premier abord, de ceux
que prc'sentela matière inerte. Si nous
voulons juger du résultat possible
des travaux des anatomistes sur le
cerveau et les nerfs, n'oublions point
que, depuis un siècle à peine, le prin-
cipe avec lequel ces organes sont en
rapport , comme les poumons avec
l'air, le principal agentdes opérations
de la nature , le fluide électrique , est
l'objet d'une étude sérieuse; que dc-
jMiis plusieurs milliers d'années ou
n'avait vu, dans l'attraction et la ré-
pulsion alternatives de la paille par
l'ambre, qu'un simple amusement, et
dans les cerveaux et les nerfs, seule-
ment des masses d'albumine à demi
concrète. Au milieu du dix-huitième
siècle, Franklin s'appliqua à l'étude
de l'électricité , maîtrisa la foudre et
désarma les dieux; an commence-
ment du dix-neuvième, Yolta cons-
truisit sa pile et fournit aux chimis-
tes le moyen le plus puissant qu'ils
possèdent pour pénétrer dans la con-
naissance de la composition intime
descor|)s;et de nos jours, la chimie
renouvelée ne sera bientôt plus , peut-
être , qu'une branche de l'électricité.
Les travaux névrographiques de
Vieussens sont des titres suiîisants à
une célébrité durable; ilnel'eijl point
obtcinie des hypothèsesplus ou moins
absiiides qu'il a hasardées sur les
ferments des liquides , sur la natu-
re du levain de l'estomac , les cau-
ses du mouvement du cœur , le
VIF.
mécanisme des fondions des nerfs
et ducerveau , lesiuiisseaiiv névro-
lymphalitjues et V extraction d'un
sel acide du sang. Quelques détails
sur ce prétendu sel ne paraîtront
point inutiles à l'histoire ae l'esprit
humain. Di-tillaut un jour le produ.t
de la combustion du sanj; mêle' à de
l'argile , Vieussens crut en avoir re-
tire un acide, et s'infatua tellement
de cette découverte , qu'à l'en croire
elle allait changer enlièrcmcnt la face
de la médecine; dans cette persua-
sion, il sollicita et obtint la permis-
sion de démontrer publiquement
l'existence du sel acide du sang , dans
le grand amphithéâtre de la faculté
de médecine de Montpellier, devant
les professeurs et les élèves assem-
blés ; mais à peine avait-il commen-
cé, devant ce nombreux auditoire,
l'exposition des procédés qui l'a-
vaient conduit à trouver le sel acide
du sang , qu'un professeur , alors
renommé , (Chirac , se lève et reven-
dique avec aigreur la découverte. Au
milieu du tumulte provoqué par cette
déclaration inattendue, l'assemblée se
sépare; bientôt une polémique s'en-
gage , et la dispute lut d'autant plus
longue et d'autant plus envenimée ,
que l'on combattait pour une chi-
mère. La carrière laborieuse de
Vieussens fut un moment interrom-
pue. Appelé à Paris, pour être le
médecin de M'I'.de Montpeiisier, il
y resta jusqu'à la mort de cette prin-
cesse; après quoi il revint à Montpel-
lier , y reprit le cours de ses études
et de ses travaux habituels jusqu'à
la mort, qui le frappa dans un âge
avancé, sans que l'on en connaisse
la date précise. Le dernier ouvrage
sorti de sa plume est sou Traité des
liqueurs du corps humain y i vol.
in-4°. , imprimé à Toulouse en 1 7 1 5.
Vieussens était alors presque octogé-
XLVTII.
VIE
449
naire. Dans ce dernier Traite se trou-
vent réunis un giand nombre d'opus-
cules que l'auteur avait publiés sépa-
rément , en sorte qu'en y joignant
son principal ouvrage, Nevrogra-
phia universalis , Lvon , i(}S:),on
possède à peu près la collection de
ses œuvres, qui d'ailleurs a été pu-
bliée par son petit-lils en 4 vol. in-
4"-, 1774- On a réuni dans cette
édition divers opuscules anatomiques
de peu de valeur, et quelques pam-
phlets nés de sa disputeavecChirac .
qui en ont moins encore. R — c — d.
VIEUVILLE (Charles, mar-
quis DE La), surintendant des finan-
ces, né, vers i582^ à Paris, descen-
dait d'une ancienne famille originai-
re de Bretagne. Il était (ils de Robert
de La Vieuville, lieutniant-général
et conseiller privé de Henri III. Éle-
vé dans une cour où la licence des
mœurs se cachait sous le masque de
l'hypocrisie, il sut cependant se pré-
server de la contagion de l'exemple.
Si l'on en croit l'auteur d'un pam-
phlet intitulé Le Mot à l'oreille, il
était si pieux , dans sa jeunesse , qu'il
avait formé le projet de renoncer au
monde pour s'enfermer dans un cloî-
tre ( I ). Étant entré dans la carrière
des armes, "il devint premier capi-
taine des gardes du corps , maréchal-
de-camp et lieutenant-général de la
Champagne et du Rhetelois. Après
la mort de son père ( 1612 ) , il lui
succéda dans la charge de grand-
fauconnier de la couronne. Cette pla-
ce lui donnait l'avantage d'accompa-
gner à la chasse le jeune roi Louis
XIII, passionné pour cet exercice.
(l) M Lorsque vous fûtes appelé h ]a charge qut-
\ous avez, mainteiiant , ceux qui se souvenaieiil
des exercices de piele que vous faisiez autrolois
dans le noviciat Jes Jésuites , après être sorti He
celui des Chartreux , se promettaient de voustonics
choses dignes d'uu homme qui a la crainte de Dieu
devant les yeux. » Le Mot à l'oreille , i8i.
■^9
00
vir-
il sut protitcr habilcraeut des IVc-
qiicnlcs occasions qui se prescnlaicnt
d'eulrclenir le roi , pour s'insinuer
dans son esprit ; et il parvint bientôt
à gagner toute sa conliauce. Les ser-
vices qu'il rendit, lors des premiers
troubles , tant en Champagne que
dans le Poitou , accrurent encore sa
faveur. Admis dans les conseils du
monarque, il se montra jaloux, d'y
dominer. Le surintendant des linances
Schomberg ayant retranche de l'état
une pension de deux mille e'cus, que
La Vieuville recevait pour s'être de-
mis du go'.ivernement de IMczières ,
celui-ci s'unit auv ennemis du minis-
tre pour le renverser, et iul nommé
à sa place. En acceptant celle charge
( i(J23), il dédira qu'il s'en démet-
trait au bout de quelques mois , s'il
ne la remplissait pas à la satisfaction
générale. Pour rétablir l'ordre dans
les linances, La Vieuville comptait
sur l'expérience et l'appui de son
beau-père, Bouhier de Beaumarchais,
trésorier de l'épargne, qui joui»sait
d'une fortune considérable. Pendant
les premiers mois de son administra-
tion , tous les services furent assurés
et les pensions des courtisans payées
avec beaucoup d'exactitude. INlais les
revenus étaient loin d'égaler les dépen-
ses j et bientôt il se \ it forcé de pren-
dre le parti des économies. Les plus
faciles à faire étaient de diminuer les
grosses pensions accordées presque
toujours à la faveur et à l'intrigue;
mais dès qu'il eut annoncé son pro-
jet, les courtisans se répandirent en
invectives contre le surintendant.
Les libelles et les pamphlets se suc-
cédaient sans interruption (2). On al-
(a) Ou <■» Iroiive <]iieiques mis dans le Biincil
E ■ le Mol II l'oriilh de M. ^• iiian/iiis Je Im I irn-
ri/if, p. 178 ; — In foix publique nu mi, p. 5o3.
Le Benieil F cinl icul : Uiponse an Mol à l'or illc ,
p. I ; lieniercieinenl de la t'oit piililii/iie au nii , au
«u'iit (le la difgtâce <!<• M. île La Vieuville, p. '<•>.
VIE
la jusqu'à lui faire un reproche d'a-
voir mis de l'ordre dans sa propre
maison. « Votre dépense , lui disait-
» on, est si resserrée, soit pour vo-
» tre table, soit pour votre train,
» que vous ne donnez à gagner à per-
» sonne ( le Mot à l'oreille de M. de
" La Vieuville, p. i8j). » Se croyant
certain de la faveur du roi , il essaya
de faire tête à l'orage ; mais crai-
gnautd't'tre contrarié dans ses plans ^
il fit renvoyer de la cour le chance-
lier de Sillery et le marquis de Pui-
sieux , son fils ; et comme il leur avait
quelque obligation, on ne manqua
pas de crier à l'ingratitude. 11 s'op-
posa de tout son pouvoir à l'entrée
du duc d'Orléans ( Gaston ) au Con-
seil , et olitint l'ordre de faire arrêter
d'Ornano , gouverneur de ce jirince
qui ne se conduisait que d'après ses
avis. Ou assure que La Vieuville fit
ajouter dans la lettre de cachet le
nom de Déageant à celui d'Ornano ,
et qu'ils auraient été conduits tous
deux à la Bastille , si les amis de
Déageant n'étaient parvenus à faire
connaître au roi cet acte de son mi-
nistre (3). Le nombre toujours crois-
sant de ses enucniis força La Vieu-
ville à s'assurer de la protection de
la reine; et, pour se rendre agréable
à cette princesse , il favorisa l'entrée
au Conseil du cardinal de Richelieu ,
qu'il n'aimait pas. Le cardinal , qui
ne pouvait pas se contenter d'une au-
torité partagée, remplaça bientôt La
Vieuville dans la faveur du roi. Le
duc d'Orléans ne lui pardonnait pas
le mal qu'il avait fait à son gouver-
neur Aussi dès qu'il sut que le sur-
intendant commenrait à perdre de
sou crédit, il lui fit donner un cha-
rivari par les oiïiciers de sa cuisi-
(3) Voy. dans le Prcueil des Mémoires particu-
liers pour servir :i l'IIist. de France , ceux de th-u.
aeant, III , ■">■>.
»!c(4)- ^^^ roiaimoiiçalui-mrraeà La
Vicuvillc qu'il le remerciait de ses
services; et le siiriiiteiKlaiit lui icrait
sur-lc-cliauip la démission de sa char-
ge. Quelques jours après (août iti-i/^),
le roi , l'ayant fait venir à Saint-
(iermain , lui dit : « Je n'ai pas vou-
lu vous éloigner sans vous pcriiieltrc
de me faire vos adieux. » En sortant
de la Chambre du Conseil, il fut ar-
rête et conduit au château d'Amboi-
se. Là , jeté dans un cachot , il ne put
obtenir la permission d'écrire à sa
femme , ni de recevoir de ses nouvel-
les. La Yieuville était accusé « d'a-
') voir changé les résolutions prises
') par le roi, d'avoir traité , contre
» son ordre , avec des ambassadeurs
» étrangers, et d'avoir supposé des
» avis, pour donner au roi de l'om-
» bragc contre ses plus (idcles servi-
M teurs ;^5^. » Cependant des recher-
ches furent faites contre les linan-
ciers^ et des commissaires nommés
pour les juger. Bouhier, beau - père
de La Yieuville , fut déclaré coujia-
ble de malversations , et condamné ,
par contumace , à être pendu en elli-
gie. C'était le malheureux surinten-
dant que ses ennemis poui'suivaient
dans la personne de son beau - père j
et puisque malgré leur acharnement
ils ne l'attaquèrent point lui-même
pour son administration , on doit
croire qu'à cet égard il était irré-
prochable. Après une captivité de
treize mois, La Yieuville parvint à
s'échapper de sa prison, et se retira
dans les pays étrangers. Son jnemier
soin futd'écrii'e au roi , pour le prier
de ne pas lui imputer à crime son
évasion, le suppliant d'avoir égard à
YIE
45 1
(^'^ Vov-, dans le n.èine recueil , les Tilémoiref du
durd'0;iéan,,iv, l8.
C") ^"V. loUre «le cachet envoyée »n parlement
sur ia delentioti du niarquis de La Viciiyille. I{, -
ttieil I\ (1 . 5 1 .
ses anciens services et à sa constante
fidélité. Il adressa , dans le même
temps , une Lettre an chancelier ,
dans laquelle il ré[)on(l.'iit à tous les
chefs d'accusation jiortés contre lui
et justifiait sa conduite sur tous les
points (6). Le roi linit par être tou-
ché des malheurs de La Yieuville. Il
reçut sa femme en audience particu-
lière ( ler. juin 1G26), et lui accor-
da, d'une manière très-gracieuse, la
liberté, pour son mari, de rentrer
en France. La haine de La Yieuville
contre le cardinal de Uichelieu s'e'-
tait accrue dans l'exil ; et il ne tard.-»
pas à s'engager dans les intrigues di-
rigées contre ce ministre. Apres le
départ du duc d'Orléans et de la rei-
ne-mère pour les Pays-Bas , en iG3 1 ,
il ne jugea pas prudent de rester
en France, et rejoignit Gaston à Bru-
xelles. Il fut aussitôt décrété d'accu-
sation. Une chambre de justice, éta-
blie à l'Arsenal, fut chargée d'ins-
truire son procès ; et par arrêt du 6
janvier iGSu, il fut condamiîé à
mort, et ses biens confisqués. Deux
ans après, dans une assemblée des
chevaliers du Saint - Esprit , à Fon-
tainebleau , on le dégrada de l'ordre,
comme rebelle et convaincu de félo-
nie. La Yieuville attendit la mort de
Richelieu pour rentrer en France.
Ayant obtenu du roi Louis XIY la
permission de revenir à Paris (7),
un arrêt du parlement, en date du
24 juillet 1643 , le réintégra dans ses
biens , ainsi que dans ses honneurs et
emplois. En iGu , il reçut le titre
de duc et pair; et la même année, il
fut remis à la tête des finances , par le
cardinal Mazarin. Eu reprenant les
rênes de l'administration, il s'était
(6) Voy. r\polo|;ie du marquis de La Viniville
adressée au cbancclier, il>id. , p. 5^.
(7) Vov. la l«Ure du rni et l'arrot i\\i parlriueat,
Recueil K.
■29.
45-2 VIE
engage à rétablir le crédit, sans im-
pôts oncroii\ ; raais l'âge avait dimi-
nué son activité. Dans les premiers
moments, il se vit forcé de suivre la
marche adoptée par son prédéces-
seur; mais il se flattait de pouvoir
mettre bientôt à exécution ks plans
qu'il avait conçus , et dont il pro-
mettait des merveilles , quand il mou-
rut à Paris , le i janvier iG5'i , à l'â-
ge de soixante - onze ans , laissant la
réputation d'un ministre habile, et
surtout très - désintére>sé. On a son
portrait, format in-fol. W — s.
\li:LVlLLIi; (Le chevalier de
La;, né en Bretagne, vers 17 Go,
de la même famille que le surin-
tendant [ f^oj-, l'article précédent ),
entra de l)onue heure dans la car-
rière des armes , et devint ca-
pitaine au régiment des Gardes-
l'rançaises, 11 éraigra en 1790 ,
lit la campagne de l'armée des
jtrinces en i79>. , et passa en .\ji-
glclerre , puis en Urctagric , où il
débarqua avec Tintrniac en i^jj^-
11 fut nommé au mois d'oct. de cette
année , par Puisaye , commandant
de la division royale de Dol et de
Clospoulel , considérée comme très-
importante à cause de la facilité des
connnunirations avec l'Arjgleterre.
iJans le mois de juin 1795, lorsque
l'expédition de Qniberon fut pri-s de
mettre à la voile. La ^ ieuville fut
chargé de s'emparer de vSaint-Malo ,
à la tète de douze cents chouans ,
alin de favoriser le débarquement ;
mais les intelligences sur lesquelles
il comptait lui ayant manqué , et
un détachement de républicains étant
tombé inopinément sur sa troupe ,
elle fut dispersée. Ce fut vers le mê-
me temps(|iril eut une entrevue avec
le général floche , qui avait été son
.sergent aux Garde> - Iranraises. 11
se flattait, par ce motif, d'eu oble-
VIG
nir ce qu'il voudrait ; mais comme
il voulut prendre avec lui le ton du
commandement , Hoche le remit
promptement à sa place , et la con-
férence se termina sans résultats. La
Vieuville rej)rit alors ses courses ,
et porta successivement son quar-
tier - général au château de Éour-
caye , et à celui de la Houssaye.
Battu près de Besquerol par le gé-
néral Rey, il perdit trois cents hom-
mes, et fut obligé do rejoindre Pui-
saye près de Fougères. S'etanl ensuite
sépare de ce chef, il se dirigea vers
la forèlde Villeqiiartier , ou il rni-
contra nu détachement de républi-
cains. Forcé de se mettre en dé-
fense , il fut atteint d'une balle à la
poitrine, et mourut les armes à la
maiu, dans le mois d'avril 179C).
B— p.
VIEUVILLE. r. VlGNACOURT.
VIÉVILLE. Toj. Lecerf.
vii:yr\. ro>. Vieira.
VKiAND ( Jkaîv ), théologien de
réputation parmi les Luthériens, na-
(piit .1 ÎNlaiisfeld eu i5'j3, et fut
discipledeLulheret de Mélanchthon,
puis ministre de l'évangile dans sa
patrie , et successivement à Magde-
boiirg , à léna et à Vismar, enfin sur-
intendant des Églises de la Poméra-
nie prussienne. H fut du nombre de
ceux qui travaillèrent avec llaccus "^
Illyricus aux centuries de IMagde-
bomg( f. FnAivco\viTZ ). 11 mou-
rut eu 1587 , avec la réputation d'un
homme >avant, mais d'un mauvais
critique. On a de lui un ouvrage de
botanique, intitulé : Catalogus her-
barum in Prussid nasccntium , etc.,
et beaucoup d'écrits théologiques ,
entre autres : 1. De imaç^ine Dci in
liominihus. IT. De libvro hominis
arbilrio. III. ExpUcationcs in Ge-
jicsim , etc. IV. De illustribus viri&
Ecclesice , elc. T — d.
VIG
VIGANO ( Salvator ) , maître
tir; ballets, naquit à INapIcs, en 17O9,
.Son père, compositeur et entrepre-
neur de ballets , fut son j)reuii(r
maître, et le conduisit, à i'àjj;c de
<)u,itorze ans, à Rome. Le jeune Vi-
ij;.iiio montra ses dispositions pour
1.1 composition théâtrale , eu faisant
Il musiijiie d'un intermède qui fut
mis en scène, et cpii eut un grand
succès. Le père , pendant la compo-
silion, avait tenu son (ils eloi[:;nè de
toute société, pour que jiersonne ne
put l'accuser de s'être fait aider ,
surtout par Hoccherini , son onc!c
Maternel. A Rome, Vigano débuta
jiussi comme danseur, en remplissant
<!( s rôles de femme dans les ballets
de son père. De là il se rendit à Flo-
I cnce pour continuer ses débuts ; mais
;iy.int eu une intrigue avec une dame
de (pialitc, il fut oblige de se mettre
à l'abri des vengeances , et s'enfuit
cil Espagne. Vigano fut engagé au
tliéàtre royal de Madrid , oii il jdut
beaucoup dans les ballets de Rossi.
II y épousa une jolie et habile dan-
seuse , Doua Médina , qui se dis-
tinguait, comme lui, dans le genre
sérieux et dans ce (pie les Italiens
ajipellent danse de moyeu caractère,
lui les vovant danser ensemble , tout
le monde convenait que ce couj)!e
était parfaitement assorti. Après
avoir séjourné un an à Madrid , Vi-
gano se rendit avec sa femme à Lon-
dres , où ils se distinguirent dans
les ballets de Danberval. Vigano
profita des avis de ce grand maître ,
ainsi que de ceux de Vestris qui se
trouvait alors à Londres. De là , il
partit avec sa femme pour Paris ;
et dans cette capitale où l'art de la
danse était porté plus loin qu'ail-
leurs, Vigano en lit une nouvelle
étude. Il allait débuter au grand opé-
ra, lorsque la révoluliun le força de
VIG 453
se retirer d'abord à Bordeaux , puis
à Venise , oii l'on admira surtout
leurs pas de doux. Ce fut dans cette
ville aussi <|u'il lit représenter le pre-
mier ballet de sa composition, la
Fille mal gardée. Lors de l'ouver-
ture du grand tlié.îtrc de Fénice , il
dansa dans le ballet de son père ,
VAinour et Psjché; puis il se reu-
dit avec sa femme en Allemagne , où
il dan.'-a successivement aux théâtres
royaux de \ ieniie , de Herlin et de
Dresde. Le roi de Prusse lui lit pré-
sent d'une tabatière qui avait ap|)ar-
tenu à Frédéric-le(irand; l'électeur
de Saxe voulut l'engager à entrer à
son service j mais la cour de \ ieiine
le prévint, et attira Vigano avec sa
femme et sa lille ; la cour de Russie
l'appela également ; mais il préféra
rester dans des climats plus doux.
Il donna au théâtre de Vienne plu-
sieurs ballets de sa composition, en-
tre autres son Promélhët' ; il lit des
excursions à \ eiiise , à Milan , à Na-
ples , et donna , dans la première de
ces villes, son Coriolan qui y réussit
complètement, tandis qu'il n'eut au-
cun succès à Rome. Vigano , qui
s'était rendu dans cette capitale pour
suivre les représentations , fut obligé
de rcm|)lacer le Coriolan par un
autre ballet, la Princesse des bois,
qu'il comj)Osa eu sept jours. 11 dansa
encore à Padoue , à Viccnce , à Tu-
rin , à Brescia , puis il renonça à la
scène pour se fixer à Milan , et s'y
adonner tout entier à la composition
des ballets. Sous sa direction, le bal-
let du grand théâtre de Milan devint
un des premiers de l'Italie. Vigano
lui fournit une suite de pantomimes
intéressantes , tirées de l'histuire an-
cienne et moderne. La Pelleriui fut
son élève la plus distinguée. Il mou-
rut en 18 1 1 , n'ayant pu achever sou
huWel , Didon abandonnée. D — v.
454 VIG
yiGAROUS (Barthei.emi) na-
quit à Montpellier, eu iji^ , d'un
chirurgien qui était venu s'établir
dans cette ville. A l'âge de vingt
.ins , l'administration de l'hôtel-dieu
le nomma ])rcmicr chirurgien inter-
ne, place qui conférait la maîtrise
au bout de quelques années. Son dé-
but dans la pratique fut marqué par
des opérations majeures et peu usi-
tées , entre autres celle d'une enté-
rocèle étranglée , qu'il lit dans les
vingt -quatre beures de l'étrangle-
ment. Vigarous devint ensuite dé-
monstrateur d'anatomie à la faculté
de médecine, professeur aux écoles
de chirurgie , membre de la société
royale des sciences , l'un des chirur-
giens en chef du principal hospice
civil , et chirurgien-major de l'hô-
pital militaire de Montpellier. Dans
tous ces emplois , il montra des ta-
lents supérieurs, et surtout une heu-
reuse audace qui le fit considérer
comme l'un des premiers praticiens
de son temps. Il mourut en i-jgo ,
laissant manuscrit l'ouvrage suivant :
OEuvres de chirurgie pratique ,
civile et militaire , de Bartlié-
lemi Fignrous , mises en ordre et
publiées par son fils , docteur et
professeur en médecine, Montpellier,
1812, in-S*^. — ViGAROus(Franrois),
frère puîné du précédciit, se destina
d'abord à l'état ecclésiastique, puis
changeant de vocation il étudia la
médccine^devint docteur, et se maria.
Vigarous parlait avec une élégante
facilité la langue latine, ce qui le fit
briller dans les concours. En 1776 ,
il fut pourvu d'une chaire qu'il rem-
plit honorablement. 11 mourut en
i79'>.. F"avorable à l'inoculation delà
variole dès son origine en France ^
"Vigarous la pratiqua, un des pre-
miers^ sur SCS propres enfants.
D— G-S.
VIG
VIGÉE ( Louis-Jean-Ba'ptiste-
Étieîvne ) ( I ) , littérateur ^ né à Pa-
ris le 2 décembre 1758, était fils
d'un peintre médiocre , ou , suivant
d'autres , d'un parfumeur. Ce qui
est plus certain, c'est qu'il était le
frère de M"^!*^. Lebrun , qui s'est
fait une grande réputation par son
talent pour la peinture. Avec de l'es-
prit , une figure agréable et le goût
des plaisirs , il se trouva , de bonne
heure, lancé dans le tourbillon du
monde; et, coûtent des faciles ap-
plaudissements qu'il y recueillait, il
laissa s'écouler au milieu des dissi-
jîatioûs le temps le plus précieux
pour l'étude. C'est un tort dont il
convient lui-même.
Je ne saurais le taire ,
Je n'ai pas fait touiours ce que j'aurais du faire,
Paresseux par nature et du plaisir ami ,
Dans ïes bras du repos, inullenieiit eudorin! ,
Je désertais la coiu- des lilles de meuiuire, , . (ï).
Il n'était connu que par quel-
ques poésies légères, dans le genre
de Dorât, quand il fit représenter,
eu 1783, les Aveux difjiciles. Le
succès de cette petite pièce fut prin-
cipalement dti au talent des acteurs.
Le baron d' Estât, qui venait de trai-
ter le même sujet, accusa Vigéc de
le lui avoir dérobé ; et ils amusèrent
quelque tem])s de leur querelle les
lecteurs du Journal de Paris : mais
le public finit par se déclarer pour
Vigée; et il est bien reconnu que la
pièce lui appartient , quoiqu'il n'ait
rien fait de mieux ensuite dans le
genre dramatique. Peu de temps
(i) Vigc'e a donne lui-même ses noms et, la date
de sa naissance, dans une note de son Epitre à
Oreiset , Alman. des Muses , 1820, p. 8, et dans le
Journal de Paris du 7.8 mars i8i(). Toutes les biogra-
phies et les dictionnaires publies depuis , n'ont ce-
pendant jios cessé de le nommer Lotiis-GtiilUiume"
fiernard-Elienne, et de le faire naître vers 1755.
Quelques personnes croient qi^ ces derniers pré-
noms étaient véritablement les siens, et qu'il avait
la manie de se rajeunir et de cacber son origine.
(2) Epiirt à un élève , de l'ccole de la marine,
Alm. de Husrs, 1R12.
VIG
après, il obtint, par la protection
du comte de Vandreuil , la place de
secrétaire du cabinet de Madame ,
qu'il occupa jusqu'à la révolution,
époque où il ta perdit aA^ec l'em-
ploi de contrôleur à la caisse d'a-
mortissement , qu'il avait obtenu par
la même faveur. Malgré ces pertes ,
Vigée se montra partisan delà révo-
lution, et il célébra , dans une Odeàla
liberté , le renversement des statues
de nos rois et les premiers succès des
armées républicaines. Il présida ,
dans le même temps , la société po-
pulaire de la section de Brutus j et
comme cette section se prononça
avec force contre la révolution du 3 1
mai 1793, il fut poursuivi après le
triomphe de Robespierre. Arrêté
dans le mois de décembre de la mê-
me année , il ne sortit de prison que
dix jours après le 9 thermidor. Il a
décrit, dans une longue Épître en
vers , intitulée la Nouvelle Chartreu-
se, les circonstances de sa détention.
Vers la fin de i794i il fiit com-
pris pour une somme de deux mille
francs dans les secours que la Con-
vention accorda aux gens de lettres
«t aux artistes. Lorsque le canon de
Ja Convention nationale eut mis eu
fuite les habitants de Paris, au 1 3 ven-
démiaire ( 5 oct. 1793), Vigée fut
encore obligé de se cacher; mais l'an-
flée suivante il obtint un emploi de
chef de bureau à la liquidation de la
dette des émigrés, qu'il conserva jus-
qu'à la suppression de cette adminis-
tration, en I 799. En i8o3 , après la
mort de Laharpe , il osa se charger
de la tâche dilficile de remplacer ce
célèbre critique à la chaire de l'A-
théuée ; et l'on ne peut douter que la
comparaison que ses auditeurs furent
dans le cas d'établir entre ses leçons
et celles de son prédécesseur n'empê-
chât qu'on lui rendît justice. Cepcn-
VIG 455
dant il avait sur Laharpe une espèce
d'avantage : c'était d'exceller dans
l'art de lire les vers. Il se faisait un
plaisir de donner des leçons de dé-
clama lion aux jeunes gens qui se des-
tinaient à la carrière du théâtre; et
plus d'un acteur lui dut des conseils
utiles. Il savait donner à la poésie ,
et surtout à la sienne, un charme
qu'on n'y trouvait pas toujours à la
lecture. Après la perte de sa fortu-
ne, il supporta, sans peine et très-
philosophiquement, si on l'en croit,
toutes les privations :
Jti suis riche du bieo dont je sais me passer ,
dit-il, dans une Epître à Ducis, Sur
les avantages de la médiocrité ,
Tun des meilleurs morceaux sortis
de sa plume; mais il prodiguait, dans
le même temps, les éloges au chef
du gouvernement, ainsi qu'aux gens
en place; et ses motifs pour en user
ainsi n'étaient })robablement pas bien
désintéressés. Il fit des vers pour
Suonaparte général , pour Buona-
parle empereur et pour son fils ; mais
il ne put rien en obtenir. ]Non moins
zélé pour les Bourbons , à l'époque
de leur retour , il fut plus heureux ,
deviat lecteur du roi et chevalier de
la Légion-d'Houneur. 1 1 laissa voir , à
cette occasion , une joie d'enfant ; et
depuis il ne manqua jamais d'ajouter
à son nom le titre de chevalier.
Vigée était membre de la socié-
té philotechnique , qu'il présida
plusieurs fois; mais il avait brigué
vainement l'honneur d'être admis à
l'académie française. Piqué de l'inu-
tilité de ses démarches , il s'en ven-
gea par des éjiigrammes ; ce qui l'a
fait comparer à Piron ; mais Vigée ,
même dans ce petit genre , est très-
inférieur à l'auteur de la Métroma-
nie. De toutes ses épigrammes contre
l'académie, on n'a retenu que celh
45G
VIG
à laquelle il a dorme la forme d'une
cpitaphe :
Ci-pit qui fit des ver», les fil mal et ne put ,
(Juciiqu'il lût sans esprit, être de l'Institut.
Un académicien ( M. François de
Neiilchàteau) y fit cette repense trop
a m ère :
Vige'e e'crit qu'il est un sot ,
Peusi'-t-il qu'on le contredise?
Non, l'épilaphe est si précise
Que tout Paris le prend au mot.
Voulant montrer plus de philosopliie
q;ril n'eu avait réellement . Vigee af-
fecta de rire le premier de cette ré-
ponse. Il l'inse'ra dans V Almanach
des Muses (3) , et propo.sa des chan-
gements qui devaient la rendre mciU
leiu'e. Dès l'année 1 78(), il avait suc-
code à Sautreau de Marsy dans la
direction de l'Almanacli des Muses ;
et ce fut dans ce recued qu'il publia ,
pendant trente -deux ans, ses nom-
breux opuscules, et qu'il s'c'ngea en
aristarque de la littèratiue. Ou lui a
reproche avec raison sa partialité
dans l'admission ou le rejet des dif-
férentes pièces , ainsi que le ton tran-
chant et sec de ses jugements super-
ficiels. Ce ton , qui était l'allure ha-
])ituelle de Vigée, lui fit beaucoup
d'ennemis , et nuisit à ses projets
d'ambition et de vanité. Dans un âge
avancé, il avait ^ouservé les maniè-
res et le ton leste d'un petit- maître.
S'étonnant de n'avoir plus les mêmes
succès fque dans sa jeunesse , il de-
vint triste et morose, se déchaîna
contre le siècle, et dans ses sarcas-
mes n'épargna pas même ses con-
frères, qu'il regardait tous comme
des envieux et des ennemis. Palis-
sot, qui ne l'avait pas ménagé dans
ses Mémoires littéraires , fut sur-
tout l'objet de ses épigrarames.
La santé de Vigée ne lui permet-
tant pas de se dissimuler que sa
^3) Yoy. Alm, das Hliises ^ 1870 , p. i3o.
VIG
fin était proche , il essaya de se fa-
miliariser avec des idées qui le tour-
mentaient sans cesse. Ce fut alors
qu'il composa VEpître à la Mort ,
et uue autre pièce intitulée Mon en-
terrement, dans laquelle il prescrit j
l'ordre de son convoi, chargeant La- 1
chaboaussière ,sonami.deprononcer
son Oraison funèbre. Dans ses Epi-
tres à Gresset , qu'il nomme à tort
son maître , et à M. Robert Lefèvre,
qui A'enait d'achever son portrait ,
Vigée, toujours tourmenté par les
tristes idées qui le poursuivaient , re-
vient encore à ses ennemis, et regar-
dant , quoiqu'il ne pût pas le soup-
çonner , le rédacteur de son article
dans la Biographie universelle (4)
comme leur complice, il le désigne
d'avance comme un pauvre diable ,
un meurt de faim. Les secours de la
religion adoucirent cependant les der-
niers jours de sa vie. Il pardonna
sincèrement à tous ceux dont il
crovait avoir à se plaindre. Il mou-
rut dans de grands sentiments de pié-
té, le 7 août i8'20, à l'âge de soi-
xante - deux ans. Quelques heures
avant d'expirer, il fit une revue de
ses papiers , et brûla tous ceux qui
lui paraissaient empreints de quel-
ques ressentiments. Ou croit qu'il
détruisit , en cette occasion , des
Mémoires sur sa vie et sur ses con-
temporains , qui contenaient des cho-
ses malignes et curieuses, et qu'il se
proposait de placer à la tcle de la
collection de ses OEuvres. Commé"^
auteur dramatique, on a de Vigée :
les Aveux difficiles, comédie en un
acte et en vers, 1783. Le 6 novem-
bre 1784, il donna au Théâtre-
Français la Fausse Coquette, comé-
die en trois actes , en vers , dont l'in-
trigue est presque nulle et le style
(4) Voy. Alin d s Miisef , i8?,i, p. 4^.
VIG
jilus pi'c'tcnlicux et plus maniéré
que celui de son premier ou via -
ge. Cette pièce froide réussit ce-
pendant : elle eut même l'hon-
neur d'être jouée, dix jours après,
devant le roi, et fut imprimée, la
même année, in-8<*.; mais elle dis-
parut de l'alliclie, où elle avait été
longtemps annoncée. Peu content de
ce demi-succès, Vif;ée risqua sur la
scène italienne, le'iSdéc. , sous le voi-
le de l'anonyme, les Amants timi-
des, comédie en un acte, en vers, qui,
malgré des détails agréables, parut
dépourvue de comique et d'intérêt.
INIal secondé d'ailleurs par les acteurs
fie ce théâtre, il revint sur la scène
française, et y lit représenter deux
comédies, en i-^SS : l'une en cinq
actes et en vers , la Belle - Mère ou
les Dangers d'un second mariage ,
sorte de drame, dont le principal
caractère est manqué , et dont le se-
cond titre devrait être le Danger des
liaisons. Cette pièce assez mal ac-
cueillie, le -1^ juillet, et imprimée
in -8^. , olFre quelques situations in-
téressantes , des détails heureux, pris
dans nos mœurs , et surtout une sorte
de disparate dans le style , provenant
de ce que l'auteur l'avait corrigée
pendant trois ans. L'autre en un acte
et en \ev?,,V Entrevue, la meilleure
pièce de Vigée, dont le sujet est tiré
d'un conte d'imbert, fut jouée le G
décembre , et devant le roi trois jours
après. Celte comédie réussit par des
traits fins et spirituels , des scènes
filées et écrites avec goût , et surtout
par le talent de Mole et celui de
M^l'^. Contât. Imprimée la même an-
née, in-8'\, elle est restée au réper-
toire; et cependant elle reparaît ra-
rement sur la scène. Vigée donna en-
core deux comédies au même théâtre:
1". la Matinée d' une j olie femme,
eu un acte , en prose ( 29 déceml)re
VIG
457
l-yQ'j ) , im])riniée en i'JqS , in- 8°. ,
faible imitation du Cercle de Poin-
sinet , remplie de fadeurs pour M''*.
Contât, qui, chargée du ])rincipal
rôle, y chantait une romance ; 'i"^.
la Fivacité à V éprem-e, qui fut sif-
flée en i7<)3. Les fadaises et le ma-
rivaudage étaient alors passés de
mode. Depuis quatorze ans, Vigée
avait composé un opéra dont Stci-
bellt devait faire la musique ; mais
le départ de ce compositeur empê-
cha la représentation jusqu'en 181 5,
où il fut joué avec la musique de
Kreutzer, sous le titre de la Prin-
cesse de Bahrlone. Quelques - unes
des pièces qu'on vient de citer ont
été recueillies en un vol. in-8". ; sous
le titre à! OEuvres dramatiques de
Vigée. ]\L Lcpeintre a publié , dans
la Suite du Répertoire du Thédtre-
Francais , tome xxiii , les Aveux
difficiles et V Entrevue , et, tome
XLV , la Matinée d'une jolie fem-
me. Il ne faut chercher dans les co-
médies de Vigée ni naturel ni force
comique; mais on y trouve de l'es-
prit, des détails heureux et des si-
tuations bien amenées. Vigée a eu
part aux Veillées des muses , à la
Nouvelle Bibliothèque des romans
et au Courrier des spectacles. Ses
Poésies sont écrites , en général , avec
élégance et correction. On distingue
dans le nombre les petits poèmes in-
titulés: Ma Jeunesse , Mes Conven-
tions, Mes P'iùtes, Mes Rencontres,
et quelques Épîtres. Ses opuscules
en vers et en ])rose ont été réimpri-
més plusieurs fuis avec des additions.
L'édition de Paris, i8i3 , in-i8, est
la plus complète. On cite encore de
lui : I. Discours couronné par l'aca-
démie deMontauhan, sur cette ques-
tion , Combien la critique amère
est nuisible aux talents ? Paris ,
1807 , iu-8". II. Procès et mort de
45S
VIG
Louis Xri, ibid. , 1 8 1 4 , in-8°. C'est
un épisode d'un Poème sur la révo-
lution, auquel il travailla long-temps ,
et dont on trouve divers fraEjments
dans les Alnianachs des Muses;
mais on ignore s'il l'a termine'. III.
Le Pour et le Contre, dialogue re-
ligieux, moral, politique et lilte'rai-
re, ibid., l8i8, in 8**. C'est une sa-
tire en vers. On annonçait , en 182-2,
que lAI. le baron de Ladourette pré-
parait une édition complète des OEu-
vres de Vigoe , augmentée de son
Cours de littérature. On trouve des
Notices sur cet écrivain dans V An-
nuaire nécrologique et dans la Suite
du Répertoire du Théâtre - Fran-
çais, \\\\\ .i^-j-^^. A — T.
VIGENÈRh: ( Blaise de ) , tra-
ducteur qui a joui d'une grande rc'-
putation, était ne le 5 avril i5a3,
à Saint-Pourçain , dans le Bourbon-
nais, de parents nobles. A)'ant achevé
ses études à Paris, il fut employé par
le premier secrétaire d'état , et en
1545 il accompagna l'envoyé de
France à la diète de Worms. Après
la tenue de cette assemblée , il visita
les principales villes d'Allemagne et
des Pays - B is , pour satisfaire sa
curiosité. A son retour en France
(1547), le duc de Ne vers se l'atta-
cha comme secrétan-e; et il nous
apprend lui-même { préf. du Traité
des chijjres ) qu'il l'esta depuis le
serviteur de celle illustre maison. En
i563 , comme il avait des loi-
sirs, il voulut en profiler pour re-
pi'endre ses études , interrompues
depuis long -temps; et ayant suivi
les leçons de Turnèbc et de Dorât ,
les deux plus savants professeurs de
cette époque , il se rendit bientôt fort
Iiabile dans le grec et l'hébreu. Un
voyage (pi'ii fila Rome, en i5G6,avec
le titre de secrét.iire d'ambassade ,
lui fournit l'occasion de consulter les
VIG
plus célèbres rabbins. Son but était
d'eu tirer de nouvelles lumières pour
se peifectionner dans l'hébreu; mais
ébloui de leur érudition mensongère,
il voulut lire leurs ouvrages , et de-
vint l'un des plus zélés partisans
des rêveries cabalistiques. De re-
tour à Paris en i569, il s'y maria
l'année suivante. Les soins domes-
tiques ne ralentirent point son ardeur
pour l'étude; et à l'âge de cinquante
ans , il se lit connaître par des tra-
ductions dont le succès dut l'étonner
lui-même. Ses amis l'égalèrent au
traducteur de Plutarque et de Lon-
giis ; mais Duverdier ( Bihl. franc. )
n'hésita pas à le placer au-dessus
d'Amyot , et par anticipation , de
tous les écrivains futurs. Voici les
termes dont se sert notre vieux bi-
bliothécaire : tt Vigenère, entre tous
les nourrissons des Muses que la
Frarice ait enfantes , a si bien dit
que l'on estime avoir clos la porte
à tous ceux qui viendront par ci-
après, soit eu excellence de langage,
que doctrine. » Artus Thomas (i),
(1) Artus Thomas , sieur à'Kmhry, que Leu-
glct-nufresiioy nomme mal 'l'Iwnias /trtus , était né
vers le milieu du seizième siècle, à Paris, d'une
famille honorable. On ignore les circonstances de
sa vie; mais il est certain qu'il vivait encore en
iGi^. Admirateur p:issionne de Vigenère , on lui
dut une nouvelle (■dition de sa traduction des Ta-
bleaux de Pliilostrate, à laquelle il joignit des Epi-
grammes furi plates; il publia celle de la Fie d A-
polloniiti de Tliyane , Paris, 1611, in-4°- , avec
une prélace et d'amples commentaires ; enliu il
cnnlmu.i l'Hitloire de Nicol. Chalcondyle jusqu'à
l'année i6if- L'iistoilc . dans son Journal du règne
de Henri //^ C avril i6n5 ) lui attribue la Descrip-
tion de l'île des llerninphiodiles : ce passade n'était
point inédit comme l'annonce Barbier ( Dic-
tionnaire des anonymes , n". 35if) ) ; il est impri-
me' dans l'edit. de 1741 , tome lit , p. 278; mais
comme il est fort curieux , le lecteur ne sera pas
fâche de le trouver ici : « Le livre des Hermaphro-
dites fut imprimé et publié en même temps , et se
voyait à Paris, où on en fit passer l'envie du com-
mencement aux curieux , auxquels on le vendit
jusque à deux écus , ne devant valoir plus de dix
sous. J'en connais un qui eu paya autant à un li-,
braire de Paris. Ce petit libelle (^ qui était assez,
bien fait ) , sous le nom de cette ile imaginaire ,
découvrait les moeurs et façons de faire impies et
vicieuses delà rour, taisant voir rtair<'m''nl fjue
la l'rance cA maintruaul le rrpaiie et l'asile il<
VIG
l'un des continuateurs de Vigeuèie ,
le nomme un excellent et rare esprit ,
un docte et cloquent personnage au-
quel le public aura, à jamais^ une
pcrpc'tucilc obligation , pour l'utiHle
qu'ii tire journeiiemcnt du fruit de
ses labeurs ; un homme qu'au temps
du paganisme on aurait pu nommer
]eg7'aiid démon du savoir, puisqu'il
semble n'avoir rien ignore ( Préface
delà Vie d' Apollonius de Thjane).
Un succès si brillant valut à Vigenère
la faveur de la cour ; et l'on sait
qu'eu 1 584 il avait le titre de se-
crétaire de la chambre du roi Henri
III. Quoiqu'il fût très-laborieux , et
que , même dans les dernières années
de sa vie , il passât huit à dix heu-
res par jour à l'ètudc , il n'avait rien
moins qu'une conduite régulière. Il
mourut à Pans, le 19 février i 5f)0,
à soixante-treize ans , des suites d'u-
ne débauche. « C'était , dit l'Estoile
( Journ. de Henri III ), un homme
très-docte, mais vicieux. «Silesèloges
des contemporains n'ont pas empè-
cl.c Vigenère de tomber dans l'oubli,
c'est qu'il n'a point connu le vérita-
ble génie de la langue française. Ses
traductions si vantées sont écrites
d'un style barbare, et il est impossi-
ble d'en supporter la lecture; tandis
qu'on lit toujours avec plaisir celles
d'Amyut( Foj. ce nom). Quant aux
tout vice , volupté et imprudence , au lieu que ja-
dis elle ttait une académie honorable et séminaire
de vertu. Le roi ( Henri IV ) le Toulnnt voir , il
se le fit lire , et encore qu'il le trouvât un peu li-
bre et trop liardi , il se contenta néanmoins d'en
apj)reiidre le nom de l'auteur , qui était Artits
7'lwmas , lequel il ne voulut qu'on rechercliàl ;
faisant conscience, disait-il , de fâcher un homme
pour avoir. dit la vérité. » Malgré l'autorité de
l'Estoile, Prosp. IVÏarchand ne pensait pas que
cette ingénieuse saliie put être l'ouvrage d'un si
mauvais écrivain ; il lui conteste moins le Dis-
cours de Jacopitile à Llnione^ autre allégorie placée
à la suite de l'//e des IltrniapJirodites , semée de
citations sans choix et .sans mesure, et qui ne peut
être sortie que de la plume d'un pédant tel qu'Ar-
tus Thomas ( ^. l'arl. Heiiiinplirodites dans le
Dicl. de P. Marchand \
VIG 459
notes dont il les a accompagnées ,
elles prouvent en effet beaucoup d'é-
rudition ; niîisil faut être soi-même
fort instruit pour pouvoir en retirer
quelque avantage ; et quoi qu'en ait
dit l'abbé Sabathier ( Siècles litté-
raires ) , dans la vue de rabaisser
ses contemporains, elles n'ont point
enrichi les nouveaux traducteurs ;
attendu qu'il leur était plus facile de
recourir aux sources. On doit à Vi-
genère des traductions des Chroni-
ques et Annales de Po/ograe, d'Her-
bert de Fulstein , Paris, i5'j3, in-
4°. ; — des Commentaires de César,
ibid.^ i5n6, in-fol. et in-4'^ , sou-
vent réimprimés 5 — de V Histoire
de la décadence de l'empire grec ,
de Nicol. Chalcondyle ( F. ce nom,
VII , (j'i'^ ) ; — des Dialogues sur
l'amitié , de Platon , Cicéron et Lu-
cien , Paris , i5'j5 , iu-4". ; — de
la Première Décade de Titc-Live •
— de la Fie d'Apollonius de Thja-
ne,desHéroïques,Aes Imagesou ta-
bleaux de plate peinture de Philos-
trate l'Ancien , et des Seconds ta-
bleaux de Philostrate le Jeune ( F.
XXXIV, 2o(3 ) ; de VArt militaire
d'Onosandcr , etc., il a rajeuni le
style de V Histoire de la conquête
de Constantinople , par Geoffr. de
Villehardouin ( F. ce nom ) ; a mis
en vers les Psaumes de David et
les Lamentations de Jérémie , et
enOn a donné la première, mais aussi
la plus mauvaise traduction de la
Jérusalem délivrée du Tasse , qu''il
a eu l'imprudence de corriger {Foy.
la Bibl. franc, de Goujet , vni ,19).
Outre quelques opuscules ascétiques
de Visrenère , on connaît encore de
lui : I. Traité des comètes ou étoi-
les chevelues , apparaissantes ex-
traordinairement au ciel , avec
leurs causes et effets , Paris, 1078,
in-8". , rare. La véritable astronomie
46o
VIG
n'avait pas encore fait assez de pro-
grès pour que Vigenère pût avoir
des idées saines sur les comètes dont
l'apparition était un sujet d'elT'roi ,
inèuie pour les savants. L'explica-
tion qu'il en donne ne s'élève point
au-dessus des préjugés du vulgaire.
Suivant lui , les comètes sont pro-
duites par les exhalaisons de la terre,
qui, paivenues à une certaine ré-
gion , d'où elles ne peuvent plus re-
tond)er , se consolident et finissent
par s'enflammer. II est convaincu
que leur apparition est presque tou-
jours l'annonce de quelque grand
événement, et il assure même qu'on
peut, d'après la forme d'une comète,
prévoir si l'événement sera funeste
ou bien heureux. Pingre , dans sa
Cometo^raphie , ne nomme point
Vigenère j mais en analysant les opi-
nions des astronomes du même temps
sur les comètes , il donne une idée
fort exacte de son livre,cal([Mé sur tous
ceux qui avaient déjà paru. II. Trai-
té des chiffres ou secrètes manières
d'écrire, Paris, i5.S(3, in-4"., rare;
livre plein d'érudition cabalistique.
III . Discours sur l'histoire de Char-
les Fil , jadis écrite par Alain
Chartier , cù l'on peut voir que
Dieu n'abandonne jamais la cou-
ronne de France , ibid. , 1 589 ou
ioqI , in-8°. ; c'est l'ouvrage d'un
partisan de la Ligue. IV. Traité du
feu et du sel, Paris , 1G08 , iGif),
et Rouen, i64'2, in-4". ; traduit en
latin , flans le tome v du Theatrwn
chimicum , Strasbourg , i()i3 et
ann. suiv. ; et en anglais, Londres ,
iGjç), in-4°. C'est un livre d'alchi-
mie, rédigé d'après les |)rincipes des
rabbins et des écrivains cabali^ticpics.
Suivant Vigenère , le secret de faire
de l'or n'est pas aussi dillicile à trou-
ver qu'on l'imagine ; mais comme
ceux qui le cherchent n'ont d'autre
VIG
but , en se procurant des richesses ,
que de satisfaire leurs appétits déré-
glés , Dieu permet que tous leurs
eiïbrts soient mfructueux. Il donne
ensuite une recette avec laquelle tout
homme sage est certain de trouver
la pierre pliilosophale; mais il ne dit
pas qu'on en eût dojà fait l'essai. A
la page 83 , il annonce un Traité de
l'or et du verre , composé sur le
chapitre 'i8 de Job, qui commence
ainsi: « L'argent a un principe et une
source de ses veines , et l'or a un
lieu où il se forme. » On trouve dans
les Mémoires de Niceron , îome xvi,
0.6-3'j , une Notice sur Vigenère, et
des additions , tome %^, 94- Son
portrait est grave' par Th. de Leu-,
m-8". W— s.
VIGER (François), en latin
Figerius , jésuite , né à Rouen ,
mourut dans cette ville en 1647 ; il
était très-habile dans les langues an-
ciennes , comme le prouve son excel-
lente traduction latine des livres de
la Préparation évangélique d'Eusè-
he , avec des notes, Paris, 1628,
3 vol. in -fol. ; et son traité De idio-
tismis prœcipuis lins,uœ ^rœcœ ,
i632, in-i'.i, et Leyde, i7()6, in-
8°.; Leipzig, 1 80 'i ; Oxford , i8i3,
I parties in-K». 11 n'a pas traduit les
livres de la Démonstration d'Eusè-
be, ainsi que l'ont prétendu quelques
historiens. T — y.
VIGIER ( Gérard ), carme dé-
chaussé , mort en i638 , se nommait
dans le cloître Dominique de Jésus.
II est autour de la Monarchie sainte
et historique de France, traduite
du latin en français, par le P. Mo-
deste de Saint-Âmable , du même
ordre, Paris, 1G70, 2 vol. in-8'».
Cet ouvrage contient les vies des
saints et bienheureux, sortis de la
première race de nos rois, au nom-
bre de quatre-vingts. Le traducteur
VIG
les a ornées deheaucoiip d'accessoires
])our la généalogie, la chronologie et
i'iiisloire. Le P. Vigier est encore
auteur de VHistoire parénétique
des trois saints protecteurs de la
Haute- Auvergne , ai>ec quelques
remarques sur l'histoire ecclésias-
tique de celte province , Paris ,
it)3(>, in-8«. T— D.
VIGIER ( Jean ) , avocat au par-
lement de Paris , d'une famille no-
ble de l'Angoumois , mort vers l'an
1648 , dans un âge très-avance , est
connu ]iar un bon Commentaire sur
la coutume à' kn^owmoi?, etd'Aunis,
publie en i()5o_, dont la deuxième
édition, donnée par son petit-fils
François Vigier, Angoulème, 1720,
in-fol., est augmentée de notes inté-
ressantes. La partie qui concerne
l'Angoumois est plus estimée que
celle qui concerne l'Aunis. L'auteur
avait été plus en état de connaître
la première de ces contrées que la
seconde. vSa première édition est trop
laconique , et celle qui l'a suivie lais-
se encore bien des choses à désirer.
T— D.
VIGIER ( François- Antoine ),
prêtre de l'Oratoire, naquit vers la fin
du dix-septième siècle. Après avoir
parcouru avec distinction , dans plu-
sieurs collèges, la carrière de l'ensei-
gnement, il fut chaigéde faire à Tours
des conférences sur l'histoire ecclé-
siastique , emploi dans lequel il suc-
céda au P. d'Houteville, si cojinu
par son traité de La religion chré-
tienne prouvée par les faits. Le suc-
cès avec lequel il s'en acquitta le
fit a])peler au séminaire de Saint-
Magloire, pour y remplir le même
emploi, qui n'était confié qu'à des
sujets d'un mérite distingué. 11 y
avait été précédé par les PP. Tho-
massin , Quesnel , Lebrun^ Duguet^
et il se montra digne de les rerapla-
VIG
4fii
cer. M. de Vintimille^ archevêque
de Paris, l'ayant chargé de compo-
ser un nouveau bréviaire pour son
diocèse , il se livra à ce travail avec
beaucoup de zèle. Sa mémoire, qui
était meublée de tous les monuments
de l'antiquité ecclésiastique, hii don-
nait une grande facilité pour ce gen-
re de composition. L'ouvrage parut
en i'^36, et fut parfaitement reçu
du public, ce qui ne l'empêcha pas
d'essuyer des critiques a mères , sur-
tout de la part Au P. Houbigant , jé-
suite, qui l'attaqua avec tant de vi-
rulence , que le ])arlement de Paris
condamna au feu ses lettres, plus
satiriques que critiques. Le P. Vigier
justifia son travail par trois Lettres.,
qui forment 54 pag. in-4°. Le nou-
veau bréviaire éprouva encore d'au-
tres contradictions , dont il triom-
pha au moyen de quelques cor-
rections. La plupart des évè(pic5
l'ont successivement adopté , à peu
de variations pris , relatives aux
localités, de sorte qu'il est deve-
nu d'un usage presque général , et
qu'on pourrait le qualifier de Bré-
viaire gallican. C'est un des plus
beaux monumentsdeprières publiques'
que l'on connaisse, par le choix ju-
dicieux de tout ce que l'Écriture
sainte et la tradition renferment de
plus précieux pour l'instruction et
l'édification des ecclésiastiques et
des simples fidèles. Les légendes y
sont purgées de beaucoup de rela-
tions fabuleuses qui dégradaient cel-
les des anciens bréviaires; les hvm-
nes offrent une précision admirable,
un goût exquis. Il y règne de l'ordre
et de la suite dans les idées, de la di-
gnité et de la noblesse dans le stvle ;
on y a eu le plus grand soin de ne s'é-
carter jamais de la règle de la foi, et
de ne pas sacrifier l'exactitude à l'é-
legancc. La plupart de ces saints cm-
îGu
VIG
tiques sont de Santeul de Saint-Victor
etdcCollln. Le premier y a déployé'
toute sa verve poelicpie; le dernier
V a exprime les sentiments allectueux.
dont il était anime. On y a conserve
plusieurs hymnes de saint Ambroise
et de Prudence. Il yen a de Habert,
c'vêque de Vabres , de Petau , de
Commire, de Santeul de Saint- I\Ia-
gloire , de Letourneur , de Sainte-
Martlie , de Guyet, de Bcsnaut, cure
de Saint - îMaurice de Sens. V)5:;ier
s'était permis quelques clianf^ements
dans certaines prières consacrées
par rusa;;e , entre autres , dans
l'liyrane-/t'e maris Stella, alin d'en
mettre les difleientes strophes en
hirmonic les unes avec les autres, et
de ne pas attribuer directement à la
Sainte Vierge des opérations qui ne
peuvent convenir (pi'à Je'sus-Christ.
Les j)lainles bien ou mal fondées des
eniinnis du nouveau bréviaire enp;a-
p;(Tent l'auteur à faire des cartonsdans
les exemplaires qui n'étaient pas en-
core livres au public; ce qui f.iit re-
chercher ceux qui n'ont pas éprou-
ve ce changement. Du reste , on
a conserve' l'idée primitive de Yi-
pier dans la traduction française.
On lui doit encorde Martyrologe de
Paris, et en grande partie les IJre'-
viaires de Vienne et d'Albi. Le P.
Adry , dernier bibliothécaire de l'O-
ratoire Saiut-Honore , possédait en
manuscrit les savantes conférences
que le P. Vigier avait faites au sé-
minaire de Saint-Magloire, Ce der-
nier , devenu assistant du P. de La
Valette ( Toy. ce nom, XLVII ,
335 ), général de l'Oratoire , entra
dans toutes ses vues de pocilica-
tion, pour faire recevoir la cons-
titution Uniç,enitus ; dans un Mé-
moire qu'il avait composé à ce sujet,
il en écartait le caractère et la déno-
mination de règle de foi , ne la qua-
VIG
lifiant que du titre de règlement pro-
visoire de police, pour proscrire l'u-
sage des propositions condamnées ,
et qui n'obligeait qu'à une soumission
extérieure. T — n.
VIGILANCE {FiGiLj^-TJvs), le
premier hérésiarque qu'aient produit
les Gaules , naquit, suivant Ja plus
commune opinion, au bourg de Cala-
guri , dans le pays de Comminges ,
d'une famille obscure, après le milieu
du quatrième siècle. Sou esprit et son
savoir le lièrent de bonne heure
avec Sulpice-Sévère , qui l'adressa
à saint Paulin. Vigilance ayant des-
sein de visiter les saints lieux, l'évc-
que de Nôle lui donna des lettres de
recommandation pour saint Jérôme,
qui n'en conçut pas dès-lors une idée
bien favorable- De retour dans les
Gaules, Vigilance tint des discours
peu mesurés contre le sauit docteur ,
(pii lui répondit par une lettre écii-
te avec toute l'àcreté ordinaire de
son stvie. Vigilance était présomp-
tueux , suppléant au défaut de
science par une imagination hardie ,
et courant à la célébrité sans se
montrer dillicile sur les moyens d'y
parvenir. D'ailleurs, si l'on en croit
saint Jérôme, il était fort éloigné
des vertus de son état de prêtre , sur-
tout de celle de continence. Il s'éleva,
dans ses discours et dans ses écrits ,
contre le culte qu'on rendait aux
martyrs et à leurs reliques ; il atta-
qua les miracles qui se faisaient à
leurs tombeaux , et l'usage de leur
adresser des prières. Les pratiques
de la piété chrétienne ne furent pas
plus respectées; telles que les jeûnes,
les veilles , le célibat cîes clercs , la
])rofession monastique , les aumônes
qu'on distribuait aux pauvres , et
celles qu'on envoyait à Jérusalem.
Saint Jérôme , instruit de toutes ces
innovations, les réfuta d'abord par
VI G
tics lettres , [)iiis par un traite parti-
culier qu'il lit répandre dans les
Gaules. « On a vu dans le monde ,
» dit saint Jérôme , des monstres de
» toute espèce. Isaïe parle des Cen-
» taures, des Sirènes et d'autres sem-
») blables; Job l'ait une description
» mystérieuse de Lcviatlian et de
» lieliemolli ; les poètes content des
» l'a 1)1 es de C-erbère, du sanglier de
» la forci d'iM'iniantlie , de la Cbi-
» mère et de l'Hydre à pbisieurs tê-
» tes ; Virgile rapporte l'histoire de
» Cacus ; l'Espagne a produit Ge-
» ryon qui avait trois corps ; la
» France seule en avait ète exemple
» quand Vigilance, ou ])Iiit6t Z?or/ni-
» tance a paru, combattant avec
» res])rit impur contre l'Esprit de
» Dieu )) iSoit que l'hcrcsiarquc
ail ëtè confondu par les écrits du
saint docteur , soit que les c'vèques
l'aient oblige de se rétracter, il est
certain que depuis celle époque il ne
fui plus question de ses erreurs; on
doit même présumer qu'il les abju-
ra j car , au rap|)0rl de Gennadc ,
l'évêque de Barcelone lui confia le
soiFi d'une église de son diocèse. ï-d.
VIGILANCE ( PuBT.ius ), né à
Strasbourg, vers la fin du quinzième
siècle, fit ses éludes , à Francforl-sur-
rOder, et y devint professeur de poé-
sie. Après avoir enseigné pendant plu-
sieurs années la pliilosopliie , et la
littérature grecque et latine, il voidul
faire un voyage en Italie et dans
d'autres contrées ,pour y rechercher .
les monuments des lettres anciennes,
afin d'en introduire, de|)!us en plus,
l'étude à Francfort; mais il fut tué
en route par des assassins qui le per-
cèrent d'un coup de tlèche , près de
Ravcnsbourg en Souabe, dans le mois
de juillet i5\'î.. Ses disciples lui éle-
vèrei.t un monument sur lequel ils
firent graver cette epitapho : Hic
VIG
ir.3
siliis est Publiiis Vigilantius , vir
widecunquc doctus et cloquenSjOui
dard et immeritd morte periit in-
noxàis , dùm Grœconim ele^an-
tiam ex Latioin acadcmiam Fran-
cophordianam transferre parât.
Quem vitd funclinn ductœ ciim prœ-
side yïpolline lurent Miisœ. Disci-
puli prœceptori beato qualecimque
posiœre. Fale. Anno lôici. Vigi-
lance a laissé : I. Un Recueil d'épi-
grammes et de poésies diverses. II.
Un écrit Pro Gjmnasticd Mar-
chionis Joachiini. 111. De situ et
CGiiditione iirhis Francophordianœ
et academiœ ejusdem. 7j.
A IGILE, pape , né à Rome , y
fut élu et ordonné pape en 53^ , du
vivant même de saint Silvère, son
prédécesseur, et dut son élévation aux
intrigues de l'impératrice ïhéodora
cl à la protection des armes de Béli-
saire. Ce général , en cette occasion ,
se prêtait aux volontés de l'épouse
<le Justinien, et de tout le parti des
Acéphales (i), à la tète desquels elle
s'était mise, avec Théodore Asci-
das, évèquc de Césarée en Cappa-
doce. Le but secret de ces Orientaux
était d'aflaiblir, de détruire même
l'autorité du concile de Chalcédoine
et de saint Léon , dont la doctrine
blessait leurs opinions. 11 leur fal-
lait un prétexte pour former ce
projet , un instrument ])our l'exécu-
ter. Le prétexte fut l'examen des
Trois chapitres. On ajipelait ainsi
trois écrits, plus ou moins empreints
des erreurs de Neslorius et d'Euly-
chcs , sur le mystère de l'incarna-
lion, et sur \ hrpostase , ou l'u-
nion des deux natures en Jésus-
Christ. Ces ouvrages avaient pour au-
(i ) Ou sont léle. On appelait aiusi €!€■. irTfi''p>'n-
Hanls qui, se jetant confÎDiicllpment clan- diverses
(■..rliotis, rl.licnl rrnsrs n'avnir point <\r -.ill.ilile
ch.C.
464 VIG
tciirsTI-f'odore de Mopsueste, The'o-
dorct II i bas. Ces écrivains n'a v.iieiit
pas clé exprcsse'ruciit coiidainnes par
le concile de Chalce'doiue ; les deux
derniers même avaient c'të recoumis
par lui comme orlliodoxes , soit
cpie les écrits ue fussent pas au-
llieutiques , soit qu'on put leur ap-
pliquer des interprétations favora-
bles , soit enfin qu'on eût voulu
user d'indulgence. Quoi qu'il en soit ,
il y avait près d'un siècle que ces
questions avaient été agitées ; il pa-
raissait au moins inutile de les renou-
veler. Mais , telle était l'animosité
d(s Orientaux, qui , craignant d'ail-
leurs des condamnations contre Ori-
gène , auquel ils étaient intime-
ment attachés , voulaient un sujet
de vengeance, en llctrissanî d'un au-
tre côté un concile fameux , où les
Occidentaux avaient triomphé. Ils
crurent troiiver un docile exécuteur de
leurdessciudanslediacreVigile.qu'ils
avaient fait élèvera la tiare, ainsi
«pi'ii vient d'être dit, d'une manière
aussi irrégulicre. Des historiens, cités
parFleury, prétendent même que ,
pour l'attacher davantage à ses des-
seins , l'impératrice lui avait promis
sept cents livres d'or, dont Vigile s'é-
tait engage de son côté à donner
deux cents à Bélisaire. Ou verra ce-
pendant que Vigile n'exécuta pas ce
traité avec l'exactitude et la ser-
vilité qu'on semblait s'être pror
mises de sa part. Au surplus . à la
mort de Silvère , l'élection de Vigile
fut confirmée au mois de juin 538,
du moins par le silence du peuple
romain , et il ne fut plus question
que de le faire agir. Il ne se pres-
sait pas d'obéir , attendu qu'ou-
tre les Occidentaux , les évêques d'A-
frique , d'IUyrie et de Dalmatie ré-
sistaient avec fermeté à la condam-
nation des trois chapitres. Les hési-
VIG
îations de Vigile parurent suspectes
.^ la cour de Constautinople , et il
reçut l'ordre de s'y rendre. Vigile
chercha à prolonger son voyage ,
qui dura plus d'un an, dont il passa
une grande partie en Sicile. Ce fut
dans cet inlerralle que Totila s'em-
para de Rome , qu'il mit à contri-
bution. En attendant l'arrivée du
pape, Justinien , qui se piquait d'une
grande habileté dans les matières
ecclésiastiques , s'était empressé de
publier un édit qu'il intitula Con-
fession de foi , et dans lequel il pro-
nonça la condamnation des trois
chapitres , eu ménageant toutefois
les auteur^ de ces écrits. Le patriar-
che de Constautinople , Mennas et
Théodora s'empressèrent d'y sous-
crire. Vigile arriva enfin , et fut
reçu avec honneur ; il ne s'empressa
pas moins d'excomm\inier , pour qua-
tre mois, INIennas et Théodora , à
cause de leur a|)probation précipitée
de la condamnation; ce qui rend
fort douteux le prétendu marché, au-
quel il aurait dû son élévation. Cette
sentence excita la plus violente cla-
meur , et fut bientôt révoquée. Dès
ce moment, on pressa le pape avec
les plus vives instances de prononcer
lui-même la condamnation, et elles
furent telles, qu'il s'écria : « Je vous
» déclare que , quoique vous me re-
» teniez captif , vous ne tenez pas
» saint Pierre. » Alors il assembla
une espèce de concile avec les évê-
ques qui lui étaient attachés , au
nombre de soixante -dix environ;
mais, après plusieurs conférences,
il rompit l'assemblée, en les priant
de donner chacun leur avis en par-
ticulier. Il consigna lui - même le
sien dans un écrit , qu'il appela
judicalum. Il y condamna les trois
chapitres , sans préjudice du con-
cile de Chalcédoine , et à la charge
VIG
que personne n'ap;iterait plus cette
question , ni Je vive voix^ ni par
écrit. Vigile , dit Fleury , crut
pouvoir user d'une telle condescen-
dance dans une question de fait , où
la foi n'était pas intéressée, dépen-
dant cette réticence, au sujet du con-
cile de Clialcédoiue, ne satisfit per-
sonne. Les ennemis des trois cliapi-
trcs la trouvaient trop modérée , et
les autres s'indit;naicnt de voir leur
opiniuu condamnée. Lesévèquesd'll-
lyrie et de Daimatie se séparèrent de
la communion du pape. Ceux d'A-
frique allèrent plus loin : ilsl'excom-
niunièrent dans un concile ; ils dé-
putèrent un des leurs , Facundus ,
alin d'insister auprès de Juhlinien ,
et de le convaincre que la condam-
nation ne provenait que du dépit des
Origénisles, tiuiemis du concile de
Chalcédoine, et mécontents de ce que
l'empereur lui-mcme avait condam-
né Origène. D'un autre côté, Théo-
dore de Cappadocc et ses jiarti-
sans sollicitaient avec clialcur une
condamna'iou plus générale et plus
absolue des trois chapitres. Dans
cette conllagration des esprits, Vi-
gile n'entrevoyait d'espérance que
dans la convocation d'un concile
général , et il obtint de l'empereur
que juscpie-Ià toute mesure déli-
nitive serait suspendue. On écrivit
aux évoques d'Afrique et d'illyrie.
Ces derniers refusèrent tous. 11 eu
vint un très-petit nombre d'Afrique,
et comme ils approchaient de la
ville , le pape oiliit à l'empereur île
retirer sur-le-cliamp son judicdtuin,
et d'examiner de nouveau cette af-
faire avec les évêques qu'on allait
recevoir. Tous ces délais irritaient
l'impatience de Théodore et de son
parti. Il obtint de l'empereur que
son édit de condamnation serait lu
au palais en présence du pape ; et
XLvni.
VIG 465
de plus, il le fit adicherdans l'église
deConstantiiiople cl d.uis plusieurs
endroits de la ville. Le pape réclama
vivement; mais Théodore, détermi-
né à le pousser à bout, vint célébrer
la messe dans l'église où l'édit était
alliché , et lit ôler des dypiiques le
nom de Zoile, patriarche d'Alexan-
drie, l'un des [)artisans de Vigile,
pour mettre à la place celui d'Apol-
linaire, intrus dans ce siège. Le pape
et tous les cvcques qui lui étaient
fidèles se réfugièient dans des égli-
ses. Vigile se relira à Saint-Pierre,
dans le palais d'IIormisda. Ou réso-
lut de l'en tirer de force , et l'on en-
voya pour cet edet le préteur , dont
l'olllce était d'arrêter les voleurs et
les mécoiiteuls. Une grande quantité
de soldats entra, l'épée nue à la m.iin
et les arcs bandés. Le pape se réfu-
gia sous l'autel , dont il embrassa les
l)iliers. Le préteur , en furie , (it
saisir par les cheveux les diacres
et les clercs, pour les éloigner de
l'autel , puis , pour en arracher le
pape, il le fit tirer par les pieds, par
la barbe et par les cheveux. Le pape
tint ferme , et comme il était grand
et puissant il rompit quelques piliers,
en sorte que la table de Tautei serait
tombée sur lui et l'aurait écrasé, si
quelques clercs ne l'eussent soutenue
( /^.Thl'ouore AsciDAs , XLV,'i85\
Le peuple, qui était accouru au bruit,
et même quelques soldats , touchés
de compassion , commençaient à
crier, et le préteur fut contraint de s'é-
loigner. Echappé à ce danger, le pape
menaça d'excommunication Théo-
dore et ses adhérents; il en prépara
les actes et les fit connaître à l'em-
pereur , qui menaça de nouveau
Vigile d'être enlevé par force de
l'église de Saint-Pierre, s'il ne vou-
lait pas recevoir les serments qu'on
offrait de lui faire, et sur lesquels
3o
466 VIG
on lui demandait de s'expliquer. Le
pape mit ses conditions par écrit ; il
en obtint les principales , et après
qu'on eut déposé la formule du ser-
ment sur l'autel , et sur le vase qui
environnait les reliques de saint Pier-
re , il se retira dans le palais de Pla-
cidie. Mais il s'aperçut bientôt qu'on
se mettait peu en peine d'exécuter
les conditions du dernier traité : le
palais était environné d'espions j Vi-
gile , craignant pour sa sûreté per-
sonnelle , Venfuit pendant la nuit ,
l'avant-veiUe de ^'oél , avec beau-
coup de peine , par-dessus une petite
muraille que l'on bâtissait alors , et
se réfugia dans l'église de Sainte-
Eupliémie de Chalcédoine. Il tomba
dangereusement malade. L'empereur
lui envoya dire de revenir à Cons-
tantiuople, aussitôt que sa santé serait
rétablie. IMaisVigile exigea avant tout
que Théodore et ses adhérents lui
lissent une entière satisfaction. Ceux-
ci lui transmirent donc une profession
de foi , par laquelle ils déclarèrent
leur attachement sincère aux quatre
conciles généraux, de Nicée,de Cons-
tantinople , d'Éphèse et de Chalcé-
doine , et promirent de suivre inva-
riablement tout ce qui y avait été
décidé, du consentement des légats et
des vicaires du saint-sic'ge , par les-
quels le pape avait présidé à ces
conciles. Cette profession de foiayant
satisfait Yigile^ celui-ci demanda à
Justinien que le concile qui se prépa-
rait fût tenu en Italie ou en Sicile^ et
que les évèques d'Afrique et les au-
tres Occidentaux y fussent de nou-
veau appelés. Ce dernier point fut
refusé: on convint seulement que les
évèques , tant grecs que latins , qui
se trouvaient à Constantinople, con-
féreraient en nombre égal sur l'af-
faire des trois chapitres. Les Orien
taux ouvrirent donc le concile , le
VIG %.
4 mai 553, dans la salle secrète de
la cathédrale de Constantinople. Les
séances de ce concile se nommèrent
conférences • à la première, assistè-
rent les trois patriarches de Constan-
tinople, d'Alexandrie et d'Anlioche,
trois évèques, députés du patriarche
de Jérusalem , et en tout cent cinquan-
te-un évèques, au nombre desquels il
y avait seulement cinq Africains ; ces
cinq évèques étaient les seuls qui re-
présentassent les Églises d'Occident;
et c'étaient , dit Fleury, les plus igno-
rants et les plus intéressés que le
gouverneur d'Afrique avait pu choi-
sir pour soutenir le parti de la cour.
Ce fut néanmoins dans la troisième
conférence que les évèques déclarè-
rent qu'ils soutenaient la foi des qua-
tre conciles généraux , notamment
de celui de Chalcédoine, et condam-
naient tout ce qui pouvait lui être
contraire. Dans la quatrième , ou
s'occupa enfin d'examiner la ques-
tion des trois chapitres. Cependant ^
le pape qui prévoyait avec chagrin
les troubles qui allaient s'élever de
la composition irrégulière et incom-
jîlète de ce concile, et de la mauvaise
disposition des esprits , refusait obs-
tinément d'assister aux conférences ;
mais fidèle à )a promesse qu'il avait
faite de donner son avis isolément ,
il dressa un acte qu'il appela cons-
titutum, et qui , à beaucoup d'é-
gards , rappelait les décisions du
judicatum , qu'il avait retiré. Il y
examine les écrits de Théodore de
Mopsucste.etsans dissimuler le mau-
vais sens qu'on peut leur donner, il les
condamne avec anathème, eu ajou-
ta ut toutefois des motifs pour s'em-
pêcher de condamner la personne j
et l'un de ces motifs était qu'on ne
devait pas mettre un mort en juge-
ment. A l'égard de Théodoret, il s'é-
tonne qu'on veuille condamner un
VIG
écrivain qui s'e'taut présente , il y
avait plus de cent ans , dans le con-
cile de Chalcc'doine , avait explicite-
ment anathématise' Nestoriiis. Il ob-
serve que les erreurs qui de'slio-
norcnt les écrits de Théodoret ont
passe, même aux yeux du concile ,
pour y avoir e'të probablement inse'-
re'es par ses ennemis ; et il les con-
damne, de quelque part qu'elles puis-
sent venir. Pour ce qui regarde le
texte d'Ibas , Vigile rappelle que le
concile de Chalcédoinen'y trouva de
rc'préhensible que les injures adres-
sées à saint Cyrille, qu'lbas les ré-
tracta , et que le concile en consé-
quence le reconnut comme ortho-
doxe. V igile conclut à la confirmation
entière du jugement du concile. Sa
décision fut souscrite par seize évê-
ques et trois diacres , entre lesquels
on remarque Pelage, son successeur.
« Elle n'eut aucun elfet , dit Fleury ,
» quelque sage que paraisse le tem-
5) pérament que le pape y avait pris,
» de condamner les erreurs, en épar-
» gnant les personues. » Le concile
de Constantiuople continuait tou-
jours. D'accord sur le fond de la
doctrine avec les principes de A igile,
il condamna les erreurs contenues
dans les écrits ; mais il montra la
plus grande sévérité contre les écri-
vains. Il trancha la difficulté qui
s'élevait sur le point de savoir si on
pouvait juger les morts ; il n'exami-
na point si les écrits n'étaient pas
altérés ou faussement imputés h ces
écrivains par leurs propres ennemis.
Il prononça avec affectation les ana-
thèmes contre Théodore de Mop-
sueste , ainsi que contre Théodoret
et contre Ibas • mais il renouvela
l'expression de son respect et de son
attachement à la doctrine des quatre
grands conciles précédents , dont
celui de Chalcédoine était le der-
VIG
467
nier. Cette décision fut souscrite par
soixante-cinq évêques. Vigile , qui
n'avait point assisté aux conférences
du concile , ne tarda pas néanmoins
à déclarer publiquement qu'il adhé-
rait à sa décision, voulant éviter par
là de donner le scandale d'une fu-
neste division , et se contentant sans
doute d'avoir, par sa persévérance ,
par sa fermeté, et par les persécu-
tions les plus atroces, arraché à ses
adversaires une profession solennelle
de foi et d'attachement au concile de
Chalcédoine. C'est sous ce dernier
rapport que l'Église a reconnu cons-
tamment ce cinquième concile de
Constantiuople comme œcuménique;
car, ainsi que l'observe Fleury, on
peut dire que ce concile jugea par
défaut; en effet, les écrivains accu-
sés n'y furent point défendus par la
voix de leurs défenseurs, et il ne
paraît pas qu'on y ait recueilli les
votes en particulier; d'où l'on peut
conclure qu'un concile général n'est
pas infaillible sur des faits particu-
liers , quoiqu'il le soit irrévocable-
ment sur le dogme ( Foj'. la Disser
talion de l'abbé Racine, dans son
Abrégé de l'Histoire ecclésiasti-
que, tome n , dans les additions et
l'ouvrage du cardinal de La Luzerne
sur la déclaration du clergé de Fran-
ce , au sujet des quatre articles de
1682)5 aussi, la dispute sur ces trois
chapitres dura-t-elle plus de cent ans
encore, même parmi les catholiques ,
et s'éteignit plutôt par lassitude des
esprits que par la persuasion des
cœurs. Quant à Vigile , malgré son
intrusion criminelle au saint-siége ,
malgré le traité simoniaque qui lui a
été imputé , et dont nous avons de
fortes raisons de douter , on peut
dire qu'il rendit un grand service à
la religion , en défendant avec tant
de courage la sainteté de l'un des
3o..
468
VIG
plus célèbres conciles, et la mcmoiic
d'un lies plus grands papes. Après
sou adlièsiou aux conférences de
Constantinople , conçue dans les ter-
mes les plus humbles , il se mit en
roule pour retourner en Italie; mais
il moiuut à vSyracuse , le i5 janvier
55) , après seize ans et sept mois de
pontiiicat. Il eut pour successeur
Pdaç^e U^ B— s.
VIGILE , ëvèquc de Tapsc , en
Afrique, fut enveloppe dans la |)er-
sècution (VJ/iiiicric , roi des \ anda-
les , vers l'an 48 j. Il composa plu-
sieurs ouvrages contre les Ariens ,
les Nesloricns et les Eutycliicns ;
mais comme il en publia la plupart
sous le nom despèresde l'Eglise ((ui
avaient vécu avant lui, soit qu'il
voulût parla se soustraire à la persé-
cution , soit qu'il crût leur donner
plus de poids , à la faveur de ces
noms illustres, on fut embarrasse,
après sa mort , pour (liNliu'y;ucr les
écrits qui étaient véritablement de
lui ;ct les elVorls des crili(pies moder-
nes n'ont pas encore dissipe tous les
doutes sur rauthenticitc- de ceux
qu'ils lui attribuent. Il donna, sous
le nom de s:ùu\../thanase, \:i lii'rcs
de la Trinité eu forme de dialogues;
deuK conférences dont les interlocu-
teurs sont le saint docteur, Ariiis,
Sabcllius et IMiotin. Il y a deux
éditions de cet ouvrage , l'une en
deux livres , d'un style simple, l'au-
tre plus étendue , divisée en trois
parties et plus travaillée, l^es trois
livres contre Varimadc , arien , jia-
rureut sous le nom cVIdncius Clams ^
et son traité contre Félicien, de la
même secte, sous celui de saint ^»-
gustin.].r .<!yml>ole(\n\ porte le nom
de saint Alhanasc , jiasse comnui-
nénu'ul pour être de Figile. Le P.
Cliillet , qui a donné une bonne
édition de cet auteur ( Dijon , i664 ,
VIG
in-4"'. ),lui attribue plusieurs au-
tres ouvrages sur lesquels les criti-
ques élèvent de fortes dilllcultés.
Quoique les cinq livres contre Eu-
tj elles aient été imprimés, quelque-
fois sous \c ï\om de l'ifiile de Tren-
te {\) ,\\ est bien reconnu qu'ils sont
de T'i^ile de Tapse , qui les avait
]uibliés sous son niim pendant le sé-
jour qu'il lit à Constantinople , où il
jouissait d'une entière liberté. Le
stvie de cet auteur est grave, simple,
clair , naturel ; ses raisonuemiuts
solides, vifs et juessants , sa doc-
trine très-exacte. Il était fort au fait
des sentiments et des subtilités de
sesadversaires,et il leS combat avec
vigueur. Il connaissait parfaitement
les dogmes de l'Eglise, avait une
grande lecture des pèies ; mais il
nVtait pas instruit dans l'Iiistoire ec-
clésiastique, ce qui l'a fait tomber
dans qiiehjiies fautes à cet égard.
T— n.
VIGINTIMILLIUS. F. Vinti-
milm:.
VIGLIUS , célèbre jurisconsulte
du sei/ièraesiècle, naquit à Zuichem,
seigneurie des Pays-Bas , qui appar-
tenait à sa famille; fit ses première»
études à I)e\ enter, puis à la Haye,
l\ Levde et à Loiivain. De là il se
rendit à l)('ile, en Franclie-Comté, et
s'étant perferlionné dans le droit , il
alla recevoir le bonnet de docteur à
^alence, en Daiipliinc-, et pariitavec
beaucoup d'éclat à Avignon. La re-
nommée d'Alciat l'attira ensuite à
(i) Vipile, c'vôqnc de Trente, dans le qnalrlr-
ma «ircic, porln la liiinicre de I» loi diins les
iiioiitagnr.s îles Alpes, el roiisiilla 5aint AInllroi^e
sur 11 conduite qu'il avait à tenir, f.e saint rcpoii
ilit, par srf lellrc 3S.Ï , en lui envoyant Sisine ,
lUarlvriiis el .Mextindrc , venus de Cappadoce^
pour la conversifin Jes inndi-les, et (|iii tnrent
niarl\riMs in ^(\-. Trois onsapri'S, Vinile, étant
\riiiiaii lieu où s'était faite cette exécution, rom-
|iil une idole de .Saturne <(ue l'on v adorait; reqiii
irrita les idolâtres au point qu'ils l'assoinniirent
coups de pierres, ver» l'an /|0o ou i{0^, sous le
consi
.1 coups de pierres , '
consulat de Slilicon.
VIG
Bourfçes , où cet illustre professeur
lui céda sa chaire , lorsqu'il retour-
na en Italie. Vifjliiis professa pen-
dant deux ans dans cette université,
et passa en Allemagne , puis à Pa-
doue , où il fit i ni primer ses notes
sur le litre des Testaments, et |)T!ljlia
à Bàlc les Institutes de Justinien ,
d'après un manuscrit du cardinal
rîessarion. Il exerça plusieius em-
plois à INIunster, à Pise , à Inççolstadt.
Il profila de son crédit pour modérer
la scve'rile du duc d'Albe , et retint
par sa douceur plusieurs provinces
dans l'obéissance. Toiiclie des mal-
heurs de sa patrie, et du peu de cas
que le duc d'Albe faisait de ses con-
seils , il se lit prêtre, fonda lui hô-
pital dans le lieu de sa naissance, et
lit bâtir un beau collège à Louvain.
En iSnr), il fut fait chanoine de
Gand , puis nomme , par Don Juan
d'AutricIic , gouverneur de Hollande
et de Gueldre , ])rcsidenl du Conseil
prive', et chef de l'ordie de la Toi-
son-d'Or; mais voyant bientck (jue
ce prince ne fiisait pas plus de cas
de ses avis que le duc d'Albe, il
mourut de chagrin à Bruxelles , en
iS-jT , âge' de soixante-dix ans, et
fut iiduimé dans la cathédrale de
Gand, où l'on voit son epitaphe.
Le Mémoire que Viglius avait laisse'
sur sa vie a elc publie dans ks.-Ina-
lecta helgica , par Papendrecht
( f^or. ce nom ). T — n.
VIGNACOURT ( Maximii.iln
DK ), littérateur, naquit vers iJOo,
à Arras , de parents nobles. 11 était
neveu de Fr. Baudouui, célèbre ju-
risconsulte. Avant arlieve ses études
avec succès, il entra dars la carrière
de la magistrature , et fut charge de
diverses missions en France, en Es-
pagne et dans les Pays-Bas. On voit
par une lettre de Juste Lipse qu'il
était en 1602 à la cour de Bruxel-
VIG
4^9
les. Son savant ami le plaint d'être
encore expose aux flots d'une mer
féconde en naufrages, et l'invite à
ne point perdre de vue son projet de
publier une édition des OEinres de
Baudouin. INIalgrc ses o.cup.itions
multipliées, Vignaeourt n'abandon-
na jamais le culte des Muses. H mou-
lut à Louvain le 21 novembre 1G.20.
Outre plusieurs pièces de vers , pu-
bliées séparément ou dans des re-
cueils, on cite de lui : I. Discours
sur l'état des Pars-Bas, Arras,
i5()3, in-8". Ce ])etit livre est peu
commun ( Voy. la Méthode pour
étudier l'/iistoire de Leiiglet-Dufres-
noy ). H. Aitv'ÔTt,- in res belgicas
anni i^qS, Anvers, in-4". , même
année. III. Un Recueil de vers la-
tins, sur la mort de Juste Lipse,
Louvain, lOotJ , iii-4°. W — s.
VIGNACOURT ou WIGNA-
COURT ( Alof de ), 53«. grand-
maître de l'ordre de Malte, descen-
dait d'une très-ancienne maison de
Picardie. Reçu chevalier au ber-
ceau , il signala sa valeur dans une
foule d'occasi(uis , parvint à la di^
gnité de grand-hosj)itaIi<>r de Fran-
ce, et, en iGoi , après la mort de
don Martin Garcez, fut élu grand-
maître. Son administration fut lon-
gue et didlcile. Sans cesse occupé de
défendre les privilèges de l'ordre^
attaqués par les divers princes et
même par la cour de Rome, il fut
encore obligé d'user fré(piemment
de son autorité pour rétablir la
])aix entre les chevaliers des dif-
férentes langues. Au nu lieu de tant
d'embarras, il accrut la marine de
l'ordre, répara les fortilications de
Gozo , et celles de la petite île de
Comino. C'est à lui que la ville de
Malte est redevable du magnifique
aqueduc qui s'étend de la cité No-
table à la cité Valette , ouvrage vrai-
470 VIG
ment digne des Romains. Le grand-
maître étant à la chasse, pendant
ime des journées les plus cliaudes du
mois d'août, eut une attaque d'a-
poplexie. Transporté sur-le-cliarap
dans son palais , les soins qu'il reçut
prolongèrent son existence jusqu'au
i4 septembre ( i) 162'j , où il mou-
rut à l'âge de soixante-quinze ans ,
A'ivement regrette;. — \ignacourt
( Pierre- Adrien de ) , neveu du pré-
cédent, fut nomme commandeur par
son oncle. Ses talents et son zèle lui
valurent la dignité de grand-tréso-
rier de l'ordre, et il en fut élu le 6-2'^.
grand-maître en 1690. La douceur
de son caractèie et sa bienfaisance
le firent aimer des chevaliers et des
habitants ; mais on lui reproche
beaucoup de faiblesse. Malte lui dut
un grand et magnifique arsenal de
construction , et d'autres établisse-
ments utiles. Il mourut le 4 février
1697, à l'âge de soixante-dix-neuf
ans , et fut inhumé dans la chapelle
de la langue de France, avec une
épitaphc honorable. On a le portrait
de ces deux grands-maîtres dans le
tome IV de V Histoire de 31alte ,^ar
Vertot, éd. in-4". W — s.
VIGNACOURT ( Adrien de La
VIEUYILLE, comte de ), littéra-
teur, de la même famille que les pré-
cédents , fut reçu chevalier de Malte
le 18 juillet 1692. Après avoir fait
quelques campagnes sur les galères
de la religion , il revint en France ,
et employa ses loisirs à la culture
des lettres. Plusieurs romans écrits
d'un style naturel et agréable au-
raient suffi pour lui méi'iter à cette
époque une réputation assez étendue •
(1) Les auteiirs de V.-irt de vérifier les Jales
disent qu'il mourut d'un coup de soleil , daus la
) ouriiée même. On a cru devoir ^nefcrer le récit de
Vertot , mieux iuslruit de tout ce cjui concci-ne
l'ordre de Malte.
VIG
mais le succès de ses ouvrages ne put
le décider à s'en avouer l'auteur. Il
poussa si loin l'insouciance à cet
égard , que lorsqu'on eut répandu le
bruit qu'il n'était que le prête-nom
du comte de Vaudrej (i) , il ne fit
entendre aucune réclamation. Revêtu
du titre de commandeur de Malte, et
nommé prieur de Champagne, Vi-
gnacourt dut renoncer à des amuse-
ments qui pouvaient paraître trop
frivoles pour un homme de son rang;
mais il continua de faire , par son
esprit , le charme des sociétés qu'il
fréquentait. Il mourut le 29 sept.
i']']l\ , daus un âge très-avancé. On
connaît de lui -.Y. La comtesse de
rergy , nouvelle historique, galante
et tragique, Paris , i722,in-iti; sou-
vent réimprimée. Dans l'édition de
1766, dit Barbier, on a retran-
ché plusieurs morceaux , et l'on en a
changé plusieurs autres sans discer-
nement ( Voy. le Dict. des anony-
mes,n"^. 7340 ). \{. Adèle de Fon-
thieu , nouvelle historique, ibid. ,
1723, a vol. in-ia. On en trouve
l'analyse dans la Bibl. des romans ,
année 1778, juillet, i>^. partie,
p. 200.111. Les amusements de la
campagne ou le Défi spirituel , ib. ,
1 724, iu- 1 2. IV. Les Aventures du
prince Jakaga , ou le Triomphe de
l'amour sur l'ambition, anecdotes
secrètes delà cour othomane, ib.,
1732 , 2 vol. in- 12. V. Histoire de
Lideric , premier comte de Flan-
dres^ nouvelle historique et galante.
(i) Nicolas-Joseph , comte de VauDREY, sei-
gneur de Saint-Kemy, était d'une des premières
l'amilles de Franche-Comté. Ou lui allribua dans
le temps la Comtesse de f^ergy, et Adèle de Pon-
lhieu(\oy. l'Histoire du comté de Bourgogne,
par Duraïid, II, 37,5 ); mais il les a- toujours dé-
savoués. Le comte de Vaudrey , suivant M. Grap-
pin , a laissé d'autres ouvrages légers et pleins
d'agrément, dont les uns ont vu le jour , et les au-
tres sont perdus. Histoire abrégée du comte de
iîoiifgogue, pag. 3o3.
VIG
ibid. , i-jS-j , in-i2 (2). VI. Gas-
ton de Foix , IF^. du nom , nou-
velle historique, galante et tragique,
Constaiitlnoplc ( Paris), 174I5 2
vol. in- 12. Cet ouvrage a reparu
sous ce titre : U amour suivi des re-
grets, ou les Galanteries de Gaston
de Fois, Amsterdam j 1773, 2 vol.
VII. Mémoires de madame Saldai-
gne, e'crits par elle-même , Londres
(Paris), 1745, 2 vol. in-12.
W— s.
VIGNATE (Jean de) ;, était un
gentilhomme de Lodi, qui profita
de l'anarchie causée en Lombar-
die par la mort de Jean Gale'as Vis-
coiiti , pour s'emparer, en 1404^
de la souveraineté dans sa patrie.
Plus tard il se fit aussi décerner la
seigneurie de Plaisance. Ce fut dans
son palais que l'empereur Sigismond
et le pape Jean XXIII se réunirent,
en 14 13, pour fixer la convocation
du prochain concile de Constance.
Vignate, qui les reçut avec magnifi-
cence , fut confirmé par l'empereur
dans les droits qu'il avait usurpés
sur Lodi , à la charge d'évacuer Plai-
sance. Reconnu par le duc de Milan
Philippe-Marie , Vignate se croyait
assuré de son alliance; et sur sa de-
mande il se rendit à Milan , au mois
d'août i4i6, pour concerter avec lui
leurs futures entreprises; mais Phi-
lippe, au mépris de l'hospitalité, le
fit saisir le 1 9 août , et enfermer dans
une cage de fer, que l'on plaça dans
les prisons de Pavie. Le 28 du même
mois, Vignate fut trouvé mort dans
sa cage. On assura qu'il s'était tué
en frappant de toutes ses forces avec
sa tête contre les barreaux. A cette
(9.) Jean d'Auxiron , jesiiiie , ne ^ Baume-les-
Dhiiics en iSgi , et mort à Dole en iG35 , avait
dejàcoijposé une Histoire de Lideric , i//is/oWa
Liierlci , ouvrage de philosophie morale, en latiu
cl cil Iraiiçais, imprime à Lyon , 1G72 , in-S".
VIG 471
nouvelle , la ville de Lodi se soumit
au duc de Milan. — Arabroise Vi-
gnate, jurisconsulte, ué à Lodi en
1 56o , professa le droit à Turin , et
publia diveis Traités sur l'Hérésie
et sur l'Usure. — Louis Vignate,
aussi jurisconsulte, né dans la même
ville, vers la lin du seizième siècle ,
étudia le droit à Rome, fut auditeur
du pape Urbain VIII , conseiller de
l'administration, et publia quelques
écrits de peu d'importance sur le
droit-canon. S. S — i.
VIGNAU.(Le sieur des Joanots
DU ), diplomate distingué du siècle
de Louis XIV, resta neuf ans à Cons-
tantinople et en diverses contrées de
l'empire othoman , comme secré-
taire de l'ambassade française à la
Porte, et s'y rendit très-habile dans
la connaissance des langues orien-
tales. A son retour en France , il fut
nommé secrétaire-interprète sur les
escadres du roi dans toute la Médi-
terranée. Il était de plus écuyer et
chevalier du Saint- Sépulcre de Jé-
rusidem. On a de lui VEtat présent
de la puissance othomane , avec les
causes de son accroissement et de
sa décadence , dédié à S, A. S.
monseigneur le grand-duc de Tos-
cane , Paris, 1687 , in-12. A cette
époque la puissance des Turcs éta-
blie en Europe depuis plus de deux
siècles commençait à décliner ; mais
ce commencement de décadence était
encore un secret pour presque tou-
te la chrétienté. Du Vignau , à
qui son séjour prolongé dans l'em-
pire othoman avait donné la con-
naissance parfaite de ses forces et de
ses relations, entreprit de prouver
combien l'Occident avait peu à re-
douter dorénavant de ce voisinage ,
qui un siècle aupai'avant l'avait épou-
vanté , et combien il était aisé aux
princes européens de renverser ce
47-^
VIG
colosse aux pietls d*aio;ilo. L'ouvrage,
compose de six chapitres , se divise
on deux parties consacrées , l'une au
développement des causes qui ont
contribue au rapide accroissement
de la puissance turrf-ie , l'autre à
l'explication des causes secrètes
qui doivent miner et faire tomber
un jour le trône du sultliaii. Parmi
celles-ci . il met en première lif:;nc les
prodip;alifcs indiscrètes de Soliman ,
le cours des monnaies etranf^ères, la
multitude des incendies allumes à
dessein , et le relâchement de la dis-
cipline militaire. Il fait ensuite l'his-
torique de plusieurs rencontres dans
lesquelles les armées et les flottes
turques ont eu le dessous , et décrit
les rôte< de la Roumo'lie . indiquant
les moyens d'attaque, et faisant res-
sortir la difficnltedela défense. Tou-
tes ces considérations ont èle depuis
exposées avec des détails qui les
rendent plus frappantes, par Ricaut,
ffist. fie Vc'tat présent de Vemjy.
nthnm. ; Porter , Ohsen>. sur la
rclisj. , les lois et le pnin'em. des
Turcs, et Thonilon . État art. de
la Tunjuie. Mais elles etaient'nen-
ves du temps de Du Vijjnau , et il
est facile de voir que les auteurs
qui l'ont surpasse, ont puise dans
son livre leurs idées fondamentales.
Outre cet ouvraç:e, on doit .'. Du Vi-
.Cnau le Secrétaire turc , contenant
Vart d'exprimer ses pensées sans
se voir , sans se parler et sans s'é-
crire, avec plusieurs particulari-
tés du sérail, etc., 1618, in-
]">■ — 11 ne faut pas confondre cet
e'criv.iin avec Jean nu Vionau , sieur
de Warmion - Hourdelcus , auteur
d'une traduction de la Jenisalem de'-
livree. «ous ce titre : la Délivrance de
Jérusalem , mise en vers français
^c Vital, de T. Tasso,Var\s , i "igS,
m- 12. p_OT.
VIG
VIGNE ( Amdre de La), aucieu
poète français , florissait dans le quin-
zième siècle. Quelques auteurs pré-
tendent qu'il était de Savoie ( 1 \ fon-
dés sur ce quel'on trouve dans ses ou-
vrac;es des termes jiarticiiliers à cette
province; mais il sullit qu'il l'ait ha-
bitée quelque temps pour avoir con-
tracté l'usafje de ces locutions. Or on
sait que La Vip;ne fut attaché, com-
me secrétaire, au duc de Savoie, et
qu'd fit un assez lonç; séjour à Cham-
béri, où même il composa plusieurs
de ses ouvrages. II remj>lit la même
cliarf^e pi es de la reine Anne de lîre-
taj^ne , et fut revrtu du titre d'orateur
du roi Charles VIII. Il accoinpaj^na
ce prince dans son expédition de Na-
ples ( 1 493 ) ; et ce fut par son com-
mandement qu'il en entreprit ]e Jour-
nal. La fiveiir du roi ne le mit pas
à l'abri des vicissitudes de la fortu-
ne. Il se ]ilaint souvent de manquer
d'arfrent , de linf;e , d'habits, et de
n'avoir en perspective que l'hôpital.
La Vigne mourut, vers \5y.'j , à l'â-
ge d'environ soixante-dix ans. Il est
auteur de l'ouvrage intitulé : Le Ver-
pier d'honneur , de l'entreprise et 1
l'oyape de JVaples ; auquel est com- 1
pris comment le roy Charles^ hui-
tième de ce nom , à banjère dé-
ployée , passa et repassa , de jour-
née en journée , depuis Lyon jus-
qu'à Naples , et de Naples jusqu'à
Lyon. Ensemble plusieurs autres
choses, Paris, sans date, in -fol.,
goth.. première édition rare et re-
cherchée. Il en existe plusieurs au-
tres éditions in-4"- •> sans date et sans
indication de lieu. Le comte de Hoym
(V^oy. son Cataloç^ue) possédait un
exemplaire de ce format , sur vélin.
Le volume commence par une espèce
I I Wirillel 1p iioinmr <^7ifl;-i<> . maisàlort, clan»
^011 Dictionnaire de Savoie , où il lui a cunsacrc un
article insigniliaul, II, 71.
VIG
de j)roloj:;uc, qui paraît avoir donne
le titre à l'ouvrage (2). Le poète feint
«[n'en dormant il fut transj)orte dans
un désert aride , où il vit une dame
d'une beauté singulière: c'éUvdChrcs-
tienté. Elle se rappelait avec amer-
tume son antique splendeur , et se
plaignait du mépris où son culte était
tonilx". l'Jie passe en France pour de-
mander du secours. Arrivée au bas
des Alpes , elle se trouve dans un
verger délicieux , oùAuOlcsse l'a-
borde respectueusement , et l'intro-
duit près Ac Majesté Royale , qui
lui promet de la venger, et d'exter-
miner les Turcs. Vient ensuite le
Journal de ISaples , en vers et en
prose, 11 est suivi de six rondeaux,
d'un long poème intitulé : Louantes
du roi , et de quatre Epitres à l'imi-
tation de celles d'Ovide. ïoiites ces
jiièces sont de La Vigne. La suivan-
te, qui a pour titre : la Coinjdainte
et l'E/jitaphc du feu roi Charles
VIII , est signée d'Octavien de Saiiit-
Gclais ; et c'est de tout le recueil le
seul morceau qu'on ])uisse lui attri-
buer avec certitude, quoique rimj)ri-
meur ait mis son nom sur le frontis-
pice , avant celui de La Vigne. Le
reste du volume contient des poésies
de diiïércnts genres , moralités, com-
plaintes, cpîtres, ballades, rondeaux,
triolets, etc., de plusieurs auteurs.
La Vigne était un poète médiocre j
mais il est estimable comme histo-
rien. Théod. Godcfroy a inséré son
Journal du vojage de IVaples, par
extraits , dr.ns le Recueil des écri-
vains de l'histoire de Charles Mil ,
Paris, i(3i7 ,in-4'^-, et 1684, in-fol.
( T^oy. GoDUFROY ). On y trouve des
particularités intéressantes , et qu'on
ne rencontre pas ailleurs. La Louan-
(«) Les niaimscrils de cet ouvrage que l'on con-
serve à la hililiotlirqiic du Roi prouvent que sou
prcmitT titre eUil la Reiuonse de Chrcstieniè.
VIG
473
ç^c des rois de France , qui fait jiar-
tiedu P^crgier d'honneur, a été réim-
primée .séparément, P.iris , 1 5o8, iu-
H**. Cet ouvrage , dit Fontette , fut
composé à l'occasion d'une ambas-
sade du roi Louis XI au pape, pour
lui présenter la pragmaticpie-sanc-
tion. Il y est beaucoup (piestion des
libertés de notre tgb'^P' ^ uy. la Bi-
blioth. historiq. de la France , 11,
i5874' I-es quatre Epitres faites
par La Vigne, à l'imitation de celles
d'Ovide, ontétcréiniprimécs, Paris,
1546, in- 16, à la suite de la tra-
duction des Épîtres d'Ovide, par Oc-
tavien de Saint-Gelais. On cite enco-
re de La Vigne : I. Les Ballades de
Bruyl Commun sur les alliances des
rojs , des j>rinces et ])roi>inces, avec
le tremblement de Feuise , pet. in-
4"., goth. , de 4 feuillets, sans date
ni indication de lieu. II. Le Libelle
des cinq villes d'Italie contre Ve-
nise, à savoir : Rome , Naples, Flo-
rence, Gènes et Milan; Lyon, sans
date, in- 4°. II L \j Attollite portas
de Gênes , en ballades. C'est une piè-
ce relative aux guerres dcLouisXlI.
Voy. la Bibl. histor. de la France,
II, 17431. IV. Epilaphes , en ron-
deaux, de la reine (Anne de Breta-
gne) (i5i3), in-S*^. Foncemagne
a donné , dans le Recueil de l'acadé-
mie des inscriptions, tome xviii,
579, une Notice détaillée du Fer-
mier d'honneur. On peut encore con-
sulter la Bibliothèque française de
l'abbé Goujet, x, 583-99. — Jac-
ques Vigne fut avocat à IBordcaux ,
vers la lin du seizième siècle, et se
retira ensuite à Saintes, où il jouit
d'une grande réputation. Il laissa
manuscrit uu Commentaire sur la
coutume de Saint- Jean d'Augcly_,que
son fds publia en 1G87 ^ in-4"., sous
ce titre : Faraphrasis ad consuelu-
dinem Santani^eliacam. W — s.
4:4 viG
VIGNE (Michel de La ) , mecîe-
ciu , naquit à Vcrnon en Normandie
le 5 juillet i588. Son père , éche-
yin de cette ville , du temps de la Li-
gue, l'avait conservée iidèie à Henri
IV. Élevé' à Paris, par un grand-on-
cle, conseiller et aumônier du roi et
principal du collège du cardinal Le-
moine , La Vigne lit des progrès si
rapides dans ses études , qu'après
avoir professe la rhétorique dans le
même collège, et achevé' son cours
de médecine , il fut oblige , pour
prendre ses degrés, d'attendre l'âge
prescrit par les statuts de la faculté.
11 y fut reçu docteur en i(>i4; et
ayant perdu son père en iGi-j , il re-
vint s'établir à Paris , où il acquit
une grande réputation dans le traite-
ment des fièvres. Il fut médecin de
Louis XIII , qui n'en voulut point
d'autre pendant sa dernière mala-
die. Élu doyen de la faculté de Paris,
il plaida pour elle contre les médecins
étrangers , et obtint en sa faveur un
arrêt de la graud'chambre du parle-
ment, en i(344- Ses deux plaidoyers
furent imprimés sous ce titre : Ùra-
tioncs duo aih'crsùs Th. Rcnaudot
etmcdicosexlraneos, Paris, iG44i
iu-4". 11 mourut le i4 juin 1G48.
— Son (ils , Michel de La Vn.yt, fut
aussi médecin. C'était un homme
médiocre, si l'on en juge par ce mot
de son père : « Quand j'ai fait ma
» fille, je pensais faire mon fils; et
» quand j'ai fait mou (ils, je pensais
» faire ma fille. » Il épousa M""^. de
La Vigne -Villedo , citée parmi les
femmes illustres pour leur érudition.
Outre la T^ic de son père, on a de
lui : Diœta sanorum , sive ars sani-
tatis , Paris, 1G71 , iu- 12. Moréri
ne fait aucune mention de cet ou-
Yi'age ; et le Dictionnaire historique,
qui ne parle pas du lils , l'attribue
mal à-propos au père. — Anne de
VIG
La Vigne, sœur du précédent, na-
quit , en 1634, à Paris, où son père
résidait alors . et non pas à Vernon ,
comme l'ont dit la plupart des bio-
graphes. Elle annonça, dès l'enfan-
ce , les plus heureuses dispositions
pour la poésie, et obtint les louan-
ges des beaux-esprits de ce temps-là.
Ses vers ont de la grâce et de la fa-
cilité j mais ils manquent quelquefois
d'harmouie et de coloris. Son Ode
intitulée : Monseigneur le Dauphin
au Roi, lui valut, de la part d'un
inconnu , une boîte de coco , qui ren-
fermait une lyre d'or, éinaillée , avec
des vers fort galants. Elle n'eut pas
moins de goût pour la philosophie
de Descartos , comme on le voit par
une pièce de A^ers que lui adressa la
nièce de ce philosophe , sous ce titre :
L' Ombre de Descartes. M'I^, de La
Vigne vécut dans le célibat , se dis-
tingua par ses vertus autant que par
ses talents et par sa beauté , et mou-
rut, eu 1G84, des douleurs de la
pierre , que lui avait causée l'excès
de sou ap|)lication à l'étude. Elle
était de l'académie des Ricovrati de
Padouc. Son Ode à 3I"'-'. de Scudé-
ij' , pour la féliciter sur un prix d'é-
loquence, a été ])ubliée par Pélisson,
avec la réponse , à la suite de son
Histoire de l'académie française, édi-
tion de I G^ 2. Lesautres Poésies d'An-
ne de La Vigne se trouvent dans les
Fers choisis du P. Bouhours. On eu
a recueilli quelques-unes dans un pe-
tit volume in-8"., imprimé à Paris,
en iG-jS ; et on les retrouve dans le
Parnasse des darnes^ par Sauvi-
gny. ^ A— T.
VIGNE ( Claude de La ) , de
Fréclieville , docteur-régent de la fa-
culté de Paris , naquit en cette ville ,
lc'2i février iGgS. 11 était petit-neveu
de la célèbre Annede La Vigne, de l'a-
cadémie des Ricovrati{y. ci-dessus).
VIG
Des qu'il eut terminé ses e'tudes qu'il
avait faites avec le plus f;rand suc-
cès , il fut admis par l'abbc Fleury ,
son oncle maternel , as ses conférences
d'Argenteuil , et chargé d'une partie
des reclicrches nécessaires à la com-
position des derniers volumes de
Vllisloire ecclésiastique ( F. Fleu-
i\\ ). Ayant résolu d'embrasser l'état
de médecin , il s'y disposa par l'é-
tude des sciences mathématiques et
physiques , et par la lecture des ou-
vrages grecs et latins relatifs à l'art
de guérir. Reçu docteur en 1719,
il continua de suivre ses maîtres dans
les hôpitaux et au lit des malades ,
persuadé que la théorie la plus su-
blime ne peut tenir lieu de l'expé-
rience. 11 fut nommé médecin du
roi, en 17265 obtint trois ans après
l'agrément de la charge de médecin
ordinaire de la reine ^ et ensuite la
survivance d'Ilelvétius ( F. ce nom ).
Le succès qu'il avait dans la prati-
que étendit au loin sa réputation. Un
travail trop soutenu épuisa ses forces,
et il mourut le '] octobre 1758, à
l'âge de soixante-trois ans , regretté
de ses confrères pour sa douceur, sa
modestie et son érudition. La Vigne a
laissé manuscrits un Traité des plan-
tes ; un autre des Fièvres ; wweFhj-
sique générale et parljculièrc ducorps
humain, et un Traité des maladies ,
latin et français. Il avait projeté un
Dictionnaire de médecine ^ mais sou
but dans cet ouvrage était moins de
faire une dissertation sur chaque
mot , que d'indiquer aux jeunes gens
les meilleurs auteurs sur chaque ma-
tière. Ce livre , qui serait d'une si
grande utilité, est encore à faire.
Dans les derniers jours de sa vie , il
brûla le Journal des maladies qu'il
avait suivies , ainsi que le Recueil
en 2 vol. de ses consultations avec
les réponses. 11 avait formé une bi-
VIG 475
bliothèque , riche particulièrement en
ouvrages sur son art. Le Catalogue
eu a été publié par Gabriel Martin ,
1709, in-B". , précédé d'une iVofice
sur ce médecin , et de son Eloge en
latin et en français, par J.-B. Boyer,
doyen de la faculté de Paris. W-s.
VIGNES (Pierre Des). Fox.
Pierre , XXXIV , 3()8.
VIGNEUL-MARVILLE. Foy.
Argonne.
VIGNIER (Nicolas), né, en
1 53o , à Troyes , d'une famille noble
et ancienne , étudia la jurisprudence
pour complaire à son père, qui était
avocat du roi dans celte ville , et
s'appliqua à la médecine, suivant son
goût particulier. Ayant embrassé de
bonne heure le calvinisme , il fut
obligé de se retirer à Bar-sur-Seine ;
et c'est pour cela que dans tous
ses ouvrages il se dit de cette der-
nière ville. 11 passa de là en Alle-
magne , où il exerça la médecine
pour vivre. Obligé de lire les saints
pères , et d'étudier à fond l'his-
toire de l'Église, pour composer sa
Bibliothèque historiale , il se désa-
busa de ses erreurs , et repassa en
France pour rentrer dans la commu-
nion catholique. Henri 111 !e lit son
médciin , lui donna la charge d'his-
toriographe de France , et le décora
du titre de conseiller-d'état. 11 mou-
rut à Paris en 1 5gG , après avoir
composé les ouvrages suivants : I.
Rerum hurgundiarum Chronicon ,
depuis 4^8 jusqu'en 14B2 , Bâle ,
1 575, in-4°- li- Sommaire de l'His-
toire des Français, Paris, 1579^
iii-fol., commençant à l'origine des
Français , et finissant à la mort de
Louis XII ; ouvrage plein de recher-
ches et d'actes , tirés des trésors de
diverses églises. 11 y a à la tête un
Traité de l'état et origine des
anciens Français, imprimé sépa-
47^ VIG
lémenl avec des augmentations , en
i582, à Troyes, et traduit en la-
tin par l'auteur sur celte dernière
édition , pour être insère dans la
collection de Duchesne: Ce traite
curieux et exact , mais trop peu éten-
du et trop confus , fait sortir les Fran-
çais de la Basse-Germanie. III. De
la noblesse , anciermete , remar-
(juesel mérites d'honneur de la troi-
sième Maison de France , Paris ,
iSH-; , iu-8". L'auteur ne remonte
qu'à Rohert-le-Fort ([u'il fait cliof de
cette race , et il tâche de pruuver que
llu^iies-C'apet parvint à la couronne
saiis usurpation. IV. Les Fastes des
anciens Hébreux, Paris, 1688, in-
4". V. La Bibliothèque historiale ,
Paris, i588, 3 vol. infol. Lcqua-
trii-rae volume, qui contient des ad-
ditions etcorrcctions aux preVe'donts,
n'a paru qu'en i(i:")o. VI. Recueil
de l'histoire de l'È^li^e , Leyde ,
iCioi , in-fol. , oiivrap;e dans jè(|uel
ses iils qui l'ont public ont mis bien
des choses (pic leur père aurait désa-
vouées. VII. liaisons et causes de
préséance entre la France et VEs-
papie , contre Cronato , compose en
1089, et public en i(>o8 à Paris,
iu-8". Vill. Histoire de la Maison
de Luxembourg , Paris , 1G17 , in-
8"., avec la continuation d'André
Duchesne; ibid. , iGu) , in-4"'. ,
avec celle de Nie. -r.eors^c Pavillon.
IX. Traité de l'ancien état de la
Petite-Bretapie , et du droit de la
courimne de France sur icelle ,
compose en i582 , contre d'Argen-
tre, imprime en 1619, Paris, in-
4". Ceux de ses ouvrages qu'il avait
publies avant sa conversion se res-
sentent , en bien des endroits , des
opinions qu'il suivait alors. T— n.
VIGNIHR (Nicolas) , fils du
]in'cedent , se fit un nom dans son
parti , par son zèle et par son sa-
VIG
voir , fut ministre de l'Église re-
formée de Blois, et rentra sur la
lin de ses jours dans le sein de
l'Église catholique. Sa conversion
fut due en partie aux prières et
au zèle de son fils Jérôme. On a de
lui : I. De Venetorum excommuni-
ent ione adversùs Baronium disser-
tatio. II. Le Théâtre de l'Anté-
christ y iGio, infol., compose par
ordre du synode de la Rochelle de
lOo-j. Cet ouvrage plein de calom-
nies passa pour être trop violent
]iarmi les prolestants modères. III.
Plusieurs autres ouvrages de contro-
verse et ascétiques , dont on trouve
les litres dans les Mémoires de Ni-
ceron , tome xmi. T — d.
V I G N I E R ( JÉRÔME ) , fils du
précèdent, ne en iGoG à Blois, oîi
son père était ministre de la religion
reformée, fut peiidaiilrpielque temps
bailli de Beaugcnci , place dans la-
quelle il s'attira la confiance publicpie
par son application à prévenir et à
terminer les jirocès , en usant des
voies de conciliation. Ses recherches
savantes furent utiles à M. de l'Au-
bépine , cvèque d'Orléans, pour la
composition de ses ouvrages. Le
]ir('lat profita des liaisons qui s'éta-
blirent entre eux pour l'attirer à la
religion catholique , et la conversion
du Iils fut depuis suivie de celle
du père. Vignier étant entré , en
i63o , dans la congrégation de l'O-
ratoire , gouverna plusieurs établis-
sements à la satisfaction de ses supé-
rieurs , et finit par se fixer, en 1G48,
dans le séminaire de Saint-Magloire.
Il s'était déjà fait connaître avanta-
geusement par une Oraison funèbre,
imprimée, de M. Legonzde La Ber-
chère , premier président du jiarle-
nient de Dijon , et par un Recueil de
poésies latines et françaises, publié
en i638 , chez Gamusat. U possé-
VIG
(lait les lanj:;iics savantes , et s'était
applique à la connaissance des mé-
dailles , ayant enrichi de ses reclier-
clics le cabinet du roi et celui du duc
d'Oi'lcans. Mais ce fut à l'étude de
l'histoire et des généalogies qu'il
s'appli([ua de préférence. Le premier
fruit de son travail en ce genre fut
la rentable orii^inc des Maisons
d'Alsace, de Lorraine , d\/itlriclie,
etc., Paris, iG4<), in fol. Jean-Jacques
Chilllet traduisit l'ouvrage en latin,
l'enrichit de notes , et le pidjlia l'an-
née suivante à Anvers, sous ce titre :
Stem ma austriacum. L'auteur y
détruit enlicienunt l'opinion ac-
créditée par les ligueurs qui faisait
descendre la Maison de Lorraine
des rois de la première race , et lui
donnait pour tige Arcliinoald ou
Arcliambaud , maire du palais, sous
le roi Dagobert. Vuyon d'Uerou-
val y a relevé quelques fautes de
chronologie et de généalogie. Mai-
gre ce défaut, Chilllet disait qu'après
le P. \ iguier , il fallait supprimer
tout ce ({ui avait paru jusqu'alors
sur la Maison d'Autriche. Ce n'clait
là que le plan d'un travad beaucoup
plus ctendu , pour le([uel il avait ras-
seiuble de nombreux matériaux, qui
se conservent à la Bibliothèque du
roi , parmi les manuscrits de (jai-
gnières , avec des additions et des
notes de l'auteur ( f^oj'. Herr-
GOTT ). Le P. Yignier s'était pro-
cure' une ancienne Histoire des rois
de Bourgogne , d'après laquelle il
se proposait de prouver que les
comtes de Champagne et de Bric
e'taient sortis en ligue masculine de
la famille de Charlemagne. Ses tra-
vaux sur l'Histoire profane ne l'a-
vaient pas empêche de se livrer à de
savantes i-echerches sur les sciences
ecclésiastiques. Il avait découvert
dans les bibliothèques plusieurs ou-
VIG
^ll
vrages inédits de saint Augustin ,
entre autres, dans celle de Clairvaux,
les six livres de V Ouvrage impar-
fait contre Julien , dont Claude Mé-
nard n'avait donné que les deux pre-
miers. Il lit imj)rimer le tout, en
i654 , sous le titre de Sancti Angus-
tini'operuni su/iplementum , 2 vol.
in-fol. L'éditeur était personnelle-
ment à l'abri de tout soupçon de jan-
sénisme , au j)oint que Colonia l'a
mis dans sa bibliothèque parmi les
écrivains anti-jansénistes. Cependant
on crut découvrir des rapports entre
la doctrine de l' Ouvrage imparfait
et celle de VAuguslinus , et l'on pré-
te!i(lit que le premier était supposé.
L'édition fut arrêtée. INLiis le savant
Piiczac ayant été chargé de l'exa-
miner , en prouva si bien l'authen-
ticité, que le chancelier Séguier lui
laissa une libre circulation. On exi-
gea seulement la suppression de VÉ-
pitre dédicatoire au cardinal de
Retz, alors en disgrâce ; elle conte-
nait , en ellét, un éloge outre et dé-
placé de celte Kminence. Cette Épîlre
est restée dans ([uelques exemplaires
qui avaient été distribués avant la
suspension. Les liaisons du P. Vi-
gnier avec la famille de Gondi lui
fiieiit attribuer divers écrits pour
la défense du carflinal de Retz. Le
style en était cependant d'une plu-
me bien plus élégante que la sien-
ne. Il n'en fut pas moins envelop-
pé dans la disgrâce de tous les
membres de cette famille, et n'évita
une lettre de cachet qui le reléguait
en Limousin qu'en se réfugiant chez
IM. de Yialart , évè([uc de Cliàlons-
sur-Marne, où il resta caché jusqu'à
ce que le cardinal eût fait sa paix
avec la cour. 11 revint alors à Saint-
Magloire. Son séjour n'y fut que de
très-courte durée : une hydropisie de
poitrine , accompagnée de fièvre
478 VIG
quarte, le mit au tombeau , le i4
uovembrc 1661 , à l'âge de cin-
quante-cinq ans. C'était un homme
plein de piétë, laborieux , se faisant
un plaisir de communiquer aux sa-
vants le fruit de ses recherches; mais
il ne mettait pas assez de soin à polir
son style. Le P. IMorin tira de lui de
grands secours pour son Traite de
la pénitence. La mort prématurée
de Vignier priva le public de plu-
sieurs ouvrages qu'il se proposait de
mettre au jour. Le seul qui ait paru
par les soins de son frère est intitu-
le : Endiatessaron , ou Histoire et
harmonie de VEuangile , Paris ,
I GGa, in- 1 2. C'était la meilleure con-
cordance qu'on eût alors. L'auteur
était sur le point, lorsqu'il rnourut, de
publier une Ilisloire de l'Eglise gal-
licane , et les livres de saint Fiilgence
contre Fauste de Riez , qu'il avait
découverts ta Venise. L'abbc Gonjet
croit que le manuscrit passa entre les
mains des Jésuites de Paris qui le fi-
rent disparaître. 11 possédait les
Scolies de Pierre de Laodice'e sur
saint Matthieu et celles d'un anonyme
sur saint Jean, traduites du grec en
latin, par le P. Chally , son con-
frère. On les conservait dans la bi-
bliothèque de Saint-Magloire. T-d.
VIGNIER (Jacques ) , né à Bar-
sur-Scine , de la même famille que
les précédents , entra chez les Jésui-
tes malgré ses parents engagés dans
le calvinisme. Il s'y distingua par sa
piété , remplit avec succès les divers
emplois de la régence et du ministè-
re, et mourut à Dijon en i(i6a. Il
avait rassemblé beaucoup de pièces
sur l'histoire du diocèse de Langres,
dont il publia le Prospectus sous le
titre de Décade ; mais l'ouvrage est
resté manuscrit dans la bibliothèque
du collège de Dijon. Il n'en a paru
qu'un abrégé intitulé Chronicon lin-
VIG
gonense , Langres ;, 1 665 , in-S".
L'auteur s'y attache principalement
à la partie ecclésiastique. Jacques Vi-
gnier a encore composé quelques ou-
vrages de dévotion qui ont été im-
primés dans le temps . et beaucoup
d'écrits historiques qui ne l'ont pas
été. T— D.
VIGNIER (Henri) , né à Bar-sur-
Seine en 1641, de la même famille
que les précédents, entra dans la con-
grégation de l'Oratoire, oîi il exerça
avec beaucoup de zèle , pendant six
ans , les fonctions de curé à la Ro-
chelle. M. de Clcrmont- Tonnerre ,
son parent , lui donna un canonicat
dans sa cathédrale de Langres , qu'il
quitta ensuite pour se retirer à Pa-
ris dans la maison de Saint-Honoré ,
où il mourut en 1 707. On a de lui la
Connaissance deJ.-C, ^"jOà , in-
l 'i ; des Exercices de piété ^ 1 7o3 ,
in-12: des Psaumes de Dai^id en
trois colonnes, 1708, in-12. — Un
autre Vignier fit imprimer à Sau-
mur, 1676 et 1684, un ouvrage in-
titulé le Château de Richelieu, ou
l'Histoire des dieux et des héros de
l'antiquité avec des réflexions mora-
les en vers. T — d.
VIGNOLE (Jacques Barozzio),
architecte célèbre , est moins connu
sous son véritable nom que sous ce-
lui de Fignole , petite ville du du-
ché de Modène , où il naquit en
i5o7 ; et où son père Clément Ba-
rozzio , gentilhomme milanais, s'était
retiré pour se soustraire aux guerres
civiles qui déchiraient Milan, et qui
lui avaient fait perdre sa fortune. Jac-
ques s'appliqua d'abord à la peintu-
re; mais entraîné par un penchant
irrésistible , et ne faisant en peinture
que de faibles progrès , il étudia la
perspective dont il a fixé les règles
invariables par un Traité qu'il com-
posa pour son usage , et qui est de-
VIG
venu classique (i). Cependant son
goût le dirigeait plus spécialement
encore yers l'arcliiteclnre , et après
avoir profonde'inent médite Vitruve
et les anciens auteurs , il fit le voya-
ge de Rome , oii il dessina d'abord
et mesura plusieurs fois avec une ex-
trême exactitude les monuments an-
ciens. C'est d'après cette c'tudequ'il a
donné son Traité des cinq ordres, ré-
digé avec tant de simplicité et de mé-
thode qu'il devitit aussitôt sur cet art
la règle universelle , et qu'il est encore
aujourd'hui le rudiment des premiè-
res études de l'archilecture [•!). Pen-
dant qu'il était à Rome, Vignole
dessina , pour l'académie naissante ,
les anciens édifices de cette capitale.
Voulant se i-endre de plus en plus
utile , il rédigea ses conférences sur
les difficultés de l'art , et retira de
ce travail l'avantage de mieux con-
naître encore les principes et la ma-
nière des anciens. Le Primatice
ayant été envoyé à Rome par Fran-
çois l'^r, , pour y acheter ou faire
mouler des statues antiques, Vignole
lui donna plusieurs de ses dessins , et
le suivit à Paris oii il demeura deux
ans. Plusieurs figures en bronze qu'on
voyait à Fontainebleau , et quelques
dessins et modèles des édifices dont
la guerre empêcha l'exécution , fu-
rent les seuls travaux qui l'occupè-
rent pendant son séjour en France.
Quelques-uns prelendent que le châ-
teau de Chambord a été construit sur
ses dessins ; mais ils se trompent :
cette maison royale fut bâtie par im
architecte de Blois , plusieurs an-
nées avant l'arrivée de Vignole en
France. Celui - ci , étant retourné à
(i") Ce traité a été commenté par Ignazio Dante ,
en i583.
(?) Ce traité des Cinq ordres a été traduit et
commenté par Daviler , Pnris , 1691 , 3 vol, in-4°. ,
et 1^38 , 7. vol. grand in-S°.
VIG
479
Bologne , donna des dessins pour
la façade de l'église Saint -Pétrone^
et bâtit un palais magnifique pour le
comte Jsolani. Il construisit aussi le
portique du change ; mais ce qu'il
lit de plus utile pour la ville , ce fut
le canal du Naviglio. Le duc de
Parme lui fit faire encore les des-
sins de son palais, dont Vignole lais-
sa la conduite à son fils Hyacinthe.
On lui attribueles églises de Massano,
de Saint-Oreste, de Notre-Dame-
des-Anges à Assise, et la chapelle de
Saint- François à Pérouse. Le pape
Jules III, à qui il fut présenté par
Vasari , l'ayant nommé son archi-
tecte , lui fit construire une maison
de campagne et la petite église de
Saint -André dans le voisinage. Le
cardinal Farncse lui confia la di-
rection de la maison professe des
jésuites , monument d'une grande
importance , dont les fondements
furent jetés en 1 568. La mort em-
pêcha Vignole de l'élever plus haut
que la corniche ; ce fut Jacques
de La Porte qui l'achcA'a en i5']6j
mais ces édifices et beaucoup d'au-
tres , qui furent faits par Barozzio ,
dans une grande partie de l'Italie ,
ne peuvent se comparer au ])alais de
Caprarola , que l'on doit regarder
comme son chef-d'œuvre. Ce fut le
cardinal Alexandre Farnèse qui l'en
chargea , et ce magnifique édifice fut
élevé sur le somjiiet d'une colline
environnée de précipices. Rien de
mieux entendu que son ensendile^ et
le détail de toutes ses parties. La
forme générale est celle d'un penta-
gone qui, flanqué dans le bas de cinq
bastions , semblerait donner à l'édi-
fice l'apparence d'une forteresse. De
ce mélange d'architecture militaire
et civile résulte un caractère parti-
culier de force et de grandeur. Une
sorte d'(tageen talus sert comme de
48o VIG
fondation au véritable soubassement
orné de refends et de fenêtres , et ou
la porte se trouve comprise. C'est au-
dessus que s'c'lève le vrai corps du
palais do'corc de deux oidres. L'in- .
tericur est un ionique formant des
portiques , et au dessus s'élève un
ordre de pilastres corinthiens , avec
un double rang de fenêtres. L'inte'-
rieur de la cour est à deux étages sur
un plan circulaire. L'étage supérieur
se termine par une terrasse qui cir-
cule tout à l'entour. La réputation
du château de Caprarola fut prodi-
gieuse. Daniel Barbaro voulut se
convaincre par lui-même de tout ce
qu'on eu disait, et lorsqu'il l'eut vu ,
il avoua que sa renommée était en-
core au-dessous desoumérile:
Sur l'immense réputation que lui lit
cet édifice , Piiilippc II , roi d'Espa-
gne , voulut attirer Vignole à son
service ; mais l'architecte motiva son
refus sur son grand âge , et sur les
travaux de l'église de Saint-Pierre ,
dont il venait d'être chargé après la
mort de iMichel-Ange. 11 donna les
dessins du célèbre palais de l'Escu-
rial , et l'emporta , dans cette occa-
sion , sur vingt-deux autres archi-
tectes les plus célèbres de son temps
qui concoururent avec lui. Cependant
il ne voulut pas se rendre en Espagne
pour les faire exécuter. Vignole fut
encore chargé d'(me mission honora-
ble , et qui paraît étrangère à ses
talents , mais que lui valut sa répu-
tation de probité. Il s'agissaii de ré-
gler les limites des États de Grégoire
XIII, et du grand-duc de Toscane ,
près de la ville de Castello. Vignole
s'acquitta parfaitement de cette mis-
sion, et à son retour le pape lui en
témoigna sa satisfaction. Ce grand
artiste devait se rendre à Caprarolaj
VIG
la fièvre le surprit dans la nuit
même , et l'enleva le septième jour
de sa soixante-sixième année , en
iS^S. Il fut enterré en grande pom-
pe au Panthéon. Vignole est le pre-
mier qui ait fixé pour ainsi dire les
règles du goût en architecture. Il en
a posé les bases avec une justesse
et une harmonie dans les propor-
tions, avec une pureté dans les dé-
tails qu'aucun architecte n'avait aus-
si bien réunies avant lui, etdont aucun
n^a osé s'écarter depuis. Le prin-
cipe de ce beau réel qu'on admire
dans ses ouvrages est fondé singu-
lièrement sur cette méthode qu'il a
indiquée, de donner aux principales
parties de l'ordonnance le double, le
tiers ou le quart des hauteurs totales.
Ces principes ont été scrupuleuse-
ment suivis par tous les élèves qu'il
s'est spécialement occupe d'instruire,
et ses ouvrages seront immortels,
parce qu'ils seront toujours la base
des premières études de l'architec-
ture. Blondel a parlé de lui comme
de l'un des plus grands maîtres
parmi les modernes , et il a rap-
])orté son sentiment comme le meil-
leur guide sur chacun des ordres
et sur les moyens de les mettre plus
facilement en œuvre. Daviler a donné
uncoursd'architccture qui comprend
ces ordres de Vignole, avec la des-
cription de ses plus beaux monu-
ments , et une notice sur sa vie. Da-
viler n'en fait pas de moindres élo-
ges dans son nouveau traité d'ar-
chitecture. Les OEuvres complètes de
Vignole ont été commencées à Paris,
en i8i5 , par MM. Lebas et de
Bret, in fol. , fig. Il n'en a paru
que quatorze livraisons. On peut
consulter pour plus de détails la
Vie de Vignole , qui se trouve en
tête du cours d'architecture, publié
à Paris, en lySS, grand in-4*'. , par
VTG
l'imprimeur Mariette. M. Ch. Nor-
mand , arcliitecte , a donne' , eu
i8'.i7 , Le Fignole des architectes
et des élèves en architecture , ou
jwuvelle traduction des rèt^Ics des
cinq ordres d'architecture, Paris, in-
4°. , avec quarante-deux planches.
11 avait publié prc'ccdemmcnt Le
Fignole des om>rlers. Q. Q.
VIGNOLES. Foy. Desvignoles,
et Lahire , XXIII, 195.
VIGNOLI ( Jean ) , archéologue
et numismate, était né vex's 1680 à
Petigliano , ville de Toscane , sur
les conlins de l'État romain. Après
avoir terminé ses cours de philoso-
phie et de théologie , il prit l'habit
ecclésiastique, et consacra ses loisirs
à l'étude approfondie des médailles
et des monuments antiques. Philippe
Colonne , connctab'e du royaume de
Naples , l'ayant choisi pour secré-
taire, lui facilita les moyens de satis-
faire ses goûts studieux, et de perfec-
tionner ses conn lissances. Quelques
opuscules pleins de recherches et
d'érudition ne tardèrent pas à le
])lacer au rang des plus savants an-
tiquaires de rhalie. En 1720 , à la
mort de Zaccagni ( F. ce nom), il
lui succéda dans la charge de biblio-
thécaire du Vatican. Les devoirs de
cet emploi et une correspondance
suivie avec les plus célèbres numis-
mates de l'Europe partagèrent dès-
lors tous ses instants. Il trouva ce-
pendant le loisir de préparer une
édition des Fies des Papes , par
Anastase ( F. ce nom , Il , gS ). Il
se disposait à publier un Supplément
à cet ouvrage , contenant les varian-
tes tu'ées d'un manuscrit de Lucques,
des notes explicatives et des addi-
tions , quand il fut atteint d'une ma-
ladie mortelle. Ne se dissimulant pas
le danger de sou état , il remit tous
ses papiers à son neveu Ugolini , le
XLVIII.
VIG
48.
chargeant avec le P. Baldini, théa-
lin , sou ami le plus intime , de ter-
miner un travail auquel il attachait
d'autant plus de ])rix , que c'était le
résultat de plus de vingt années de
recherches. Vignoli mourut à Rome,
en 1753, dans un âge avancé. Outre
l'édition à\4nastase , dont on vient
déparier, Piome, 1724, 17 53, 17.55,
3 vol. in-4". , moins estimée que celle
de Fr. Bianchini ( F. ce nom) , on a
de lui : I . Dlssertatlo de cohnnnd
imperatorls AnlonlnlPli ; unà cum
antlquls inscriptlojùbus , etc. , Rome,
1705 , in-4". On trouve l'analyse de
ce savant ouvrage dans la plupart
des Journaux du temjis. Dans les
yicta erudltor. Lipslens., ann. 1 708,
pag. 25 , elle est accompagnée d'une
grande planche. Les inscriptions que
l'auteur a publiées à la suite sont di-
visées en trois classes : les premièi'es
concernent le culte des Romains j les
secondes sont sépulcrales ; et les
troisièmes se rattachent à des monu-
ments publics ou à des faits histori-
ques. \\. Eplstolaad Ant. Gallan-
dlum de nummo imperatorls Anto-
nini Pli, qui In tertio ejus consu-
latu percussus columnani quam-
dam exhlbet , ih'ii. , 1709, in-4".
La médaille dont il s'agit se trou-
vait dans le cabinet de M. Foucault.
Vignoli prétend que le revers repré-
sentant une colonne a été falsifié ,
et que cette pièce est la même que
celle où l'on voit une longue figure
de femme tenant de la main droite
un caducée , et de la gauche une
branche d'oli\ier. III. Antlqulores
pontlficum denarll, ibid. , 170g,
in-/l°. , fi". C'est un essai sur les an-
ciennes monnaies des papes. Ben.
Floravantes ou plutôt Fioravanti ( /^.
ce nom, XIV, 554), ^^ adon-
né une édition revue et augmentée
d'un tiers, Rome, 1734, in-4".
3i
482
VIG
IV. De (uwoyrimo imperii Alexan-
dii Aug. qucm prœfert cathedra
marinoreaSaiicii Hipvoljti, ibid. ,
i7r2, in-4". On trome à In suite
une nouvelle édition de la Lettre à
Gallaud , revue cl conigc'e. V. Dis-
sertatio apoloi^etica de anno primo
iinpeni Sei'cri Alexandri , qud po-
tissimiim programma Crcli pas-
chalis S. Hippclyti denub expo-
nitiir , ibid. , i 7 1 4 > 'n-4°. I! y re-
pousse les critiques que le P. Valse-
clii et l'cvêque d'Adria Délia Terre
avaient publiées contre l'ouvrage pré-
cédent. Ces deux opuscules contien-
nent une explication détaillée du fa-
meux Cycle de Saint Hippolyte ( F.
ce nom , XX , '\io ). W — s.
VIGNOLLE ( Le comte Martin
DE ), général français, né à Massil-
largue , village du Languedoc, en
1763, d'une famille noble, mais
sans fortune , entra au service , en
1 ''So, comme cadet dans le régiment
de Barrois, où il devint capitaine à
l'époque de la révoluliou, dont il
adopta les principes. 11 fit les pre-
mières guerres de celte époque à l'ar-
mée des Alpes, fut nommé adjudant-
général en 1794» P"'^ sous-chcf de
l'état-major de Kellerraann, et de
celui de lîuonaparlc, en 171)6. Ce
fut en cette qualité qu'il se trouva
aux affaires de IMontonottc et de De-
go j où son courage lui valut une let-
tre de féliritatiun de la part du Di-
rectoire. 11 ne se conduisit pas avec
moins de valeiu- au passage du pont
de Lodi , et surtout à la bataille de
Castiglioue, où le général en chef le
distingua, et demanda pour li;i le
grade de général de brigade , en di-
sant qu'il avait montré une bravou-
re sûre , un talent et une activité
rares. Le général de\igno!]e fut
blessé d'un coup de feu à la bataille
d'Arcoie ; et après le traite de Cam-
VIG
po-Formio il resta cii Italie, où iî
remplit les fonctions de cbef-d'état-
major , puis celles de ministre de la
guerre de la république Cisalpine. A
la reprise des hostilités , en 1799, il
rentra dans ses fonctions de gênerai,
et fut chargé de la garde des Apen-
nins. Apres les batailles de la Tre-
bia et de Novi, il reçut du général
Moreau la mission d'aller former
des corps de réserve à Nice. Des que
Buona parle se fut emparé du pou-
voir à la fin de la même année , Ber-
thicr, qui devint ministre de la guer-
re, fit venir Viguolle pour lui don-
ner le poste de secrélaiie-gc'néral. Il
ne remplit cette place que deux mois,
et se rendit à Dijon , pour y organi-
ser l'armée de réserve qui devait
bientôt reconquérir l'Italie. \ ignollc
suivit encore Buonaparle dans cette
cot;trée, et il y fut chargé du blocus
de la citadelle de Milan , et de la
réorganisation delà réjuibliquc Lom-
barde. L'année suivante, il se trou-
va au passage du IMincio, et y eut
un aide-de-camp tué à ses côtés. En
i8o3 , il fut nommé général de divi-
sion et chef-d'état-major de l'armée
de Hollande, passa, en i8o5 , à
celle de Dalmatie, pour y remplir
les mêmes fonctions sous le général
?iIarmont , et concourut à délivrer
le général Lauriston , qui éla;t blo-
qué dans Raguse. Dans la brillante
campagne de 1809,1! fit les fonc-
tions de chef-d'étal-major-général de
l'armée d'Italie, et fut blessé à Wa-
gram , d'un bisca'ieu , qui lui fit
perdre l'usage d'un œil. Il fut ren-
voyé en Italie aussitôt après sa gué-
risoii , et il y fut encore chcf-d'éîat-
major sous Eugène Bcauharnais.
Après la chiite de Budnaparte, en
181 4, ce fut Vignolle qui ramena
les troupes en France. S'étant ren-
du à Paris, il y fut membre de la
VIG
cominissioîiqîicleroi chargea d'exa-
miner les services militaires , et il
vécut dans la retraite lorsque Ruo-
naparte s'empara du pouvoir en
i8i5. Aussitôt après le second re-
tour du roi, il fut nommé comman-
dant de la jS*^. division militaire a
Dijon. Compris dans l'ordonnance
qui mit à la retraite un giand nom-
bre d'oiïlciers, le i<='". août i8i5, il
fut nommé préfet de la Corse, puis
conseillcr-d'état, etfutélu memLrede
la chamln-c des députés, dont il faisait
partie lorsqu'il mourut le i5 nov.
1 824. Ce militaire a publié un Précis
historique des opérations de l'ar-
mée d'Italie, en \Qi3 et 181 4 ,
Paris, 1817 et i8i8,in-8\ M. Bla-
dinières , qui commandait le 50*".
réi^iment dans ces campagnes , a ré-
futé quelques assertions de Viguolle,
dans nue brochure intitulée : Cha-
cun ses actions , surtout à la guer-
re , ou Examen critique du précis
historique de M. le comte de Vi-
gnolle , Lille, i8i6 , in-S*^. Viguolle
a laissé manuscrit un Précis histo-
rique de la campagne de i8og.
M— D j.
VIGO (Jean de) , cliirurgien , né,
vers la iin du quinzième siècle, à Gè-
nes, fut appelé à Rome, en i5o3,
par le pape Jules II, qui le nomma
son médecin , et le combla de pi-é-
sents et d'honneurs. Vigo pratiqua la
chirurgie avec quelques succès dans
cette capitale; mais sa principale oc-
cupation y fut une espèce de compi-
lation qu'il fit imprimer sous ce titre :
Praclica in arte chirurgicd copio-
sa , continens novem libros , Rome,
i5i4, in-i'ol. Cet ouvi-age fut tra-
duit dans la plupart des langues de
l'Europe , et en français sous ce ti-
tre : Pratiques de chirurgie de très-
excellent docteur en médecine Jean
de f^'igo , i53o, in - fol. C'est un
VIG
483
tableau à-peu-près complet de la chi-
rurgie dans l'état où elle se trouvait.
Ainsi il est an moins bon à consulter
pour l'histoire de la science. H con-
tient d'ailleurs quelques faits parti-
culiers , utiles k connaître. Du reste ,
l'anatomie y est très-faible, et l'éru-
dition fort insuHlsante. Vigo publia
encore, en i5i8, un petit Traité des
maladies^ vénériennes j sous ce titre:
De morho gallico , dans lequel il
donne un précis de la meilleure pra-
tique qui fût alors connue sur cette
matièî-e. Il avait beaucoup contribué
à l'usage des frictions mercurielles ,
qui cependant, au rapport d'Astruc,
étaient connues avant lui. Z.
VKîOR ( Simon ) , fils du médecin
des rois Charles IX et Henri III , na-
quit à Evreux,au commencement du
seizième siècle ; fut admis dans la
maison de Na\ arre en 1 5[^o , et bien-
tôt après devint recteur de l'uni-
A'ersilé,etcuré de Saiut-Germaiu-Ie-
Yieux. Il prit le bonnet de docteur
en 1545, et fut pourvu presque aus-
sitôt de la dignité do pénitencier de
l'église d'Evreux. Il en remplissait
les fonctions quand il partit, à la sui-
te de Gabriel Le Veneur , son évêque,
pour assister au concile de Trente, en
qualité de théologien du roi de Fi-an-
ce. Aprèsia clôture de ce concile, où il
paraît qu'il se lit admirer par son
érudition , il fut nommé à la cure de
Saint- Paul. Les sermons de contro-
verse qu'il prêcha avec beaucoup de
zèle à Paris, à Rouen, à Metz, à
Amiens et dans d'autres villes, eu-
rent un grand succès, et contribuè-
rent à la conversion de plusieurs cal-
vinistes , parmi lesquels on distingue
Pierre Pithou. Vers i5(J9 il obtint
la théologale de l'église de Paris et
le titre de prédicateur de Charles
IX. Le cardinal Pisani , arche-
vêque de Narbonne , étant mort
3i..
484
VIG
à Rome en 1370 , le pape Grégoire
XIII conféra cet archevècLe à Si-
mou Vigor, du cousenlcmeut du roi.
Ce pi'clat mourut à Carcassoune le
1^"^. nov. 1573. Le docteur Chrisli,
théologal de Nantes , yantele rare sa-
voir Ac V igor , tant en théolope , en
droit civil et canonique, que dans les
langues grecque et hébraïque , sans
oublier son éloquence, qui serait bien
mince aujourd'hui. Une chose qui
choque les mœurs et les idées ac-
tuelles, c'est de dire que Vigor a
bien fait paraître le grand zèle
quil avait à l'honneur de Dieu
et à la religion catholique, par
la haine qu'il portait , non-seu-
lement à Calvin , à Bèze et aux
autres faux prophètes, mais aus-
si à quelques-uns de ses parents
infectés (le la peste de l'hérésie;
c'est surtout de rappeler ces paroles
du prélat : que la tempête ne serait
jamais apaisée en ce royaume pen-
dant que la diversité de religion y
serait tolérée , et que le peuple au-
rait congé de vivre en liberté de
conscience. On a de Vigor: I. Orai-
son funèbre d' Elisabeth de France,
reine d'Espagne , Paris , i5G8 , in-
8". II. Actes, de la conjérence te-
nue à Paris , es mois de juillet et
d'août i5()6 , entre deux docteurs
de Sorbonne (Vigor et Claude de
Sainctcs ) et deux ministres de
Calvin ( de l'Espiue et Sureau du
Rosier), Paris, 1068, in-8°. Cette
conférence fut teiuie d'aprcs l'invita-
tion du duc de Montpcnsier, pour la
conversion du duc de Bouillon , son
gendre , et de la duchesse de Bouil-
lon, sa fdle. Vigor y eut tout l'avan-
tage, de l'aveu même des ministres.
Les actes en sont très - ve\idiques et
très - authentiques , puisqu'ils furent
recueillis par deux catholiques et
deux protestants. III. Les Sermons
VÏG
et Prédications chrétiennes et ca-
tholiques pour tous les jours de ca-
rême et fériés de Pâques , etc., Pa-
ris , 1077 , in -8*^. IV. Les Sermons
et Prédications sur les dimanches
depuis la Trinité jusqu'à l'Avent,
Paris , 1577, in-8". V. Les Sermons
et Prédications sur le Symbole des
apôtres et sur les Evangiles des di-
manches et fêtes de l'Avent ; en-
semble quatre Sermons touchant le
purgatoire , Paris, 1677, in-8'J. Ces
Sermons , publies par Christi , doc-
teur de Sorbonne et théologal de
Nantes, avaient été recueillis par un
auditeur de Vigor , et revus par lui.
II est certain que dans ces temps les
prédicateurs se donnaient rarement
la peine d'écrire leurs sermons , et
que ce qui nous en reste ne vient que
de cequel'on en saisissait pendant le
débit , très - souvent même sans que
ces esquisses aient passé sous leurs
yeux. \I. Sennons catholiques du
Saint-Sacremejit de l'autel, accom-
modés pour tous les jours des octa-
ves de la Fête - Dieu , Paris , 1 585 ,
in -8". Quelque faibles que soient les
Sermons de Vigor, ils ont été réim-
primés en 1 584 > 10-4°. , et en 1 597 ,
même format. L — b — e.
VIGOR (Simon) , neveu du pré-
cédent, et conseiller au graud-conseil
pendant trente-neuf ans , mourut le
29 février 1G24, âgé de soixante-
huit ans, après s'être fait remarquer
par son zèle à défendre dans ses dis-
cours et dans ses écrits les préro-
gatives de l'Église gallicane. Nous
avons de lui : I. Ex responsione syno-
dali data Basileœ oratoribus D. Eu-
genii papœ IV in congregatione
generali 3 Non. septembr. i432 ,
de auctoritate cujuslibet concilii
generalis suprà Papam , et quosli-
bet fidèles , pars prœcipua ; et in
eam commentarius ,Cjo\oq^ne, 161 3,
VTG
in-8'J. Ce livre parut sous le nom de
Theophiliis Francus ; mais il fut
solennellement avoue' par l'auteur ,
très-peu de temps après la publica-
tion. II. Apolo^ia de supremd Ec-
clesiœ auctoritate, adversùs Magist .
Andrœam Duval , doctorcm et pro-
fcssorem theologiœ , Troyes, iGi5,
in-B"^. III. De l'état et du gouver-
nement de V Eglise , divisé eu qua-
tre livres: i*^. de la monarchie ec-
clésiastique ; '2°. de l'infaillibilité j
3*^. de la discipline ecclésiastique ;
4'^ des conciles , in-S". C'est la tra-
duction de l'ouvrage précèdent, avec
quelques améliorations et une répon-
se , en forme de préface , à la Dé-
fense pour la hiérarchie de l'Eglise,
et de N. S. P. le pape , par Théo-
pliraste Bouju, dit Beaulieu , aumô-
nier du roi. Il y a des choses très-
bonnes, et M. Dellac , avocat à la
cour royale, et l'un de nos colla-
Ijorateui's , se propose d'en donner
luie édition. IV. Âssertio fidei ca-
tholicce , ex quatuor prioribus con-
ciliis œcumenicis et aliis sjnodis
cclebratis intrà tempora quatuor
prœdictorum conciliorum. Cet opus-
cule et les trois précédents ont été
recueillis en un volume iu-4*'. , Paris,
iG83. On y trouve de plus une Let-
tre pour la vérification des fausse-
tés remarquées au livre du docteur
Durand. Y. Historia eorum quœ ac-
ta sunt inter Philippum Pulchrum ,
regem christianissimum , et Boni-
facium VIII , pont., ex variis scrip-
toribus , Paris , i6i3, in-4''. , ti'ès-
rare. Simon Vigor, accusé par les
ultramontains de s'écarter des prin-
cipes d'une saine théologie , finit par
déclarer qu'il n'avançait rien qu'il
n'eût appris de l'archevêque de Nar-
honne , son oncle , et qui ne se trou-
vât dans les Sermons de ce prélat,
édition de P. Bertaut , i"'97. Lb-e.
VIG 485
VIGOR ( MisTRiss ) , Anglaise
fut mariée d'abord en i-jSi à un
consul-général en Russie , puis à un
résident à cette cour , et enfin à
William Vigor , qui était attaché à
la secte des quakers. Cette da-
me se distingua par cette cha-
rité active qui sait , en allant au-
devant de la misère, lui épargner la
honte de la mendicité. Elle était
répandue dans le grand monde , et
sa conversation était très - goûtée.
L'esprit d'observation dont elle fut
douée s'exerça pendant un long sé-
jour en Russie. Craignant qu'on ne
rendît publiques , d'après une co-
pie défectueuse , des Lettres qu'elle
avait écrites sur ce qui se passait
alors sous ses yeux, elle consentit à
les mettre au jour elle- même j le
recueil parut en 177^ , en un vo-
lume in-8"., à Londres , sous ce ti-
tre : Lettres d'une dame qui a
résidé pendant un grand nombre
d'années en Russie, à son amie ,
en Angleterre , accompagnées de
notes historiques. C'est, au jugement
de Nichols ( Anecdotes littéraires
du dix - huitième siècle ) , un ta-
bleau fidèle, neuf et intéressant de
la cour de Saint - Pétersbourg , et
l'on y trouve dçs détails que l'on
chercherait vainement ailleurs. Mis-
triss Vigor mourut à Windsor , le
7 sept. 1 783 , âgée de quatre-vingt-
quatre ans. L.
VIGUERIE (Pierre), né à Cai-
cassonne , vers le milieu du dix- hui-
tième siècle , entreprit de composer
une histoire de cette ville , sujet déjà
traité par plusieurs auteurs, mais sans
aucun succès. Viguerie ne fut pas
plus heureux ; il n'a donné dans son
premier volume, le seul qui ait paru
en i8o5, qu'une compilation indi-
geste, sans goût et sans méthode. Les
éléments les plus disparates forment
486
VIG
celte bizarre production où l'on trou-
ve de tout , hors l'iiistoire de Car-
rassonne. 11 y fait nu rccit de toutes
le» assemblées nationales qui se sont
tenues depuis le comnieijcemcnt de la
monarchie, et dunne la liste de tous
les notaires et de leurs surccssems
de la province du Lanjruedoc, etc.
Les deux volumes restes manuscrits
ne valent sans doute pas mieux
que le premier , et il est probable
qu'ils ne verront jamais le jour.
L'auteur mourut en i8i3. — Vi-
GUERiE (Jean) , chirurgien de l'Iiùtel-
dieu de Toulouse, ne eu 174^ ^ et
mort en 1802 , fut membre de l'aca-
démie dos sciences de cette ville, et
publia divers Mémoires , entre au-
tres des Ohseivalions analomicn-
chirurç^icalrs sur les /'raclures , sur
la réductibilité du sac herniaire ,
etc. Z.
VIGUIER(Paule de), plus con-
nue sous le nom de la belle Paule ,
naquit à TouIou.se en i5i8. Sa
famille était oriifiuaiie de Gascouue,
et s était distiugiue au service de
l'Angleterre. Froissart nous apprend
que son bisaïeul, IMessiie Gaillard
de Viguicr , !it une chei'auchee à
Navarret, avec IMessire Thomas de
Phle'son, se'uechal d'A(piitaiue, poiu'
le service du prince de Galles. Kn
1807, il combattit sous la bannière
de Jean Chandos, et sous le peunon
de Saint-Georges, à la bataille qui
fut donnée entre Nadres et Navarret.
P( u de temps après , il embrassa le
parti de la France, et ses desren-
dants servirent avec honneur dans
les armées de nos rois. Le père de
Paule s'étaut établi à Toulouse , se
maria avec Jacquctte de Laucefor ,
d'une famille distinguée par sa no-
blesse. Pau'e naquit de cette union,
en i5i8, vingt ans environ après la
monde la célèbre Clémence Isaure.
VIG
Antoine de Viguier, sou frère, fut
grand-ccuyer du duc d'Alençon , frè-
re de Charles IX. La beauté de Pau-
le jeta de bonne heure un grand éclat,
et loisque François I<"''. lit une entrée
solennelle dans Toulouse elle fut
choisie pour présenter au monarque
les clefs de la ville. Elle avait alors
quatorze ans, elle était velue d'une
robe blanche , ornée de Heurs ; une
guirlande de roses ceignait sa tète ,
d'où tombaient par ondes ses che-
veux dorés et bouclés; le contour
pur et gracieux de sa taille élancée ,
que ceignait une écharpe bleue, rap-
pelait les belles statues grecques que
l'on découvrait à cette même épocjuc
en Italie. Paule prononça dans cette
occasion une harangue eu vers fran-
çais. La modestie empreinte dans ses
traits attachait d'autant plus les
regards que l'on y découvrait , dit un
auteur contemporain , l'image des
vertus (|ui dirigeaient toutes ses ac-
tions. Fiançois I"'. lui donna le
nom de belle Paule , qui lui est
l'esté. Le galant monarque ré-
j)oudit avec beaucoup de grâce à
sou discoins, et, ce qui est mieux,
respecta son innocence. I\éunissant
tant d'altraits, cette femme exlraor-
dinairc fut recherchée par im grand
nombre de. gentilshommes. El!.e avait
distingue le baron de Fontenille;
mais le choix de ses parents se lixa
sur le sire de Bayuaguet, conseiller
au parlement de Toulouse , prompt
et hardi capitaine , ainsi que \v. qua-
lilieut d'anciens mémoires. Paule
ëtouirant «es soupirs obéit à sa fa-
mille, et la célébration du mariage
eut lieu dans l'église des Grands-Au-
gustms, monument religieux, embelli
parla munificence des Laucefor , qui
y avaient placéleurs sépultures. Pau-
le ne fut pas long-temps l'épouse de
Baynaguot • il mourut peu d'années
VIG
après son ni.uiagc, el la lûlle veuve
épousa relui (pi'elle avait elle-iuèiiie
di.sliiii;uc',PIiilippedcI,aroclie,Laroii
de FonU'uiiic, chevalier désordres
du roi , capitaine de cinquante lioni-
nies d'armes. Elle coula des jours
heureux avec l'époux de son choix ,
el se conserva long-temps belle, l^ors-
(pie (îatlierinc de Medicis accorajia-
gna son (ils Charles IX à Toulouse ,
en i5()3, cette j)rinces>e demanda
avec enipiessement ([u'une femme si
rare lMirùtpresente'e,eli]uoi([ue celle-
ci eût alors «piarante- cin([ ans , elle
parut devant toute la cour avec tant
d'éclat, (|ue la l'eine en fut saisie d'e-
tonnement , et cpie le connétable de
Montmorenci s'ccria dans son en-
thousiasme : La baronne cleFontc-
nillc est une des merveilles de l'u-
nivers , c'est l'honneur de Toulouse
et de son siècle. Paule de Vii;uier ai-
mait les lettres ; son esprit avait été
cultivcavec beaucoup desoin , et l'on
sait qu'elle lut tous les bons écrits
qui pariu'cnt durant sa vie. Un trouve
dans un ancien registre quelques
vers de sa composition qui ne maii-
quenl ni de facilite, ni d'élégance.
Nous en citerons le dixain suivant,
intitulé : De la mort d'un mienjils.
\,e tcndi-e corps de mou (ils moiill rliéi-i,
Gll jnuiuteiiaul de-isous lu froide laïuc ;
Aux lieux très-cluirs doit triompher soname.
Car eu vertus toujours il fut xiourri.
Las ! j'ai perdu ce beau rosier llouri ,
De n\cs vieux aus l'orgueil et l'etperauce;
La seule luort peut donuer aliégeauce
Au mal cruel cjui uiou ca'ur a uieurtrî;
Oi s adieu doue, inou eulaut moult cliéri ,
De lui mou cœur gardera suuveuaucc !
Ces vers rappellent assez bien ceux
dont ou a fait honneur à Clotilde
Survillc, et nous pensons qu'ils ont
plus d'authenticité que ceux de celte
dame ( Voy. Surville ). Paule de
Viguier ])arvint à une longue vieil-
lesse; aimée, admirée de ses compa-
triotes. Sa maison était lui temple
élevé aux beaux-arts , et dans lequel
VIG
/..S-
se reiida'cnl à l'envi les personnages
les plus illustres do son siècle. Pen-
dant le temjis des troubles el des
guerres civiles , cet asile de l'hon-
neur et de la vertu fut toujours
respecte par les deux partis. Va-
licch, auteur to'.ilousain , qui, sui-
vant Lacroix du Maine , s'était fait
une réputation par ses anagrammes,
trouva dans le nom de Paule de
Viguier , la juire vertu fluide. La
marquise de Landjert rapporte que
toutes les fois qu'on voyait la belle
Paule, on se pressait à tel point,
qu'il en arrivait des accidents. Elle
ajoute que la ville de Toulouse lui
lit un procès, pour la contraindie de
se montrer à son balcon , au moins
deux fois par semaine. Le peuple se
serait soulevé s'il eût été plus long-
temps sans la voir. Cette femme
accomplie mourut en 1610 , et
fut inhumée auj)rès de sa mère
dans le tombeau de Lauccfor , placé
dans la chapelle des onze mille vier-
ges, au côté droit de l'église des Au-
gustins. Ce faiteslconstatépar le tes-
tament de Paule, (jiii porte la date
du 26 septembre iCio-j, et par les re-
gistres de la sacristie des pères Au-
gustins ; ce qui dément la tradition
répandue par les Cordeliers de Tou-
louse, qui prétendaient posséder dans
le caveau de leur église, où les corps
se conservaient en forme de mo-
mie , celui de la belle Paule. Quelques
pièces de vers prouvent que cette
mort répandit le deuil dans Toulon
se. Gabriel de Miimt, baron de Cas-
teras, sénéchal de Rouergue, écri-
vain distingue par ses talents poéti-
ques et i>ar sa profonde érudition ,
fut l'un de ses adorateurs les plus
passionnés, ainsi qu'on le voit par
sou ouvrage intitulé : De la beauté ,
dise urs divers , pris sur deux belles
façons déparier, desquelles le grec
[HH
VIG
et l'hébreu usent : l'hébreu tob , et
le ^rec calon , Vagathon, voulant
sipiifier ce qui est naturellement
beau et naturellement bon , avec la
PiULE-GnAPHiE ou description des
beautés d'une dame toulousaine ,
nommée la belle Paule. Dans ce li-
vre singulier, dont il n'existe que
très-peu d'exemplaires , et qui lut
publie' à Lyon eu 1587 , du vivant
de Paille de Viguier, par Charlotte
de Minut, sœur du baron de Caste-
ras, se qualifiant de très-indigne ab-
besse du pauvre monastère de Sain-
te-Claire de Toulouse , et qui est
de'dic à Catherine de Me'dicis, reine-
mère du roi , l'auteur décrit toutes
les beautés du corps de la belle Pau-
le , sans en excepter une seule. Si
tout ce que l'on raconte de la vertu
de cette belle incom])arableest exact,
on doit supposer que son adorateur
n'a ainsi décrit que d'après son ima-
gination une partie de ses attraits.
Z.
VIGUIER ( Pierre François ) ,
orientaliste, naquit à Besançon le
MO juillet 1745. Après avoir termine'
ses études au séminaire de celte ville,
sous le pieux abbé Pochard ( V. ce
nom ) , il embrassa l'état ecclésiasti-
que , et résolut de se consacrer à l'eu-
s'eignement. A la suppression des Jé-
suites, il obtint la chaire de rhétori-
que au collège de sa ville natale; mais
bientôt après, il entra dans la con-
grégation de Saint-Lazare , et fut
cliargé de professer la théologie au
séminaire de Sens. Il fut ensuite en-
voyé par ses supérieurs , en 1772,
sur la cote d'Alger , et s'y dévoua
tout entier au soulagement des escla-
ves clirctieus. Les établissements des
Jésuites dans le Levant ayant été
accordés par le pape Pie VI et Louis
XVI aux Lazaristes, le P. Viguier
fut nommé préfet apostolique à Cous-
VIG
tantinople , où il se rendit en 1 783.
Pendant seize ans , il ne cessa de tra-
vailler avec zèle au maintien de la foi
catholique en Orient. La coimaissance
qu'il acquit des langues de l'Asie le
mit à même d'en faciliter l'étude aux
missionnaires , et de rendre des ser-
vices importants à notre commerce.
De retour en France , vers 1 802 , il
fut chargé de la direction des Dames
de la Charité, dont l'institution , re-
mise en activité jlui dut des soins de
conservation et de surveillance qui
manquaient à l'étabUssement _, par
l'absence de l'ancien supérieur. De-
puis la rentrée de ce dernier , qui re-
prit sa place ,1e P. Viguier vécut dans
la retraite , occupé de recherches sa-
vantes , qui toutes avaient pour but
immédiat la gloire et la défense de
la religion. A l'époque où le gouver-
nement sentit la nécessité de rétablir
la congrégation de Saint-Lazare , le
P. Viguier obtint l'autorisation de
rester dans la retraite que l'âge et
les infirmités lui rendaient de plus en
plus nécessaire ; mais il continua
d'entretenir avec ses anciens con-
frères des relations de bienveillance
et d'amitié. Ce pieux et savant mis-
sionnaire mourut à Paris , le 7 février
1821, âgé de soixante-seize ans. Ou-
tre des éditions revues et améliorées
du Sacrifice perjjétuel du P. Gour-
dan {r. ce nom, XVIII, ir)4), et du
Discours sur la vérité de la religion
chrétienne , extrait de ['Histoire de
V établissement du Christianisme ,
par BuUet ( F. ce nom , VI , 253 ),
ou a du P. Viguier : I. Eléments de
la langue turque , en Tables analy-
tiques de la langue turque usuelle ,
avec leur développement, Constanti-
nople, 1790, in-4". Cet ouvrage,
dont il oÛrit la dédicace au roi Louis
XVI , est l'un des premiers qui soient
sortis de l'imprimerie que ie comte de
VIG
Choiscnl-Gouffier avait établie dans
le palais de l'ambassadeur de France.
L'exposition des règles grammatica-
les est suivie de leur application dans
des dialogues ou conversations fami-
lières , et d'un vocabulaire franrais-
turc. Les mots turcs sont imprimés
en caractères européens , et l'auteur
a toujours eu soin d'en déterminer
la prononciation. Il annonçait ( pag.
35o ) la publication prochaine de
nouveaux Dialogues turcs et fran-
çais, en 4 vol. in -8°., précédés
d'un 5"^. vol. , contenant un Précis ,
dans les deux langues , de V Histoire
sacrée et de la Religion chrétienne.
Le rappel de M. de Clioisenl-Gouiiier
et le malheur des temps l'empèchc-
rent de publier les ouvrages qui
devaient faire suite aux Éléments de
la langue turque ^ mais il les a con-
servés et laissés parmi ses papiers.
IL De la Distinction primitive des
psaumes en monologues et en dia-
logues , ou Exposition de ces divins
Cantiques, tels qu'ils étaient exécutés
par les Lévites dans le temple de Jé-
rusalem ; nouvelle traduction, accom-
pagnée de notes, Paris, i8o6et iSo-^,
1 vol. in-i'i. Cet ouvrage fort esti-
mable, que l'auteur avait publié à
cette époque jiour attirer l'intérêt
sur sa corporation et en obtenir le
rétablissement, a été réimprimé avec
de nouveaux développements sous ce
titre : Exposition du sens primitif
des psaumes , totalement conservé
dans le latin de la Vulgate, et dans
une nouvelle traduction française
mise en regard du texte , etc. , Paris ,
1818-19, 2 vol. in-8*', La distinc-
tion des interlocuteurs dans les psau-
mes , quoique appuyée de nouvelles
preuves, y est traitée secondairement j
et le sens original du texte y est sur-
tout l'objet d'une savante et lumi-
neuse introduction. lîl. La véri-
VIL 489
table Prophétie du vénérable Hol-
zanzer , etc. , avec l'explication ,
Paris , 181 5 , in- 12. IV. Prophétie
du pape Innocent XI , précédée de
celle d'un anonyme , dont elle est la
])araphrase,avecuneesplicationétei:-
due, ibid., 1816, in- 12. y. Le vrai
sens du psaume G-j -.Exurgat Deus,
ibid., 1819, in-8". de 16 pag. C'est
une critique de la traduction de
M. Genuude. Le P. Viguier a revu
la traduction, ])ar M. Denis , de VA-
brégé de la Vie de saint Joseph
Copertino , thaumaturge et pro-
phète , en )663 , canonisé par le
pape Clément XIII, ibid., 1820,
in- 1 2. Quoique les derniers ouvrages
publiés ou revus par le P. Viguier
annoncent une dévotion un peu exal-
tée par le sentiment religieux , il n'a-
vait pas moins de jugement et de
goût que d'imagination ; outre le
chant lévifique des psaumes qu'il a
su distinguer assez heureusement ,
comme on l'a vu , il avait traduit
avec succès et publié en français, avec
le texte , l'ouvrage italien intitulé :
De' Ritratti , etc. Des Portraits ,
ou Traité pour saisir la physiono-
mie , par J.-B. De Rubeis , Paris,
Arthus Bertrand, 1809 , in-4°-
G— CE et W — s.
VILARIS (ÎVIarc-Hilaire), chi-
miste, naquit à Bordeaux en l'j'xo.
Dès qu'il eut achevé ses études clas-
siqueSjSou père, apothicaire instruit,
lui enseigna les éléments de la phar-
macie , et l'envoya se perfectionner
à Paris, sous la direction du célèbre
RoueHe ( Foj. ce nom ). Vilaris fut
employé dans les hôpitaux del'armée
de Hanovre ; mais , indigné des dila-
pidations et des désordres dont il
était le témoin , il donna sa démis-
sion, et revint à Bordeaux , où il fit
des cours de chimie , qui contribuè-
rent à répandre le goût d'une science
49"
VIL
que l'on confondait encore avec la
pharmacie. Le chagrin qu'il éprouva
de la mort d'une jcime personne à
latjucUe il était sur le point de s'unir
le plongea dans une mélancolie pro-
fonde. Son père , pour le distraire,
lui céda sa pharmacie. Il se fit rece-
voir apothicaire en 1748. et bien-
tôt il me'rila l'estime et la conliance
générales par les talents qu'il dé-
ploya dans l'exercice de sa profes-
sion. Il engagea ses confrères à créer
un jardin bolanique , et à former un
établissement pour la confection des
remèdes pharmacculiques ; mais il
ue put réussir à les convaincre de
l'utilité de ce double projet. Persuadé
qu'il devait exister en France des
carrières de terre semblable à celle
dont on fait la porcelaine de Sèvres ,
il emjiloya trois ans à parcourir la
Guienne et les proviuces voisines, et
eut enlin le bonheur de trouver le
kaolin , en 1 757 , à Saint-Yriex. Sur
l'avis qu'il s'empressa d'en donner
au gouvernement , IMacqner ( /^^. ce
nom ) fut envoyé pour constater
cette découverte , à laijuclle on doit
la manufacture de Limoges. On re-
gardait alors l'usage des viandes sa-
lées comme la principale cause du
scorbut , et l'on cherchait en cou-
séquence le moyen d'a|)provis!on-
ner les vaisseaux de viandes fraî-
ches ou préparées sans sel. Vila-
ris , après des essais multipliés ,
crut l'avoir trouvé dans la dessic-
cation. Une expérience faite en
1760 par le gouvernement consta-
ta que des viandes, ainsi préparées,
pouvaient rester une année à la mer^
sans éprouver d'altération. Cepen-
dant l'inventeur de ce procédé resta
sans récompense , et on ne lui de-
manda pas même la communication
de son secret ;c,e qui prouve que l'on
n'eu connut pas l'impcrtancc. Vila-
VIL
ris imagina, quelque temps après, un
moyen de fabriquer le sucre d'une ma-
nière plus économique ; et il o!ïnt,en
1780 , de passera la Marliniquepour
y établir des sucreries , d'après ses
plans. La guerre avec l'Angleterre
empêcha l'exécution de ce projet.
Rebuté par les dillicultés qui sem-
blaient s'opposer à toutes ses entrc-
])riscs , il passa les dernières années
de sa vie dans une triste indillércnce.
Un ami l'ayant prié de préparer de
l'extrait de ciguë , il eut l'impru-
dence de faire cette opération dans
son laboratoire. Les vapeurs de
cette piaule augmentèrent un mal
de tête dont il souillait depuis dix
ans, et il mourut le 26 mai i7()i.ll
p'tait membre de l'académie de Bor-
deaux depuis 175^, et c'est dans les
Recueils de celte compagnie qu'où
trouve le résultat de ses expériences
et de SCS travaux. Son compatriote ,
le docteur ïournon, lui a consacré
une Notice dans le Magasin ency-
clopédique , 1798, 111 , 54-61.
W— s.
VILATE (Joacuim), né, en
1768, à Ahun, petite ville du Li-
mousin, qui fait aujourd'hui partie
du département de la Creuse, était le
lilsd'un médecin, qui mourut de bon-
ne heure , et laissa sans ressources un
grand nombre d'enfants. Joachim
était l'aîné de cette malheureuse fa-
mille. 11 fut élevé avec quelque soin
à Blodeix, par un de ses oncles , et
termina d'assez bonnes études à l'u-
niversité de Bourges. Nommé, peu
de temps après, professeur au collè-
ge de Gnéret, il passa, en 1791 , à
celui de Limoges , et vint à Paris, en
179'^, pour étudier la médecine, ou
plutôt afin de s'y livrer tout entier à
son goût pour la politique et la révo-
lution. Il fréquenta très -assidûment
le club des Jacobins, oîi il fit cou-
naissance avec les hommes les plus
inanjiiants de cette époque. 11 con-
courut de tous SCS moyens à ratta(|ue
du château des Tuileries, dans la jour-
née du 1 0 août 1 792, et le 1 0 de'c. sui-
vant, il (it lioraniageàla Con\eution
d'un Flan d'éducation républicai-
ne, dont cette asjcmblee décréta
une mention honoraLle. Vilale con-
tinua de se montrer ainsi fort dé-
voue au parti le plus violent et le
plus exalte, jusqu'à la révolution du
3i mai 1793. Après le triomphe de
Robespierre, dans cette journée, il
accompagna , comme secrétaire ,
les représentants Isabeau et Neveu
dans leur mission à Bordeaux; et il
parcourut ensuite plusieurs dépar-
tements , pour y observer l'esprit
public , et en rendre compte au
gouvernement. Revenu dans la ca-
jiitale, il se montra de plus en plus
dévoue aux membres du (',omile de
salut public , et surtout à Darère et
à Robespierre. Loge' par eux dans
l'un des plus beaux anpartcmea^its des
Tuileries , il prit le nom de Sempro-
niiis- Gracchus , et se livra à toutes
les illusions de cette époque. Il a dit
lui-même que, dans l'ivresse que lui
causa cette nouvelle position, il se
crut transporté avec les J3rutus , les
Publicola , dans l'antique Capitole ,
après l'expulsion des Tarquins. Tout
semble indiquer qu'il était alors char-
gé d'un ministère de police impor-
tant. Faisant grande dépense , et
recevant beaucoup de monde , il n'a-
vait aucun revenu , aucun emploi os-
tensible qui pût y sulllre. On le nom-
ma bieniôt juré du tribunal révolu-
tionuaire. Il a dit depuis que ce fut à
son regret qu'il accepta ces redou-
tables fonctions ; mais rien ne prouve
qu'il ait iiésité à les lemplir. Ce qu'il
y a de sur , c'est qu'il ne renonça
point à son métier d'espion. Il paraît
VIL
4oi
au contraire que c'était par lui que
Robespierre savait tout ce qui se pas-
sait au sanglant trilnmal. Les détails
qu'on lit d.uis ses Mémoires, sur le
com])tc qu'il rendità Maximiiien^du
procès de la reine , au moment où il
venait de la condamiicr , sont fort cu-
rieux. C'était surtout contre les mem-
bres de la Convention nationale que
les comités employaient Vilate. Mais
lorsque leparlides thermidoriens prit
un peu de courage, et que ses op-
presseurs commencèrent à perdre de
leur puissance , plusieurs députés, en-
tre autres Chénier et Legendre , dé-
noncèrent positivement l'espion des
comités; et il fut arrêté et conduit à
la prison de la Force , huit jours
avant la chute de Robespierre. Dans
le tumulte de la journée du 9 ther-
midor , les agents de la commune vin-
rent à sa prison, avec un ordre pour
le mettre en liberté ; mais au moment
où cet ordre allait cire exécuté, des
commissaires de la Convention s'y
opposèrent ; et il resta prisonnier jus-
qu'au moment où le tribunal révolu-
tionnaire fut lui-même mis en juge-
ment. Vilate (it, pendant un an que
dura sa captivité, beaucoup d'elTorts
pour se soustraire au supplice dont il
était menacé; et il publia successive-
ment trois espèces de >Iémoires justi-
ficatifs, sous ers titres : I. Causes se-
crètes de la révolution du 9 thermi-
dor, in-8"., 1795. II. Continuation
des Causes secrètes , etc. III. Mys-
tères de la mère de Dieu dévoilés ,
etc. {Foy. ThÉos). Dans ces écrits ,
très - curieux pour l'histoire, Vilate
n'oublia rien de ce qui pouvait re-
pousser l'accusation de complicité
avec Robespierre; et il dévoila une
grande partie des iniquités de cette
époque. Comme Séuart , il avait été
à portée de les bien voirj et si l'on
eu excepte quelques réticences , dans
492
VIL
l'intérêt de sa justification, tout y
concourt à jeter la lumière sur les cri-
mes de ces temps déplorables. Ces
Mémoires sont beaucoup mieux écrits
que celui de Sénartj et tous les noms
y sont imprimés eu toutes lettres ,
avantage que n'ont pas offert les
éditeurs de celui-ci. Vilate n'obtint
pas, en les publiant, le but qu'd
s'était proposé. Le public les lut
avec beaucoup d'empressement , par-
ce qu'ils contenaient des faits cu-
rieux sur la tyrannie qui venait
d'être i-en versée j mais les conven-
tionnels , qui connaissaient l'au-
teur, ne purent oublier le rôle in-
fâme qu'il avait joué, Lcgendre dit
positivement à la tribune qu'il avait
été l'espion des comités; et Barère,
repoussant toute espèce d'intimité
avec lui, dit qu'il avait été le bour-
reau de la représentation nationa-
le. Ce fut sous de tels auspices qu'on
traduisit Vilalc au nouveau tribunal
révolutionnaire, avec les membres de
l'ancien ( F. Fouquier- Tinville ).
Il fut condamné à mort , comme la
plupart de ses confrères , et exécuté
le 7 mai 1795. Lorsqu'il entendit son
arrêt , il se répandit en violentes in-
vectives contre ses juges, et parut
avoir perdu la raison, llavait publié,
en frimaire an 11 (déc. 1793), un pe-
tit écrit mùiuU: De nos maux et des
remèdes qu il faut y apporter. Ses
Mémoires ont été annoncés dans la
Collection des Mémoires relatifs à
la révolution; mais ils ne s'y trou-
vent pas encore. M— d j.
\1LLA ( GuiDo , marquis de ) ,
Ferrarais d'origine, se distingua, au
milieu du dix-septième siècle , dans
les guerresduPicmont.il s'étaitatta-
ché à ftladame royale, Christine de
Savoie, sœur de Louis XIII, et il
lui fut toujours fidèle pendant une
régence orageuse, tandis que le Pié-
-^VIL
mont était decniré par des guerres
civiles . et que les Français et les
Espagnols cherchaient également à
s'en emparer. Il mérita la réputa-
tion de sage conseiller, de sujet fidèle
et d'habile général. Il fut tué , le 24
août 1(348 , d'un coup de canon, au
siège de Crémone. \'illa était alors
décoré du grade de lieutenant-géné-
ral au service de France. Voy. Sa-
voie ( Charles-Emanuel II ). Laur.
Crazzo a publié la Vie de ce général
dans les Elogi degli capitani illus-
<ri,pag. 248. S. S — I.
VILLA ou VILLE ( GniaoN
Fkançois , marquis de ) , fils du
précédent , fut aussi un des généraux
les plus distingués de son temps.
Son bisaïeul avait signalé son cou-
rage à la bataille de Lépante ( Foy.
D. Juan d'Autriche ). Héritier
des talents et de la valeur de ses
ancêtres , le jeune Villa s'était ren-
du célèbre dans les guerres d'Ita-
lie. Les Vénitiens étaient brouillés ,
depuis trente ans, avec le duc de
Savoie, parce que ce prince avait
pris le titre de roi de Chypre ; mais
lorsqu'ils virent les Turcs disposés
à recommencer le siège de Candie
(i66>), faisant taire leur orgueil,
ils lui demandèrent de les aider à
repousser l'ennemi commun. Le duc
de Savoie leur accorda deux régi-
ments , et permit à Villa d'offrir
ses services à la répid>lique. Nommé
général en chef de l'infanterie véni-
tienne , il s'embarqua dans le mois
d'octobre avec un corps de dix
mille hommes. A son arrivée , il
voulut tenter un coup de main sur
la Canée; mais les troupes fatiguées
de la traversée, et d'ailleurs incom-
modées par la pluie qui tombait en
torrents , ne purent que dililcilement
avancer. Les Turcs , avertis , tom-
bèi'ent sur l'avant - garde , la bat-
VIL
tirent , et forcèrent Villa à renon-
cer à sou projet. 11 construisit
nn camp retranche sons les murs de
Candie , et se soutint dans cette po-
sition contre les attaques continuelles
des Turcs, depuis le 16 avril jusqu'à
la lin de mai 1G66, Force' de se ren-
fermer dans la place, dont la garni-
son était allaiblie par les fièvres , il
redoubla de zèle et d'activité' , ruina
les travaux des Turcs dans plusieurs
sorties , et leur causa de grandes per-
tes. L'anne'c suivante , le grand-vézir
Aclimct Koproli ( Voy. ce nom ,
XXII , 543 ) e'tant venu prendre
la direction du siège de Candie ,
Villa _, avec un petit nombre de sol-
dats , sut repousser toutes ses atta-
ques, et quoique blesse dans plusieurs
assauts ne cessa jamais de donner
l'exemple de tous les genres de cou-
rage et de dévouement. Un ordre
du duc de Savoie le força de quit-
ter Candie , dont il avait glorieuse-
ment prolonge la défense ( i ) . Il s'em-
barqua dans le mois de mai iG(J8
pour Venise, et revint à Turin, oîi il
mourut pcudeteraps après des suites
de ses blessures. J.-B. Hostagno, con-
seiller et secrétaire d'ètal du duc de
Savoie , a publie ses Mémoires , en
italien , sous ce titre : Fiaggi dcl
marchese Ghiron Francesco Villa
(•-î) ,m Dalmatia e Levante; con la
relazione de' successi di Candia ,
etc. , Turin, 1668, in-4". (3). 11 en
existe deux traductions abrégées en
français , l'une par Joseph Ducros ,
Paris ou Lyon, ifiGQ, in-12 ; et
l'autre , par d'Alquié ( F. ce nom ),
(l'iVoy. Vllisloiie de J^enise , par M. Daru ,
livre XXXlir.
(7.) Boucher de la Ricbarderie traduit ainsi rc
titre : Voyage de Francis P^Ula , nicirr/iiis de Olil-
ion , etc. Dihl. des vojnges , II , iQn.
(3) George Lierclo a jiulilië : // p^iaggio dcl
marchese Villain Levante, cwero Vasscdio di Can-
dia, Venise, 1G71 , iu-ii.
VIL 493
Amsterdam, 167 1 , in- 12. Suivant
Lenglet-Dufresnoy , tout est bien dé-
taillé dans ces Mémoires , et ce sont
les meilleurs qu'on puisse lire pour
le siège de Candie ( Méth. pour étu-
dier l'histoire, xii, 824, édition
in- 12). W — s.
VILLA ( Ange-Tueodore) ^ sa-
vant helléniste, était né, vers 1720 ,
dans un bourg du Pavesan , d'une
famille originaire de Milan i). La
manière brillante dont il termina ses
études lui mérita la bienveillance du
comte Charles Firrnian, zélé protec-
teur des lettres. Sur la recomman-
dation de ce seigneur, il fut pourvu
de la chaire d'éloquence et de grec à
l'université de Pavie. L'abbé Villa
remplit cet emploi avec la plus gran-
de distinction. 11 partagea son temps
entre ses devoirs et le culte des Mu-
ses , et mourut en 1 794 > dans
un âge avancé. C'est à lui qu'on
doit la publication de la Bihliot.
degli volgarizzatori de l'Aigelati
( Foj. ce nom ). Les corrections et
les additions nombreuses dont il en-
richit cet ouvrage en forment le
tome v. Indépendamment d'une foule
d'opuscules dans la Puiccolta Mila-
nese , dont il fut l'un des fonda-
teurs , on cite de lui : I. Le poème
de Coluthus sur l'enlèvement d'Hé-
lène , traduit en vers italiens , avec
le texte grec , revu et corrigé d'a-
près un manuscrit de la bibliothèque
Ambrosicnne, Milan, 1749, in-S»,
Cette édition fut reproduite en
1753, avec nn nouveau frontispice ,
et augmentée de la traduction des
harangues de Gorgias et à^lso-
crate , et de l'Idylle de The'o-
crite relative à Hélène. Elle est-
précédée d'une dissertation sur la
(1) Le P. Paitorri donne A Villa le litre de IMila^
nese dans la table de la liibliotli. de^li vcIsLaiizza-
494 VIL
culture des lettres grecques à Milan;
l'auteur y passe en revue les savants
qui re'paudireut tant d'éclat sur celte
ville dès le qniuzicrae siècle, tels que
Clirvsoloras , Dc'metrius Clialcon-
dyle , Fr. Plulelplie , etc. , et y jette
Tui coup-d'œil rapide sur l'origine de
la bibliothèque Ambrosienne et ses
accroisscmcntssuccessifs. II. Des tra-
ductions m versi sciolti de la Conso-
lation à Livie sur la mort de Dru-
sus , par C. Pedo Alhinovanus ; du
Noyer et de quelques Epîtres d'O-
vide dans le tome xx\i , et de quel-
ques comédies do Plaute dans le
tome xxxviidu Corpus omnium poe-
tarnm latinor. , Milan, i-jSi-GS,
in-4". Avant I7^>7, •' avait termine
des trad .:tious in versi sciolti de
Trjj)hiodore, de Phocj'lifle , de FA-
lexipliarmaquc de Ni ceindre , etc. ;
mais le succès des versions de Salvi-
ni ( Fb/. ce nom ) l'empêcha de
publier ce qu'il en avait traduit.
Il avait entrepris aussi la traduc-
tion de V Odyssée d'Homère in
ottava rima ; mais il abandonna
ce travail au quatrième livre, en
sonhaitant qu'un c'crivam plus ha-
Lile et plus laborieux voulût enfin se
charger de faire connaître à !a na-
tion Italienne les beautés simples et
naturelles d'Homère , dans une bonne
traduction en prose. III. Orationcs
academicœ , Pavie , 1 7 78 - 1 780 ,
in -8". IV. Lezioni d' eloquenza ,
etc., ibid. , 1780 , in-8''. Cet ouvra-
ge est divisé en trois parties. La
prr-mière est une introduction à l'é-
tude de l'éloquence ; la seconde en
contient l'histoire, et la troisième les
préceptes. V. De studiis litterariis
Ticinensium ante Galeatium 11 vice-
comitem , ib., 1 782, in-H». L'auteur
y combat l'opinion accréditée par
plusieurs savants, que l'université de
Pavie reconnaît Charlemagne pour
VIL
son fondateur. Si par université I'ob
veut entendre une école publiqne ^
Villa ]irouve que Pavie en possédait
une long -temps avant le règne de
ce prince ; mais si l'on attache à ce
mot son véritable sens , il démontre
que Pavie n'a pas eu d'université
avant l'aimée i36i. Cette Disserta-
tion est citée avec éloge par Tira-
bosclii dans la Storia délia lettera-
tura ilaliana , \\\ , 169. W — s.
VILLALOBOS (François Lope
DE ) , médecin et poète , était né vers
1480, à Tolède, d'une famille noble.
Il achevait ses études à l'université
de Salamanque, lorsqu'à la demande
du marquis d'Astorga il mit en vers
de douze syllabes ( de arte mayor)
V Abrégé de la doctrine médicale
d'Avicenne. Passionné pour les re-
présentations théâtrales , et mécon-
tent, avec raison , des j)ièces qu'on
jouait à cette époque , il essaya de
décider ses compatriotes à prendre
les ouvrages des anciens pour mo-
dèles de leurs compositions drama-
tiques. Ce fut dans ce but qu'en
i5i5 il publia la traduction en
proj^e de ['Amphitryon de Plante.
Cette tentative, qui trouva pourtant
quelipies imitateurs parmi les érudits,
n'eut aucun succès. Torres de Na-
haro , Jean de Cueva et quelques
autres poètes moins connus surent
mieux deviner le goût de la nation
espagnole ; en s'alfranchissant de
toutes les règles établies par les
Gi-ecs et les Latins , ils devinrent
les créateurs d'un nouveau genre,
que Lope de Véga , Calderon et
leurs successeurs ont perfection-
né depuis. Découragé ]jar l'inutili-
té de ses elTorts , Villalobos revint
à la pratique de l'art médical , et s'y
livra tout entier; ses talents lui méri-
tèrent la confiance de Charles-Quint.
Nommé médecin ordinaire de ce
VIL
prince , il remplit ensuite les mêmes
fonctions près de Philippe II , et
mourut vers i56o , dans un à^e
très-avance. On connaît delui:I. El
swnario de la mecUcina ; con un
Iratado sobre las pestiferas huhas ,
Salamanque', i49'^î in-fol.; volume
très-rare. Asfruc avait fait de vaines
iTclierches pour se le procurer ( V.
de viorh. venereis , 675 ). On en
trouve la description dans le Cata-
logue ào. Laserna de Santander, n".
3io5. Il est divise en deux parties :
la première contient , comme on l'a
dit , un abrège de la doctrine d'Avi-
cenne , en vers ; et la seconde , un
traite sur la maladie vénérienne. C'est
le premier ouvrage public en Espa-
gne sur cette maladie ; elle n'y était
j)as connue , si l'on en croit l'auteur,
avant l'aïuK'e \\';l\ , oii elle fut ob-
servée à Madrid pendant le séjour
qu'y l'irent Ferdinand et Isabelle. II.
Glossa in Plinii historiœ naluralis
prinium et secundwn libros, Alcala,
i524 •> i»-f<>l' III- Prohlema con
otros dialns!^os de medicina , y fa-
miliares . Zamora , i543 , in- fol.
Ces deux, derniers oiivrages sont très-
rares en France, où on ne les trouve
pas dans les plus grandes bibliotliè-
ques. W — s.
VILL ALOEOS ( Ru y Lopez de ) ,
navigateur espagnol , fut expédié, en
i54'i , par Don An(onio de Mendo-
za, vice-roi de la Nouvelle-Espagne,
avec deux vaisseaux , une galère et
deux pataclies pour reconnaître les
îles situées à l'ouest. Ilpartitdu port
de Juan Gallego le i*=''. novembre.
Après avoir parcouru cent quatre-
vingts lieues, ii découvrit, sous 18°
3o' de latitude nord, deux îles dé-
sertes, éloignées l'une de l'autre de
douze lieues. Il nomma l'une Santa
Tome , et l'autre la ATaihlada. A
quatre-vingts lieues plus loin, il
VIL
495
trouva une autre île à laquelle il don-
na le nom de Roca Partida , et à
soixante -deux lieues au-delà , un
groupe d'îles, dont les habitants
étaient très-pauvres. Il nomma ces
îles l'Archipel del Coral. Villalobos
y mouilla pour renouveler sa provi-
sion d'eau ; puis , contuuiant sa
course, il découvrit, le 6 janvier
1543, dix autres îles, que leur beau-
té lui fit nommer Los Jardines. El-
les sont situées entre le 9*^ et le 1 0° de
latitude N. Eu les quittant, et après
avoir fait cent lieues au couchant, le
vaisseau de Villalobos périt dans une
tempête^ mais ce navigateur et son
équipage purent se sauver dans les
petits bâtiments. Le 10 , après avoir
fait encore cinquante lieues , les Es-
pagnols aperçurent une île charman-
te, etqui leur parut peuplée. Les ha-
bitants Avnrent au-devant d'eux dans
des canots, et leur disaient, en faisant
le signe de la croix : Buenos dias ,
mrtfa/ofe5 , circonstance qui lit don-
ner à cette île le nom d'île de los
matalotes. Villalobos en décou-
vrit ensuite une autre pins grande
que la précédente, et qu'il appela
île de los Arracijes , parce qu'elle
était bordée d'écueils. Le 2 février
il entra dans la baie de Malaga, si-
tuée par les 7 degrés de latitude, et
qui appartient <à une île à laquelle il
donna le nom de Cœsarea Caruli ,
si grande, qu'elle a trois cent cin-
quante lieues de circonférence. Il en
prit possession au nom de la cou-
ronne d'Espagne, et y eût établi une
colonie si le climat ne lui eût pas pa-
ru mal sain. Cette île , suivant Her-
rera, est à plus de quinze cents lieues
du port de la Navidad , dans la
Nouvelle-Espagne , et au 7™^. degré
de latitude. D'après la grandeur que
Villalobos lui donne, et la distance
à laquelle il la place de celle de
496 VI L-
Mindan.no , il est probable que c'est
l'île de I.iiçon, quoique celle-ci soit
située plu.s au nord. Le navigateur
espagnol y se'journa un mois. Son
intention était de se diriger au nord
vers rîle de Macagua ; mais le
temps contraire et la force des cou-
rants le portèrent au midi , et ayant
côtoyé la Cœsarea , pendant soi-
xante lieues , il vit deux petites
îles séparées de la grande , et à
quatre lieues au sud. Il se rendit
dans l'une d'elles pour prendre lan-
gue, le lundi 2 avril; mais il l'ut
fort mal accueilli par les habitants
qui lui tuèrent six hommes : il don-
na à cette île le nom diAntonia ou
Saragan. Malgré la résistance des
naturels, il les débusqua d'une roche
elcA'ée où ils s'étaient fortifiés avec des
palissades , et trouva sur cette émi-
nencc de la porcelame, beaucoup
de musc , de l'ambre , de la ci-
vette, du benjoin , du storax et
d'autres parfums en pastdles et en
huiles, dont les habitants fontusagc,
et qu'ilsachèlentà IMindanao et dans
les autres îles philippines. Les Es-
pagnols y trouvèrent aussi des mor-
ceaux d'or et des réseaux de cette
matière. Lorsqu'il eut rassemblé le
butin , Villalobos en réclama la sep-
tième partie et un joyau , ce qui lui
fut accordé; les ofiiciers du vice-roi
ayant aussi réclamé une part pour
celui-ci, les soldats s'y opposèrent,
en disant qu'il n'était pas juste de
jiayer des droits à deux généraux.
Quant au quint du roi , Villalo-
bos voulut qu'il ne fût prélevé que
sur l'or , l'argent et les pierreries.
Malgré la résistance de ses gens , il
les détermina à semer du maïs dans
celte île , et leur donna le premier
l'exemple. La récolte qu'ils firentser-
vità les garantir, pour le moment, de
la famine; mais leurs provisions étant
VIL
épuisées , il envoya Bernardo de la
Torre à Mindanao , île située, sui-
vant Herrera , à 5o lieues de Caesa-
rea ; mais le roi ou souverain nom-
mé 5rtrn/^e«, refusa de leur donner
aucun secours; Villalobos éprouva de
semblables refus dans les autres îles,
et se détermina alors à envoyer un
de ses navires à la Nouvelle-Espagne
pour instruire le vice-roi de leur
situation, tnfin on atteignit Gilolo,
dont le roi reçut humainement les
Espagnols malgré les menaces des
Portugais. Le navire le San Juan ,
qui avait été expédié à la Nouvelle-
Espagne le '26 août 1543 de Sara-
gau ou Antonia , ne put parvenir à
sa destination , et il rejoignit Villa-
lobos à Tidor. On trouvera , dans la
relation un peu confuse d'Herrera ,
le détail des soulFrances que les Lls-
pagnols éprouvèrent par suite du
refus des Portugais de leur fournir
des vivres. Enfin , accablé de cha-
grin , Villalobos alla mourir dans l'î-
le d'Amboine. Trois de ses vaisseaux
avaient fait naufrage. Les Espagnols
qui survécurent furent contraints ,
après avoir éprouvé mille maux , de
se livrer aux Portugais ;, leurs enne-
mis , qui les renvoyèrent en Europe.
Ce navigateur , étant à ïernale ,
adressa au gouverneur portugais une
lettre dans laquelle il faisait la des-
cription des îles qu'il avait vues.
Son Anublada est nommée au-
jourd'hui San Benedilto. Les îles
del Coral et los Jardines font par-
tie des groupes orientaux de l'ar-
chipel des Carolines. Les Matalo-
tes appartiennent au groupe le plus
occidental. Elles ont conservé leur
nom. Les Arracifes sont les îles Pelew,
dont les habitants ont acquis une si
grande célébrité par l'accueil hos-
pitalier qu'ils firent . en i-^SS , à des
Anglais naufragés. Voyez,, pour de
VIL
plus grands ActnWs ,]a septième Dé-
catie d' H errera , livre v , et le Trai-
té des (lifféreiiis chemins , etc. ,
avec les découvertes fdiles jusqu'en
l55o , par D. Ant. Gaivan ( i ).
D — z — s et E — s.
YILLALPANDf Jean-Baptiste),
jc'suite, ne, en i55a, à Cordouc, an-
nonça, des sa ieuncsse, des disposi-
tions pour les arts, et acquit des con-
naissances fort éleuducs dans les ma-
thématiques et l'arcliitecture. Admis,
à seize ans, dans l'institut de saint
Ignace, il fut place auprès du P.
Jérôme Prado ( i ) , son compati'io-
te, et fit, sous la direction de cet
habile maître, de rapides progrès
dans la litte'rature sacrée. Le P.
Prado , sur l'invitation du roi Piùlip-
pe II , ayant entrepris d'expliquer
les Propliéîies d'Ézéchiel , associa
Viilalpand à son travail, et le con-
duisit à Rome, oi!i ils devaient trou-
ver plus de ressources pour ce grand
ouvrage. La tâche de \ illalpand de-
vait se borner à la description du
temple de Jérusalem , que le projihète
voit dans une extase ( ch. 4^,4^ et
4'i ) ; mais le P. Prado mourut, lais-
sant son commentaire incomplet; et
Villalpand se chargea dcle continuer.
Ép'iisé de fatigues, il mourut lui-
même avant de l'avoir termine , à
Rome, le 23 mai 1608, à l'âge de
cinquante-six ans. Leur grand ouvra-
(t^I La relaliou ori|];inale des iia^ii^atiojis de
Villalolio-, a été retrouvée par M. Marllii Fernan-
de/, de \avarrete , directeur du dépôt hydrogra-
phique de Madrid , et elle sera imprîmce dans la
Collection des nm'i§ations et découvertes des Es-
pagnols depuis la fin du quinzième siècle , dont
l'auteur de celle note publie en ce momeut la
traduction. H — z — S.
(i) Le P. JcroTie Prado, né vers 1547 à Bac-
ca , diocèse de Jacn , (it ses éludes à l'université
de sa ville natale, oîi il reçut le laurier doctoral ,
et avant embrassé la règle de saint Ignace, eu
^ lâ-jTi-, professa quelque temps à Cordoue, avec
nne grande répulatiou. Il raournl h Rome, en jan-
vier i5r)5,,à 4s ans, laissant , outre son Commen-
iirc suf Ezéchiel ^ divers ouvrages manuscrits,
l'iiil on trouvera les titres dans la Z?ié/. jor du
y. Sotuei. p. 34(».
XLVIIT.
VIL 497
go avait paru sous ce titre :J.-B.
Fillalpandi et H. Pradi in Eze^
chielem explanationes et apparatus
iirhis ac templi Hierosolrmitani
commentariis et imaginibus illus-
tratus , Rome , iSgG- 1606, 3 vol.
grand in-fol. Le tome premier con-
tient le Commentaire de Prado sur
les vingt-six premiers chapitres d'É-
zéchiel , et cekiide Villalpand snr les
deux suivants 5 le tome second, la
description du temple de Salomon ,
accompagnée de gravures très - bien
exécuîéci; et le tome troisième , la
description de la ville de Jérusalem,
suivie d'un Traité des poids , des
monnaies etdcs riiesures des Hébreux,
comparés avec ceux des Grecs et des
Romains. La description de la ville
de Jérusalem est regardée comme un.
chef-d'œuvre. Celle du temple est ce
qu'on a de plus détaillé et de plus
complet ; mais on y trouve bien des
choses hasardées et d'autres contrai-
res au texte même de la Bible. Vil-
lalpand, tout rempli des idées ma-
gnifiques qu'il avait puisées dans l'é-
tude de l'architecture grecque et ro-
maine , crut qu'il ne pouvait rien
imaginer de trop grand , de trop
somptueux pour un temple dont Dieu
était en quoique sorte l'archilecte.
Aussi lui reproche-t-on d'avoir mul-
tiplié les cours et les portirpies , et
d'avoir prodigue sans mesure les pa-
vés de porphyre, les murailles de
marbre de Paros , les vases, les can-
tlelabres et les tables d'or pur , etc.
Dom Galmet et les commentateurs
plus récents d'Ezéchiel sont moins
riches que Villalpand dans la des-
cription de ce temple , et s'appro-
client plus de la vérité. On doit en-
core à cet auteur l'édition d'un an-
cien Commcniairc .sur 1rs i^pîlres
de saint Paul ( Explanatio Ej)isto-
larvm S. Panll , Rome, i5f)8, in-
32
498 VIL
fol. , inséré dans le tome v de la Bi-
blioth. magna Patrum. Le savaut
éditeur l'attribuait , d'après un ma-
nuscrit de 1067, à saint Rémi de
Reims ( r. Rémi , XXXVII ,317);
mais il est reconnu que cet ouvrage
est de Rémi , moine d'Auxcrre. W-s.
VILLALPANDE (Gaspard Car-
DILLOS de) , théologien espagnol , né
dans le seizième siècle à Segovie ,
fut professeur d'éloquence et de phi-
losophie à l'univcrsilé d'Alcala , et
se fit une réputation par ses Com-
vientaircs sur Porphyre et sur V Or-
gnnuin et les livres de physique
d'Aristotc. Le célèbre Gènes. Sepul-
veda i'F. ce nom ) , l'un de ses amis,
ayant avancé (ju'Aristote n'était pas
éloigné d'admeltrc avec Pythagore
le système de la métempsycose ,
Cardillos le força de se rétracter , et
publia son désaveu à !a suite d'un
opuscule intitulé : ApologiaAristo-
telis adi'crsùs cas qui aiunl sen-
sissc ujiiinain cum corfiore exangui,
Alcala , i5()o, in-8". Cet ouvrage
dans lefpiel il s'cflbrce de prouver
que le philosophe de Stagyrc profes-
sait le dogme de l'imuiortalité de
l'ame, accrut pour lui l'estime de ses
confrères. 11 fut député par le collège
de Saint-Ildcfonsc au concile de
Trente, et il y signala son éloquence
dans plusieurs occasions. Le P. Libbe
a recueilli dans sa Collection des
conciles, tom. xx , trois harangues
prononcées j)ar Cardillos : Qubdnon
sit laicis calix permitlendus ; rie
primutu Pétri ; de nominc Jesu ;
ainsi que la réponse à J. Fabricius :
Indictionis conciliitridentim apolo-
gia adversùs J. Fabricium Monta-
nuni. Apres la clôture de cette mé-
morable assemblée, Cardillos revint
en Espagne , où il mourut vers ifî^o.
Ses Commentaires sur Arislote et
Porphyre dont on vient de parler ,
VIL
ainsi que ses Traités de controverse,
imprimés à Alcala , à V enise et à Ma-
drid dans divers formats , sont tom-
bés depuis long-temps dans l'oubli le
plus complet. — Vi llalpanee (Fran-
çois Torreblanca de), fameux dé-
monologue, était né, vers iSno, à
\ illalpaude , petite ville du royaume
de Léon. Il n'est connu que par un
ouviage intitulé : Epitome delicto-
rum ; seu libri ir , in quihus de in-
vocatione Dœmonum occulta et
npertd tractatur ,Scvû]e, i5i8, in-
fini. Cette édition est très-rare; et les
curieux la rccheirhent parce qu'on a
retranché des réimpressions divers
passages singuliers. Debure en a
donné la description détaillée dans la
Bibliographie instructive , n". i/yoC).
Elle est divisée en trois parties, l'une
de i()(i , et la seconde de 92 feuillets
imprimés sur deux colonnes j la troi-
sième partie de 3<) feuillets , intitu-
lée : Defenza en favor de los libres
de la mngia , nian([uc dans beau-
coup d'exemj)laires. — Villai.-
PANDi; ( Jean de), chef d'une secte
d'illuminés (]ui parut dans l'Andalou-
sie,\ers la (indu seizième siècle, était
néàTénéride. Leur secte ressemblait
beaucoup à celle du quiétisme, qui se
répandit un pen plus tard dans la
plus grande partie de l'Europe , et
l'une et l'autre furent surtout propa-
gées par des femmes. Le droit deprê-
cher qu'ils leur donnaient les atta-
chaient beaucoup à leurs dogi;ies ; et
les charmes du beau sexe furcntpour
eux un grand moyen de succès. Vil-
lalpande s'était lié avec nne reli-
gieuse carmélite, nommée Catherine
de Jésus, qui montra beaucoup de zèle
pour répandre sa doctrine. Ces sec-
taires étaient ])crsuadés que la prière
suffit , et qu'avec elle on peut se dis-
penser de tous les autres devoirs re-
ligieux, et même se livrer à toutes
VIL '
sortes de plaisirs et de vices. L'in-
quisilion les poursuivit avec beau-
coup de riç;;iicur en Espagne, et un
grand nombre fut oblige d'abjurer ,
ou périt dans les supplices. On croit
que Villalpande et la compagne de
ses travaux apostoliques eurent le
même sort. W — s.
VILLAMEDIANA (le comte de),
l'un des courtisans les plus aimables
et les plus spirituels de la cour de
Philippe IV, roi d'Espagne, se fit
connaître par des poésies agréables ,
et fut i)liis célèbre encore par les cir-
constances de sa mort tragique. Peu
après l'avcnement de Philippe IV
( iG'2i ), le confesseur de don Bal-
tazar Ziuiiga , onc'e du premier mi-
nistre, dit au comte de Villamedia-
na de prendre garde à lui , que sa vie
était en danger.Villamediana n'en tint
aucuncomptejmaisle^oir decemème
jour, comme il traversait une rue de
Madrid, dans la voiture dedon Louis
de Haro , à côté de ce seigneur, il
s'entendit appeler par son nom; et
ayant répondu à l'invitation qu'on
lui faisait de descendre, il fut poi-
gnardé sur le marchepied. Aucune
démarche n'eut lien pour rechercher
l'assassin. On attribua l'événement à
une vengeance particulière , que le
jeune comte se sei'ait attirée par ses
galanteries ou pa r ses épigrammcs. La
hardiesse de l'attentat et l'inaction
de la justice criminelle occupèrent
long-temps les esprits. 11 circula dans
le public que la reine, fille de Henri
IV, passant dans une galerie du pa-
lais, quelqu'un lui mit les mains sur les
yeux , et qu'aussitôt elle s'écria : Que
me veux -tu, comte? C'était le roi
lui-même; et comme il montrait de la
surprise , Elisabeth répondit ; N'ê-
tes-vous pas comte de Barcelone?
Le roi pensa que ce titre n'aurait pas
dû se présenter aussi promptement à
VIL
499
l'esprit de la princesse, parmi ceux
que lui donnait sa couronne ; et il se
rappela que le comte Villamediana ,
qui n'en avait pas d'autre, était un
des gentilshommes que la reine sem-
blait le plus distinguer. Z.
VILLAMÈNE (François), gra-
veur célèbre, né à Assise en Italie,
vers l'an 1 588 , est surtout recom-
mandable par la correction de son
dessin et par la netteté de son tra-
vail. On lui reproche d'être un peu
maniéré dans ses contours, ce qui
n'empêche pas que ses estampes ne
soient très-recherchées. Après avoir
étudié son art sous Augustin Carra-
che, il se rendit à Rome, pour se
perfectionner par l'étude de l'anti-
que, et il y travailla long-temps d'a-
près les statues, les bas-reliels et les
chefs-d'œuvre qui s'y trouvent en si
grand nombre. Il mourut dans cette
capitale, à l'âge de soixante ans. Ses
meilleures gravures sont : I. Les
Gourmeurs , dispute de paysans.
II. Jean Alto , surnommé Vanti-
quaire , représenté debout dans une
place publique de Rome, III. Saint
Bruno et ses compagnons dans le de'-
sert , d'après Lanî'ranc. IV. Une Des-
cente de croix , d'après le Baroche.
V. La Présentation au temple, d'a-
près Paul Véronèsc, etc. Z.
VILLAMONT , voyageur fran-
çais , natif de l'Anjou , parcourut
d'abord l'Italie. Il était à Rome le
1 4 septembre i588, et il alla jusqu'à
Naplcs , puis s'embarqua à Venise
le 19 avril 1589. Après avoir relâ-
ché à l'île de Cypre , il débarqua à
Jaiïa , visita Jérusalem , Bethléem et
la Mer-Morte. Le i3 juin il quitta
les saints lieux , et ayant repassé à
Jaffa , vit la Syrie jusqu'à Damas.
De Tripoli il gagna Damiette par
mer , satisfit sa curiosité au Caire et
au Mont-Sina'i , et revint par Alexau-
3-2..
5oo VIL
(liie à Venise. Il lit encore diverses
ciciirbioiis en Italie , et rentra dans
SCS foyers, en lopo. Sa relation pa-
rut sous ce titre : Foya^cs du sieur
de nilamont en Europe , .-isie et
Afrique, Arras, 1 598 , in- 1 u . ; Paris,
1 (iog , iu- 1 2. Le voyageur décrit avec
soin les monuments des pays qu'il a
vus : il ne ucglij^c pas non plus les
mœurs des habitants ; mais il s'oc-
cupe plus de la forme du gouverne-
ment que de l'aspect physique des
diverses contrées. 11 a donne un pe-
tit vocabulaire turc et français. E-s.
VILLA^DON. Voy. Lhluitiek.
VILLAM ( JtAN ) ,' ccUbre histo-
rien, naquit à Florence avant la lin
du treizième sic-clc. Sa famille était
ancienne et distinguée : son père,
Viilano di Stoldo, faisait partie de
la seigneurie en 1 3oo. Pendant cette
même année, Jean Villani lit un voya-
ge à Rome , pour y fêler le jubile. De
retour dans sa patrie, il entreprit,
quoiqu'il dût être encore jeune, sis
Islorie florentine, travail immense
qu'il lit remonter d'abord aux pre-
mières époques du monde , et dans
lequel il comprit, jusqu'à l'année
i3i8, qui fut celle de sa mort, les
principaux événements contempo-
rains de l'Europe et de l'Italie. 11
nous apprend lui-même comment il
conçut ce grand projet : le spectacle
de Rome sur son déclin , compare à
celui de la cite jeune et croissante de
Florence j la lecture des écrivains
anciens, tels que Virgile, Salluste,
Lucain , Tite-Live, qui ont consacre
leurs travaux aux souvenirs de la
randeur romaine; enfin, le d^sir
'élever un monument à la gloire de
sa patrie, en rapportant à ses anna-
les celles du reste du monde, tels sont
les motifs qui l'engagèrent à entrer
dans la carrière de l'histoire , qui ne
lui offrait encore chez les modernes
§'
VIL
presque aucun modèle à iniiter, sur-
toutenldngucvulgaire(l. vin, c. 3G).
Dès-lors , il s'entoura d'un grand
nombre de chroniques clrangèics et
nationales , dont il sut proliter ha-
bilement, sauf quelques faits contra-
dictoires qu'il leur emprunte par-
fois sans examen sulVisant. L'une
de ces chroniques , celle du florentin
Ricordano Malaspina , et de son ne-
vevi Giachetto, conduite durant le
siècle précèdent jusqu'en 1.28C), mé-
rite d'être remarquée soit comme ter-
me de comparaison pour ajiprécier
les immenses progrès que la prose
italienne se trouve avoir faits sous la
plume de Villani, soit aussi comme
lui ayant fourni l'idée générale de ses
origines llorentincs , (ju'il fait remon-
ter justpi'aux patriarches. Il a même
pris dans cette chronique un certain
nombre de passages qu'il copie sans
avertir du plagiat, ainsi que l'ont ob-
servé MuratorietTuaboschi. C'est en-
core une circonstance assez singulière
que Ricordano ait conçu le dessein
(l'i-crire ses histoires dans un voyage
qu'il lit à Rome, en 1 200, comme Vil-
lani en i3oo. Ce dernier se livra dans
sa jeunesse à des alla 1res de cummerce
qui , en l'obligeant de faire plusieurs
voyages hors de l'Italie, le rendirent
témoin d'événements importants. 11
était encore <à Florence en iSoi et
i3o2, époque de l'origine des fac-
tions blanche et noire ; il y villes dé-
sordres occasionnes par ces ([uerelles,
l'intervenliou inutile de Charles de
Valois ( liv. VIII , eh. 08 et suiv. ) ,
et la proscription d'un grand nom-
bre de citoyens , entre autres du Dan-
te , auquel il rend un hommage bien
remarquable dans la bouche d'un
contemporain (liv. ix, ch. i33\
En 1 3o'2 et i3()4, il parcourut la
France et la Flandre, suivit dans
tous ses détails la gueri'c de Philippe-
VIL
Iclîcl et des Flamands, cl visita le
cliani[) «le bataille deMons-cn-Piicllc,
peu de jours après la vietoirc du roi
lie France. Muratori , dans sa prc-
lace sur Viliani ( Script, rcr. Uni.,
toni. xiii ), suppose, par une con-
jecture assez gratuite , et qu'ont
rejetce d'autres critiques, que cet his-
torien a seulement emprunte àquel-
([uc relation contemporaine les dé-
tails qu'il donne sur la guerre do
F'Iandrf , et (pi'uuc distraction as-
sez étrange, de la part d'un écrivain
aussi grave, lui aura fait copicravec
tout le reste la phrase où le nar-
rateur en vient à parler de lui-mê-
me comme témoin oculaire. Quoi-
que Villaui donne des détails cir-
const.incies sur les événements de
Florence, pendant les huit années
suivantes , on ne voit point qu'il y
ait pris une part active , et l'on igno-
re s'il vit le siège de cette ville, que
l'empereur Henri de Luxembourg
forma sans succisen i3i 2. Plusieurs
passages de ses histoires attestent
qu'il était guelfe prononccj cepen-
dant on n'a pouit retrouve son nom
sur la liste des Florentins dont l'em-
pereur prononça la condamnation
juridique après sa retraite à Pise. En
1 ii(i et lûi-y, il siégea parmi les
Priori de la république. En cette
qualité, il sut, par un artifice ingé-
nieux concerté avec ses colligues,
cfliayer les Pisans, qui se refusaient à
conclure la paix avec Florence. Des
lettres pour engager le roi de France
à entrer en Italie, avec des oHVes de
service très-considérables de la part
des magistrats florentins , furent in-
terceptées par les Pisans , sur un avis
qu'on leur fit tenir àdesseinj et dans
la crainte qu'ils, conçurent do cette
négociation simulée, ils se hâtèrent
d'adopterdes dispositions pacifiques.
\'^illani , devenu vers le même Icjnps
ML
5oi
directeur de la monnaie , fit faire un
travail qui avait été négligé jusque-
là , et qui (/3uvenait particulièrement
à son goût pour les monuments liis-
tori(]ucs : ce fut un registre exact de
tous les citoyens qui avalent exerce
la même charge avant lui , et la des-
cription des monnaies qu'ils avaient
fait frapper. Il exerça de nouveau le
priorat en 1 3u i , et bien qu'il ne s'en
trouve aucun témoignage dans son li-
vre, d'anciens actes l'attestent sufli-
samment. lîientot après , il fut char-
gé de jnésidcr à la construction des
remparts et des tours dont on acheva
de fermer l'enceinte de Florence , de-
[)uis la porte de San-(lalIo jusqu'à
celle de Saint-Ambroise. Il se trou-
vait, en \'6Ï6, à l'armée qui sortit
de la ville , pour repousser le tyran
de Lacques , Castruccio Castracani.
Cette armée, divisée en deux fac-
tions , celle des bourgeois peu exer-
cés aux travaux guerriers, mais im-
patients de combattre, et celle des
nobles qui s'opposaient à une action
décisive , laissa échaiiper l'ennemi
qu'elle eut pu stirprendre , et rentra
sans honneur dans ses foyers ( liv.
IX, ch. '2 1 3 ). Castruccio ne cessant
de causer aux Florentins de vives in-
quiétudes , Viliani s'avisa d'envoyer
à Paris une lettre au frère Denis de
Borgo San-Sepolcro^ son ami et ce-
lui de Pétrarque, pour lui demander
quand Unirait cet état de choses. La
réponse fut une prédiction formelle
de la mort prochaine de Castruccio ,
et de l'empire qui serait oilert à Flo-
rence sur la cité de Lucques, prédic-
tion renouvelée dans une seconde let-
tre que Viliani, alors Pnore pour la
troisième fois, montra à ses collègues
( liv. X , ch. 85 ). Castruccio mou-
rut en elVet pende temps après cette
correspondance^ en i3'.28; et la do-
mination de Lucques fut olTcrle au\
5o3
VIL
Florentins, par des aventuriers alle-
mands, qui s'en e'taient emparés, à
condition de leur payer une somme
de quatre-vingt mille florins d'or.
Villa ni s'intéressa vivement à cette
proposition, et se joignit à une com-
pagnie de riches citoyens et d'exilés
lucquois , qui offraient d'avancer à
l'État les trois quarts de la somme si
l'arrangement était adopté. Mais les
intrigues , les inimitiés qui régnaient
dans la république, le firent échouer
au grand regret de noire historien
( liv. X, eh. 1^1 ). Pendant une
grande disette qui eut lieu vers la
même époque, il rendit d'impoitanls
services en qualité d'ollicicr de la
commune , par l'ordre qu'il établit
dans la préparation et la distribution
du pain (ibid., ch. 120.). En i'S3i,
il fut accusé de concussion avec deux
religieux servites qui avaient été ses
collègues , relativement à la gestion
des deniers employés dix ans aupa-
ravant pour la construction des rem-
parts. L'alfaire fut rigoureusement
examinée , et se termina par l'entiè-
re absolution des accusés. L'année
suivante, les Florentins ayant résolu
de fonder une j^ace forte sur les con-
fins du Bolonais et de la Romagne,
comme on délibérait sur le nom à
donner au nouvel établissement , ce
fut Villani qui proposa de l'appeler
Firenzuola, et il appuya son avis de
plusieurs sages considérations qu'il
rapporte dans son ouvrage , liv. x ,
ch. 201. Il vit ensuite plusieurs dé-
sastres s'appesantir sur sa patrie^ et
eut à supporter lui-même des revers
de fortune. En i333, un déborde-
ment de l'Arno fit les plus grands
ravages dans la ville et les environs ;
e'crivant sous l'impression des faits
à mesure qu'ils se présentent, l'his-
torien ajoute à l'intérêt de ses récits,
pleins de candeur et de vérité locale^
VIL
celui de ses propres réflexions , oîi
dominent un grave patriotisme, une
piété toute conforme à l'esprit de
son temps , mais souvent aussi la
manie astrologique. Le seigneur de
Vérone, Mastin de la Scala, lit sou-
tenir aux Florentins et à leurs voi-
sins une guérie funeste et dispen-
dieuse. Après s'être rendu maître de
Lucques , il vouluts'en défaire à l'en-
can j cette fois Florence s'etfoiça de
prévenir la concurrence de Piscj elle
ollritdeuxccutcinquantcmillenorins
d'or en divers paiements, et envoya
en otage cinquante nobles citovens,
au nombre desquels fut notre histo-
rien , bien que contre son gré, par le
choix des magistrats. Il passa com-
me otage deux mois et demi à Fcrra-
re, et y fut reçu avec distinction par
le marquis Obizzo, fils naturel de
Mastin; mais le pacte fut rompu par
une vive attaque des Pisans contre
la ville de Lucques , et par la guerre
qui en résulta (liv. xi). L'année sui-
vante , Villani vit avec douleur les
bouleversements occasionnés dans
Florence, par le règne éphémère de
Gauthier, duc d'Athènes ; suivi de
l'insurrection populaire qui le ren-
versa. Il décrit ces événements avec
beaucoup de chaleur et d'énergie
dans son xii'^. et dernier livre. Une
compagnie de banque, la plus con-
sidérable d'Italie , connue sous le
nom des Bardi, ayant fait banque-
route en 1345^ par suite d'avances
énormes faites aux rois d'Angleterre
et de Sicile, un grand nombre de
maisons de Florence furent entraî-
nées dans cette ruine, entre auties
celle des Buonaccorsi , dans laquelle
Villani était intéressé. Lui-même, de-
venu insolvable, fut jeté en prison :
on a conservé un document authen-
tique de cette dernière disgrâce, à
laquelle il ne fait qu'une allusion
VIL
éloignée dans son Histoire ; seule-
ment il s'clève vivement contre la
faiblesse des citoyens qui consentaient
à compromettre la fortune publique
et privée, en la confiant à cette aris-
tocratie financière si imprudente dans
ses entreprises. Enfin , la fatale an-
née i34H étendit sur Florence cette
vaste contagion qui , dans toutes les
contrécsdu monde connu , moissonna
une grande partie du genre humain,
et notre historien fut une des victi-
mes atteintes par le fléau. Ou voit
s'interrompre à cette même époque
les travaux de plusieurs autres anna-
listes, entre autres les Istorie Pisto-
jesi , dont les auteurs périrent sans
doute de même que Jean Villani. Ses
derniers chapiti'es sont remplis par
des événements funestes , et par des
tremblements de terre , qui sem-
blaient faire pressentir un malheur
plus grandencore. — Son Histoire fut
continuée par son frère, IMatthieu
Villani , lequel composa onze livres,
dont le dernier va jusqu'en i363.
Cette année fut marquée par une nou-
velle peste , dite delV anguinaja; et
Matthieu Villani y succomba à son
tour , dans im âge assez avancé, après
cinq jours de maladie. Il devait cette
prolongation de souffrance à la force
de tempérament qu'il avait conservée
par une vie sage et régulière. Tels
sont , avec les noms des deux fem-
mes auxquelles il fut marié, retrouvés
par Manni , savon*, Lisa de' Buondel-
montietMonna de' Pazzi , les uniques
détails qui nous restent sur ce digne
continuateur de Jean Villani , auquel
il n'est inférieur que par son style un
peu lâche et difTus , mais non pour
l'exactitude, la sincérité, l'observa-
tion des faits et le bon sens , qualités
qui Qnt fait invoquer son témoignage
avec confiance par tous les auteurs
qui sont venus depuis. — Ce peu de
VIL 5o3
renseignements sur sa destinée nous
a été transmis par son fils , Philippe
Villani, dans le début d'une nou-
velle continuation des Histoires à la-
quelle il ne put donner beaucoup de
suite. Le travail de ce dernier se borne
à quarante-deux chapitres, ajoutés au
onzième livre de Matthieu, et com-
prend seulement la fin de i3G3 avec
l'année i364. Philippe Villani a lais-
sé d'autres ouvrages, dont nous par-
lerons plus bas; mais nous commen-
cerons par rendre compte des prin-
cipales éditions du corps d'histoire
composé par ces trois écrivains. Pen-
dant près de deux siècles , leurs livres
restèrent cachés en manuscrit, et fu-
rent connus seulement d'un petit nom-
bred'annalistes. Enfin parut àVenise,
en 1537 , une première édition, in-
fol. , de Jean Villani , à laquelle man-
quaient ses deux derniers livres , et
en outre très - fautive. En 1 SSp , les
frères Giunti en donnèrent une bonne
édition complète, collationnée sur
des textes manuscrits et avec des no-
tes de Remigio Nannini , Venise , in-
4°. Plus tard , les mêmes Philip, et
Jacq. Giunti donnèrent les premiers
l'Histoire de Matthieu Villani , Ve-
nise , 1 562 , sur un manuscrit appar-
tenant à Jacq. Castelvetro, non re-
trouvé depuis , dans lequel ''man-
quaient le livre viii et une partie du
neuvième. Les éditeurs, s'étant éta-
blis à Florence , y trouvèrent , dans
la famille Ricci , un manuscrit entier,
sur lequel ils publièrent ce qui man-
quait des trois derniers livres, avec le
supplément de Phil. Villani, Florence,
1677, in-4*'. ; et pour compléter l'ou-
vrage , ils réimprimèrent les neuf
premiers livres de Matthieu Villani ,
en i58i , Florence, in-4'5. Ces deux
parties sont recherchées , et doivent
être réunies. On estime particulière-
ment aussi l'édition de Jean Villani,
5o4 VIL
de 1587, Florence, iii-4"^- Muraloii
a dounc un excellent texte des trois
liistoricns, dans les tomes xin et xiv
des Scriptores rerum ilalicaruni ,
cullationnc' sur deux manuscrits flo-
rciitius de Mattliieu et de Philippe ,
«t sur im autre plus prc'cienx en-
core de Jean, appartenant à J.-B.
Recauati , noble vénitien; Le sa-
vant éditeur s'attacha à conserver
scrii])uleiiseraent l'ancienne orlho-
graplie du temps des Yillani , et re-
produisit quelques passaj;es avec des
leçons toutes nouvelles et d'assez lon-
gues variantes à côte de l'ancien tex-
te; ce qui introduit dau> les numéros
des cliaj)itres un léger changement,
de peu d'inconvénient pour les re-
cherches , attendu que ces chapi-
tres sont souvent très-courts et pré-
cèdes de titres assez e'tendus. En mê-
me temps que îiluralori donnait cetle
édition, et la faisait tirer à part de
sa grande collection, IMilan, 17 '29,
in -loi,, on s'occupait <à Florence
d'une publication semblable , d'a-
]>rès d'autres manuscrits; et l'es-
])rit de concurrence des nouveaux
éditeurs semblait animé par le res-
sentiment d'une opinion litte'rairc
blessée; car ftiuratori avait combat-
tu , dans un autre ouvrage ( son Trai-
té Di'lla pcrj'clia poaia ilaliana) ,
la doctrine exclusive des litléraleurs
toscans, qui faisaient du siècle de
Jîoccace et de Jean Yillani l'âge d'or
de la prose italienne. Ce débat duiuia
lieu à une guerre de plume assez vi-
ve; et l'impression du manuscrit Da-
vanzati , annoncée à Florence par les
libraires Tartini et Franchi, ne s'a-
cheva point. Kniin les éditeurs des
classiques de Milan ont donné , en
i8o2, l'Histoire de Jean Villani ,
formant les tomes x à xvii de celte
collection in - 8'\ , et précédée d'un
Eloge de l'auteur , par Massai ,
VIL
morceau utile à consulter. Cette
édition est du reste conforme à celle
de Muratori , excepté pour l'or-
thographe , dans laquelle on suit
le système moderne. — Phil. Vil-
lani s'était voué particulièrement
aux travaux littéraires; car on le
trouve qualifié, dans quelques an-
ciens muuiscrils, des noms d'Elico-
nio et de Sulitario. 11 fut élu , en
ijOi, et de nouveau en \^o^, à la
chaire instituée, dès iS^S , pour l'ex-
plication de la Commcdia du Dan-
te , et qui avait d'abord été occupée
par lîoccace. Il avait été , pendant
plusieurs années, cliaucelier de la
commune de Pérouse; et on le voit
quelquefois aussi qualifié de juris-
consulte. Il a laissé , en latin , un ou-
vrage consacré à la Biof^rajthic des
hommes célèbres de Florence , qui
ne fui publié qu'en 1747 ■< vnn'xs qui
avait été jirécédcir.ment cité par \\n
grand nombre d'écrivains. Ce fut
Mazzucliclli qui en fit paraître le
premier une traduction ancienne ,
regardée jiar plusieurs critiques com-
me l'original, sous ce litre: Vile
d'uomini dluslri Fiorentini, Venise,
I7'l7 , in-4". Le texte ne fut retrou-
ve que ([uelque temps après, par l'ab-
bé Mehus ,dans la bibliothèque Gad-
di, à Floieuce. Ce savant en a publié
quelques articles , dans sa Fila di
ylmhrogio camaldolese. L'abljé Sar-
ti trouva un autre manuscrit du mê-
me ouvrage, qui présentait beau-
coup de passages dillérents du pre-
mier. Observons que ces Vies , con-
sacrées la plupart à des savants et à
des écrivains, sont le premier essai
de l'histoire littéraire chez les mo-
dernes. L'une de ces notices , sur Boc-
cace. se voit en tète d'un grand nom-
bre d'éditions du Décamérou. On a
encore du même auteur une Vie de
saint André l'Ecossais, comprenant
VIL
des détails Liograpliiques sur sainte
Brigitte, sa sœur , donnes à part à
l'article de cette sainte par Boliand,
^ctrt55. ( i^"". leviicr). Cu[)cr, en pu-
bliant dans la même collection la
partie qui concerne saint André
{•l'i août), donne des raisons plau-
sibles de douter si cette vie a[)par-
lient rcellcincnt à Pliil. Yil'ani —
JNicolas ViLLANi, poète et critique,
ne à Pisloie, Accut à Venise et mou-
rut vers jti40' H composa plu.-^ieiirs
satires latines écrites avec beaucoup
d'ele'gânce, selon Tirabosclii , et un
Traite que le même critique qualifie
d'estimable , intitule' : Ragionamen-
to deir accadcmico Aldcanosopra
lapocsia de' Grcci ,de' Latini e de'
Toscani , con alcune poésie piacc-
('o/f;, Venise , iU34 , iu-4°. Il prit
chaudement le parti du célèbre iMa-
riui , dans les querelles littéraires
que fit naître la puljlication de VA-
done , et publia , sous des noms sup-
poses, les pam])lilets suivants: \/Uc-
cellatura di J'incenzo Forcsi , ail'
occhiale del Cav. Tommaso Sti-
gliaiii coiitro V Adoucie alla difesa
di Girol. Aleandri , Venise, iC)3o,
in- 12. — Considerazioni di messer
Fcigiajw sopra la seconda parte
delV occhiale, etc., y cuhc, iGoi, in
12. Cet écrivain entreprit une tache
au-dessus de ses forces , en voulant
composer un poème épique, intitule
la Fiorenza difesa ; il ne put le ter-
miner , et il aurait probablement
désapprouvé , dit ïirabosclii , le zèle
des éditeurs qui le publièrent après
sa mort, Florence, 1641 , in- 4°. —
Jean -Pierre "Jacques Villani , de
ParmC;, est auleurd'un petit liAre de
bibliographie assez curieux. C'est un
dictionnaire d'écrivains anonymes
et pseudonymes en i5o articles, dé-
dié au savant Magliabecchi, et écrit
d'un style badin, mais de mauvais
VIL 5o5
goût , sous ce titre : La Visiera ul-
zala , hecatosta di scrittori die
vaç^hi d\indare in rnaschcra fuor
del camovale, sono scoperli da G.
P. G. lillani accademico Immoris-
ta in féconda e géniale ,jiassatemj>o
canicolare , etc. La seconde partie
Pentecoste d'altri scrittori contient
les cinquante derniers articles , Par-
me , I G8f ) , in- 1 2 . V — G- R,
VILLAR ( Noel-Ga«riel-Luce) ,
de l'académie française , né à Tou-
louse le i3 décembre 174^» était
fils d'un chirurgien de cette ville;
il fit ses études chez les PP. de la
doctrine chrétienne, entra dans leur
congrégation , et après avoir profes-
sé la rhétorique avec distinction à
Toulouse , puis au collège de la Flè-
che, il devint, en i';B(), recteur de
cet établissement , oîi il remplaça le
P. Corbin , nommé sous-précepteur
du Dauphin , lils de Louis XVL
Villar adopta les principes de la
révolution , mais la timidité de son
caractère le préserva de tout excès ,
comme de grands périls. Au mois de
mars 1791 ,. il fut nommé évcque
constitutionnel de la Mayenne , et sa-
cré à Paris le 22 mai suivant. Cette
promotion dans le clergé intrus fut
vraisemblablement l'unique motif de
son élection, comme députe de la
Mayenne à la Convention nationale ,
au mois de septembre 1792. Pendant
la lutte des Montagnards et des Gi-
rondins , et sous la dictature de
Robespierre , Villar ne parut point
à la tribune. Ne pouvant se dispen-
ser de manifester son vote daus le
procès de Louis XVI , il déclara ce
prince coupable , rejeta avec toute
sa députation l'appel au peuple , ad-
mit le sursis , et prononça la déten-
tion et le bannissement à la paix.
Enfin , tant que dura la terreur, il ne
songea qu'à se faire oul)licr. Après
5o6
VIL
la chute de Robespierre , il se ral-
lia aux hommes qui s'eftbrcèrent
de relever les ruines de l'ëtat so-
cial , et se distingua surtout par
son zèle pour le rétablissement de
l'instruction publique. Il fut élu un
des secrétaires de l'assemblée, lors
du renouvellement du bureau , le 4
juillet 1795. Quelques jours après
(le i3), rapporteur du comité d'ins-
truction publique , il demanda la
conservation provisoire du collège
de France ; et ce provisoire sauva
l'établissement que dans son rapport
il proclama la première école de
l'univers. Le 4 septembre suivant ,
il ne se fît pas moins d'honneur en
proposant, an nom du même comité,
d'accorder une pension à cent dis-
huit savants, hommes de lettres,
artistes , ou à leurs veuves et descen-
dants. L'impartialité politique la plus
sévère avait présidé à la rédaction
de cette liste nombreuse , dans la-
quelle étaient comprises les deux pe-
tites nièces de Fénelon. Cette loi de
munificence nationale satisfit d'au-
tant plus l'opinion publique , que le
règne de la terreur avait été pour les
gens de lettres une époque de pros-
cription et d'indigence. Ceux qui
connaissaient toute la circonspection
de Villar eurent lieu d'être surpris
de l'énergie avec laquelle il s'éleva
contre le vandalisme révolution-
naire. On remarque surtout dans son
rapport un éloge de Fénelon , qui ,
malgré quelques concessions faites
aux opinions du jour , ne fut pas
moins alors un acte de courage :
« Nommer Fénelon , disait-il , n'est-
» ce pas nommer le véritable ami
» du peuple et le précurseur de no-
w tre liberté? N'est-ce pas appeler
» l'admiration et le respect du monde
» entier sur l'apôtre de la tolérance,
>' de la morale et de la saine politi-
VIL
» que ? 0 toi qui inspires la vertu bien
» mieux encore que tu ne l'enseignes;
» toi qui dans îa cour d'un tyran as
» montré l'indépendance et la fer-
» meté d'un sage, toi , qui dès l'au-
» rore de la philosophie as prouvé
» par ton exemple que les hommes
» naissent tous égaux et frères : illus-
» tre Fénelon , pardonne si tes deux
» nièces ont langui jusqu'ici dans la
» pauvreté I Désormais la pati-ie leur
» tiendra lieu de mère. Quand on a
1) le bonheur de t'appartenir , n'est-
» on pas lié par de saints nœuds aux
» destinées de la république fran-
» çaise? » Le 17 octobre suivant Yil-
lar , organe du même comité , fit dé-
créter l'organisation de la Bibliothè-
que nationale. Vers la même époque
il rendit d'importants services à l'a-
cadémie de Turin , qui a fait placer
son portrait dans le lieu de ses séan-
ces. Le nom de ce savant se trouve
attaché à tous les plans qui furent
successivement exécutés , soit pour
l'organisation de l'Institut, soit pour
le rétablissement de l'instruction pu-
blique. Ce fut toujours pour de pa-
reils objets qu'il parut à la tribune ,
ou qu'il siégea dans les comités du
conseil des Cinq-Cents, où il avait été
appelé après la dissolution de la Con-
vention nationale. Lors de la créa-
tion de l'Institut, le 10 décembre
i-jgS, il fut nommé membre de la
classe de littérature et beaux-arts,
que Buonaparte modifia plus tard
sous le titre de deuxième classe de
l'Institut , ou classe de la langue et
de la littérature françaises, redevenue
aujourd'hui l'académie française. Se-
crétaire de sa classe pendant les an-
nées 1801 et 1802, il fit en cette
qualité six Notices des travaux de
littérature et de beaux-arts de l'Ins-
titut national , pendant les ans ix
et X. Par décret du mois de février j
VIL
i8o5 , il fut nomme membre de la
commission du Dictionnaire de la
langue française avec Moreilet, Si-
card , Aruault et Suard. Dès que
l'instruction publique fut organisée ,
en 1800, il lui rendit d'importants
services en qualité d'iuspccteur-géné-
ral des études, place dont il a exer-
cé les fonctions jusqu'en 181 5 , et
conservé le titre jusqu'à sa mort. 11
avait été nommé membre de la Légion
d'Honneur dès la création. A l'épo-
que du concordat, il se soumit, sans
murmure, au nouvel ordre de choses
qui le dépouillait de l'épiscopat cons-
titutionnel. Dès l'année 1797 , il
avait à cet égard fait preuve d'une
sage réserve, en lefusant de prendre
part au prétendu concile national qui
s'ouvrit à Paris sous la présidence
de l'évêque constitutionnel Lecoz {V.
ce nom , XXIIl , 53'2). Ses confrères
les évcques de la république avaient
remplacé Villar , en Ï799 , par
l'abbé Dorlodot , mort il y a quelques
années k Besançon (i). Villar , sans
reprendre sous l'Empire les fonctions
ni le costume ecclésiastique , demeu-
ra toujours attaché comme particu-
lier aux croyances et aux pratiques
religieuses. Il crut aussi devoir aux
convenances de son état de ne point
revêtir le costume de l'Institut. De-
puis long-temps , ailàibli par l'âge,
il ne prenait aucune part aux travaux
de l'académie , lorsqu'il mourut le
26 août i8'i6. M. Augcr pronon-
ça sur son cercueil un discours
qui n'a point été imprimé. Villar a
eu pour successeur M. de Feletz , un
des collaborateurs du Journal des
Débats , et de la Biographie univer-
[}) Dans une notice sur l'abbe' Villar , inse'rée au
tome !^C| de \'Ami de la religion el du roi , il est
«luestioii d'une Lettre à M, iUlar ^ cvêqiie à La-
val, datée du 27 septembre i^Qï , dont l'auteur,
qui paraît être une l'emnie , foit la critique du
clerïc constitutii'Uncl.
VIL 507
selle. Peu d'académiciens ont moins
écrit que Villar; et tout ce qu'il a
laissé est d'une grande médiocrité.
Outre les Rapports et les Notices
mentionnés dans cet article, ou a de
lui : I. Des Lettres pastorales en
fort petit nombre. II. Des Poésies
insérées dans quelques Recueils, et
parmi lesquelles on distingue une
Ode sur le Despotisme oriental ,
couronnée dans le temps par l'aca-
démie des jeux floraux. III. A^o-
tice sur la Vie et les Ouvrages
de Louvet. IV. Deux Discours pro-
noncés aux funérailles de J.Dusaulx
et d'Etienne Boullée , architecte. Ces
divers morceaux sont imprimés dans
les Mémoires de l'Institut. V. Quel-
ques Fragments à' unG traduction en
vers de l'Iliade, lus à l'académie,
entre autres le Désespoir d" Achille
après la mort de Patrocle ^ qui a
été publié dans la Décade philoso-
phique. Ce dernier morceau est assez
faible de poésie; mais si Villar n'é-
tait pas un bon poète , il était du
moins un assez bon helléniste. La dou-
ceur de son caractère , la modéra-
tion de ses principes , sa modestie ,
son désintéressement , et l'usage tou-
jours bienveillant qu'il avait fait de
l'intluence que lui donnèrent les fonc-
tions léiiislatives et universitaires ,
ont assez compense le tort de s être
laissé nommer évèque constitution-
nel. — L'abbé Villar avait un frère,
avocat distingué du barreau de Tou-
louse. Une singulière manie de citer
à tout propos le biographe de Ché-
ronnée l'avait fait surnommer Fil-
lar-Plutarque. Il embrassa les prin-
cipes de la révolution avec modéra-
tion, et fut envoyé à Mayence le lo
avril T792, en qualité de chargé
d'affaires de France. Au mois d'oc-
tobre 1 794 , il fut appelé aux fonc-
tions de ministre de la république ,
5o8 VIL
auprès de l'État de Gênes , où il rem-
plaça Naillac, accusé d'avoir livre
Toulon aux Anglais. 11 fut rem-
place lui-même , au mois d'avril
1796, par Faypoult. De retour à
Paris, il z-enonça à toutes fonctions
publiques, et mourut peu d'années
après , laissant à son frère sa maison
rue de Bourbon, où tous deux sont
décèdes. D — r — r.
VILLARÉAL (Manuel Fernan-
UEz de), diplomate portugais, était
né , au commencement du dix-
septième siècle, de parents juifs.
Il fut instruit, dans son enfance, des
vérités du christianisme , et placé
dans une école , où il fi t de bonnes
études. Ayant embrassé la profession
des armes , il dut à sa valeur le gra-
de de capitaine. Il abandonna depuis
cette carrière, et fut nommé consul
de la nation portugaise à Rouen. Il
gagna la protection du cardinal de
Richelieu , en se rendant l'apologiste
des actes de son miuistère, et surtout
en exaltant l'ancienneté de sa maison,
qu'il lit descendre des rois de Cas-
tille et de Portugal, par le mariage
de Guyonne de Laval avec François
Du Plessis, l'un des ancêtres du pre-
mier ministre ( Voy. la Bihl. histor.
de la France, \n^ l\3>'-j'6^). Cette
flatterie lui valut , avec une pension ,
une assez grande influence, qu'il fit
tourner a l'avantage du commerce
de sa nation. Le manifeste que publia
le duc de Bragance ( Jean IV ) , lors
de son élévation au trône de Portu-
gal, ayant été vivement attaqué par
Jean Caramuel ( V. ce nom ) , depuis
évêque de Vigevano , Villaréal publia
V Anti-Caramuel , Paris , 1 1)43 , in-
4°. , ouvrage dans lequel il établit
solidement l'indépendance du Portu-
gal à l'égard de l'Espagne. Il revint
peu de temps après à Lisbonne, où il
continua d'être employé d'une manic-
VIL
re utile par le ministère ; mais ayant
été dénoncé comme s'étant rendu
coupable de judaisme, ses services
ne purent lui faire pardonner un cri-
me qui n'était rien moins que prou-
vé. Condamné par le tribunal de
l'inquisition, il termina sa vie sur le
fatal bûcher , vers 1 65o . Outre V An-
ti-Caramuel, on cite de lui : Epito-
vie gejiealogico del ein. card. du-
que de Richelieu y discorsos politi-
cos sobre algunas acciones de su
vida, Pampelune, 1641, in-4'^-;
réimprimé sous ce titre : ElpoUtico
cliristiano ; discorso politico de la
viday acciones del. card. de Biche-
lieu , ibid. , 1642 , in- S'', et in- 12;
trad. en français , par Chantonière
de Cremeuil , Paris, i643, in-4''. et
in-i2. C'est le récit abrégé des prin-
cipaux traits de la vie du cardinal
de Richelieu , accompagnés de ré- •
flexions politiques assez judicieuses.
VS^— s.
YILLARET (Guillaume), vingt-
quatrième grand-maître de l'ordre
des Hospitaliers de Saint-Jean de
Jérusalem, appartenait à une famille
provençale de la plus haute distinc-
tion. Jourdaine, sa sœur , était à la
tête du monastère des Hospitaliers
de Saint- Jean de Fieux en Quercy j
Foulques , son frère , depuis grand-
maître, occupait une des places les
plus distinguées de l'ordre; et lui-
même était grand-prieur de Saint-
Gilles, maison de la langue de Pro-
A'euce , lorsqu'il fut , malgré son ab-
sence et son cloiguemcnt , promu au
magistère en remplacement d'Odon
de Pins. Avant de se rendre à la ré-
sidence, qui alors était Limisso dans
l'île de Chypre, Guillaume voulut
visiter en personne tous les prieurés J
des langues de France, de Provence
cl d'Auvergne, convoqua un clia])i-
trc général à la commanderie de la .
VIL
Tronqiiièrc , y lit ,'idoplcr plusieurs
statuts tressages, reforma beaucoup
d'abus, et rela])bt la discipline dont
les liens se relàcliaient de jour en
jour, et enfin soumit à l'inspection
du grand- prieur de Saint-Gilles les
trois maisons hospitalières de Beau-
lieu , Martel et Ficux. De là il se
rendit à Rome , où il reçut la be'ne'-
diction du pape Boniface VllI , puis
à Limisso. Il ne se passa , du reste ,
rien de mémorable sous son r(?gne.
Néanmoins l'histoire ne peut passer
sons sdcnce les deux projets à l'ac-
complissement desquels Guillaume
consacra uniquement ses pense'es , et
dont l'un fut exécute quelques années
après par son frère. Tous les deux
tenaient à la fausse position dans la-
quelle se trouvaient placés au milieu
du royaume de Chypre les cheva-
liers de Saint- Jean de Jérusalem. Le
lieu de leur résidence était un village
éloigné de la mer ; nul port n'était
complètement à leur disposition ; le
prince, ombrageux et avare, voyait
avec une appréhension jalouse leur
voisinage, et avait hasardé quelques
tentatives pour les assujétir à un tri-
but. Guillaume aspirait à faire sortir
ces chevaliers de cet état d'incerti-
tude et de dépendance. La Terre-
Sainte devait d'abord attirer ses re-
gai'ds. Déjà .soutenus par Gazan, fils
d'Agun , khan des Tatars Monghols,
roi de Perse , et un des plus célèbres
descendants de Gengiskhan, les Hos-
pitaliers avaient poussé avec succès
d'audacieuses excursions dans la Sy-
rie, la Palestine et l'Egypte j le mo-
narque musulman avait envoyé des
ambassadeurs à Boniface pour ren-
gager à prêcher une croisade contre
le Soudan ; et il était probable
que quelques troupes d'élite ras-
semblées à la voix du pontife suf-
firaient, avec les soldats de Gazan et
VIL 5o9
les deux ordres militaires d'Orient ,
pour conquérir la Palestine. Mais les
rixes continuelles entre le saint- père
et le roi de France, et ensuite les
intrigues qui divisèrent le conclave ,
après la mort du premier, empêchè-
rent de songer aux Infidèles. Guil-
laume alors tourna ses vues du côté
de l'Orient , et songea à s'emparer
de l'île de Rhodes qui était au pou-
voir de la famille Gualla. Il ve-
nait de visiter les côtes voisines de
cette île et les îlots qui l'entou-
rent, quand, en arrivant à Limisso,
il tomba malade et mourut au bout
de quelques mois. Le nouveau pape,
Clément V (Bertrand de Got), ve-
nait de le mander près de lui pour
un projet de croisade. Guillaume de
Villarct eut pour successeur Foul-
ques , son frère ( Foy. l'article sui-
vant ). P OT.
VILLARET (Foulques de),
vingt - cinquième grand - maître de
l'ordre des Chevaliers Hospitaliers
de Saint-Jean de Jérusalem , rem-
plissait déjà les plus hautes fonc-
tions de l'ordre , lorsque Guillaume,
son frère, succéda à Odon de Pins.
Lui-même fut élu d'une voix unani-
me , après la mort de Guillaume ,
en i3o8. On sait que son prédéces-
seur méditait depuis long -temps un
plan pour faire cesser la position hu-
miliante et précaire de l'ordre dans
l'île de Chypre, et pour lui créer un
établissement indépendant ; et l'on
croyait généralement que Foulques
avait été initié à tous les secrets po-
litiques de Guillaume. En effet , à pei-
ne eut - il été revêtu de la grande-
maîtrise qu'il ne songea plus qu'à la
conquête de l'île de Hhodes. Cette île,
placée aux limites de l'Europe et de
l'Asie , était entre les mains d'un
princcc]irclien,commcie poste avan-
cé de l'Orient, comme le vestibule
5io
VIL
de la Palestine. En même temps _, au-
cune puissance , eu Europe , ne pou-
vait s'opposer sérieusement à la lé-
gitimité de la conquête. Ancienne-
ment comprise , ainsi que toutes les
îles de l'Archipel , l'Asie Mineure et
la Syrie, dans l'empire de Constan-
tinople, elle avait depuis long-temps
cessé d'en faire partie, et cliangeaut
presque continuellement de tyi'ans ,
avait subi le joug, tantôt des Génois,
tantôt de quelques dignitaires ambi-
tieux et inlidèles à l'empereur. Elle
avait été conquise deux fois, sous Va-
tace, d'abord par Jean Cantacuzène ,
son grandéchanson^ensuite parThéo-
dore Protosébaste : mais ses succes-
seurs n'avaient point su garder sa
conquête; et l'île obéissait alors à des
seigneurs de la maison de Gualla ,
qui d'abord avaient été gouverneurs
de riie,puis s'étaient rendus indé-
pendants, et avaient attiré dans leur
nouvelle souveraineté beaucoup d'é-
trangers, principalement des Sarra-
sins et des ïurks , et même des cor-
saires , auxquels ils ouvraient leur
port, et donnaient un refuge, toutes
les fois que les galères des Hospita-
liers ou d'une autre puissance chré-
tienne les poursuivaient. Foulques
envoya donc une ambassade à l'em-
pereur Andronic II Comnène , pour
lui demander l'investiture d'un pays
qu'on pouvait regarder comme per-
du pour lui , et en même temps il
se rendit à Poitiers , oîi étaient
le roi de France , Philippe-le-Bel ,
et le pape Clément \ . 11 leur com-
muniqua son projet , et sollicita
de l'un des secours et de l'autre
un appel à la chrétienté. On lui
accorda tout ce qu'il demandait ; et
non - seulement il vint à la voix du
pontife assez de croisés pour que les
vaisseaux des Hospitaliers ne pussent
tous les emmener , et que le grand-
VIL
maître fût forcé de choisir parmi les
plus nobles et les plus intrépides ;
mais encore Clément donna , de ses
propres deniers , quatre - vingt - dix
mille florins, pour aider aux frais
de la guerre. Foulques s'embarqua
ensuite à la tête de sa flotte , dissimu-
lant ses vues sur Hhodes, et laissant
penser aux croisés que le but de l'ex-
pédition était la Terre-Sainte j pour
ne point faire soupçonner ses des-
seins, il laissa Rhodes sur la gauche,
et vint abordera Limisso. 11 en re-
partit quelques jours après, cingla
au jV. - 0. , s'arrêta à ?;lacri, sur les
côtes de la Lycie, et là apprit qu'An-
dronic , ennemi des Latins , et tou-
jours bercé par l'espérance de re-
prendrel'îlesurles Gualla, bien moins
redoutables, du reste , que les Hos-
pitaliers , avait refusé l'investiture ,
et même comptait envoyer incessam-
ment des troupes dans l'île. Néan-
moins Foulques se présenta devant
Rhodes, accompagné de ses cheva-
liers et des croisés européens , et
s'empara de l'île presque toute eutiè-
re. Il mit ensuite le siège devant la ca-
pitale. Les habitants résistèrent avec
un courage héroïque et une constance
sans égale. Les croisés , fatigués de la
longueur du siège , partaient les uns
après les autres. Bientôt le grand-maî-
tre se vit réduit à ses propres forces.
11 ne perdit point courage, convertit
le siège en blocus , emprunta de gros-
ses sommes aux banquiers de Flo-
rence, et fit lever de nouvelles trou-
pes. Peu après leur arrivée, une ar-
mée d'Andronic débarqua sur les
côtes de Rhodes. Les Hospitaliers ,
pressés de tous côtés entre leurs en-
nemis , se jetèrent sur les Grecs, et
apiès une bataille sanglante , demeu-
rèrent victorieux. Le siège fut conti-
nué avec une nouvelle ardeur^ et en-
fin Rhodes fut emportée d'assaut, le
VIL
1 3 août i3 1 o. Foulques s'occupa en-
suite cle rétablir les murailles et les
fortifications de la ville , rassembla
dans le port tous les vaisseaux de la
religion , s'empara de tous les îlots
voisins et des îles , plus importantes,
de Cos et de Syrne. A peine revenu
à Rhodes, il eut à combattre le célè-
bre Othman , qui, vers l'an iSoo,
avait jeté dans Iconium (Konieli ) ,
sur les débris de la puissance des
Seldjoukides, les fondements de ce
vaste empire turk, qui, en deux siè-
cles, embrassa trois parties du monde,
11 vainquit ce prince, et le força de rc-
jircndre le chemin de ses États. On a
prétendu que les Hospitaliers ne du-
rent alors leur salut qu'au secours du
comte Amédée V de Savoie, sur-
nommé le Grand j mais cette erreur
a été réfutée. Amédée était en iBog
en Angleterre , oîi il assistait au cou-
ronnement d'Edouard II ; et en 1 3 1 o
il recevait à Chambéri l'empereur
Henri VII de Luxembourg , riouvel-
lement élu , et l'accompagnait à Ro-
me et dans toute l'Italie. Deux ans
après, le 22 mai i3i2 , l'ordre
des Templiers ayant été solennelle-
ment aboli par Clément V , Foul-
ques accepta l'adjudication de leurs
biens, offerte à l'ordre de Saint-Jean
de Jérusalem par le pontife , et prit
les mesures les plus sages pour que la
cupidité de quelques ministres ou les
vues particulières des princes ne pus-
sent ravir aux chevaliers un si bel
héritage. IMais ce fut là le terme de
sa gloire. Enivré d'orgueil, entouré
de flatteurs , il s'abandonna aux plai-
sirs , s'appropria arbitrai rement les
richesses de l'ordre, traita avec la
hauteur et l'injustice du despotisme
ses plus nobles chevaliers , repoussa
toutes leurs remontrances. Quelques-
uns conspirèrent contre lui. Averti à
temps, il s'enfuit au château de Lin-
VIL 5 II
do , et se prépara à soutenir un siège.
Les murmures éclatèrent alors de tou-
tes parts. Le complot devint une ré-
volte, à laquelle tous prirent part ;
et dans une assemblée très-nombreu-
se, il fut déposé à l'unanimité et rem-
placé par Maurice de Pagnac Foul-
ques en appela au jugement du pape
(Jean XXII); et celui-ci, ayant nom-
mé Gérard de Pins vicaire -géuéral
de l'ordre, appela les deux compé-
titeurs à sa cour d'Avignon. L'affaire
traîna en longueur. Cependant il était
évident que Foulques allait triom-
pher , quand Maurice mourut , en
i32 I . Le schisme alors finissait na-
turellement , et Villaret recouvrait
tous ses droits ; mais le pape , en les
lui confirmant , exigea de lui , en se-
cret , que cette nouvelle promotion
ne fût que nominale, et qu'il donnât,
comme spontanément , sa démission,
à condition qu'il aurait le comman-
dement d'un grand-prieuré, et qu'à lui
seul en apparticndiaicnt les revenus.
Le grand-maître fut forcé de consen-
tir , et abdiqua. Il mourut, quatre
ans après ( 1 3'2g) , au château de Tei-
ran, où il s'était retiré, après divers
changements de prieurés. Jean XXII
avait fait nommer, ou, selon quelques-
uns, aAait nommé lui-même, pour
le remplacer, Hélion de Villeneuve,
dès l'an i323. P — ot.
VILLARET ( Claude ) , histo-
rien français, naquit à Paris, on ne
sait pas en quelle année, mais peu
après i-j i5. Il fît de très-bonnes étu-
des ; et ses parents , qui avaient pris
un grand soin de son éducation , le
destinaient au barreau. Il trompa
leurs espérances ^ l'étude austère des
lois n'eut aucun attrait pour lui : il
aimait la dissipation, les plaisirs et
la littérature légère. Les dérèglements
de sa jeunesse l'éloignèrent long-
temps des carrières honorables. A
5 12 VIL
tous cj^ards , il aurait bien mnl do-
Luté dans celle des lettres , s'il était
rëellemcnt l'auteur d'un opuscule im-
prime sous ce titre : Prcdiction<; gé-
nérales et particulières pour l'an-
née i']^\ , à Paris, chez Tel, à la
Sibylle, 4^ pag. in-i6. On a e'crit
sou nom sur des exemplaires de ce
petit recueil de ti'aits satiriques , en
mauvaise prose et en vers informes ,
contre plusieurs auteurs et acteurs de
ce temps-là ; Crebillon père et fils ,
La Chaussée, ^iarivaux. , Destou-
ches, Fontenelle, Desfontaiues, l'ab-
be' Le Bhnc , Prévost, Gresset, Vol-
taire, M"". Du Cliàtelet, MU". Le
Maure, M^^^^. Gaussin, etc. : il n'y
a de louanges que pour J.-B. Rous-
seau , qui venait de mourir. Ce livi'et
ne ressemble ni par les idées , ni par
les formes, à aucun des ouvrages
authentiques de Villaret; et s'ili'a-
vait composé à l'âge d'environ vingt-
cinq ans , ce qui , à toute force, serait
possible , il faudrait encore l'eu plain-
dre. Deux ans après, il fit, en socié-
té avec Bret et Daucour ( ^. Go-
dard , XVII, 543 ), une comédie
en un acte et en vers , appelée le
(Quartier d'hiver , qui fut jouée sans
succès au Théâtre Français , et qui
n'a pas été imprimée : Granval en
avait donné une sous le même titre, en
1696, à Lyon. Villaret publiait aussi,
eu 1743, un roman intitulé Histoire
du cœur humain ou Mémoires du
marquis de *** , la Haye ( Paris ) ,
in- 12. Nous croyons que c'est le ])re-
mier écrit qu'il a'it mis au jour ; tou-
tefois c'est un autre roman , nommé
La belle Allemande, qu'on indique
ordinairement comme son début dans
la littérature, quoique ce livre soit
sans nom d'auteur , et qu'il n'ait paru
qu'en 1745, Amsterdam (Paris),
in-i2. Au surplus , ces deux produc-
tions sont si médiocres _, qu'on peut
VIL
n'en tenir aucun compte (i). Tan-
dis que Villaret faisait avec si peu de
fruit l'essai de ses talents littéraires ,
ses afiaires domestiques se déran-
geaient à tel jioint, qu'il se vit forcé
de sortir de Paris, en i74<^- Sa dé-
tresse extrême et la passion qu'il
avait conçue pour ime jeune actrice
r^ntraîuèreut à se faire comédien de
province. Il s'en alla, sous le nom de-
Dorval, jouer les rôles d'amoureux^
sur le théâtre de Rouen , et y réussit
assez bien pour qu'on lui confiât
bientôt des rôles de caractères, com-
me le Glorieux et le Misanthrope : il
obtint même les applaudissements de
la cour à Compiègne. Il n'en sentait
pas moins les dégoûts de cette profes-
sion , et il y renonça , en 1 7 56 , quoi-
qu'il fût devenu , à Liège , directeur
d'une troupe. Ou voit pourtant qu'il
prenait encore quelque intérêt à
l'art qu'il avait exercé pendant huit
années ; car , lorsque J.-J. Rousseau
eut publié eu 17J7 sa Lettre sur
les spectacles, Villaret fut l'un de
ceux qui entreprirent de la réfu-
ter. La réponse qu'il y lit parut eu
1758 ( Considérations sur l'art du
théâtre, Genève, 82 pag. in-8°. );
et c'est peut-être , après celle de d'A-
lembert, la meilleure qu'où ait com-
posée à cette époque. Elle annonçait
une étude assez profonde de l'art
théâtral , et même quelques pro-
grès dans l'art d'écrire. V illaret pu-
bliait en même temps un autre vo-
lume in-8''. qui ne lui avait coûté que
la peme d'en recueillir et d'eu distri-,
bucr les articles : c'était un Esprit
de M. de Foliaire { 284 pages ) ,
(i) Le Uiclionnttirc des Anonymes de Barbier
.Tllache le nom de VlUaret à deux autres prodiir-
lious du mctae genre, et encore pins nuî»liees ,
qui ont ponr titres : Le Cocq ou Mémoire du t /i:;-
tuilier r. , •74'», in-i-?. ; .■hrti-Paméln mi Mémn!-
les de ]\I. O. , Londres l^Paris) , I7.'|7. , iii-i:( . i5i
pages. 11 est fort douteux que ces licu^ articles, et
surtout le premier, soient ou rflel 'le Viliarel.
VIL
c'est-à-dire, un chois des pensées les
jiliis originales, exprimées par cet
écrivain, en vers et en prose, avant
1760 : ce chois, est fait avec goût ,
discernement et méthode. IMais de-
pnis qne Villaret était revenu de Liè-
ge à Paris, ses amis lui avaient pro-
curé un emploi qui changeait , pour
le reste de sa vie, le cours de ses ha-
bitudes et de ses travaux : il était de-
venu premier commis à la chambre
des comptes. Un incendie avait con-
sumé, en 1788, une partie des ar-
chives de cette cour : chargé démet-
tre en ordre les restes de ce précieux
dépôt , Villaret prit goût à ce travail,
qui lui fournissait l'occasion d'étu-
dier , flans quelques-unes de leurs
sources , les Annales delà monarchie
française , à partir du règne de saint
Louis^ Son application à ce genre de
recherches , et ses progrès rapides
dans la science historique , détermi-
nèrent les libraires Desaint et Sail-
lant à le choisir pour continuateur
de l'ouvrage de Velly ( V. ce nom
ci-dessus , page 9^) , qui était mort
le 4 sept. 17,59, n'ayant rédigé que
les 226 premières pages du tom.vm
de son Histoire de France. Villaret
l'a conduite jusqu'à la page 848 du
tomexvii, c'est-à-diredepuis 1829,
seconde année du règne de Philippe
de Valois, jusqu'en 1469, neuvième
année du règne de Louis XL Les tom.
viii et IX curent un grand succès ; il
fallut tirer l'ouvrage à plus d'exem-
plaires , et réimprimer ceux de Vel-
ly : on dit que les libraires triplèrent
les honoraires du continuateur, ce
qui les aurait portés à quatre mille
cinq cents livres par volume, somme
un peu forte pour ce temps-là. La
fortune de Villaret s'accrut encore
du traitement attaché à mie place
de secrétaire des ducs et pairs , qui
fut créée exprès pour lui. Grimm le
XLVIII.
VIL
5i3
désigne ((7orre5/7. , mai 1 768) comme
l'éditeur des Mémoires rédigés par
Vertot , sur les ambassades de MM.
de Noailles , au seizième siècle , 5
vol. in-r2. En 1764, Villaret inséra
dans la Gazette littéraire une Ré-
ponse à une lettre où l'on avait cri-
tiqué certaines parties de ses récits,
relatives à la bataille d'Azincourt et
à la Pucelle d'Orléans. Il paraît qu'à
la même époque il coopérait au
Cours d'Histoire universelle , entre-
pris par Luneaude Boisjermain {F.
LuNEAu, XXV, 43i ). Tant d'oc-
cupations et d'études, après la dissi-
pation et les dérèglements d'une lon-
gue jeunesse, ne fortifièrent pas la
santé de Villaret. Un travail trop
assidu lui causa une rétention d'u-
rine qui l'obligeait à se faire souvent
sonder. Dans l'accès d'une vive dou-
leur , il voulut se sonder lui-même
et se blessa : il s'ensuivit une in-
flammation à laquelle on ne put remé-
dier , et dont les progrès l'emportè-
rent en trois joursj il mourut à la
lin defév. 1 766. Qnoiqu'ilfût devenu
timide et d'ime humeur un peu som-
bre , ses amis trouvaient de la dou-
ceur et une sûreté parfaite dans sa
société; il était poli, et quelquefois
aimable avec eux. Sa célébrité n'est
attachée qu'aux 9 volumes ( et 122
pag. ) qu'il a placés, après Velly
et avant Garnier {F. ce nom , XVI ,
490 ) , dans le corps d'Histoire de
France, qui est encore aujourd'hui
le plus généralement connu. En géné-
ral , la partie qui appartient à Villa-
ret est celle qu'on a le plus louée. Ce-
taitjSelon Grimm, la premièreetpeut-
être la seule fois qu'un continuateiu-
surpassait son modèle. On trouvait
son style plus élégant et plus anime ,
ses recherches plus neuves et plus
profondes. On lui savait gré de cer-
taines anecdotes curieuses, etdequel-
33
5i4 VIL
ques éclaircissements sur les origines
de la chambre des comptes , du par-
lement et des états-généraux. Il a dis-
tribué aussi dans le cours de ses vo-
lumes plusieurs observations qui con-
cernent les rois d'armes, les hérauts
d'armes, la chevalerie; la situation
du royaume , et en particulier de la
ville de Paris au quatorzième et au
quinzième siècle , les progrès du com-
merce, ceux des lettres et spéciale-
ment de l'art théâtral , l'établisse-
ment de la bibliothèque du Roi et
l'invention de l'imprimerie. Il est
vrai pourtant que ces explications
ne sont pas toujours très-méthodi-
ques ni très - convenablement pla-
cées; qu'il s'y est glissé des détails
dès-lors trop rebattus , et qu'on a
depuis porté plus d'exactitude et de
rigueur dans la plupart de ces re-
cherches. Villaret a du moins profi-
té de toutes celles qui s'étaient laites
jusqu'alors au sein de l'académie des
inscriptions et belles-lettres , et y a
joint quelquefois les résultats des
siennes propres. Les lecteurs sévères
se plaignent du grand nombre et de
l'étendue de ses digressions, de la
prolixitédes préambules qu'il attache
au commencement de chaque rigne ,
ou de chaque période: ils ne trouvent
pointassez d'originalité dans les por-
traits qu'il leur oll're des rois et des
personnages célèbres. Ces morceaux
en effet peuvent sembler vagues, dif-
fus, monotones, plus remplis de mots
que de traits caractéristiques. Il y
aurait moins dereprocliesàfaire aux
récits : ils sont ordinairement puisés
à leurs véritables sources, et rédigés
avec franchise et sans partialité.
Quelques articles néanmoins ont paru
susceptibles de contradiction : par
exemple , on peut (Jouter que Mail-
lard , qui tua ou fit tuer le prévôt
de Paris , Marcel , ait e'té un sujet
VIL
aussi fidèle , et animé de sentiments
aussi purs que l'historien le suppo-
se. Les idées politiques et morales
répandues dans l'ouvrage se recom-
mandent , sinon par leur profon-
deur , du moins par leur droiture
habituelle et par leur caractère na-
tional. On regrette, à la vérité, que
l'auteur ail excusé les rigueurs arbi-
traires exercées par Louis XI et par
le ministre de ses vengeances, Tris-
tan l'Hermite, et qu'il aitdit que « l'in-
» térct du corps entier de la nation
» demandait qu'on employât ces
» moyens violents pour asseoir la
» tranquillité publique » ; mais il
revient bientôt à des maximes plus
équitables, réclame l'observation des
formes, et se plaint des condamna-
tions irrégulières dont la clandesti-
nité donnait à ces actes de justice
V apparence de V assassinat. Quoi-
que ces dernières pai-oles ne soient
pas encore d'une justesse parfaite ,
l'intention en est honorable. Ailleurs
il s'engage en des discussions théo-
riques, qu'il n'a pas le temps ni peut-
être la faculté d'approfondir : c'est
ainsi qu'il lutte beaucoup trop inéga-
lement contre Montesquieu et quel-
ques autres écrivains , lors même
qu'il V aurait lieu en effet de contre-
dire et de réfuter leurs opinions. Son
ouvrage n'est pas dégagé de tout
esprit de système ; et son style n'a
d'ordinaire ni la simplicité , ni la
précision énergique qui conviennent à
l'histoire : la critique a cru y recon-
naître l'accent de la déclamation. La
diction même n'est pas toujours très-
pure ; mais elle est souvent élégante j
et malgré les défauts que nous ve-
nons d'indiquer , les volumes de
Villaretsont encore aujourd'hui ceux
qu'on peut lire avec le plus d'intérêt
et de fruit sur cette partie de nos an-
nales. Elle n'a pu être complètement
VIL
traitée par Gaillard ( Voy. ce nom ,
XVI , tiya ) , qui ne prenait pour
matière principale que la Rivalité de
la France et de l'Angleterre. Qua-
tre volumes de P. Ch. Lëvesque
{J^oj. ce nom, XXIV, 874) sont
intitules La France sous les premiers
Valois , et embrassent les règnes de
Philippe VI , Jean , Charles V ,
Charles VI et Charles VII : Villaret
y est cite' , quelquefois copié, et plus
souvent critiqué. I^a plupart de ces
critiques sont peu fondées; mais nous
croyons fort exactes celles qui cancer-
nent la iournée dite des Harengs, où
Villaret assure, ina!-à-propos , que
les Français n'ont point employé
d'artillerie ; la prise de Fougères
rapportée à l'an i44^i et qui doit
l'être à i449 î ^^ '* substitution fau-
tive du Havre-de-Gràce auportd'Har-
fleur. Du reste l'ouvrage de Lëves-
que est moins bien écrit , et à tout
prendre moins instructif. Gaillard a
aussi publié des observations sur
l'Histoire de France de Velly, Villa-
ret et Garnierj Paris, 1801 , 4 vol.
in-i2. D — N — u.
VILLARET (Jean-Curysostôme),
évêque de Casai , né à Rodez le 27
janvier itSq , fit ses études au sé-
minaire de Saint- Sulpice , et y de-
vint maître de conférences. Il en-
tra en licence et y occupa une place
distinguée. 11 fut fait ensuite grand-
vicaire , chanoine et théologal de
sa ville natale. Lorsque l'on forma ,
sous le ministère de Necker , les états
de la Haute - Guienne , Villaret en
fut nommé vice-président et eut la
principale part à la direction des af-
faires. En 178g, le clergé de Ville-
franche le députa aux états-géné-
raux, ou il vota toujours avec le
côté droit. On ne voit point cepen-
dant qu'il ait pris part aux protes-
tations de cette partie de l'assembléej
VIL 5.5
il adhéra seulement â V Exposition
des principes dressée parles évêques.
Pendant les temps les plus fâcheux
de la révolution , l'abbé Villaret
resta dans sa patrie , et vécut ignoré
dans une maison de campagne. Nom-
mé à l'évêché d'Amiens après le con-
cordat, il fut sacré le 23 mai 1802,
et gouverna son diocèse avec sagesse.
On le chargea , Tannée suivante ,
d'aller dans le Piémont pour y met-
tre à exécution la bulle du pape sur
la réduction des sièges épiscopaux ,
et lui-même fut transféré à l'un des
sièges conservés , celui d'Alexandrie
de la Paille. Mais peu après , Buo-
naparte ayant voulu faire d'Alexan-
drie une place forte , et ayant or-
donné la démolition de la cathédrale,
le siège épiscopal fut transféré à Ca-
sai, et Villaret en prit le titre. Ce
fut sur ses représentations pressan-
tes que l'on l'évoqua l'ordre de ven-
dre les biens ecclésiastiques du Pié-
mont. Ce prélat était aumônier de
Jos3ph Buonaparte , et lors de la
formation de Tuniversité, il en fut
nommé chancelier j cette place était
la première après celle du grand-
maître , et les fonctions qui y étaient
attachées retinrent souvent le prélat
loin de son diocèse. Lorsque le Pié-
mont fut rendu au roi de Sardaigne,
Villaret donna sa démission de l'é-
vêché de Casai , et vécut dans la
retraite. Quoique la chute du gou-
vernement impérial l'eût privé de
quelques avantages , il n'en vit pas
moins avec joie le retour des Bour-
bons. Son âge seul et ses infirmités
empêchèrent qu'on ne profitât de ses
lumières et de sa capacité pour les
affaires. Il mourut à Paris le 12 mai
i8i4 ) 'l^iis sa quatre-vingt-sixième
année. P — c — t.
VILLARET DE JOYEUSE
(Louis-Thomas), vice amiral , na-
5i6
VIL
qiiitàAiicli en i^So. Sa famille ,
qui tenait un rang distingué dans la
noblesse de Gascogne , le destinait à
l'état ecclésiastique; mais le jeune
Vilîaret montrait un penchant beau-
coup plus vif pour la marine. Toute-
fois on ne consulta point ses goûts ,
et par des motifs de convenance, on
le fit admettre dans les gendarmes
de la Maison du roi. Une alFaire
d'honneur, dans laquelle sou adver-
saire succomba , le força de quitter
ce corps ; et sa famille , cédant cnlin
à ses instances , consentit à ce qu'il
entrât dans la marine. 11 avait alors
seize ans. Un caractère vif, un cou-
rage ardent , et un zèle que les dilli-
cultés semblaient augmenter encore ,
telles étaient les qualités qui le firent
bientôt distinguer par ses chefs , et
qui lui valurent un avancement ra-
pide, [embarqué comme lieutenant
de vaisseau sur la frc^ateV ^ talnnte,
en 1773 , il fit plusieurs campagnes
dans les mers de l'Inde. Se trouvant
sans emploi à PondicUéry , lorsque
les Anglais vinrent mettre le siège
devant cotte place , en 1 778 , il ollrit
ses services au gouverneur , et dé-
ploya dans cette circonstance des la-
lents et une bravoure tels que, sur
le compte qui en fut rendu au roi ,
par M. de Bellecombe , Vilîaret fut
nommé capitaine de brûlot. En 1781,
il commandait en cette qualité \cPul-
cériscur , qui faisait partie de l'esca-
dre du bailli de Sulïïeu. Cet amiral,
qui avait apprécié toute la vaieur de
Vilîaret , lui confia le commande-
ment de la Bcllone après le combat
de Goudclour , et quelques mois plus
tard il le fit passer à cchii de la fré-
gate la IVaïade , en le chargeant
d'aller prévenir de l'arrivée de l'es-
cadre anglaise à la cote deux vais-
seaux et deux frégates qui croisaient
à la hauteur de Madras. La mission
VIL
était périlleuse : le capitaine Yilla-
ret , en recevant ses instructions de
la main de Suffren , lui demanda,
avec cette gaîté qui le caracléi'isait ,
s'il avait eu soin d'y joindre des let-
tres de recommandation pour l'a-
miral anglais et pour le gouver-
neur de Madras. L'événement ne
tarda pas à justifier ces pressenti-
ments. Trois jours après son départ,
la Naïade eut connaissance d'un
vaisseau ennemi. C'était le Sceptre
de 64 canons : Vilîaret manœuvra
])Our lui échapper, mais sans succès.
Le combat dura pendant cinq heures
avec acharnement. \ja Naïade avait
causé au vaisseau anglais des avaries
majeures ; mais elle-même, plus mal-
traitée , fut enfin obligée d'amener.
Le capitaine an Sceptre v'ml recevoir
Vilîaret à son arrivée à bord , et en
lui rendant son épée, que celui-ci lui
remettait : Monsieur , dit-il , vous
nous donnez une belle frégate , mais
vous nous l'avez fait ppyer bien,
cher. Lorsqu'au mois de juin 1783
la paix le l'amena au milieu de ses
camarades , Suiïien lui fit l'accueil
le plus distingué , et le décora de la
croix de Saint-Louis. En 1791 , Vil-
îaret , qui venait d'èlre fait capitaine
de vaisseau , prit le commandement
de la frégate la Prudente , destinée
pour Saint-Domingue. 11 se trouvait
dans cette colonie lors des premiers
troubles qui y éclatèrent, en 1790 ,
et il contribua, par sa fermeté , à
retarder , au moins pour quelque
tejiips, les déplorables événements
dont plus tard elle fut le théâtre.
Quoique opposé aux principes de la
révolution , Vilîaret ne crut pas
devoir suivî'e l'exemple de ceux de
ses camarades qui émigrèrent , et
mû par d'autres considérations il
prit , en 1 793 , le commandement du
vaisseau le Trajan , qui faisait par-
VIL
ti€ de l'escadre aux ordres du vice-
^Tmira! jMorard de Galles. L'année
suivanle , il fut élevé au grade de
contre-amiral, et Jean-Bon Saint-
André le proposa au comité de salut
]>iihlic, pour remplacer Morard de
Galles qui venait d'être destitué, u Je
)> sais, écrivait ce représentant, que
» Villaretest un aristocrate; mais il
» est brave, et il servira bien. » On
était alors au fort de la terreur. L'es-
prit de révolte et d'insubordination
jégnait dans l'armée navale, et plu-
sieurs oKiciers en avaient éprouvé
les funestes elï'ets. Villaret ne recula
point devant ces dangers. Nommé
au commandement de la flotte de
Brest, il porta son pavillon sur le
vaisseau les Etats de Bourgogne ^ qui
avait pris le nom de la Montagne.
Cette flotte , composée de vingt-six
vaisseaux , reçut quelques jours après
l'ordre de sortir du port, avec la
mission d'aller au-devant d'un nom-
breux convoi chargé de grains ar-
rivant des États-Unis de l'Amérique,
sous le commandement du contre-
amiral Vanstabel. Les instructions
recommandaient à l'amu-alde croiser
à la hauteur (les îles Coves et Flores ,
et d'y attendre le convoi. Il devait
surtout éviter tout engagement avant
de l'avoir rencontré. Villaret se con-
formait ponctuellement à cet ordre ,
et déjà plusieurs prises avaient été
amarinées , lorsque, le 9,8 mai i -^94 ,
on eut connaissance de l'armée
anglaise, forte de trente vaisseaux
de ligne, commandés par l'amiral
liowe. Villaret , fidèle à ses ins-
tructions, voulait éviter de com-
battre ; déjcà le signal de tenir le
vent allait être hissé , mais Jean-
Bon Saint-André , qui était em-
barqué sur la Montagne , prenant
sur lui de désobéir aux ordres du
comité de salut public , et usant de
VIL
bi7
l'espèce de supériorité que lui don-
nait son titre de représentant, com-
mande à l'amiral de se préparer à
combattre. Vainement celui-ci re-
présente les dangers d'une action
dont les suites peuvent compromettre
la sûreté du convoi qu'il est chargé
de protéger ; il est contraint de don-
ner l'ordre d'attaquer. L'armée fran-
çaise se forma en ligne de bataille au
jilus près du veut, et cette mauœu-
A-^re fut imitée par l'amiral Howe.
La supériorité du nombre permit à
cetamiraKle détacher de son armée
cinq vaisseaux , qui , laissant le corps
de bataille à trois lieues sous le vent,
vinrent tirailler sur l'arrière-garde
française. II était alors presque nuit^
et cette escarmouche qui dura envi-
ron une heure n'eut point de résultat
sérieux. Le lendemain , au point du
jour, l'amiral Villaret s'aperçut qu'il
lui manquait un vaisseau- mais ne
le voyant point parmi les Anglais ,
il supposa que des avaries l'avaient
forcé de quitter le champ de bataille.
11 apprit effectivement , ])ar ses vais-
seaux chasseurs^ que le Bévoluiion-
naire, attaqué par quatre vaisseaux,
avait été démâté complètement , et
qu'on l'avait vu à la remorque d'une
fi égate faisant route pour Rochefort.
La position du vent qu'il voulait
conserver l'ayant déterminé à vi-
rer de bord par la contre -marche ,
l'amiral Howe manœuvra d'après
cette nouvelle disposition. Villaret fit
alors signal à son avant-garde de
serrer l'ennemi au feu , et de com-
mencer le combat. Le Montagnard^
vaisseau de tête, envoya sa première
volée à dix heures du matin ; et l'en-
e;as,emeut devint très -vif entre les
1 • 1
deux avant-gardes • mais la supé-
riorité du feu des Français força
l'ennemi à plier et à laisser arriver.
L'amiral anglais , s'apcrcevant que
5ï8 VIL
son avant-garde était maltraitée , fit
virer par la contre -marche, pour
tomber sur l'arrière-garde française;
mais ce mouvement lui fut contraire,
car le centre et l'arrière-garde com-
battirent avec la même valeur que
les vaisseaux de tête. Cependant
deux vaisseaux français ayant été
désemparés se virent tout-à-coup
entourés par toute l'armée ennemie,
qui dès-lors n'observa plus d'ordre.
Villaret, en habile manœuvrier , pro-
fita de cette faute ; il vira en ordon-
nant à l'armée d'imiter sa manœu-
vre, et de prendre la ligne de vitesse,
sans observer de rang. Ce mouve-
ment inattendu , la célérité et la pré-
cision avec lesquelles il fut exécuté ,
devint décisif pour cette journée ; les
deux vaisseaux français furent déga-
gés, et l'armée ennemie en désordre
fut écrasée, et obligée de fuir en
tenant le vent. Ce combat com-
mencé à dix heures du matin ne
se termina qu'à sept heures du
soir , heure à laquelle une brume
épaisse força les deux arm.ées de
s'éloigner , et les mit pendant deux
jours dans l'impossibilité de rien
entreprendre. Cependant , malgré la
brume, elles avaient manœuvré de
manière à s'observer réciproquement,
et lorsqu'enfm , le i<^^ juin, le soleil
vmt à paraître , elles se trouvèrent
en présence. Les vents étaient au
sud. A sept heures, l'amiral Howe
fit signal de se porter sur la ligne
fiançaise , qui elle-même s'avançait
dans le meilleur ordre de bataille,
bas-bord amures. Le combat com-
mença à neuf heures du matin, et il
devint général. On combattait à por-
tée de pistolet , et avec un acharne-
ment égal de part et d'autre. Le ma-
telot (i) d'arrière de l'amiral fran-
^i) On nomme ainsi, en termes de marine , le
vaisseau qui suit ou précède un autre vaisseau.
VIL
çais ayant fait une fausse manœu-
vre perdit son poste , et mit ainsi
la Montagne à découvert. Howe ,
qui le combattait alors, profita de
cette faute pour couper la ligne , et
se trouva par là en position de bat-
tre l'amiral français par la hanche
du vent ; mais celui-ci , par la vi-
gueur de sou feu , ayant réussi à le
démâter de son mât de misaine , le
força bientôt à l'abandonner , et à
rallier le vent. Cependant deux vais-
seaux à trois ponts , et trois autres
de soixante -quatorze, qui avaient
suivi le mouvement de l'amiral Howe,
entourèrent le vaisseau de Villaret,
et lui livrèrent, pendant plus d'une
heure , un combat à outrance , et
dont les annales de la marine offrent
peu d'exemples. Pendant ce temps ,
les autres vaisseaux de l'armée fran-
çaise combattaient avec plus ou
moins d'avantage , et chacun d'eux ,
occupé de sa propre défense , avait
perdu de vue l'amiral, qui, parvenu
enfin à se faire abandonner , se trou-
va seul et sous le vent de l'armée
anglaise. On se peindrait diflicilemcnt
la douleur et la surprise de Villaret
lorsque , le tourbillon de fumée dont
il était entouré s'étant dissipé , il
vit le spectacle que présentait son
armée. Toute l'avant - garde avait
plié , le plus grand nombre de ses
vaisseaux étaient démâtés , et pêle-
mêle avec les Anglais j un d'eux ( le
Vengeur ) venait de couler bas.
En ce moment il fit signal à sept ou
huit vaisseaux qui étaient devant
lui de virer de bord , dans l'espoir
d'aller avec eux dégager les vais-
seaux de son arrière-garde , sur les-
quels les Anglais avaient porté tous
leurs efforts. Cette manœuvre aurait
suffi pour dégager ces six vaisseaux
et prendre deux vaisseaux anglais
démâtés, qui se trouvaient à peu de
VIL
distance ; mais Jean-Bon Saint-An-
dré qui , pendant le combat, s'était
relïigié dans les batteries , monta sur
le pont au moment même où Villaret
signalait à son arrière- garde qu'il
allait voler à son secours. Informé
des dispositions de l'amiral , et crai-
gnant que le combat ne se rengageât
de nouveau , il lui défendit d'exécu-
ter le mouvement auquel il se prépa-
rait. On sait quel terrible despoti^me
exerçaient alors ces proconsuls. Vil-
laret, à son grand regret, se vil forcé
de donner le signal de la retraite.
Mais, pour rallier le plus grand nom-
bre ]5ossib!e de ses vaisseaux désem-
parés, il resta pendant deux heures
en panne sous le vent des Anglais ,
tandis que ses frégates et ses corvettes
clierchaienl à remorquer ceux des
vaisseaux français démâtés qui se
trouvaient sur le cliamp de bataille ,
mêlés parmi les vaisseaux ennemis
dans le même état, manœuvre qui
s'opéra sans aucun obstacle de la
part des Anglais. Enfin , à huit lieures
du soir , l'amiral Villaret fit servir
avec dix -neuf vaisseaux, reste des
vingt-six qu'il avait au commence-
ment du combat , et regagna le port
de Brest. Dans ces terribles jour-
nées, il soutint glorieusement l'hon-
neur du pavillon français ; et il ne le
soutint pas moins dans le combat de
Groix (juin 1795), que lui livra
l'amiral Bridport avec des forces
doubles des siennes. En 1 796 , il fut
nommé, par le département du Mor-
bihan , député au conseil des Cinq-
Cents , et il se lia , dans cette assem-
blée , avec les chefs du parti de
Clichy , alors considéré comme le
parti royaliste. Condamné à la dé-
portation par suite de cette liaison ,
à l'époque du 1 8 fructidor ( septem-
bre 1797 ) , il parvint à se soustraire
aux recherches , et il évita ainsi
VIL
5i«
le sort qu^éprouvèrenl ses collègues
dans les déserts de Sinamary ( Voj.
PiCHEGRu). Mais quelque temps après
il se rendit volontairement à l'île d'O-
léron, lieu d'exil assigné parle Di-
rectoire à ceux qui avaient échapjié
à la déportation, et n'en fut rappelé
qu'à l'époque du gouvernement con-
sulaire. En 180 1 , l'amiral Villaret
fut chargé du commandement des
forces navales destinées à agir contre
Saint-Domingue , et il appareilla de
Brest , au mois de décembre , sur le
vaisseau V Océan. Son escadre se
composait de dix vaisseaux français ,
de cinq vaisseaux espagnols aux or-
dres de l'amiral Gravina , et de neuf
frégates ou corvettes , portant sept
mille hommes de débarquement. Lin
vaisseau et deux frégates, armés à
Lorient, devaient en faire partie , et
avaient à bord douze cents hommes.
Une autre escadre réunie à Roche-
fort , forte de six vaisseaux , six
frégates et deux corvettes , portant
trois mille hommes de débarque-
ment , devait aussi se joindre a la
flotte de Brest , et former l'avant-
garde ; en sorte que l'ensemble des
forces navales sous le commande-
ment de Villaret fut de vingt-deux
vaisseaux et dix-neuf frégates por-
tant douze mille hommes de troupes
de terre. On sait quel déplorable
résultat eut ce grand armement ( J^.
Leclebc, XXIII, 5i7 ). A son re-
tour de Saint-Domingue, en 1802,
Villaret fut nommé capitaine-géné-
ral de la Martinique et de Sainte-
Lucie. Cette colonie ayant été atta-
quée par les Anglais , en 1809 , il
fut obligé de capituler, après une
vieourcuse résistance contre des for-
ces supérieures, et après avoir éprou-
vé dans le fort Bourbon le bombar-
dement le plus terrible. Apprenant
à sou retour en France que sa con-
5îo VIL
duite avait été blâmée par un conseil
d'enquête , il demanda qu'elle fût
examinée judiciairement , mais il ne
put l'obtenir , et vécut pendant quel-
que temps dans une espèce de dis-
giâc.e. En 1811 , le chef du gou-
vernement lui fit connaître que , sa-
tisfait de la courageuse résistan-
ce qu'il avait montrée en défen-
dant la Martinique , il l'avait nom-
mé gouverneur - général de Venise ,
et commandant de la douzième di-
vision militaire. C'est dans l'exercice
de ces fonctions qu'il mourut , en
181 2, à l'âge de soixante-deux ans.
— Son frère^ le marquis de Vil-
LARET , était lieutenant-colonel d'ar-
tillerie avant la révolution ; il émi-
gra en l 'jgi , et fit toutes les cam-
pagnes de l'armée de Gondé. Ben-
îi'é en France, dès l'année 1802,
il y vécut dans le sein de sa famille ,
et passa les dernières années de sa
vie à soigner l'éducation de ses
deux neveux , les fils de l'amiral Vil-
laret de Joyeuse. Il fut nommé ma-
réchal-de-carap et commandeur de
Saint-Louis , après le retour du roi ,
en 1814, et mourut à Versailles eu
18^4. M. de Lacroix , juge au tri-
bunal de cette ville , fit imprimer ,
dans la même année , un court Éloge
de ce général. H — q — y.
VILLARS ( Pierre de ) , arche-
vêque de Vienne , issu d'une maison
originaire de Lyon , qui adonné cinq
prélats à cette métropole , naquit
l'an 1 5 1 7. Après avoir été reçu doc-
teur en droit à Padouc , il embrassa
l'état ecclésiastique en iSSq, et s'at-
tacha au cardinal de Tournon qui ,
Inireconnaissant une grande capacité,
lui confia plusieurs missions impor-
tantes. Pierre de Villarss'en acquitta
si bien, que le roi Henri II lui donna
une charge de coiiseillcr- clerc au
parlement de Paris, où 'il fut reçu
VIL •
le i'^'". juillet i555, avec dispense
de service , attendu son assiduité
auprès du cardinal de Tournon , qui
depuis le commencement de ce règne
résidait presque toujours à Rome.
En 1 566 , il dut à la protection de
ce cardinal l'évêché de Mirepoix ,
qu'il garda dix années. Il fut ensuite
élevé à l'archcATché de Vienne , puis
appelé au conseil du roi Henri III
(i 576). Aux états de Blois de i5']'j,
il parut avec éclat parmi les pré-
lats du rovaume. Cette assemblée
ayant décidé qu'elle enverrait un
député de chaque ordre vers le
roi de Navarre, depuis Henri IV,
pour l'exhorter à embrasser la re-
ligion catholique, Pierre de Villars
fut désigné pour représenter le cler-
gé dans cette circonstance. Cette
démarche fut sans résultat , et la
guerre civile recommença après une
courte suspension d'armes. En i588,
l'archevêque de Vienne, du consen-
tement de Henri III , se démit de ce
siège en faveur de son neveu, nom-
mé comme lui Pierre de \ illars ( P^.
ci- après) 5 puis il alla finir ses
jours au sein d'une studieuse re-
traite, dans le couvent de Montca-
lier en Piémont, où il mourut le 4 nov.
1 5g'2. On a de lui trois ouvrages
ascétiques en latin : le premier sur
les qualités de l'homme ; le second
sur les Fins de l'homme; le troisiè-
me a pour titre : De institulionc
parochorum. — Villars (Pierre de),
neveu du précédent , naquit, le 3 mars
1543 , de François de Villars , lieu-
tenant du présidial de Lyon, zélé ca-
tholique, dont la maison fut pillée
par les huguenots, en i562. Pierre,
sou fils , fit ses études au collège de
Tournon , récemment fondé par le
cardinal de ce nom , entra dans les
ordres, fit à Paris sa théologie sous
le jésuite Maldonat , et reçut le
VIL
bonnet de docleur de Sorbonne eu
1573. Deux ans après il succéda à
son oncle dans l'ëvêclië deMirepoix,
et fut saci-e des mains du cardinal de
Bourbon. En 1^79, l'évcque de IMi-
repoix fut député de sa province à
l'assemblée générale de Melun; et eu
1587 il obtint l'archevêché de Vien-
ne par la démission de sou oncle. Il
fit un voyage à Rome en iSgo ,
et visita ensuite le tombeau de saint
Charles Borromée , parmi les épî-
tres duquel il s'eu trouve une qui lui
est adressée. De retour à Vienne ;, il
y publia les actes du concile de Tren-
te, et lit diverses ordonnances qui
sont imprimées dans ses opuscules ,
et qui attestent sou zèle pour la foi.
Devenu infirme , et ne se sentant
plus la force d'administrer son dio-
cèse , il le remit en iSpg , avec l'a-
grément du roi Henri IV , à Jérôme
de Villars son frère ( P^. ci-après ).
Pierre se retira ensuite à Annonay ,
puis, en i()o4 , à Lyon chez son au-
tre frère Balthasar de Viliars ( V.
ci-après). Après avoir vécu, pen-
dant neuf ans , dans la retraite , il
)nourut à Saint-Genis près de Lyon,
le l'i juillet i6i3. Il légua sa biblio-
thèque aux Jésuites du collège de
\ ienne , où il fut enterré. Ou a de
lui deux volumes in-folio , impri-
més à Lyon , contenant divers trai-
tés eu latin , sur la direction , la i-é-
sidence et les devoirs du médecin en-
vers les malades, sur la fondation
des chapelles , sur la célébration du
mariage , sur les jurements, les blas-
phèmes, etc. Ou trouve dans le tome
second de V Histoire littéraire de
Lyon, par le P. Colonia ,page ngi,
l'extrait d'un mémoire sur la vie de
ce prélat vertueux et savant , écrit
de sa propre main . et que l'on con-
servait dans la bibliothèque du col-
lège de la Trinité à Lyon. —
VIL
521
Villars (Jérôme de ) , frère puîné
du précédent , était conseiller-clerc
au parlement de Paris , depuis 1 594,
chanoine et archidiacre de Vienne ,
lorsqu'il fut appelé à remplacer son
frère sur ce siège, en i5gg. Ce
prélat joua un rôle important dans
toutes les affaires religieuses du rè-
gne de Henri IV. Lors de l'assem-
blée du clergé de France à Pans , en
iGo4 ,il porta la parole au roi pour
le supplier d'autoriser la publica-
tion des actes du concile de Trente.
La tranquillité publique pouvant être
compromise par une telle mesure , le
roi résista aux instances du clergé;
cependant il accorda deux édits por-
tant des règlements ecclésiastiques
qui furent publiés , l'un eu 1608 , et
l'autre en i6og. Jérôme de Villars
mourut le 18 janvier 1626. Il avait
été , en 1 6o4 , à la veille d'être com-
pris dans une promotion de cardi-
naux faite par le pape Clément VIII ;
mais Duperrou l'emporta par le ci'é-
dit de Sully (ij. — Villars ( Bal-
thasar de ) , frère du précédent , pre-
mier président du parlement de Dom-
bes , et qui fut deux fois prévôt des
marchands de Lyon , publia , eu
i5g4 , un ouvrage qui donne à pen-
ser que la piété était une vertu com-
mune à toute cette famille ; il a pour
titre Abrégé très-utile contenant la
doctrine chrétienne et catholique de
l'institution , réalité , transsubstan-
tiation , manducation , sacrifice et
préparation du très-saint et très-au-
guste sacrement de V autel. L'au-
teur mourut le 12 avril 162g. —
Villars ( Pierre de ) , coadjuteur,
depuis 161 2 , de sou cousin Jérôme
de Villars, archevê([ue de Vieune ,
lui succéda en 1626 et mourut en
iG63, étant le plus aucien évêque
; 1) Jlemuircs de Sully, liï. XVII , année iGo^-
522
VIL
de France. Après lui , Henri de Vil-
lars, son neveu et son coadjutciir de-
puis onze ans, prit possession de
l'arclievêché de Vienne. Il mourut,
le '28 dec. 1 693 , à l'âge de soixante-
douze ans; il y en avait cent dix-
sept que cesicge était successivement
occupe' par un membre de cette fa-
mille. Celui-ci avait e'té agent géné-
ral du clergé durant les troubles de
la Fronde, et avait déployé beau-
coup de zèie et de fermeté dans ces
temps a périlleux , où l'autorité du
gouvernement mal affermie ne lais-
sait espérer aux droits de l'Église
qu'une faible protection (Massillon). »
Il observa scrupuleusement le devoir
de résidence , parvint à extirper par
la persuasion (juelques restes de l'hé-
résie des Albigeois , dans certains
cantons du Dauphiné, et contribua
à la fondation de plusieurs établisse-
ments de retraite pour l'indigence.
Ce prélat était oncle du fameux ma-
réclial de Villars. D — u — r.
VILLARS (Pierre, marquis de),
moins célèbre par lui-même que pour
avoir donné le jour au vainqueur de
Denain, s'était cependant fait remar-
quer, dès la minorité de Louis XIV,
par la part qu'il j)rit au fameux duel
des ducs de Nemours et deBeaufort,
en i652. Il y tua le comte d'Héri-
court, second de ce dernier, qu'il
n'avait jamais vu ni connu. Obli-
gé de prendre la fuite, il ne dut qu'à
la protection du prince de Conti la
liberté de revenir en France. Il ser-
vit sous les ordres de ce prince , en
Italie et en Catalogne. Sa brillante
valeur lui fit obtenir un avancement
rapide; et il était déjà parvenu au
grade de lieutenant-général , lorsqu'il
épousa une sœur du maréchal de Bel-
lefonds. Ce mariage , qui semblait de-
voir assurer sa fortune, fut au con-
traire pour lui la source de désagré-
VIL
ments continuels. Le maréchal , son
beau-frère, s'étant brouillé avec Lou-
vois , le marquis de Villars partagea
l'inimitié de ce ministre inflexible.
Rebuté dans toutes ses demandes , et
dépouillé même des gouvernements
de Douai et de Besançon , il eut re-
cours à l'amitié de M. de Lionne,
ministre des a (Fa ires étrangères, qui
lui ouvrit la carrière diplomatique.
Il obtint successivement les ambas-
sades de Copenhague, de Turin et
de Madrid. Après avoir montré beau-
coup d'habileté dans ses négociations
auprès de la cour d'Espagne, il re-
venait en France , lorsqu'il eut à sou-
tenir , sur la frontière , un combat
fort étrange. Ses gens furent attaqués
à l'iraproviste par ceux de l'ambas-
sadeur espagnol , qui revenait de Pa-
ris. Il y eut plusieurs valets de tués de
part et d'autre ; et les maîtres eux-
mêmes furent obligés de prendre part
à cette bagarre. Louis XIV avait re-
marqué de bonne heure le marquis
de Villars, à cause de sa taille et de
sa (igure imposantes. Ces avantages
lui avaient fait donner par toute la
cour le nom à' Orondate, l'un des
héros de ces romans de chevalerie si
fort en vogue à cette époque. On lit
dans des Mémoires du temps que
M'"*^. de Maintenon, dans sa jeunes-
se, n'avait pas vu avec indllférence
le bel Orondate. Elle lui témoigna
toujours une grande bienveillance.
Le roi, voulant enfin récompenser
ses longs services, le comprit, en
1688, dans la promotion de l'ordre
du Saint-Esprit. Cette faveur lit des
jaloux (i); et Villars fut du nombre
des chevaliers auxquels on reprocha
de n'avoir point la noblesse néces-
saire pour parvenir à cette distinc-
(1) f-yr. une lettre de Biissy-Rjbutin à M"
Scvigne', du 16 décembre 1688.
VIL
tion (2). M'»*=. de Sevigné raconte
d'une manière fort plaisante une scè-
ne burlesque qui eut lieu à la proces-
sion des nouveaux chevaliers , où
MM. de Villars et de Montchevreuil
se trouvèrent accroclie's l'un à l'autre
par leurs e'pées , leurs rubans et leurs
dentelles (3). Loin de s'enricliir au
service du roi , le marquis de Villars
s'était vu force d'alieiicr une grande
partie de son patrimoine, pour se
soutenir dans le monde sur un pied
conforme aux dignités dont il fut re-
vêtu. 11 mourut en 1698. S — v — s.
VILLARS (Marie Gigault de
Bellefonds , marquise de) , née vers
t(324, était l'une des lilles de Ber-
nardin Gigault de Bellefonds, au-
quel Henri IV confia en i6o3 le
château de Cacn, quoiqu'il eût été un
ardent ligueur ( 1 ) , et de Jeanne aux
Especules de Sainte-Marie. M'i*^. de
Bellefonds fut mariée, en i65i, avec
le marquis de Villars , dont l'article
précède. Pendant les diverses ambas-
sades de son mari, elle entretint des
correspondances avec plusieurs da-
mes de ses amies. On a conservé
trente-sept Lettres qu'elle écrivit à
M'"*^. de Coulanges, pendant son sé-
jour à Madrid, en 1679, 1680 et
1681 . Ces Lettres renferment des dé-
tails d'autant plus curieux sur la cour
d'Espagne, que nous avons peu de
renseignements sur les usages singu-
liers qui s'y pratiquaient , et dont
{7.) On trouve ce couplet dans les Mémoires du
temps :
t^olbert prendra dans l'Ecosse
Des titres de chevaîier,
Car les livres de ne'goce
Ne donnent pas le collier.
Moutbron , ce foudre de guerre,
En aura chez un faussaire ;
El J'illar^ a ses aïeux
An greffe de Condrieux .
(3) Lettre à M^^. de Griguau , 3 janvier i(i8g.
(i) Mémoire du président Groulard , tom. XLÏX,
p. 4''» «ie la •'*• série des Mémoires relatifs &
l'Hist. de France.
VIL
523
une grande partie subsiste encore au-
jourd'hui. La reine Marie - Louise
d'Orléans, qui avait quitté la France
avec tant de regrets , pour aller épou-
ser Charles II , honora la marquise
de Villars de son amitié. Elle ne l'a-
vait pas distinguée particulièrement
en France, où la cour était embellie
de tant de femmes spirituelles; mais
l'accablante monotonie de l'Escurial,
l'isolement commandé par l'étiquet-
te à la majesté royale, l'âpre fierté
des Castillans , si différente de cette
politesse respectueuse qui escorte nos
princes , en les rapprochant de nous ,
firent goûter encore plus à la jeune
reine le plaisir de s'entretenir avec
M™e. de Villars de cette France
qu'elle regretta jusqu'au tombeau.
« La reine , écrivait Mni'=. de Vil-
» lars, le 28 mai 1680, a du plai-
» sir à voir une Française et à
» parler sa langue naturelle. Nous
» chantons ensemble des airs d'opé-
» ra. Je chante quelquefois un me-
» nuet qu'elle danse. Quand elle me
» parle de Fontainebleau , de Saint-
» Cloud , je change de discours ; et il
» faut éviter de lui en écrire des re-
» lations. Quand elle sort, rien n'est
» si triste que ses promenades. Elle
» est avec le roi dans un carrosse
>> fort vuide , tous les rideaux tirés :
» mais enfin ce sont les usages d'Es-
» pagne; et je lui dis souvent qu'elle
» n'a pas dû croire qu'on les chan-
») gérait pour elle ni pour personne, w
Les Lettres de M^^ de Villars , écri-
tes d'un style agréable et facile, ont
tout le mérite de l'intérêt historique.
M™", de Sévigné écrivait à sa fdie
que M™<=. de Villars faisait à M™*',
de Coulanges des relations fort jolies
et fort plaisantes , croyant bien quel-
les iraient plus loin (2). On venait,
\7,') Lettre du 7.6 ian^le^ itiSo.
524
VIL
dit-elle , à ce bureau d'adresse, ap-
prendre des nouvelles (3). Toute cet-
te correspondance n'a pas e'te con-
servée. Ou a perdu beaucoup d'au-
tres Lettres, etparticulièrement celles
que la marquise avait adressées à
M''ï''.deSevigne. Le savant antiquai-
re, feu M. Fauris de Saint-Vincent,
l'un des descendants deM"!*^. deSëvi-
gné, en avait conserve plusieurs, dont
une seule nous est parvenue(4). Nous
ignorons ce que les autres seront
devenues depuis la mort de ce ma-
gistrat. M>n<^. de Villars avait dans
la société des manières qui n'étaient
qu'à elle, a Elle est charmante par
» ses mines, écrivait M'"*^. de Cou-
» langes, et par les petits discours
» qu'elle commence , et qui ne sont
)) entendus que des pcrsojinos qui la
» connaissent. » Saint-Simon, dans
ses notes sur Dangeau, fait le por-
trait de Mme. de Villars , avec ses
couleurs tranchées ^t originales :
« Cette marquise était une bonne pe-
. » tite femme , sèche, vive, méchante
» comme un serpent , de l'esprit com-
» me un démon, d'excellente com-
» pagnie, qui avait passé sa vie, jus-
» qu'au dernier jour, dans les meil-
» leures et les plus choisies de la
» cour et du grand monde, et qui
» conseillait toujours à son fils.... de
» se vanter au roi tant qu'il pour-
» rait , mais de jamais ne parler de
» soi à personne (5). ■» Le duc ajou-
te, dans ses Mémoires , que le maré-
(3) Lettre ^u 9.S février 1G80.
(41 Cette lettre est du 9.5 avril i6-3. Elle sera
imprimée à la suite d'un nouveau recueil de lettres
ineditPs'de-Mme. de Sévigne à sa fille, tjui va être
mis sous presse, re (jui formera le second supplc'-
meut de notre édition des Lettres de Mme. Je Së-
vigne, Paris, Biaise, 1818, 11 vol. in-S".
(5) Noiiv aux mémoires i/e Dangeau , publies
par Lemontey, Paris , 1818, p. 17:). On reconnaît
a cliaque ligue que l'annotateur anonytne de Dan-
geau n'est pas autre que lu duc de Saint-Simon. On
y retrouve non-seuleuient sanianUre, qui n'est
'^?, d'aucun autie, mais encore^ des phrases en-
tières de ses Menioi-es.
VIL
chai de Villars profita de la pre-
mière partie de cette leçon , mais
qu'il ne cessa jamais d'étourdir tout
le monde de lui (6). Mn»'=. de Villars
mourut à Paris , à l'âge de quatre-
vingt-deux ans, le 'i5 juin l'joG.
Une de ses sœurs a été supérieure du
couvent des Grandes- Carmélites de
Paris. Elle s'appelait, en religion ,1a
mère Agnès de Jésus- Maria. C'é-
tait une personne de beaucoup d'es-
prit (7), dont Bossuet a fait un bel
éloge (8). Les Lettres de M'""^ jg
Villars ont été imprimées , pour la
première fois , en 1 762 , pet. in - 12.
Cette édition avait été préparée par
le chevalier de Perrin , })remier édi-
teur des Lettres de M'"*^. de Sévigné •
elle fut trouvée dans ses papiers, et
publiée quelques années après sa
mort. Léopold CoUin les a réim-
primées en i8o5. M — É.
VILLARS ( Louis-Hector , ma-
réchal, duc DE ), fils du marquis de
Villars ( V. ci-dessus ), fut l'un des
plus grands capitaines dont s'honore
la France. Il naquit à Moulins en
i633(i). Après avoir fait ses pre-
(Gl Mémoires de Saint-Simon , t. XII, p. io8 ,
éd. de 1791.
(n) Œiwretde Bossuet, éd. de Lebel , t. XXXIX,
p. Gl5o.
(8~t Lellrfs de M^e. de Sc'vigiie' à sa fille , du 5
janvier 1G80 , et du 9.?. novembre 1688.
(1) Plusieurs écrivains le font naître à Turin, et,
de plus, dans la même chambre où il mourut en
1-34. Cette singularité a dû l'aire fortune; mais
elle s'évanouit devant le discours de M. de Palliè-
res, procureur du roi , qui, haranguant le maréchal
en 1713, lorsqu'il passait par .Moulins, pour se
rendre eu, Italie , lui dit en propres termes : « Uu
» avantage propre à la ville de Moulins , c'est
» qu'elfe vous a l'u naître t/ans
ri. » Il rè-
gne également quelque incertitude sur la d te de
la naissance de Villars: les uns la placent eu i65i,
les autres en i653. Nous avons cru devoir adopter
cette dernière opinion. Enfin, les sentiments n'ont
pas été moins partagés à l'égard de l'orij^ine de
cet homme illustre. Il dit lui-même, dans ses Mé-
moires, que la maison de Villars est très-ancienne,
et que dès 1820 elle était plus puissante qu'elle
ne l'a été depuis. Il aioute que, dans les derniers
siècles , elle a produit cinq archevêques de Vienne,
et des évèques de Mirepoix et d'Agen. Néanmoins,
le couplet satirique, cité dansTarlicle du marquis,
l.iit descendre les Villars d'un grelTier de Cou-
VIL
raièros études au col!e'5;e de Juilly, il
eîitra aux paj^cs de la jurande écurie.
Une fleure noble et une adresse par
ticulière dans tons les exercices du
corps le firent bientôt remarquer de
Louis XIV. L'extrême activité de
son esprit se développa dès ses plus
jeunes ans. Un jour, entendant sou
père se plaindre de ce que son sort
ne répondait pas à ses espérances :
« Pour moi , s'écria-t-il, je suis sûr ,
» si je vis, de faire une jijrande for-
» tune. Je ciierclierai tellement les
)) occasions de me distinguer, qu'il
» faudra bien que l'on fasse attention
» à moi! » Dans un voya2,e que la
cour liten Flandre, le jeune Villars,
étant encore page, demanda la per-
mission de visiter la Hollande.
Il accompagna ensuite à Berlin le
comte de Saint-Géran , son parent,
envoyé auprès de l'électeur de Bran-
debourg. Ses observations sur les
contrées qu'il parcourait déno-
taient déjà un coup-d'œd militaire
]ieu commun à son âge. Le maréchal
de Bellefonds, son oncle, le pressa
tout-à-coup de revenir en France ,
pour le .suivre en qualité d'aide-de-
carop, dans la campagne qui allait
s'ouvrir contre la Hollande. La dis-
grâce subite du maréchal laissant
Villars sans emploi , il obtint d'en-
trer , comme volontaire , dans le
corps dont le roi en personne s'é-
tait réservé le commandement. Ser-
vant successivement dans ce corps,
dans ceux de Condé et de Turenne ,
et se distinguant tour-a-tour au pas-
sage du Rhin, et aux sièges d'Orsoy,
drieux , et cette assertiuii se trouve reproduite
dans un ouvra;^e qu'il ne faut r-ousulter , à -la ve-
nté, qu'avec meliance ( Mémoires pour le parie-
mtnt contre les diin et pairs, à la suite de la f te
privée de Louis Xl^, Londres, 1-81 ). Ou y lit
f{ue le greiîier de Condrieux vivait en i48t», et que
le jneuiler anobli des Villars avait ele le bisaïeul
du maréchal, genliibomme oïdiuaire de la reine
<.all]criue de 3Iedicls, charge qui donnait ki uo-
Messe.
VIL 525
de Doesboiirg et de Zutplicn , Vil-
lars , qui n'avait encore que dix-neuf
ans, attira tellement l'attention de
Louis XIV, que ce prince dit un
jour en le voyant charger l'ennemi :
« On ne peut tirer un coup de fusil
» quelque part , que ce petit garçon
» ne sorte de terre pour s'y trouver. »
Ces paroles furent le prélude du don
de la cornette des chevau- légers de
Bourgogne, qui était sollicitée par
plusieurs officiers de distinction. Une
nouvelle faveur suivit celle-ci : le
roi d'Espagne venait d'échapper à
une maladie dangereuse; Villars fut
choisi pour aller complimenter ce
monarque sur sa convalescence. II
prit alors le titre de marquis, qu'a-
vait porté son père dans ses ambas-
sades. Charles II le reçut avec une
bienveillance particulière , et le ren-
voya comblé de présents magnifi-
ques. A peine de retour , Villars
courut à Maëstricht, que Louis XIV
assiégeait en personne. Le roi avait
défendu aux volontaires de se trou-
ver aux attaques, sans une permis-
sion expresse. Mais Villars, appre-
nant que l'on allait attaquer le che-
min couvert, profite de la nuit pour
se glisser dans les rangs des grena-
diers. Bientôt il prend la tète de la
colonne, et pénètre jusque dans la
demi-lune. Un fourneau joue , et l'en-
terre à demi : il se dégage, et ne re-
vient dans la tranchée qu'après avoir
assuré le logement des troupes dans
l'ouvrage emporté sur l'ennemi. Le
roi, témoin de la fin de l'action,
fait appeler le jeune volontaire^ et
lui demande d'un front sévère ce
qui a pu l'enhardir à transgresser ses
ordres. « Sire, répond Villars, sans
» se déconcerter, j'ai cru que Votre
» Majesté me pardonnerait de vou-
» loir apprendre le métier de l'inian-
1) tcrie, quand la cavalerie n'a rien
526
VIL
w à faire. » Le monarque sourit,
loua sa valeur eu l'engageaut à la
modérer. Maëslriclit rendu , Villars
fut envoyé' à l'armée de Tiuenne , sur
le Rhin , et le suivit en Franconie.
Son activité et sa rare intelligence
clans diverses expéditions, où il fut
employé comme partisan , lui méri-
tèrent les éloges de ce grand capi-
taine. A l'estime de Turenne, Vil-
lars eut Lentôt la gloire de joindre
celle du grand Condé. Ce prince , sur
le point d'engager la sanglante ac-
tion de Sénef, était entouré d'olFi-
cicrs qui, voyant du mouvement dans
les troupes ennemies , prétendirent
qu'elles se disposaient à une retraite
générale. « Non, s'écria Villars,
» elles veulent seulement faire un
» changement de front. » — « Jeu-
» ne homme , lui dit Coudé , qui
» vous en a tant appris ? » Il voit
clair , ajouta-t-il en se tournant vers
la troupe dorée , et il ordonna aus-
sitôt l'attaque. Villars fut blesse'
grièvement des la première charge ;
mais à peine eut-il fait bander sa
plaie , qu'il remonta à cheval , et ne
quitta le prince que lorsque la dou-
leur l'eut fait évanouir. Louis XIV,
instruit de sa conduite , le nomma
colonel d'un régiment de cavalerie :
il n'avait encore que vingt- un ans
( 1674)' Il fit la campagne suivante
en Flandre, sous les ordres du ma-
réchal de Luxembourg qui, connais-
sant son audace , lui confia plusieurs
coups de main qui furent couronnés
du plus brillant succès. 11 comman-
dait un corps de réserve a la bataille
deCassel,et il allait saisir le mo-
ment de prendre en flanc l'aile droite
de l'ennemi , quand Monsieur lui
envoya l'ordre de renforcer le cen-
tre. Villars obéit en frémissant, et
cette aile fut sauvée d.'une destruc-
tion totale. « Ah I lui dit Luxembourg,
VIL
» que le chcA^al de l'aide -de -camp
» du prince ne s'est -il cassé les jam-
» bes , quand il vous porta ce mau-
» dit ordre ! » F2nvoyé à l'armée
d'Alsace, commandée par le maré-
chal de Créqui , Villars ne tarda pas
à s'y montrer digne de la brillante
réputation qui l'y avait précédé. Il
déploya une valeur téméraire au
combat de Kocksberg , où il eut à
soutenir les efforts de presque toute
l'armée impériale. Dans le plus fort
de l'action, il jeta sa cuirasse, en
disant : « Je ne tiens pas ma vie plus
î) précieuse que celle de mes braves
» soldats. » Changeant de service
et d'emploi toutes les fois qu'il y avait
de l'honneur à acquérir, il obtint du
maréchal de Créqui la permission
de monter à l'assaut de Fribourg , à
la tête des grenadiers. Malgré une
suite d'actions aussi éclatantes , son
avancementne répondait pas à ses de-
sirs : Louvoisne pouvait lui pardon-
ner ses liaisons de parentéavec le ma-
réchal de Bellefonds, Villars, convain-
cu que c'était par son épée qu'il de-
vait s'ouvrir le chemin des honneurs
et de la fortune , semblait se mul-
tiplier : on le voyait , un jour , com-
mander une expédition de partisan ,
et, le lendemain, monter le premier
sur la brèche du fort de Kehl. Té-
moin de cette dernière action , le
maréchal de Créqui lui dit devant
tous les généraux : a Jeune homme ,
» si Dieu te laisse vivre, tu auras
» ma place plutôt que personne. »
La paix de Nimègue ( lô-jS ) fit
rentrer Villars dans un repos qu'il
n'avait point connu depuis sa sortie
des pages. 11 parut à la cour, et se jeta
dans plusieurs intrigues galantes avec
toute l'ardeur qu'il avait fait éclater
dans les camps. Il en résulta des
scènes de différents genres , qui fixè-
rent l'attention sur lui : le roi lui or-
VIL
donna derejoiudre son régiment. Vil-
lars se regardait comme frappe d'une
sorte de disgrâce , lorsqu'il fut tout-
à-coup lionore'd'une mission qu'il dut
à la mémoire de son père , plus qu'à
ses titres personnels. Le marquis de
■ Villars avait été envoyé comme né-
gociateur dans plusieurs cours étran-
gères. Le roi pensa que l'héritier
de sa bravoure pourrait l'être
aussi de ses talents diplomatiques ,
et il lui conlia l'ambassade de Vien-
ne, que les circonstances rendaient
fort importante, mais dont on cacha
le but secret sous le prétexte de com-
plimenter l'empereur Léopold l"^^»'.
sur la mort de l'impératrice sa mère.
Villars attachait à cette mission un
intérêt particulier : l'Autriche, à cette
époque, faisait une guerre très -vive
aux Turcs ; et il se flattait d'obtenir
de Louis XIV la permission de ser-
vir contre les Infidèles , avec l'élite
de la noblesse française rassemblée
sous les drapeaux de Léopold. Le
roi lui enjoignit de rester à Vienne ,
où sa présence était nécessaire. Vil-
lars s'y attacha à augmenter son
crédit par l'influence de l'électeur
de Bavière , beau-frère du dauphin j
et, bientôt après , il mit toute sa po-
litique à détacher ce jeune prince de
l'alliance autrichienne , pour lui faire
épouser les intérêts de la France.
Ses eli'orts furent si heureux que
l'électeur quitta Vienne pour retour-
ner à Munich. Villars obtint sans
peine la permission de l'y suivre,
et l'électeur obtint , à son tour , de
Louis XIV^ la permission de se faire
accompagner par Villars , lorsqu'il
alla prendre le commandement du
corps bavarois qui faisait partie de
la grande-armée impériale en Hon-
grie. Villars, au comble de ses vœux,
écrivit au roi qu'il verrait les Turcs
de si près qu'il pourrait lui en ren-
VIL 527
dre compte , et il tint parole j mais ,
de retour à Munich , après la campa-
gne, il eut à combattre un négocia-
teur d'une nouvelle espèce. La cour
de Vienne envoya auprès de l'élec-
teur de Bavière la belle comtesse de
Kaunitz. Elle s'empara bientôt de
l'esprit d'un prince jeune et volup-
tueux • et son premier soin fut d'exi-
ger de lui l'cloignement de l'am-
bassadeur français. Villars fit des
adieux menaçants à l'éJecteur , et se
rendit aussitôt à Versailles. Louis
XIV lui donna plusieurs audiences
particulières , et lui dit un jour , de-
vant les courtisans : « Je vous avais
» toujours connu pour un fort brave
» homme; mais je ne vous croyais
» pas si grand négociateur. » M'"e.
de Maintenon l'admit aux représen-
tations d'Eslher à Saint-Cyr , fa-
veur que les plus grands seigneurs
briguaient quelquefois inutilement.
Enfin, le fier Louvois se laissa dé-
sarmer; et, pour faire oublier à
Villars ses longues rigueurs, il lui
offrit la place de commissaire-géné-
ral de cavalerie. « Ainsi , dit M°^<^.
» de Sévigné, voilà un homme placé
w dans une charge dont il s'acquittera
» fort bien , à la veille d'une guerre
» qui fait présentement la nouvelle
» publique (2). » Cette guerre était
celle qui fut occasionnée par la fameu-
se coalition connue sous le nom de li-
gue d'Augsbourg. Louis XIV, avant
de porter ses armes en Allemagne,
voulut tenter un dernier effort pour
ramener le frère de la dauphine dans
les intérêts de la France. Il ordonna ,
en conséquence , à Villars de retoui'-
ner à Munich. Le parti autrichien y
dominait tellement, que l'ambassa-
deur français y vit sa sûreté menacée.
Il se hâta de gagner le territoire suis-
(2) LeUre au comte de Buesy, du 26 août 1688.
5-i»
VIL
se, et avant de se retrouver en Fran-
ce, il essuya encore deux aventu-
res , dont l'une faillit lui coûter la
vie ; l'autre ne fut que plaisante.
Voyageant à cheval dans le cœur de
riiiver et ])ar un temps affreux , il
arrive à Saint-Gall à une heure avan-
cée. 11 espérait goûter quelque repos
dans cette ville; mais il lui faut ,
d'abord , supporter les longs com-
pliments du magistrat, qui hiidéclare
que l'envoyé du roi de France doit
être fêté convenablement à son pas-
sage. On sert un énorme festin, et tous
les notables de la ville arrivent avec
leurs femmes. Vi'lars , en sortant de
table , était encore menacé d'un bal :
ce ne fut pas sans peine qu'il obtint
la permission de se mettre au lit. A
son réveil, lelendcmain, il comptait se
mettre en route; mais il se trouva
qu'il avait encore unf affaireà régler:
c'était de solder les frais de la fête
que lui avait donnée le magistrat de
Saint-Gall , et dont son liùte eut
grand soin de lui présenter le mé-
moire. Un incident d'une nature plus
grave l'attendait à Bàle: les portes
étaient fermées quand il arriva de-
vant celte ville. Impatienté des refus
que faisait l'officier de garde de les
ouvrir, A illars met pied à terre afin
de décliner lui-même son nom et sa
qualité. Aussitôt le oont-levis s'a-
baisse ; mais l'obscurité ne permet
pas à Yillars de voir oîi il met le
pied , et il tombe d'une grande hau-
teur dans le fossé, oîi il ne se trou-
vait heureusement qu'une vase épais-
se. On l'en retira demi-mort : néan-
moins, comme il n'y avait point de
fracture , il fut assez promptement
rétabli. Le roi lui fit l'accueil le plus
flatteur , et l'envoya en Flandre
pour y commander la cavalerie de
l'armée du maréchal d'Hiimières.
Cette armée devant rester sur la
VIL
défensive , Vil'ars , pour échapper
à l'inaction, se livra à son goût na-
turel pour la guerre de partisan , et il
mit à contribution tout le plat pays ,
jusqu'à Bruxelles. C'est à cette épo-
que ( 1689) qu'il fut nommé maré-
chal-de-camp. Il commanda dans
les campagnes suivantes un corps de
quinze mille hommes, qui formait ,
en quelque sorte , la réserve du ma-
réchal de Luxembourg ; et il prit
une grande part au glorieux combat
de Leuze ( 1G91 ). On en trouve les
détails dans une lettre qu'il écrivit
au marquis de Barbézieiix , qui ve-
nait de succéder à Louvois , son
père , et qui avait hérité de tou-,
tes SCS préventions contre Vil-
lars : il ne négligea aucune occasion
de lui nuire dans l'esprit de Louis
XIV. Le guerrier s'en plaignit au
roi lui-même : « Croyez-vous donc ,
» lui répondit le monarque , que ces
» gens - là puissent perdre \\n hom-
» me que je connais aussi bien ?
» — Hélas I Sire, répliqua Villars ,
» ces gens-là ont le privilège de par-
» 1er tous les jours à V. M. , tandis
» que les généraux jouissent à peine
» de cet honneur une fois par an I »
Ce langage hardi ne déplaisait pas
au grand roi : ce fut de son propre
mouvement qu'il nomma Villars lieu-
tenant-général , et l'envoya sur le
Rhin pour aider de ses conseils le
maréchal de Joyeuse , vivement
pressé par le prince de Bade. Peu
de jours après son arrivée , Villars
fit sentir sa présence à l'ennemi par
une manœuvre hardie qui sauva î'a-
vant-garde, et peiit-êtie l'armée en-
tière. La paix de Ryswick ( iÔq'; )
vint pour quelque temps encore ren-
dre le repos à l'Europe : mais déjà
de plus grands évéucments se pré-
paraient dans le silence des cabinets.
Mine par une maladie de langueur ,
VIL
le roi d'Espagne Charles II était
menace d'une fin prochaine. Les
grandes puissances ne voulurent pas
attendre ce moment , pour régler le
partage de son immense succession.
Les négociations s'ouvrirent de tou-
tes parts : c'est dans cette grave oc-
currence que LouisXIV honora Vil-
lars de la plus haute marque de sa
confiance ; il le nomma son ambas-
sadeur exti'aordinaire auprès de la
cour d'Autriche , la plus intéressée
de toutes à s'opposer aux vues du
roi de France. A peine arrivé à Vien-
ne ( iG()g), Villars n'eut que trop
d'occa ionsde remarqueràquel point
tous les esprits étaient aigris contre
le souNcrain qu'il représentait. Le
prince de Liciitenstein , gouverneur
du jeune archiduc Charles , concur-
relit du, duc d'Anjou , osa choisir
l'instant d'une fête pour faire une
insulte à l'envoyé de LouisXIV. Vil-
lars exigea si impérieusement une
réparation solennelle , que le prince
reçut l'ordre de lui faire des excuses.
Malgré les préventions qu'il avait à
combattre, il remporta sur les mi-
nistres de l'empereur un triomphe
qui , comme il s'en plaignit lui-mê-
me, ne fut point dignement apprécié.
Le faible Charles II , voyant la vie
près de lui échapper , avait secrète-
ment autorisé la cour de Vienne à
s'emparer de toutes les possessions
espagnoles en Italie. VilLirs pénétra
ce secret , et il eut l'art d'obtenir
de l'empereur l'engagement écrit
qu'il ne ferait aucun usage du con-
sentement tacite du roi d'Espague.
Cependant la nouvelle de l'accepta-
tion du testament de Charles II par
Louis XIV rendait extrêmement
difficile, et même dangereuse , la po-
sition de son ministre à la cour de
Vienne. Pour achever de l'y perdre
entièrement, on osa l'impliquer dans
XLVin.
VIL 529
une conjuration des mécontents hon-
grois. Partout on affectait de l'éviter.
Le prince Eugène, seul, trop au-
dessus de ces basses intrigues, conti-
nua de fréqueiiter un guerrier qu'il
estimait. Quelques courtisans témoi-
gnant leur surprise de voir une liai-
son si intime entre deux généraux
qui étaient sur le point de se com-
battre : « Messieurs , leur dit Vil-
» iars , je compte sur les bunlés de
» M. le prince Eugène , et je suis
» bien persuadé qu'd me souhaite
» toute sorte de bonheur , comme
» de mon côté je lui désire toutes les
» prospérités qu'il mérite , excepté
» celles qui peuvent être contraires
» aux intérêts du roi mon maître.
» Mais voulez-vous que je vous dise
» oii sont les vrais ennemis du prince
» Eugène? Ils sont à Vienne, comme
» les miens à Versailles (3).» L'am-
bassade de Villars à la cour d'Autri-
che était à ses yeux une des plus belles
époques de sa vie. Pendant près de
trois ans, il suivit avec une extrême
habileté et -une patience que l'on
n'auraitpoint crue dans son caractè-
re les négociations les plus épineu-
ses. Ses travaux et leur succès ne
furent cependant pas appréciés à
toute leur valeur. Aussi ne put- il
dissimuler le dépit qu'il éprouva, eu
voyant attribuer à d'autres l'avéne-
mcnt du petit-lils de Louis XiV au
trône d'Espagne : « Sans moi, man-
» dait-il à Chamillard, l'Autriche
» s'emparait de l'Italie. Mais quel
» gré m'en sait-on ? Je trouvai à mon
» retour que j'avais battu les buis-
» sons , et que c'étaient mes camara-
» des qui avaient pris les oiseaux. »
(3) ^ous nous sommes attacLés à retracer l"ni<'-
lemeut les paroles de Villars, si étrangement il'li
guiées par quelques écrivains, qu'ils lui loiil dire
« J'espère me retrouver bieutot vis-à-vis du priu-
» ce Eugène , afin de le bien étiillei »
34
i3{)
VIL
Le roi lui Icnioigiia néanmoins \m-
bliqurmcut sa salisfaclion, ft l'en-
voya servir en Loiultardie , sous
le niare'clial de Villeroi. IMéconlcut
de tout ce qu'il observa dans cette
armcc , il sollicita son rappel. Ce
lut dans cet liiver qu'il épousa ÎNI"*^^.
de\ aranj^eville, dont la rare beaulc
lui avait inspiie une passion qui lit
encore plus le tourment que le bon-
heur de sa vie. En se plaij^nant de
Villeroi , il avait, au contraire, ex-
primé l'estime dont il était pénétré
pour Catinat , qui \enait d'être nom-
mé au commandement de l'armée
d'Allemaj^ne. Le roi lui ])ernul d'al-
ler l'y rejouidre. On a dit fjue \ d-
lars trouva (pie l.i lèledc Calui.it était
fort allad)lie; on a même prétendu
qu'il le lui lit entendre, et (pie f!ati-
nat eut la naivclé d'en convenir.
Nous ne trouvons aucune trace de
celte anecdote dans les lettres oii
Villars, selon sa coutume, s'expri-
me sans ména};emcnt sur le compte
de tous ses contemporains. Le seul
fait avéré , c'est qu'il reprocha hau-
tement à Caliiiat d'être resté specta-
teur immobile delà prise de Landau
par le roi des Romains. << Les trou-
» pcs t|uc je vois ici , écrivit-il au
» ministre, ont oublie la guerre pen-
» dant la guei re même. » Cependant,
une expédition aus>i importante que
diiUcile occupait le cabinet de Ver-
sailles. Louis AlV regardait son lion
neur intéressé à prouver à l'électeur
de Bavière qu'il n'aurait pas à se
repentir d'avoir épousé sa cause. La
situation de ce prince était extrême-
ment critique : il avait pris les ar-
mes, dans la persuasion d'être sou-
tenu sans délai par une puissante
armée française, et déjà il se voyait
investi de tous côtés par les trou-
pes autrichiennes. Villars , qu'd avait
honoré d'une amitié particulière ,
VIL
reçut la mission d'aller le dé^racirr.
Ce fut la première fois qu'il coramai>-
da en chef, et il avait alors quaran-
te-neuf ans (l'-^oi). Le corps (pi'il
devait conduireen Bavière, à travers
tous les obstacles imaginables, était
composé de trente bataillons, qua-
rante escadrons et un train d'artille-
rie de trente pièces. N illars nous a
conservé lui-même les détails d'une
entreprise dont la réussite suffi-
rait j)our le placer au premier rang
des liommes de guerre du grand siè-
cle. Les Impériaux occupaient avec
des forces trup considérables le Bris-
gaii et tous les défilés de la forêt
ISoire, pour qu'il y eût possibilité
de les en débusquer; Villars conçut
donc le projet de tourner Iciiis jiosi-
tioiis. Il remonle rapidement le lUiin,
et le passe à lluningiic. Mais déjà le
prince de Bade, général doué pareil-
lement d'une activité peu commune,
occupait les liautcurs qui dominent
la plaine étroite où les Français de-
vaient se former après le passage du
fleuve; sur la crête des collines, là
étaitlefortdcFrledîiiigeii,et enavaut
une ligue de redoutes fraisées et pa-
lissadées. Après a\oir vainement at-
tendu pendant quelques jours que
l'éiecleur de Baviirc s'avaiu-àt de
son C(jlé pour prendre les Aulricliicns
à dos, Villars se résout à une atta-
que de vive force. Il fait emptulf
Ncubourg d'assaut, pour inquiet'
le prince de Bade sur sa droite, <
en même temps il tourne sa gaiieli
par la vallée du petit Huninguc. Poui-
écliappcr au danger, le prince lait
un cliangcment de front. Villars i
connaît aiissilfit que le sort de
journée dépend de l'occupation de-.
hauteurs de Tulick.,qui dominent le^
deux armées. Son infanterie les gra-
vit avec audace et célérité : mais
parvenue au sommet , elle est ai -
VIL
cueillie par un feu terrible d'artil-
lerie et de moiisqueterie. VilJars or-
donne «me nltaqiic à la Laioiinctfe^
dont riisap;c coiiiinenrait à s'clablir.
Les Impériaux sont culbutes et pré-
cipites dans la plaine; mais c'est lians
ce moment de iriomplie même qu'eut
lieu un événement qui est reste fameux
dans les fastes de la guerre, parce
qu'il fait voir mieux qu'aucun autre
à quoi tient le destin des batailles.
Entraîuc's par la rapidité de la des-
cente autant que par leur ardeur à
poursuivre l'ennemi, des soldats fran-
çais à peine parvenus dans la planic
s'aperçoivent qu'ils sont entoures
d'Autrichiens, (l'était la cavalerie du
])rincc de Bade qui venait d'être en-
Ibnccc par celle de Villars. Frappes
à cette vue d'une terreur panique ,
ces soldats s'e'cricnt : « Nous som-
» mes coupes! » Cecri d'alarme est
répète en un instant jusque dans les
bataillons français qui garnissaient
les hauteurs. Le gênerai court h eux :
« Vive le roi 1 leur cric-t-il , la vic-
» toire est à nous I » — « Vive le
» roi ! » répéta le soldat d'une voix
incertaine. Villars saisit un drapeau,
et il marche à la tète de cette infan-
terie. Au moment où il s'en éloignait
presque seul , pour ordonner une der-
nière charge de cavalerie, et ache-
ver la défaite des Impériaux , il est
près de tomlser dans les mains d'un
parti égaré. Lorstpic la plaine fut
entièrement balayée d'ennemis , l'ar-
mée française, ne doutant plus de
sa victoire , proclama son digne chef
maréchal de b^rance. Dès que le roi
fut instruit de celte brillante jour-
née (i4 octobre 1702) : « J'unis ma
» voix, manda-t-il à Villars, à celle
» de mes braves soldats ; » et il lui
envoya le bâton de maréchal. La
jonction avec l'électeur de Bavière
semblait devoir «*trc le i-c'sultat de
VIL
->Zi
cet avantage; mais bientôt l'on ap-
prit que ce prince , toujours mal
conseille, s'éloignait du Uhin au lieu
de s'en rapprocher. \ ilhirs prend
donc le parti de repasser le fleuve
alin de cliasscr les Impériaux de tous
les postes qu'ils occupaient en Alsace,
et sur la .Sarre. Il lui paraissait im-
portant de s'assurer de Nanci : ]c
duc de Lorraine lui en ouvre les por-
tes au premier coup do canon. La
campagne terminée, il alla rendre
compte au roi de ses opérations. Les
paroles que lui adressa Louis XIV
méritent d'être remarquées : « Je
» suis autant français que roi, lui
» dit ce grand j)rince ; ce qui ternit
» la gloire de la nalion m'est plus
» sensible que tout autre intérêt.
» Depuis long-temps mes ministres
» ne m'apprenaient que des choses
» désagréables. L'heure à la(piclle ils
» venaient travailler avec moi était
» marquée par des m(»uvementsdans
» mon sang. Vous m'avez tiré de cet
» état : comptez sur ma reconnais-
» sance. » Lemarécha! retourna pres-
que aussitôt;! l'armée (ju'il avait lais-
sée sur les bords du Kliiu. Il passe
ce fleuve à Neubourg, enlève les
quartiers du prince de Bade sur la
Kintzig, et met le siège devant KehI.
« Je passe des nuits dans la tranchée,
» dit-il lui-même dans sa correspou-
)) dance , buvant un verre d'cau-de-
» vie avec mes soldats; je leur fais
)) des contes, et j'ai grand soin de
» leur dire qu'il n'y a que les Fran-
» cais qui sachent prendre les villes
)> l'hiver. » Kehl ne tint que treize
jours, quoique ses ouvrages, cous-
truits parVauban, en fissent alors
une place de première force. Après
ce succès , Villars tenta , dans l'an-
née suivante , de pénétrer vers l'é-
lecteur de Biivièrc ; mais tous les
mouvements de ce prince semblaient
3\..
'iîa VIL
paralyses, et le niaréclia! cinit devoir
encore à la prudence de revenir oc-
cuper la ligne du Hliin. Cette espèce
(le retraite fut amcreinent critiquée
par les cuurlisaus. « On ne conce-
» vail pas , dit - il , dans les appar-
» temcnts ])icn chauds du château de
» Versailles , et dans les allées bien
M unies du parc , comment une armée
» ne pouvait pas traverser des pays
» inondés et franchir les inontagnes
)> Noires. » Ses ennemis, pour le ren-
dre ridicule , alVcctèrent même de
croire qu'il n'était rentré en France
que pour se rapprocher de la belle
maréchale , dont il était excessive-
ment jaloux. Il rqjond à cette mali-
gnité dans ses IMémoircs , pa)' des
plaisanteries j mais c'est en général
consommé qu'il réfute les arguments
des hommes du métier. Au reste ,
après avoir laissé prendre quelque
repos à ses troupes , qui manquaient
souvent du nécessaire , il passe de
nouveau le Rhin , et rentre en cam-
pagne. Toutes les communications
entre l'armée française et l'armée
bavaroise étaient si bien gardées par
les Impériaux , qu'il fallait employer
la ruse pour faire parvenir à l'élec-
teur une simple lettre du maréchal.
Irrité de tant d'obstacles , Villars se
détermina à forcer les gorges des
montagnes. Il s'exposait comme un
simple grenadier : a l'assaut du châ-
teau de Hornbcck , les troupes sem-
blaient hésiter ; il se met en tète de
la colonne , en disant : « J'espère ,
» du moins , que \ ous ne laisserez
1) pas votre général tout seul sur la
» brèche ! » Enfin, après des travaux
inouïs , il opéra sa jonction avec
l'électeur de Bavière , sur les fron-
tières de l'électorat ( mai i-yoS ). Ce
prince se jeta dans'Ses bras en ver-
sant des larmes de joie ; mais bientôt
ses irrésolutions reprirent le dessus.
VIL
« Que ferons-nous maintenant ? » dit-
il à \ illars. — a Nous allons mar-
» cher droit sur Vienne , lui répondit
» l'audacieux Français • mon plan
» est tout tracé, j'ai prévu tous les
» obstacles. » Le jour était pris pour
l'exécution , quand l'électeur , elTraye'
par ses min;stres qui étaient tous
vendus à l'empereur, déclara qu'il
avait changé de dessein. Villars
frémissait d'indignation et de dé-
sespoir : on voit dans sa corres-
pondance qu'il avait à combattre
une opposition presque aussi forte à
la cour de Versailles qu'à celle de
Munich. Il écrivit à Louis XIV:
« V. M. saura un jour que l'empe-
» reur était perdu , si nous eussions
» marché sur Vienne ; d n'y a que
» des gens gagnés par l'Autriche, ou
w des ignorants, qui aient pu s'op-
» poser à mon pian. » Peu de cir-
constances sont d'un aussi grand in-
térêt dans la longue vie du maréchal
de Vijlars • et nous ne saurions trop
le faire remarquer. Lorsque le prin-
ce Eugène traitait avec luiàRastadt,
il ne lit nulle difllculté de convenir ,
en présence de MM. de Brogbe, de
Contades, de Saint-Fremond et au-
tres , que si le maréchal avait eu la
liberté de marcher sur Vienne, en
l'^oS , la paix qui ne fut conclue
qu'en 17 i4 y et après de si longues
et sr terribles calamités , eût été si-
gnée dès-lors à V avantage de la
France (4). Mais l'instant favora-
ble une fois manqué, il fallut se te-
nir sur la défensive contre des enne-
mis qui se montraient sur tous les
points. Sans cesse contrarié par
l'électeur de Bavière , Villars se
vit réduit à demander son rappel.
Avant d'avoir leçu la réponse du
(4l ^Jénwires iiiantisfiits ; voir la / ir^ile J il!"
par Anquelil, tom. 1, p. 248, eu note.
VIL
roi , il apprend que le jnincc de
Bade et le comle de Stinim allaient
faire leur jonction près de Dona-
■werth. « Il faut les prévenir, dit-il
à l'ëlectenr , il faut tomber sur Sti-
rum et marcher tout-à-l'hei re. » Le
prince temporisait ; il re'pondait
qu'il en devait conférer avec ses ge'-
ue'raux et ses ministres. « C'est moi
qui suis votre ministre et votre ge'-
neral , lui re'pliquait Villars; quel
conseil vous faut-il de plus ? si V. A.
ne veut pas saisir l'occasion avec ses
Bavarois, je vais combatireavec les
Français, » et aussitôt il donne l'or-
dre pour l'attaque. 11 tue cinq mille
hommes aux Impériaux , leur fait
cinq mille prisonniers, s'empare de
toute leur artillerie et de tout leur
bagage ( 20 septembre i 708 ). Cette
brillante victoire , par une singula-
rité' trop remarquable , fut rempor-
tée dans cette même plaine de Hoch-
stett qui , l'année suivante , devait
être si funeste aux armes de la Fran-
ce. Villars rajiporte, avec un senti-
ment d'horreur, qu'après la bataille,
le nombre immense des prisonniers
emlwrrassant l'armée, un oillcier gé-
néral osa lui proposer de les faire
passer au (11 de l'épée. Cette victoire
demeura sans fruit : l'électeur sem-
blait prendre à tâche de contrecar-
rer toutes les mesures du général
français. Dans l'excès de son indigna-
lion , le maréchal lui parla , non
plus comme un général soumis à ses
ordres, mais comme le représentant
du roi de France. Il mit tant de vé-
hémence dans ses discours , que le
prince allemand tout etTarc jeta son
chapeau et sa perruque par terre. Il
promit à Villars de mieux le secon-
der à l'avenir • le maréchal n'en
persista pas moins à demander son
rappel, et il l'obtint enfin. Avant de
quitter l'électeur, il le pressa , mais
VIL 533
vainement, de saisir une occasion
certaine de battre le prince de Bade.
Villars partit donc, emportant les
regrets de toute son armée , qui passa
sous le commandement du comte de
IMarsin que lui-même avait désigné
pour son successeur, ce qui n'est pas
indigne de remarque. La plupart
des petits écrivains, qui pensent se
grandir, en déclamant contre Louis
XIV, ne manquent jamais de dire
que ce monarque arrêta le cours des
victoires de Villars en Allemagne,
pour employer ce grand capitaine à
combattre quelques misérables fana-
tiques en Languedoc. Voici les faits
dans leur simple vérité : le maréchal ,
comme on vient de le voir , avait ob-
tenu son rappel à force d'instances
auprès du roi lui-même. Digne ap-
préciateur du mérite , ce prmce le
combla de bontés et d'égards à son
retour. Il lui fit donner un apparte-
ment au château de Marli, et prit
plaisir à lui montrer lui-même les
embellissements de cette résidence
royale. Après l'avoir remercié de ses
services, le monarque lui dit qu'il en
réclamait de nouveaux de son zèle,
et il lui offrit le commandement d'une
de ses armées d'Italie. L'autre avait
pour général le duc de \end6me.
Villars sentit aussitôt que, comme
moins ancien maréchal que le duc ,
il ne pourrait agir que sous sa direc-
tion. Les désagréments sans nombre
qu'il avait essuyés de la part de l'é-
lecteur de Bavière lui revinrent à
l'esprit; et il supplia le roi de lui
donner une autre destination. « Eh
bien ! lui dit Louis XIV , des guer-
res plus considérables à conduire
vous conviendraient mieux ; mais
vous me rendrez un service bien im-
portant, si vous jiouyez arrêter une
révolte qui peut devenir trcs-dauge-
rcuse, surtout dans imc conjoncture
534
VIL
où, avant tonte l'Europe à combaltrc,
il esî embarrassant d'avoir une guer-
re à soutenir dans le cœur du royau-
me. » — « Sire , repondit le maré-
chal, si V. M. me le permet, je tâ-
cherai de terminer , par la douceur,
des maux que la rigueur, selon moi,
ne fait qu'irriter. » — <i Je m'en
rapporte à vous , reprit le roi ; vous
crovez Lien que je préfère la cou-
.serA atiou de mes peuples à leur perte.
Je la regarde comme certaine, si
cctfe malheureuse guerre continue. »
JjC maréchal se rendit sans délai à
Beaucairc , où l'attendait l'intendant
de Languedoc , ce Lamoignou de Bà-
ville , que l'intolérance jihilosophi-
que s'est attachée à représenter com-
me un hojume sanguinaire, et chez
lequel, an contraire, Yillars trouva
des sentiments d'Iiumanilc et de con-
cihation ^ parfaitement conformes
aux siens ( F. Lamoignon, XXIII ,
3oi ). Le guerrier et le magistrat fi-
rent ensemble cette campagne contre
les Camisards : mais il était plus
dillicilc de les trouver que de les
combatfie. Traités avec humanité
quand ils menaient bas les armes ,
exte4 minés quand ils osaient tenir tête
aux Iroupes du roi , la plupart solli-
citèrent de la pitié du maréchal la
permission de retourner dans leurs
foyers. Le fameux Cavalier, leur
chef le plus opiniâtre , olTrit enlin
lui-même de rentrer dans le devoir.
Villars lui accorda une entrevue ,
dont il a retracé tous les détails dans
SCS l\Iémoires ( Voj. Cavalii.r ,
VII, 44")' Cavalier montra de la
bonne foi : admirateur des grandes
qualités du maréchal , il lui proposa
de former un régiment du nom de
Villars, tenant à grand honneur d'eji
être le colonel. IMais dans le moment
où le maréchal se féicitait de la
prompte soumission des rebelles , les
VIL
Anglais et le duc de Savoie s'efloi
raient de ranimer leur ardeur , en s<
mettant en communication avec eir
par les cotes de Provence et par K
Dauphiné. Villars lit face partout aux
ennemis extérieurs , et il eut alors l.
satisfaction d'avoir rétabli en un
seule campagne ( 1704 ) \^ tran-
quillité dans toutes les provinces agi-
tées par des dissentions religieuses.
Ses occupations raullipliées ne l'a-
vaient pas empêché de suivre sur la
carte les opérations de cette armée de
Bavière qu'il avait formée à la victoi-
re. Lorsqu'il vitlesdispositionsqui se
faisaient de part et d'autre dans ces
mêmes plaines de Donawerth , où il
avait triompîic des Impériaux l'an-
née précédente , il prédit le tt rriblc
désastre que ne tarda pas à essuyer
le maréchal de Tallard à Iloclistett
( T'oY. Tai.laud). La lettre qui con-
tenait cette prédiction fut monlrée à
Louis XIV , et rendue publique. Le
roi voulant témoigner lui -même à
Villars sa haute satisfaction , le
manda à Versailles. Il lui donna le
cordon bleu, et, ce qui flatta plus
encore le maréchal , il s'entretint
longtemps avec lui des opérations
les plus secrètes de la politique et
de la guerre. Villars transporté écri-
vait à M'""", de îMaintenou : « Le roi
» est le meilleur maître du monde,
)) et celui qui mérite le mieux d'être
» bien servi. Avant d'avoir la gloire
» d'être admis à certaines conversa-
» tions dans lesquelles S. M. s'épan-
» chait avec ses serviteurs , je ne
» pouvais moi-même penser que par-
» mi tout ce que nous avons vu de
» grand eu lui il y eût autant de ;
•f> bonté , d'afl'abilité , de raison et
)) d'inimanité que j'en ai connu par
» moi-même. » Dans rcihision de sa j
reconnaissance , le maréchal déclara
au ministre de la guerre qu'il s'esti-
VIL
mail trop heureux de pouvoir servir
le roi sans aucun intiii-èt ; qu'en con-
séquence il renonçait non-seulement
aux émoluments de ses places qui
montaient à trente-six mille francs ,
mais qu'il suppliait, en outre, S. M.
d'agréer l'abandon qu'il faisait au
tresor-royal de trente-cinq mille li-
vres de rente qui compo>aient son
patrimoine. Il se trouvait assez riche
de neuf cent mille francs qu'il avait
acquis aux dépens de l'ennemi (5).
Louis XIY se montra sensible à cette
offre, mais ne l'accepta point. Il
donna commission au maréchal de
visiter les frontières de l'Est , où les
succès des allies avaient déjà répan-
du l'elfroi. Ajirès une inspection
minutieuse , Villars reconnut qu'il
était de la plus haute importance de
couvrir les trois places de Luxem-
bourg , de ïhionville et de Sarre-
Louis. Ilsedètermiua, en conséquen-
ce, à prendre position à Fron>l)erget
surles hauteurs voisines, d'où il pou-
vait porter du secours à Luxem-
bourg par les bois de Sirck , en
même temps qu'il couvrait Thion-
ville , et assurait les convois de vi-
vres qui hii venaient de Metz. Les
postes fortifies de Bouzouville et
de Bourgaiche le maintenaient en
communication avec Sarre-Louis. Ce
camp de Fronsbcrg^ vulgairement
connu sous le nom de camp de
Sirck , doit être à jamais célè-
bre dans l'histoire de la castramé-
tation. II donne la ])lu3 haute idée
du coup-d'œil stratégique d'un guer-
rier qui, jusque-là, s'était plutôt
signalé par sa valeur téméraire
dans les combats. Un fait digne
d'être cité , c'est que Villars, coa-
(5) On voil , dans le delail de la furliiiic dont
jouissait lo tnaréclial de Villars, qu'à roi le ô|>oqur
( 1704 ) les appuinlCMicuts d'un marcclial Vie Fran-
ce lie s'clevaicul qu'à i3,ouo IVaoc».
VIL 531
vaincu de la force naturelle de stm
ramp , ne voulut pas le couvrir par
des retranchements j et le motif qu'il
en donne n'est pas moins remarqua-
ble : « Les retranchements , dit-il ,
» inquiètent les Français. « Maribo-
roiigh parut bientôt devant le camj)
du maréchal , à la tèle de cent dix
mille hommes. Il l'examina sur tous
les points pendant quatre jours en-
tiers , et se retira , la nuit suivante ,
après avoir promis , à la face de
l'Europe , qu'il ferait reculer Vil-
lars , ou qu'il le battrait. Fidèle
à sa maxime favorite de repren-
dre l'olfensive , dès que l'on n'est
plus réduit à la défensive, le ma-
réchal fit poursuivre si vivement
les alliés, qu'il enleva Trêves et Sar-
i-ebourg , oîi ils avaient d'immenses
magasins. 11 se ])orte aussitôt eu Al-
sace, force les lignes de Weissem-
bourg , taille en pièces le corps qui
les défendait, et se présente devant
Lauterbourg. L'ennemi avait un camp
retranché sous le canou de cette ])la-
ce ; et il y recevait des renforts con-
tinuels, tandis que Villars venait
d'être considérablement all'aibli par
les détachements qu'il avait eu or-
dre d'envoyer en Flandre. Mais ce
fut précisément pour déguiser sa fai-
blesse qu'il eut l'audace de passer
le Rhin entre le Fort-Louis et Stras-
bourg , et d'aller mettre tout le plat
pays à contribution jusqu'aux gor-
ges des montagnes Noires. Après la
campagae de 170$, il alla, selon
son usage , rendre C0|mpte au roi de
ses opérations, et déjouer les intri-
cues des ennemis que lui faisaient la
severite de sa discipline , et un mé-
pris pour les talents médiocres (ju'il
ne savait pas dissimuler. Telle fut ,
par exemple, sa conduite envers ic
maréchal de Marsin , qui comman-
dait en Alsace une ai'mée destinée à
530
VIL
soutenir la sienne dans la campagne
qui allait s'ouvrir ( l'joO). IM;usiu
protendait que les iuondatious l'em-
pcchaieut d'agir : Villa rs, pour toute
réponse, crie mardi oji s! et se jette
le premier à l'eau. L'ennemi décon-
certe se laisse forcer dans Laulcr-
bourg et dans Hagueuau , où il avait
son artillerie de réserve et des muni-
tions immenses. Au moment où le
maréchal s'apprêtait à tirer parti de
ces avantages. la funeste bataille de
Eamillies , perdue en Flandre par
"Villeroi, vint changer toutes ses dis-
pc^itions. Le ministre Cliamillard
lui retira ses meilleures troupes, et
lui olfrit d'aller cornuiriuder, sous
le duc d'Orleauj. l'armée que le duc
de Vendôme laissait en Lumbardie,
pour prendie le comm.iiideiuent de
ceî!e de Villeroi. Désespéré de cet
arrangement qui contrariait toutes ses
vues. Villars écrivit une lettre fort
adroite au roi ; et il obtint que eefùt
Marsinqui allât rejoindre leducd'Or-
léaus en Italie. La faiblesse du corps
du maréclial semblait le condamner
à l'inaction ; mais déjà il méditait le
coup le plus hardi. Les Impéj-iaux.
occupaient les fameuses lignes de
Stolhollen, à quelques lieues au-des-
sous de Strasbourg. Ces lignes étaient
formées, le long du Rhin qui les cou-
vrait , de doubles retrancliemenls éle-
vés en amphithéâtre et flanqués de
grosses redoutes. Depuis Stolhof-
fen , elles retoiirnaient en équerre
jusqu'aux montagnes. Cet immense
camp retranché était défendu par
une nombreuse artillerie et par une
armée de plus de quarante mille
hommes. Une faute du général enne-
mi fut bientôt aperçue par Villars ,
avec celte rapidité de coup-d'reil qui
le caractérisait. Son adversaire avait
négligé d'occuper l'île de Neubourg,
entre Laiiterbourg et H.igenbach : le
VIL
maréchal s'en empare et s'en sert
pour masquer les mouvements d'rme
iloltille de bateaux qu'il avait prépa-
rée. Lorsque tous ses apprêts sont
terminés , il donne un grand bal aux
dames de Strasbourg. Au milieu mè-
niedela fête, il prend à part ses of-
ficiers-généraux , et leur ordonne
d'aller se mettre sur-le-champ
à la tête des colonnes (|u'il leur a
destinées. Il quitte lui-même le bal au
point du jour, et se montre sur le
pont de Kehl, avec tout son état-
major, pour induire les Impériaux
à penser que c'est de ce coté qu'il
médite son attaque principale. Ils fu-
rent promptementdétrompés: la flot-
tille française débarque, sur le front
même de leurs lignes, un corps qui
les emporte avec une audace incon-
cevable; pendant ce temps, d'autres
colonnes les tournent ; et bientôt l'en-
nemi est tellement fiappé d'épou-
vante , qu'il se hâte de gagner le pied
des montagnes , abandonnant son
camp tout tendu. Les Français y
trouvèrent cent soixante pièces de
canon, d'immenses quantités de vi-
vres et de munitions, et jusqu'à des
magasins d'habillements ( 'i3 mai
l'jo'j ). Le soir même, le maréchal
établit son quartier-général à Ras-
tadt; le lendemain, il occupe Stutt-
gard, et pousse en Franconie et en
Souabe des partis qui mettent à con-
tribution plus de cinquante lieues de
pays. Ainsi furent tellement réparés
les désastres de la seconde bataille
d'Hochstett, par celui qui avait ga-
gné la première, qu'il exigea le paie-
ment de tout ce qui était du aux ar-
mées françaises avant celte malheu-
reuse journée. En se voyant de nou-
veau au cœur de l'Allemagne, Vil-
lars conçut lui jirojet qui devait sou-
rire à son imagination ardente. Char-
les XI 1 , après avoir fait élire Stanis-
VIL
las roi de Pologne, était vciui, celle
aiuiec ijicmc ( 1707 ), occuper la
Saxe avec des forces redoulaLlcs.
Villars, plein d'espoir dans le carac-
tère aveiifui'cux. du monarque sué-
dois , s'einjiressa de lui faire propo-
ser de joindre ses troupes à celles de
Lonis XIV. Le point do reunion de-
vait être Nuremberg ; delà les Fran-
çais et les Suédois réunis se portaient
rapidement sur Ratisbonne, s'em-
paraient du cours du Danube , et
marchaient droit sur Vienne. Se-
lon toutes les probabilités , c'était
fait de l'Autriche, et Charles XII
aurait eu la gloire d'achever ce
qu'avait tenlë Gustave - Adolj)he.
« Charles, dit Villars, repondit très-
» poliment a ma proposition , m'en-
)) Yoya son portrait avec des com-
)) pliments trc.s-gracieux et très-llat-
» leurs; mais il ne me donna aucune
» espérance de jonction ni de con-
» cert pour la guerre. J'ai su depuis
» que son principal ministre , le
» comte Piper, avait cte gagne' par
» Marlborougli (6),etqu'i[ porta ce
» prince , intrépide et jaloux de la
» gloire d'Alexandre , à entreprcn-
» dre sa fatale expédition de Rus-
w sic. » Au chagrin de se voir force'
de renoncer à un plan si séduisant ,
le maréchal en joignit un autre plus
réel. Le ministre lui retira brusque-
ment une partie de ses troupes , pour
les envoyer au secours de la Proven-
ce , menacée par l'ennemi. Avant
de se mettre sur la défensive, Vil-
lars eut soin d'épuiser les ressources
(6) Ce trait confirme ce qui a été dit dans une
note de l'article de Marlboroit^h , que ce général
célèhre ne négligeait pas de seincr l'or pour prépa-
rer ses succès, ou pour prévetiir des coups funes-
tes. Vollaire, dans son Histoire de (Iharles XII, ne
parle que très -succinctement des Intrigues de
Marlliorough auprès de ce prince. Seliui lui , ce
ne serait pas au comte Piper qu'il se serait adressé,
mais au couite de Gœrtz , qui rommeneait à jouir
de la conliunee particulière du béros suédois.
VIL 537
des pays qu'il évacuait; et ses agents
s'acquittèrent si bien de cette mission,
que, l'année française entretenue et
soldée pendant toute la campagne ,
il resta encore au maréchal de quoi
engraisser son veau. Ce sont les pro-
pres termes dont il .se servit en écri-
vant à Louis XIV, qui lui répondit
obligeamment qu'il n'avait fait que
prévenir ses intentions. LTn courtisan
s'étant permis de dire : « 11 faut
» convenir que M. de Villars fait
» bien ses afl'aircs ! — Oui , répliqua le
» roi ; mais i! faut convenir aussi qu'il
» fait bien les miennes. » En eOet , si
le maréchal repassa le Rhin, par ordre
exprès du roi , et malgré les repré-
sentations qu'il lui avait adressées (7),
ce ne fut qu'après avoir fait respec-
ter ses armes depuis le lac de Con-
stance jusqu'à Mavence , et depuis
Francfort et Philij)sbourg jusqu'à
Nuremberg , dans une étendue de
plus de trois cents lieues de pays. II
semblait que le sort de Villars fût
de changer sans cesse de destination,
parce que le roi l'envoyait partout
où il y avait du danger. 11 le fit donc
passer de l'armée du Rhin à celle qui
seras>-emblait enDauphiné, pour te-
nir tête au duc de Savoie qui mena-
çait toute la frontière depuis la Bresse
jusqu'à la mer. Le maréchal n'avait
que seize mille hommes à lui oppo-
ser ; le roi lui exprima des inquié-
tudes : « Sire, répondit-il, j'ai ajipris
» du grand Condé que s'il est permis
» de craindre les ennemis quand ils
» sont loin, il faut les mépriser quand
» ils sont ])rès. » Le duc de Savoie
paraissait hésiter sur son point d'at-
(^'l Ce ne fut donc point l'électeur d'Hanovre,
coui!ne le prétend le président Hénault, quiyn/fn
Villars à repasser le fleuve. On ne saurait, en gé-
néral, trop se tenir en garde contre les écrivain.*
non militaires qui se mêlent de retracer des opéra-
tions de guerre.
538
VIL
laque: Villars prit le parti de le prc-
veuir , et cette audace lui réussit. Il
pénétra daus le Piémont par la val-
lée de la Doire; mais la làclietc du
c;ouvcrueur d'Exilo , qu'il fit dégra-
der par la main du bourreau , et
rabondancc ])recoce des neiges le
l'orcèrent à terminer ])roniptemont
cette campagne 1708). iMais déjà
la frontière de Flandre était eu dan-
^er : l'ennemi assiégeait Lille ; \i\-
lars fut mande à Versailles. « Que
» fnut-jl faire? lui dit le roi. — Donner
» bataille pour dégager Lille , rc-
» pondit le maréchal. Tiuenne, uo-
>) tre maîtreàtous, avait pour maxi-
» me qu'il faut condjaltre pour sau-
» ver les places de première ligne ,
» j)arce que plus tard un se verra
» toujours forcé de combattre pour
» celles de la seconde. » Mais la
plus déplorable mcsinlelligrncc ré-
gnait parmi les généraux de l'armcc
de Flandre , a et Lille , dit Villars ,
» fut assiégée et prise contre toutes
M les règles de la guerre.» L'allreuse
disette (pii suivit l'Iiiver de 1709
réduisit les troupes françaises à un
c'tat de détresse et de misère , dont
les détails font encore frémir. Les
soldats vendaient leurs liabits et jus-
qu'à leurs armes pour avoir du pain.
Louis XIV leur envoya Villars com-
me sa dernière ressource. C'est dans
celte terrible crise qu'il faut admirer
la fermeté d'ame et la fécondité d'es-
prit de ce vrai modèle du guerrier
français. Il passait une partie du
jour dans la chambrée ou sous la
tente du soldat , mangeant du pain
d'avoine avec lui et lui communi-
quant par ses discours son exalta-
tion chevaleresque et son inépuisable
gaîté. Le moment d'ouvrir la cam-
pagne étant arrivé, il courut à Ver-
sailles prendre les derniers ordres
du roi : « Je mets ma conliaucc en
VIL
» Dieu et en vous , lui dit le monar-
» que, eu l'embrassant; mais je ne
» puis rien vous ordonner , puisque
» je ne puis «rien vous donner. » M""^.
de Maintcnun, désespérée , lui offrit
de renvover Chainillard. « Le mal
» est fait , répondit le maréchal, il
» peut rester. » \ diars retourne aus-
sitôt à la tète de ses troupes , qui lui
disaient gaîmcnt : Paiiem noslrum
(/iiotidiarmm da tiobis hodiè. Le
prince Eugène et Marlborough s'a-
vancent avec une armée plus que
duublede la sienne, et assiègent Tour-
nai. 11 occupait nue ligue fojlement
retranchée depuis Lens jusqu'à La
lîassée. C'est daus ce moment que le
maréchal de Loulilers , son ancien,
eut la générosité de venir se mettre
sous ses ordres , comme simple vo-
lontaire. Tournai rendu plus tôt que
ne l'espérait Villars, il juge une gran-
de bataille inévitable, et il fait ses
dispositions pour recevoir les alliés
entre Aulnois et INIalplaqueî, sur la
gauche de IJavay , endroit assez ou-
vert pour donner à l'ennemi l'envie
de s'y enfoncer , mais assez bien
garni de bois sur les côtés , ])our
n'être pas accablé ])ar le nombre.
Jugeant <|ue les principaux elforts des
alliés seraient dirigés contre sa gau-
che, Villars prend lui-même le com-
mandementde cette aile. Enle voyant
paraître, les soldats crient vive le
roi , et jettent lepain qu'on venait de
leur distribuer. Le maréchal laisse
les premières colonnes d'infanterie
anglaise s'engager dans les bois de
Sart , les charge à propos et les
écrase. 11 se disposait à passer au
centre, lorsqu'un coup de fusil abat
son cheval ; au moment où il se re-
lîve , un autre lui casse le genou. Il
.se Lit panser sur la place , et porté
Mir unbrancaid il continue à donner
ses ordres. IMais bientôt la douleur
VIL
le fait évanouir, et on l'emporte sAns
connaissance au Qucsnoi. Il n'y avait
pas plus d'une heure (pic la bataille
était coramence'e. Pendant ce temps,
la droite, commandée par le maré-
chal de Boulllcrs, ne repoussait pas
avec moins de vigueur les attarpics
rcitc'rc'cs du prince Eup;(ne. L'infan-
terie hollandaise fut chargée la haïoa-
nctte au bout du fusil et |)rcsque cn-
ticrenici.t dctnutc. ]\Iais , tandis que
les deux ailes étaient vicloriciiscs , le
centre, commandé par un olUcier-
genc'ral qui fut tue à la jircmière dé-
charge , tomba dans le désordre.
Marlborough en prolila , et pénétra
entre les deux ailes. Il faillit payer
cher un succès aussi hasardé : le ma-
réchal de Boulllcrs accomut avec la
maison du r(ù , et reprit tout le ter-
rain perdu. Si , dans ce moment ,
comme le dit Yillars lui-même, Tof-
licicr-général qui était resté à la droite
eût cédé aux instances de tous les
chefs de corps ^ qui le pressaient de
fondre sur le liane de la colonne en-
nemie , la bataille était gagnée. Mais
les deux ailes necommuui(iuant plus
ensemble, il fallut se décider à lare-
traite. Elle se lit en bon ordre sur le
Quesnoi et Valenciennes. Eugène et
Marlborough étaient hors d'état de
poursuivre un avantage acheté au
prix de tant de sang. Le champ de
bataille était couvert de trente-cinq
mille hommes de leurs meilleures trou-
pes, tant tués que blessés. Ils nommè-
rent eux-mcmes cette terrible journée
( II septembre 1709) une bouche-
rie, dans les relations qu'ils envoyè-
rent à leurs cours. Les Français n'eu-
rent pas à regretter plus de sept à
huit mille hommes , et, ce qui est à
remarquer, ils emportèrent trois fois
plus de drapeaux à l'ennemi qu'ils
n'en laissèrent entre ses mains. Yil-
lars , en apprenant sur sou lit de dou-
VIL 539
leur l'issue de la journée , voulait
que l'on reprît l'ollènsive dès le len-
demain. Mais déjà les alliés rétro-
gradaient pour aller faire le siège de
Mons. La blessure du maréchal prit
un caractère alarmant : on parla de
lui amputer la cuisse; il se prépara
à la mort. Les chirurgiens , voulant
néanmoins s'assurer par leurs yeux
de l'état de la plaie, recoururent au
cruel expédient de découvrir et de
racler l'os de la jambe. Au bout de
quarante jours, il se fit transportera
Paris. Louis XIV lui témoigna un
vif désir de le recevoir dans le châ-
teau de Versailles, où il lui lit don-
ner l'appartement du prince de Coa-
ti. Le roi l'y honora aussitôt de sa
visite, et lui annonça qu'il le nommait
pair de France , après lui avoir ex-
primé sa reconnaissance de ses ser-
vices, et la confiance sans bornes
qu'il ])laçait dans ses lumières et son
zèle. M""', de INlaintenon venait tous
les jours passer une heure avec le
maréchal , et les courtisans les plus
envieux de sa gloire remplissaient
son antichambre. A peine guéri , et
ne ]iouvant monter à cheval qu'à
l'aide d'un appareil de fer qui lui
emboitail le genou , Villars va re-
prendre le commandement de son
armée. Il s'attache à y rappeler cette
gaîté qui , dit-il , « est l'amc de la
» nation , » et c'est sur ce ton qu'il
écrii à Eugène et Marlborough , pour
leur proposer de terminer cette lon-
gue guerre par nne bonne bataille
en plaine. Les généraux français et
ceux des alliés se rencontraient quel-
quefois de si près à leurs avant-
postes sur la Scarpe, qu'ils s'abor-
daient et s'entretenaient avec cour-
toisie. Le prince de HesbC, qui régna
depuis en Suède sous le nom de Fré-
déric P"". , eut une longue conversa-
lion avec le maréchal, et ne fit au-
54o
VIL
cime difllciilté de lui avouer que sans
la blessure qui l'avait force de quitter
le champ de bataille dcMalplaqnet ,
la victoire était à lui. Pour occuper
les loisirs que lui laissait le peu d'ac-
tivité de cette campagne (l'^io),
Villars, de l'aveu du roi, entretenait
une correspondance avec les nëp;ocia-
teurs français qui étaient à la Haye
ou à Gertruvdcnbcrf;. Outré de la
dureté et de l'insolence des alliés , il
regardait comme flétrivsante toute
paix basée sur des conditions aussi
rigoureuses. Mais , au moment mê-
me où il exprimait le plus vif désir
de terminer la contestation sur le
champ de bataille, sa blessure rou-
verte par les fatigues devint si dou-
loureuse et si alarmante , qu'il se vit
contraint de supplier le roi de lui
donner im successeur , et il désigna
le maréchal de Berwick comme le
plus capable. Mais il vit arriver le
maréchal d'Ilarcourt : il lui remit le
commandement, et partit pour les
eaux de Buurbonne qui lui furent
très - salutaires. Au printemps de
171 1 , il était de nouveau à la tète
de son armée , séparée de celle des
alliés par la petite rivière de la Cen-
sée. Villars profita de cette proximité
pour faire voir fréquemment aux
troupes anglaises le prétendant , fils
de Jacques II , qui servait dans l'ar-
mée française sous le nom de cheva-
lier de Saint-Georges ( V. Stuart ,
XLIV, 90). Leduc de Marlborough
envoya plusieurs fois assurer ce jeune
prince de sou dévouement, en le priant
toutefois d'être extrêmement circons-
pect , en attendant le jour où ses
partisans pourraient agir ouverte-
ment. Villars sollicitait toujours ,
sans l'obtenir, la permission de don-
ner une grande bataille , pour sauver
Arras , menac(" par l'ennemi. Il se
contenta de reprendre le château
VIL
d'Arleux, et d'enlever un camp au-
trichien sous le canon de Douai ,
qui s'était rendu l'année précédente.
Le roi , selon sou usage , manda Vil-
lars après la campagne. Il se plut à
lui témoigner hautement sa satisfac-
tion , en présence des clahaudcurs ,
car c est ainsi que le monarque lui-
même désigna les envieux qui s'a-
charnaient à décrier toiiles les ac-
tions du plus'xélé de ses serviteurs.
Il l'honora de plusieurs entretiens
particuliers, dout Villars nous a con-
servé des extraits fidèles, et où se
peint parfaitement la grande ame
d'un prince éprouvé par les plus
cruelles adversités. Une mort sou-
daine moissonna toute sa famille,
pendant que l'ennemi renversait l'une
après l'autre toutes les barrières qui
défendaient le cœur du royaume.
Villars fut admis auprès de lui dans
ce moment même : « Des larmes , dit
» le maréchal, s'échappaient de ses
» yeux ; mais je ne lui parlais jamais
» de ses malheurs domestiques qu'il
» ne m'interrompît , pour me dire :
» Oublions mes peines, et ne son-
» geons qu'à sauver la France I » Ce
fut aus^^i lorsque le maréchal prit
congé du roi pour aller tenter un
dernier elTort, que ce grand prin-
ce lui dit ces paroles célèbres : « Si
» mon armée est vaincue, retirez-
» vous derrière la Somme j cette ri-
» vièrc est très-diflicile à passer •
» j'irai vous rejoindre, et là nous
» sauverons l'État, ou nous périrons
» ensemble. » A peine rendu à la tê-
te de ses troupes , Villars apprend
que le gouverneur du Quesuoi a
capitulé honteusement , et que déjà
le prince Eugène a investi Landrc-
cies. De tous les moyens de sauver
cette place , dont la prise ouvrait à
l'ennemi l'entrée de la Picardie et de
la Champagne, le maréchal donna
VIL
la prefc'rcnce à l'attaque du camp
retr.inclic de Deiiain sur l'Escaut,
positiun formidable qui assurait aux.
allies leurs communications avec
Marcliienncs , d'où ils tiraient les
provisions de guerre et de bouche
nécessaires à la continuation du sie'-
ge. Mais le succès d'un coup de main
aussi hardi dépendait du plus pro-
iond secret : il fallait tromper le
prince Engine , et, comme le dit Vil-
lars , lrom])er l'armée française elle-
même. Il la met donc en mouvement
sur sa droite ; tous ses ollJciers-gené-
raux croient qu'il veut forcer les li-
gnes de Landrecies; mais tout-à-coup
il fait oblique à gauche, jette des
ponts sur l'Kscaul, et le passe. Des
marais inondés étaient au-delà ; l'in-
fanterie les traverse ayant de l'eau
juscpi'à la ceinture, et l'on arrive
enlin à ces fameuses lignes que, dans
l'orgueil produit par de longs triom-
phes, les alliés appelaient le i^rand
chemin de Paris. C'était une suite
non interrompue de retranchements
et de redoutes parallèles , qui s'éten-
dait dans lui espace de plus de tiois
lieues, et toujours en s'éiargissaut ,
depuis IMarchiennes jusqu'à Denain.
Tous les convois de l'ennemi pas-
saient à couvert entre ces deux licnes.
et le tout formait un ensemble colos-
sal , dont on trouverait dillicilemeut
un autre exemple dans l'histoire des
guerres modernes. Les redoutes sont
emportées avec une telle rapidité,
que bientôt l'infanterie française se
range en bataille sur le terrain com-
pris entre les deux lignes Villars s'é-
tuunait de ne pas voir arriver l'en-
nemi , lorsqu'il aperçut ses colonnes
qui se portaient en toute hâte vers
Denain, où venaient de se concen-
trer vingt bataillons expulsés des li-
gnes. Ce poste était couvert pareille-
ment de retranchements palissades :
VIL
541
il en résultait que la position des
Français était vraiment singulière.
Ils se trouvaient, en quelque sorte,
entre deux feux , resserrés sur leur
gauche par Marcliiennes , et sur leur
droite par Denain. C'est de la pos-
session de ce dernier point que doit
dépendre le sort de la journée : le
maréchal marche donc, sans j)erdre
ini instant, aux retranchements de
Denain. Il les trouve couverts d'un
fossé; mais rien n'arrête l'impétuo-
sité de ses grenadiers. Tout ce qui
ne tombe pas sous leurs coups est
forcé de mettre bas les armes; Vil-
lars voit aux pieds de son cheval le duc
d'Albermale , (ils du célèbre IMonk,
qui commandait le cam[) de De-
nain , et avec lui plusieuis princes de
l'empire et des généraux allemands.
Le maréchal ordonne au comte de
Hroglie de se porter rapidement sur
IMarchiennes, pendant (ju'il va lui-
même au-devant du prince Engine ,
qui arrive sur l'Esciut. Eugène veut
profiter d'un pont qui n'a pas été
rompu ; il ordonne attaque sur atta-
que ; Villars les repousse toutes ; le
prince se retire désespéré, après
avoir fait hacher en pure perte l'élite
de ses troupes (8). Telle fut, en
abrégé, cette journée de Denain, si
justement fameuse ^u4 juillet j-iu)
(9). « Si le maréchal de Villars ,
» dit Voltaire , avait joui de cette fa-
» veur populaire qu'ont eue quelques
(8) Plusieurs ccrivains oui rapporté que , dau.s
sa rage de voir les i'rauçais si cumpletemeut vic-
torieux, Lugène mordait ses gants et se répandait
en imprécations.
(ql Louis XVI, en 1781, fit ériger sur la roule
de Paris à Valeucicnues, à l'endroit où aboutit le
chemin de Denain, une pyramide de trente pieds ,
sur laquelle on grava ces vers de la Henriade :
Kcg^rdez dans Denaiu Taudacieux Villars ,
Disputant le tonnerre à l'aigle des Césars.
On observa , dans le temps , qu'il eût été plus juste
de dire ; Arrachant le tonnerre. Les révolution-
uaires abattirent ce monument si glorieux pour la
France : il a été relevé depuis la restauration.
54^
VIL
» autres généraux , on rcùt procla-
» me à baille voix le saui'ciir de la
») France; mais on avouait ta peine
» les obligations qu'on lui avait, et
» dans la joie publique d'un succès
» inespéré , l'envie prédominait en-
» core. » Villars ne repondit à ses
envieux que par de nouveaux triom-
phes : jamais gc'ne'ral ne prolita plus
complètement d'une grande victoire.
Les allies avalent fortilic IMarclnen-
nesavec soin, comme leur principale
place d'armes. Villars remporte en
quatre jours; tous les magasins, tou-
te l'artillerie de réserve du piince
Eugène tombent entre ses mains.
Il s'empare avec la même rapidité
de Douai , du fort de Scarpe , du
Quesnoi, de Boucliain et de St.-
Amand ; il fait mettre bas les armes
à plus de cinquante bataillons : trente
généraux sont >cs prisonniers. Tant
de travaux glorieux s'accomplirent
en soixante-cinq jours. Engine , qui
avait levé précipitamment le siège de
I>andrecies , après avoir fait quelques
démonstrations impuissantes pour
sauver ses conquêtes , avait abandon-
né le terrain à son vainqueur , et s'é-
tait retiré jusque sous les murs de
Bruxelles. Villars , n'ayant plus d'en-
nemis à combattre, se rendit à Ver-
sailles. Sa réception y fut singulière.
Louis XIV , dont le dépérissement
était sensible, avait eu plusieurs éva-
nouissements dans la journée; à pei-
ne eut-il l'air de reconnaître le ma-
réchal. Les courtisans jouissaient de
cette indillerencc apparente; mais la
scène changea totalement le lende-
main. Le roi embrassa le triom]dia-
teur devant toute la cour , en lui ré-
pétant plusieurs fois : « M. le maré-
» chai , vous nous avez sauvés tous.»
H'tn^ nomination au gouvernement de
Provence lui fut annoncée par une let-
tre plus flatteuse encore que cette fa-
VIL
veur.L'Angleterrectla Hollande firent
leur paix séparée, pciulant l'hiver.
L'Autriche seule ne voulut pas signer
le ti-aité d'Utrecht (i-j i3). Confus et
irrité de ses dernières défaites, le
priiiccEugène abusa de sou iniluence
sur l'empereur Joseph 1er., pour le
décider à continuer seul la guerre
contre Louis XIV. Villars, croyant
qu'il lui serait permis désormais de
goûter le repos , s'était déjà déf lit de
ses écpiipages de campagne. Le roi
lui annonce toiit-à-coup qu'il a enco-
re besoin de ses services. Le maré-
chal se rend aussitôt à Strasbourg ,
])asse le llhin , le repasse, la nuit sui-
vante, à Lauterbourg , se met à la tê-
te de son infanterie, et malgré son
âge de soixante ans, fait seize lieues
à pied, en vingt heures , pour donner
l'exemple. 11 entre si brusquement à
S])ire, que 'les magistrats le prirent
d'abord pour le prince Eugène. Lan-
dau est investi. Le prince de Wur-
tendjcrg defeiulait cette place avec
douze mille hommes d'élite. Villars,
qui se plaisait singulièrement à diri-
ger les sièges en personne , refuse
toute capitulation , et force les Impé-
riaux de se rendre à discrétion. Eu-
gène n'avait osé rien entre[)rendre
pour secourir Landau; le maréchal
ne le retrouva devant lui que lors-
qu'il mano'uvra pour former l'inves-
tissement de Friboiirg. Il le délogea
de plusieurs positions très - fortes ,
dans les gorges des montagnes. Celle
de Roscoir, par son escarpement pa-
lissade et sa liaison avec le fort Saint-
Pierre, présentait des obstacles pres-
que insurmontables. Un lieutenant-
général , chargé de l'attaque, de-
mande des pioches, des gabions , des
fascines. « Rien de tout cela , répond
» \ illars, des hommes I » Son che-
val ne ])ouvant gravir le rocher , il
met pied à terre, grimpe, soutenu
vu-
par Jeux grenadiers et suivi du duc
de liourbon et du prince de Couti.
•La position est enlevée, et la tran-
cliée ouverte devant Fribourg , dont
la garnison n'était pas moindre de
dix. -neuf bataillons. L'extrême im-
portance de la place détermina enlin
le prince Kugène à faire une démons-
tration pour la délivrer. Villars n'en
devient que plus ardent : il attaque
en personne le chemin couvert, et re-
çoit dans la hanche un coup de pier-
re si violent , que ses habits en furent
perces. Le jeune duc de Richelieu ,
son aide-de-canip, y fut blesse d'une
balle, à ses côtes. Le prince l'-ugine
vit ce terrible combat des hauteurs
deHohlgraf. 11 y resta un jour en-
tier, et disparut le lendemain. La
ville ne pouvant plus tenir , le gou-
verneur se réfugia dans le ch.àteau,
en abandonnant cinq mille blesses.
Le maréchal lui d!eclara que c'était à
lui à les nourrir. Le gouverneur ré-
pondit que le maréchal ne pouvait
refuser du pain ta des chrclions tom-
bes en son pouvoir, u Mais , répliqua
;) Villars , les Français sont aussi des
» chrétiens • et vous trouverez bon
» que je nourrisse les soldats de mon
» souverain de préférence à ceux du
» vôtre. » L'Autrichien fut donc for-
cé d'envoyer, chaque jour, du châ-
teau les subsistances nécessaires à ces
cinq mille hommes. 11 demanda la
libre sortie pour les femmes des oili-
ciers , qui étaient en assez grand nom-
bre. Villars s'y refusa. Il apprit que
les dames de la cour blâmaient sa
fermeté : « Je ne suis plus d'âge à
» leur plaire, répondit-il ; mais si le
» roi est content de moi, cela me
» suffit. » Le gouverneur obtint bien-
tôt du prince Eugène la permission
de se rendre ( i6 novembre i-j i3 ).
Cette importante conquête termina la
campagne. Eugène lit aussitôt pro-
VI L 543
poser h Villars de se rendre à Ras-
tadt, pour y traiter de la paix. Les
deux héros se comblèrent récipro-
((uement de témoignages d'estime et
d'amitié. « Néanmoins, dit Villars ,
» pour ne pas perdre l'habitude de
» batailler, nous jouions au piquet
» tous les soirs. » Les plus grands
intérêts étaient réglés, lorsque l'obs-
tination du roi d'Espagne à deman-
der une principauté en Flandre j)our
la princesse des Ursins faillit faire
échouer les négociations. Filles se pro-
longèrent pendant plus de trois mois.
Les préliminaires de la paix furent
enfin signés le 7 mars 17 i4; et les
deux négociateurs se séparèrent ,
après s'être donné de nouvelles as-
surances d'un attachement sincère
( I o).Deux particularités très-remar-
quabîcs de cette époque ne doivent
pas être omises. Pendant et après les
négociations de Rastadt, Villars sol-
licita, par l'entremise de IM'"*^". de
Maintenon , l'épée de connétable ,
« afin , disait- il , de n'avoir pas l'af-
» froîit d'i tre précédé par le maré-
» chai de ^ illeroi (11). » Un fait
beaucoup plus important est que Vil-
lars avait stipulé des articles secrets,
qui tendaient à exclure du trône de
France le duc d'Orléans , et à con-
server les droits de Philippe V et de
la branche d'iispagne. Lorsque le ré-
gent fut investi du pouvoir, le maré-
chal se trouva fort heureux de pou-
voir lui prouver , par des pièces au-
thentiques, qu'il n'avait agi que d'a-
près les mstructious précises de Louis
(10) On frappa à iViircmhprei une racdaille por-
tant les efligics de Villars et d'Eugène en regard,
avec celte légende : Olin, duo fulmina bclU , et,
sur le revers, JSutic imlrunienta tjuietis.
(11) Lemontey, qui a rapporté cette anecdote
dans sa Monarchie de T.ouii XIV, ne parle que
d'une lettre de Villars i M™";, de Maintenon , du
i4 septembre 1714- n parait avuir ignnre qu'il y
avait déj.'i eu une lettre sur ce sujit , le 12 ûecftu-
lire précèdent.
544
VIL
XIV ( 1 2). De retour à Versailles, le
maréchal reiiouv'ela de vive voix ses
instances auprès du roi , tant pour
l'épée de counétab'e que pour ses en-
trées au conseil. Le monarque adou-
cit ses refus constants par la grâce
qui accompagnait tous ses discours.
Il chassait un jour, et, contre sa
coutume, il avait manqué plusieurs
coups. Le maréchal survient ; et aus-
sitôt le roi , en sa présence , abat suc-
cessivement quatre pièces de gibier :
« Partout où vous êtes, dit- il en se
» tournant vers Viilars , mes armes
» sont heureuses. » Il lui remit la
Toison-d'Or , de la part du roi d'Es-
pagne j et ce fut au même instant que
le maréchal reçut nue distinction à
laquelle il était loin de s'attendre.
L'académie française le pria d'ic-
ccpterun de ses fauteuils. 11 se mon-
tra fort sensible à cette prévenance ,
et se mit aussitôt à composer son
discours de réception. Il demanda
au roi la permission d'y ini-érer ce
que ce prince lui avait dit, avant la
bataille de Dcnain , sur sa résolution
de périr à la tète de son armée, plu-
tôt que de livrer sa capitale à l'en-
nemi. La réponse de Louis XIV fut
dictée par le sens exquis qu'il mettait
dans toutes ses paroles : « On ne croi-
» ra jamais, M. le maréchal, lui dit-
» il, que vous parliez sans mon aveu
» de ce qui s'est passé entre vous et
» moi. Vous le permettre et vous
1) l'ordonner serait donc une même
» chose; et je ne veux pas que l'on
» puisse penser l'un ou l'autre. »
Le discours du maréchal fut fort
goûté et devait l'être. 11 se borna à
faire , en quelques phrases , l'éloge
de Louis XIV et celui de la valeur
française. Le chancelier de l'acadé-
(t9.^ Voyez J^it du duc d'Orléans régent
toui. i^f. , p. 117.
VIL
mie lui dit qu'il regrettait de ne pas
être un Cicéron pour répondre à un
César. Le maréchal s'était mis eu
route pour se rendre dans son gou-
vernement de Provence , lorsqu'il
apprit que l'état de santé du roi
donnait des inquiéturles. 11 aimait
sincciomcnt Louis XIV , parce que
ce prince , comme il le répéta sou-
vent , était dans son intérieur le
meilleur et le plus généreux des maî-
tres. Il revint précipitamment à la
cour ; il y fut témoin des derniers
moments de ce monarque qui ne fut
jamais j)lus grand que lorsqu'il fal-
lut renoncer à toutes les grandeurs
de ce monde. Villai-s honora sa mé-
moire par de sincères regrets ; et
quoique le duc d'Orléans le nommât
membre du conseil de régence , il se
prononça dans les scance.> du parle-
ment contre toutes les innovations
contraires aux intentions du feu roi.
Ce fut à cette époque qu'il exécuta
le projet qu'il avait formé de visiter,
dans le plus grand détail , son gou-
vernement de Provence. Il s'arrêta
dans cliaque ville assez, long-temj)s
pour connaître ses besoins ; il suivit
avec attention le cours du Rhône , et
fît consentir les états à la construction
d'un canal plus favorable à la naviga-
tion , qui reçut le nom de canal de
Fillars (i3). Il vit le prétendant à
Avignon, où ce malheureux prince
menait une vie très-inquiète , depuis
qu'il connaissait les liaisons secrètes
du régent avec le roi George. Le prin-
ce répéta au maréchal qu'il était très-
certain que la reine Anne , sa sœur ,
avait sincèrement désiré de le réta-
blir dans ses droits. Revenu à Paris ,
(i3") Ce fut dans celtetoiirnéc que les étals île la
province lui ayaut oflcrt le présent d'usage en pa-
reil cas , qui etaiL une somme d'argent eonsid râ-
ble , on lui fit considérer que le dur de Vendôme,
son prédécesseur, l'avait refusé : -i Oh ! dit-il, Mon-
sieur de V^>udùme était inimitable. «
VIL
Villars combattit hardiment , mais
sans succès , le nouveau système po-
litique dont l'abbé Dubois était l'au-
teur principal • système connu sous
le nom de la quadruple alliance ,
qui liait étroitement la France à
r Angleterre, et l'armait contre les
Bourbons d'Espagne , que, pour sur-
croît d'outrage , on voulait forcer à
y accéder. La cour du régent était
un foyer d'intrigues j le maréchal ne
tarda pas à découvrir qu'il y en
avait une dirigée conti-e lui-même.
L'abbé Dubois avait osé donner le
conseil de l'arrêter , pour se débarras-
ser d'un adversaire qui ne savait pas
plier. C'est ainsi, par exemple , que
le maréchal s'opposa énergiquement
aux désastreuses opérations de l'E-
cossais Law. Dubois aurait bien dé-
siré le faire comprendre parmi les
grands personnages impliqués dans
la conjuration du cardinal Alberonij
mais le maréchal , fort de son inno-
cence, intercéda ouvertement auprès
du régent en faveur de plusieurs de
ses amis , entre autres du jeune
duc de Richelieu qu'il retira de la
Bastille. Il eut la prudence de résis-
ter aux sollicitations des divers par-
tis qui cherchaient à s'appuyer de
son nom, et il montra presque autant
de dévouement à la personne du ré-
gent , qu'il en avait toujours témoi-
gné à Louis XIV. Par cette conduite
adroite il força le cardinal Dubois,
quiil avait bravé en plusieurs occa-
sions , à lui faire des avances aux-
quelles il ne répondit qu'avec une
grande réserve. Sa franchise mili-
taire plaisait au jeune roi qui lui
demandait souvent le récit de ses
actions les plus mémorables. Villars
profita de cette bienveillance natu-
relle pourrenouveler le projet favori
de son ambition. Comme il se trou-
vait, au sacre de Louis XV (172a),
XLVUl.
VIL
5A5
le plus ancien des maréchaux de Fran-
ce , les fonctions de connétable lui
furent dévolues. Il saisit la circons-
tance pour exposer au jeune monar-
que son vif désir de prolonger ce
rôle glorieux au-delà de la cérémo-
nie. Sa demande fut favorablement
accueillie : le roi , en lui adressant
la parole , l'appela plusieurs fois M.
le Connétable; mais Dubois, qui
craignait que cette haute dignité ne
lui donnât un rival trop puissant ,
s'empressa de représenter à Louis XV
que son bisaïeul avait juré de ne ja-
mais la rétablir. C'en fut assez pour
qu'on n'en parlât plus. Le régen!:
chercha à consoler le maréchal en le
nommant président d'une commis-
sion chargée d'examiner les comptes
du département de la guerre , où il
s'était commis de grandes mal-
versations. Villars n'ignorait pas
que ses envieux l'accusaient d'y
avoir pris part : aussi affecta-t-il de
répéter : « Pour moi , je ne me suis
» enrichi qu'aux dépens des eiine-
» mis du roi. » C'est vers le même
temps qu'il fut nommé par Philippe
V grand d'Espagne de première
classe , et qu'il vit son crédit s'aug-
menter par la mort du cardinal Du-
bois. Le régent , qui s'était déclaré
premier ministre, le consultait sur
tout ce qui concernait les départe-
ments de la guerre et des affaires
étrangères. Le duc de Bourbon , qui
succéda au duc d'Orléans , ne mon-
tra pas moins de confiance et d'af-
fection à Villars. Un seul homme
s'opposa à son admission au conseil
qui fut formé k cette époque , et cet
homme était l'abbé de Fleury , évc-
que de Fréjus, qu'il regardait com-
me son ami. Ce prélat,* qui n'avait
encore d'autre titre que celui de pré-
cepteur du roi , osa , malgré sa mo-
destie et sa modération apparentes ,
35
546
VIT.
déclarer en face à un héros qui avait
sauve la France qu'il était dctenni-
iiëàne point lui coder le pas. Yillars
se contenta de repondre qu'il n'avait
jamais tireTcpee contre les gens d'é-
glise. Le mariap,e du roi accrut l'im-
portance du raare'clial à la cour: Sta-
nislas avait recommande à sa (ille
d'avoir non-seulement les plus grands
égards pour le vieux guerrier , mais
même de prendre son avis sur toutes
choses : elle en reçut toujours d'ex-
cellents conseils. Le roi de Pologne
vint à Versailles, et lui donna des
marques de la plus haute considéra-
tion personnelle. 11 lui exprima plu-
sieurs fois son vif regret de ce que
Charles XII, en 1707, n'avait pas
su apprécier la proposition que lui
fai-sait le maréchal de marcher sur
Vienne, à la tète des Français et des
Suédois réunis. Mais la reine perdit
bientôt toute iniluence sur l'esprit de
son jeune époux , dont le cardinal de
Fleiuy s'était exclusivement empa-
ré. Yillars ressentit le contre-coup
de ce changement : il prolita d'un
instant que le hasard lui oll'rit, poiu-
exprimer au roi la profonde douleur
qu'il éprouvait en le voyant aussi
froid à son égard. Déjà formé à la
dissimulation, ce prince lui répon-
dit qu'il l'aimait toujours, mais il
prononça ces mots furlivcrai-nt , et
comme s'il eût craint d'ètic en-
tendu. Dans les séances du conseil ,
le maréchal soutenait quelquefois
son opinion avec une telle véhémen-
ce , qu'il crut, un jour, devoir dire
au roi : « Sire, je vois que je me
» fais des ennemis par ma chaleur à
» défendre vos intérêts , sans être
» sûr que Votre Majesté daigne m'en
» savoir ((iielque gré. » Le roi le ras-
sura par des paroles flatteuses; mais
le cardinal supportait impatiem-
ment un conseiller qui ne savait
VIL
rien dissimuler. Villars , de son
côté, souillant de voir le premier
ministre d'un roi de France dé-
vorer les allronts que lui faisaient
continuellement les ambassadeurs des
grandes puissances , prit sur lui de
leur dire un jour dans un repas où il
les avait rassemblés à dessein : « Vous
» devez penser, Messieurs , quç M. le
» cardinal de Fleury , dirigé par sa
» haute piété , ne donne jamais au
5) roi que des conseils paciliques.
» IMais vous devez croire aussi €[ue
» 8. M. saurait , dans l'occasion ,
» faire respecter son nom et l'hon-
» neur de la France. J'ai vu le feu
» roi entretenir cinq cent mille hom-
1) mes , et, de plus , une marine for-
» midable. J'ai porté trois fois les
» étendards français au-delà du Da-
» nube j et , sous moi , ou sous d'au-
» très , ils y retourneraient encore ,
» si quelque puissance forçait notre
» jeune monarque à prendre les ar-
» mes. » Ces paroles n'étaient pas
une vaine bravade : l'Autriche mé-
ditait évidemment de s'emparer de
tout ce qui avait appartenu à l'Es-
pagne en Italie ; et , pour rompre
ce dessein , la France venait de con-
clure un traité qui assurait le Mila-
nais au roi de Sardaignc. Le mare'-
chal avait conçu un plan très-vaste:
il voulait , d'abord, que l'on occu-
pât l'empereur en Pologne, en y op-
posant le roi Stanislas à l'électeur de
Saxe , son protégé. Le comte Mau-
rice de Saxe , depuis si célèbre , eut,
à cette occasion , plusieurs confé-
rences avec Villars pour lequel il
professait la plus haute estime. Le
maréchal proposait , en outre, d'at-
taquer Its possessions autrichiennes
sur le Rhin, pendant qu'une armée
combinée française et espagnole s'as-
sembiei'ait sous Turin , et pénétre-
rait en Lombardie. A la lecture de
VIL
ce projet , le cardinal de Flcury s'é-
pouvanta de la grandeur de l'entre-
prise. Il préferait , selon son usage ,
apaiser l'Autriche en lui donnant
des millions; mais la majorité du
conseil s'ctant rangée de l'avis de
Villars , il résolut de s'en vcnp,cr en
donnant au maréchal de Bervvick le
commandement de l'armée d'Alle-
magne. Il hésitait encore sur le choix
du général qu'il enverrait en Italie ,
lorsque le roi lui-même désigna Vil-
lars. Le ministre delà guerre, par sou
ordre, serendit chez lemaréciial pour
lui faire part des grâces extraordi-
naires qui accompagnaient sa nomi-
nation. Le roi, regrettant de ne pou-
voir rétablir en sa faveur la dignité
de connétable , l'élevait au grade de
marécJialf;énéral de France , titre
dont Turenne seul avait été revêtu.
Villars était dans sa quatre-vingt-
unième année ; mais en voyant la
carrière de la gloire s'ouvrir de nou-
veau devant lui , il sembla recouvrer
toute l'ardeur de sa jeunesse. Il par-
tit de Fontainebleau le 25 octobre
i'y32,pour s'éloigner de cette France
qu'il avait sauvée , et qu'il ne devait
plus revoir. Il fut reçu en triomphe
dans toutes les villes qu'il traversa.
Son chapeau était orné des cocardes
que lui avaient données les trois souve-
raines qu'il allait servir, les reines de
France, d'Espagne et de Sardaigne,
et que la première y avait attachées
de ses mains. A peine arrivé à Tu-
rin , il en repart aussitôt pour aller
prendre le commandement de l'ar-
mée. La saison était avancée, ell'on
regardait comme terminée la cam-
pagne ouverte par le roi de Sardai-
gne. Mais Villars , comme il le disait
gaîment lui-même , était trop vieux
pour attendre. C'est au cœur de l'hi-
ver même qu'il entreprend , et qu'il
accomplit la conquête du Milanais et
VIL
547
du duché de Mantoue. Il assiégea et
]irit avec sa rapidité ordinaire plu-
sieurs places importantes , telles que
Novarre, Tortone ,Guerra-d'Adda,
Pizzighitone et le château de Milan.
Déjà il se portait au pied des Al-
pes, pour fermer aux troiqies impé-
riales l'entrée de l'Italie , lorsque le
roi de Sardaigne , satisfait de la pos-
session du Milanais , envoie à ses
troupes la défense d'aller plus loin.
Villars désespéré de ce contre-temps
court en personne à Turin , pour dé-
montrer la vérité du principe qui
Acut que, pour conserver un pays
conquis, on pousse ses conquêtes au-
delà. La cour de Turin lui donna des
fêtes; la reine voulut qu'il ouvrit le
bal avec elle. Le maréchal se plai-
gnant du fardeau de ses quatre-vingt-
deux ans : « Oui , lui dit cette prin-
» cesse, en empruntant les paroles
» de Louis XIV au grand Condé ,
«> cela peut peser, mais moins qu'une
» forêt de lauriers.» La présence de
Villars opéra ce que n'eussent pu
faire toutes ses dépêches : non-seule-
ment il détermina le roi de Sardaigne
à continuer la guerre , mais il par-
vint même à l'emmener avec lui à
l'armée. Il avait promis à ce prince
de lui faire voir l'ennemi de près , et
il lui tint si rigoureusement parole
que , dans une reconnaissance , ils
furent l'un et l'autre sur le point
d'être tués ou pris. Villars ne con-
jura le péril qu'en chargeant les
Impériaux avec une audace et une
vigueur extraordinaires. On remar-
qua , en plusieurs autres occasions ,
que jamais il n'avait aussi téméraire-
ment exposé sa personne que dans
cette dernière campagne. Uu de ses
aides de-camp ayant cru devoir lui
en faire la représentation au siège de
Pizzighitone : « Jeune homme, lui
» répondit-il , vous auriez raison ^ si
35..
548
VIL
» j'étais à votre âge; mais à celui où
» je suis parvenu , que p«is-je cspé-
» rer de mieux qu'une mort çloneu-
» se? » Dans une autre circonstance,
il dit au roi de Sardaic;nc. qui s'cton-
naitde sa prodigieuse aclivilc : « Sire ,
» ce sont les dernières étincelles de
» ma vie : la guerre et moi sommes
» près de nous séparer , après une
» connaissance de jjIus de soixante
» ans :
)) C'est ainù qu'en pailanl ;e Imfais mes adiiix- »
Le prince auquel il adressait ces pa-
roles ne se montra pas plus re-
connaissant envers lui , (jue ne l'a-
vait été jadis l'électeur di- liavière.
Le héros français, justement indi-
gné , demanda son rapjjel , et re-
gretta de ne l'avoir pas demandé plus
tôt , lorsqu'il entendit le munanpie
qui lui avait de si grandes obliga-
tions lui dire pour tout remcrcîment
et tout adieu : « M. le maréchal, je
» vous souhaite un bon voyage. »
Villars, en repassant par Turin , se
sentit ttllcmcut épuise par les fati-
gnes de deux campagnes non inter-
rompues d'hiver et d'été, qu'il se
vit obligé de s'arrêter dans cette
ville. Bientôt il ne se dissimula plus
le danger de son état. Il demanda
un ecclésiastique , et lui dit en le pre-
nant aHectueusemcnt par la main :
« Vous voyc/, un vieux soldat qui
» ne comptait pas mourir entre
n les bras d'un j)rèlre ; mais Dieu
» le veut ainsi , pour ([uc je puisse
» confesser mes péchés , et en obte-
» nir le pardon. » En sortant d'un
des fréquents entretiens qu'il eut avec
lui , l'ecclési.istiquc dit tout haut :
« Le maréchal de Villars est aussi
w bon serviteur de Dieu qu'il l'a été
» de ses rois. » Ses dcrniei-s moments
furent adoucis par la nouvelle que
Louis XV venait de nommer sou
VIL
fils , le marquis de Villars , briga-
dier de ses armées. Il traça , d'une
main défaillante, quelques mets de
reconnaissance envers son souverain,
en le sup|iliant de trouver bon qu'il
osât lui doniicr encore une fois quel-
ques conseils sur la conduite de la
guerre. En apprenant que le maré-
chal de Berv.ick venait d'être tué
d'un coup de canon devant Philips-
bourg : « J'avais toujours bien dit ,
» s'écria-t-il , que cet homme-là était
» né plus heureux que moi I » Il ex-
pira quelques instants après (17 juin
i';34) , dans sa quatre-vingt-deuxiè-
me année. Le panégyrique le plus
éloquent de ce grand capitaine se
trouve dans les actions , ])our ainsi
dire innombrables , qui rempliient sa
longue carrière. On aurait peine à
citer un autre guerrier qui ait assisté
à un aussi grand nombre de sièges
et de batailles , qui ait remporté des
victoires aussi décisives que celles
de Slolholl'en et de Deiiain , et qui
ait su aussi bien en profiter. Une
extrême justesse de coup-d'œil , une
profonde pruilenre dans les mesures,
et une promptitude inou'ie dans l'exé-
cution forment le caractère distinc-
tif des talents qu'il fit briller dans
toutes les opérations qu'il dirigea en
chef. On ne saurait même omettre
ici une particularité très-remarqua-
ble : c'est que Villars déploya , dans
plusieurs attaques de place, les con-
naissances d'un ingénieur consom-
mé ( 1 4) , connaissances d'autant plus
étonnantes , qu'il avait fait ses pre-
mières armes dans la cavalerie. Sa
brillante valeur, sa gaîté intarissa-
ble au milieu des dangers et des pri-
(1 'l~\ BicnnelcproiivemieuxquclcMéirioirc qn'il
foiiiimsa pour le sirge tic Fribourg, en 17 13. Vnir
I» /'(■<: </h mnrcchal lie f'illnis, |>ar Anqueli) ,
inme 11 , p. 553.
VIL
valions ,1c faisaient adorer des sol-
dats et des olïicicrs snhallerncs. Il
n'en était pas de même des oUlciers-
ge'néraux. et des clicfs de corps , qu'il
astreignait à la subordination la j)his
rigoureuse. Cette sévérité , et plus
encore ime jactance naturelle , peu
digne d'un homme qui faisait de si
grandes choses , lui suscitèrent de
nombreux ennemis. 11 ne l'ignorait
pas, et, loin de chercher à desar-
mer leur liaine, il mettait son or-
gueil à labraver ( 1 5). Aussi est-ceaux.
préventions et à l'envie dont il fut
continuellement l'objet , au milieu
même de ses triomphes les plus e'cla-
lants , qu'il faut attribuer le peu de
justice qui lui fut rendu ]iar ses
contemporains. La trace de cette
malveillance subsiste même encore
chez, les historiens qui ont copie les
écrivains du temps , sans prendre la
peine d'examiner jus(pi'à ([uel point
leurs accusations étaient fondées.
Celle qui se trouve le plus souvent
répétée rej)résente Villars comme
extrêmement avide d'argent, et fort
peu délicat sur les moyens d'en amas-
ser : c'est cependant lui qui^ ainsi
que nous l'avons raj) porte plus haut,
voyant la pénurie des iinances dans
la guerre de la succession , voulut
faire à Louis XIV l'abandon des
émoluments de tous ses emplois et
dignités. C'est encore lui qui, dans
la même guerre , touché de la dé-
tresse des ofllcicrs qui n'ctaient.point
payés de leurs appointements , leur
distribua des sommes considérables ,
en disant, pour ménager leur délica-
tesse, qu'il reprendrait cet argent sur
VIL
549
(t5) C'est ainsi, par exemple, que Villcroi
ayant osé le railler , un jour , de ce qu'il ne de-
vait pas avoir de cominaudenient dans une cam-
pagne qui allait s'ouvrir : « J ai des ennemis à la
>> cour , repondit-il vivenieul, qui pourront s'en
« rejouir; mais les ennemis du roi s'en rojuuirout
» bien plus encore. »
leur solde, ce qu'il ne fit jamais (lO).
Les ennemis de Villars ne se sont pas
bornés à des reproches de cette na-
ture : ils ont essayé de flétrir sa gloi-
re en lui attribuant la plus horrible
dissolution de mœurs. Voltaire a été
plus juste quand il a dit :
« L'Iicureux Villars, fanl'uron plein de cœur »,
et quand il a érigé, dans sa Henria-
de, un monument immortel au vain-
queur de Denain. Comme il faut tou-
jours que tes [ilus grands hommes
payent tribut à la faiblesse liumaine,
Villars eut le mallicur d'être en proie
à un défaut qui , en fiance, plus que
partout ailleurs , est puni par le ridi-
cule. Il était excessivement jaloux de
sa femme , l'une des beautés les plus
célèbres du temps (17). Saint-Simon,
acharné à dépiécier un héros dont
l'éclat l'olUiscpiait , mériterait sans
doute peu de crédit à cet égard ; mais
Dangeau, bien jilus croyable, allir-
me qiie le maréchal, pour s'assurer
de la foi de .sa belle compagne, vou-
lut s'en faire suivre dans ses expédi-
tions lointaines , et que ce fut Louis
XIV lui-même qui s'y opposa. M™'^.
(iC) f'ie du maréchal de / illuii , (oui. II, p.
(17) Après le succès d'0/?(/iyt;e, la mare'chale de
Villars admit l'anleur dans sa société. Voltaire,
qui n'avait alors que vingl-qnalre ans , tomba si
éperdument amoureux d'elle, qu'il devint inca-
pable de travail. Villars ne lut probablement point
jaloux du ieune bomrae , car il le proclame dans
ses Mémoires le prrniicr poêla de ^ott tcwpi ^ et il
lui donne pleinement r.iison dans la fiimeuse que-
relle qu'il eut avec le cbovalier de Rolian. Il hii
dit un jour: m La nation voips a ))ien <les obliga-
tions de lui consacrer vos veilles. — Elle m'en au-
rai' bien davantage , répondit Voltaire, si je savais
érrire contme vous savexagir. » Voltaire, dans une
lettre du 4 a^ril i'!{i , à son ami d'Aigueberrc ,
rend compte ainsi du trionqdie qne lui valut sa tra-
gédie de mérope : « On est venu me |)reudre dans
» une cacbe où \e m'étais tapi ; ou m'a mené de
» lorce dans la loge de la maréchale de Villars, où
,1 était sa belle-fille. Le parterre était fou ; il a Crié
» \ la duchesse de Villars de me baiser ; et il a
» tant l'ait de bruit qu'elle a été obligée d'en pas-
» ser par l.'i , par l'ordre de .sa belle-mère. J'ai été
» baisé publiquemeut , comme , Alain Cbartier
>i par la princesse Marguerite d'iîcosse ; mais il
« dormait, et j'étais fort éveillé. »
55o
VIL
de Coulangcs , dans deux, de ses Let-
tres à M'"'', de Grignau (i8), se per-
met des plaisanteries assez picpiantes
sur l'amour et la jalousie du maré-
chal j mais nulle part on ne trouve
la preuve que la passion l'ait em-
porte' chez lui sur le devoir. ^ illars
était doué d'une grande vivacité d'es-
prit et d'une imagination fertile j
c'est ce qu'atteste un nombre immen-
se de Lettres , où il traite sans ell'ort ,
et quelquefois même sur un ton de
plaisanterie tout français, les ques-
tions les plus épineuses. Sa conversa-
tion était extrêmement brillantej mais
il n'observa jamais que la première
partie du précepte de la marquise de
Villars , sa mère , qui lui disait :
a Vantez- vous au roi tant que vous
» pourrez; mais dans le monde, ne
» parlez jamais devons. » Aux avan-
tages de l'esprit Villars joignait
ceux de l'extérieur. Il avait hérité
la taille imposante et la figure ma-
jestueuse de son père , si célèbre ,
sous ce rapport , à la cour de Louis
XIV. Il existe des Mémoires du ma-
réchal de Villars , 3 vol. in- 1 2 , im-
primés en Hollande. Le premier seul
doit être considéré comme l'ouvrage
du maréchal. Les deux derniers ne
sont qu'une de ces compilations in-
formes dont l'abbé Margon faisait
trafic, en y mettant le nom d'un
personnage célèbre. On peut se fai-
re une idée du désordre qui règne
dans ces prétondus IMémoires , en
voyant l'Oraison funèbre de Villars
placée entre les années 1706 et 1707,
c'est-à-dire, vingt-huit ans avant sa
mort. Un écrivain plus conscien-
cieux , Anquetil , a publié, en 1784,
une Vie du maréchal de Villars, 4
vol. in-i2, avec portrait et plans de
^18) L'une du 'j juillet iro3 . et l'aatre du j
mars ijc/i-
VIL
bataille. L'auteur déclare, dans sa dé- j
dicace même au maréchal de Cas- *
tries , alors ministre de la marine ,
qu'il rédigea cet ouvrage par son
ordre. Les immenses matériaux qui
lui furent remis consistaient en cent
quarante- deux cahiers manuscrits,
composés chacun de vingt- quatre à
trente-deux pages in-folio, en qua-
torze volumes également in-folio , de
lettres et de dépêches, sans compter
plusieurs cartons de feuilles volantes.
Anquetil s'est égaré plus d'une fois
au milieu de cette surabondance de
richesses. Comme tous les écrivains
qui n'ont aucune notion des opéra-
tions militaires , il manque, non-seu-
lement de clarté dans ses relations ,
mais il commet en outre des erreurs
que l'on ne peut rectifier qu'à l'aide
des plans , quoique l'exécution en soit
généralement très -médiocre. Enfin
l'ouvrage est déparé par un défaut
capital, familier à l'auteur. A peine
y trouve-t-on un nom d'homme , ou
même un nom de pays ou de ville,
qui ne soit défiguré d'une manière
méconnaissable. L'immense Errata
qui teriniue chaque volume est loin
de faire compensation à l'inconceva-
ble négligence de l'historien. — Le
comte de Villaus , qui est souvent
nommé dans l'histoire militaire du
même temps, était frère du maréchal.
On peut faire son éloge en deux mots,
en disant que son illustre frère l'em-
ploya dans tous les cas diiliciles, et
toujours avec succès. S — V — s.
VILLARS ( Honoré- Armand,
duc DE ), prince de Martigues, fils
du précédent , l'un des quarante
de l'académie française , naquit le
4 décembre 1702, et fut élevé à
la pairie dès l'année 1708 , en consi-
dération des services de son père ,
auquel il succéda dans la plupart de
ses dignités, sans avoir aucun des
VIL
talents du vainqueur de Dcnain.
A seize ans , il fut fait mestie-de-
camp d'un régiment de cavale-
rie, ( mars 17 18 }. Il fit, en
cette qualité , quelques campagnes
sur le Rhin et au-delà des Alpes. Il
servait, eu 1^33 , en Italie, sous les
ordres du maréchal son père j et
ayant apporté à Louis XV , le 4
janvier 1734 , la nouvelle de la
prise du château de Milan, il fut
nommé brigadier le 1 3 février sui-
vant. Le duc de Villars n'alla ja-
mais au-delà de ce grade que la fa-
veur seule lui avait fait uLtcnir.
Quelques mois après, la mort de son
père le mit en possession de la gran-
desse d'Espagne et du gouvernement
de Provence. Il remplaça même le
maréchal à l'académie française, où
il fut reçu le 9 décembre 1734.
Enfin, en i73(i^ il fut fait cheva-
lier de la Toison d'Or. Il sut se faire
aimer dans la province dont il était
gouverneur. Comme académicien ,
il justifia le choix de ses confrères
par sa dcfcrence , par son amour
pour les lettres , et par le gcîit éclai-
ré avec lequel il les cultiva jus-
qu'à la fin de sa vie. Ces qualités du
moins , il les tenait de son jière,
qui s'était fait chérir des Pro-
vençaux , et qui, au sein de l'aca-
démie, se dépouillait de la dignité
un tant soit peu théâtrale qu'il affec-
tait partout ailleurs (i). Le discours
de réception que prononça le duc de
Villars était écrit avec sentiment ,
convenance et dignité. Du reste, il
était fort court : c'était alors tout ce
(i) Vove?, l'éloge du raaréctal el du duc de Vil-
lars, par d'Alemhert , Hisloirc des mcml'res île
Vaca'lémir /ninçaise. Cet écrivain , eu parlant du
pr mier. s'exprime ainsi : « Un jour, apriîs une de
» ses effusions ordinaires et affectueuses de di.oue-
» ment et de rf-^pcct pour ses confri'res ^'car c'étaient
» les termes dont il croyait devoir se servir à leur
» égard ) , il ajouta , etc. » ( tom. IV, p. 553 ).
VIL
55 1
qu'on exigeait d'un grand seigneur
qui se faisait académicien. Le duc de
Villars avait ^onti qu'il ne pouvait
se conformer à l'usage en faisant le
panégyrique de son père; mais l'ab-
bé Houtteville, qui répondit au réci-
piendaire, y suppléa par un éloge fort
étendu du maréchal. Presque tou-
jours éloigné de la capitale, et obligé
de résider en Pro\ cnce, le nouvel aca-
démicien j)arut rarement aux assem-
blées de la compagnie; mais dans
toutes les occasions il prouva qu'il
était animé de cet esprit de confra-
ternité, de sage liberté et d'égalité,
qui est l'ame de toute société littérai-
re. Durant un séjour qu'il fit à Paris,
il se lia intimement avec d'Alembert.
Il fut, à INIarseille, le protecteur zélé
de l'académie qu'y avait fondée son
père. Devenu l'ami de Voltaire, qui
parle de lui avec éloge dans maint
endroit de sa Correspondance. , il fit
de fréquents séjours soit auxDélices,
soit à Ferney, soit à Genève, autant
pour rétablir sa santé par les soins
du célèbre Tronchin , que pour se
rapprocher de Voltaire , qui, com-
me ou sait, avait commencé à se fai-
re connaître dans la haute société,
par une passion de jeune homme pour
la mère du duc de Villars {f. l'arti-
cle précédent ). Il est facile de voir
dans les Lettres de Voltaire, que ce
grand poè^e était fier d'un pareil hô-
te. « Je n'ai point eu de cesse, écri-
» vait-il au duc de Richelieu, que je
» n'aie fait venir dans mon ermita-
» ge , de son troue de Piovence , M.
» le duc de Villars, etc. « Dans une
autre lettxe, il disait plaisamment :
« Tout auprès de son juge, il s'est venu loger
» dans une maison assez convenable
» à un valet de chambre retiré du
» monde. » Ailleurs, en parlant de
la maladie qu'éprouvait ce seigneur,
553
VIL
il s'exprimait ainsi : « Le duc de
» Villars est plus vieux que moi ,
» quoique plus jeune. Il a des con-
» vulsions dcSaint-IMedard, à le fai-
» re canoniser par les Jansénistes.
» 11 soufTre béroiquement : il a dans
» les maux plus de courage que son
v> père. 11 y a bien des sortes de coif-
» rage, » Voltaire avait place une
partie de ses fonds' entre les mains
de ce seigneur. A cette occasion ,
il recommandait à Mous.sinot , son
agent à Paris, de ne pas négliger les
échéances. </ 11 est bon ^ ajoutail-il ,
» de les accoutumer à un paienieut
M exact, et de ne pas leur laisser
» contracter de raauvaives babitu-
» des. » Dans ses rapports avec Vol-
taire , le duc de Villars oubliait la
dislance des rangs pour n'être que
le conlident des productions de ce
grand poêle. L'auteur de Zaïre
le vante comme s' entendant à mer-
veille à l'art dramatiiitie. « Je ne
» connais personne, ccril - il à Du-
» c!os, qui ait f.iil une cUide pins ré-
» llccliic du tbéâlrc que lui. » Dans
])Iusicursde ses Ictlres, Voltaire cite
encore le duc de Vdlars comme une
autorité décisive pour confirmer ses
critiques sur les tragédies de Corneil-
le. On peut croire que le noble aca-
démicien se trompait quelquefois en
matière de goûl , s'il est vrai qu'il ait
"aidé l'auteur LVOljinpie de ses con-
seils pour celte faible tragédie, que
Voltaire appelle son œuvre des dix
jours. Lorsque ce giand poète fit
jouer , dans son cliàteau , l' Orphelin
de la Chine , Oljmpie et quelques au-
tres de ses pièces , le duc de Villars ,
î^rand amateur de la science gaie ,
.s'empressa de prendre un rôle. 11 se
croyait appelé à jouer parfaitement
les pères; mais comme il n'est pas
rare qu'un babile connaisseur ne soit
qu'un artiste médiocre, sa déclama-
VI L
tion était froide, monotone, empe-
sée. Un jour , après une représenta-
tion de V Orphelin de la Chine, il
s'approcha de l'auteur d'un air très-
satisfait, et lui dit : « Eli bien! mon-
)) sieur deVoltaire,commenttrouvez-
» vous que j'ai rempli mon rôle? —
» ÎMonseigneur, reprit le poète, vous
» avez joué comme un duc et pair. »
Lié avecLekainetavec M'i^'. Clairon,
le duc de Villars avait la préten-
tion de leur donner des conseils sur
la manière de débiter leurs rôles. 11
voulut former à l'art dramatique le
libraire Cnuner, qui jouait aussi sur
le théâtre de Ferney; il n'en fit, se-
lon Lekam , qu'un froid et plat dé-
clamateur. Voltaire persifla impi-
toyablement Cramer ; et lorsque
celui-ci fut parvenu à oublier tout ce
que son maître lui avait appris, le
palriarclie de Ferney , charmé de cet
heureux changement, s'écria : « Dieu
» soit loué! Cramer a dégorgé son
» duc (u). » Villars était à Fernev
lorsque sa mère , la maréchale, mou-
rut, dans un Age avancé ; et la même
Correspondance nous apprend que
les créanciers du fils apprirent cet
événement avec une joie incroya-
ble (mars i7<33). En effet, ce sei-
gneur , livré aux goûts les plus dis-
])endieux, était toujours aux expé-
dients. En Provence , où il partageait
son séjour entre Aix et Marseille, il
tenait un grand état de maison. Ses
mœurs douces et faciles , sa bienfai-
sance, son zèle pour les établissemenls
utiles, pour le soulagement et pour
l'instrucliou du peuple, ne pouvaient
lui faire trouver grâce auprès des
hommes d'une morale sévère. Ils blâ-
maient hautement sa passion effrénée
pour le jeu, qui lui faisait admettre
{■)!) Noie sur M. lie f^otlaire, eijaili particu-
liers concernant ce grand homme , recueillis par
m„i{ I,iL,iili ), etc.
VIL
chez lui la plus mauvaise socie'le'.
On lui ic|)rocliait encore , si l'on en
croit la Correspundancc do Griniin,
ces goûts infâmes qui lui valurent ,
comme au comte de iMirabcauj)(re,lc
surnom ironique de L'ami des huni-
mcs (3). On lit dans les Mémoires
de Bacliaumont que , dans sa jeunes-
se , le duc deVilIars avait mis ce
vice fort à la mode à la cour (4)- Un
dernier trait prouvera combien ce
triste héritier d'un grand homme
c'iait peu considère même sur le llicà-
tre de sa puissance. Dans un grand
dîner qu'il donnait à Marseille, se
trouvait un aLbc d'une laideur re-
marquable. Le duc de Viliars, après
l'avoir considère long -temps avec
une attention particulière , lui dit
d'un ton railleur : « Parbleu , l'abbe ,
» vous ressemblez comme deux gout-
» tes d'eau à un portrait qm est dans
» mon antichambre.' » l^'abbe , sans
se déconcerter, répliqua : « Monsci-
» gneur , vous n'ctes pas heureux en
w lesscndjlancos , car je ne ressera-
» ble pas plus à ce portrait, que vous
» ne ressemblez à monsieur votre
» père. » Le duc de Viliars avait
épouse , le 5 août 1721 , M^i»^. Ama-
ble- Gabrielle d'Ayen , seconde iille
du maréchal Adrien-Maurice, duc de
Noailles. Il n'en eut qu'une fille, née
le 18 mars 1723 , qui se lit reli-
gieuse. Le duc de Viliars mourut
dans son gouvernement au mois de
mai 1770. Il légua des sommes; con-
sidérables pour l'éducation des pau-
vres. Entre autres fondations utiles
qu'il avait faites eu Provence , on
peut citer l'établissement d'une école
(3) foiu. VII, p. -i-S.
(4) On lit (lai!s le iS». iliant de la Piicclle de
Vuiiaire , édition de Londres , 1780 :
Tels on a vu Tliibonvllle et Viliars,
Iniiliitcurs du picmicr des Ci.sars, etc.
VIL 553
de dessina Aix, qu'il dota à ses frais.
11 eut pour successeur au fauteuil
académique Loménie de Brienne ,
alors archevêque de Toulouse, Dans
sa réponse à ce prélat , Thomas fit
l'éloge de l'administration du duc de
Viliars. 11 le loua « de n'avoir abusé
» ni de son rang pour opprimer , ni
» de son pouvoir pour faire plier les
» lois , ni de la crainte qu'in>pire
» un homme en pla( e pour faire res-
)) pecter ses caprices. » Ces louanges
méritées parurent une satire indi-
recte de là conduite bien dillércnte
qu'avait tenue en Bretagne le duc
d'Aiguillon; et tel fut le motif qui
engagea ce seigneur , alors devenu
ministre, à se joindre à l'avocat-ge'-
néralSéguier pour empêcher la pu-
blication du discours de Thomas
{F. Thomas, XLV, 462,4'J7).qui ne
fut imprimé, pour la première fois,
qu'en i8o'i; 5 .On ytrouveces paro-
les qui termineront convenablement
le présent article : « L'académie,
» en adoptant M. le duc de Vil-
» lars , avait adopté l'héritier et
» le fils du vainqueur de Denain ,
» du rival d'Eugène. ... Il y a des
» héritages de gloire qui se répan-
» dent sur toute la postérité d'un
» homme illustre. Les distinctions
» accordées au lils devenaient un
)) nouvel hommage rendu au père;
)) et le nom du duc de Viliars parmi
» nous ressemblait à ces images qui,
» placées par les anciens dans les
» portiques ou dans les tem])les, rap-
» pelaient encore le souvenir des hé-
» ros après leur perte. » D — r — r.
VILLARS (l'abbé de Montfau-
con de) , littérateur , né en i635_,
aux environs de Toulouse , d'une fa-
mille très-ancienne, celle des Canil-
:, |i;ins IVillli..n des Or.ia'ies coiiiptclcs de Tlio-
luas, donnée jiar Di-scssarls.
554 VIL
lac-Villars (i) , était neveu du cé-
lèbre bénédictin Montfaucon ( V. ce
nom, XXIX, 536). Après avoir
prêché avec distinction à Toulouse ,
il vint à Paris vers l'an 1G67 , avec
l'espoir de faire dans la carrière
du sacerdoce vuie fortune propor-
tionnée à ses talents et à sa nais-
sance. 11 eut bientôt des amis illus-
tres, et se vil recherché dans les
meilleures sociétés. Tout semblait lui
prometlre un avancement rajiido ;
mais son goût pour la littérature
frivole, sou penchant à la critirpie ,
et surtout la hardiesse de ses opinions,
en lui ménageant de brillants succès
comme bel-esprit , nuisirent à sa con-
sidération comme ecclésiastique, et
attirèrent sur lui la sévérité de ses
supérieurs. Ln tournure de sou es-
prit et les habitudes d'une vie dis-
sij)ée le portèrent à applirpior nue
instruction ré( Ile , un talent peu
commun , à des sujets léj:;ers , et
dont l'intérct ne pouvait survivre à
la circonstance qui les avait mis en
vogue. Voilà pourquoi après avoir ,
dans un temps où le talent de bien
écrire en prose était encore si
rare , composé deux petits écrits
dont chacun en son p;enre rappelle
plus d'une fois la touche de Pascal, le
scej)ticisme de Fontenclleet le persi-
flage de Voltaire , l'auteur des En-
tretiens sur les sciences secrètes ,
et sur la philosophie de Descaries ,
est à peu près oublié. Les Entreliens
du comte de Gabulis sur les scien-
ces , par lesquels il débuta , fu-
rent imprimés pour la première
fois, en i6no , sans nom d'au-
teur. Ce plaisant ouvrage , qui ,
{^^ n II i-lail iiclil-nU de Jcan-Francois dn Monl-
«fiÉUion de la R..cl.c-Taillado de (.aiiiliac de Vil-
>• lars, dioci'se d'AIfl.... Nous ignorons Ir nom
» de son pcie. Sa l^^^e s'appelait Moutgaillard »
( Moréri , supplément ),
VIL
selon Vigueul-Marville , a passé
pour un des mieux écrits du
temps , a fut le résultat des confé-
» rences gaies que cet abbé avait
» à la porte Richelieu, a\TC une ca-
» haie de gens de bel esprit et de
» bellehumeurcomme lui (a).» L'au-
teur dévoile agréablement les mys-
tères de la prétendue cabale des frè-
res de la Rose-Croix : son interlocu-
teur est le comte de Gabalis. Haillet,
dans SCS Jugements des sai>anls{'à),
se demande si le nom de ce person-
nage imaginaire vient de cabale , ou
de gab , vieux mot français qui si-
gui lie co;j<e/JO//r rire , bourde. Quoi
qu'il en soit, rien de plus aimable
(juc le caractère donné par l'abbé
de Villars à ce naïf, mais savant et
spirituel apôtre de la magie. La part
que l'auteur lui-même est censé pren-
dre à la conversation est sur le ton
d'une ironie tellement liiie, qu'après
avoir lu le livre bien des gens ne
savaient s'il ne voulait que badi-
ner , ou s'il parlait sérieusement.
Cependant à la iin de son ouvrage
il avait dit : « Si je vois qu'on
» veuille laisser faire à mon livre
» tout le bien qu'il est capable de
» produire , et qu'on ne me fas.'cpas
» rinjustice de me soupçonner de
» doiiiier crédit aii\ sciences secrites,
» sous prétexte de les tourner en ri-
» diciilc, je continuerai à me réjouir
» de M. le comte , et je pourrai don-
» lier un autre tome. » Comme la ca-
bale était alors de mode , et que ceux
qui y croyaient « avaient pour com-
» pagnons, ainsi que le dit Villars
» lui-même, des princes, des grands
» seigneurs , des gens de robe , de
{■x) Mélanges d'histoire el de liUérature . l. i". ,
p. ,.,.8.
(Vj PaRC^oo du tome VI de rédltion de La Mon-
nuie , dans la partie intitulée Déjfiiiieni nls des
auleins , cli. IX, Sur Ui noms tirés du fond dn
sujet.
VIL
» belles dames, des laides aussi , des
» prélats, des moines et des uonnaiiis,
» endu des gens de toute espèce , »
sou livre ne tarda pas à faire grand
bruit , aux dépens du repos de l'au-
teur. Les zelcs croyants lui savaient
mauvais gré de s'être moque d'eux ,
et d'avoir parle' avec irrévérence du
terrible empire des gnomes , des syl-
phes et des salamandres. Les esprits
graves pensaient (pi'il aurait fallu ré-
iiitcr sérieusement la cabale dont les
erreurs attacpient les bases de la foi.
Ils ne pardonnaient pas à un ecclé-
siastique quelques gaîtés un peu vives
sur les amours des sylphides et des
démons incubes avec les sages et avec
les saints; sur les mésaventures de
Noé , fait eunuque par son (ils Cliam,
pendant (jue le bon vieillard était
pris de vin. Enfin les dévots excu-
saient encore moins queUjues traits
fort piquants contre les moines , et
les docteurs à chaperon , sans parler
de deux ou trois propositions mal
sonnantes , et sentant le déisme, telles
que ces paroles à propos du jansé-
nisme : « î^ous ne savons ce ijue c'est,
» et nous dédaignons de nous infor-
)) mer en quoi consistent les sectes
» dillérenles et les diverses religions
» dont les ignorants s'infatuent: nous
» nous en tenons à l'ancienne religion
» de nos pères les philosophes. » Ces
hardiesses suscitèrent à l'abbé de Vii-
lars une difgràcc qui eût pu être en-
core plus sérieuse sans le crédit de
ses amis. Sou livre fut censuré, et lui-
même interdit de la prédication. Le
Comte de Gahalis fut réimprimé en
1684 , quelques années après la mort
de son auteur, avec une lettre apo-
logétique d'un ami , et une réponse
dont la conclusion est entièrement fa-
vorable. Il est à croire que ces deux
pièces étaient de l'abbé de Villars
lui-même : on y retrouve sa manière.
VIL 555
Bayle s'est plu à citer plusieurs pas-
sages du Comte de Gabalis, et ce
sont précisément ceux qui avaient
attiré à l'abbé de Villars les censures
ecclésiastiques (4). Pendant qu'il pu-
bliait \cs Entretiens , leur auteur coo-
pérait à une autre production dont le
sujet et la forme justifiaient sulVisam-
ment l'interdiction prononcée contre
lui : c'était un roman moitié histori-
que, moitié philosopliiquc , intitulé
Wîmour sans faiblesse ou Anne, de
Bretagne et Almanzaris ( Paris ,
167 1 , Barbin , 3vol.in-i2). Le
Géomyler ou Almanzaris , qui est
en entier de l'abbé de Villars , a c'ie'
réimprimé séparément , en 1729, à
Paris ( J vol. in-12 , divisé eu 'x par-
ties ). L'auteur donne le Géomyler
pour un ouvrage arabe « qu'une
» dame, crovant y voir moins de dé-
w fauts que dans la plupart de nos
») romans, s'est amusée à tourner en
» français , » d'après une mauvaise
traduction castillane. Son héros ,
espèce de religieux turc , s'introduit
dans le sérail de dillërcnts princes
d'Afrique, où sa qualité de^eom,r/er
le protège contre la jalousie , bien
qu'il obtienne les faveurs de plusieurs
princesses. L'auteur, en représentant
son géomyler comme un impudi-
que , paraît avoir eu l'envie de tour-
ner en ridicule les fades et langou-
reuses amours tracées par les La Cal-
prenède et les Scudéri; mais son
roman n'en est pas moins ennuyeux.
(4) Voy- Diction, de Bayle, t. IV, p. 90; et t.
V, p. 55^ <le l'cdition iu-8". donnée par M. Bcu-
cliot. Dans l'article consacré au fameux imposteur
Borri , Bayle met en doute si la substance des En-
tretiens du comte de Gabalis n'a pas été empruntée
aux deux premières lettres de ce personnage, qui
furent imprimées à Copenhague, en 1666 , sous ce
titre : /.a chiave dcL Gabinello del ravagliere Giu-
senne Francesco Borri , Milanese ( f . Dictionnaire
de Bayle, même édition , t. III, p. â8p ). Voyex
également dans la Bio^r. universelle . l'article Bor-
ri yX, 194-95^1 °" '•"» "S cite que l'édition de Co-
loaue de ladite Chiave.
556
VIL
L'intrigue est obscure, embarrassëej
les incidents sans intérêt, et le style
sans couleur. Aussi ce Hatc essuya-
t-il bien des critiques. L'abbe de Vil-
lars essaya d'y repondre dans une
Lettre qui ne fut imprimée qu'après
sa mort , et qui semble adressée à
l'auteur prétendu de la traduction
française. On y trouve la critique
des romanciers du siècle , qui ne
croyaient pas « pécher contre l'art
» et contre la vraisemblance , en
» faisant tous les acteurs qu'ils in-
» trodtiisent chastes comme des ana-
» chorètes de la Thcbaïde , et en
» nous faisant accroire que dans tout
î) le siècle d'Alexandre ou d'Augus-
» te , il ne se soit pas trouvé un seul
» honnête homme (jui se soit laissé
» induire en tentation. » Plus loin
l'auteur se raille des héros rassem-
blés des quatre coins du inonde , et
qui ont tous mêmes mœurs , mêmes
façons d\iimer et de combattre ,
même sorte de civilité, mêmes no-
tions de la vertu et du vice , etc. Ces
critiques étaient fort raisonnables;
mais loin de justilierleGeb//2>'Zcr,elles
eu faisaient précisément rcssortirl'in-
vraisemblance des aventures et l'ab-
sence de toute couleur locale (5). Les
chagrins que le métier d'aristarque
avait attirés à. Villars ne l'emjjè-
chèreut pas de composer encore, dans
l'année 1G71, une Critique de la
Bérénice de M. Racine, et de M.
Pierre Cormille. M'"»', de Sévi-
gué , qui ne rendait pas justice à Ra-
cine, parle fort avantageusement de
ce pamphlet: « Seulement, dit-elle,
» il y a cmq à six mots qui ne valent
)) rieu du tout, et même qui sont
» d'un homme qui ne sait pas le
» monde. Cela fait quelque peine;
(5) On troiivp l'analyse du GéomrUr dans [es
Lellivs sérieuses cl batlincs de. Laliàire do Beau-
tiiai'chais , t. II.
VIL
» mais comme ce ue sont que quel-
» ques mots en passant, il ne faut
'> j)oints'en otlenser. Je regarde tout
» le reste , et le tour qu'il donne à
» cette critique ; et je vous assu-
» re que cela est joli (6). » Cor-
neille ne répondit point à l'abbé
de Villars , et Racine ne le fit qu'en
passant, dans sa préface de \ol Béré-
nice [n). L'avocat bel-esprit Subli-
gny ( r. ce nom, XLIV , i38 ) se
chargea de réfuter en détail la criti-
que de l'abbé de Villars , qui se trou-
ve réimprimée avec la réfutation
dans le Recueil de dissertations sur
plusieurs tragédies de Corneille et
de Racine , par l'abbé Granet ( Pa-
ris , 1740 )• Les Entretiens d Aris-
te et d'Eugène , parle P. Bouhours,
trouvèrent dans l'abbé de Villars un
apologiste moins heureux que zélé (8)
contre l'auteur des Sentiments de
C/e'rt/if/if. Les cinq dialogues intitulés
De la délicatesse { Paris, i6nj ),
qu'il lit imprimer sur ce sujet , n'eu-
rent d'autre résultat que de lui atti-
rer ime réplique victorieuse de la
part de Barbier -d'Aucour ff)) ( /^.
ce nom , lll , 34H ). L'abbé de
Villars publia vers le même temps :
I. Réjlexions sur la vie de la Trap-
pe. IL Lettre contre M. Arnauld.
IlL Critique des pensées de M. Pas-
cal. On voit, d'après ces titres, que
l'auteur fut un adversaire bien pro-
noncé des solitaires de Port-Royal,
Ces écrits eurent dans leur nouveauté
(d) Lctireà M'"'', de Grignan, du iliscpt. 1671.
(7) ^"y- cette préCace, dans laquelle Racine ne
manque pas de tomber sur les chu/ à six mois qui
ne l'aUril rien ,lu Iciil , signales par le bon goût de
M""", de Si'vigné, tels «juc Mesdemoiselles mes rè-
gles, des hélas de poclie , etc.
(8) C'est le jugement qu'en portait La Monnoie ,
cité par Ménage dans la préface de la seconde par-
lie des Observations sur la langue française. Voy.
encore Baillet, Jugements des savanTs , lom. II ,
article -58 : Bouhours , considère' comme gram-
luairieu.
{(\\ Voy. la première lettre de la seconde partie
des Sentimenls de Cléantlie.
VIL
quelque succès ,inais ils sont, à juste
titre, complc'tcraeut ignorés aujour-
d'hui. 1! n'en est pas demènie des sept
nouveaux Entreliens sur les scien-
ces secrètes , qui ne furent imprimes
qu'en i "j 1 5 , quarante - deux ans
après la mort de leur auteur , pour
faire suite aux Entretiens du cumte
de Gabalis (lo). Dans ce pamphlet,
Villars tourne habilement en ridicule
la philosophiedeDescartes, ou plutôt
l'abus qu'en faisaient certains disci-
ples qui allaient beaucoup plus loin
que leur niaîlre. Il met en scène un
de ces adeptes, sous le nom de Jo-
hannes Brimas ( Jean le Brun ).
'Ce pédant ridicule abonde de la
manière la plus divertissante dans
toutes les erreurs de la philosophie
cartésienne , qui , selon lui , raè-
rile d'autant plus d'admiration ,
qu'elle est plus contraire aux ve'rite's
(|Me la religion enseigne, et qu'ainsi
elle laisse à la foi tout son mérite,
en lui laissant toute son obscurité'.
Établir les vérités de la foi par la
philosophie , ce serait changer le
christianisme en pe'rijiatétisme , et
transporter la croix du cahaire
dans l'académie. Cet ingénieux per-
siflage montre quel était, à la lin du
dix-septième siècle, l'état de la ques-
tion au sujet de la philosophie de
Descartes. On y voit quelles armes
dangereuses le zèle mal éclairé di-
rigeait alors contre ce grand hom-
me ; et sous ce rapport, l'abbé de
Villars paraît d'autant moins excu-
sable^ qu'à en juger par ses écrits il
était assurément moins bon chrétien
que Descartes. Pascal n'est pas non
plus ménagé dans ces dialogues, qui
VIL 557
sont un modèle de style, de discus-
sion et d'excellente 2)laisanteric.
L'abbé de Villars était d'un âge à
mûrir son talent, et à lui donner une
direction plus estimable , lorsqu'il
périt assassiné, en 1678, sur la
route de Lyon : il avait à peine
trente-huit ans. Des plaisants pré-
tendirent que c'étaient les gnomes
et les sylphes qui avaient fait ce
mauvais parti à l'auteur du Comte
de Gabalis (11), pour le punir
d'avoir révélé leurs mystères. 11 y
eut des gens qui le crurent de bonne
foi : c'étaient ceux qui avaient eu la
simplicité de prendre au sérieux ses
révélations ( 1 '2). D — r — r.
VILLARS ( Dominique ) , bota-
niste, était né le 1 4 novembre 1 745
dans un liameau du Gapençois, ion-
dé par ses ancêtres, dont il a retenu
le nom , et dépendant du village du
Noyer. Son père lui lit apprendre à
lire et à écrire. Le curé de la parois-
se, augurant bien de ses dispositions,
se chargea de lui enseigner les élé-
ments du latin , et il reçut d'un ar-
penteur des leçons de géométrie. A
quatorze ans ;, ayant eu le malheur
de perdre son père, il se trouva dans
la nécessité d'abandonner ses études
pour se mettre à la tête de la ferme
dont le produit faisait vivre sa fa-
mille. Comme il devait succéder à
son père dans la charge de grellier
de la commune , on l'envoya chez un
notaire, pour y apprendre à rédiger
les actes les plus usuels. Il y trouva
]e Miroir de beauté de Louis Guy on
( F. ce nom ) ; et la lecture de cet
(10) Cette édilion est d'Amsterdam, 2 vol. in-
Iï,i7i5. Après les cincj Entretiens du comte de
Oahatia ^ se b'ouvent les Génies assistants , et gno-
mes irrét oncitiahles , imitation pito^fable , e|ui est
du P, Antoine Aiidrol , c^iestin.
(11) On lit dans la Bibliothèque des théâtres ,
par Maupoint , Paris, 783 , in-8°. , le lilrc d'une
comédie eu uu acte , iiititxile'e le Comte de Oubalis,
sans nom d'auleur ni date de la représentation.
(12^ C'est de ce même système que Pope em-
prunta le merveilleux de sa Boucle cie che^-eux en-
levée , comtno il eu convient lui-même dans la dé-
dicace ûu poème à M'"^. Fermer,
558
VIL
ouvrage décida sa vocation pour
l'art de guérir. Il revint au Noyer ,
résolu de se livrer à l'étude de la mé-
decine et de la botanique et rapportant
uuMattliiole dont les planches étaient
enluminées. Le peu de goût qu'il
montrait pour les travaux agricoles
faisant craindre à sa mère qu'il ne
finît par quitter le pays, elle imagi-
na , de concert avec le curé , de le
marier , persuadée que son épouse
saurait bien le lixer. Villars avait
alors un peu plus de seize ans. Pen-
dant les prcniières années de son ma-
riage , il justifia, du moins en par-
tie, les espérances de sa mère; s'il
continuait de lire et d'étudier, ce n'é-
tait qu'après avoir rempli ses de-
voirs; mais il sentit tout-à-coup naî-
tre sa passion pour les voyages , et
s'étaut échappé du Noyer, à l'entrée
de l'hiver [ i "jOj) , il parcourut, avec
un libr.iirc-colporleur, le Lyonnais,
la Bourgogne , la Franche-Comté et
la Bresse , notant tout ce qu'il ren-
contrait de curieux. Ce fut quelque
temps après cette première excursion
qu'il connut l'abbé Chaix ( f^oy. ce
nom , \' 1 1 , <i'2G ) , savant botaniste,
dont les conseils et les encourage-
ments eurent la plus grande indiience
sur le re^tede sa vie. En 17^9, il ht,
avec son maître, diverses herborisa-
tions sur les montagnes du Gapen-
çois, et en rapporta des graines et
des plantes , dont il composa son
premier herbier. Dans ses courses ,
il rencontra Liotard {F. ce nom,
XXIV, 54'^ ), botaniste connu par
ses relations avec J.-J. Rousseau, et
il s'établit bientôt entre eux une ami-
tié , cimentée par les rapports du
goût et du caractère. Villars étant
venu à Grenoble , en 177 i , pour y
étudier les éléments de la chirurgie,
ses talents lui méritèrent la protec-
tion de M. de Marcheval, intendant
VIL
du Dauphiué. 11 dut à ce magistra:
son admission , comme élève intei -
ne , à l'hôpital desservi par les frè-
res de la Charité, et une pension de
cinq cents livres à titre d'encoura-
gement. Eu 1773 , il ouvrit un cours
de botanique pour les élèves de l'hô-
pital , qu'il continua les années sui-
vantes avec un succès toujours crois-
sant. Il parcourut en 1774 1 ^vec
Clapier , médecin-botaniste de Gre-
noble , le Bas-Dauphinc, la Proven-
ce et le Languedoc ; et , la même an-
née , il eut l'avantage d'accompa-
gner le célèbre Miirray dans son
herborisation à la grande Chartreu-
se. Associé par M. de IMarcheval à
Gucttard et à Faujas , qui se propo-
saient d'éclaircir l'histoire naturelle
du Dauphiué, il visita celte belle
province , avec ces deux savants ,
pendant les années 177 5 et 1776.
D'après le conseil de Guettard, il se
rendit, en 1777, à Paris , où il reçut
un accueil très-llatteur des naturalis-
tes les plus distingués. L'année sui-
vante, il prit ses grades en médecine
à la facultéde Valence; et, sentan! 'a
nécessité de s'occuper des intérêts de
sa famille , il résolut de retourner au
Noyer, et d'y partager sa vie entre
la pratique de l'art médical et l'étu-
de de l'histoire naturelle. Heureuse-
ment pour la science, M. de Mar-
cheval combattit le projetde Villars;
il porta sa pension de botaniste à
mille livres ; et en 1 781 , il lui fit ob-
tenir la place de médecin en chef de
l'hôpital militaire de Grenoble , dont
le traitement était de huit cents li-
vres. Villars , qui ne connaissait
d'autre besoin que celui de l'étude ,
se crut assez riche , et s'empressa
d'appeler sa famille auprès de lui.
Un jardin botanique ayant été créé
à Grenoble en 1783, Liotard en
eut la direction , et Villars se char-
VIL
gca d'y faire des cours. En même
temps qu'il travaillait h propager
dans la province le goût de l'histoire
naturelle , il s'occupait de former
pour les campagnes des chirurgiens
plus instruits. Il remplissait lui .seul
les fonctions de plusieurs professeurs.
Pendant l'hiver , il explitpiail à ses
élèves les principes de l'art médical j
au printemps , il les initiait à la con-
naissance de la botanique; et , à l'au-
tomne , il leur dictait un cours de
matière médicale. Chaque amièe, il
faisait avec eus des herborisations
dans les Al])es ou en Suisse, et il
fournissait à presque toutes les dé-
penses du voyage. A l'époque de l'or-
ganisation des écoles centrales, il de-
vint professeur d'histoire naturelle à
celle du département de l'Isère. Il
fut compris pour une somme de quin-
ze cents francs dans la distribution
des secours accordés aux savants
par un décret de la Convention.
L'Institut s'empressa de l'inscrire au
nombre de ses associés, et il justilia
l'honneur que lui avait fait cette com-
pagnie , par l'envoi de plusieurs Mé-
moires et de plantes nouvelles. Vil-
lars perdit la place de médecin qu'il
avait remplie vingt ans, avec un zèle
infatigable, par la suppression de
l'hôpital militaire de Grenoble , en
i8o3 ; et celle de l'école centrale,
qui suivit de près , le laissa sans em-
ploi. Mais, en i8o5, il fut nommé
professeur de botanique et de méde-
cine à l'académie de Strasbourg.
N'ayant jamais pu faire aucune éco-
nomie, il se vit obligé de puiser dans
la bourse de ses amis pour subve-
nir aux frais de sou déplacement.
L'affabilité de son caractère ne pou-
vait manquer de le faire chérir de
ses nouveaux confrères. Simple et
bon , il avait toujours jugé les autres
d'après lui ; et quoiqu'il eût été
,VIL 559
trompé plus d'une fois , il ne lui fut
jamais possible de se défier de ceux
qui lui montraient de la bienveillance.
Philosophe religieux: , il était péné-
tré de l'idée que Dieu est témoin de
toutes nos actions , et il se plaisait
à répéter cette belle maxime de Lin-
né : Numén adest , innocui vivite.
Plein de reconnaissance pour la pro-
vidence dont il avait reçu dans sa vie
tant de secours inespérés , il se re-
gardait comme un instrument dans
ses mains : « Le bien que j'ai fait
» aux autres et à mon pays, disait- '
» il , m'a peu servi ; mais le mal que
w mes ennemis ont voulu me faire a
» presque totijours tourné à mon
» prolit. » Devenu doyen de la fa-
culté de médecine de Strasbourg, en
1807, il fut chargé momentanément
des fonctions de recteur de l'acadé-
mie , et il ne négligea rien pour ren-
dre à cette école son ancienne splen-
deur. La force de son tempéra-
ment semblait lui promettre une
vieillesse longue et exempte d'infir-
mités ; mais une attaque d'apoplexie,
dont il ne put jamais se rétablir ,
l'enleva le 27 juin 1814, à l'âge de
soixante -huit ans. Sentant sa fin
prochaine , il écrivit d'une main
tremblante son testament , dans le-
quel il demande pardon à ses enfants
d'avoir sacrifié leurs intérêts à son
amour pour les sciences. Après qua-
rante ans de travaux sur l'enseigne-
ment , il leur laissait pour toute for-
tune avec le souvenir de ses vex'tus
une bibliothèque assez considérable,
et un herbier que M. le marquis de
Pina , maire de Grenoble , se pro-
pose d'acquérir pour le musée de
cette ville. Villars était associé de la
plupart des académies de médecine
et des sociétésd'agriculîure de Fran-
ce , de l'académie des sciences de
Turin , et de la société linnéenne de
i6o
VIL
Londres. Plusieurs botanistes ont
donné son nom à des plantes nou-
velles : le célèbre M. Smitli a nom-
mé Fillarsia la Trichomanc cana-
diens e , très -belle fougère; et Ven-
tenat la Menianthes njmphoris de
la classe décandrie de Linné. Les
principaux ouvrages de Villarssont:
I. Observations de médecine sur
une fièvre épidémique qui a régné
dans le Daupliiné en l'-'^get 1780,
Grenoble , in-8'\ II. Histoire na-
turelle des plantes du Daupliiné ,
Grenoble , 1786 , 4 vol. in-8". ,
ornés de 05 planches , gravées sur
les dessins de l'auteiu-. La préface
contient des détails pleins d'inté-
rêt sur les premières années de
Villars,et ses excursions dans les
montagnes du Daupliiné. ^ icnnent
ensuite un Dictionnaire des termes de
botanique , et un Traité de cette
science dans "lequel il développe les
raisons qui l'ont déterminé à changer
la classiiicationadoptéepar Linné( i ).
La description des plantes est en
français , et la phrase a toute la pré-
cision du latin. Par suite de son ex-
cessive modestie, il a fait imprimer
en tète de son Ouvrage le jugement
trop sévère qu'en avaient porté les
commissaires de l'académie des scien-
ces, Geollroy, Jussieu et l'abbé ïes-
sier , qui furent les premiers à se
plaindre de ce singulier abus de con-
fiance. III. Principes de médecine
et de chirurgie , Lyon, 1797, in-
8'. R. Mémoires sur la topogra-
phie et Vhistoire naturelle , extraits
des cours de l'école centrale du dé-
partement de l'Isère , suivis d'obscr-
(•) N'ayant «1101111 egarJ aux pistils ni aux pro-
poitions respectives des ëtaniines , Villars rédni-
Mt d moitié la classification de Linnc. Il créa un
nouveau genre qu'il nomma Berardia , eu Thon
iMur de hteiTC lierard , apotbicaire de Grenoble ,
Ie<{uel a lègue à In bibliothèque de cette ville un
£hèàfrr holanifjue luaiiitscrit.
VIL
valions sur la nature des montagnes,
sur les animaux et les plantes mi-
croscopiques , sur le sang et sur la
(ibrinc ; et d'un troisième Mémoire
sur une fièvre épidémique qui affligea
la commune de Beaurepaire en l'an
10 et l'an ii , ibid. , i8o4, in-b".
V. Mémoire sur la construction et
l'usage du microscope, Strasbourg,
1806, in-8'J., avec une planche.
VI. Essai de littérature médica-
le , ibidem, 1811, in - 8". Le
but de l'auteur est d'indiquer à
ses élèves les ouvrages auxquels ils
doivent s'attacher de préférence.
VIL Précis d'un Fojage botani-
que fait en Suisse , dans les Gri-
sons , etc. , en 1 8 1 1 , Paris , 1812,
in-8". , avec 4 planches représentant
des plantes non décrites jus(|u'alors.
11 a laissé en manuscrit ['Itinéraire
de ses herborisations, in-fol. ; un
Eloge de Liotard , et des Mémoires
sur sa vie et ses travaux , rédigés
avec une bonne foi et une simplicité
remarquables. L'éloge de Villars a été
lu par M. Fotleré a l'école de mé-
decine de Strasbourg ; par IM Des-
genettcs , à la rentrée de la faculté de
Paris, en i8i4 ; et par M. de La-
doucelte , en 1818 , à la société
royale d'agriculture. Ce dernier élo-
ge, in-8". de iG pag. , est précédé
d'un portrait de Villars ,fort ressem-
blant, par Lagrené. W — s.
VILLARS. r. BoiviN, V, 34.
VILLARS. r.TK>DE,XLV,i3o.
VILLARS -BUANGAS. Fuyez
Brancas.
VILLAULT ( Sieur UE Belle-
fond ), voyageur français , fit, en
1666, le voyage de Guinée, sur
un vaisseau de la compagnie des
Indes occidentales , équipé en Hol-
lande. Le i3 novembre, ce vais-
seau , nommé V Europe , mit à la
voile j et Villault y remplit l'oillce
VIL
de contrôleur. Le i6 décembre ,
on laissa tomber l'ancre devant Rio-
fresco, village à six lieues au sud du
Gap vert. Le 26 , ou mouilla dans la
rivière de Sierra-Le'one. Le i4 jan-
vier 166'j , on arriva au cap Mesu-
rado. Pendant qu'on était à table
dans mi village nègre , le chef s'a-
vança vers les gens du vaisseau , et
demanda s'il y avait quelqu'un qui
voulût demeurer avec lui. Villault
répondit qu'il y consentait. Alors le
chef lui prit la main , la mit dans
celle d'une de ses filles , et lui dit
qu'il la lui donnait pour épouse. No-
tre voyageur le remercia beaucoup de
cethouneurj mais il luidonna à enten-
dre que des engagements antérieurs
l'empêchaient d'en contracter de nou-
veaux. Il n'en fut pas moins traité
par tous les nègres qui survinrent d'a-
mi et de parent. On lui lit boire force
vin de palmier. Il observa qu'avant
de boire , un des chefs répandait un
|)eudevin à terre. Pour satisfaire à la
curiosité qu'il en marqua , le nègre
lui répondit que si son pèi'e, qui était
mort , avait soif il viendrait se dé-
saltérer dans ce lieu. D'après des té-
moignages d'affection si positifs ,
il est à croire que le commerce se
fût fait avantageusement ; mais les
menées des Anglais, établis de l'au-
tre côté du cap de Mesurado , y mi-
rent obstacle , et l'on s'éloigna. Le
22 , ou était à Rio-Sestos ; Villault
reçut des nègres des preuves de
bouté, qui lui font dire que ces peu-
ples ne sont pas si méchants qu'on
le croit ordinairement. On longea en-
suite la côte de Malaguette et celle
desDenis, puisla Côte d'Or. Le com-
merce achevé dans ces parages , le
navire gagna l'île de San-Thomé le
8 mai. Villault obtint seul , comme
Français, la permission d'aller cou-
cher à terre. On vit ensuite Annobon,
XLViii.
VIL
56 1
et l'on fit route vers l'Europe. Le .\
septembre, on arriva à Amsterdam,
avec une cargaison d'ivoire et do
poudre d'or. Villault publia son
voyage sous ce titre : Relation des
côtes d'Afrique, appelées Guinée,
avec la description du pajs, mœurs
et façon de vivre des habitants .
etc. , Paris, 1669, in- 12. Ce livre est
un des meilleurs qui aient été publiés
sur l'Afrique occidentale. L'auteur
fait preuve de discernement et de sin-
cérité ; il a très-bien observé les usa-
ges des nègres. L'ouvrage est terminé
par des remarques tendant à justi-
fier l'opinion que les Français ont
fréquenté les côtes d'Afrique , no-
tamment la Côte d'Or, long - temps
avant les autres nations. E — s.
VILLAVICIOSA (Joseph de),
inquisiteur espagnol , est célèbre par
le seul ouvrage de ])oésie qu'il ait pu-
blié , ouvrage placé au rang des
meilleures épopées héroi - coraique>
de sa nation. Il naquit à Siguenza .
en 1 589 , et vécut , dès ses premières
années , à Cuenca , son père s'y étant
transporté pour recueillir un majo-
rai. Le séjour de cette ville , sur les
bords de la petite rivière Moscas ,
contribua peut-être à inspirer au jeu-
ne Villaviciosa l'idée de sa Mosquea,
ainsi qu'il semble l'indiquer dans le
premier chant de ce poème. Il exis-
tait même un dicton populaire sur
l'équivoque du nom de ce ruisseau et
de celui des mouches , dont les com-
bats avec les fourmis font le sujet
traité par notre auteur. On disait
qu'à Ci^enca il y avait un pont, pa-
ra passar Moscas , c'est-à-dire, poui'
passer le Moscas , ou pour le passa-
ge des mouches. Villaviciosa fit ses
études à Cuenca , et s'y livra d'abord
à la poésie. Diverses compositions
légères furent ses premiers essais ; et
il n'avait pas encore vingt - six ans,
36
->6y.
VIL
lorsqu'il donna la Mosqiiea ypoetica
invenliva en octava rima , Caenca ,
]6i5, iu - 8''., qu'il clrclia à Pedro
Eabago , regidor de cette ville el fa-
milier du Saiut-Oliîce. Depuis cette
époque , il ne songea plus qu'à des
c'iudcs de droit canonique et à son
avancement dans le service de l'in-
quisition. 11 prit le grade de docteur,
exerça la profession de jurisconsulte
à IMadrid , et devint, en i6<J2 , rap-
porteur du conseil de l'inquisition
générale. Seize ans après , il fut nom-
me inquisiteur des royaume et ville
de Murcie et archidiacre d'Alcor-
puis, en iG44» inquisiteur de Cuen-
ca, place qu'il joignit à un cancnicat
dans la même ville, et ensuite à l'ar-
cliidiaconat de Moya. 11 lit la fortu-
ne de deux neveux de son nom , en
résignant à l'un d'eux lui de ses be-
nc'lices , et en prenant l'autre pour son
coadjuteur. La faveur dont il jouis-
sait auprès du grand-in(|uis)teur lui
fit obtenir des emplois dans leSaint-
Ofllcc pour ses deux frères , et une.
VIL
somme de quinze cents ducats, pour
réparer les principales habitations de
son majorât. Il mourut âge' d'envi-
ron soixante- dix ans, à Cuenca , le
9.8 octobre i658. La Mosquea fut
rëimprimëe avec soin , pour la troi-
sième fois, à Madrid, parSancha,
en 1777, iu-8°. ; mais on peut re-
gretter que cette édition ne soit point
enrichie de notes et d'arguments.
Ce poème, en douze chants, con-
çu dans le même esprit que la
Batrachomyoniachie , attribuée à
Homère, et que la Gatomaqida de
Lope de Véga , olfre une lecture fort
agréable, tant pour l'originalité spi-
rituelle des inventions , que pour la
grâce et la facilité du style. Il existe
une Moschea de Théophile Folengo
( Merlin Cocaïe), en style macaroni-
que et en trois chants , qui n'est jioint
comparable à celle de \ illaviciosa ,
mais qui avait répandu , dès le siècle
précédent, la màne fiction d'une ci-
té de mouches, et de leurs combats
avec les fourmis. V — g — r.
FIN DU QUAHANTE-UUITIEME VOLUME.
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